Soirée mensuelle du 20 février 2025 animée par MBaï-Hadji MBaïrewaye
Je remercie MBaï pour sa disponibilité puisque nous avons décalé la présentation d’une semaine en raison de la tempête de neige. YC
Bonjour, je m’appelle MBaï et je viens du Tchad. Je m’implique principalement auprès de la communauté africaine de Québec. Je ne suis pas un spécialiste, mais je m’intéresse à l’histoire des grands leaders noirs. Je suis impliqué à l’église St-Roch et St-Sauveur avec Paul-Yvon et le MTC. Nous avons cheminé un peu avec Québec, la Ville que nous voulons, j’ai aussi fait un peu de politique municipale et je me suis impliqué sur le conseil d’administration de l’Engrenage Saint-Roch. Cela me fait plaisir d’être ici ce soir et de vous retrouver puisque je connais pas mal de monde ici, de retrouver des amis du milieu communautaire et militant. C’est la seconde fois que je fais une présentation au CAPMO, il y a trois ou quatre ans, j’étais venu vous parler de Thomas Sankara du Burkina Faso.
Le COPAQ (confédération des personnes africaines de Québec) vient de faire deux présentations d’un film sur Sankara au Grand Théâtre de Québec où il y avait une centaine de personnes. Lui qui était considéré comme le Che Guevara africain, personne ne pensait qu’on allait le présenter au Grand Théâtre un jour. Nous avons aussi fait une projection à la Maison des Jeunes de Saint-Sauveur, l’Ouvre-boîte. Il y avait une trentaine de jeunes très allumés. Ils sont tombés en amour avec Thomas Sankara. On a discuté pendant 45 minutes après le film. Aujourd’hui, on va parler de Martin Luther King. J’ai accepté de le faire parce que je trouve que l’image que les médias nous envoie de lui est pour le moins aseptisée.
Souvent, quand on milite contre le racisme, on nous oppose Martin Luther King et son discours : « I have a dream ». « Vous divisez les gens alors que Luther King rêvait d’unir les Blancs et les Noirs. » Alors, ils travestissent complètement son discours. Ce soir, j’aimerais revenir sur la vraie pensée de Martin Luther King, pas sur ce que les gens disent de lui, mais sur ce que lui-même a dit. Donc, je me suis replongé dans ses discours, j’ai lu aussi ses biographies, et c’est assez loin de ce qu’on entend dire de lui. Je vais vous partager ce que j’ai retenu dans mon petit voyage dans l’univers de Martin Luther King.
Voici le plan de ma présentation:
1- Introduction: une brève biographie
2- L’aseptisation de la figure de MLK
3- Une pensée qui dérangeait et…dérange encore (la radicalité de sa pensée)
4- Du Noir le plus dangereux à l’Oncle Tom
5- Conclusion: Le rêve inachevé
Dans la mouvance noire, il existe deux courants de pensée, il y a les intégrationnistes qui veulent s’intégrer dans la suprématie blanche et parvenir à appartenir à sa bourgeoisie et les nationalistes qui promeuvent une certaine autonomie des communautés noires. Au départ, il est vrai que Luther King poursuivait l’intégration, mais devant les résistances de la société blanche, sa pensée a évolué avec le temps. Je voudrais vous montrer ici qu’il était aussi autonomiste, c’est-à-dire radical.
Ceux qu’on appelle les radicaux, ce sont les nationalistes comme Malcolm X, les Blank Panthers, le Black Power, en fait c’est toute la tradition noire aux États-Unis, de Frédérick Douglass jusqu’à Black lives matter. Matin Luther King est une exception à cet égard parce qu’il rejette la violence comme moyen. On va voir qu’à partir de 1964-1965, il va nettement évoluer vers la radicalité. Je vais le démontrer en partant des caractéristiques du mouvement nationaliste noir américain.
Pour moi, il est important que nous ayons, comme personnes noires, un bonne connaissance de la pensée de nos leaders historiques, parce que cette pensée fait l’objet de récupération par la pensée hégémonique blanche. Comme militant.e.s noir.e.s, nous devons avoir un récit et une mémoire des luttes qui ont été menées par nos prédécesseurs. Sinon, l’histoire officielle finit toujours par gommer les aspérités et la radicalité de cette pensée anti hégémonique.
Cette conférence se situe dans le Mois de l’histoire des Noirs qui se termine le 28 février.
1- Introduction: une brève biographie
-Martin Luther King Junior est né à Atlanta en Géorgie en 1929, dans une famille petite bourgeoise et engagée notamment pour le droit de vote des Noirs. Son père est pasteur et fils de pasteur dans l’Église Baptiste. En 1934, suite à un voyage en Allemagne, son père décide de changer le nom de sa famille pour Martin Luther en hommage au réformiste protestant allemand.
Dans le Sud des États-Unis, Matin Luther King vit une expérience du racisme où il est plus accentué que dans le Nord. À l’époque, les Noirs doivent baisser la tête lorsqu’ils croisent un Blanc sur la rue. Ils doivent être très polis et les appeler monsieur et madame. Il vivait aussi une expérience concrète en rapport avec la discrimination des places assises dans le bus où les personnes de couleur doivent s’assoir à l’arrière et céder leur place aux Blancs.
Il est témoin de la pauvreté des ghettos avoisinant Aubern Avenue où résident les membres de la bourgeoisie noire à Atlanta. On y trouve de nombreux avocats, médecins et commerçants noirs, etc. Dans les ghettos voisins, il côtoie la misère et il en a une expérience pratique à travers ses amis. À l’âge de dix ans, il décide d’aller travailler dans une usine pendant ses vacances scolaires. Son père ne voulait pas, mais il choisit de le faire de lui-même. Il y voit la discrimination contre les ouvriers noirs, mais aussi contre les ouvriers blancs qui sont pauvres également. Il prend alors conscience de la diversité des formes d’injustice. Pendant longtemps, il croyait que l’injustice n’était que raciale, mais là il découvre l’injustice sociale. Plus tard, il va intégrer la dimension sociale à la question du racisme aux États-Unis.
Tout comme son père et son grand-père, Luther King était membre du NAACP, la National Association for the Avancement of the Colored People. Après la Seconde Guerre mondiale, cette association est la plus importante aux États-Unis et regroupe la majorité des personnes noires. Fondée en 1900, par William Edward Burghardt Du Bois qui est le père de la sociologie américaine. C’est le premier Noir a obtenir un doctorat. Il est communiste et, sous le Maccartisme, il est expulsé des États-Unis et il meurt en exil au Ghana en 1963. C’était la seule organisation qui défendait les droits des Noirs et leur stratégie était d’aller devant les tribunaux pour faire valoir leurs droits alors que le Mouvement des droits civique, fondé un demi-siècle après, préférait l’action directe. Après la Deuxième guerre mondiale, un million d’hommes et de femmes noirs sont rentrées aux États-Unis, dont la moitié était membre de la NAACP.
Influences intellectuelles: évangélisme social, personnalisme, philosophie de la désobéissance civile (Henry David Thoreau), philosophie de la non-violence (Ghandi), socialisme chrétien, etc.
L’évangélisme social est propre aux Églises du Sud des États-Unis de l’époque. Les Églises sont le centre des communautés noires aux États-Unis, Luther King prêche non seulement la foi, mais aussi sur les questions sociales et la lutte à la pauvreté. Le pasteur est d’abord et avant tout un leader communautaire. Son grand-père était très connu dans le Sud des États-Unis et son père a manifesté pour le droit de vote des Noirs. Donc, il est né dans une famille très militante.
Matin Luther King a aussi été influencé par le personnalisme chrétien du Français Emmanuel Mounier. La philosophie de la désobéissance civile d’Henry David Thoreau l’a beaucoup marquée, de même que la philosophie de la non-violente de Gandhi qu’il a découverte à son entrée à l’université. Il va étudier à Atlanta et après, il va aller à Boston où il obtient son doctorat.
Il faut dire qu’à partir des années 1920, il y a beaucoup d’intellectuels noirs qui se sont convertis à la non-violence, certains même sont allés en Inde. C’est moins le cas dans le milieu militant. Entre les deux guerres, il y a une radicalité aux États-Unis, on retrouve beaucoup de communistes noirs. En 1939, il y aura une rupture en raison du pacte de non agression entre Hitler et Staline. Néanmoins, il demeure une base très radicale communiste et socialiste aux États-Unis dans le milieu noir.
Il y a le socialisme chrétien qui a aussi influencé Martin Luther King, le versant théorique de l’Évangélisme social aux États-Unis. Il connaissait aussi parfaitement le travail du pionnier de l’Évangile social Walter Rauschenbush et du théologien Reinhold Niebuhr. Il reçoit beaucoup d’influences comme celles-ci au cours de sa formation en théologie et on va les retrouver dans son engagement militant. À l’âge de 25 ans, il est nommé à Montgomery pour être pasteur à l’église de Dexter d’où tout va partir en 1955.
Dans sa vie, il y a de nombreux hasards. C’est un hasard qu’on l’ait nommé porte-parole du mouvement des droits civiques. Ce n’est pas lui qui l’a demandé. Au départ, chaque ville s’organisait et le mouvement n’était pas fédéré, il fut donc nommé porte-parole du Mouvement pour l’amélioration des conditions de vie des Noirs de Montgomery.
Maintenant, nous allons voir comment la pensée dominante a aseptisé la figure de Martin Luther King selon quatre types.
2- Aseptisation de la figure de MLK
Selon Thomas J. Sugrue, « Restoring king », Jacobin, 2016
– Un King commémoratif
Aux États-Unis seulement on compte 6 monuments et mémoriaux, 4 immeubles publics, 19 statues, et ailleurs dans le monde, 11 monuments et statues, en France, en Inde, en Suède, en Afrique du Sud, au Japon, en Israël, etc. On ne compte plus les rues et les avenues.
Le troisième lundi de janvier est un jour férié aux États-Unis, promulgué par Ronald Reagan, pour commémorer la mort de Martin Luther King (MLK) et promouvoir l’engagement civique des citoyens. Le problème c’est qu’après on oublie sa pensée. C’est un peu comme si sa figure était figée dans des monuments. C’est un journée de service civique, c’est comme une journée de bénévolat pour nettoyer les espaces publics. Cela aurait été bien d’en faire une journée de réflexion. On prend une idée de Martin Luther King et on discute de son actualité.
– Le King thérapeute
MLK serait la conscience des États-Unis qui les invite à rester fidèles à leur « credo » d’égalité et d’opportunités, c’est Obama qui a dit cela. Cela soulage les Américains de leurs mauvaises actions à travers le monde. Il est peut-être la conscience des États-Unis, mais qu’est-ce qu’on en fait ?
Les libéraux blancs ont loué MLK comme une voix de la modération : ils espéraient qu’il endigue la colère noire. Les progressistes blancs vont s’attacher à lui en raison de sa non-violence qui apparait moins radicale que les autres leaders noirs de l’époque. Parmi tous les leaders noirs, MLK disait qu’il fallait recréer une nouvelle Amérique avec les Blancs. C’est l’image la plus répandue aujourd’hui. On va même l’opposé aux militants anti-racistes d’aujourd’hui.
– Le King conservateur
Le «colorblindess » et l’anti antiracisme
« Je rêve que mes quatre jeunes enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés pour la couleur de leur peau, mais à la mesure de leur caractère.»
Traduction: Se tenir la main et unir nos voix, tous ensemble, ébènes et ivoires, dans la plus parfaite harmonie.—On utilise cette image pour cacher les vraies inégalité raciales et sociales que nous vivons aujourd’hui. D’autres utilisent MLK comme un prophète de l’individualisme méritocratique contre les politiques d’« affirmative action ». (discrimination positive)
C’est une perversion de la pensée de MLK. Rappelons que ces politiques d’équité ont plus profité aux femmes blanches et aux immigrants qu’aux personnes noires. Les femmes blanches ont beaucoup profité des avancées réalisées par le Mouvement des droits civiques.
—Le King marchandise
Dans la plus pure tradition américaine, Martin Luther King Jr est devenu un bien de consommation;
Business kitsch: aimants de frigos, couteaux à cran d’arrêt et le « I Have a Dream » pour des crèmes glacées;
Sa famille a vendu à Time Warner, pour plusieurs millions de dollars, les droits de ses discours, écrits et autres enregistrements.
Il y a une business Martin Luther King aujourd’hui aux États-Unis.
Ce sont les quatre figures les plus répandues qu’on voit aujourd’hui. C’est ce qu’on véhicule dans l’opinion publique parce que cela dérange moins. Alors, qu’en réalité, sa pensée est dérangeante lorsqu’on prend le temps de s’y attarder.
3- Une figure radicale…..
Comme il l’a exprimé dans sa célèbre lettre écrite dans la prison de Birmingham, adressée aux pasteurs blancs : « Aussi la question n’est pas de savoir si nous voulons être des extrémistes (radicaux), mais de savoir quelle sorte d’extrémistes nous voulons être. » Lui-même déjà se considérait comme radical.
MLK, le prophète: « Amérique, tu dois naître de nouveau! »
Quand il dit : intégrationniste, il veut dire qu’il faut dépasser l’Amérique actuelle pour en créer une nouvelle où tous devraient vivre ensemble. C’est plus radicale que la simple assimilation. Ça, les gens ne l’ont pas bien compris.
Le 16 août 1967, il effectue une critique radicale des États-Unis en disant qu’ils sont fondés sur deux choses : le racisme et les inégalité sociales et économiques.
* « Des bonnes choses de la vie, le Noir a la moitié du Blanc. Des mauvaises, il en a le double. »
* Il dénonce le génocide culturel des Noirs : ignorance de leur contribution à la vie du pays.
« Le prix que l’Amérique doit payer pour l’oppression des Noirs est le prix de sa propre destruction. » Dire cela, c’est être radical.
* Il dénonce le capitalisme, un système qui produit des mendiants selon ses propres mots.
* Il réclamait l’instauration d’un revenu annuel garanti: « John Kenneth Galbraith a déclaré qu’il en couterait 20 milliards de dollars par an. (… ) Si notre nation peut dépenser 35 milliards de dollars par an pour livrer une guerre injuste et mauvaise au Vietnam, et 20 milliards de dollars pour envoyer un homme sur la lune, elle peut dépenser des milliards pour remettre sur pied les enfants du Bon Dieu, ici même, sur Terre. » (Les chiffres sont de l’époque.) Il dénonce le militarisme des États-Unis et propose un revenu minimum garanti pour tout le monde en démontrant la faisabilité de cette politique.
* Une autre mesure qu’il propose pour combattre la pauvreté, c’est de créer le plein emploi en inventant de nouvelles formes de travail qui améliorent la condition humaine. Il était conscient que les travailleurs à faible revenu vivaient une forme d’injustice sociale. Au cours de ses nombreux voyages à travers les États-Unis, il constate que, souvent dans les hôpitaux et les gens qui font le ménage, sont soumis à des formes de travail dégradant qui doivent être remédiées. Pour lui, il est possible de créer des emplois qui garantissent la dignité des travailleurs. Non seulement il faut créer de l’emploi, mais des emplois dignes. C’est l’exemple de l’un des discours radicaux que tenait Martin Luther King vers la fin de sa vie et qui va lui aliéner totalement le support du président Johnson. Il était radical parce qu’il prônait une renaissance des États-Unis qui surmonterait le racisme, le capitalisme et les inégalités sociale.
* Question : Sa voix portait haut et fort, lorsqu’il disait quelque chose, cela sortait dans les médias ?
* Cela dérangeait les establishments lorsqu’il disait des choses comme ça. Nous sommes en 1967, la loi sur les droits civiques a été votée en 1964 et celle sur le droit de vote des personnes de couleur en 1965. MLK était très proche du président Johnson qui a succédé à John F. Kennedy après son assassinat. Ils s’appréciaient mutuellement. Quand il a dit des choses aussi critiques sur le système, il y a eu une rupture avec Johnson et les élites blanches. Évidemment du côté de la population noire, MLK avait une stature indéniable. C’est alors que le FBI va commencer à le traiter d’anti-américain.
* Question : Au fond, la radicalité c’est dire la vérité ?
* Évidemment, pour renverser le statu quo, il faut dire les choses telles qu’elles sont. MLK remettait en cause les fondements du capitalisme qui est basé sur les inégalités. Il touche à la racine même du problème et il remet en cause le système dominant.
* Commentaire : Nous baignons tous dans une idéologie. À l’époque, aux États-Unis, les impôts sur les sociétés étaient beaucoup plus élevés, c’était avant la vague néolibérale et aujourd’hui, contester les postulats du néolibéralisme, c’est comme contester des vérités scientifiques.
– MLK, le socialiste
Il n’est pas communiste parce qu’il n’aime pas le relativisme des valeurs qui enseigne que tous les moyens sont bons pour atteindre les fins et, le matérialisme athée. Le mérite qu’il reconnait aux communistes, c’est qu’ils se battent pour la justice sociale. MLK ne s’est jamais déclaré communiste, même si le FBI le considérait comme tel. (Les nuances ne sont pas leur force.) Comme on sortait du Maccartisme, il a toujours fait attention à ne pas s’afficher comme socialiste, mais à partir de 1965, il va s’affirmer comme tel.
Très tôt, il a intégré la domination sociale dans sa lecture du racisme; Il prône une révolution sociétale:
« Les États-Unis doivent passer d’une société axée sur les choses à une société axée sur les personnes »;
Il promeut une guerre contre la pauvreté qu’il va comparer à la croisade contre l’esclavage (F. Douglass) et à la croisade contre le lynchage (Ida B. Wells-Barnett);
Il croit sincèrement qu’on peut éradiquer la pauvreté parce qu’on a éradiqué l’esclavage aux États-Unis. Pour lui: « La pauvreté est la forme la plus barbare de la tyrannie qui doit être bannie de la Terre. » Comme chrétien, il n’accepte pas que les enfants de Dieu, créés à son image, puisse souffrir de la faim, de la soif, etc. Il faut éliminer la précarité, la question des travailleurs pauvres, pour qu’ils aient une vie digne.
« L’Amérique ira en enfer si elle n’utilise pas sa richesse pour éliminer la pauvreté. »
L’alliance avec les syndicats et soutien à la syndicalisation :
MLK a toujours été un fervent défenseur des syndicats. Ce qu’on oublie c’est que ce sont eux qui ont financé le Mouvement des droits civiques. Ils avaient besoin de millions de dollars pour être présents partout aux États-Unis, organiser des manifestations et payer les contraventions des militants lorsqu’ils se faisaient arrêtés par la police. MLK est une figure morale et militante, mais il voyageait beaucoup pour ramasser des fonds pour la cause auprès des syndicats et des acteurs à Hollywood. Quand il meurt à Memphis en 1968, il était allé là pour soutenir une grève des éboueurs noirs qui voulaient se syndiquer comme les éboueurs blancs.
« Les Noirs sont un peuple de travailleurs, nos besoins sont donc ceux des syndicalistes: des salaires décents, des conditions de travail justes, des logements vivables, une retraite, des assurances santé et une protection sociale, des conditions qui permettent d’élever une famille, d’obtenir une bonne éducation pour nos enfants et le respect de la communauté. Voilà pourquoi les casseurs de syndicats et les casseurs de Noirs sont toujours une seule et même créature à deux têtes. » MLK
Il était aussi proche des syndicats des travailleurs automobiles à Détroit.
– MLK, l’Africain
Pour le Dr King, il y a une corrélation évidente entre la lutte de libération de l’Afrique et la lutte de libération des Noirs en Amérique. Il était présent comme invité d’honneur aux cérémonies du premier pays africain à acquérir son indépendance, le Ghana.
Il dit: « Je crois que, dans tous les cas possibles, les Africains devraient utiliser l’influence de leurs gouvernements pour manifester clairement que le combat de leurs frères aux États-Unis fait partie d’une lutte à l’échelle mondiale. (…) Ce qui se passe à Johannesburg affecte Birmingham, pour indirecte que soit la relation. Nous sommes les descendants d’Africains. Notre héritage est l’Afrique. Nous ne devrions jamais chercher à rompre ce lien, et les Africains non plus. »
Dans la tradition radicale noire, MLK n’est pas le premier nom qui nous vient à l’esprit lorsqu’on parle du panafricanisme. Ce mouvement prône l’unité entre la diaspora noire et l’Afrique. La plupart des leaders noirs aux États-Unis vont se revendiquer de ce courant: Frédérick Dubois, Malcom X, le Black Power, etc. D’ailleurs, certains vont mourir en Afrique.
L’Afrique comme continent fait face aux mêmes enjeux que les Noirs aux États-Unis: pauvreté, santé, éducation, libertés démocratiques, développement économique, destruction de l’environnement, etc. L’esclavage et le colonialisme sont une seule et même chose. C’est le même système économique qui nous opprime, nous faisons face à la même domination, à la même spoliation, à la même négation des droits. C’est pour cela qu’il dit que ce qui se passe à Johannesburg, c’est ce que nous vivons à Birmingham (L’apartheid américain). Les trois laboratoires du racisme antinoir dans le monde sont le Brésil, les États-Unis et l’Afrique du Sud. Bien sûr, il y a des divergences entre les Noirs américains et les Africains, mais il y a une convergence d’intérêts en ce sens que les oppression que nous vivons sont semblables et nos oppresseurs sont les mêmes. La question fondamentale n’est pas les différences ethniques, mais la domination impérialiste. Tout le monde y est confronté, peu importe le pays, on fait face au même système capitaliste.
L’histoire de l’Afrique ne commence pas avec la colonisation européenne. Notre histoire n’était pas écrite, elle se transmettait oralement de génération et génération. L’une des entreprises coloniales, c’est l’éradication de l’histoire du peuple conquis. Si tu veux dominer un peuple, efface son histoire. Un chercheur américain a écrit sur le système esclavagiste. « L’une des manières de soumettre les esclaves, consistait à leur dire que l’Afrique n’avait pas d’histoire et que leurs ancêtres n’avaient rien construit. » C’était une manière de les soumettre. Le dénigrement de l’Afrique, provient du discours esclavagiste et colonialiste.
C’est pour cela qu’a été créé le Mois de l’histoire des Noirs, pour montrer au monde l’apport des Noirs à nos sociétés. Un penseur congolais écrivait : « Sans l’Afrique, la diaspora noire perd son lien avec l’histoire, et sans la diaspora, l’Afrique perd sa présence au monde. » L’esclavage a aussi été un transfert de technologie de l’Afrique vers les Amériques parce que les Africains sont arrivés avec des savoir-faire qu’ils ont transmis par leur travail, leur nourriture, leur spiritualité et leur culture, l’agriculture et la construction des maisons. Cela a permis le développement des États-Unis, et de nombreux autres pays des Amériques.
– MKL, l’internationaliste
« On ne lutte pas seulement pour les Noirs, mais pour tous les damnés de la terre », Franz Fanon. C’est pourquoi, un militant noir doit soutenir les Palestiniens, les autochtones, tous les peuples opprimés et les plus pauvres. Dans la tradition radicale noire, tous ceux et celles qui voient leur dignité dégradée doivent attiré l’attention du militant noir et Martin Luther King est de ceux-là. C’est pourquoi, il veut internationaliser le mouvement des droits civiques et cela fait beaucoup peur à Washington.
Il dénonce l’arrogance de l’Occident qui croit devoir tout apprendre aux autres sans rien apprendre d’eux et il prône l’interdépendance entre les peuples de la Terre : « Nous sommes les débiteurs de personnes connues et inconnues. »
Il dénonce le colonialisme: « Nous en Occident devrons savoir que si les pays du Sud sont pauvres, c’est parce que nous les avons exploités politiquement et économiquement. » Ce n’est pas parce qu’ils sont culturellement inférieurs.
Il réclame une « guerre mondiale contre la pauvreté »: un plan Marshal pour l’Afrique, l’Asie et l’Amérique du Sud, non par compassion, mais par obligation morale:
« Si l’homme est créé à l’image de Dieu, on ne peut accepter qu’il souffre de la faim, de la maladie, de la soif (…) » C’est une remise en cause totale de l’ordre mondial tel qu’il existe. Il a dit ça en 1965-1966.
– MLK, l’anti-impérialiste (antimilitariste)
« Un temps pour rompre le silence », 4 avril 1967, (le discours contre la guerre au Vietnam: « Il vient un temps ou le silence est trahison. »
Dès 1964, il demandait l’arrêt des bombardements sur le Vietnam. En 1965, un étudiant l’avait interpelé en Géorgie pour qu’il dénonce la guerre. MLK avait demandé au gouvernement américain : « Comment prétendez-vous défendre la liberté au Vietnam alors que vous ne la respectez même pas ici? » Toutefois, sachant que cette prise de position contre la guerre au Vietnam pouvait coûter au Mouvement des droits civiques, il hésitait à se prononcer publiquement avant 1967.
La Conférence des pasteurs noirs du Sud des États-Unis ne l’appuiera pas dans cette prise de position contre la guerre. D’ailleurs la plupart de ses conseillers lui disaient de ne pas prendre position contre la guerre. Malgré tout cela, pour une question de principes, MLK va le faire.
Pourquoi être contre la guerre du Viêtnam:
–Lien entre impérialisme et pauvreté aux États-Unis; l’argent qu’on devrait utiliser pour lutter contre la pauvreté, on l’’utilise pour faire la guerre ailleurs.
–Manipulation des pauvres: Il s’oppose à cette manipulation qui dit aux jeunes Noirs d’aller combattre pour la démocratie et la liberté au Vietnam, droits qu’ils n’ont mêmes pas aux États-Unis. N’oublions pas que ce sont les pauvres qui sont recrutés pour aller à la guerre.
–Cohérence morale: « Je ne peux pas dénoncer la violence dans les ghettos sans dénoncer la plus grande source de violence au monde qu’est le gouvernement des É-U »; Quand il va dans les ghettos, il dit aux jeunes : « On n’obtient aucun changement durable par la violence. » Les jeunes lui répondent : « D’accord, mais les États-Unis vont faire la guerre partout dans le monde, pourquoi tu ne te prononces pas contre la guerre ? »
–La devise de la Conférence des pasteurs du Sud est « Sauver l’âme de l’Amérique ». « Or, cette âme ne peut être sauvée si les É-U détruisent les espoirs des autres peuples », dit Luther King;
–L’engagement comme ministre du Christ fait de lui un messager de la paix , pour « la grande fraternité des hommes » et il la place au-dessus des allégeances nationales; Son message va au-delà du nationalisme guerrier américain puisque l’amour du Christ est universel.
– « La vocation de l’amour filial et fraternel se situe au-delà de l’appel de la race, de la Nation et de la religion. Je ne vais pas m’associer à toutes les décisions de mon gouvernement uniquement parce que je suis Américain. Je m’associe à mes frères et sœurs vietnamiens parce qu’ils vivent une situation injuste. »
Il était pour l’arrêt des bombardements, l’ouverture de négociations de paix, mais aussi la réparation des dommages causés. Il a demandé que les États-Unis paient les Vietnamiens pour les destructions qu’ils avaient causées. Là, ça a été son arrêt de mort, il est devenu l’ennemi de l’État profond. Dans ce discours, il appelle aussi à un véritable multilatéralisme et au soutien aux mouvements de libération en Asie, en Afrique et en Amérique latine. C’est l’un des discours les plus radicaux qu’il a prononcé un an avant sa mort. À partir de ce moment, il rompt avec le président Johnson. De même, les élites noires du pays vont l’abandonner à partir de ce discours. Il s’est isolé à cause de cela.
À part les étudiants, la plupart des pasteurs du Sud vont l’abandonner, de même que plusieurs de ses proches conseillers. MLK savait les conséquences que ce discours allait produire, mais pour une question de principes, il l’a prononcé quand même. Il n’a pas agi par stratégie, mais pour demeurer fidèle à ses principes, peu importe l’adversité à laquelle il faisait face. (Ce qui le place au-dessus de l’histoire américaine).
MLK et le suicide de classe
Il est contre l’élitisme noire: Une élite noire désormais parvenue à trouver sa place dans la société américaine se sent désormais « plus à l’aise avec l’élite blanche qu’avec ses frères du ghetto ».
Les gens qui étaient les plus opposés à MLK, c’était l’élite noire parce qu’ils exploitaient les plus pauvres. Le maire de Chicago utilisait les fonds fédéraux pour combattre la pauvreté, pour corrompre les élites noires et permettre la destruction des ghettos pour construire des édifices pour loger les élites économiques. C’est pourquoi MLK va dénoncer les élites noires qui profitent du système en place et qui ne sentent pas solidaires de leurs frères noirs dans les ghettos.
Il a traduit en acte avant l’heure, le suicide de classe que propose Amilcar Cabral aux classes moyennes et petites bourgeoises africaines comme condition de succès de la révolution africaine. Il faut s’unir aux classes paysannes et ouvrières. MLK a toujours vécu humblement, il versait son salaire de pasteur au Mouvement des droits civiques. L’argent reçu pour son prix Nobel de la paix, il l’offre au mouvement. Lorsqu’il va habiter à Chicago en 1964, il choisit de vivre parmi les pauvres dans un appartement délabré d’un ghetto où chaque matin, il croise les chefs de gang et il leur parle. Ceux-ci lui vouaient un grand respect, c’était une figure que tout le monde respectait. MLK disait vouloir expérimenter ce que les personnes noires vivaient dans les ghettos. Tout bourgeois et intellectuel qu’il fut, il s’est abaissé au niveau des classes populaires, qui l’ont adopté, pour réaliser la révolution de l’amour en vue d’une « community beloved » (communauté des bien-aimés) qu’il appelle de ses vœux.
En 1955, quand ils ont lancé le boycott des bus à Montgomery, rappelons que le mouvement a été inauguré par des femmes noires et Rosa Park va devenir la figure du mouvement. Après son arrestation, elle devait passer au tribunal et payer une amende, il fallait trouver un porte-parole, quelqu’un qui pouvait bien articuler ses idées pour convaincre les Blancs, tout en étant compris par la population noire. Donc instruit, mais compréhensible, pas trop intellectuel non plus. Finalement, ce sont les femmes qui ont proposé le nom d’un jeune pasteur, Martin Luther King, parce qu’il s’exprimait bien et qu’il savait toucher le cœur des gens lorsqu’il prêchait dans son église. Il était aimé parce qu’ils comprenaient ce qu’il disait.
– MLK, l’autonomiste
Le mouvement radical noir est un mouvement autonomiste, ils veulent créer des institutions autonomes pour s’occuper des Noirs. Ils ne souhaitent pas s’intégrer aux États-Unis blancs, de toute façon, ils en sont exclus. Souvent, on va reprocher à MLK de ne pas être autonomiste, alors que vers ses dernières années, autour de 1967 et 1968, il va clairement affirmer sa position autonomiste. Pourquoi ? À Chicago, il s’est rendu compte que l’exclusion raciale était aussi une exclusion socio-économique. Alors, qui va s’opposer à lui ? Ce sont les progressistes blancs qui le soutenaient dans se campagnes pour les droits civiques, mais pas pour l’égalité économique. Ils craignent que cela leur coûte de l’argent. « Quand je touche à leur poche, ils ne me soutiennent plus. »
Déception à l’égard de la tiédeur des blancs progressistes (La lettre de la prison de Birmingham).
Il prône un séparatisme ponctuel (autonomie) en attendant la Terre Promise (la Nouvelle Amérique):
« Il nous faut renforcer les établissements noirs. Il nous faut un mouvement en faveur d’une « banque-à-nous » à Memphis. Il en va de même pour les caisses d’épargne et de crédit.
« Vous avez six ou sept compagnies d’assurances qui appartiennent à des Noirs à Memphis, assurez-vous auprès d’elles. Il nous faut des « assurances-à-nous ».
« Nous entamons un processus: l’édification d’une plus vaste base économique. Et en même temps, nous exerçons une pression là ou ça fait mal. »
« Si on ne nous permet pas d’intégrer des entreprises blanches, on va créer nos propres entreprises. »
« Si on prend la communauté noire dans son ensemble aux États-Unis, son poids économique correspond peut-être au septième pays le plus riche dans le monde. »
- Une figure qui dérange
Quand MLK dérangeait le pouvoir blanc: « Le Noir le plus dangereux des États-Unis. »
-Il y a eu 30 attentats contre la vie de MLK
-La politique diffamatoire du FBI qui le traite de communiste et d’anti-américain.
-La mise sous écoute téléphonique de son domicile et des bureaux de la Conférence des Pasteurs du Sud.
-Counter Intelligence Program, CONINTELPRO (1956-1971): surveiller et infiltrer les organisations noires, féministes, écologistes, communistes, antimilitaristes, etc. Ses activités vont jusqu’à l’assassinat de leaders noirs, dont, on suppose, Martin Luther King.
– En 1999, un tribunal civil de Memphis a conclu que MLK a bel et bien été victime d’une conspiration impliquant peut-être le gouvernement américain.
Le mouvement des droits civiques n’a pas échoué. Le gouvernement des États-Unis lui a fait la guerre et ils les ont éradiqués. Ils ont même fait pression sur les acteurs de cinéma à Hollywood pour qu’ils cessent de leur apporter leur soutien financier. Il y avait une contre-révolution organisée par le gouvernement américain. Il dérangeait clairement le pouvoir blanc. Toutefois, les idée de MLK dérangeait également les mouvements noirs.
Quand MLK dérangeait le nationalisme noir: Question de méthode
Martin Luther King n’a jamais dérogé de la non-violence. « On ne peut pas faire advenir un gouvernement démocratique et pacifique avec la violence. » Rappelons qu’il va se faire arrêter volontairement à de nombreuses reprises pour faire valoir son point de vue. Cette stratégie consiste à obliger les autorités à commettre des erreurs en les amenant dans leurs contradictions. À ces yeux, le vengeance ou la violence serait une erreur stratégique puisque les autorités n’attendent que cela pour réprimer le mouvement dans le sang.
Inspirée de Gandhi, la non-violence selon Martin Luther King:
–La non-violence n’est ni une approche lâche ni une approche pour les lâches. « S’il n’y a pas d’autres alternatives entre la lâcheté et la violence, il vaut mieux choisir la violence » (légitime défense).
–La non-violence ne cherche pas à défaire ou à humilier l’adversaire mais à gagner son amitié.
–La non-violence est dirigée contre les mauvaises actions et non contre les personnes qui font les mauvaises actions. (Dans son cœur, il ne nourrit pas la haine du Blanc.)
–La non-violence requiert d’endurer la souffrance sans se venger. (C’est une condition pour qu’advienne le changement véritable selon lui.)
–La non-violence est physique, mais aussi psychologique: refuser de haïr l’adversaire. La lutte pour la dignité des opprimés ne doit pas conduire à bafouer la dignité des oppresseurs.
–La non-violence est un amour agapè. Le vrai amour est l’amour pour son ennemi de qui on n’attend rien sinon l’hostilité et la persécution. Le Noir doit aimer le Blanc qui a besoin de l’amour pour évacuer ses peurs et ses insécurités qui le poussent à haïr.
Jamais les Noirs n’ont accepté cette dernière phrase, pour le Nationalisme noir américain, cela ne passe pas du tout. Même si on les oppose souvent Martin Luther King et Malcolm X poursuivent le même objectif : La dignité pour les Noirs américains et pour tous les Américains. C’est la méthode qui diverge, l’un prône l’auto-défense, l’autre la non-violence.
Black power ou l’autodéfense
« Il n’existe pas de révolution ou l’on tende la joue gauche. Une révolution non violente, ça n’existe pas. La seule espèce de révolution qui soit non-violente, c’est la révolution noire. » Malcolm X, 1963
Il dit à MLK que leur révolution est très mince, qu’elle ne consiste qu’à fréquenter les mêmes endroits que les Blancs. Malcolm X critique le Mouvement des droits civiques. « Non, nous devons avoir notre nation à nous, nos propres institutions, notre autonomie. »
« Pour ce qui est de la non-violence, il est criminel d’apprendre à un homme à ne pas se défendre lorsqu’il est constamment en butte à des agressions violentes. Il est légal et licite de détenir un fusil ou une carabine…Lorsque les nôtres sont mordus par des chiens, ils sont en droit d’abattre ces chiens. Nous devrons être pacifique et respecter la loi. Mais le temps est venu pour le Noir américain de recourir à l’auto-défense chaque fois qu’il est victime d’une agression injuste et illégale.» Malcolm X, 1964
C’est faut de dire que Malcolm X prône la violence, il prône l’auto-défense. Alors que MLK refuse de perpétuer le cycle de la violence: « Si nous voulons mettre un terme à la violence, il faut être non-violent et se gagner l’amitié de notre ennemi. »
C’est ce que j’appelle : Le radicalisme utopique de Martin Luther King. Mais il a échoué, tous les mouvements noirs qui ont suivi ont choisi l’autonomie. C’est pourquoi aujourd’hui, il existe aux États-Unis, des écoles noires autocentrées, des hôpitaux, des commerces, des banques, etc. C’est cette approche plus pragmatique qui a triomphé.
MLK n’a jamais possédé d’arme, mais le service d’ordre qui l’accompagnait pouvait être armé pour le protéger, sans qu’il n’ait son mot à dire là-dessus. Il était contre les armes à feu.
Commentaire : Nous savons que les drogues dures ont été introduites dans les ghettos noirs de Los Angeles par la CIA au début des années 1970 pour diviser le mouvement des Black Panthers qui n’était pas un groupe révolutionnaire armé comme il nous a été présenté, mais davantage un groupe de services à la population noire dans les quartiers pauvres des grandes villes américaines. Aujourd’hui, 1% de la population américaine est incarcérée, c’est le plus fort taux d’incarcération au monde, et de ce nombre, la grande majorité provient de ces quartiers abandonnés des pouvoirs publics. Qu’est-ce qu’on peut faire devant un État prêt à détruire sa société pour ne rien changer aux injustices sociales ? Connaissant la capacité de nuisance de l’État américain, je me demande si MLK n’avait pas raison ultimement. YC
Tout ce que nous connaissons aujourd’hui en termes de violence par armes à feu, d’inégalités, dans la société américaine, Martin Luther King le pressentait déjà. En ce sens, on peut dire qu’il avait vu l’avenir. Si on l’avait écouté, les choses auraient évoluées autrement. La solution pour les États-Unis, ce n’est pas que chacun possède une arme. Mais rappelons-nous, autant pour les Black Panthers que pour les Black Power, il s’agissait d’une violence défensive. À la fin de sa vie, Martin Luther King n’était plus écouté dans les ghettos, c’est le message des Nationalistes noires qui prédominait. Il constatait son échec: « On a lutté pour l’amélioration des conditions de vie de la population noire, mais à la fin c’est une petite élite noire qui en profite. Je pensais que je pouvais m’appuyez sur les progressistes blancs, ils m’ont trahi. Je pensais que le pouvoir blanc voulait le changement, mais il ne voulait que des changements partiels, il ne voulait pas s’attaquer à la racine des injustices.»
À la fin, il était lucide sur les limites de son combat.
Commentaire : Sur la question de la violence, j’ai comme l’impression que MLK n’aborde pas la question, que pour la population blanche qui profite de sa position dominante, son rêve d’égalité allait créer de la violence. Perdre ses privilèges, c’est une forme de violence. S’il a commis un suicide de classe, peut-être que son rêve exigeait la même chose de la population blanche? C’est violent de subir ce déclassement qui lui fera perdre ses privilèges et l’obligera à batailler comme tous les autres pour obtenir le nécessaire. Il se centre sur la violence physique, mais il existe d’autres formes de violence. Vanessa
Lors de la rencontre de Chicago, qui va être sa plus grande défaite, ses plus grands opposants, ce sont les Blancs des banlieues. Sa stratégie consistait à aller dans les ghettos pour faire pression sur les promoteurs pour qu’ils rénovent les maisons. Après, il décide d’aller dans les banlieues blanches pour leur dire d’accepter des logements pour les Noirs. Et il va faire le tour des banlieues de Chicago et il rencontre une violence inouïe. Les Blancs, dont la plupart était des immigrants européens, Allemands, Italiens, etc., vont l’agresser physiquement. Il a même failli être lynché. Les Blancs vont lancer des cocktails molotov sur eux, la police va intervenir pour le défendre. À partir de là, il a perdu la foi dans les progressistes blancs. Il ne croyait plus à leur sincérité. À ses yeux, ils ne voulaient accepter que les changements qui n’affectaient pas leurs privilèges. Oui, je crois que tu as raison, les classes moyennes blanches ont refusés de sacrifier leurs privilèges pour aider les autres communautés à sortir de la pauvreté.
Un grand merci MBaï pour cette présentation exceptionnelle.
Propos rapportés par Yves Carrier