#260 – Regards croisés sur l’accessibilité sociale au transport en commun

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Regards croisés sur l’accessibilité sociale au transport en commun

Cette table ronde nous a ouvert les yeux sur le fait que l’aménagement de notre ville est décidé au-dessus de nos têtes, sans vraiment nous consulter. La pensée marchande nous enferme dans une vision individualiste de l’espace et de la mobilité. Cet aveuglement, en plus d’être un facteur d’exclusion sociale, a des conséquences majeures sur notre environnement et la santé des gens. Ce vivre-ensemble dépend en bonne partie du droit à la mobilité reconnu non en théorie, mais de manière concrète en assurant à tous et à toutes les moyens effectifs de se déplacer d’un endroit à l’autre.

Depuis 1965, Québec est une ville livrée aux promoteurs fonciers, aux marchands d’automobiles et aux compagnies pétrolières. Le développement autoroutier et la rénovation urbaine, véritable entreprise de destruction massive, ont dispersé ses forces vives aux quatre coins de la ville. L’auto-immobilisme perpétue l’idéal trompeur d’une liberté individuelle qui ne doit rien à quiconque et qui, dans un « je-m’en-foutisme » général, s’absout de toute responsabilité envers les générations futures. Ici, l’argent trône en maître au sommet de l’intérêt public comme seul et unique critère de discernement au détriment de la santé des gens, du droit à la mobilité, d’une économie diversifiée et de communautés à échelle humaine. Aujourd’hui encore, l’image de la réussite sociale passe par la possession d’une maison en banlieue et d’une grosse voiture, mais nous devrions comprendre à quel point nos imaginaires sont colonisés par l’esprit consumériste. La ville que nous voulons est un projet collectif en devenir, fruit de l’effort commun qui inspire un sentiment d’appartenance. Ce sont des quartiers et des rues habitées par des familles où le rapport à l’autre se constitue sur le long terme dans une négociation permanente sur l’aménagement des espaces publics. Marquée par son histoire et sa géographie, son avenir appartient aux élus et aux citoyens qui auront assez d’audace pour travailler au bien commun sans se laisser distraire par une opinion publique fabriquée par les mass médias à la solde des intérêt financiers. La capitale ne doit jamais redevenir un immense beigne avec un trou déserté en son centre. Pour que chacun y respire librement et s’y épanouisse, il faut avoir en tête une vision organique de l’espace et des fonctions offertes. C’est pourquoi le centre-ville doit jouer pleinement son rôle urbain en complémentarité avec ses banlieues satellites afin de susciter un dynamisme nouveau, tant sur le plan économique, qu’environnemental et social.

Yves Carrier

 


 

Table des matières

Situation vécue 
Droit à la mobilité
Environnement et qualité de l’air
Polluants atmosphériques
Recommandations de l’AQLPA
Urbanisme et transport en commun
Échanges avec le public
Conclusion de la soirée

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Situation vécue

Le 13 décembre 2012, je reçois un appel de mon ami Robert Roussel qui m’annonce une hausse des tarifs d’autobus pour le Réseau de transport de la capitale. Il me demande si j’ai le goût de faire une entrevue à la télévision. Je lui dis oui. Il appelle à la télé de Radio-Canada et nous passons au téléjournal ce soir-là. Robert et moi sommes deux personnes qui militent beaucoup pour la justice sociale. Le fait que le transport en commun soit rendu inabordable à 81.25$ pour la passe mensuelle, on s’est dit : Il faut faire quelque chose, ça n’a pas de bon sens, c’est 15% des revenus d’une personne à l’aide sociale, par exemple, pour qu’elle puisse se payer le transport en commun. De là est venue l’idée de pousser de plus en plus sur le principe d’une tarification sociale du transport en commun. Pour moi, c’est important parce que tout le monde a besoin de se déplacer. Que ce soit pour aller chez le médecin, à l’épicerie, faire du militantisme comme moi je fais, etc. Je trouve que c’est une cause qui est très importante et qu’il ne faut pas mettre de côté. Il y a beaucoup de gens dont je suis certaine qu’ils prendraient le transport en commun si c’était moins dispendieux. De là est venue l’idée de former le Comité du CAPMO pour l’accessibilité sociale au transport en commun.

Ce comité mène présentement une enquête pour chercher à documenter qu’est-ce que cette situation fait vivre aux personnes qui ne peuvent plus s’offrir un passage d’autobus aussi souvent qu’ils le devraient ? Je trouve cela effrayant que les tarifs du RTC ne cessent d’augmenter, plus vite que le taux d’inflation, et cela depuis 2008. Cela démontre que la justice sociale envers les personnes en situation de pauvreté n’est pas prise en compte par les décideurs du réseau de transport de la capitale. On ne tient pas compte non plus des travailleurs au salaire minimum et à temps partiel qui vivent aussi en situation de pauvreté. Le transport en commun est un service public essentiel qui ne peut pas être considéré comme un bien privé que les gens choisissent de s’offrir ou non. Je trouve que les tarifs sont tellement dispendieux que de plus en plus de gens ne peuvent même plus le prendre. Ce que je souhaite, c’est qu’avec notre comité, nous puissions trouver un tarif adapté à toutes personnes en situation de pauvreté pour qu’elles puissent prendre le transport en commun afin qu’elles aient accès aux services et aussi au marché du travail. Cela permettrait aussi aux personnes de briser leur isolement parce que quand tu n’as pas les moyens de te payer un transport en commun, tu sors pas de chez toi, tu restes enfermé entre quatre murs et tu t’isoles et cela finit par jouer sur ta santé. Le transport en commun est un besoin essentiel vraiment important. Plus nous allons nous mettre ensemble et plus nous allons trouver des solutions et des moyens pour arriver à dire au ministère du transport ou au RTC : « Il faut baisser le tarifs de transport en commun parce que c’est vraiment essentiel à la qualité de vie des gens. » C’est pourquoi je suis fière de faire partie de ce comité. Je vous souhaite une excellente soirée avec les trois magnifiques panélistes que nous avons et qu’Yves Carrier va vous présenter.


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Droit à la mobilité

Je vais commencer par vous parler du Comité pour l’accessibilité sociale du transport en commun et de son enquête conscientisante, mais tout d’abord, définissons ce que notre comité entend par «accessibilité sociale». Il s’agit d’une part d’avoir un coût abordable pour les personnes à faible revenu et aussi avoir des parcours accessibles, à des fréquences suffisantes, dans tous les secteurs de la grande agglomération urbaine, plus particulièrement dans les secteurs périphériques vers où les locataires se dirigent de plus en plus pour avoir accès à des logements plus abordables. Ce sont souvent des secteurs où il n’y a pas beaucoup de services et où le transport en commun est peu accessible.

Depuis 2012, en partant des préoccupations des membres du CAPMO, nous avons décidé de faire quelque chose en lien avec le transport en commun. Donc, nous avons mené une série d’actions par rapport à cela: communiqués de presse, entrevue à Radio-Canada, à CKIA, lettre au président du RTC, lettres au courrier des lecteurs, déclaration commune signée par une vingtaine de groupes communautaires de la région de Québec, lettre au ministre des transports du gouvernement du Parti Québécois, rencontre avec l’attaché politique de Mme Maltais. Nous avons aussi réalisé l’activité « Porteur de paroles » dans le cadre de la journée « En ville sans ma voiture » à l’automne 2014.

À l’automne 2013, nous avons réalisé que nous avions besoin d’être mieux documentés sur la question parce que nous n’avions pas un argumentaire assez solide. Puis l’idée d’une enquête a germée dans notre esprit. L’animation de plusieurs soirées mensuelles au CAPMO portant sur des thématiques en lien avec le sujet, nous a aussi permis de situer notre cadre de référence et les objectifs poursuivis par notre enquête.

Puis, à l’automne 2014, nous avons débuté l’exploration du territoire par la prise de contact avec différents organismes intéressés par la question. De janvier à la mi- mai, nous avons rejoint environ 175 personnes et nous comptons continuer à en contacter jusqu’à la fin mai. Pour nous, il est important de documenter le vécu des gens et d’avoir des données pour mieux convaincre l’opinion publique et les décideurs politiques du bien fondé de cette requête. Le but de cette enquête est de connaître les impacts du manque d’accessibilité au transport en commun sur la mobilité des personnes à faible revenu.
La méthode d’animation utilisée débute par un photo-langage. Cela se fait sous la forme d’un café-rencontre afin de favoriser la libre expression. Dans la seconde partie, nous faisons remplir un questionnaire qui vise à identifier quels besoins au quotidien sont affectés par les conditions de mobilité des gens.

En allant à la rencontre de la population, nous avons essayé de voir s’il y avait des groupes locaux qui travaillaient déjà à cette question, comme c’est le cas du Chantier mobilité de Ste-Foy. Celui-ci est autonome, mais il mène une enquête sur cette même question dans cet arrondissement de la ville. Avec ce groupe de citoyens, nous avons travaillé en collaboration à la rédaction du questionnaire.

Dans d’autres secteurs, nous avons rencontré des organismes communautaires, des groupes de citoyens et des personnes habitant des HLM. Nous efforçant d’aller voir au-delà du centre-ville, nous avons visité des groupes à Vanier, Charlesbourg, Montmorency, Lac-St-Charles. En tant que groupe situé au centre-ville, en allant vers d’autres secteurs de la ville nous réalisons à quel point c’est non seulement le coût du transport, mais aussi l’accessibilité et la fréquence qui préoccupent les gens. En effet, à quoi bon avoir un tarif abordable s’ils ne peuvent même pas y accéder ?

Notre questionnaire se divise en trois sections. La première cherche à connaître les déplacements des personnes de l’origine à la destination et les moyens de transport utilisés. Cette section nous aide à déterminer pour quels besoins les gens utilisent le transport en commun et s’ils ne peuvent le faire, comment ils se débrouillent. La deuxième partie s’intéresse à la satisfaction des gens en ce qui concerne les parcours qui passent dans leur secteur et leur fréquence. La troisième section concerne la tarification du transport en commun.

« Pas d’argent ? L’autobus passe pis tu reste-là. » Dessin de Ronald Lachapelle

 En nous inspirant du modèle d’animation utilisé par le Conseil des montréalaises alors qu’elles menaient une enquête sur le transport en commun et les femmes, nous demandons aux participantEs de répondre à trois questions: Quels sont les OBSTACLES dans leur accès au transport en commun, les CONSÉQUENCES que cela a sur leurs conditions de vie, et les SOLUTIONS qu’ils ou elles envisagent pour remédier à la situation ? Nous travaillons à ce que ces solutions soient très concrètes.

Dans une communauté donnée, quels sont les besoins particuliers les plus urgents en matière de transport ? Qu’est-ce qui préoccupe les gens d’abord et avant tout ? Est-ce d’avoir un parcours plus fréquent sur une route importante dans leur quartier, avoir un coût abordable en tant que personne seule ou encore d’avoir un accès plus facile au service pour leur famille ?

Une bonne mobilisation s’effectue d’abord par des groupes de base ou d’organismes communautaires bien ancrés dans leur communauté. En tant qu’organisme de défense collective des droits et d’éducation populaire, le CAPMO offre des outils pour soutenir et encourager l’appropriation de l’enjeu de l’accessibilité sociale au transport en commun et la mise sur pied d’actions concrètes dans le respect de l’autonomie de chaque groupe. Vient ensuite la possibilité de réunir ces différents groupes pour se concerter et porter ensemble certaines revendications. Bref, nous souhaitons que cette démarche donne naissance à une coalition régionale.

J’exposerai maintenant où nous en sommes quant à la reconnaissance du droit à la mobilité dans la Ville de Québec. Je nommerai ensuite quelques exemples de politiques sociales dont le conseil municipal pourrait s’inspirer.

Tout d’abord, si nous parlons du cadre juridique provincial. Dans la Charte des droits et libertés de la personne, le droit à la mobilité n’est pas mentionné spécifiquement dans la section des droits économiques et sociaux. En observant ces articles, nous constatons un certain vague parce que ces droits ne sont pas bien définis. C’est d’ailleurs le cas pour plusieurs autres droits fondamentaux, tels que l’accès au logement. Donc, ce que nous pouvons revendiquer, c’est que l’accès au transport en commun permet l’exercice de l’article 45 de la section des droits économiques et sociaux.

Article 45. Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d’assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la lois susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent. 1975, c. 6, a. 45.

Toujours dans la section des droits économiques et sociaux de la Charte des droits et libertés de la personne, mentionnons que l’accès au transport en commun pourrait être revendiqué comme permettant l’exercice du droit à un environnement sain, si nous tenons compte que les grands espaces verts sont souvent éloignés des quartiers défavorisés.

Article 46.1. Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité. 1975, c. 6, a. 46.1

Pour ce qui est du niveau municipal, dans son Plan de Mobilité durable, la Ville de Québec mentionne que : «L’une des raisons principales qui la conduite à l’élaboration d’un plan de mobilité durable est d’assurer l’équité sociale dans un contexte de changements majeurs dans l’économie mondiale des transports. Le coût de l’énergie est en hausse ce qui amènera les familles à changer leurs comportements et leurs priorités…». Cela demeure encore une fois assez vague.

 À la lumière des témoignages et des données rassemblées jusqu’à maintenant, force est de constater qu’il n’y a pas eu de mesures concrètes mises en place pour atteindre cet objectif ! À ce sujet, a paru cette semaine dans le Journal de Montréal un article intitulé : «Quartiers défavorisés, Montréal veut rendre le transport plus accessible», où des chercheurs de l’Université McGill dénoncent le flou des objectifs du Plan de transport de la ville de Montréal en matière d’équité sociale. Le responsable des transports de la ville, M. Araf Salam, mentionne que dans le prochain plan qui sortira en 2017, des indicateurs précis d’équité sociale seront établis.

Mentionnons également l’expérience de Calgary où une tarification sociale du transport en commun a été mise en place depuis plusieurs années déjà. Dans le cas de cette ville, ce qu’il y a de particulièrement intéressant, c’est que les citoyens et citoyennes qui militent pour un meilleur accès au transport en commun ont obtenu que la tarification sociale soit une politique municipale financée à même son budget général de fonctionnement. Cette lutte qui avait débuté à la fin des années 1990, a obtenu ses premiers résultats en 2005.

Pour donner des exemples inspirants, à l’international mentionnons tout d’abord la France. Dans ce pays, depuis les années 1970, l’accès à la mobilité a été progressivement reconnu comme essentiel à l’inclusion sociale. À cette fin quatre lois ont permis cette reconnaissance officielle.

À défaut de pouvoir vous les présenter en détail, je vous mentionnerai deux applications particulièrement inspirantes : Dans la toute première loi adoptée en 1971, il est écrit que toutes les villes de plus de 20 000 habitants peuvent exiger des entreprises qui y sont établies un «Versement transport». Cela constitue en quelque sorte une reconnaissance du bénéfice que retirent les entreprises des services de transport en commun municipaux ne serait-ce qu’au chapitre du transport de la main-d’œuvre.

Selon Florence Paulhiac, professeure au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, avec la nouvelle loi Solidarité et renouvellement urbains, SRU, les municipalités françaises ont le devoir de mettre sur pied des dessertes privilégiées dans les secteurs défavorisés et enclavés. De plus, l’économiste Miroslaw Smereka rapporte dans l’un de ses articles que cette même loi prévoit une réduction tarifaire d’au moins 50% pour les personnes seules qui gagnent moins de 8 645 euros, soit 11 690$ par année, en 2014.

Mentionnons aussi le modèle suisse du développement durable, schématisé dans ce graphique. Il faut préciser que nous l’avons quelque peu personnalisé aux bonnes fins de notre processus d’enquête. Ce diagramme a servi d’inspiration à cette table ronde parce qu’il situe le transport des personnes au cœur de son modèle de planification stratégique. Selon nous, cette dimension apparaît essentielle à toute société qui vise un développement harmonieux. Comme prochaine action, nous invitons les gens à se joindre à nous pour la prochaine rencontre publique du conseil d’administration du RTC, le 27 mai 2015 à 18:00. Merci.

 


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Environnement et qualité de l’air

Fondateur de l’Association québécoise de lutte à la pollution atmosphérique, André Bélisle est le président de l’AQLPA. Au départ, ce regroupement s’est attaqué à la question des pluies acides et à la défoliation des érablières québécoises. Étant plus jeune, je me souviens avoir vu les affiches qui dénonçaient les pluies acides, plantées sur le bord des routes de Bellechasse. C’est la première image d’un mouvement écologique dont je me souvienne.

L’idée de la table ronde de ce soir est d’avoir un regard croisé sur ces différentes réalités afin d’avoir l’opportunité de parler de démarche d’enquête et d’équité sociale, mais aussi d’environnement, d’urbanisme et de transport en commun. Nous avons invité André Bélisle à venir nous parler de la qualité de l’air, car même si nous continuons à faire les autruches en ignorant les changements climatiques, en achetant des grosses voitures, en polluant comme nous le faisons, en envoyant tous nos services en banlieue, ce qui fait que lorsqu’on habite au centre-ville il faut désormais s’acheter une voiture pour aller faire l’épicerie ou voir un film au cinéma, nous savons tous et toutes au fond de nous que ce n’est pas cela l’avenir et que nous vivons avec un modèle des années 1950.
À toi la parole André.

Bonsoir, c’est un plaisir d’être avec vous ce soir. Fondé en 1982, l’AQLPA contribue à la protection de l’air et l’atmosphère, à la fois pour la santé des humains et des écosystèmes. C’est l’un des plus anciens groupes écologiques au Québec et nous avons plus de 30 000 membres et sympathisants. À l’AQLPA, cela fait 33 ans que nous parlons de la nécessité du transport collectif et d’améliorer l’efficacité énergétique de nos transports en général. Nous sommes un regroupement indépendant de personnes travaillant activement à l’amélioration de la qualité de l’air au Québec.

Ce soir, je vais vous révéler de grands secrets, dans un monde néolibéral ou de capitalisme sauvage, non le transport en commun, non le transport collectif n’est pas une priorité. Au contraire, c’est un embêtement et on le voit, cela ne se développe pas malgré des promesses avant chaque élection, puis après les élections il ne reste pas grand-chose de ce qu’on nous avait promis. Cela me rappelle les paroles d’une chanson de Félix Leclerc : « La veille des élections on te promet n’importe quoi et le lendemain il ne se souvient pas de ton nom. » C’est un peu cela que nous vivons, par contre il y a des choses qui se sont améliorées.
Je vais commencer par vous faire un tableau général de la pollution de l’air et des grandes problématiques pour en arriver à la nécessité et à l’importance des transport collectifs.

J’écoutais Emilie parler de l’enquête qu’elle mène et il y aurait un croisement à faire avec une enquête que nous avons effectuée dans le cadre du programme : « Faites de l’air! » où nous proposions de retirer de vielles voitures de la circulation et de les échanger pour une année gratuite de transport collectif. Ceci dans le but de réduire la pollution de l’air et pour donner aux gens le goût d’utiliser le transport collectif dans les grands centres urbains. En quelques années, nous avons quand même réussi à recycler 60 000 véhicules et de ce nombre, 80% des gens ont choisi les transports collectifs. Le problème c’est que nous aurions voulu faire plus, mais les subventions ont cessé, le gouvernement estimant que nous avions atteint nos objectifs. Nous pensions au contraire que si nous les avions atteints, nous aurions pu poursuivre cette initiative originale. Je comprends aujourd’hui que la logique et la politique cela ne se rejoint pas souvent.

Par cette expérience, nous avons pu démontrer clairement que c’est dans les milieux défavorisés où l’on retrouve une plus grande pollution atmosphérique, la plus grande proportion de vieilles voitures et où les gens sont plus malades etc. Alors nous disions, justement si nous travaillions pour sortir les vieilles voitures et si nous donnions une chance aux gens d’avoir accès au transport collectif de façon beaucoup plus efficace, beaucoup plus près de leur vie, nous gagnerions sur les deux tableaux. Il faut croire que nous avons encore du travail à faire là-dessus parce que là nous sommes dans une ère d’austérité où les décideurs nous disent d’oublier cela.

Le gouvernement n’a pas d’argent pour cela, mais nous avons vu des milliards de dollars disparaître sous nos yeux tel que l’a démontré la Commission Charbonneau. Cet argent a disparu et il n’a pas servi au bien commun ni n’est allé dans les poches des moins fortunés. Alors quand nous revenons à la réalité quotidienne des transports collectifs dont nous avons besoin, si nous les mettions en place et que nous avions un peu d’audace, nous irions vers l’électrification des transports et vers la gratuité des transports collectifs et nous encouragerions l’accessibilité partout où cela est possible.

 

 D’abord, le secteur des transports est la plus grande source de pollution de l’air et la plus grande source de gaz à effet de serre. J’observais récemment que le passage de l’hiver à l’été avait lieu plus abruptement, et cela n’est pas sans conséquence pour les allergies saisonnières. Non seulement les allergies vont augmenter de plus en plus parce que les allergènes qui avaient des séquences dans le temps, étant donné les bouleversements climatiques, apparaissent tous en même temps. Présentement, au lieu de n’avoir que les allergènes provenant du bouleau, sont aussi présent ceux qui émanent du pollen des fleurs et de différents végétaux qui éclosent en même temps. Il se produit un pic d’éclosion qui fait que le pollen est plus abondant dans l’air et qu’il devient un polluant. Cela est du à la pollution de l’air, c’est écrit dans une autre étude qui vient de paraître, l’étude « Child ». Cette étude canadienne dit que la pollution de l’air prédispose aux allergies causées par les pollens et différents autres types d’allergies. Raison de plus, quand nous savons que la pollution de l’air tue. C’est entre 2000 et 2500 personnes par années dans le corridor Montréal-Québec qui meurent prématurément à cause de la pollution de l’air, c’est sans compter les dizaines de milliers qui se ramassent à l’hôpital parce qu’elles ont des problèmes cardiaques ou pulmonaires, auxquelles nous pourrions ajouter celles qui sont aux prises avec des problèmes d’allergies de plus en plus exacerbés. Cela devient un problème majeur de santé publique et il faut agir de façon radicale. Cela veut dire, changer nos façons de faire et nous ne le faisons pas.

J’ai l’impression que nous sommes pris dans un dessin animé, « Les Pierres-à-feu », et que nous refusons d’abandonner nos vieux chars avec des roues en pierre parce que c’est le fun et que nous aimons ça comme ça. Le problème, c’est que nous nous fermons les yeux sur une réalité qui est navrante. En vous disant cela, je pense à ma conjointe qui avait un fils, aujourd’hui décédé, qui souffrait de fibrose kystique. Dans les années 1970-1980, à chaque fois qu’il y avait un épisode de smog pendant l’été, elle se ramassait à l’urgence avec son fils.

Aujourd’hui, on reconnait ces choses-là, mais nous n’agissons toujours pas. C’est comme si la vie des gens n’avait pas vraiment de valeur et encore moins si tu habites un secteur défavorisé. L’absurdité de la situation c’est que peu importe ta provenance sociale, au bout du compte les maladies coûtent cher à tout le monde. Cela coûte cher d’abord aux gens qui en souffrent, aux familles qui ont des gens malades, à l’État qui doit payer pour soigner des gens malades, et parce que nous n’avons pas mis les priorités aux bons endroits, nous sommes prisonniers d’un cercle vicieux.

À l’AQLPA, et pour ceux qui nous connaissent vous savez que nous brassons le pommier plus souvent qu’à notre tour dans les groupes écolos, nous essayons de faire changer ces choses-là et c’est probablement difficile à changer. Il y a moins de deux ans, il y avait eu une grande consultation sur le transport et la priorité avait été attribuée au transport collectif. Nous étions sensés voir dans toutes les villes, y compris à Québec, qu’on ferait de la place au transport collectif. Qu’est-ce que nous n’avons pas vu, une manifestation contre le transport en commun, organisée par des radios privées disant que les voies réservées au transport collectif ralentissait le trafic.

 Je vais vous révéler un autre grand secret : Qui donc sont les commanditaires des radio privées ? Les concessionnaires automobiles et les compagnies pétrolières. Quand je vous dis cela, ça me choque au plus profond de moi parce que c’est comme si en tant que société nous choisissions volontairement de condamner des gens à être malade, à être pris dans leur coin et à ne pas pouvoir se déplacer. L’idée étant la suivante, si on simplifie un peu : « T’embarque dans la machine pis il faut que tu fasses du cash parce que sinon t’es pas dans notre gagne pis t’es aussi bien d’aller au cimetière.»

À l’AQLPA, on ne voit pas la vie comme ça. C’est pourquoi on se bat tout le temps et que nous sommes toujours au front, comme vous avez pu le constater dans toutes les batailles importantes. La marche « Action climat » que nous avons organisée le 11 avril, merci à ceux et celles qui y étaient, j’étais en première ligne et j’étais dont heureux de voir autant de gens manifester dans les rues de Québec parce que tout le monde nous disait : « À Québec, ça ne marche jamais, oublie ça. » Moi je leur disais : « La rencontre des premiers ministres va se faire à Québec, pourquoi irions-nous faire une manifestation ailleurs ? » Et je leur ai dit : « Moi, je gage que le monde de Québec vont se lever, quand les grands moments arrivent, les gens sont là. » Merci mon Dieu, nous étions 25 000 personnes et j’étais dont fier d’être avec vous autres. Tout cela pour dire qu’il faut se mobiliser, il faut absolument se tenir, il faut développer des solidarités, il faut démontrer les cadres des mentalités, parce qu’il y a une grande bataille qui se joue présentement.


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Polluants atmosphériques

 Il y a certains polluants comme les oxydes d’azote pour lesquels il n’y a pas de seuil en-de-ça desquels il n’y a pas d’impacts sur la santé. L’étude Child démontre justement que même si ces polluants se retrouvent en petite quantité dans l’air, autrement dit si nous sommes une journée où l’air est de qualité passable, il y a suffisamment de polluants dans l’air pour que les jeunes enfants développent des sensibilités pulmonaires et qu’ils se retrouvent avec des problèmes d’allergie à n’importe quoi. D’où le lien entre pollution de l’air et allergies, en plus des autres liens à faire avec les bouleversements climatiques et le réchauffement planétaire qui font augmenter la quantité de pollen dans l’air. Quand on regarde cela, il n’y a pas de raisons qui s’opposent au fait que nous devons sortir du pétrole.

Les polluants émis par les automobiles
affectent la qualité de l’air que nous
respirons :
En créant du smog ou ozone au sol;
En favorisant les pluies acides;
En détruisant la couche d’ozone;
En accélérant les changements climatiques.

Je fais parti d’un groupe qui s’appelle l’Élan global, formé de 200 personnalités, et nous avons démontré clairement que l’intérêt supérieur du Québec c’est de prendre soin de ses gens. Cela ne veut pas dire que nous retournons à la charrette à foin. Avant d’être écolo, j’étais monteur de ligne. J’ai bâti la Baie-James et j’en suis fier. Dans les années 1970, c’est ce que nous pouvions faire de mieux en termes de production d’énergie. Aujourd’hui, on gaspille cette énergie et nous avons des surplus incroyables. Si nous avions un peu d’audace, comme René Lévesque en avait, nous ferions ce que nous avons fait dans les années 1970, nous prendrions notre énergie propre et nous ajouterions à cela le solaire, l’éolien et la géothermie, pour dégager encore plus d’énergie propre et renouvelable, il y a aussi le bio méthane, et nous changerions rapidement notre bilan de pollution de l’air. Par exemple, si nous décidions de prendre 25% du parc automobile et le faire passer à l’électricité, en commençant évidemment par l’électrification du transport collectif, nous pourrions obtenir des réductions de l’ordre 3,4 millions de tonnes. Cela pourrait être fait à l’intérieur de dix ans, si nous avons de l’audace. C’est certain que demander de l’audace avec les politiciens que nous avons présentement, c’est un peu comme demander un miracle. De l’audace, il n’y en a plus tellement au Québec et si nous regardons vers Ottawa, c’est encore pire. Cela démontre aussi qu’un virage dans l’électrification des transports, ce serait très intéressant pour le Québec parce qu’au lieu d’importer du pétrole de l’étranger ou de l’Alberta, nous utiliserions nos propres sources d’énergies.


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Recommandations de l’AQLPA :
L’atteinte de nos objectifs en matière de réduction des GES et l’amélioration de la qualité de l’air passe par:
•la réduction de l’utilisation de l’auto-solo ;
•le développement du marché des véhicules à plus faibles émissions ;
•le développement résolu du transport collectif ;
•l’électrification des transports.
Électrifier les transports autant que possible, tant pour les transports collectifs qu’individuels.
•Commencer dès maintenant
•Électrifier les transports collectifs
•Mettre en place les incitatifs pour les véhicules électriques
•Développer le réseau de bornes de recharge

Si on prenait sérieusement en considération le virage de l’électrification des transports et la réduction de la pollution de l’air, le Québec y gagnerait tellement. Simplement en achat de pétrole cela varie entre 14 et 20 milliards de dollars par année et si nous remplaçons cela par de l’énergie propre que nous produisons ici au Québec, cela fait rouler notre économie. Dieu sait que nous en avons du vent en abondance et que si nous agissons intelligemment en développant des parcs éoliens bien planifiés, il n’y a pas de fin à l’énergie que la nature peut nous fournir. Mais encore là je vais vous révéler un grand secret : Les compagnies pétrolières, même les petites qui veulent faire de la prospection au Québec, sont dans le mauvais camp parce qu’elles travaillent pour accroître la pollution de l’air et l’accélération des changements climatiques. Et ce sont elles qui nous empêchent d’avancer en nous retenant dans le passé sale et polluant du pétrole et des énergies fossiles, aux dépends des gens et de la survie de la planète.

Quand je dis cela, j’ai 61 ans et je sais que je vais mourir comme tout le monde et cela ne m’inquiète pas, mais je pense à ceux et celles qui vont venir après moi et ils ont le droit de vivre aussi vieux que moi. Il faut avoir l’audace de poser des questions, de brasser le pommier et de s’exprimer. C’est ce qui est le problème présentement et je vais conclure avec cela: Ce que je sais qui est le plus important, c’est que si nous voulons changer les choses, si nous voulons protéger la démocratie et la liberté d’expression, c’est comme l’amour, il faut l’alimenter. Si on ne se lève pas quand c’est le temps ou si on ne donne pas un bec à sa blonde de temps en temps, cela ne fonctionne pas.

« Quand on brûle un litre d’essence, il se dégage 2.3 kilos de gaz carbonique. Tous les gaz ont un poids comme les liquides ou les solides, c’est simplement qu’ils occupent plus d’espace. »
André Bélisle


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Aménagement urbain et transport en commun 

Marc Boutin

Bonsoir, je suis géographe, j’ai étudié en géographie urbaine et je fais du journalisme à Droit de Parole, un journal communautaire de Québec. Je vais vous présenter la situation actuelle à Québec et d’où nous vient le système de transport en commun que nous avons aujourd’hui. Je vais devoir faire un peu d’histoire afin de comprendre d’où nous venons. Il y a un lien très intéressant à faire entre aménagement urbain et transport en commun. Normalement les réseaux de transport constituent l’épine dorsale des villes. Le réseau autoroutier représente le squelette de la ville de Québec par rapport au transport en commun qui n’est ici qu’un système secondaire. L’aménagement urbain est souvent dépendant de ces réseaux qui précèdent souvent les phases de développement qui vont venir s’y greffer.

La situation actuelle découle de la rénovation urbaine des années 1970. Tout s’est passé très rapidement entre 1970 et 1975. C’est venu comme une explosion de la ville. Sur cette carte, vous pouvez observer Québec en 1955. C’est une ville extrêmement dense, où vivent presque 20 000 personnes au km2, de loin la plus dense au Canada. C’était une ville où le piéton dominait parce qu’il n’y avait pas beaucoup d’automobiles. À l’époque, le tramway constituait son épine dorsale. D’abord c’est une ville qui a très peu de boulevards contrairement à Montréal qui est fait comme un damier. Avant la rénovation urbaine, Québec était une ville tortueuse avec des rues étroites. Tout cela faisait d’elle une ville très urbaine, très ramassée sur elle-même, comme il en existe très peu en Amérique du Nord. Il y a Boston avec une histoire qui ressemble à celle de Québec.

Par ailleurs, c’était un centre-ville impénétrable, c’est ce qui a fait qu’un parti municipal est arrivé qui s’appelait le Progrès civique du maire Lamontagne. Celui-ci voulait que l’industrie touristique s’installe à Québec et pour cela il fallait construire des grands hôtels comme le Hilton ou l’Auberge des Gouverneurs et désengorger le centre-ville. Avant c’était du tourisme artisanal où les gens qui avaient de grandes maisons pouvaient louer quelques chambres pendant la saison estivale. Il y avait aussi de petits hôtels en dehors du Château Frontenac, du Clarendon et de l’Hôtel du Palais qui est devenu l’Auberivière. C’était une ville où les monopoles n’avaient pas de prise. Auparavant, il y avait le maire Wilfrid Hamel qui laissait aller les choses. Cela a fini par irriter les commerçants qui se sont dit : « Il faut changer les choses. » Ils avaient en parti raison parce que l’économie de la ville était assez stagnante.

Il y avait aussi de nombreux quartiers qui avaient besoin d’être rénovés. Alors, lorsqu’est arrivé le maire Lamontagne, il n’a pas annoncé ce qu’il allait faire, il a simplement dit qu’il allait rénover la ville. Sauf que la fameuse rénovation urbaine était en fait une entreprise de démolition à grande échelle. C’est un peu comme la Révolution tranquille, ce n’était pas tranquille et ce n’était pas une révolution. L’explosion des années 1965-1975 correspond au développement d’un réseau autoroutier qui a provoqué un immense étalement urbain de la population de la ville de Québec et une dévitalisation du centre-ville. C’est maintenant une ville complètement à l’opposé de ce qu’était l’ancienne ville et on a plaqué sur celle-ci l’antithèse de 350 ans d’histoire.

C’est tout un choc, car si les villes n’ont pas de sexe, elles ont un genre. On a pris une ville qui était à un extrême dans son genre et on l’a transformée en un autre extrême. D’une ville de piétons à haute densité, nous avons fait le contraire, une ville entièrement consacrée à l’automobile. Québec a subi un choc terrible dans son histoire, un choc qui débute en 1965. La ville a multiplié sa surface par 20. Sur cette carte, ce que vous apercevez en noir, c’est la fonction résidentielle, les banlieues dortoirs. Les parties quadrillées correspondent aux anciennes villes historiques qui ont été annexées, Québec, Charlesbourg, l’Ancienne Lorette, le Vieux-Beauport, le Vieux-Lévis, St-Romuald, Charny sur la Rive-Sud. Dans les espace blancs on retrouvent les secteurs industriels, les entrepôts et les lieux commerciaux. C’est une ville où les fonctions sont séparées où l’on retrouve les bureaux d’un côté, l’Université plus loin, les centres d’achat ailleurs, et les lieux où les gens habitent. C’est la ville de l’auto-boulot, auto-dodo, auto-cadeau, etc. C’est l’automobile qui va d’une fonction à l’autre alors qu’au centre-ville on retrouve encore une vie de proximité où différentes fonctions sont rassemblées. Les gens qui habitent près de leur travail n’encombrent pas les autoroutes. C’est un endroit, les vieux quartiers, où l’automobile ne règne pas en maître.

La ville qu’on nous a imposée est une ville éclatée. C’est impossible de vivre à Val-Bélair et d’aller à l’Université Laval à pied. À cause des obstacles naturels, des voies ferrées et des liens autoroutiers, il est parfois impossible de circuler à pied ou à vélo d’un endroit à l’autre. Ce qui est particulier, c’est que ce réseau autoroutier n’a pas réussi à passer à travers le centre-ville parce que la population a résisté. Surtout dans les groupes populaires, moi je me suis beaucoup impliqué dans le comité R-10 à St-Roch. Ça a été une victoire d’empêcher que les autoroutes détruisent le centre-ville comme cela était planifié par les décideurs. Par exemple, l’autoroute de la Falaise était sensée passer sur Saint-Vallier Est en rasant toutes les maisons de la rue Arago. Le boulevard Champlain était une autoroute qui était sensé traversée la Cap-Diamant pour ressortir sur l’autoroute Dufferin dans St-Roch où il y aurait eu un échangeur. Ils avait même projeté un lien direct qui traversait le fleuve vers Lévis.

L’autoroute Laurentien était sensée monter la Côte Sherbrooke et traverser vers l’Est le quartier St-Jean-Baptiste. Imaginez la destruction sauvage des quartiers historiques où ne subsistait que le Vieux Québec désormais réservé à l’industrie touristique. Une autre particularité de Québec, c’est que le centre a résisté à ce réseau énorme. Mais malgré cette résistance, Québec en l’an 2000 était la ville qui avait le plus de km d’autoroute au monde par habitant. 20 km d’autoroute par 100 000 habitants, la moyenne en Amérique du Nord est de 10 km par 100 000 habitants. Il y a des villes comme Boston ou New York qui ont 5 km par 100 000 habitants, des villes qui sont très peuplées c’est certain. Québec, si on prend l’agglomération au complet, c’est 800 000 personnes maximum en incluant la Rive-Sud. Nous avons 145 km d’autoroute, c’est la même chose qu’à Pittsburg où l’on retrouve 2 millions d’habitants. Alors nous avons une ville avec un réseau qui pourrait soutenir une population d’au moins 2 millions d’habitants, cela signifie que l’on paie trois fois plus cher pour nos infrastructures qu’une ville normale devrait avoir.

Pourquoi sommes-nous pris avec cela ? Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais Québec c’est la ville des autobus en transit. À chaque fois que nous voyons « autobus en transit », il y a un chauffeur qui est payé pour transporter personne. C’est un système de transport où chaque banlieue a ses autobus qui vont au centre-ville. Tous les circuits 200 et 300, ce sont des chauffeurs qui s’en viennent le matin avec leur monde et retournent vide chercher d’autre monde. Le soir, c’est le contraire. De plus, à cause de l’absence de grands boulevards, cela impose un réseau de transport en commun basé sur les autoroutes où on ne peut pas s’arrêter pour ramasser du monde en chemin. Alors, à cause du réseau autoroutier, nous avons une ville où le système de transport en commun est obligé d’utiliser ce réseau s’il veut se rendre assez rapidement au centre. S’il y a certaines voies réservées qui allègent le trajet, il reste que cela nous coûte très cher. La mairie vient de nous annoncer un nouveau réseau rapide qui fait 35 km de long et va virer jusqu’à Lévis. C’est en fait un projet qui va provoquer encore plus d’étalement urbain.

Par contre, le Métrobus joue un rôle structurant parce qu’il circule sur les boulevards où la population est concentrée. C’est un circuit urbain qui est bien achalandé et il joue le rôle de transport urbain. Tandis que les circuits 200 et 300 jouent le rôle de la banlieue et de l’étalement urbain. Donc, cette nouvelle forme urbaine qu’on nous a imposée, c’est elle qui détermine les transports que nous avons aujourd’hui à Québec. La faiblesse que je vois avec l’autobus, c’est qu’il est comme une doublure de l’automobile parce qu’il utilise le même réseau que l’automobile qui est celui des rues asphaltées. Tout à l’heure nous avons parlé d’électrification. Je crois que c’est la seule solution pour le transport. Pourquoi ? Si un promoteur veut construire un cinéma, il a besoin d’un grand stationnement, il s’en va près d’une autoroute où les terrains sont moins chers qu’au centre-ville. Mais si ce même promoteur était dans une ville où il y a un réseau de tramway, il raisonnerait totalement autrement. Si je veux avoir mon monde, il va falloir que je me rapproche du réseau de tramway. Qu’est-ce que fait le réseau de tramway s’il n’est pas pensé pour desservir les gens à 40 km du centre-ville ? Les promoteurs vont se rapprocher du centre et finalement nous allons avoir, avec le années, une ville qui sera beaucoup plus ramassée, plus dense, qui va être plus urbaine.

Le modèle existe en Amérique. Moi celui que j’ai tendance à présenter pour Québec qui a 400 d’histoire, c’est Boston. C’est une ville qui ressemble beaucoup à Québec dans son développement. Même si on n’y retrouve pas de montagnes comme à Québec, mais plutôt de petites collines, c’est une ville qui est habitée dans son centre et qui a su préserver de superbes quartiers résidentiels qui ne sont pas tous des quartiers riches, il y a des quartiers moins riches. Il y a un quartier qui correspond à notre quartier historique, là où la révolution américaine a eu lieu, où les touristes se ramassent, mais ce quartier est plein d’écoles primaires, avec des familles. C’est un centre-ville très vivant qui a beaucoup à nous apprendre. Le maire Labeaume est allé visiter Chicago et ailleurs, des villes qui ne sont pas des villes du même genre que Québec. Je parle de Boston parce qu’on y trouve un service de transport en commun qui est très efficace et qui est un modèle.

Alors qu’est-ce qui arrive ? Nous on veut proposer quelque chose à Québec dans le transport en commun. On nous propose un service rapide par bus, SRB, qui partirait du secteur d’Estimauville, passerait sur le boulevard des Capucins, un endroit isolé où les gens ne se sentent pas en sécurité le soir, puis à des endroits peu peuplés comme si on voulait développer des secteurs à faible valeur foncière plutôt que de desservir une population réelle. Le SRB circule quelque km sur les autoroutes Charest et Robert Bourassa pour aller rejoindre l’Université, puis s’en va sur la Rive-Sud jusqu’au vieux Lévis. Je pense qu’il a 35 km de long. Un circuit qui va aussi loin va certainement être un outil d’étalement plutôt qu’un outil de densification. Pour une ville comme Québec, les transports qui veulent densifier la population au centre-ville ne doivent pas excéder 5 à 7 km dans un sens et 5 ou 6 km dans l’autre sens. Ce qui fait que la ville aura tendance à se densifier. Donc, il faut éviter d’aller trop loin. À Montréal ou Toronto, il y a des trains de banlieue qui desservent la lointaine banlieue, mais on parle ici de population de 4 à 6 millions d’habitants. À Québec, avec ce qu’on nous propose actuellement comme transport, on passe à côté parce qu’on aurait besoin d’un service électrifié et la grosse force de celui-ci c’est qu’il possède son réseau autonome qu’il ne partage pas avec les automobiles. Il n’utilise pas les rues asphaltées il est sur rails et il est totalement indépendant.

La faiblesse que nous avons, c’est que nous avons ce réseau autoroutier comme seule épine dorsale. Ici, l’autobus vient compenser pour l’automobile. L’idée c’est que ceux qui doivent prendre l’autobus ce sont des gens pauvres.

Ce n’est pas un service qui concurrence l’automobile. Si nous sommes pris avec le réseau autoroutier, cela ne nous empêche pas d’avoir un réseau de transport sur rail qui pourrait concurrencer le réseau automobile, nous aurions ainsi une ville avec une plus grande vitalité. Pendant qu’on nous parle d’éco-quartiers, ceux du centre-ville sont laissés à eux-mêmes alors que ce sont eux les véritables éco-quartiers. On veut démolir le Centre Durocher dans Saint-Sauveur et on n’investit pas dans nos quartiers centraux. On ferme l’Hôtel-Dieu pour l’envoyer plus loin, on veut fermer le marché du Vieux-Port comme on a fermé auparavant les cinémas. Cette ville centrale est laissée à elle-même. Oui la ville est dynamique, quand on prend la grande agglomération de 800 000 habitants qui est étalée des deux côtés du Saint-Laurent sur pratiquement 100 km. Elle commence à Château-Richer et elle s’en va jusqu’à Neuville, des deux bords du fleuve. C’était la ville la plus dense au Canada en 1955 et maintenant c’est la plus étalée. Une notion importante pour la vitalité urbaine, c’est celle d’avoir un double réseau concurrentiel. Où il y a un réseau qui vient soutenir l’autre, à ce moment-là, la ville urbaine et la ville rurale peuvent se dynamiser l’une l’autre au lieu de se nuire. L’étalement urbain n’est pas terminé encore parce que le Phare de 65 étages qu’on nous impose à la tête des ponts, c’est aussi de l’étalement urbain. Une autre chose qu’il faut savoir en aménagement urbain, c’est que les gratte-ciels ne sont pas des outils de densification, c’est un outil d’étalement. C’est sûr qu’un gratte-ciel si on le calcule au mètre carré, c’est de la densification, mais ce n’est pas comme cela qu’on doit compter. Il faut évaluer ses répercussions sur de grandes surfaces.

Ce gratte-ciel va engendrer des banlieues dortoirs jusqu’à Saint-Antoine-de-Tilly, à Saint-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, à Neuville et à Donnacona. C’est ce qui va arriver, la ville va s’étaler vers l’ouest parce que cela ne sert à rien de dire que le centre-ville est à Ste-Foy, le centre ville de Québec n’est pas plus à Ste-Foy que le Rond-point de la défense à Paris est au centre de la ville. C’est impossible ! Ste-Foy est une banlieue automobile. Qu’on y construise tous les gratte-ciels que l’on veut, cela ne changera rien. Dans la première image que je vous ai montrée, Ste-Foy était un champ comme toutes les banlieues que je vous ai montrées. Avec le développement autoroutier, Ste-Foy est devenue une banlieue automobile.

Ce qu’il faut ramasser c’est la ville urbaine, celle qui est autour de nous et celle qui existait autrefois. Le dynamisme d’une ville vient de son dynamisme urbain. C’est pour cela que lorsque je vous parle de ce double réseau qui est à la base de la vitalité, je compare cela au corps humain où l’on retrouve un système nerveux, un système sanguin et un système osseux. Ce sont ces trois systèmes qui font la vitalité de notre corps. Le système autoroutier est un peu comme le système osseux, le transport en commun c’est un peu comme le système sanguin, et le système nerveux correspond au réseau électrique. Alors vous avez dans ces systèmes cette force des réseaux autonomes qu’il faut redonner à Québec au niveau des transports. À cause du climat, nous devrions avoir des villes plus ramassées qui seraient ainsi plus facile à chauffer parce que la mitoyenneté des maisons c’est plus facile à chauffer. Donc, cette ville étendue ne correspond pas à notre climat tandis que la ville urbaine, ses maisons sont collées les unes aux autres. C’est plus logique, c’est plus économique, c’est plus pratique, c’est plus convivial et au niveau environnemental, c’est beaucoup plus sain.

Marc Boutin


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Échanges avec le public

– Quels moyens entendez-vous mettre en œuvre pour établir une tarification sociale du transport en commun fondée sur les revenus des gens ?

– Il existe plusieurs moyens d’établir un crédit de solidarité transport. Cela pourrait se faire à partir de la déclaration de revenu produite par chaque personne. En bas de 23 000$ par année, une personne seule est considérée défavorisée. Aujourd’hui, avec les cartes à puces, il serait facile de préserver la confidentialité d’une certaine dé-favorisation de certaines personnes par rapport à d’autres. À la campagne, puisqu’il s’agit-là d’une politique provinciale, les gens pourrait recevoir un crédit qui tienne compte de leurs besoins de se déplacer. Nous ne sommes pas encore rendus à l’étape des recommandations, nous en sommes encore à la cueillette de données, mais nous sommes en contact avec d’autres groupes au Québec et au Canada pour voir comment nous pourrions exiger une politique publique en matière de transport en commun.
Si nous avons un tramway qui dessert seulement les axes centraux, comment vont faire les gens qui habitent plus loin ?

– Pour une ville étalée comme Québec, nous avons besoin de transferts modaux qui peuvent s’effectuer en tête de ligne avec un terminus d’autobus qui rejoindrons les différents quartiers ou banlieues périphériques. Les autobus de transit qui partent des lointaines banlieues et viennent jusqu’à la colline parlementaire ne descendraient plus en ville, mais iraient chercher les gens au terminus du tramway qui serait sans doute situé au Trécarré à Charlesbourg ou au Vieux Beauport ou sur la route de l’Église à Ste-Foy. Les usagers qui proviennent des lointaines banlieues devraient faire un transfert modal avant d’arriver au centre. C’est ce système qui existe dans presque toutes les grandes villes d’Amérique du nord parce que le système actuel qui fournit un circuit d’autobus pour chaque banlieue est très dispendieux. De plus, la fréquence des autobus de transit serait beaucoup plus élevée puisque son trajet serait beaucoup moins long.

– Quand nous regardons plusieurs grandes agglomérations nord-américaines, il y en a quelques une qui ont commencé à mettre en application ce qu’elle appellent le TOD, transit-oriented-development, c’est un peu comme un système de trains de banlieue qui recueillent des passagers dans toutes les petites municipalités et les amènent à destination à la tête d’un système de transport en commun urbain dans la grande agglomération. On revient un peu à une logique d’antan lorsque l’automobile n’était pas aussi répandue, mais avec des moyens modernes. Il y a certaines villes comme Portland en Oregon qui le font bien. Ici au Québec, il y a quelques exemples que l’on peut regarder sur la Rive-Sud de Montréal, par exemple de St-Hilaire à Montréal où il y a un service qui ressemble à cela, mais il y a tellement plus à faire. Si nous y allons avec un système électrique, il y a un gain incroyable en terme d’économie qu’on pourrait employer à d’autres fins comme développer un système de transport plus efficace.

– L’un des enjeux pour que les gens soient satisfaits, c’est la fréquence à laquelle passe le transport collectif. Plus de 5 minutes d’attente, les gens commencent à s’impatienter. Le système proposé de Beauport à Lévis aurait une fréquence d’une demi-heure. C’est trop long.

– Moi, c’est le coût du transport qui m’importe.

– Le transport en commun coûte cher, mais beaucoup moins que l’entretien des autoroutes, leur construction et le déneigement. Je pense que si on payait le vrai prix des infrastructures, le prix des plaques d’immatriculation ne serait pas de 200$, mais de 800$ par année. Le transport automobile est subventionné parce qu’il nous coûte bien plus cher que le transport en commun.

– Par ailleurs, il faut considérer qu’un système qui fait rouler des autobus vides, ce n’est pas rentable. C’est pourquoi il faut viser l’efficacité. En même temps, nous ne pouvons pas penser que l’automobile va disparaître d’ici 15 ou 20 ans, parce qu’il y a plein de gens qui vivent dans des endroits éloignés. Nous avons des systèmes qui, malheureusement, par manque de fonds, ne sont pas efficaces.

– Si je peux amener un point complémentaire par rapport à cela, quand on parle d’équité dans les transports en commun il y a quelque chose qu’on observe actuellement : c’est l’abandon de certains circuits d’autobus dans des secteurs enclavés parce qu’ils ne sont pas assez remplis. C’est un peu comme le chien qui se mord la queue, moins de services, moins de passagers et moins de passagers implique des coupures dans les services au détriment des droit fondamentaux des personnes d’avoir accès à des services. Le RTC prétend qu’il n’y a pas une fréquentation suffisante pour ces parcours, donc il réduit ses services. En France, par contre, on évitera de créer des enclaves où le transport en commun n’est pas accessible afin de ne pas augmenter le sentiment d’isolement et d’exclusion sociale.

– Ne pourrait-on pas imposer une taxe pour les gens qui vont vivre plus loin en banlieue ?

– Il y a une taxe d’un cent sur l’essence pour financer le transport en commun, mais le maire refuse de la prélever pour ne pas déplaire à son électorat.

– Il y a l’exemple de la taxe au km en Europe que plusieurs pays appliquent, mais il faut voir la réalité des distances quand on arrive au Québec ou au Canada. Les distances sont énormes et il y a peu de gens. Il faut avoir la souplesse de s’adapter à la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Taxer au km, c’est possible dans des endroits très densifiés, mais si on empêche les gens de l’extérieur de venir en ville parce que ça coûte cher, cela devient un répulsif. Il y a toujours une limite à l’efficacité d’une mesure comme celle-là, mais c’est une mesure qui doit être considérée tout en s’adaptant à la réalité de l’endroit visé.

– Il y aurait aussi le système de péage à l’entrée de la ville, mais je ne suis pas sûr qu’André aimerait ça ? Aux États-Unis il y a des autoroutes payantes. Est-ce que cela un effet dissuasif sur l’étalement urbain? Je ne saurais le dire.

– La problématique avec cela, c’est que c’est toute ou c’est pantoute. Si on prend l’exemple de Montréal, on ne peut pas taxer un seul pont, il faut que tous les ponts soient payants ou aucun. Cela s’observe à Laval avec le pont de la 25, ils s’attendaient à un achalandage bien plus important que ce qu’ils ont, mais les gens évitent de passer sur ce pont pour ne pas avoir à payer. Logiquement, il devrait y avoir un péage sur chaque pont.

– Je ne comprends pas pourquoi pour prendre la traverse de Lévis il y a un péage, mais pas sur le pont ?
La traverse Québec-Lévis a longtemps été gratuite.
Et le pont de Québec a déjà été payant.

– Il y a toujours des lobbys et si on se place dans le contexte de la lutte aux gaz à effet de serre, les lobbys pétroliers sont très présents. Ils ont les moyens de faire cela. S’Ils peuvent déclencher des guerres à travers le monde, faire de la désinformation c’est l’enfance de l’art. C’est dans la bataille contre les pluies acides que nous avons pris conscience qu’ils pouvaient même créer de supposés experts qui sortaient de nulle part en prétendant qu’il n’y en avait pas de problèmes ou que nous aurions de gros problèmes si nous voulions régler ça. Aujourd’hui, dans la bataille du réchauffement planétaire, c’est mille fois plus important que la bataille des pluies acides, ils mettent mille fois plus d’efforts. Il y a des enquêtes menées par The Guardian, le Los Angeles Time, le New York Time et plein de livres qui ont été écrits là-dessus pour nous démontrer jusqu’à quel point nous sommes désinformés par les médias. Sans vouloir virer le fer dans la plaie, la pire place que je connais au Québec, c’est à Québec avec la présence de radios plus belles. Elles ne font que ça et elles sont payés pour mentir à longueur de journée pour que les gens croient qu’il n’y a pas moyen de faire autrement et de faire mieux.

– On y entend aussi beaucoup de préjugés envers les personnes en situation de pauvreté.

– Ceux qui ont étudié l’histoire savent que lorsque les régimes deviennent totalitaires, ils commencent par des réseaux de désinformation où l’on divise la population en excluant des gens et on fait de la propagande. C’est ce que nous vivons présentement, mais la situation est bien pire si nous regardons dans l’Ouest canadien et aux États-Unis avec Fox News. C’est la tendance conservatrice républicaine et l’enquête dont je vous parlais tantôt qui a été réalisée par le Guardian et d’autres journaux, démontrent que ce sont tous les mêmes acteurs que nous retrouvons derrière cela et qui ont même créé ces réseaux d’information. C’est ce qui s’observe aussi à Québec avec les pétrolières et les marchands d’automobiles qui financent la désinformation. C’est aussi simple que ça et c’est ce qu’ils nous faut vaincre.

– Quelles sont les stratégies que nous pourrions mettre en action pour changer les mentalités par rapport au transport en commun ?

– Nous vous proposons d’assister à la rencontre du RTC le 27 mai prochain et s’il y a une hausse des tarifs, c’est certain que nous allons sortir publiquement pour la dénoncer.

– Le processus d’enquête du CAPMO s’appuie sur l’expérience des gens que nous allons voir dans différents milieux. Cet automne, nous entendons organiser une assemblée publique en collaboration avec d’autres organismes sur les conclusions de notre enquête dans le but de former un comité régionale qui se penchera sur la question de l’accessibilité sociale au transport en commun. En fait, il existe de nombreux organismes qui pendant plusieurs années ont fait des démarches en ce sens, mais ils n’ont jamais été entendus par les différentes instances publiques responsables de cette question. La mobilisation est plus que jamais nécessaire si nous voulons gagner le respect des décideurs et nous faire entendre. Ce serait bien aussi d’avoir une instance régionale où nous pourrions nous rencontrer.

– Moi, je me souviens dans les 1970, alors que les assistés sociaux, les locataires, les comités de citoyens se réunissaient pour former des groupes, aujourd’hui si les piétons pouvaient s’unir pour défendre leur droit à la ville en priorité sur les automobiles, cela changerait bien des choses. En fait, ce sont les piétons qui subventionnent l’automobile. Si nous payons le plein prix pour les infrastructures nécessaires à la circulation automobile, la police, la santé, le déneigement, etc., si les piétons étaient libérés de cela et que le fardeau retombait uniquement sur les automobilistes…, comme groupe nous pourrions aller sur la place publique et dénoncer l’injustice du système actuel.

– Il faut renouer avec quelque chose que nous avons oublié. Nous vivons dans des collectivités et malheureusement nous sommes tous devenus des individus très éloignés les uns des autres. De fait, il faut réapprendre à vivre en communauté et à être solidaire. Dans les années 1970, c’était le message véhiculé par ceux et celles qui voulaient construire une société alternative, mais cela a été rapidement récupéré et commercialisé. Après cela un hippie cela voulait seulement dire quelqu’un qui est à la mode et cela ne signifiait plus un changement de mentalité. La même chose s’est produite avec le mouvement environnemental. J’ai parlé des façons qu’ils utilisent pour désinformer les gens, ce sont les mêmes moyens qu’ils emploient pour récupérer une pensée écologique. Une fois que nous avons dit cela, qu’est-ce qu’on fait ? Il y a des grandes stratégies de communication développées par les compagnies pétrolières et les grands groupes financiers qui en bénéficient. C’était entre autre d’utiliser les médias sociaux pour rejoindre le public. Sauf que ceux-ci peuvent être utilisés par les gens aussi. On le voit, les grandes manifestations à travers le monde qui ont eu beaucoup d’affluence, ont été convoquées grâce aux médias sociaux. C’est pourquoi je disais que la démocratie c’est comme l’amour, ce n’est jamais acquis, tout comme la liberté d’expression. Pour les protéger, il faut les pratiquer à tous les jours parce que sinon nous les perdons. Maintenant, il faut s’engager comme citoyen en devenant solidaire avec tel autre groupe, ma pensée rejoint la leur et on devrait travailler ensemble. Il faut appuyer les différents mouvements. Si on croit à l’environnement, il faut appuyer des groupes écologistes, si on veut des transports collectifs efficaces, il faut appuyer les gens qui y travaillent, si on veut défendre les piétons, il faut appuyer les groupes de piétons. Il faut apprendre à re-développer des solidarités que nous avions par le passé. Ma grand-mère me racontait comment les communautés vivaient ensemble. Nous avons perdu cela et nous sommes devenus très individualistes. S’il y a quelque chose à quoi il faut s’attaquer rapidement, c’est de réapprendre à vivre en communauté les uns avec les autres.

– Juste pour ajouter quelque chose que j’ai découvert en réalisant cette enquête, c’est que pour plusieurs personnes qui ont une famille cela coûte trop cher de prendre le transport en commun avec leur enfants. Et elles se disent prêtent à sortir manifester avec leur poussette.


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Conclusion de la soirée

– Je pense au Québec en général et j’ai un souvenir dans les années 1950, les villes de Québec et de Montréal se sont empressées de démolir leur système de tramway alors que Boston et Toronto n’ont pas suivi ce mouvement. Aujourd’hui, ces deux villes récoltent par leur dynamisme la prudence dont elles ont fait preuve en maintenant un réseau de tramway. Parce que le coût de l’installation d’un tel réseau est amorti depuis longtemps. Au Québec, on aime la fuite en avant. 65 étages, wow, on va être gros. Alors que c’est de la pure folie. Au Québec nous fabriquons du matériel de transport roulant. C’est ici que nous le faisons et nous sommes des experts. Nous avons de l’électricité en quantité suffisante à portée de la main, qui plus est, elle nous appartient, et on investit à 100% dans le pétrole et dans l’automobile. Du pétrole que nous importons de l’extérieur pour polluer notre air. Il ya quelque chose qui n’est pas logique là-dedans. Il semble qu’il y ait une grosse bibitte qu’il faudrait abattre dans les esprits, mais il faut d’abord commencer par se réunir pour en discuter. Marc Boutin, géographe urbain

– Comment on abat cette vieille mentalité ?, c’est d’abord en s’exprimant. Moi j’ai le plaisir de dire que je suis membre d’un groupe qui a gagné toutes les batailles qu’il a menées. Mais nous les avons gagnées parce que les citoyens nous ont appuyés. Quels types d’appuis les gens nous ont-ils apportés? Ils se sont exprimés dans des manifestations, ils ont écrits des lettres aux médias et aux ministres, ils ont parlé dans les médias. La démocratie c’est cela. Le problème c’est que nous avons oublié que nous avons un droit de parole et que nous devons le défendre. Moi, il y a quelque années, j’ai reçu une poursuite de 5 millions de dollars et le but de ces poursuites baillons c’est de nous faire taire. Je me suis dit : On est au Québec en 2006, on n’est pas au Chili de Pinochet et j’ai le droit de m’exprimer. C’est une question de liberté d’expression et de démocratie. Alors j’ai choisi de me battre contre cela. Nous avons gagné la première manche et ensuite nous avons continué à nous battre pour obtenir une loi contre les poursuites baillons. Cette loi existe présentement, c’est la loi 9, la loi qui protège la liberté d’expression et qui permet de se défendre contre les poursuites baillons. Quand j’ai fait cela, il y a beaucoup de monde qui m’ont appuyé, mais j’ai foncé sans avoir peur parce que j’étais indigné contre cette pratique d’une grande entreprise. Il y avait 192 groupes qui appuyaient l’AQLPA dont la Ligue des droits et liberté. Tout cela représente à mes yeux l’expression de notre droit de parole. Quand nous avons quelque chose à dire, il faut le faire dans le respect des gens, de façon honnête et bien fondée, mais il faut s’exprimer. Parce que : « Qui ne dit mot consent !» Si tu n’es pas d’accord avec quelque chose et que tu ne le dis pas, c’est comme si tu étais d’accord. André Bélisle, environnementaliste

– Joignez-vous à Droit de parole justement. Marc Boutin

– Si je prends l’exemple de Calgary, les femmes qui ont mené cette action ont commencé leur étude en 1998, mais ce n’est qu’en 2005 qu’elles ont obtenu une tarification sociale pour les personnes en situation de pauvreté. C’est un par un qu’elles ont du convaincre les citoyens dans chaque secteur de la ville et dans chaque conseil d’arrondissement jusque cela arrive au conseil municipal avec l’appui des gens fondé sur un argumentaire consistant. Aujourd’hui, ce programme fait partie du budget régulier de la ville et même le système de monorail qui dessert le centre-ville y est totalement gratuit. Ça a été une lutte de longue haleine et il ne faut pas se le cacher. Cela démontre l’importance de se mobiliser et cela a porté fruit. Plusieurs disent que le maire de Calgary est un modèle pour la promotion d’un urbanisme inclusif, ce serait bien que notre maire s’en inspire puisque nos deux villes sont jumelées depuis longtemps déjà. Je suis confiante que les gens de Québec vont s’unir pour demander un système de transport en commun qui soit davantage inclusif socialement et je vous invite à vous joindre à nous pour assister aux rencontres du RTC puisqu’il s’agit d’un espace public ouvert aux questions de l’assistance que nous devons utiliser. C’est un espace démocratique à s’approprier et c’est quelque chose de concret qu’on peut faire. Emilie Frémont-Cloutier, Comité du CAPMO pour l’accessibilité sociale au transport en commun

– Si vous me le permettez, j’aimerais conclure par un vieux proverbe chinois que quelqu’un un jour m’a dit: « La tâche à entreprendre n’est jamais trop grande, c’est le regard qui est trop petit ». André Bélisle

– Merci à tous d’avoir assisté à cette rencontre mensuelle du CAPMO sur l’accessibilité sociale au transport en commun. YC
Propos recueillis par Yves Carrier

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