Ça roule au CAPMO, novembre 2025

Lieux communs

Cette expression suggère qu’il est difficile d’en ajouter dans le commentaire politique qui n’ait pas été maintes fois mentionné.

Les élections municipales au Québec ont démontré que si l’extrême droite parle fort, elle ne s’est pas donnée la peine d’aller voter. C’est au moins ça de gagner.

Les électeurs de New York ont élu un maire socialiste anti establishment, ça c’est nouveau. Reste à voir si les milliardaires vont le laisser gouverner longtemps ?

Les États-Unis menacent d’envahir le Venezuela, mais en ont-ils les moyens ? La guerre est une façon utile pour détourner l’attention des différentes crises qui affectent l’Oncle Sam.

Aux États-Unis, 40 millions de  personnes dépendent des timbres alimentaires pour se nourrir à chaque mois. Avec le blocage de l’adoption du budget de fonctionnement de l’État à la chambre des représentants, la misère se répand comme la peste.

Pourtant il parait que c’est le pays le plus riche de la planète ? Il faudrait arrêter de tenir compte des fortunes des milliardaires dans le calcul de leur P.I.B.

Le 18 octobre, la journée anti-roi aux États-Unis, des millions de citoyens ont manifesté contre les abus de leur président mal-aimé. Celui-ci a répondu par une vidéo créé par l’IA où il déféquait, à partir d’un avion, sur la foule des manifestants. Jusqu’à quel point vont-ils s’abaisser ? Notre destiné, avec la bombe atomique, est entre les mains d’un spychopathe.

Chez-nous, l’angoisse et la peur économiques sont en augmentation chez les plus vulnérables pendant que le gouvernement du Québec cherche son cœur, ou son âme, c’est selon. La dérive identitaire d’un éventuel futur gouvernement fait aussi douter. Alors que le Québec ignore ce qu’il est, sans véritable projet de société ou contrat social, certains jettent le blâme sur les autres. C’est sans doute de leur faute si nous sommes de plus en plus insignifiants.

Notre âme, nous l’avons vendue au marché il y a fort longtemps, mais aussi en crachant sur notre héritage. Nos ancêtres n’étaient pas des brutes attardées, mais c’est ce que nous sommes en train de devenir.

Heureusement, il y a encore de l’amour et de la solidarité à profusion, mais cela ne semble plus passer par les filières étatiques. Nous avons maintenant droit à l’école à trois vitesses qui n’a rien à voir avec les bicyclettes de notre enfance. Ayant fréquenté l’école de première classe, pas étonnant que ceux et celles qui nous dirigent se sentent étrangers au bon peuple. Cependant, cette dissociation affective et identitaire se répercute aussi chez l’immense majorité de laissés pour compte qui remettent en cause le bon sens  élitiste. Normal, on leur a tout enlevé de ce qui aurait pu élever leur âme au-delà de l’argent et de la consommation. Le matérialisme capitaliste n’est pas la bonne façon d’appréhender le réel.

Yves Carrier


 

Éthique de la vie

Kajkoj Máximo Ba Tiul (Maya Poqomchi, anthropologue, philosophe, théologien et chercheur)

CENTRO DE REFLEXIONES NIM POQOM

Amerindia, 2 novembre 2025

José Martí, disait que Notre Amérique: « s’étendait du Rio Bravo (frontière entre le Texas et le Mexique) au nord jusqu’à la Patagonie au sud. Ce territoire plurivers, continue aujourd’hui encore de souffrir en raison des attaques du capitalisme. Un système qui se maintient en provoquant la mort des innocents, des humbles, des rebelles, des autochtones, des premiers peuples des Kichwas, Aymaras, Mayas, Mapuche, etc., comme s’il s’agissait de l’Ange exterminateur. Un système qui a soutenu, par le vol, l’exploitation, la destruction des biens et de la vie des peuples.

Aujourd’hui, sur ce continent, peu importe comment nous l’appelons, Amérique latine, Abya Yala ou n’importe quel autre nom que nous lui donnons, continue de courir le sang sur nos terres, nos eaux, nos montagnes et nos vallées. Des hommes et des femmes qui luttent et se rebellent, qui meurent par les armes de destruction de l’empire, qui les vend aux politiciens et aux criminels de nos pays, développant des mécanismes de terreur et de mort. Aujourd’hui, non seulement du Rio Bravo à la Patagonie, sinon aux quatre coins du monde. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, il y a des peuples qui luttent pour la vie et pour la dignité, pour instaurer une nouvelle humanité.

Une humanité nouvelle qui respecte la terre, l’air, le feu, l’eau. Une humanité nouvelle qui défend et renforce l’éthique de la vie et non celle de la mort.

C’est là qu’intervient l’impérialisme avec ses mécanismes et ses instruments de haine. En Palestine, à Gaza, au Sahara, en Afrique, au Liban, en Syrie, au Yémen, au Pakistan, au Venezuela, au Pérou, en Équateur en Colombie, au Brésil, en Argentine, au Guatemala, au Paraguay, au Panama par exemple: les gouvernements, les politiciens, les entrepreneurs et le crime organisé, agissent comme des émissaires de l’impérialisme, reproduisant des attitudes fascistes et sioniste de l’empire, massacrant les premiers peuples, propriétaires historiques des territoires. Les acteurs de la mort dans nos pays, même s’ils prétendent que leur objectif est d’instaurer la « démocratie » et un « bon gouvernement », ce qu’ils cherchent réellement, en imposant leur projet de mort, c’est de s’emparer des ressources que les premiers peuples préservent et protègent pour assurer leur subsistance.

Ainsi, « déclarer terroristes » les bandes armées et le crime organisé, n’est pas leur objectif principal, sinon, d’élargir ce concept aux groupes associatifs, aux secteurs organisés, aux peuples et aux nations qui se rebellent contre leurs politiques de mort et de destruction. De la sorte, les bons deviennent les mauvais et les mauvais les bons. Les démocrates sont antidémocratiques et les anti-démocratiques sont les bons. Comme si le monde était les pattes en l’air comme disait Eduardo Galeano. Mais nous les peuples ne sommes pas terroristes, nous sommes des constructeurs de l’éthique de la vie.

Traduit de l’espagnol par Yves Carrier


 

Tremper nos racines à notre propre source

Par: Leonardo Boff

Amerindia, 31 octobre 2025

Il n’y a pas moyen de nier que nous sommes au centre d’une formidable crise planétaire. Personne ne sait où nous allons. Dans une telle situation, il est conseillé de consulter les historiens qui normalement ont une vision holistique et une perception subtile des principales tendances de l’histoire. J’en cite un que je considère très inspirant, Eric Hobsbawn, dans son fameux livre synthèse : « L’Ère des extrêmes » (1994). Il conclut par cette considération :
« Le futur ne peut pas être la continuité du passé… Notre monde court le risque d’explosion ou d’implosion… Nous ne savons pas vers où nous allons. Cependant une chose est claire, si l’humanité veut avoir un futur qui en vaut la peine, cela ne peut pas être par la prolongation du passé ou du présent. Si nous tentons de construire le troisième millénaire sur cette base, nous allons échouer. Et le prix de cet échec, c’est-à-dire l’alternative au changement de la société, c’est l’obscurité ».

L’obscurité peut représenter la fin de l’homo sapiens. Quelque chose de semblable à ce qu’a dit Max Weber lors de sa dernière conférence (enfin) dans laquelle il se réfère au capitalisme, enfermé dans une “cage de fer” qu’il ne parvient pas à rompre de lui-même. Pour cela, il peut nous conduire à une grande catastrophe. “Ce qui nous attend ce n’est pas le fleurissement de l’automne, mais une nuit polaire, gelée, sombre et âpre.” (Cité par M. Lowy, La cage de fer: Max Weber et le marxisme weberien). Finalement le pape François lui-même dans son encyclique Fratelli tutti (2020), avertit : “Nous sommes sur le même bateau, ou nous nous sauvons ensemble ou nul ne se sauvera” (n.32).

Il existe une conviction assez généralisée dans le camp écologiste et chez de notables analystes de la géopolitique mondiale: à l’intérieur du système capitaliste, qui se démarque par la recherche illimitée (démesurée) de revenus financiers et qui crée deux injustices: une sociale (créant une incommensurable pauvreté) et l’autre écologique (dévastant les écosystèmes). Il n’y a pas de solution à la crise actuelle. On attribue à Einstein la phrase suivante : “La pensé qui a créé la crise ne peut pas être la même qui nous en sort, nous devons changer.”

Comme les histoires prometteuses du passé sur le futur de l’humanité ont été frustrées, elles ne peuvent nous offrir des horizons différents, excepté peut-être l’éco socialisme planétaire qui n’a rien à voir avec le socialisme qui a existé et qui n’est plus. Ou encore, retourner au mode de vie des premiers peuples, dont les savoirs ancestraux ou le Buen vivir et convivir des peuple andins pourrait encore nous garantir un avenir sur cette planète. Mais il me semble que nous sommes tant empêtrés à l’intérieur d’une bulle systémique que cette proposition, pour suggestive qu’elle soit, est globalement impraticable.

Lorsque nous arrivons à la fin des chemins viables et que nous n’avons que l’horizon en vue, il me semble qu’il ne nous reste plus qu’à opter pour nous-mêmes et à découvrir nos virtualités non encore testées. Par nature, nous sommes un projet infini et un nœud de relations dans toutes les directions. Nous devons nous immerger à l’intérieur de nous-mêmes et tremper nos racines dans la source originelle qui jaillit toujours en nous sous la forme d’une espérance indéfectible, de grands rêves, de mythes viables et de projets innovateurs d’un autre cap par devant.

En prenant l’être humain comme référence structurelle, je ne pense pas à l’anthropologie des anthropologues ou à d’autres branches du savoir sur l’humain, toujours enrichissantes. Je pense à l’être humain dans sa radicalité insondable qui entoure la zone du mystère, qui, combien plus nous nous en approchons, plus distant et profond il devient. Et il continue d’être un mystère dans chaque connaissance.

Ce fut la perception que saint Augustin eut de lui-même: “Je suis devenu un mystère pour moi-même.” Ce mystère est l’expression d’un mystère plus grand qui est l’univers lui-même, toujours en genèse et en expansion. Par conséquent, l’être humain-mystère n’est jamais déconnecté de ce processus duquel il fait partie, ce qui surpasse une vision simplement individualiste de l’être humain. Il est important de ne pas oublier que c’est un être de relations illimitées, jusqu’avec l’Infini. Énumérons quelques donnes qui appartiennent à notre essence, à partir desquelles il nous est permis d’élaborer de nouvelles visions du futur.

Avant tout, il est important de comprendre l’être humain comme la Terre qui à un moment de sa complexification commença à sentir, à penser, à aimer, à prendre soin et à vénérer. C’est ici que fait irruption dans le processus cosmogénique l’être humain, homme et femme. Ce n’est pas sans raison qu’il est appelé homo ou Adam, les deux signifient “fait de terre, ou terre fertile et arable”.

Chez l’être humain, l’amour est central. La base biologique en a été démontrée par Francisco Maturana et J. Watson. Ce dernier dit dans son fameux livre: ADN : le secret de la vie (2005) : “C’est l’amour qui nous fait prendre soin de l’autre, qui a rendu possible notre survie et notre réussite sur cette planète. Cette impulsion, je crois, sauvegardera notre avenir. Je suis certain que l’amour est inscrit dans notre ADN”. Il n’y aura aucune transformation ou révolution humaine qui ne viennent imprégnées d’amour.

Avec l’amour vient le soin, entendu – depuis fort longtemps – comme l’essence de l’être humain. Comme il ne possède aucun organe spécialisé, c’est le soin de soi-même, des autres et de la nature, qui nous assurera la vie.

Ce fut la solidarité/coopération de manger ensemble, celle qui en d’autres temps nous a permis de faire le saut de l’animalité à l’humanité. Ce qui fut vrai hier continue d’être vrai et essentiel aujourd’hui encore, même si elle manque. Comme être de relation, la solidarité et la coopération sont à la base de n’importe quelle convivance. (La « convivance » est une situation où des communautés ou groupes humains différents vivent ensemble dans l’harmonie, l’échange et la concorde au sein d’une même société.)

Avec l’intelligence du cerveau néocortical, il y a l’émotion du cerveau limbique, surgit il y a des millions d’années, siège de l’amour, de l’empathie, de la compassion, de l’éthique et l’ensemble des vertus. Nous sommes des êtres de sentiments. Sans un lien affectif entre les humains et avec la nature, tout se dégrade et s’efface.

Dans notre intérieur prévaut la spiritualité naturelle, expression utilisée par la New science qui jouit de la même reconnaissance que l’intelligence et l’émotion. Elle est antérieure à n’importe quelle religion, puisqu’elle est la source à laquelle elles s’abreuvent toutes, chacune à sa façon. La spiritualité fait partie de notre essence et s’exprime par l’amour inconditionnel, par la solidarité, par la transparence et par tout ce qui nous rend plus humain, plus relationnels et ouverts.

La spiritualité nous permet de capter qu’au fondement de chaque être humain, se trouve une Énergie puissante et amoureuse que les cosmologues appellent Abisme générateur et support de tout ce qui existe. L’être humain peut s’ouvrir à cette Énergie de fond, il peut entrer en communion avec elle et avoir une expérience d’enchantement et de vénération devant la grandeur de l’univers et l’Intelligence qui y préside.

De telles valeurs, étant réalistes, viennent accompagner de leurs contraires – nous sommes des sapiens et des demens – qui ne peuvent être réprimés sinon en les maintenant dans leurs limites. Trempant nos racines à cette source originelle positive, nous pouvons définir un autre futur dans lequel l’amour, la solidarité et le buen vivir seront ses fondements.


 

Être latino aux États-Unis ne devrait pas être considéré comme un crime 

Éditorial du New York Time,

Publié en français sur Other News, 4 novembre 2025

La campagne de l’administration Trump contre l’immigration clandestine s’est transformée en une campagne de discrimination envers les Latinos. Les agents fédéraux américains arrêtent des personnes de couleur et leurs raids ont interpellé aussi bien des citoyens américains que des immigrants en situation régulière. Désormais, certains Latinos ont peur de parler espagnol ou d’écouter de la musique espagnole en public. Certains ont cessé d’aller à l’église et restent chez eux le dimanche ou demandent à des amis d’aller chercher leurs enfants à l’école. Les citoyens américains vivent dans la crainte d’un gouvernement qui a juré de protéger leurs libertés et d’assurer leur sécurité.

Ils ont des raisons d’avoir peur. Dans le cadre de la répression anti immigration du président Trump, les agents fédéraux ont violé à maintes reprises les libertés civiles et humilié des personnes. Des agents masqués ont brisé des vitres de voitures et en ont extirpé les conducteurs, tandis que des enfants sanglotaient sur la banquette arrière. À Chicago, en pleine nuit, des agents armés de fusils ont pris d’assaut un immeuble, ont enfoncé les portes et ont traîné des personnes menottées hors de leurs logements. Des dizaines de personnes détenues étaient des citoyens américains. À travers le pays, les services d’immigration ont détenu plus de 170 citoyens américains, dont 20 ont été retenus pendant plus de 24 heures sans pouvoir téléphoner, selon un rapport de ProPublica.

Ces actions sapent la confiance du public, pourtant indispensable à l’application effective des lois sur l’immigration. Le comportement des agents fédéraux suscite l’indignation dans nombre de communautés que Trump prétend vouloir aider. Si l’objectif est de redonner confiance au droit et à l’ordre, c’est un échec.

Comme à son habitude, Trump a identifié un problème réel – l’immigration clandestine – mais y a répondu par une solution destructrice. Pendant des décennies, les États-Unis ont toléré un niveau d’immigration clandestine qui a engendré un sentiment d’anarchie à la frontière et exaspéré de nombreux Américains, notamment de nombreux Latinos. La politique permissive de l’administration Biden a aggravé la situation, entraînant la plus forte augmentation de l’immigration de l’histoire américaine, la majorité des arrivants étant sans autorisation légale d’entrer sur le territoire. Trump a fait campagne en promettant d’inverser ces politiques et il a reçu le mandat de tenir parole. À la frontière, il est parvenu à réduire les entrées illégales à leur plus bas niveau depuis des décennies.

Cependant, il n’a pas le mandat de traiter les gens avec cruauté ni d’enfreindre la loi. Les sondages montrent qu’une majorité d’Américains désapprouvent sa gestion du problème. Le pays n’a pas à choisir entre le chaos engendré par l’approche de Biden et celui engendré par celle de Trump. La meilleure solution demeure une législation globale qui sécurise la frontière, dissuade les futures entrées illégales, élargit l’immigration légale et offre une voie vers la citoyenneté aux immigrants sans papiers qui se sont intégrés aux États-Unis et qui sont par ailleurs des membres actifs de la société et des citoyens respectueux des lois.

À défaut – et le Congrès ne semble pas prêt à adopter une telle législation –, Trump peut s’attaquer au problème de l’immigration clandestine de manière plus humaine et efficace. Ce pays doit faire respecter ses lois sans terroriser les Américains innocents ni renoncer à ses valeurs.

Parmi les nombreux problèmes posés par les politiques d’immigration de Trump, deux se distinguent particulièrement : la brutalité envers les migrants en situation irrégulière et l’injustice envers les citoyens et les migrants en situation régulière.

Souvent, les personnes entrées illégalement sur le territoire américain l’ont fait au péril de leur vie, en quête d’une vie meilleure. Certes, elles ont enfreint la loi, mais la riposte doit être proportionnée à leurs actes. Elle doit être ferme et humaine. Or, l’administration Trump se complait dans la brutalité. Des agents de l’Immigration et des Douanes, masqués ou en civil, ont pourchassé et battu des personnes dans la rue. Ils ont perquisitionné des domiciles et détruit des biens.

Dans une vidéo, un agent fédéral déclare à un groupe de Latinos, dont un citoyen américain : « Vous n’avez aucun droit ici. Vous êtes un ami, un frère », utilisant le mot « amigo » en espagnol. Après cet échange, un agent dit à un autre, en parlant des migrants : « On va finir par en abattre quelques-uns. » Dans une autre vidéo, un agent crie « au revoir » en espagnol à l’épouse désemparée d’un migrant détenu avant de la pousser contre un mur, la faisant tomber. D’autres vidéos choquantes circulent sur les réseaux sociaux.

Ces tactiques violent la loi et les principes fondamentaux de la décence humaine. Juridiquement, des décisions de justice récentes ont souligné que les personnes accusées de séjour irrégulier bénéficient de garanties constitutionnelles à une procédure régulière. Ce droit nous est profitable à tous : si le gouvernement fédéral pouvait simplement déclarer une personne en situation irrégulière sans avoir à le prouver, il pourrait expulser n’importe qui en toute impunité. Humainement parlant, la grande majorité de ces migrants n’ont rien fait d’autre que d’entrer illégalement dans le pays, en quête d’une vie meilleure. Les agents fédéraux doivent réagir de manière appropriée, sans recourir systématiquement à la violence.

Le second problème de l’approche de Trump réside dans son application généralisée, qui inclut inévitablement les citoyens américains et autres résidents légaux. Les autorités fédérales ont recours au profilage racial dans un pays où 20 % de la population est latino-américaine, dont la plupart sont des résidents légaux ou des citoyens. Le gouvernement peut agir ainsi grâce à l’acquiescement du Congrès sur cette question et à une décision malavisée de la Cour suprême le mois dernier, qui a validé le recours au profilage racial lors des descentes de police.

Le recours à la discrimination raciale par les forces de l’ordre devrait être une insulte pour tous les Américains. Des vidéos montrent que de nombreux agents fédéraux estiment que la charge de la preuve incombe aux Latinos, qui doivent démontrer leur statut légal, et non aux fonctionnaires qui les accusent d’un crime. Lors d’une descente en Californie, des agents ont extrait de force George Retes, un citoyen américain ayant servi en Irak, de sa voiture et l’ont détenu pendant trois jours. Retes a déclaré avoir des papiers d’identité officiels dans son véhicule, mais les autorités ont refusé de le laisser les présenter. Javier Ramirez en Californie, Julio Noriega dans l’Illinois et un ancien combattant anonyme du New Jersey, entre autres, ont subi un traitement similaire.

Les Américains ont réagi à ces problèmes par des manifestations. Comme pour donner raison aux manifestants, les agents fédéraux ont riposté par de nouveaux abus de pouvoir, utilisant des gaz lacrymogènes et du gaz poivre contre des manifestants pacifiques. Ces pratiques ont persisté même après qu’un juge fédéral leur ait ordonné d’y mettre fin.

Le port du masque par les agents fédéraux aggrave les problèmes. Ces agents savent qu’ils ont plus de chances d’échapper à la justice pour des actes de violence et des abus de pouvoir, car ils restent anonymes. Pour la population, ces masques signifient que le gouvernement se soucie davantage de protéger l’identité de ses agents que de garantir la responsabilité démocratique. Ils donnent l’impression que le gouvernement envoie des troupes de choc anonymes terroriser les familles.

Malgré son agressivité, la répression n’a même pas permis de régler le problème des millions de personnes en situation irrégulière sur le territoire américain. Le gouvernement n’atteint pas ses propres objectifs d’expulsion. Il est en passe d’expulser moins de personnes que l’administration Obama en quelques années seulement. L’approche de l’administration Obama était judicieuse. Elle ciblait les nouveaux arrivants et ceux qui avaient commis des crimes depuis leur entrée sur le territoire, et respectait généralement le droit à une procédure régulière. Elle n’a pas eu recours à des agents masqués ni à des descentes de police violentes.

Ce qui distingue la démocratie de l’autoritarisme, l’État de droit de l’anarchie, et une société digne d’une société indigne, ce n’est pas seulement le but, mais aussi le processus. Le gouvernement peut et doit réduire l’immigration clandestine, mais il doit le faire dans le respect des idéaux américains.


 

COP 30 ou COP 525 ?

Par Boaventura De Sousa Santos

Other news, 4 novembre 2025

Ce qui sera en jeu lors de la COP 30, comme lors des précédentes et comme lors des futures, c’est le manque de volonté politique.

La COP 30 est le nom officiel de la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui se tient à Belém, au Brésil, du 10 au 21 novembre. Cependant, les peuples autochtones du monde entier utilisent depuis des années un système de numérotation différent, plus en phase avec leur expérience historique des enjeux abordés. Cette date correspond à l’arrivée des colonisateurs européens sur leurs territoires. Dans le cas du Brésil, il s’agit de l’an 1500, donc 525 ans.

Le problème du changement climatique a commencé avec le colonialisme et le capitalisme, et il perdure encore aujourd’hui. Il ne sera pas résolu tant que le colonialisme et le capitalisme domineront nos vies. La crise écologique est le revers de la crise sociale et politique.

Il est vain de donner des chiffres, car ce sont des moyens de neutraliser la révolte, qu’il s’agisse de chiffres sur la déforestation, le poids des plastiques dans les océans, le génocide à Gaza ou les massacres réguliers des populations pauvres des favelas de Rio de Janeiro. Les chiffres sont des entités abstraites, introduites dans le seul but de compter. Les objets que nous comptons (les morts, les arbres abattus) ne sont pas des chiffres ; ce sont des êtres uniques que nous réduisons à un nombre afin de les faire entrer dans une conception de la réalité qui demeure inchangée, quel que soit ce nombre.

De même que les prisonniers ne sont pas de simples numéros, même s’ils en ont un, nous nous sommes habitués à définir l’horreur par la quantité pour mieux la supporter, c’est-à-dire sans avoir à remettre en question les conceptions politiques, économiques et culturelles qui la produisent systématiquement. Ceux qui effectuent ces calculs ne sont pas comptabilisés.

Selon les circonstances, la COP 30 se transformera soit en une orgie de chiffres, soit en une guerre de chiffres entre présent et futur. Au final, il y aura des gagnants et des perdants, et rien ne changera. Les chiffres ne sont utiles que pour de petits changements qui ne modifient pas l’essentiel. Et même sur ce point, le pessimisme concernant la COP 30 est justifié. Le déni environnemental de Donald Trump a engendré un recul civilisationnel incalculable en contraignant tous les pays riches en ressources naturelles (mais pauvres en santé, éducation, sécurité humaine, etc.) à proclamer leur souveraineté sur ces ressources et à la démontrer par une exploitation plus intensive. La réaction à Trump a eu pour effet pervers d’affaiblir davantage la coopération internationale indispensable pour faire face à l’effondrement écologique imminent.

Un paradigme est un type spécifique de métabolisme social, un ensemble de flux de matière et d’énergie contrôlés par l’humain entre la société et la nature, qui, de manière conjointe et intégrée, soutiennent l’autoreproduction et l’évolution des structures biophysiques de la société humaine.

À partir du XVIe siècle, suite à l’expansion coloniale européenne et, en particulier, après la première révolution industrielle en Occident (années 1830), le métabolisme social caractéristique du paradigme capitaliste et colonialiste a engendré un déséquilibre croissant dans les flux entre la société et la nature, conduisant à une rupture métabolique. Aujourd’hui, il est admis que cette rupture, en créant un déséquilibre systémique entre l’activité humaine et la nature, a marqué le début d’une nouvelle ère dans la vie de la planète Terre : l’Anthropocène.

Ce déséquilibre s’est aggravé à un point tel que nous sommes désormais confrontés à une catastrophe écologique imminente, une situation qui, lorsqu’elle deviendra irréversible, mettra gravement en péril la vie humaine sur Terre. Il est impératif d’initier, au plus vite, une transition vers un métabolisme social différent, fondé sur une relation inédite entre la société et la nature. C’est là tout l’enjeu de ce changement de paradigme indispensable.

Le changement de paradigme suppose la nécessité d’une philosophie sous-jacente et d’une forte mobilisation sociale pour sa mise en œuvre. Ce changement est un processus historique ; autrement dit, il est urgent de l’amorcer, mais son rythme et sa durée sont impossibles à prévoir. Nous avons davantage de raisons d’être optimistes quant à la philosophie qu’à la mobilisation sociale.

La philosophie existe depuis longtemps ; elle constitue l’ensemble des philosophies des peuples qui ont le plus souffert du capitalisme et du colonialisme, des peuples souvent exterminés, dont les territoires ont été envahis, les ressources naturelles pillées – un processus historique qui a débuté au XVIe siècle et se poursuit encore aujourd’hui. Je fais référence aux philosophies des peuples autochtones. Heureusement, ces philosophies nous sont parvenues grâce à la résistance et aux luttes de ces peuples contre l’oppression, l’exploitation et l’anéantissement. Elles constituent l’un des fondements des épistémologies du Sud global.

Bien que très diverses, ces philosophies convergent sur un point : ce que nous appelons nature est conçu par elles comme Pachamama, ou Terre Mère. Si la nature est une mère, une source de vie, une source de bienveillance, elle mérite le même respect que nos propres mères qui nous ont donné la vie. En bref, la nature ne nous appartient pas ; nous appartenons à la nature. Cette appartenance radicale réfute toute idée de dualisme entre l’être humain et la nature. L’entité divine, quelle que soit sa conception, est une entité de ce monde et peut se manifester dans une rivière, une montagne ou un territoire spécifique. Le divin est la dimension spirituelle du matériel, et tous deux appartiennent au même monde immanent.

Ces philosophies seront présentes au Sommet des peuples, la COP 525. Elles seront exclues des salles principales de la COP 30, où les responsables du problème se dissimuleront sans cesse sous les traits de promoteurs de la solution. Et si, par moments, les peuples autochtones sont autorisés à prendre la parole, les délégués officiels et leurs alliés, réels ou mentaux, en profiteront pour aller aux toilettes, consulter leur téléphone et répondre à des messages urgents. De temps à autre, ils lèveront les yeux pour vérifier si les autochtones ont terminé. Ensuite, tout reprendra son cours normal, celui d’une marche somnambulique vers le désastre final.

Ce qui sera en jeu à la COP 30, comme lors des précédentes conférences et comme ce sera le cas lors des suivantes, c’est le manque de volonté politique pour affronter cette vérité, facile à énoncer mais très difficile à mettre en pratique : la nature ne nous appartient pas ; nous appartenons à la nature.

La difficulté est également facile à identifier mais très difficile à résoudre : le capitalisme et le colonialisme, qui dominent l’économie et la société mondiales depuis le XVIe siècle, sont devenus incompatibles avec la survie de la vie humaine et de la vie en général sur la planète Terre. Cette incompatibilité est également facile à énoncer : pour la modernité euro-centrée, constituée principalement par le capitalisme et le colonialisme, la nature nous appartient et, à ce titre, nous pouvons en disposer librement. Disposer d’elle implique le pouvoir de la détruire.

Le capitalisme et le colonialisme instaurent une séparation radicale entre l’humanité et la nature. La philosophie cartésienne qui sous-tend cette dualité établit une séparation et une hiérarchie absolues entre les êtres humains et la nature, tout comme elle sépare l’esprit du corps. Tandis que les êtres humains sont res cogitans, une substance pensante, la nature est res extensa , une substance vaste et impénétrable.

Puisque Dieu est la conception humaine de l’infini, l’humanité est infiniment plus proche de Dieu que de la nature. Les êtres humains sont véritablement dignes de la dignité que Dieu leur a conférée dans la mesure où ils se dénaturent. C’est là que réside la racine du fossé abyssal qui caractérise la domination moderne, la possibilité de dualismes absolus et, par conséquent, l’impossibilité d’une pensée holistique. La nature est soumise à une exclusion abyssale de la société, et il en va logiquement de même pour toutes les entités considérées comme les plus proches de la nature. Historiquement, les femmes, les peuples autochtones, les personnes noires et, en général, toutes les races considérées comme inférieures ont été des exemples de telles entités.

Tous les principaux mécanismes d’exclusion et de discrimination qui existent dans les sociétés modernes, qu’ils soient fondés sur la classe, la race ou le genre, trouvent leur origine dans les dualismes radicaux : humanité/nature, esprit/corps et spiritualité/matérialité. La manière dont la société moderne appréhende l’infériorité est calquée sur sa manière d’appréhender la nature. Si l’exclusion la plus abjecte se traduit par une domination par l’appropriation et la violence, alors la nature – incluant la terre, les rivières et les forêts, ainsi que les peuples et les modes de vie dont l’humanité a été niée précisément parce qu’ils font partie intégrante de la nature – est la cible privilégiée de cette domination, et donc de cette appropriation et de cette violence, depuis le XVIIe siècle.

La destruction de l’environnement et la crise écologique sont le revers des crises sociales et politiques auxquelles nous sommes confrontés, crises que les politiques conventionnelles peinent de plus en plus à résoudre. Différents courants de pensée ont tenté d’expliquer ce double dilemme entre crises écologique et sociale. La plupart soulignent l’urgence d’un changement de paradigme, ce qui, en soi, témoigne à la fois de la gravité de la crise actuelle et de l’ampleur des enjeux. Ils s’accordent à dire que ce changement de paradigme consiste à remplacer le dualisme humanité/nature par une conception holistique, fondée sur une nouvelle compréhension de la nature et de la société, ainsi que de leurs interactions.

Tout ceci démontre que nous possédons les philosophies qui nous permettraient de sauver la vie humaine et non humaine, mais que nous manquons de la mobilisation sociale nécessaire pour les mettre en œuvre et opérer le changement de paradigme qu’elles supposent. De fait, la période actuelle semble bien plus hostile à l’idée d’un tel changement que les précédentes. Cette hostilité accrue découle de la menace d’une guerre mondiale qui plane sur le monde et de la polarisation croissante entre « nous » et « eux », qui alimente les politiques de la haine.

Une nouvelle guerre mondiale sera sans aucun doute plus destructrice que les précédentes, et cette destruction affectera non seulement la vie humaine, mais aussi ce qui reste des écosystèmes indispensables à la vie en général. Parallèlement, la polarisation sociale et le tribalisme qui la sous-tend, alimentés par les promoteurs de la haine et des politiques identitaires, rendent impossible tout dialogue entre les êtres humains et avec tous les êtres non humains avec lesquels ils partagent la planète Terre. La lutte pour un changement de paradigme commence aujourd’hui par le combat contre la guerre et contre la polarisation sociale alimentée par le tribalisme, les politiques identitaires et les politiques de la haine.

Boaventura de Sousa Santos est une figure de renommée mondiale dans le domaine des sciences sociales. Il a écrit et publié de nombreux travaux dans les domaines de la sociologie du droit, de la sociologie politique, de l’épistémologie, des études postcoloniales, des mouvements sociaux, de la mondialisation, de la démocratie participative, de la réforme de l’État et des droits de l’homme.

Traduit de l’espagnol par l’intelligence artificielle


 

Des nouvelles du CAPMO

Le discours doit changer, parlons de pauvreté

Activité régionale du Collectif pour un Québec sans pauvreté, CLAP-03

Journée de formation gratuite, jeudi 13 novembre de 9 h à 16 h, Maison de la coopération et de l’économie solidaire, 155 boul. Charest Est

 

Soirée mensuelle du CAPMO, 20 novembre 2025 à 18 h 30 au 435 rue du Roi à Québec

Dans une société qui crée la dépendance, comment la méthode des AA pourrait inspier notre résistance ?

 

28 novembre, conférence d’une délégation à la COP30 au Brésil

En soirée, lieu à confirmer

 

Mercredi 3 décembre 2025

Tournée pré-électorale des députés provinciaux : Pour une hausse de l’aide sociale

Départ à 9 h du matin, Maison de la coopération et de l’économie solidaire

Inscription auprès de l’ADDS-QM.

 

Soirée mensuelle de Noël au CAPMO

Jeudi 18 décembre 2025, 17 h

2ème étage du 435 rue du Roi à Québec

 

 

 

 

 

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