#359 – 25 ans du Mouvement de la Marche mondiale des femmes

Bonjour, je m’appelle Marie-Hélène Fortier et je viens vous parles des 25 ans de la Marche mondiale des femmes. Celle-ci a débuté au Québec par la grande marche Du pain et des roses en mai et juin 1995. J’étais trop jeune pour y assister. Je vais vous parler de l’histoire de la Marche mondiale, qu’est-ce que c’est, qu’elles sont nos revendications et qu’est-ce qui s’en vient en termes d’activités.

Au départ, c’est la Fédération des femmes du Québec, dirigée  par Françoise David, qui avait initié cette action. La Marche du Pain et des Roses comptait trois contingents qui convergeaient vers Québec: L’un est parti de Rivière-du-Loup, l’autre de Longueuil et l’autre de Montréal. 800 Québécoises  ont marché pendant dix jours, sur une distance de 200 km. Cela demeure un très gros événement dans l’histoire du mouvement des femmes au Québec. Elles voyaient bien que pour lutter contre la pauvreté, ce n’était pas seulement des politiques du gouvernement qui allaient aider. Il y avait des joueurs pas mal plus gros dont certains étaient mondiaux et qu’il fallait les interpeler. La pauvreté ne se passe pas juste au Québec, il y en a partout. Elles avaient une définition très large de la pauvreté. Après le succès de cette marche, les militantes se sont dit : « On ne peut pas arrêter ça. » Nous nous sommes rendus compte que si nous voulions lutter contre la pauvreté il fallait le faire à l’échelle mondiale. En 1996-1997 , en utilisant nos réseaux de solidarité internationale avec l’AQOCI, elles ont décidé d’établir des contacts au niveau international pour voir ce que cela donnerait.

 

Du pain et des roses

Pendant 10 jours, plus de 800 Québécoises parties de Montréal, Longueuil et Rivière-du-Loup, ont convergé vers Québec pour présenter au gouvernement 9 revendications de lutte contre la pauvreté.

 

Revendications

* Une loi sur l’équité salariale

* Une hausse du salaire minimum

* La perception automatique des pensions alimentaires

* La réduction du temps de parrainage pour les femmes immigrantes par leur mari.

 

Gains

* Adoption d’une loi sur la perception automatique des pensions alimentaires

* Contribution de 225 millions de dollars sur 5 ans pour l’économie sociale

* Hausse du salaire minimum

* Mobilisation féministe sans précédent!!

Fin août 1995, une importante délégation du mouvement des femmes québécoises participe au Forum mondial des ONG sur les femmes à Beijing en Chine, forum parallèle de la IVe Conférence mondiale de l’ONU. C’est lors de cet événement marquant de solidarité internationale que des Québécoises ont lancé l’idée d’une marche mondiale des femmes. Des femmes de partout qui marcheraient pour dénoncer les politiques du Fonds monétaire international, pour exiger des pays membres de l’ONU des gestes concrets pour contrer la pauvreté des femmes.

La solidarité manifestée pendant la Marche du Pain et des Roses a inspiré la Marche mondiale des femmes qui se poursuit depuis en tant que projet international destiné à améliorer la vie des femmes du monde entier. Sauf que pour faire cela, il ne suffit pas de convenir d’un endroit et d’une date, il faut élaborer une plateforme de revendications communes et cela demande de longues négociations. L’idée c’est de s’unir à travers des discussions et de faire quelque chose ensemble.

 

1998

Première rencontre internationale de la Marche mondiale des femmes a lieu à Montréal et adoption de 17 revendications pour l’élimination de la pauvreté et de la violence envers les femmes.

Nous avons eu la 13ème rencontre l’année dernière. Il n’y en a pas une à chaque année parce que cela coûte cher. Les rencontres internationales sont comme de grosses assemblées générales et cela demande beaucoup de préparation. Il existe des coordinations nationales comme au Québec dans 65 pays. Il y en a beaucoup en Amérique latine, Moyen-Orient-Afrique du Nord, Afrique subsaharienne, Europe et Asie. Lors de la première rencontre internationale, les militantes se sont entendues sur des revendications et elles décident qu’en l’an 2000, partout où c’est possible, il y allait avoir une Marche mondiale des femmes. Elles décident aussi qu’une délégation irait porter les revendications au siège de l’ONU à New York.

Cette mobilisation se déroule dans un contexte de mondialisation des marchés, de désengagement de l’État et de la montée de la droite, du fondamentalisme et de l’antiféminisme.

 

2000 Marche mondiale des femmes à la grandeur de la planète

Slogan : « 2000 bonnes raisons de marcher! »

Début le 8 mars : Journée internationale des femmes
Fin le 17 octobre : Journée internationale pour l’éradication de la pauvreté

Début du travail de mobilisation locale pour l’internationale

Des comités de coordination et groupes de femmes  sont mis sur pied dans 161 pays. (C’est énorme !)

Plus de cinq millions de femmes marche à travers le monde.

Depuis 2000, la base de la MMF est constituée de Coordinations nationales dans plusieurs dizaines de pays, notamment au Québec, avec la Coordination du Québec pour la Marche mondiale des femmes (CQMMF).

 

2005

Propositions d’alternatives économiques, politiques, sociales et culturelles pour un autre monde.

Charte Mondiale des femmes pour l’humanité signée à travers 56 pays. Cette charte a été adoptée à Kigali au Rwanda en 2004. L’élaboration de cette charte a donnée lieux à de grosses discussions pour concilier les différentes perspectives culturelles.

Courtepointe de la solidarité qui a fait le tour de nombreux pays.

* J’étais présente et le fait de toucher à la charte c’était très émouvant car cela avait une signification importante pour l’humanité entière et pour le vécu des femmes à travers le monde.

Il y a quelque chose  de beau de se dire que ce tissu a voyagé autour du monde et qu’il nous permet de nous sentir connectées avec d’autres personnes, mais aussi avec un même projet de société pour la planète. Cette charte est disponible sur le site de Marche mondiale des femmes.

Charte des femmes pour l’humanité | Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (CQMMF)

Tristement, si on peut dire, la charte est encore beaucoup trop d’actualité car peu de problèmes ont été résolus.

* C’est certain qu’elle représente un idéal, un horizon vers lequel nous marchons.

Les revendications adoptées correspondent à ces deux critères :

* Populaire: à partir des réalités concrètes d’où jaillissent les alternatives;

* Transnational: Qui connecte des femmes du monde entier.

La Courtepointe a aussi représenté un grand projet collectif pour construire un symbole qui représente toutes les femmes du monde.

Chaque coordination nationale était invitée à fabriquer un carreau qui représentait les revendications locales. Elle existe encore, elle est présentement en Turquie, au Secrétariat international de la Marche mondiale des femmes. L’idée étant de ne pas centraliser les pouvoirs, le secrétariat change de pays à chaque 5 ans. Au début, il était à Montréal, puis au Mozambique, maintenant il est en Turquie. La courtepointe est lourde à déplacer, c’est assez volumineux.

Voici le morceau qui représente le Québec :

 

* Je me rappelle que lors des Forum social mondiaux ou régionaux, la Marche mondiale des femmes est toujours représentée.

C’est un mouvement qui est uni, mais qui fonctionne de manière indépendante dans chaque pays. Il y a cette autonomie dans les organisations. Ailleurs dans le monde, la Marche mondiale est souvent la seule organisation féministe présente dans un pays, ce qui n’est pas le cas au Québec où elle est composée des comités de condition féminine des organisations syndicales, des comités des femmes des organisations nationales mixtes, de groupes régionaux des femmes, etc.

La Marche, c’est aussi un mouvement qui est vivant, qui n’est pas seulement présent une fois aux 5 ans. L’idée c’est de porter un projet de société anticapitaliste, anticolonialisme et anti-patriarcat. À chaque 2 ou 3 ans, il y a une rencontre internationale pour prendre des décisions et échanger nos expériences respectives. La dernière a eu lieu en octobre 2023 en Turquie et la prochaine aura lieu en 2026.

Le Mouvement de la Marche mondiale des femmes est constitué d’organisations féministes de base représentant différent secteurs de la société civile. Il pratique l’éducation populaire féministe et ses pratiques sont orientées par les réalités vécues sur le terrain. Il est transnational, il exprime une solidarité féministe, il porte une compréhension commune des luttes contres les systèmes d’oppression. Il s’agit d’un mouvement qui entend faire face aux entreprises transnationales.

Les membres du Comité international sont des délégués de chacune des régions du monde. Il y a entre deux et trois délégués qui siègent au Comité international qui proviennent de chaque région. C’est elles qui ont le pouvoir décisionnel. À chaque mois, il y a une rencontre des Amériques pour décider des priorités qui seront ensuite amenées au Comité international. Après elles ramènent au régional les décisions prises au Comité international.

À chaque année, il y a une journée, le 24 avril, où l’on se mobilise contre les entreprises transnationales en souvenir de la tragédie du Raja Plaza au Bengladesh. On utilise cette journée pour dénoncer les entreprises transnationale qui sont les vraies responsables parce qu’ils mettent la pression sur la sous-traitance et aussi en raison de la pollution engendrer par leurs modes de production.

* Est-ce que le Canada anglais s’implique dans la Marche mondiale des femmes ?

Pas vraiment, ni les États-Unis d’ailleurs. Elles ont des groupes féministes, mais elles fonctionnent autrement qu’au Québec. C’est pour cela qu’à l’internationale nous disons que nous représentons le Québec et non pas le Canada.

 

2010: Tant que toutes les femmes ne son pas libres, nous serons en marche! (Rimouski)

* Travail et autonomie économique des femmes

* Bien commun

* Violence faite aux femmes

* Paix et démilitarisation

* Solidarité avec les femmes autochtones

 

2015: Libérons nos corps, notre Terre, nos territoires (Trois-Rivières)

Cette revendication provient des femmes autochtones du Guatemala. En 2015, j’étais dans un groupe de base et nous trouvions vraiment difficile de faire ces liens entre le corps des femmes et le territoire. Mais aujourd’hui, je vois comment cela nous a permis de nous éveiller à une nouvelle dimension de l’exploitation. Cela a aussi permis de créer des liens entre les groupes sociaux et les environnementaux et nous avons acquis une meilleure compréhension des causes communes. Nous avons réalisé que lutter contre le capitalisme et le patriarcat serait bénéfique pour toutes. Les organisations autochtones féministes au Québec ont saisi bien plus rapidement l’essence de cette thématique que les organisations allochtones. En Amérique latine, le mouvement des femmes est très représenté par les femmes autochtones. Cela permet qu’elles influencent positivement l’analyse.

Jusqu’en 2016, la CQMMF était sous le leadership de la Fédération des femmes du Québec.

La CQMMF s’est constituée en OSBL à l’automne 2018.

 

2020: Nous résistons pour vivre, nous marchons pour transformer (dans toutes les régions)

* Pauvreté

* Violence

* Justice climatique

* Femmes immigrantes

* Femmes autochtones

En raison de la pandémie, cela n’a pas été un franc succès.

Nos membres ont hâte à cette année, puisque cela fait dix ans qu’il n’a pas eu une vraie Marche mondiale des femmes.

 

2025

Le visuel s’inspire d’un tissu, ce qui représente qu’il faut tisser des liens de solidarité.

Être militante de la Marche mondiale des femmes c’est porter l’idée que nous sommes contre le capitalisme, le patriarcat, le racisme et le colonialisme extractiviste. C’est vraiment une compréhension des luttes et c’est aussi un mouvement de solidarité internationale. Quand on lutte contre la pauvreté ici, on le fait dans une perspective internationaliste qui ne désire pas seulement améliorer nos seules conditions de vie ici au Québec. Nous essayons d’être cohérentes avec le reste du monde puis c’est de cela qu’est née la Marche mondiale des femmes, en se disant que la mondialisation des marchés allait toutes nous opprimer. Alors, opposons à cela, une mondialisation des résistances, dans la mouvance du courant altermondialiste. L’idée était de construire un mouvement féministe altermondialiste.

Je dirais que la convergence est encore plus évidente avec ce que nous vivons présentement avec le néocapitaliste facho patriarcale, climatosceptique, militariste, raciste, transphobe, etc. Ils ne se cachent même plus.

Cela doit nous servir de tremplin pour nous mobiliser encore plus, faire converger nos luttes et changer le monde. C’est tellement déprimant que nous sommes toutes atterrées. Ce que j’entends lorsque je vais dans les groupes de femmes, c’est qu’elles ont hâte de se mobiliser pour la Marche mondiale des femmes. Cela nous permet de canaliser notre colère, mais aussi notre découragement. Nous ressentons le besoin de nous sentir unies ici et au niveau international. C’est nécessaire parce que la conjoncture est internationale. Je pense que nous n’avons jamais aussi bien senti que nous étions liées les unes aux autres.

 

Orientations

* Continuum de la violence envers les filles et les femmes

* Pauvreté qui représente la violence systémique

* Capitalisme responsable de la crise climatique et de l’effondrement de la biodiversité au détriment de la santé, de la vie et des prochaines générations.

 

Dénoncer le continuum de la violence envers les filles et les femmes

* Nous nous mobilisons contre toutes les formes de violence sexiste générées par le système patriarcal dont la forme ultime est le féminicide;

* Nous nous mobilisons contre les discriminations qui font violence aux femmes à la croisée des systèmes d’oppressions;

* Nous nous mobilisons contre l’industrie de la guerre et de l’armement en complicité avec les gouvernements qui amplifient les violences envers les femmes;

 

Dénoncer la pauvreté qui représente une violence systémique

* Nous nous mobilisons contre l’appauvrissement généré par la division sexuelle et genrée du travail de même que par la non-reconnaissance du travail invisible, ici comme ailleurs;

* Nous nous mobilisons contre tous les préjugés qui portent atteinte à la dignité des filles, des femmes et de toute personne;

* Nous nous mobilisons contre les choix politiques qui nuisent à la redistribution de la richesse et qui promeuvent la privatisation des services publics;

 

Dénoncer le capitalisme responsable de la crise climatique et de l’effondrement de la biodiversité au détriment de la santé et de la vie des populations et celles des prochaines générations.

* Nous nous mobilisons contre le pouvoir des entreprises transnationales et nationales et leurs impacts négatifs sur le quotidien des femmes, sur la démocratie et l’environnement;

* Nous nous mobilisons contre les choix d’actions gouvernementales pour la défense de la biodiversité et du climat en connivence avec les intérêts des entreprises au détriment du bien commun.

 

Nous marcherons pour :

* Le droit des filles et des femmes de vivre en paix et en sécurité;

* Le droit des filles et des femmes de faire des choix libres et éclairés par elles-mêmes tout en respectant ces choix;

* Le droit à un revenu décent garantissant l’autonomie économique aux femmes pour vivre dans la dignité;

* Le droit à un accès gratuit et universel aux services publics de qualité, notamment en santé et services sociaux, et en éducation;

* Le droit de vivre dans un environnement sain et respectueux des humains, des communautés et de la biodiversité.

Nous marchons pour une société basée sur les valeurs féministes qui place l’économie au service du vivant.

Les cinq femmes de différentes couleurs, – bleu, vert, jaune, rouge et blanc—, qui marchent au centre de l’image représentent nos cinq revendications primordiales : la justice, la liberté, la solidarité, l’égalité et la paix.

Organiser un lancement ou une action collective dans votre propre région, afin de souligner l’importance de la Journée internationale des droits des femmes et de donner un élan à la 6ᵉ action de la MMF dans tout le Québec. Dans une conjoncture marquée par la montée de l’extrême droite, la remise en question des droits acquis et les crises internationales qui exacerbent les inégalités et les violences, notre mobilisation est plus essentielle que jamais.

La 6ᵉ action de la Marche mondiale des femmes est officiellement en marche!

Grâce à l’implication et la collaboration avec la Table de concertation des groupes de femmes de la Montérégie (TCGFM), nous débuterons cette année de mobilisation le 8 mars 2025 avec un grand lancement en Montérégie. Une région choisie en raison du triste record de féminicides qu’elle a connu ces dernières années. Ce choix reflète nos engagements envers la dénonciation des violences systémiques faites aux femmes et notre solidarité avec celles qui en sont les premières victimes.

Dates importantes à retenir :

8 mars : Lancement de la MMF

24 avril : Journée de solidarité féministe contre les entreprises transnationales

7 juin : 30e de la Marche du pain et des roses

4 octobre : Femmes et filles autochtones disparues et assassinées

17 et 18 octobre : Action de clôture de la MMF à Québec devant l’Assemblée nationale

Cette année au Québec, nous n’avons pas élaboré de revendications précises. On s’est dit allons y avec des orientations politiques et des orientations. On veut que les groupes se mobilisent et inscrivent leurs revendications, qu’ils les intègrent à l’intérieur de nos orientations. Alors on lutte contre la pauvreté, on lutte contre la violence, on lutte pour l’environnement. Nous sommes un mouvement qui travaille en concertation et ce n’est pas nous forcément qui avons les connaissances fines sur chaque dossier. Il y a des groupes qui ont l’expertise que nous n’avons pas pour fixer des cibles précises sur la hausse du salaire minimum par exemple.

La grande thématique au niveau international, on ne l’a pas retenue pour le Québec parce qu’on la trouvait trop longue et complexe. Nous avons plutôt choisi de retenir les idées qui étaient derrière. C’est : « Nous sommes en marche contre les guerres et le capitalisme, pour la souveraineté des peuples et le bien-vivre. » Alors, c’est plus long à retenir. L’idée était de s’enligner pour dénoncer le système capitaliste.  Il est important de mettre de l’avant la question des guerres, mais ce n’est pas quelque chose que nous aurions pensé au Québec parce qu’on ne le vit pas dans le quotidien. Ensuite, la question de la souveraineté des peuples, on parle ici des Palestiniens et des Ukrainiens. L’autre idée était de se libéré des entreprises transnationales qui influencent beaucoup les décisions des gouvernements.

C’était dans une conception très large de la souveraineté, incluant la souveraineté alimentaire.

* J’aurais deux questions. Concernant la Charte mondiale des femmes, est-ce que les Nations unies l’ont intégrée dans leur plateforme ? Et ensuite, considérant la Commission d’enquête sur l’assassinat et la disparition des femmes autochtones au Canada, est-ce que cela a eu un effet sur vos revendications ?

Pour ce qui concerne la Charte aux Nations unies, je ne sais pas. Pour la deuxième question, au départ la Marche mondiale était sous la direction de la Fédération des femmes du Québec. En 2010, il y a eu un pacte d’amitié avec les femmes autochtones du Québec. Cela s’est poursuivi dans nos revendications et en 2020, la Marche a été entièrement consacrée aux femmes autochtones. On voyait dans les photos que c’est elles qui ouvraient la Marche.

En 2025, nous n’avons pas voulu faire des revendications par thématique, nous avons voulu que cela soit transversal, mais l’une des trois porte-paroles est une femme autochtone. Nous sommes en contact avec l’organisation Femmes autochtones du Québec et elles ont un siège réservé dans nos réunions. On cherchait à avoir des orientations plus larges, mais cela peut mener à oublier les spécificités de certaines revendications.

* En Occident, on remarque la montée des discours haineux contre les femmes. Il y a l’émergence des groupes d’extrême-droite, des antiféministes, des anti-avortement, etc. Au Québec, la violence contre les femmes est en augmentation, à cause de la pandémie, mais aussi de la présence de discours de droite. Tout cela est à l’encontre du mouvement des femmes, même si ici elles ont plus d’autonomie qu’ailleurs. Mais nous sommes dans un moment où ces discours d’extrême-droite sont en train de monter. C’est rendu banal d’entendre de tels discours dans les médias. Comment est-ce que vous vivez cette dynamique ? La guerre est une façon d’imposer un système patriarcal. Cela fonctionne en réseau. Même si la Canada se dit un pays pacifique, nous fabriquons des armes que nous vendons à des pays en guerre. À la fin du mois de mai, il va y avoir un Forum social mondial des intersections à Montréal.

C’est depuis que je travaille à la coordination de la Marche mondiale des femmes que j’entends parler de la montée de l’extrême-droite. On dirait que dans d’autres organisations, c’était moins une préoccupations. C’est surtout grâce à mes discussions avec d’autres déléguées à l’internationale que j’ai réalisé cela. Maintenant, ce n’est plus: « Cela s’en vient », c’est « On est dedans ».

Nous espérons que cela soit une opportunité de convergence des luttes. À chaque rencontre internationale, quand on présente la conjoncture de chaque pays, cela fait partie de nos discussions. Avec l’élection de Trump aux États-Unis, c’est une personnification de toutes nos inquiétudes et cela devient le moteur de nos mobilisations. C’est aussi par cela que l’on se sent unies au reste du monde. Je ne peux pas parler au nom de toutes les organisations de femmes du Québec. Nous sommes aussi membre de la Coalition Urgence Palestine où nous sommes beaucoup impliquées. Comme MMF, on se positionne contre les guerres, mais dans les faits, je suis la seule salariée. En termes de délégation, c’est un défi organisationnel, c’est pas facile.

* Je viens de terminer un livre sur les sorcières. Elle associe beaucoup le phénomène de la chasse aux sorcières  au développement du capitalisme agraire. Elle fait un rapprochement avec ce qui se passe actuellement dans plusieurs pays africains où il y a actuellement une chasse aux sorcières, particulièrement au Ghana et en Zambie. Cela permet l’appropriation des terres communales africaines au profit des entreprises capitalistes. Cela concerne les questions foncières et les terres communales. Il y a encore plusieurs régions agricoles d’Afrique qui vivent sous un régime tribal. Actuellement, le capitalisme mondial entre dans le cœur de l’Afrique. Ils se servent du phénomène de la chasse aux sorcières parce que souvent ce sont les femmes qui résistent à l’appropriation des terres ancestrales. (C’est sans doute lié à la diffusion des sectes évangélistes d’origine américaines.)

Bien sûr, la Marche mondiale est présente en Afrique. Le problème c’est que la solidarité doit être présente sur plusieurs fronts en même temps. C’est pourquoi nous avons pris des orientations parce que si on essaie de faire l’énumération de tout ce qui va mal, on n’a pas de fil conducteur. On revient avec un système capitaliste-patriarcal-colonialiste qui s’imbrique ensemble. On met plus l’accent sur les causes et comme les systèmes d’oppression se croisent, c’est difficile. Le défi ça va être de faire atterrir cela à la base pour comprendre qu’est-ce que cela veut dire.

* L’an prochain, si cela va bien, il va y avoir le Forum social mondial au Bénin. Mais le Forum social mondial est affaibli à cause que plusieurs collectifs et syndicats qui le finançaient nous ont lâchés. Je fais partie du conseil international du Forum social mondial. On essaie de récupérer des partenaires financiers. Comme cela va être au Bénin, il va venir une partie de Via Campesina. D’abord c’est le Forum des intersections à Montréal, après c’est la COP30 à Manaus au Brésil. La Marche mondiale des femmes devrait être au Bénin. Tout ce mal-être est provoqué par l’émergence du capitalisme qui créé les changements climatiques, les déplacements forcés et la guerre. Ensuite, les femmes du sud arrivent ici et elles doivent accepter n’importe quel emploi pour survivre. Il faut renouveler l’Altermondialisme pour faire face à ces crises globales.

La Marche mondiale des femmes est souvent présente dans ces événements, mais il n’y aura pas de délégations de 60 pays. Si le Québec n’y va pas, c’est en raison de manque de soutien financier. Nous ne recevons aucun financement de l’État. La MMF est un mouvement et il faut le réfléchir comme tel. Ceci veut dire que j’aimerais que le Québec se mobilise au nom de ses valeurs. On pourrait alors venir chercher une plus grande diversité d’organisations. Nous sommes tombés dans le piège que nous prenons pour acquis que les gens savent c’est quoi la Marche. Nous n’avons pas encore fait la transmission de l’histoire, on s’est reposé sur le fait qu’il y avait une organisation qui s’en occupe.

 

Faites partie du mouvement et mobilisez votre région pour réaffirmer haut et fort les valeurs féministes !

Ensemble, faisons de cette année de lutte une mobilisation historique !

Merci à Marie-Hélène Fortier pour sa présentation.

Propos transcrits par Yves Carrier

Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes

info@cqmmf.org

cqmmf.org

 

 

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