Un récit collectif
Pour nous décoloniser l’esprit de la mentalité consumériste capitaliste et contrer l’idéologie qui nous conduit dans ce cul-de-sac civilisationnel, nous devons apprendre à transcender nos intérêts particuliers inscrit dans l’individualisme, pour envisager les problèmes actuels avec un regard nouveau.
Entre le post-nationalisme d’un Canada accueillant, mais sans histoire, et le repli ethnique identitaire qui magnifie le passé sans en extraire toute la substance, une petite nation comme le Québec a besoin d’un récit collectif qui donne sens à une destinée commune lui permettant de se projeter dans l’avenir. Ne pouvant faire l’économie de la critique du colonialisme, et sans vouloir usurper le droit d’aînesse des Premiers peuples, je propose comme grille interprétative de l’histoire du Québec les expériences d’entraide et d’accueil pour faire face à un des climats les plus rigoureux de la planète et construire une société viable. Bien sûr, nous ne pourrions retenir que la laideur de l’histoire, mais cela laisse un goût amer nous confinant à un état de rancœur permanent. Ce n’est pas l’angle que nous avons choisi d’explorer ici.
Le paradoxe consiste à s’enraciner dans l’histoire conçue comme un projet dynamique en élaboration permanente, tout en demeurant ouvert aux apports des nouveaux arrivants comme source de renouveau. La trame narrative qui nous concerne doit nous transmettre un image positive des luttes du passé, d’une longue survivance à la fois tragique et heureuse, belle et généreuse, un océan de misère traversée d’amour et de courage.
Une sagesse ancestrale nous enseigne que le territoire ne nous appartient pas, que c’est nous qui lui appartenons. Dans cette optique, s’associer à une mémoire plus ancienne que l’arrivée des Européens ouvre des possibilités narratives insoupçonnées. Elle représente un réservoir de valeurs ayant fait leur preuve pour des dizaines de générations. L’importance du récit collectif, c’est qu’il met en scène des valeurs susceptibles de permettre l’adhésion à un projet commun. Selon Christ Hedge, pour surmonter la grande noirceur des identités meurtrières qui s’amoncèlent devant nous, les peuples ont besoin d’une mystique enracinée dans l’histoire. D’une part, nous ne sommes pas une génération spontanée qui n’aurait rien à apprendre de la résilience de ces ancêtres. Cette vision critique qui lit l’histoire à rebours à partir du présent, interdit toute construction de l’avenir fondée sur des apprentissages réalisés à travers le temps et la transmission d’une sagesse plus que nécessaire en cette période troublée. Car, la question qui nous concerne au premier chef, c’est comment garder l’espérance allumé en nos cœurs? un cœur ouvert, collectif et aimant, pour toute l’humanité. Cela afin de ne pas sombrer dans le cynisme et le désespoir qui nous empêchent de nous investir pour les sept générations à venir.
Yves Carrier
Des choix nouveaux qui s’offrent à nous et à nos organisations
Par Guy Roy, 27 novembre 2024
Avec les pressions que Donald Trump met sur la militarisation de ses alliés, le mouvement populaire et syndical devrait mettre l’accent sur les choix politiques que cela implique et s’en démarquer. En effet la concentration d’argent que le réarmement monopolise se fait au détriment des investissement en santé, en éducation et dans les services publics en général. Qu’on pense à la faiblesse des transferts en santé par le fédéral, ils impliquent formellement des choix politiques qui vont dans la sens de l’augmentation des budgets militaires. En effet les gouvernements devront, s’ils veulent répondre positivement aux injonctions et aux pressions des USA pour une augmentation des budgets militaires, impérativement couper dans la part des budgets consacrés aux services publics.
Bien que l’on présente cela comme une analyse simpliste, économiste, les sommes impliquées sont énormes et il y a des vases communicants entre les différents services de l’État. Des choix s’imposent entre d’une part augmenter les dépenses militaires et consacrer ces sommes aux services publics. Dans le processus de militarisation, il s’agit de choisir entre les services de santé et d’éducation, et l’armement. On ne peut pas investir dans les deux domaines autant qu’on le voudrait. Que la juridiction soit fédérale ou nationale au Québec, la limite des transferts en santé se fait à l’avantage du militaire. Et si on ressert à une place, c’est pour être plus libéral ailleurs.
Tranquillement ont prépare l’opinion à une augmentation des budgets militaires au nom de la soi-disant insécurité du monde comme s’il n’y avait pas un cercle vicieux entre cette militarisation et l’insécurité elle-même. Plus l’on s’arme, plus les risques de guerre augmentent. C’est dans la logique des choses.
Ma thèse est que les mouvement populaires et syndicaux ne devraient pas laisser faire et que les choix politiques devraient être exposés à la population franchement. En réclamant des investissements dans le secteur public, on devrait être clair qu’il s’agit d’aller chercher l’argent où il est destiné par les injonctions à toujours augmenter les sommes consacrées à l’armement.
On devrait ainsi tabler sur la répulsion générale de la guerre pour insister que soient limités les investissements toujours plus élevés dans l’armement. Il faut éduquer la population à affirmer ses choix contre la guerre et l’insécurité pour que des argents soient libérés pour les services publics délabrés. La déliquescence de services comme l’éducation ou la santé doit être mis en contradiction avec les sommes de plus en plus gigantesques consacrées à la guerre. C’est à la population de trancher entre ses intérêts et ceux du complexe militaro-industriel. Mais pour cela, il faut que quelqu’un, quelque part, expose ces enjeux de société de manière que soient fait les choix conformes aux intérêts populaires.
Qui d’autres que les organisations populaires et syndicales peuvent exposer cela aux yeux du public ? Qui le fera sinon ces organisations ? On ne peut attendre des politiciens traditionnels qu’ils fassent la part des choses. Ils sont trop compromis envers ce qui pousse vers l’armement. On ne peut non plus se fier aux journalistes qui donnent trop souvent la parole à ceux qui font la promotion d’une augmentation des budgets militaires. Ils ne savent pas départager les intérêts populaires du discours officiel qu’ils rapportent sans esprit critique la plus part du temps.
C’est ma conviction que les organisations du peuple ont un rôle éminemment urgent à jouer dans ce débat de société et elles doivent le prendre à cœur pour que la situation évolue dans le sens de la paix au niveau des États eux-mêmes. Car laissés tout seuls avec le problème, les États pencheront pour l’augmentation des budgets militaires puisque les politiques à leur tête sont gagnés aux intérêts du complexe militaro-industriel contre ceux de la population. Se convaincre de cela n’est pas tombé dans des préjugés communs, mais se rendre compte d’une réalité qui a préparé aux différentes guerres à venir jusqu’à date. Que n’a-t-on pas entendu menacer de tous les périls ceux qui s’opposaient à la guerre. Il est temps que les organisations populaires prennent à cœur le sort de la paix et qu’elles fassent de ce thème une source d’éducation politique qui amène la mobilisation à son plus haut niveau de sorte que les choix se fassent dans ce sens. Il en va de notre avenir à tous et de la qualité de nos existences.
Plus que de l’optimisme : l’Espérance de Teilhard dans un Avenir d’Union
Par : LIBBY OSGOOD
Congregation of Notre Dame, P.Eng., Ph.D
« Pour agir, il faut avoir le sentiment que vos actions peuvent éventuellement faire une différence : pas de certitude, pas d’optimisme, mais de l’espérance ».
Catherine Keller
I. INTRODUCTION
Notre société traverse une crise écologique mondiale. Au cours d’une conversation faisant suite à un exposé de Catherine Keller lors d’une conférence de chercheurs teilhardiens et whiteheadiens en septembre 2023, il a été dit que, d’un point de vue écologique, le temps de l’optimisme était révolu. Cette conversation est restée dans mon esprit et est à l’origine du présent article, qui explore la notion d’espérance dans les écrits de Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955). Plus que d’optimisme, nous avons besoin d’une théologie de l’espérance pour nous inciter à agir et pour nous guider dans cette crise de plus en plus alarmante.
À la fois prêtre jésuite et scientifique, Teilhard se décrivait comme un « citoyen de la Terre » et il écrivait « Pèlerin de l’Avenir, je reviens d’un voyage entièrement accompli dans le Passé ». En conséquence, ses écrits intégraient un avant et un après temporel, prolongeant le développement évolutif de l’univers jusqu’à un point d’union futur, oméga, tout en ancrant fermement dans la Terre sa spiritualité. Il regardait en arrière afin de pouvoir comprendre plus à fond, dans le but de regarder vers l’avant. Lui aussi a vu la nécessité d’espérer et a encouragé une amie à «faire confiance à la Vie » avant d’ajouter : « Il est si facile d’être pessimiste ou cynique à propos du présent et de l’avenir de la Terre ! Il faut que je montre l’autre, le véritable, côté des choses. […] Quand l’Orage sera passé, à l’Ouest, les gens auront alors besoin d’un espoir constructif. » Il écrit donc pour inspirer l’espoir.
Une autre preuve de la place centrale qu’occupe l’espérance dans ses écrits se trouve dans une lettre de 1927 adressée à une amie : « La foi et l’espérance au Monde terrestre à venir dominent, pareilles à de grandes montagnes, ma vie intérieure. » C’est une déclaration curieuse pour quelqu’un qui a été brancardier pendant la Première Guerre mondiale et qui, au moment où il écrit cette lettre, s’apprête à rentrer à Paris après un exil en Chine imposé par ses supérieurs jésuites, période de grande incertitude. De plus, tout au long de sa vie, il lui a été interdit de publier ses textes tournés vers l’avenir, et il vécut en exil pendant la majeure partie des vingt-huit années qui lui restaient à vivre. Pourtant, Ilia Delio note que « même au milieu d’une terrible tragédie, Teilhard a toujours gardé l’espoir. »
Il est difficile d’imaginer comment quelqu’un qui a connu tellement de souffrances et d’interdictions peut être à ce point plein d’espérance. Dans Le Milieu Divin, Teilhard nous dit que « nous ne saurons jamais tout ce que l’Incarnation attend encore des puissances du Monde. Nous n’espérerons jamais assez de l’unité humaine croissante. » . Il révèle ici les éléments clés de sa vision pleine d’espoir : l’évolution vers l’avenir, l’unité de l’humanité et la place de l’humanité dans l’écosystème terrestre. Le rôle de l’unité dans l’espérance est également présent dans une lettre à Mme Georges-Marie Haardt : « Tout l’avenir de la Terre, comme de la Religion, me paraît suspendu à l’éveil de notre foi en l’avenir ». Teilhard espérait que l’humanité pourrait collectivement progresser dans sa foi en l’avenir et, par conséquent, que la Terre aurait un avenir.
Pèlerin de l’Avenir autoproclamé, Teilhard a écrit pour inspirer d’autres personnes à adopter sa vision d’union.
D’autres le considèrent comme un prophète ou un mystique. Selon John Haught, « enhardi par l’espoir en un avenir cosmique, Teilhard cherchait à partager avec ses semblables ce qu’il pensait voir se produire dans l’avenir. » Kathleen Duffy décrit la « mystique de l’espérance » de Teilhard qui « soutenait et renforçait tout ce qu’il faisait et qui le libérait afin qu’il soit ce qu’il était appelé à être. » Allant au-delà de l’individuel vers le collectif, Teilhard partageait sa vision pleine d’espoir et orientée vers l’avenir, que ce soit en tant que mystique (comme le propose Duffy), prophète (comme le propose Haught), ou pèlerin (comme il le suggère lui-même).
L’attitude optimiste de Teilhard a été interprétée comme trop optimiste par certains. Ursula King affirme qu’« il était optimiste, peut-être beaucoup trop optimiste, diront certains, et pas assez réaliste dans l’évaluation de l’impact de la politique de puissance mondiale lorsqu’il a soutenu que le développement de la bombe atomique pourrait conduire à l’élimination de la guerre ». Richard Kropf critique « l’optimisme invincible » de l’ouvrage de Teilhard Le phénomène humain, et il a expliqué comment la pensée de Teilhard « semble souvent avoir été à la limite de la naïveté ».
Certes, Teilhard écrit parfois avec une confiance optimiste en un avenir lumineux. Par exemple, sa lettre de 1934 à son amie Lucile Swan pourrait être interprétée à tort comme excessivement optimiste : « le seul travail important dans le monde est la découverte (ou plutôt la création) de l’Avenir. […] Le seul danger, je pense, serait, pour nous, d’espérer trop peu et de faire insuffisamment confiance. […] … Soyez heureuse, chère et précieuse amie, – et si jamais vous avez l’impression d’une ombre, pendant ces semaines, – riez-en. – Il y a de la lumière, et seulement de la lumière, en face de nous. » Considéré en tant que citation isolée, ce passage pourrait être jugé naïvement optimiste, mais si l’on envisage l’ensemble de sa vision pleine d’espérance, il s’agit d’un exemple où Teilhard encourage son amie pendant des périodes sombres qui, il en est sûr, passeront.
L’espoir et l’optimisme peuvent se chevaucher, et tout optimisme n’est pas naïf. Clément Vidal attribue l' »optimisme robuste » de Teilhard au fait d’avoir vécu deux guerres mondiales, et il explique que Teilhard « a pu sentir qu’il devait donner de l’espoir alors que l’humanité vivait l’une des périodes les plus sombres de son histoire. » Le généticien Theodosius Dobzhansky a renforcé ce besoin d’espérance en écrivant en 1962 : « Pour l’homme moderne, si délaissé et spirituellement embourbé dans cet univers vaste et ostensiblement dépourvu de sens, l’idée évolutionniste de Teilhard de Chardin arrive comme une lueur d’espoir. Elle répond aux exigences de notre époque. » Il se peut que dans une période d’obscurité, l’optimisme de Teilhard agisse comme un phare, indiquant la voie à suivre pour que l’espoir puisse perdurer.
En réponse aux critiques sur la « tendance trop optimiste ou utopique de la vision de Teilhard », Donald J. Goergen explique que la vision de Teilhard est ancrée dans « une théologie de l’espérance. Il s’est certainement rendu compte que l’avenir de l’évolution n’est pas garanti, même si le mouvement vers l’avant est irréversible. » Robert Faricy juge lui aussi la vision de Teilhard pleine d’espoir, il pense que Teilhard « n’était pas du tout optimiste ; dans ses dernières années, il était souvent anxieux et déprimé. Il avait cependant une grande espérance, l’espérance en Jésus-Christ ressuscité, centre même de l’éco théologie de Teilhard. »
Pour moi aussi, la vision de Teilhard est plus qu’optimiste, plus qu’un usage tiède du mot « espérance ». Sa vision est véritablement remplie d’espoir. Pour naviguer dans cette période écologiquement critique et travailler à un avenir d’union, nous devons nous aussi être remplis d’espoir, mais qu’est-ce que cela signifie par rapport à l’optimisme ? Pour répondre à cette question, je développe un cadre en trois points où je distingue l’espérance de l’optimisme : 1) l’espérance n’est pas naïve, 2) l’espérance s’accompagne de souffrance, et 3) l’espérance exige l’action. Ensuite, j’explore les écrits de Teilhard sur chacun de ces trois points, pour finalement montrer que Teilhard fait preuve, plutôt que d’un optimisme sans contenu, d’une espérance d’union.
II. ESPÉRANCE PLUTOT QU’OPTIMISME
L’optimisme n’est ni bon ni mauvais en soi. Il s’agit d’un tempérament, d’une attitude ou d’une façon d’être. Des études médicales ont montré que les personnes ayant une attitude optimiste peuvent éviter la dépression et promouvoir le bien-être physique mieux que celles ayant une attitude pessimiste. Pour l’anecdote, je remarque que je me sens plus positive et moins stressée lorsque je cherche les aspects positifs de ma journée au lieu de m’attarder sur les éléments négatifs. Toutefois, l’optimisme peut avoir des effets négatifs lorsqu’il se transforme en un optimisme vide, irréaliste ou aveugle.
D’un point de vue médical, les personnes qui font preuve d’un optimisme irréaliste peuvent percevoir leur risque de maladie comme plus faible, par exemple en pensant qu’elles ne développeront pas de cancer du poumon parce qu’elles ont fumé. Ciro Conversano et ses collègues notent que « les optimistes irréalistes ont à peine envisagé l’hypothèse d’arrêter de fumer pour réduire le risque de cancer. » Cet optimisme aveugle témoigne d’une ignorance délibérée ou d’un mépris des données, et peut avoir des conséquences négatives.
En comparant l’optimisme et l’espérance, Bill Cosgrove explique que « si les auteurs sur l’espérance conviennent que l’espérance et l’optimisme s’opposent au pessimisme et au désespoir, ils affirment également que l’espérance et l’optimisme diffèrent radicalement l’une de l’autre. » Alors que l’optimisme peut être une « bizarrerie du tempérament », Terry Eagleton définit l’espérance comme « une disposition que l’on atteint par une réflexion profonde ou une étude disciplinée. » Parce qu’elle a besoin d’un effort, d’une intention, l’espérance est une vertu qui se développe avec le temps, alors que l’optimisme est une attitude ou un tempérament.
Peut-être naïvement, les optimistes croient que le bien prévaudra, que les pauvres seront nourris et que les malades seront guéris. « Dans la tradition chrétienne, affirment les rédacteurs du magazine America, l’optimisme n’est pas une vertu. Supposer que les choses finiront par s’améliorer peut être utile pour maintenir un état d’esprit positif, mais cela n’offre pas grand-chose d’autre. » La certitude aveugle que le bien prévaudra démontre la superficialité de l’optimisme. L’espérance n’est pas si naïve. Jürgen Moltmann a parlé d’une « théologie de l’espérance ». L’espérance, dit-il, doit s’accompagner de « responsabilité pratique dans le contexte de situations et d’époques spécifiques […] elle n’est pas fondée sur l’optimisme, mais sur la foi. » Une théologie de l’espérance est fondée sur des situations quotidiennes, sur l’ennui, sur la souffrance et sur la joie.
Alors que l’optimisme vide suppose une issue positive, l’espérance est remplie de la conscience que le bien peut ne pas toujours prévaloir, et pourtant elle persiste, ancrée dans une foi profonde. Fondamentalement, l’espérance n’est pas naïve.
En outre, l’optimisme ferme les yeux sur la douleur et la souffrance. En distinguant l’espérance de l’optimisme, Dermot Lane affirme que « l’optimisme est une sorte de présomption qui néglige les réalités de la douleur, de la souffrance et du mal. […] En revanche, l’espérance lutte contre le caractère ambigu de l’existence et y répond en adoptant une attitude particulière qui consiste à imaginer de nouvelles possibilités et d’autres alternatives, inspirées par les impulsions de l’expérience humaine. »
L’espérance comprend que la souffrance ne peut pas toujours être évitée, et pourtant elle persiste. Elle va de l’avant malgré les maladies, la dureté du travail, les luttes, elle est façonnée par ces expériences. Alors que l’optimisme ignore les aspects difficiles de la vie, l’espérance se penche sur les épreuves et se laisse transformer par elles pour produire quelque chose de nouveau et de plus profond. Avec audace, l’espérance s’accompagne de souffrance.
Enfin, lorsqu’il est poussé à l’extrême, l’optimisme vide devient de la complaisance. Il n’encourage pas l’action et suppose que quelque chose va changer sans faire aucun effort pour obtenir ce résultat. À l’inverse, John Haught décrit l’ampleur et l’absence de limites de l’espérance : « l’espérance a besoin d’un horizon élevé, qui dépasse l’existence personnelle, l’histoire humaine et l’univers lui-même. »
L’espérance dépasse l’individu pour s’étendre à la collectivité ; elle est imprégnée d’une plénitude qui perçoit notre interconnexion et pousse à l’action pour donner vie à ces croyances optimistes, pour nourrir réellement les affamés en leur fournissant de la nourriture, ou pour soigner directement les malades. L’espérance n’est pas vide et n’est donc pas impuissante ; elle est vivante et active. L’espérance ne peut rester inerte sans jouer un rôle actif. C’est un antidote au désespoir. L’espérance est la vertu qui relie intégralement la foi et l’amour, la croyance et l’action. En fin de compte, l’espérance exige une action.
Dans la crise écologique actuelle, il n’y a pas de place pour un optimisme vide. Nous avons besoin de plus qu’une perspective positive. Nous avons besoin de la vertu d’espérance, qui n’est pas naïve, qui implique la souffrance et qui exige l’action.
III. ECRITS DE TEILHARD SUR L’ESPERANCE
L’Espérance n’est pas naïve
Malgré son intérêt pour un avenir d’union, Teilhard ne tourne pas le dos au monde, les yeux dirigés en avant, il n’est pas entièrement concentré sur l’avenir, inconscient de ce qui se passe autour de lui. « Teilhard de Chardin est souvent considéré à tort comme un penseur trop optimiste. Pourtant, il s’est lui-même demandé si l’expérience à laquelle nous participons pouvait être couronnée de succès, si elle pouvait conduire à l’unité dont nous avons besoin « , déclare Ursula King, qui perçoit les questionnements de Teilhard et le fait qu’il est conscient de l’état du monde. Dès 1918, Teilhard parle d’un « avertissement suprême » concernant l’extinction de la vie sur Terre, le jour où « comme un grand fossile, la Terre gravitera elle aussi, toute blanche. Rien ne remuera plus à sa surface ; elle aura gardé tous nos os. » Ce sombre avertissement est répété tout au long de sa vie.
Reconnaissant la croissance de la population humaine, il écrit en 1942 : « Ainsi, nous commençons à être trop nombreux pour nous partager la Terre. ‘L’espace vital’ se met à manquer. » En 1947, il prophétise l’impact de l’expansion humaine sur les plantes et les animaux : « du train où elle va, on peut déjà prévoir le jour où toute autre forme d’animaux, et même de plantes, sera par elle supprimée ou domestiquée. » Teilhard a vu et prévu l’impact anthropique croissant de l’humanité sur les autres êtres vivants et sur la Terre.
Au-delà des plantes et des animaux, il s’intéresse aux ressources naturelles et écrit en 1933 à propos de l’emballement de la production : « Trop de fer, trop de blé, trop d’automobiles, mais aussi trop de livres […] Le Monde, en croissant, est-il condamné à mourir automatiquement, étouffé sous l’excès de son propre poids ? » Bien qu’intrigué par la technologie et le progrès, il est conscient du danger que représente la surconsommation. « Dans notre hâte d’avancer, ne brûlons-nous pas imprudemment nos réserves au point que notre progression se trouve demain arrêtée faute de ravitaillement ? » s’interroge-t-il en 1948. Vers la fin de sa vie, en 1953, il a lié la disparition potentielle de l’humanité à un manque de sources d’énergie : « À ce régime-là, pour combien de temps en avons-nous avant que ne s’épuisent entre nos mains, non seulement le charbon et le pétrole, mais toutes sortes de substances dont nous ne pouvons déjà plus nous passer pour vivre ? […] Encore deux ou trois cents ans de cette consommation effrénée, nous avertit-on, et, faute de combustible, la flambée humaine s’éteindra, – tout bonnement. » Teilhard n’était pas naïf quant à l’avenir de la planète et à celui de l’espèce humaine. Au contraire, son espoir dans la noosphère et dans un avenir d’union était éclairé par sa conscience écologique.
Teilhard a reconnu que pour que l’humanité soit pleinement consciente, nous devons avoir le courage de remettre en question nos croyances implicites. « Qui donc de nous a bien osé, une seule fois dans sa vie, regarder en face, et essayer de ‘vivre’, un Univers formé de galaxies s’espaçant à des cent mille ans de lumière ? Qui donc l’ayant tenté, n’en est pas sorti bouleversé dans l’une ou l’autre de ses croyances ? »
En contemplant l’immensité du cosmos, nous sommes amenés à réexaminer la façon dont nous comprenons la réalité. Teilhard nous encourage à nous pencher sur ce que Richard Rohr appelle une expérience fondamentalement nouvelle. Rohr dit qu' »une expérience authentiquement nouvelle fait quelque chose avec vous ! Elle vous laisse hors de contrôle pendant un certain temps et vous oblige à reconsidérer votre situation, découvrant des émotions nouvelles, et à réajuster les coordonnées de votre vie. » Elle est souvent un peu humiliante, parce qu’elle bouleverse vos anciennes coordonnées. L’espérance ne nous permet pas de rester dans des coordonnées confortables et familières. Au contraire, nous devons examiner notre réalité dans l’univers et considérer les implications qui en résultent pour les croyances que nous avons depuis toujours.
Une fois pleinement conscients, Teilhard nous encourage à développer notre potentiel spirituel. Il écrit que les hommes « ne savent pas vers quel But universel et final ils doivent diriger l’élan de leurs âmes […] la crise actuelle est une crise spirituelle. » Il reconnaît que l’humanité doit situer sa spiritualité dans le domaine terrestre, en intégrant les plans spirituels et terrestres au lieu de s’isoler dans un monde purement biologique. « Je pense que le monde ne se convertira aux espérances célestes du Christianisme que si préalablement le Christianisme se convertit […] aux espérances de la Terre. » C’est dans le Monde terrestre que l’humanité doit chercher Dieu.
Teilhard était conscient que nous ne sommes pas sur un chemin rectiligne, nous ne sommes pas engagés dans une recherche facile. Il dit : « Devant nous, le Monde est comme un labyrinthe. Beaucoup d’entrées. Mais un seul chemin qui mène au centre. » Teilhard n’était pas naïf. Il ne supposait pas que le travail vers un avenir d’union serait simple. Il avait prévu l’impact du consumérisme, de la surpopulation et de l’épuisement des ressources. Il reconnaissait que nous vivons une crise spirituelle dans laquelle nous avons besoin d’espérance.
L’Espérance s’accompagne de souffrance
L’espérance ne promet pas une existence paisible, immaculée, facile. Teilhard a décrit la nécessité de « mourir puis renaître » afin de partager « l’Esprit de la Terre » et d’atteindre un « plan supérieur d’humanité. […] ceci veut dire tourments intérieurs et persécutions. La Terre ne prendra conscience d’elle-même qu’à travers la crise de la conversion. » Les enseignements pleins d’espérance de Teilhard, font leur part aux crises, qui font partie intégrante de la croissance. Selon John Gatta, « l’espérance théologique que Teilhard manifeste dans ses écrits ne peut être attribuée ni à un optimisme naïf ni à la bonne fortune matérielle. Cette espérance découle plutôt de la foi de Teilhard en la résurrection, une foi qui affirme la réalité ultime d’une transformation personnelle et cosmique. » En 1950, Teilhard écrivait ce qui suit sur la douleur du Vendredi Saint, envisagée comme une “conséquence naturelle” de la progression vers Pâques :
Au sein du vaste processus d’arrangement d’où émerge la Vie, tout succès, nous nous en apercevons, se paie nécessairement d’un large pourcentage d’insuccès. Point de progrès dans l’être sans quelque mystérieux tribut de larmes, de sang et de péché. Pas étonnant, dès lors, si, autour de nous, certaines ombres s’accentuent en même temps que grandit la lumière : puisque, de ce point de vue, la douleur sous toutes ses formes et à tous ses degrés, ne serait (au moins partiellement) qu’une suite naturelle du mouvement par lequel nous sommes engendrés !
La souffrance est inhérente à la foi en la résurrection, tout comme c’est un « enchaînement naturel » vers une espérance qui transforme. Teilhard utilise l’analogie selon laquelle une lumière vive laisse une ombre derrière un objet. L’ombre n’est ni bonne ni mauvaise, mais c’est une conséquence nécessaire et naturelle de la source de lumière. De même, la souffrance est inhérente à l’espérance. La transformation n’est pas rapide. En 1916, Teilhard écrivait que le labeur humain « doit être essentiellement tenace, patient, doux. » Plus de trente ans plus tard, il conseillait à une amie : « confiez-vous éperdument, et attendez patiemment (car il faut du temps pour toutes choses, c’est la raison même de l’existence du Temps dans le Monde). Confiance et patience : c’est porté sur ces deux ailes, que vous avez des chances de voir se dessiner en vous la figure d’un Dieu. » Bien que nous souhaitions souvent que le changement se produise rapidement, il faut « avoir confiance dans le lent travail de Dieu » , comme il l’indique dans une lettre adressée à sa cousine Marguerite Teilhard-Chambon. Cela aussi permet de souligner l’espérance contenue dans son message. L’espérance est patiente et prête à souffrir, confiante dans le plus grand bien à venir. Il n’y a, en revanche, aucune notion de temps dans l’optimisme. Écrivant depuis le front lors de la Première Guerre mondiale, Teilhard déclarait : « Non, l’œuvre n’est pas finie, ni condamnée. » Il avait de l’espoir, même dans les moments les plus sombres.
La patience de Teilhard est probablement née d’une appréciation du lent travail de l’évolution. En 1915, il écrit que la Nature « est une pénétrante invitation aux efforts lents, patients et méconnus, par où l’individu, porté par tout un passé, prépare humblement un monde qu’il ne connaîtra pas. » Si la puissante Nature, le grand maître de Teilhard, doit être patiente, alors nous devons l’être aussi.
En tant qu’exilé, non autorisé à publier ses écrits spirituels de son vivant, Teilhard comprenait la souffrance. Avant même d’être exilé, il a écrit combien il trouvait frustrant le manque d’unité dans le monde. En 1916, dans une lettre à Marguerite, il écrit : « Au lieu de travailler à des améliorations et conquêtes terrestres […] ne vaudrait-il pas mieux abandonner à son espèce de suicide ce monde absurde qui détruit ses meilleures productions. » Cependant, il ne s’attarde pas sur la douleur. Quelques lignes plus loin, il écrit : « Et puis, je me suis repris. » Ensuite, sa lettre parle davantage d’espérance et s’oriente vers l’action, ce qui est caractéristique : « Il faut s’efforcer de diminuer la mort et la souffrance. » Après tout, souffrir pour souffrir ne fait pas partie de l’espérance. La foi dans la résurrection ne nous encourage pas à rechercher des moments propres au Vendredi Saint. L’espérance reconnaît plutôt qu’on ne peut éviter la souffrance. En outre, et en particulier pour Teilhard, la souffrance peut être le catalyseur qui nous pousse à agir.
L’Espérance exige l’Action
L’espérance n’est pas pour les inactifs. Au contraire, elle exige l’action afin de provoquer le changement. En 1916, depuis Dunkerque, Teilhard écrivait : « Nous ne sommes pas seulement les nourrissons bercés et allaités par la Terre Mère. Comme des enfants devenus adultes, nous devons savoir marcher seuls, et aider activement celle qui nous a portés. » Nous devons agir et travailler pour obtenir le résultat dans lequel nous plaçons nos espoirs. Dans sa Messe sur le Monde de 1923, il écrit : « Je les évoque, ceux dont la troupe anonyme forme la masse innombrable des vivants […] ceux-là surtout qui, dans la vérité ou à travers l’erreur, à leur bureau, à leur laboratoire ou à l’usine, croient au progrès des Choses, et poursuivront passionnément, aujourd’hui, la lumière. » Dans son appel, il s’adresse non seulement aux personnes de bonne volonté, mais aussi à celles qui sont passionnément désireuses de poursuivre la lumière.
Pour Teilhard, l’acte le plus « impardonnable » serait que « notre timidité ou notre modestie nous fassent devenir de mauvais ouvriers ! »– en sommeil.
Il nous encourage à être conscients de nos actes : « Jamais, en aucun cas, ‘que vous mangiez ou que vous buviez’, ne consentez à faire quoi que ce soit dont vous ne reconnaissiez d’abord, dont vous ne poursuiviez suprêmement ensuite, la signification et la valeur constructive in Christo Jesu. » Non seulement devons-nous être attentifs à ce que nous faisons, mais nous devons aussi imprégner nos actions de passion et d’intention.
Si Teilhard prône la ferveur et l’intentionnalité, il reconnaît que les actions ne doivent pas forcément être titanesques. Dans une conférence sur le bonheur donnée en 1943 à Pékin, il déclarait: « Ce qui ne suppose pas, rassurez-vous, que nous devions pour être heureux faire des actions remarquables, extraordinaires, mais seulement, ce qui est à la portée de tous, due, devenus conscients de notre solidarité vivante avec une grande Chose, nous fassions grandement la moindre des choses. Ajouter un seul point, si petit soit-il, à la magnifique broderie de la Vie. »
Rappelant la Petite Voie de Sainte Thérèse de Lisieux, Teilhard a encouragé son auditoire à agir et à le faire avec intention, conscient qu’ainsi est apportée une petite contribution à l’ensemble. Il a encouragé ses auditeurs à utiliser les moyens et les talents dont chacun dispose. Scientifique lui-même, Teilhard était parfaitement conscient de la manière dont les scientifiques pouvaient apporter leur contribution.
Bien que la science soit souvent considérée comme purement rationnelle, sans émotion, Teilhard reconnaît l’espoir inhérent à la recherche. Il écrit : « La recherche du savant, si positiviste qu’il se prétende, se nuance, se frange […] d’un espoir mystique. Ainsi donc, la tendance essentielle de notre esprit est de chercher à pénétrer au cœur du Monde. » Les scientifiques, par leur travail quotidien, peuvent également ajouter leur point à la tapisserie de la vie.
La « moindre des choses » de Teilhard peut avoir un impact vraiment important, et son héritage rempli d’espérance peut continuer à inspirer l’humanité près de 70 ans après sa mort. King écrit que Teilhard savait que sa vision spirituelle « pouvait enflammer l’imagination des gens, inspirer leurs efforts et leur donner de l’espoir. Il dit un jour que sa mission ne serait remplie que dans la mesure où les autres iraient plus loin que lui. Sa vision de la dignité de la vie humaine intégrée dans la vie cosmique plus large, son insistance sur la responsabilité, l’action et le choix au niveau mondial pour façonner l’avenir de l’humanité sur notre planète, et la nécessité d’objectifs spirituels pour stimuler la vie, peuvent inspirer les personnes appartenant à toutes les croyances et à toutes les cultures. »
Pèlerin de l’avenir, Teilhard voulait inciter les autres à agir.
Comparant Carl Jung et Teilhard, Ilia Delio les décrit tous deux comme des « réalistes pleins d’espoir. Quelque chose de nouveau et de merveilleux se trouve au milieu de nous – ce quelque chose est potentiellement vivant mais il doit être réveillé et rendu réel. » Les réalistes sont plus enracinés dans le Monde que les optimistes, et pour être un réaliste plein d’espoir, il faut activer son potentiel par l’effort. Reconnaissant à quel point l’humanité est profondément imbriquée dans l’écologie terrestre, Teilhard a écrit que « Quelque chose se développe dans le Monde, au moyen de nous, peut-être à nos dépens […] dans la grande partie engagée, nous sommes les joueurs en même temps que les cartes et l’enjeu. » L’humanité n’est pas éloignée du monde, elle y est profondément ancrée. En raison de notre conscience, nous sommes responsables de ce qui s’est passé et de ce qui se passera. En 1926, Teilhard écrivait à son amie : « … ce qui m’a fait goûter cette forte jouissance d’être ‘citoyen de la Terre.' » Le mot « citoyen » évoque l’appartenance et aussi l’obligation. Teilhard explique ensuite que la conscience collective d’être des citoyens de la Terre « va faire apparaître des qualités nouvelles sur notre Terre. » Il fait confiance à l’ingéniosité de l’homo sapiens et à la poussée de l’évolution.
Dans une conférence donnée à l’Ambassade de France à Pékin en mars 1945, Teilhard déclara « Que chacun de nous puisse se dire qu’il travaille pour que l’Univers s’élève […] alors c’est une nouvelle pulsation d’énergie qui monte au cœur des travailleurs de la Terre. » Bien que la voie à suivre puisse sembler incertaine, il croyait qu’un chemin apparaîtrait grâce à des actions nées de la conscience. Il réitère cette conviction en 1953 lorsqu’il écrit que « par analogie avec ce qui s’est historiquement passé dans le cas de la vapeur et de l’électricité, pourquoi ne pas faire, une fois de plus, confiance aux progrès d’une science fantastiquement accrue dans ses pouvoirs de trouver. »
Teilhard reconnaît qu’au fur et à mesure que la technologie progresse, que les possibilités d’un avenir meilleur augmentent également. L’espérance n’est pas fondée sur l’optimisme que quelque chose va se produire par magie. Au contraire, une étude attentive du passé permet d’espérer dans le potentiel de l’ingéniosité humaine.
Teilhard a résumé les deux dispositions morales nécessaires au progrès en six mots :
« une grande espérance, en commun. Une grande espérance, d’abord. Celle-ci doit naître spontanément dans toute âme généreuse en présence de l’œuvre attendue ; et elle représente aussi l’élan essentiel sans lequel rien ne se fera… [Deuxièmement : une espérance] en commun […] Notre espérance ne sera opérante que si elle s’exprime en plus de cohésion et plus de solidarité humaine. »
En travaillant ensemble, en espérant ensemble, nous pouvons accomplir davantage. Comme il l’avait écrit dans son essai de 1919 intitulé Terre promise, « l’Union sacrée, même le temps d’un éclair, c’en est assez pour que nous ayons pu entrevoir l’avenir promis à notre Espèce et découvrir le chemin pour y arriver qui nous y conduira. » Ensemble, nous pouvons envisager l’avenir et contribuer à sa réalisation.
Pour de nombreuses idées de Teilhard axées sur l’avenir, l’union est essentielle, particulièrement l’idée de noosphère et l’axe vers Omega. Il pensait également que la religion avait un rôle à jouer dans l’évolution, notamment dans l’avènement de l’avenir de la Terre. Dans une conférence donnée en 1950, il disait : « Non plus simplement une religion des individus et du Ciel, mais une religion de l’Humanité et de la Terre : voilà ce que nous attendons, comme un oxygène indispensable, en ce moment. » Il avait de grands espoirs dans l’union croissante de l’humanité, agissant pour développer des idées et pour travailler patiemment vers l’avenir, et il reconnaissait que nous sommes à la recherche d’une religion qui nous aide à avancer en direction d’une unification plus large.
IV. CONCLUSION
Tout au long de sa vie, Teilhard a soutenu un message d’espérance. Il écrivit : « Tout essayer pour le Christ ! Tout espérer pour le Christ ! » Sa foi incarnée lui permettait de voir Dieu dans le Monde, et sa croyance en un avenir d’union le poussait à partager cette vision. En tant que paléontologue, il s’intéressait au passé. En tant que prêtre et soldat, il était conscient des réalités difficiles de son époque. En tant que « pèlerin de l’avenir », il regardait continuellement vers le futur, ce qu’il exprima en 1924 dans une lettre à son amie Léontine Zanta, alors qu’il était exilé en Chine : « J’ai l’impression que la Terre, tout en gardant son prodigieux pouvoir de nous transmettre le Divin par tout elle-même, pâlit de plus en plus pour moi dans tout son présent et son passé. C’est l’avenir qui est fascinant, et je le vois tout embrasé de Dieu naissant partout. » Non seulement il voit le Divin dans le monde présent, mais sa vision de l’avenir est également imprégnée de Dieu !
Teilhard n’était pas naïf face aux dures réalités et aux souffrances inhérentes au monde, et il savait que la transformation à venir nécessiterait des souffrances et des actions volontaires. Rempli de la vertu d’espérance, Teilhard était conscient de la possibilité que l’avenir soit difficile ; il acceptait la souffrance nécessaire à l’avènement d’un avenir meilleur et se tenait prêt à agir pour aider à sa réalisation. En fin de compte, il espérait que nous deviendrions une humanité unie qui verrait Dieu surgir partout dans le monde.
Au milieu de l’escalade de la crise écologique à laquelle nous sommes actuellement confrontés, l’heure n’est plus à l’optimisme. Teilhard propose une théologie pleine d’espérance pour nous guider dans cette situation. Il prédit : « Un jour viendra peut-être où la surface de la terre sera totalement bouleversée ou devenue inhabitable, et où la seule préoccupation de l’humanité […] sera de se retirer plus directement et plus profondément en Dieu, au cœur de la nuit mystique. Cela est possible. Je ne pense pas que le moment soit encore venu. Il faut encore des ouvriers pour soutenir ceux qui sont à l’oraison, et il faut pouvoir leur expliquer qu’ils travaillent dans le Christ, même en labourant la terre… ».
Bien que nous assistions à de nombreux exemples de changement climatique, je suis d’accord avec Teilhard. Le temps n’est pas venu pour nous de nous retirer. Au contraire, c’est le moment idéal pour les travailleurs de creuser métaphoriquement et de labourer le sol. Nous ne sommes pas au-delà de l’espérance, car nos actions ont toujours un impact, mais il est impératif que nous travaillions activement ensemble pour un avenir plus fédérateur.
Trump, l’Ukraine et le plan Kellog
Par Germán Gorraiz López – Diario 16
Other News, 2 décembre 2024
Les priorités de politique étrangère de Trump seraient la mise en œuvre de la doctrine Monroe sur le continent américain, le début de la guerre contre l’Iran et le siège économique et militaire de la Chine. Trump évaluerait donc la nécessité de signer un accord de paix avec la Russie de Poutine, laissant l’Europe comme en plan.
L’Ukraine et le plan Kellog
Trump a nommé le lieutenant-général à la retraite Keith Kellog comme envoyé spécial pour l’Ukraine et la Russie avec l’objectif de préparer le terrain pour la signature d’un accord de paix avec Poutine. Kellog était chef de cabinet du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche pendant le premier mandat de Trump (2017-2021) et sa stratégie pour l’Ukraine est incluse dans son rapport «L’Amérique d’abord, la Russie et l’Ukraine plus tard».
Le plan Kellog consisterait essentiellement à « geler les fronts dans leur position actuelle et à conditionner la fourniture d’armes à Kiev en échange de forcer Zelensky à négocier ». Ainsi, Trump a déclaré qu’« il pourrait régler la guerre en 24 heures grâce à un accord avec Vladimir Poutine», mais Zelensky reste obstiné à impliquer l’OTAN dans une guerre ouverte contre la Russie, ce qui serait devenu un fardeau pour les États-Unis. Si Zelensky n’est pas réceptif aux propositions du plan Kellog, il ne serait pas exclu qu’il soit accusé de corruption et contraint à l’exil en Grande-Bretagne, après quoi il serait remplacé par la Troïka composée du lieutenant-général Valerii Zaluzhnyi, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba et l’ancien ministre de l’Infrastructure Alexander Kubrakov.
Les tâches incontournables de cette Troïka seront la négociation de l’accord de paix avec la Russie, la reconstruction du pays et enfin la conception de la nouvelle cartographie de l’Ukraine sous la supervision directe de Kellogg.
Trump cherche-t-il à faire appel à Poutine pour isoler la Chine ?
Poutine cherche un accord de paix qui stipule que l’Ukraine n’entrera pas dans l’OTAN et que le différend ukrainien se résume à la division de l’Ukraine en deux moitiés, laissant l’est du pays, y compris la Crimée, le Donbass, Zaporizhia et Kherson, sous l’orbite russe tandis que le Centre et l’ouest de l’Ukraine serait sous la tutelle de l’Occident.
En cas de signature d’un accord de paix, nous assisterions également à la levée des sanctions unilatérales imposées à la Russie par les pays occidentaux, notamment la suppression du veto imposé par les pays atlantistes sur le pétrole et le gaz russes.
Ainsi, la Russie rejoindrait à nouveau toutes les institutions économiques mondiales et cesserait d’être « le paria de l’Occident », tandis que Trump exigerait que Poutine mette progressivement fin à l’union économique et militaire avec la Chine de Xi Jinping pour l’isoler économiquement et militairement.
Ainsi, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) a été fondée en 2001 par les Cinq de Shanghai (Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan) auxquels se sont ensuite ajoutés l’Ouzbékistan, l’Inde et le Pakistan et qui seraient aux côtés des pays de l’ALBA et de l’Iran, sont le noyau dur de la résistance à l’hégémonie mondiale des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Sur le plan économique, Trump cherche la fin de l’Union Euro-Asie qui a débuté le 1er janvier 2015 comme alternative économique et militaire au projet américain de création d’un Partenariat trans-pacifique (TPP).
Le plan de Trump consisterait à lever le veto imposé par l’Occident sur le pétrole et le gaz russes en échange d’une sortie de la Russie de l’Union euro-asiatique, ce qui conduirait à l’asphyxie énergétique de la Chine après l’épuisement de ses sources d’approvisionnement russes.
Germán Gorraiz López est analyste économique et géopolitique, il collabore régulièrement à diverses publications numériques et imprimées espagnoles et latino-américaines.
Netanyahu veut faire taire « Haaretz »
Éditorial d’El Pais, Espagne, 27 novembre 2024
Le gouvernement israélien approuve une mesure visant à asphyxier financièrement un journal critique à l’égard de sa politique.
Mettre fin à toute voix dissonante est l’une des caractéristiques des régimes antilibéraux et représente une autre mesure prise par Benjamin Netanyahu pour mettre fin à la pluralité journalistique dans son pays. Nous dirons une fois de plus qu’Israël a le droit de se défendre contre les attaques du Hamas survenues le 7 octobre 2023, mais ce que Netanyahu a lancé à partir de ce moment-là a été un nettoyage ethnique des Palestiniens, sur lequel la justice internationale enquête déjà et face auquel elle ne veut pas accepter le moindre reproche.
Dimanche, le gouvernement israélien a approuvé une loi dont l’objectif est de faire taire Haaretz, le seul journal qui jusqu’à présent a maintenu des positions critiques contre les actions militaires de Netanyahu à Gaza et au Liban et contre l’occupation des territoires palestiniens.
La règle oblige toute organisation bénéficiant d’un financement de l’État à cesser de faire de la publicité dans les journaux, à annuler les abonnements payés par l’État et à couper toute communication avec ce média. Ou ce qui revient au même : étouffer financièrement Haaretz – un média qui a deux éditions, en anglais et en hébreu, numériquement et sur papier – et, ce faisant, couper les fils qui le relient à des secteurs importants de la société, essentiels pour mener à bien tout travail d’information. Il s’agit de le repousser aux marges et d’en faire un média paria, après des années à s’être construit un prestige indiscutable pour sa rigueur informative.
Le gouvernement israélien justifie cette mesure en soulignant que les éditoriaux de Haaretz portent atteinte à la légitimité du droit d’Israël à se défendre, pour lequel il s’appuie sur des déclarations faites récemment par le rédacteur en chef du journal, Amos Schocken, à Londres. Le journaliste a déclaré que Netanyahu avait l’intention d’imposer «un régime d’apartheid cruel à la population palestinienne » et a qualifié ce qu’il fait aujourd’hui à Gaza de deuxième Nakba, le terme que les Palestiniens utilisent pour désigner l’expulsion de leurs maisons entre 1947 et 1949 de plus de 700 000 habitants, avant et après la création de l’État israélien. Schocken a également parlé des «combattants palestiniens de la liberté qu’Israël qualifie de terroristes », bien qu’après la controverse déclenchée dans le pays, il ait reconsidéré ses propos et ait été catégorique : « Le recours au terrorisme n’est pas légitime ».
Avec la mesure approuvée dimanche, Netanyahu prend une mesure très sérieuse pour restreindre la liberté d’expression et la pluralité éditoriale dans son pays, un droit que les démocraties sont obligées de garantir pour se considérer comme telles. Netanyahu revendiquait déjà il y a 30 ans le droit du peuple juif sur l’ensemble de la « Terre d’Israël » et, depuis son arrivée au pouvoir en 1996, il met en œuvre un programme qui conduit à la consolidation d’un seul État, le juif.
Pour y parvenir, il n’a pas hésité à affaiblir l’État de droit, soit avec une réforme judiciaire limitant les pouvoirs de la Cour suprême, et qui a été largement contestée, soit pour sa permissivité avec l’expansion rapide des colonies, soit maintenant avec la destruction de Gaza et de ses habitants en réponse à l’attaque du Hamas.
Haaretz défend l’idée de deux États et prône la coexistence entre des peuples différents. Beaucoup d’autres soutiennent le contraire. C’est la pluralité des positions éditoriales dans la presse qui définit les démocraties. Dans l’Israël de Netanyahu, cela ne semble pas possible. Un nouveau pas en avant dans la destruction d’une démocratie qui prétend être la seule au Moyen-Orient.
Des nouvelles du CAPMO
Soirée mensuelle de Noël, 19 décembre 2024 à 18 h 30
Un repas sera offert à compter de 17 h 30
2ème étage du 435 rue du Roi à Québec
Le jeu des symboles
Atelier d’exploration de la vie symbolique
Animé par Jean-Noël André, d’Espace Art Nature
Soirée mensuelle du jeudi 16 janvier 2025 à 18 h (On commence plus tôt)
Un repas sera offert à compter de 17 h
2ème étage du 435 rue du Roi à Québec