Soif d’absolu
J’ignore si cette caractéristique est propre à l’ensemble des êtres humains, mais certains sont habités par une soif d’absolu qui n’est satisfaite qu’en de brefs moments fugaces où le vide intérieur semble comblé par une présence apaisante, une altérité mystérieuse qui réchauffe le cœur et permet d’espérer au-delà des apparences trompeuses et des mauvaises nouvelles.
Il existe deux manières de chercher réponse à cet appel intérieur: soit dans la fuite en avant, s’efforçant de combler ce vide en accumulant des biens, du pouvoir, de la richesse et du prestige, en confortant son ego et son désir insatiable; soit en se tournant vers l’intériorité, acceptant de porter les contingences de la condition humaine, en partageant ses misères et ses souffrances comme une responsabilité qui nous incombe de nous préoccuper du sort de chacun, même à l’autre bout du monde.
Parfois, cette soif devient hybris, mégalomanie qui exige d’être le premier en toute chose, le vainqueur incontestable, le mâle alpha, le roi de la montagne. Dans tous les cas, cela ne crée pas de liens sociaux très puissants, à part des rapports de domination. Cette possession du sujet par l’objet de sa convoitise conduit à la folie puisque l’ego hypertrophié et narcissique ne peut grandir, il est enfermé en lui-même.
N’oublions pas que les raisonnements autosuffisants ne sont aucunement un gage d’intelligence ou de sagesse, il faut toujours chercher ce qu’ils cherchent à cacher, à promouvoir ou à défendre? En cela, il faut juger l’arbre à ses fruits, le néolibéralisme représentant l’hybris de domination occidentale sur le monde, un mensonge écocide qui se dit une science.
Être sujet, c’est pouvoir choisir sa destiné, ce qui veut dire renoncer aux autres voies qui n’ont pas été adoptées. Se pose alors la question de la liberté et de son objet. Suis-je vraiment libre si mes choix ne sont conditionnés que part des envies à satisfaire pour répondre à cette soif d’absolu qui me tenaille ? C’est la racine du mal qui nous interdit de guérir.
La liberté doit être orientée vers un bien supérieur ? Elle ne consiste pas à choisir entre deux marques de lessive ou la couleur d’une voiture, elle est existentielle, ce qui nous détermine et fonde notre être. C’est une construction qui prend toute une vie jusqu’à lui devenir supérieure. Peu de gens meurent pour leurs principes, mais je crois tout de même que nous devons en chérir quelques-uns si nous ne voulons pas nous dissoudre dans une mer d’insignifiance. C’est une liberté qui prend des risques, celui d’aimer, de faire confiance, et éventuellement d’être trahie, mais n’y a-t-il pas pire trahison que de renoncer à soi-même, non pas à l’image construite de soi, mais à son être intérieur ? La contemplation de la nature, restaure notre intégrité.
Yves Carrier
«Comme des spectateurs d’une fin du monde»
Par Simon Dugrenier
Devoir 12 décembre 2024.
« Est-ce que notre génération est cooked ? » La phrase m’a été candidement lancée en classe par un élève de 5e secondaire. J’ai été déstabilisé, je l’avoue. J’ai bien compris ce qu’il voulait dire — sa génération est-elle cuite ? —, mais je lui ai quand même demandé de me l’expliquer, le temps de lui fournir une réponse potable. D’autres élèves ont renchéri. Ils m’ont surtout parlé de la crise du logement, mais également des problèmes environnementaux et du coût de la vie. Les élèves sont au fait des problèmes de notre monde et ça les inquiète. Ils sont préoccupés par l’inaction politique. Ils sont surtout tannés de se sentir impuissants face aux bouleversements contemporains.
Je suis étudiant au baccalauréat en enseignement au secondaire depuis 2022. En classe, je constate l’angoisse des élèves face aux problèmes mondiaux complexes sur lesquels ils n’ont pas de prise. Chaque fois qu’on aborde un sujet délicat, je vois comment les élèves se sentent démunis. Ils répètent que ça ne sert à rien de s’y attaquer parce qu’on ne peut rien y changer.
Même si je leur répète qu’ils peuvent devenir des acteurs de changement, ils n’y croient pas. Face à la montée de l’extrême droite, aux dérèglements climatiques inquiétants, aux prix exorbitants des logements et surtout à l’immobilisme politique, les élèves se sentent vulnérables. Comme des spectateurs d’une fin du monde.
Comment leur expliquer dans ces conditions que je suis également inquiet de l’augmentation fulgurante des prix des logements, une crise dont la gravité est niée par nos gouvernements ? Comment leur dire que je n’arrive pas à mesurer pleinement l’ampleur des bouleversements environnementaux qui nous attendent ? Comment leur confier que le cynisme est un mal contagieux dont je souffre moi aussi ?
Mon premier appartement à Sherbrooke me coûtait 600 $. Un 4 et demie, en 2018. Maintenant, le même logement est affiché à 1300 $. Un peu plus que 115 % d’augmentation en six ans. C’est ce qui arrive quand on considère l’habitation comme un bien matériel comme un autre. Une marchandise qui suit les lois de l’offre et de la demande.
Quel monde laissera-t-on aux futures générations ?
Comment le pouvoir peut-il avoir nié aussi longtemps la crise du logement ? Comment peut-il affirmer, sans broncher, que le problème est lié à l’immigration au lieu d’en examiner toutes les causes ? Les élèves ne sont pas idiots. Ils comprennent que le gouvernement n’est pas prêt à bouger. Que ces problèmes-là ne touchent pas le pouvoir et ceux qui le détiennent, mais seulement ceux qui subissent le pouvoir.
Ils savent que la Coalition avenir Québec (CAQ), au pouvoir depuis six ans, a tardé à agir sur cette question, qu’elle préfère aujourd’hui en rejeter la faute sur l’Autre au lieu de prendre ses responsabilités. Que ça fait son affaire de pointer du doigt l’immigration. C’est trop facile de désigner un coupable, surtout s’il est étranger.
Ce sont des discours simplistes comme ceux-là qu’on tente de déconstruire en classe, mais c’est difficile. Ces discours populistes sont attrayants ; la solution et le coupable sont désignés, comme un épouvantail auquel on s’accroche.
Mes élèves entreront au cégep l’an prochain. Pour plusieurs, cela veut dire quitter le nid familial pour se trouver un logement. Ça veut dire vivre dans la misère pour payer un loyer trop cher. L’inaction politique, pour eux, est synonyme de précarité et d’angoisse.
Il est temps qu’on puisse entendre les préoccupations des jeunes générations. Il presse de leur laisser une place pour s’exprimer. Que les gouvernements leur demandent ce qui les inquiète, ce qui les touche et ce qu’ils vivent, et décident en conséquence.
Il est surtout temps que le monde politique prenne ses responsabilités. Qu’il s’attaque à la crise du logement et qu’il cesse de rejeter la faute sur l’Autre.
Comment les États-Unis et Israël ont détruit la Syrie et ont appelé cela la paix
Par Jeffrey D. Sachs
www.derechoalapaz.com/como-eeuu-e-israel-destruyeron-siria-y-la-llamaron-paz/
Dans les lignes célèbres de Tacite, historien romain : « Dévaster, massacrer, usurper sous de faux titres, on appelle cela un empire ; et là où ils font un désert, ils appellent cela la paix. À notre époque, ce sont Israël et les États-Unis qui créent un désert et appellent cela la paix.
L’histoire est simple. En violation flagrante du droit international, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et ses ministres revendiquent le droit de gouverner sept millions d’Arabes palestiniens. Lorsque l’occupation israélienne des terres palestiniennes conduit à une résistance militante, Israël qualifie cette résistance de «terrorisme » et appelle les États-Unis à renverser les gouvernements du Moyen-Orient qui soutiennent les « terroristes ». Les États-Unis, sous l’influence du lobby israélien, entrent en guerre au nom d’Israël.
La chute de la Syrie cette semaine est le point culminant de la campagne israélo-américaine contre la Syrie qui remonte à 1996, lorsque Netanyahu est arrivé au pouvoir en tant que Premier ministre. La guerre israélo-américaine contre la Syrie s’est intensifiée en 2011 et 2012, lorsque Barack Obama a secrètement chargé la CIA de renverser le gouvernement syrien dans le cadre de l’opération Timber Sycamore. Cet effort a finalement porté ses fruits cette semaine, après plus de 300 000 morts dans la guerre syrienne depuis 2011.
La chute de la Syrie a été rapide en raison de plus d’une décennie de sanctions économiques écrasantes, du fardeau de la guerre, de la confiscation américaine du pétrole syrien, des priorités de la Russie concernant le conflit en Ukraine et, plus immédiatement, des attaques d’Israël contre le Hezbollah, qui était le principal soutien militaire du gouvernement syrien. Certes, Assad a souvent mal joué ses cartes et a été confronté à un grave mécontentement intérieur, mais son régime a été ciblé pendant des décennies par les États-Unis et Israël.
Depuis 2011, la guerre perpétuelle entre Israël et les États-Unis contre la Syrie, comprenant des bombardements, des djihadistes, des sanctions économiques, la confiscation américaine des champs de pétrole syriens, etc., a plongé le peuple syrien dans la misère.
Avant le véritable début de la campagne américano-israélienne visant à renverser Assad en 2011, la Syrie était un pays à revenu intermédiaire en pleine croissance et fonctionnel. En janvier 2009, le Conseil d’administration du FMI déclarait ce qui suit :
Les PDG ont salué les solides performances macroéconomiques de la Syrie ces dernières années, qui se sont manifestées par une croissance rapide du PIB non pétrolier, un niveau confortable de réserves de change et une dette publique faible et en baisse. Cette performance reflète à la fois une forte demande régionale et les efforts de réforme des autorités pour passer à une économie davantage axée sur le marché.
Dans les deux jours qui ont suivi la chute du gouvernement, Israël a mené quelque 480 frappes en Syrie et détruit complètement la flotte syrienne à Lattaquié. Poursuivant son programme expansionniste, le Premier ministre Netanyahu a revendiqué illégalement le contrôle de la zone tampon démilitarisée sur le plateau du Golan et a déclaré que le plateau du Golan ferait partie de l’État d’Israël « pour l’éternité ».
L’ambition de Netanyahu de transformer la région par la guerre, vieille de près de trois décennies, se dévoile sous nos yeux. Lors d’une conférence de presse le 9 décembre, le Premier ministre israélien s’est vanté d’une « victoire absolue », justifiant le génocide en cours à Gaza et la violence croissante dans la région :
Je vous demande de réfléchir : si nous avions accédé à ceux qui nous ont répété à maintes reprises : «Nous devons arrêter la guerre », nous ne serions pas entrés dans Rafah, nous n’aurions pas pris le corridor de Philadelphie, nous n’aurions pas éliminé Sinwar, nous n’aurions pas surpris nos ennemis au Liban et dans le monde avec une opération-stratégie audacieuse, nous n’aurions pas éliminé Nasrallah, nous n’aurions pas détruit le réseau clandestin du Hezbollah et nous n’aurions pas révélé la faiblesse de l’Iran. Les opérations que nous menons depuis le début de la guerre consistent à démanteler l’axe brique par brique.
La longue histoire de la campagne israélienne visant à renverser le gouvernement syrien n’est pas largement connue, mais les documents sont clairs. La guerre d’Israël contre la Syrie a commencé avec les néoconservateurs américains et israéliens en 1996, qui ont présenté une stratégie de « rupture nette » au Moyen-Orient pour Netanyahu lorsqu’il a pris ses fonctions. Le cœur de cette stratégie exigeait qu’Israël (et les États-Unis) rejettent « la terre contre la paix », l’idée selon laquelle Israël se retirerait des terres palestiniennes occupées en échange de la paix. Au lieu de cela, Israël conserverait les terres palestiniennes occupées, gouvernerait le peuple palestinien dans un état d’apartheid, nettoierait ethniquement l’État étape par étape et imposerait ce qu’on appelle « paix contre paix » en renversant les gouvernements voisins qui résistaient aux revendications territoriales d’Israël.
La longue histoire de la campagne israélienne visant à renverser le gouvernement syrien n’est pas largement comprise, mais les documents sont clairs.
La stratégie de rupture nette déclare : « Notre revendication sur la terre – à laquelle nous nous accrochons avec espoir depuis 2 000 ans – est légitime et noble », et poursuit : « La Syrie défie Israël sur le sol libanais. Une stratégie efficace, avec laquelle les États-Unis peuvent sympathiser, serait qu’Israël prenne l’initiative stratégique le long de ses frontières nord, affrontant le Hezbollah, la Syrie et l’Iran, en tant que principaux agents d’agression au Liban… »
Dans son livre Fighting Terrorism de 1996, Netanyahu a exposé la nouvelle stratégie. Israël ne lutterait pas contre les terroristes, mais contre les États qui les soutiennent. Plus précisément, cela amènerait les États-Unis à faire ce pour quoi Israël se battrait pour eux. Comme il l’expliquait en 2001 :
La première et la plus importante chose à comprendre est la suivante : il n’y a pas de terrorisme international sans le soutien des États souverains… Si tout ce soutien étatique est supprimé, tout l’échafaudage du terrorisme international s’effondrera et se transformera en poussière.
La stratégie de Netanyahu a été intégrée à la politique étrangère américaine. L’élimination de la Syrie a toujours été un élément clé du plan. Ils l’ont confirmé au général Wesley Clark après le 11 septembre. On lui a dit, lors d’une visite au Pentagone, que « nous attaquerons et détruirons les gouvernements de sept pays en cinq ans : en commençant par l’Irak, puis en passant par la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et l’Iran ». L’Irak serait le premier, suivi par la Syrie et le reste. (La campagne de Netanyahu pour la guerre en Irak est expliquée en détail dans le nouveau livre de Dennis Fritz, Deadly Betrayal. Le rôle du lobby israélien est expliqué dans le nouveau livre d’Ilan Pappé, Lobbying for Sionism on Both Sides of the Atlantic). L’insurrection qui a touché les troupes américaines en Irak a repoussé le délai de cinq ans, mais n’a pas modifié la stratégie de base.
Les États-Unis ont déjà mené ou financé des guerres contre l’Irak (invasion en 2003), le Liban (financement américain et fourniture d’armes à Israël), la Libye (bombardements de l’OTAN en 2011), la Syrie (opération de la CIA dans les années 2010), le Soudan (soutien aux rebelles pour démembrer le Soudan en 2011) et la Somalie (soutien à l’invasion de l’Éthiopie en 2006). Une éventuelle guerre américaine contre l’Iran, ardemment demandée par Israël, est toujours en suspens.
Curieusement, la CIA a soutenu à plusieurs reprises les djihadistes islamiques dans ces guerres, et ceux-ci viennent de renverser le régime syrien. Après tout, la CIA a contribué à la création d’Al-Qaïda en premier lieu en entraînant, en armant et en finançant, les moudjahidines en Afghanistan à partir de la fin des années 1970. Oui, Oussama ben Laden s’est ensuite retourné contre les États-Unis, mais son mouvement était encore une création américaine. Ironiquement, comme le confirme Seymour Hersh, ce sont les services de renseignement d’Assad qui « ont averti les États-Unis d’un attentat imminent à la bombe d’Al-Qaïda contre le quartier général de la Cinquième flotte de la marine américaine ».
L’Opération Timber Sycamore était un programme secret de la CIA d’un milliard de dollars lancé par Obama pour renverser Bachar al-Assad. La CIA a financé, formé et fourni, des renseignements à des groupes islamistes radicaux et extrémistes. L’opération impliquait également une « ligne de rats» pour transporter des armes depuis la Libye (attaquée par l’OTAN en 2011) vers les djihadistes en Syrie. En 2014, Seymour Hersh a décrit l’opération dans son article « The Red Line and the Rat Line » :
« Une annexe hautement classifiée du rapport, qui n’a pas été rendue publique, décrit un accord secret conclu début 2012 entre les administrations Obama et Erdoğan. Il faisait référence à une ligne de rats. Aux termes de l’accord, le financement provenait de Turquie, ainsi que d’Arabie saoudite et du Qatar ; C’est la CIA, avec le soutien du MI6, qui a introduit en Syrie les armes des arsenaux de Kadhafi.»
Peu après le lancement de Timber Sycamore en mars 2013, lors d’un briefing conjoint du président Obama et du Premier ministre Netanyahu à la Maison Blanche, Obama a déclaré : « Sur la Syrie, les États-Unis continuent de travailler avec leurs alliés et amis, ainsi qu’avec l’opposition syrienne afin d’accélérer la fin du régime d’Assad.
Pour la mentalité sioniste américano-israélienne, un appel à la négociation lancé par un adversaire est considéré comme un signe de faiblesse. Ceux qui appellent à des négociations de l’autre côté finissent généralement morts, tués par Israël ou des agents américains. Nous avons vu cela se produire récemment au Liban. Le ministre libanais des Affaires étrangères a confirmé que Hassan Nasrallah, ancien secrétaire général du Hezbollah, avait accepté un cessez-le-feu avec Israël quelques jours avant son assassinat. La volonté du Hezbollah d’accepter un accord de paix, conforme aux souhaits du monde arabo-islamique pour une solution à deux États, existe depuis longtemps. De même, au lieu de négocier pour mettre fin à la guerre à Gaza, Israël a assassiné le chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh, à Téhéran.
De même, en Syrie, plutôt que de permettre l’émergence d’une solution politique, les États-Unis se sont opposés à plusieurs reprises au processus de paix. En 2012, l’ONU avait négocié un accord de paix en Syrie qui avait été bloqué par les Américains, qui avaient exigé le départ d’Assad dès le premier jour de l’accord de paix. Les États-Unis voulaient un changement de régime, pas la paix. En septembre 2024, Netanyahu s’est adressé à l’Assemblée générale avec une carte du Moyen-Orient divisée entre «bénédictions » et « malédictions », le Liban, la Syrie, l’Irak et l’Iran faisant partie de la malédiction de Netanyahu. La véritable malédiction est la voie du chaos et de la guerre suivie par Israël qui a maintenant englouti le Liban et la Syrie, avec le fervent espoir de Netanyahu d’entraîner également les États-Unis dans une guerre avec l’Iran.
Les États-Unis et Israël se félicitent mutuellement d’avoir vaincu avec succès un autre adversaire d’Israël et défenseur de la cause palestinienne, et Netanyahu s’attribue « le mérite d’avoir initié le processus historique ». La Syrie va très probablement succomber désormais à la poursuite de la guerre entre de nombreux protagonistes armés, comme cela s’est produit lors des précédentes opérations de changement de régime américano-israéliennes.
En bref, l’ingérence américaine, à la demande de l’Israël de Netanyahu, a laissé le Moyen-Orient en ruines, avec plus d’un million de morts et des guerres ouvertes en Libye, au Soudan, en Somalie, au Liban, en Syrie et en Palestine, et avec l’Iran sur le point d’acquérir un arsenal nucléaire, poussé contre ses propres inclinations à cette éventualité.
Tout cela est au service d’une cause profondément injuste : refuser aux Palestiniens leurs droits politiques au service de l’extrémisme sioniste basé sur le Livre de Josué du 7ème siècle avant JC. C. Il est à noter que, selon ce texte (sur lequel s’appuient les fanatiques religieux d’Israël), les Israélites n’étaient même pas les premiers habitants du pays. Selon le texte, Dieu ordonne à Josué et à ses guerriers de commettre de multiples génocides pour conquérir le pays.
Dans ce contexte, les nations arabo-islamiques, et même presque le monde entier, se sont unies à plusieurs reprises pour appeler à une solution à deux États et à la paix entre Israël et la Palestine. Au lieu de la solution à deux États, Israël et les États-Unis ont créé un désert et ont appelé ça la paix.
*Jeffrey D. Sachs est professeur d’université et directeur du Centre pour le développement durable de l’Université de Columbia, où il a dirigé l’Earth Institute de 2002 à 2016. Il est également président du Réseau des Nations Unies pour les solutions de développement durable et commissaire des Nations Unies. Il a été conseiller auprès de trois secrétaires généraux des Nations Unies et est actuellement défenseur des Objectifs pour un développement durable auprès du secrétaire général Antonio Guterres. Sachs est l’auteur le plus récent de «A New Foreign Policy : Beyond American Exceptionalism» (2020). D’autres livres incluent : « Building the New American Economy : Smart, Fair, and Sustainable » (2017) et « The Age of Sustainable Development » (2015) avec Ban Ki-moon.
Le temps et l’éternel chez l’être humain
Par Leonardo Boff, 5 janvier 2025, Amerindia
À chaque Nouvel an, nous parlons du temps qui passe et du nouveau qui débute. Mais qu’est-ce que le temps? Nul ne le sait. Ni saint Augustin ne su donner une réponse dans ses Confessions où il nous livre ses réflexions les plus profondes, ni Martin Heidegger, le philosophe le plus éminent du 20ème siècle. Il a écrit son fameux livre : Être et temps. Il dédia un gros volume à l’Être. Jusqu’à la fin de sa vie nous espérions de sa part un travail sur le Temps. Et il n’arriva pas parce que lui non plus ne savait pas ce qu’était le temps. Qui plus est, il est nécessaire d’avoir du temps pour réfléchir sur ce dernier. C’est un cercle vicieux.
Je crois que l’abordage le plus adéquat consiste à connecter le temps à la vie humaine. Considérons la vie comme la valeur suprême au-dessus de laquelle il n’y a que l’Être qui fait être tous les êtres.
Le sens de la vie dans le temps, c’est vivre, simplement vivre, même dans la condition la plus humble. Vivre est une espèce de célébration de l’existence et d’avoir échappé au rien. Nous pourrions ne pas exister, mais cependant, nous sommes ici. Vivre est un don, puisque personne n’a demandé à exister.
La vie est toujours un avec et un pour. Vie avec d’autres vies de la nature, avec des vies humaines et vie avec d’autres vies qui existent dans l’univers. La vie est pour se répandre et pour se donner à d’autres vies sans quoi la vie ne se perpétue pas.
Toutefois, la vie est habitée par une pulsion intérieure qui ne peut être réfrénée. Elle veut se rencontrer avec d’autres vies puisque c’est pour cela qu’existe l’avec et le pour. Sans cela, la vie cesserait d’exister.
La pulsion irréfrénable de la vie fait qu’elle ne veut pas seulement ceci et cela. Elle veut tout. Elle veut se perpétuer le plus possible. Au fond, elle ne veut jamais se terminer, elle veut s’éterniser.
Elle porte à l’intérieur d’elle un projet infini. Celui-ci la rend heureuse et malheureuse à la fois. Heureuse, parce qu’elle rencontre, aime et célèbre la rencontre avec les autres vies et avec tout ce qui a à voir avec la vie et son entourage. Mais elle est malheureuse parce que tout ce qu’elle aime et rencontre est fini, lentement il s’étiole et tombe sous le joug de l’entropie, en définitive, sous l’empire de la mort.
Malgré cette finitude, la pulsion vers l’infini ne faiblit jamais. Quand elle rencontre cet Infini, elle se repose. Elle expérimente une plénitude que nul ne peut lui ravir. Seulement elle peut construire, profiter et célébrer. La vie est entière mais incomplète. Elle est entière parce qu’à l’intérieur d’elle s’assemblent le réel et le potentiel, mais elle demeure incomplète parce que le potentiel n’est pas encore réel. Comme le potentiel ne connait pas de limites, la vie sent un vide que jamais elle ne parvient à remplir complètement. Pour cela, jamais elle n’est complète pour toujours. Elle demeure dans l’antichambre de sa propre réalisation.
Dans ce contexte, surgit le temps. Il est l’attente du potentiel qui veut faire irruption depuis l’intérieur pour devenir réel. Cette attente, nous pourrions l’appeler le temps. Ce serait notre ouverture espérée, capable d’accueillir ce qui pourra venir. Le potentiel réalisé nous permet de passer d’êtres incomplets à entiers sans, pour cela, devenir pleinement entiers. Le vide continue. C’est notre condition d’êtres finis habités par l’Infini. Qui remplira ce vide ?
Cela ne peut être le passé parce qu’il n’existe plus. Ni le futur parce qu’il n’existe pas encore. Il n’y a que le présent. Mais celui-ci ne peut être appréhendé, emprisonné et approprié. Quand nous tentons de le retenir, il est déjà passé, mais il peut être vécu. Quand il est intense, nous percevons qu’il a passé. Il semble que le temps n’a pas existé. C’est le temps dense et intense d’un amour passionné. Ce temps s’appelle Kairos, il est différent de Chonos, toujours égal comme le temps de l’horloge.
Est-il possible de se faire une représentation du présent ? Oui, avec l’Éternité, parce qu’elle est la seule à être un Être. Chaque présent possède quelque chose d’éternel, parce qu’il est le seul à être. Un jour fut et un jour sera. L’être du temps représente la présence possible de l’éternité. C’est à nous qu’il appartient de le vivre avec la plus grande intensité d’éternité possible, puisque rapidement il disparait dans le passé.
De toutes manières, nous constatons que nous sommes immergés dans l’éternité de l’Être. Il ne s’agit pas d’une quantité de temps congelée. C’est une qualité nouvelle, qui n’arrête jamais et toujours vient et passe : apparait le futur et aussitôt il passe à travers nous en direction du passé. C’est la pure présence insaisissable de l’Être.
Nous qui sommes dans le temps, nous pouvons vivre cet « Être » comme s’il était le premier et le dernier. De la sorte, nous participons de manière fugace à l’éternité de l’Être et nous éternisant, nous participons de Celui qui toujours est, sans passé ni future. Cet « Être » vient sous d’innombrables noms : Tao, Shiva, Allah, Olorum, Yahvé, Dieu, etc. Il se révèle comme « l’Être qui est » ou mieux dit : « Je suis celui qui a toujours été ». Qui sait si un des sens, entre tous, de notre existence dans le temps, n’est pas de participer de l’Être ? Et dans les mots mystiques de saint Jean de la Croix, pour un moment, « être Dieu, par participation ». Et ici n’est possible que le noble silence parce qu’il n’y a plus de mots.
Traduit de l’espagnol par Yves Carrier
Le théologien de l’écologie John B. Cobb est décédé (1925-2024)
Par Leandro Sequeiros, Madrid
Théologien méthodiste états-unien, Cobb joua un rôle important dans le développement de la philosophie et de la théologie du processus initiées par Charles Hartshorne, intégrant de façon interdisciplinaire trois éléments : la philosophie d’Alfred North Whitehead, le christianisme et la lutte pour la justice sociale et la justice écologique.
Un thème unificateur de son œuvre interdisciplinaire est son emphase sur l’interdépendance écologique. Cobb part de l’hypothèse systématique de la théorie de la complexité qui affirme que chaque partie de l’écosystème dépend de toutes les autres. Il soutient que la tâche la plus urgente de l’humanité est de préserver le monde dans lequel elle vit et duquel elle dépend. Une thèse qu’Alfred North Whitehead décrit comme « loyauté au monde ».
On considère souvent John B. Cobb comme un érudit prééminent de la philosophie et de la théologie du processus (process en anglais) une école de pensée associée à la philosophie d’Alfred North Whitehead. Ce paradigme herméneutique s’insère dans le modèle panenthéiste promu par Philip Clayton, Arthur Peacocke et Philip Heffner. Cobb est l’auteur de plus de 50 livres.
A Christian Natural Theology: Based on the Thought of Alfred North Whitehead. Westminster Press, 1965.
God and the World. Westminster Press, 1969.
Is It Too Late? A Theology of Ecology, 1971 (édition révisée en 1995)
Christ in a Pluralistic Age. Westminster Press, 1975.
Process Theology: An Introductory Exposition, con David Griffin, Philadelphia: Westminster Press, 1976.
Theology and Pastoral Care, con David Ray Griffin, 1977.
Mind in Nature: the Interface of Science and Philosophy, édité con David Ray Griffin, University Press of America, 1977
The Liberation of Life: from the Cell to the Community, con Charles Birch, 1981
Process Theology as Political Theology. Westminster Press, 1982.
Talking About God: Doing Theology in the Context of Modern Pluralism, con David Tracy, Seabury Press, 1983.
For the Common Good: Redirecting the Economy Toward Community, Environment, and a Sustainable Future, con HermanDaly, 1989 (edition révisée en 1994 en 1993)
Sustainability: Economics, Ecology, and Justice. Orbis Books, 1992.
Sustaining the Common Good: A Christian Perspective on the Global Economy. Pilgrim Press, 1995.
Transforming Christianity and the World: A Way Beyond Absolutism and Relativism. Orbis Books, 1999.
Christian Faith and Religious Diversity: Mobilization for the Human Family. Augsburg Fortress Publishers, 2002.
The Process Perspective: Frequently Asked Questions About Process Theology. Chalice Press, 2003.
Spiritual Bankruptcy: A Prophetic Call to Action. Nashville TN: Abingdon Press, 2010.
Apports de Cobb à une synthèse interdisciplinaire
Même si on assigne à Cobb le titre de théologien, la tendance générale de sa pensée était orientée vers l’intégration de plusieurs domaines différents de la connaissance, employant le schéma philosophique interdisciplinaire d’Alfred North Whitehead comme vision directrice. Comme résultat, Cobb a travaillé dans une large gamme de disciplines.
- Cobb et la philosophie de l’éducation
Cobb s’est opposé dans nombre de ses écrits et de ses conférences à la division de l’éducation et de la connaissance en disciplines et départements discrets et isolés. Il croyait que le modèle universitaire encourage une abstraction excessive parce que chaque domaine d’étude spécialisé définit son propre cadre de référence. Ainsi, chacun tend à ignorer les autres cadre, décourageant le dialogue interdisciplinaire et inhibant une compréhension ample du monde.
Pour combattre ces problèmes, Cobb soutient qu’on doit mettre en place des « disciplines » générales qui permettraient aux différents champs d’études – et tout particulièrement la théologie – d’émerger de leur isolement académique. Une fois de plus, la théologie devrait être associée à des questions éthiques et à des préoccupations pratiques et quotidiennes, ainsi qu’à une compréhension théorique du monde. Au service de cette vision, Cobb a cherché constamment à intégrer des connaissances de la biologie, de la physique, de l’économie et d’autres disciplines dans son travail théologique et philosophique.
- John B. Cobb et la Philosophie postmoderne constructiviste
Cobb était convaincu qu’Alfred North Whitehead avait raison de considérer autant la nature que les êtres humains comme quelque chose de plus grand que des machines sans dessein. Au lieu de voir la nature comme purement mécanique et la conscience humaine comme une étrange exception qui doit être expliquée, le naturalisme que défend Whitehead s’oriente dans la direction opposée, en argumentant que l’expérience subjective du monde devrait informer une vision du reste de la nature comme quelque chose qui est plus qu’une simple mécanique. En résumé, on doit considérer que la nature possède un aspect subjectif et intentionnel qui mérite attention.
Parlant de la nécessité d’aller au-delà de ce qui est considéré comme « moderne », une idée très en vogue pendant les années 1960, Cobb a été le premier à étiqueter la pensée de Whitehead comme postmoderne. Plus tard, quand les déconstructivistes commencèrent à décrire leur pensée comme « postmoderne », les disciples de Whitehead changèrent leur propre étiquette pour « postmodernisme constructiviste » pour ne pas être confondu avec les philosophes français.
De même que leur contrepartie déconstructiviste, le postmodernisme constructiviste émerge en partie comme une réponse à l’insatisfaction envers le dualisme cartésien esprit-matière, qui voit dans la matière une machine inerte et dans l’esprit humain quelque chose de complètement différent dans sa nature. Si la science moderne a découvert de nombreuses évidences à l’encontre de cette idée, Cobb soutient que les présupposés dualistes continuent de persister. En général, le dualisme a été accepté par la culture. Jusqu’à aujourd’hui, il forme la structure de l’université, avec sa division entre les sciences et les humanités.
La majorité des personnes, qu’elles y pensent ou non, voient le monde qui leur est donné d’observer et de toucher comme quelque chose de matériel, tandis qu’elles se voient transcender cet état purement matériel.
Alors que les déconstructivistes sont parvenus à la conclusion que nous devons abandonner toute tentative additionnelle de créer une vision intégrale du monde, Cobb et les autres postmodernistes constructivistes croient que la métaphysique et les modèles mondiaux intégraux sont possibles et encore nécessaires. En particulier, ils ont défendu une nouvelle métaphysique whiteheadienne basée sur des événements davantage que sur les substances. Dans cette formulation, il incorrect de dire qu’une personne ou une chose (« substance ») détient une identité fondamentale qui demeure constante, et que n’importe quel changement dans la personne ou dans une chose est secondaire à ce qu’il est. Par contre, chaque moment de la vie d’une personne (« événement ») est considéré comme une nouvelle réalité, affirmant ainsi que le changement et la transformation continuels sont fondamentaux, alors que les identités statiques sont bien moins importantes. Cette vision se réconcilie plus facilement avec certains constats de la science moderne, comme l’évolution et la dualité onde-particule.
- Cobb et l’Éthique environnemental
Les thèmes écologiques ont été omniprésents dans le travail de Cobb depuis 1969, quand il centra son attention sur la crise écologique. Il était convaincu que les questions environnementales constituaient le problème le plus criant de l’humanité. Cobb écrit : « Pendant les années soixante-dix, le sens de ma vocation théologique changea. Je n’ai pas perdu l’intérêt à développer la tradition chrétienne pour la rendre intelligible, convaincante et éclairante, dans un contexte changeant, mais j’ai rejeté la séparation en compartiment de ma discipline de « théologie constructiviste », spécialement dans sa séparation d’avec l’éthique, et plus généralement, dans son isolement des autres disciplines académiques… Ces dernières me persuadèrent qu’il n’y avait aucun problème plus critique que celui d’assurer une survie décente à une humanité qui menaçait de s’autodétruire en épuisant et en contaminant son environnement naturel. »
Cobb écrit le premier livre d’un seul auteur sur l’Éthique environnemental. Est-il trop tard ? Une théologie de l’écologie, en 1971. Dans ce livre, il défend une cosmovision écologique qui reconnait la continuité entre les êtres humains et les autres êtres vivants, ainsi que leur dépendance mutuelle. Il propose aussi que le christianisme a spécifiquement besoin de s’approprier les connaissances des sciences biologiques pour remettre en cause son anthropocentrisme (centrer sur l’humain) et la dévaluation de la nature.
- La critique de John B. Cobb à l’économie orientée uniquement sur la croissance
Les critiques économiques de Cobb émergent comme un prolongement naturel de son intérêt pour les questions écologiques. Il reconnut qu’il ne pouvait écrire sur une société écologique, durable et juste, sans inclure un débat sur l’économie. Une partie de sa recherche porta sur les raisons pour lesquelles les politiques économiques empirent fréquemment la situation environnementale.
Au cours des années 1980, Cobb décida de réévaluer le produit national brut et le produit interne brut comme mesure du progrès économique. Avec son fils, Clifford Cobb, il développa un modèle alternatif, l’indice du Bien-être économique durable, qui cherchait à « consolider des éléments économiques, environnementaux et sociaux, dans un cadre commun pour montrer le progrès net. »
En 1989, Cobb est aussi le coauteur d’un livre avec Herman Daly, intitulé : Pour le bien commun : réorienté l’économie vers la communauté, l’environnement et un futur durable, qui décrivait des changements de politiques destinées à créer une société basée sur l’équilibre communautaire et écologique. En 1992, ce livre fut récompensé par le prix Grawemeyer pour ses idées qui amélioraient l’ordre mondial.
Au cours des dernières années, Cobb a décrit les systèmes économiques orientés vers la croissance comme le « principal exemple de corruption » dans la culture et la religion états-unienne : « Depuis l’émergence de l’économie moderne, les chrétiens ont été obligés d’abandonner leurs critiques envers l’avarice parce que les économistes disaient que « l’avarice était bonne et que, si vous voulez réellement aider les gens, vous devez être le plus cupide possible. » Cobb considérait que ces valeurs étaient en opposition directe avec le message de Jésus, qui, à plusieurs endroits, critique explicitement l’accumulation de la richesse. En raison de la vaste acceptation par le christianisme de telles valeurs économiques, Cobb considère que les chrétiens ont beaucoup moins confiance d’annoncer les valeurs de Jésus.
- Biologie et religion chez John B. Cobb
Avec Whitehead, Cobb a cherché à réconcilier la science et la religion dans des lieux où elles semblaient en conflit, ainsi qu’à encourager la religion à faire usage des connaissances scientifiques et vice versa.
Dans le domaine de la religion et de la biologie, il coécrit en 1981 : La Libération de la Vie : de la cellule à la communauté, avec le généticien australien Charles Birch. Le livre critiquait le modèle biologique mécaniciste dominant, affirmant que cela conduit à l’étude d’organismes sans tenir compte de leur dépendance à leur environnement. À l’encontre de cela, Cobb et Birch soutiennent un « modèle écologique » qui ne trace pas des lignes claires entre le vivant et le non vivant, ou entre un organisme et son environnement. Le livre défend aussi une idée de l’évolution où le comportement adaptatif peut conduire à des changements génétiques. Cobb et Birch avance qu’une espèce « co-évolue avec son environnement » et que de cette manière, le dessein intelligent joue un rôle dans l’évolution : « L’évolution n’est pas un processus de compétition impitoyable dirigé vers un objectif de pouvoir ou de complexité toujours plus grande. Une telle attitude, parce qu’elle ne s’adapte pas, n’est pas propice au succès évolutif. Une espèce co-évolue avec son environnement. Également, il n’y a pas une nature stable et harmonieuse à laquelle l’humanité devrait simplement se soumettre à sa sagesse. Le dessein intelligent joue un rôle dans le comportement adaptatif, et à mesure que les environnements changent, leur rôle augmente. »
La Libération de la Vie met l’emphase sur le fait que toute vie (non seulement la vie humaine) possède une finalité orientée vers la réalisation d’une expérience plus riche. Cobb et Birch développent l’idée de « croire en la vie » comme un élan religieux, au lieu de tenter d’obtenir une structure sociale établie et perfectionnée qui ne permet par le changement et l’évolution.
- Revitaliser le christianisme dans un monde plural et globalisé
Cobb pensait que depuis la moitié du XIXème et pendant la première moitié du XXème siècle, la théologie protestante états-unienne avait été dépendante en grande mesure de la théologie européenne (principalement allemande). À la fin des années 1950, Cobb et le professeur Claremont James Robinson décidèrent que le moment était venu de mettre fin à cet unilatéralité et d’avancer vers un dialogue authentique entre théologiens renommés d’Allemagne et des États-Unis, en publiant une série de volumes intitulés : « Nouvelles frontières en théologie ».
Après avoir publié plusieurs livres sur les formes contemporaines du protestantisme, Cobb se consacra à partir du milieu des années 1960, à des travaux plus originaux qui cherchaient à apporter les idées d’Alfred North Whitehead sur la scène protestante étatsunienne contemporaine. Cobb prétendait reconstruire une vision chrétienne davantage compatible avec les connaissances modernes et mieux préparée à s’engager dans le monde pluraliste d’aujourd’hui. Il le fit de nombreuses manières. D’un côté Cobb mit l’accent sur les problèmes inhérents à ce qu’il appelait la théorie « substantialiste ». Une cosmovision – dérivée en dernière instance de la philosophie grecque classique – qui domine toujours la théologie chrétienne, ainsi que la majeure partie de la pensée occidentale. Cette pensée « substantialiste » suppose que la forme de penser requiert un dualisme esprit-matière dans lequel la matière et l’esprit sont deux catégories d’entités fondamentalement différentes. Aussi, il induit à voir les relations entre les entités comme quelque chose sans importance parce que l’entité est complète en soi-même. En contraste avec cette vision, Cobb suit Whitehead en attribuant la primauté aux événements et aux processus davantage qu’aux substances. Selon cette vision de Whitehead, rien n’est contenu à l’intérieur de ses propres limites définies. De fait, la forme dans laquelle une chose entre en relation avec les autres choses est ce qui fait « ce qu’elle est. » Cobb écrit : « Si la vision substantialiste est abandonnée, émerge une image assez différente. Chaque occasion d’expérience humaine se constitue non seulement par son incorporation des occasions cellulaires de son corps, mais aussi par son incorporation des aspects d’autres personnes. C’est-à-dire que les personnes entrent en relation intérieure entre elles. C’est pourquoi, le caractère de l’être, à chaque instant, est affecté par la santé et le bonheur du prochain ». Pour Cobb, cette métaphysique du processus est mieux enlignée avec la Bible qui met l’accent sur l’histoire, la communauté et l’importance du prochain.
- Repenser le christianisme à partir d’autres catégories
Au lieu de se refermer sur soi pour préserver une communauté chrétienne fermée et monolithique, Cobb s’ouvre vers l’extérieur pour découvrir et intégrer dans le système des croyances véritables que le christianisme ne possède pas encore.
Cette pensée est en opposition directe avec ceux qui pensent que le christianisme comme système religieux est absolument définitif, complet et exempt d’erreur. Cobb non seulement a eu recours à d’autres religions (surtout le bouddhisme) pour compléter les idées et les systèmes chrétiens, mais aussi à d’autres disciplines, incluant la biologie, la physique et l’économie.
À l’encontre du théisme traditionnel, Cobb a nié l’idée que Dieu est immuable et impassible. En échange, il insiste sur le fait que Dieu est affecté et changé par les actions des créatures, autant humaines comme d’autres types. Pour Cobb, l’idée que Dieu expérimente et change ne signifie pas qu’Il soit imparfait, bien au contraire, il considère que Dieu expérimente avec tous les êtres et, pour cela, les comprend et ressent de l’empathie pour tous les êtres, devenant « le compagnon de souffrance qui comprend ». Cobb soutient que cette idée de Dieu est davantage compatible avec la Bible, dans laquelle Jésus souffre et meurt.
Qui plus est, la théologie de Cobb a argumenté à l’encontre de l’idée du salut comme un événement singulier et binaire dans lequel une personne est sauvée ou pas pour toujours. Au lieu de voir le temps qu’un individu passe dans le monde comme une épreuve de sa moralité pour pouvoir entrer dans un règne céleste, Cobb voit le salut comme l’effort continu pour transformer et perfectionner notre expérience en ce monde. L’idée du salut de Cobb est moins centrée sur des catégories morales et davantage sur des catégories esthétiques, comme la préférence pour l’expérience intense au lieu de l’expérience ennuyante, ou la beauté au lieu de la laideur. Cobb écrit : « Si la moralité est liée à aider les autres, la question cruciale est : Quelle doit être cette aide ? Une aide pourrait consister à leur faire davantage la morale, mais finalement, la véritable moralité ne peut se suffire à elle-même. Elle doit être orienté vers le mieux être de ceux qu’il s’agit d’aider dans un sens plus large. » Pour la pensée du processus, cela doit être inclusivement la perfection de son expérience.
Cobb admet que l’idée que la moralité est subordonnée à l’esthétique est « choquante pour plusieurs chrétiens », mais il soutient qu’il doit y avoir quelque chose de plus dans la vie que simplement être moralement bon ou moralement mal et que les catégories esthétiques satisfont spécifiquement cette fonction parce qu’elles se définissent comme des biens en soi.
Conclusion
Au cours des vingt dernières années de vie, Cobb se sentit toujours plus préoccupé par l’identification populaire du christianisme avec la droite religieuse et la faible réponse des protestants traditionnels. Pour encourager une réponse plus forte, il organisa les Chrétiens progressistes unis avec le pasteur épiscopalien George Regas en 1996, qui présida son comité de réflexion et édita plusieurs de ses livres. À mesure que devint plus ample la brèche perçue entre les politiques du gouvernement étatsunien et les enseignements chrétiens, ces livres allèrent au-delà des simples propositions réformistes. Le dernier de ses livres s’intitule : Résistance : le nouveau rôle des chrétiens progressistes.
Dans son livre de 2010, Spiritual Bankruptcy : A prophetic Call to Action, Cobb plaide contre la religiosité et le sécularisme, affirmant que ce dont nous avons besoin, c’est la sécularisation des traditions de sagesse.
Traduit de l’espagnol par Yves Carrier
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