Bonjour, je m’appelle Emilie Frémont-Cloutier et je suis l’animatrice du Collectif TRAAQ qui est partenaire dans la Collectivité ZéN, un collectif qui s’organise pour la transition socio-écologique à Québec. Le TRAAQ s’intéresse particulièrement aux éventuels impacts sociaux des changements climatiques et comment faire en sorte que la transition énergétique soit juste et qu’elle n’affecte pas négativement les personnes en situation de pauvreté. Je laisse la parole à Nadia qui va animer cette rencontre.
Bonjour, je m’appelle Nadia Lemieux et je suis la chargée de projet pour le Collectif ZéN de Québec. Nous ne sommes pas un organisme mais un projet porté par trois groupes : Les Amis de la Terre de Québec, le Conseil régional en environnement et Transition Capitale Nationale, un collectif de citoyen.ne.s. En plus des organismes porteurs, la Collectivité ZéN est formée du Collectif TRAAQ, Nature Québec, Engrenage Saint-Roch, Craque-Bitume, les Urbain-culteurs, le Centre Jacques-Cartier, Groupe de Simplicité volontaire de Québec, Pour un littoral citoyen, Univert Laval, Mouvement pour une ville sans déchet, La Ville que nous voulons, CKIA-FM, Voix citoyenne, Marché de proximité de Québec, Verdir St-Roch, et le Réseau d’agriculture urbaine de Québec.
Nous visons à:
* Enclencher une transition écologique porteuse de justice sociale dans l’agglomération de Québec.
* Rassembler tous les secteurs de la société pour qu’on atteigne ensemble la carboneutralité.
* Mettre nos efforts ensemble pour avoir plus d’impact.
Nous développons aussi des collaborations avec d’autres types d’acteurs institutionnels comme la Direction de la santé publique, le Réseau de développement des communautés, les organisateurs communautaires du CIUSSS, etc. Donc, nous établissons des liens avec différents acteurs de la ville de Québec.
Pour nous la transition énergétique s’opère à tous les niveaux, cela veut dire qu’elle est aussi soucieuse de préserver nos milieux naturels et la biodiversité. Elle est aussi porteuse de justice sociale. C’est bien important pour nous que les transformations que nous allons faire pour l’environnement n’accroissent pas les inégalités sociales. Au contraire, elles doivent contribuer à lutter contre les inégalités et qu’il y ait plus de solidarité entre les gens. Nous essayons d’inviter le plus grand nombre de secteurs de la société à se joindre au mouvement. Actuellement, à Québec, il y a plein de projets et d’initiatives. Nous avons réalisé une cartographie des initiatives en cours l’an dernier et il y en avait près de 150 portées par des groupes divers. Toutes tendent vers ce changement de paradigme. Bien sûr, il a plus de choses qui se passent, mais comment faire en sorte qu’émerge une cohésion entre toutes ces activités ou projets ? C’est le rôle de la Collectivité ZéN, s’assurer que nous puissions travailler dans un même sens tous ensemble. Au Québec, c’est porter par le Front commun pour la transition énergétique formé de plus de 80 grandes organisations impliquées dans la transition énergétique. Nous sommes un réseau, cela nous permet d’apprendre les uns des autres et de créer des synergies entre tout ce qui existe sur le territoire. Nous sommes présents dans huit régions ou agglomérations urbaines et cela continue de s’élargir. Pour le moment, nous sommes financés par de grandes fondations privées.
Des Collectivités ZéN partout au Québec
* Agglomération de Québec
* Laval
* Arrondissement de Lachine (Montréal)
* Arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville (Montréal)
* Gaspésie
* Outaouais
* Assomption-D’Autray
* Rimouski
L’objectif est d’encourager les autres collectivités à entreprendre un mouvement similaire. Nous souhaitons que nos apprentissages inspirent d’autres communautés. Ces apprentissages portent sur comment travailler ensemble sur un objectif commun qui est la transition énergétique. Ce n’est pas nécessairement quelque chose qui va de soi.
L’atelier que nous allons faire aujourd’hui est aussi un apprentissage sur comment on peut amener les gens à réfléchir à l’avenir. Notre objectif est de co-créer une vision collective de Québec pour l’an 2050. Pour faire cela, nous organisons des exercices de vision du futur à partir d’ateliers comme celui que vous allez vivre aujourd’hui, des ateliers d’exploration du futur.
Vous êtes parmi les derniers groupes que je rencontre, ensuite nous passerons à une autre étape dans ce processus qui en compte cinq. L’étape suivante sera dédiée aux moyens à mettre en œuvre pour réaliser cette vision. L’idée est de développer une vision collective du territoire. Nous avons essayé de ratisser large en rencontrant des publics diversifiés et déjà on peut apercevoir des consensus qui se tissent.
Alors, avec des groupes de 15 à 20 personnes, nous vous racontons une histoire en trois parties qui se passe dans le futur. Après chaque partie, vous êtes invités à inscrire sur un post tip un mot qui exprime un élément positif ou négatif que vous avez retenu. Vous pouvez écrire autant de post tip que vous voulez. Vous allez vous rendre compte qu’il y a des choses qui ont changées dans la société alors nous allons discuter ensemble de ce qu’on désire, ce que l’on souhaite, ce qui nous inquiète et ce que nous ne voulons pas voir advenir.
Question brise-glace
Quand vous êtes stressés à Québec, où allez-vous pour vous ressourcer ?
* Moi, je vais me promener sur le bord de la rivière Saint-Charles qui est un ilot de nature en ville.
* Moi, je me sens bien sur les Plaines d’Abraham.
* Les chutes Kabir Kouba près de Wendake. Parc Montchatel.
* Parc Maizeret
* Le quartier Montcalm
* Le Bois-de-Coulonge
* Dans les églises
* Promenade Samuel-de-Champlain, près du fleuve. Parc Jacques-Cartier, à Cap-Rouge.
* Le parc Victoria
* Parc Cartier-Brébeuf
* Parc de la rivière Beauport, qui est peu connu et peu fréquenté.
On remarque que les espaces verts sont appréciés pour aller se ressourcer. Cela fait peu de temps que j’habite à Québec et vous avez nommé plein d’endroits où je n’ai pas eu encore la chance d’aller. J’ai entendu qu’avant la rivière Saint-Charles était bétonnée. On en a fait un joyau en ville, c’est magnifique. C’est un bel exemple de transition qui démontre qu’il est possible de changer pour le mieux.
Aujourd’hui, lorsque nous parlons d’émission de carbone, nous faisons référence à l’ensemble des rejets de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, le fameux CO2, qui contribue au réchauffement de la planète. Lorsque nous parlons de l’empreinte carbone, c’est un indicateur qui vise à mesurer les émissions de gaz à effet de serre qui sont liées à une activité. Donc, on peut appliquer cela à une personne, une famille, une entreprise, un territoire ou un pays au complet, même un produit. La carbo neutralité signifie avoir une empreinte carbone qui soit neutre, soit l’état d’une personne ou d’un groupe qui a réussi à réduire ses émissions de carbone à zéro ou à compenser celles qui n’ont pas pu être réduites par d’autres types d’action qui viennent absorber le carbone.
Maintenant, je vais vous décrire l’atelier auquel vous allez participer aujourd’hui. Nous allons explorer le futur ensemble en lisant une histoire. À la fin de chaque partie, nous allons avoir un petit moment de travail individuel pour écrire un mot sur un post tip. Ensuite nous avons une courte période de plénière, puis nous reprenons la narration de l’histoire. Ce n’est pas une histoire idyllique, ni dramatique, il y a des côtés positifs et d’autres moins. Ce n’est pas une proposition pour le futur, mais un moyen de créer une discussion. On vous demande d’identifier ce que vous aimeriez voir se réaliser et ce que vous n’aimeriez pas. La fonction de l’histoire est de nous faire sortir de notre argumentaire pour envisager l’avenir sous un autre angle qui fait appel au ressenti et à l’imaginaire.
Dur d’être carbo neutre sur un budget
Première partie
Vendredi le 8 mai 2048—Enfin les enfants sont au lit! Claudia est épuisée de sa semaine à l’hôpital où elle travaille comme infirmière. Malgré la fatigue, elle est décidée à passer sa soirée sur la nouvelle application de rencontre CarboLove. L’application vise à trouver l’amour avec des personnes qui partagent les mêmes valeurs environnementales. Elle espère que cette application pourrait enfin lui permettre d’améliorer sa vie et celles de ses enfants.
Claudia se soucie beaucoup de l’environnement depuis son adolescence. Elle achète ses vêtements en friperie, se déplace à vélo et mange le moins de viande possible. Même quand elle était jeune, elle trouvait important que le gouvernement travaille à réduire la pollution et les émissions de carbone.
C’est pourquoi elle était d’accord avec la grande réforme politique québécoise dans les années 2030. Le gouvernement québécois avait décidé de transférer des pouvoirs aux villes pour faire face aux changements climatiques. L’objectif de la réforme était de redonner plus de pouvoir au niveau local. En 2030, Claudia trouvait normal que les différents quartiers de Québec puissent décider de leurs priorités et des services offerts à la population.
Elle pensait que laisser les gens choisir leur quartier selon leurs valeurs et besoins était une bonne idée.
Depuis 2040, le gouvernement calcule l’empreinte carbone de chaque personne avec des outils numériques. Pas moyen d’y échapper! Les données recueillies sont importants selon le gouvernement. Elles aident à mieux planifier les mesures nécessaires pour que le Québec réduise son impact environnemental. Claudia, elle, commence à remettre en question ces choix de société….
Discussion:
* Je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de rencontres humaines. Cela prend une application pour rencontrer l’amour. C’est un aspect que je ne trouve pas nécessairement positif.
Est-ce que vous seriez prêts à changer vos habitudes de vie pour qu’elles soient plus écologiques ? Sinon, qu’est-ce qui vous empêche de faire ces changements ? Nadia
* Les coûts, par exemple, manger local, parfois cela coûte plus cher.
* La question du temps est également un aspect important. Il y a des changements que j’aimerais faire, mais je manque de temps pour cela.
* Quand tu commences, c’est facile parce que tu élimines des grosses affaires, mais plus tu avances dans ce cheminement, plus tu dois te séparer d’habitudes qui à prime abord peuvent sembler infimes par rapport à l’émission carbone. Cela semble devenir de plus en plus complexe.
* J’ai beaucoup plus de temps depuis que je suis à la retraite. Mon temps n’a plus de valeur marchande, il m’appartient. J’ai déjà beaucoup réduit mes émissions de carbone, je ne possède pas de voiture et je ne voyage pas. Je ne pense pas pouvoir réduire davantage puisque je l’ai déjà fait. Pour les familles, c’est plus compliqué parce qu’elles manquent de temps. Cela joue des deux côtés. Par contre, je constate que certaines personnes de mon âge passent leur temps à voyager. Je pense qu’il faudrait demander aux personnes retraitées de modérer leurs transports. Vieillir dans le respect de l’environnement au lieu de gaspiller votre argent.
* Je pense qu’on doit s’ouvrir sur le monde tout en étant responsable.
* Les pressions sociales et publicitaires nous empêchent de changer.
La question se rapporte aux agissements individuels, mais cela ne repose pas uniquement sur la responsabilité individuelle de changer toutes ces choses. De plus, il peut être frustrant de constater que nos efforts ne sont pas imités par les autres. Parfois, il est difficile d’en faire plus quand tu en fais déjà beaucoup. Est-ce que c’est aux personnes qui ont des enfants et qui manquent de temps qui doivent prendre toute cette charge ? Nadia
* Cesser d’acheter des aliments transformés parce qu’on sait que ce n’est pas bon pour la santé, mais cela prend aussi du temps pour cuisiner. La publicité joue sur l’aspect réconfortant de ces mets transformés.
* Je trouve inquiétant le mouvement conservateur actuel et les gouvernements provinciaux qui réclament le retrait de la taxe fédéral sur le carbone qui n’était qu’un effort minime pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
* Ce n’est pas toujours facile de trouver des vêtements qui nous font dans les friperies. Chacun a des enjeux qui ne sont pas négociables.
On pourrait se demander quels sont les biens essentiels auxquels nous devons avoir accès. Nadia
* Le budget du Québec est très décevant parce qu’il n’y a pas d’argent pour les transports collectifs.
* Il y a aussi la peur d’être jugé, de passer pour cheap.
Les normes sociales sont parfois plus puissantes que les lois. Nadia
* Il y a des bonnes choses qui se faisaient avant, comme les achats collectifs et les magasins coop que nous devrions redémarrer.
Partie 2
Dans les premières années de la réforme, beaucoup de personnes avaient déménagé. Elles voulaient vivre dans des villes ou quartiers plus verts et avec de meilleurs services. Claudia trouvait important de rester dans son quartier natal pour contribuer aux changements qui s’en venaient. Mais encore aujourd’hui, il s’agit de l’un des secteurs les moins aimés de la ville. C ‘est vrai que certains secteurs ont profité de plusieurs améliorations, comme la Place Fleur de Lys. D’autres secteurs ont été oubliés par les décideurs…
Comme partout à Québec, les habitants ont droit à une base de services gratuits et carbo neutres. Depuis 20230, la Ville de Québec offre à tout le monde l’abonnement gratuit au transport collectif et des places de garderie. Certains quartiers ont été beaucoup plus chanceux. Dans le Vieux-Limoilou, par exemple, il y a des maisons de retraite avec des espaces verts, des services gratuits de réparation d’objets et des logements bien isolés. L’usage de la voiture a même été interdit! Malheureusement, Claudia ne peut pas habiter dans les beaux quartiers: les logements sont devenus trop chers!
Encore aujourd’hui, les quartiers moins favorisés de la ville ne sont pas bien adaptés aux changements climatiques. Dans Vanier, il y a beaucoup d’Ilots de chaleur et les logements sont souvent mal isolés. Les familles n’ont pas le choix d’augmenter la climatisation pendant les canicules et le chauffage pendant les grands froids.
Discussion :
Dans le récit, ce n’est plus le gouvernement, mais plutôt les villes qui décident des moyens pour lutter contre les changements climatiques, quels services ils vont offrir à la population et même, dans les grandes villes, chaque quartier possède une grande autonomie de décision. Cela vient avec une grande liberté, mais aussi avec la présence de certaines disparités entre les arrondissements. On observe une certaine gentrification avec la hausse des prix des logements. Même si on est dans le futur, les écarts de revenus se maintiennent et certains arrondissements sont laissés de côté. Par contre, si on ignore les différences, c’était inspirant de voir ce qu’il y avait dans certains quartiers. Au moins, pour tout le monde, il y avait le transport collectif gratuit. Nadia
Question : Est-ce que vous pensez que les solutions en environnement devraient être les mêmes partout à Québec ? Est-ce qu’on doit laisser la possibilité aux quartiers d’expérimenter et d’innover pour trouver des solutions qui leur conviennent? Nadia
* Cela prend les deux, une vision globale qui émerge de la base, de façon commune. La façon d’y arriver devrait être plus locale.
* Ce qui me fait peur, c’est l’effet ghetto qui se vit dans plusieurs régions du monde, où l’on retrouve des villes complètement décapitalisées qui doivent renoncer même aux services de police et d’incendie, c’est l’effondrement. Pendant ce temps, non loin de là, on retrouve des villes de millionnaires qui ont tous les services sans contribuer au mieux être de l’ensemble de la population. Pour prendre la ville de Québec, il faudrait aussi tenir compte de la Santé publique qui peut dire en Basse-Ville il n’y a pas de canopée. Pourquoi ne pas en construire une en achetant les terrains des maisons abandonnées ou incendiées pour planter des arbres ? Il fait vraiment plus chaud en Basse-Ville pendant l’été pendant qu’en Haute-Ville, on refuse de couper des arbres pour installer le tramway sans se soucier du bien commun.
* Est-ce que cette liberté d’action des villes est accompagnée du financement nécessaire ?
* Autant que faire se peut, la démocratie directe est un moyen pour définir ensemble ce qui est important pour chaque quartier et après, l’application peut être décentralisée en autant que les grands principes soient respectés. Il faudrait s’assurer que dans chaque quartier on prenne garde à la gentrification et qu’une mixité sociale soit maintenue.
Cela prend une articulation entre ce qui vient d’en haut et ce qui provient de la base. Il y a une certaine gouvernance qui fait en sorte que les gens qui habitent un quartier peuvent s’organiser ensemble et mettre en pratique ce qu’ils ont décidé. Nadia
* Ce qui a été décidé en haut ne doit pas se cristalliser, il faut qu’il y ait toujours des moyens de questionner les choses, par des référendum notamment.
* À mon point de vue, ce serait un gouvernement idéal.
* Je remarque que les inégalités demeurent.
Au début de l’atelier, je parlais de la transition socio-écologique. Cette idée de la transition écologique doit aussi permettre de réduire les inégalités sociales. Les transformations qui seront apportées doivent agir sur ces deux fronts. Nous assistons déjà à un phénomène de gentrification verte comme dans les éco-quartiers où les logements ne sont pas abordables. Lorsqu’on créé un espace vert, le prix des propriétés autour augmente aussitôt, etc. La question n’est pas simple, mais je la soulève quand même. Nadia
* Est-ce que la démocratie est globale ou locale ? Les populations veulent préserver l’environnement, mais les décideurs ne semblent pas le vouloir. Si la prochaine génération réussit la transition écologique, est-ce que la suivante le voudra ? Est-ce le gouvernement du Québec, du Canada ou un gouvernement mondial qui va imposer la chose ? Comment faire fonctionner la démocratie, mais il y a des endroits où il n’y en a pas ? Cela fait partie du problème. Si c’est imposer d’en haut, les gens vont le refuser.
* Ce qui m’a frappé hier au conseil de quartier, c’est qu’il y avait la question des espaces de stationnement qu’on devait retirer pour construire une piste cyclable et les gens refusaient. Alors, ce n’est pas juste démocratique, il y aussi les promoteurs qui construisent des condos qui influencent l’espace public.
La ville doit pouvoir encadrer l’espace qu’occupent les développeurs dans une ville. Cela prend des règlements pour gérer les espaces communs. Nadia
* Je suis convaincu que lorsque les plus fortunés vont comprendre l’importance de l’écologie, cela va se faire et nous allons payer le prix. Nous allons avoir un écofascisme.
Il y a effectivement une crainte que l’écologie devienne une façon de contrôler davantage les populations parce qu’aujourd’hui, il n’y a plus grand monde de sérieux qui peut dire qu’il est climato sceptique ou négationniste. Plus personne ne nie ce qui arrive présentement. Donc, certains gouvernements dictatoriaux et certaines élites, vont profiter de cette crise pour renforcer leurs pouvoirs. Alors, il faut faire attention. Le conservatisme qui arrive est conscient de ce qui se passe. Ils ne peuvent plus nier les changements. Ainsi, la question de la sauvegarde de la démocratie s’avère essentielle. Il y a aussi, partout dans le monde, des peuples qui s’organisent au niveau local et qui se mettent ensemble pour réaliser des projets et des initiatives. Comme ils ne reçoivent aucune aide, ils ne demandent plus la permission des gouvernements pour se mettre en action. C’est ce qui me donne espoir. Nadia
* Pour répondre à la question d’une seconde génération qui voudrait revenir en arrière, cela ne sera pas possible étant donné la raréfaction des ressources. Ce que nous prenons actuellement pour acquis, comme les voyages en avion à chaque année, ne sera plus possible pour l’immense majorité dans un proche avenir en raison de l’explosion des coûts du carburant. En quelque sorte, plusieurs vivent dans le déni en consommant d’une manière exagérée.
* Il y a encore plein de décideurs politiques qui sont négationnistes comme Bolsonaro, Trump, Milei en Argentine, etc. La plupart des multinationales sont négationnistes.
C’est certains que cela peut inspirer des politiciens populistes qui remettent en cause le fait que nous devions changer nos modes de vie si nous voulons survivre comme humanité. Par leurs propositions technologiques, les grandes pétrolières et l’industrie automobile sont à l’avant-plan de ce qu’on appelle la transition énergétique. Ils ont aussi l’oreille des gouvernements. Nadia
* J’avais fait le calcul pour faire voler un avion à l’hydrogène de San Francisco à Rio de Janeiro, aller-retour. Cela correspond à l’énergie produite par 50 éoliennes pendant 24 heures pour accumuler 50 mégawatts. C’est beaucoup d’énergie. À tout moment, il y a environ 500 000 personnes dans les airs dans le monde et c’est comme cela depuis des décennies. C’est beaucoup d’énergie gaspillée.
* C’est pareil avec les bateaux de croisière dans le port de Québec, ils polluent énormément. Nous acceptons cela parce que cela apporte de l’argent. Mais qu’est-ce qu’on peut faire en tant qu’individu ?
* Je trouve que l’histoire ne mentionne pas assez la question des classes sociales qu’on essaie de tasser. Tant qu’on écarte cette question, je pense que nous n’irons pas vers une véritable transition énergétique. Tant qu’une minorité aura les leviers du pouvoir, on peut faire certains pas, mais c’est limité ce que nous pouvons faire. On peut vivre en autarcie solidaire, mais cela peut devenir un autre piège. Les mouvements d’extrême-droite parlent de retour à la terre et de vivre en autarcie. Je pense davantage à des questions de décroissance solidaire.
* Je pense que la mise en commun fait aussi partie des solutions pour réduire notre empreinte écologique tout en étant heureux.
Partie 3
Avec l’application de rencontre Carbo Love, Claudia espère trouver l’amour quelqu’un qui habite un quartier plus favorisé. Déménager lui permettrait de réduire son empreinte carbone. Trouver l’âme sœur n’est pas juste une question de valeurs: l’empreinte carbone de chaque personne a des conséquences financières. Les personnes qui dépassent la limite permise sont pénalisées: elles doivent payer plus d’impôts ou faire des travaux communautaires. À l’inverse, les personnes qui ont une petite empreinte carbone obtiennent des privilèges.
En ce moment, en vivant à Vanier, l’empreinte carbone de Claudia est élevée. Son revenu l’empêche de choisir des options plus écologiques. Elle est obligée de faire de longs déplacements en voiture pour emmener ses enfants chez leur père qui habite à Montréal. Elle habite un logement social en mauvais état, ce qui augmente sa consommation d’énergie pour le chauffage et la climatisation.
Il est difficile pour Claudia de réduire son empreinte carbone et d’améliorer sa situation financière. À contrecœur, elle essaye de quitter Vanier. Avec son seul revenu, elle ne peut pas se payer un logement dans un quartier plus écologique et agréable. C’est pourquoi elle tente sa chance sur l’application Carbo Love. Mais surprise! L’intelligence artificielle l’empêche de rencontrer des gens de quartiers plus favorisés, car son empreinte carbone est trop élevée!
Discussion :
Dans ce texte, vous avez vu que les gens ont une limite carbone qu’ils doivent respecter, sinon ils doivent compenser par leurs impôts ou des travaux communautaires. Inversement, les gens qui ont une faible empreinte carbone ont droit à certains privilèges. On laisse une certaine liberté aux gens, vous pouvez utiliser cette limite carbone comme vous l’entendez. Si vous la dépassez, il y a des impacts. Nous parlons ici d’incitatifs dissuasifs, on vous incite à faire certains choix en vous offrant des récompenses si vous agissez d’une certaine façon, et on veut vous dissuader si vous dépensez plus de carbone. C’est certain que le cas de Claudia est particulier puisque ce n’est vraiment pas de sa faute, mais imaginez-vous des gens qui auraient les moyens de faire certains changements, mais qui ne veulent pas le faire. Est-ce que vous croyez que cette méthode dissuasive peut les amener à faire des choix plus éco-responsables ? Nadia
* Pour moi, c’est de l’éco-dictature.
* Je pense que les incitatifs sont une bonne méthode. Il faudrait s’assurer que les coûts des produits correspondent à leur impact réel sur l’environnement en proportion des ressources disponibles. Plus cela entame les capacités de la planète, plus cela doit devenir inaccessible. Comme une taxe pour les plus riches qui vont vouloir continuer à consommer ses biens inaccessibles. Le côté positif c’est qu’on n’aurait pas à se soucier des limites qu’on respecte ou pas. C’est la rareté et l’empreinte carbone élevé qui déterminent le prix des choses. Ce qui ne coûte pas cher, c’est ce qui a le moins de conséquence.
* L’affaire c’est que les gens fortunés vont s’acheter des crédits carbones en possédant des terres qu’ils vont laisser pousser en friche. Alors, ils vont avoir leur banque personnelle de crédit carbone. La façon que les crédits carbone sont calculs est malsaine. À certains endroits dans le monde, ils rasent des forêts vierges pour planter une seule espèce d’arbre et ils reçoivent pour cela des crédits carbones.
* Dans l’histoire, la vie est vraiment dévalorisée. Ils s’enfoncent de plus en plus. Ils ont besoin de programmes gouvernementaux pour les aider à s’en sortir.
* J’ai d’abord aimé l’exemple des prix en fonction de l’empreinte carbone des biens, mais ensuite je me suis dit que les riches vont se dire qu’ils ont les moyens de polluer.
* Les 10% des plus riches de la planète ont doublé leur fortune au cours des dernières années et il font le faire encore l’an prochain. Cela va prendre une révolution. On ne peut pas laisser ça aller.
* Les incitatifs dissuasifs demeurent individuels. Je pense qu’il faut plus aller en termes d’éducation populaire et faire pression sur les gouvernements pour qu’il y ait des investissements collectifs dans nos infrastructures dans ce que nous construisons collectivement. Je pense que si nous voulons agir contre les changements climatiques, ce qui a le plus d’impact, c’est le transport en commun, ce sont des solutions collectives. Ce qui m’a scandalisé, c’est de punir encore les gens pauvres parce qu’ils sont pauvres et ne peuvent effectuer de véritables choix.
* Les crédits carbone, c’est bien souvent du green washing.
* Les prémices de cette histoire, c’est que nous vivons dans un monde financiarisé où les riches contrôlent tout. C’est à cause du capitalisme mondial que nous vivons cette crise climatique. Il n’y a plus qu’une poignée de personnes qui contrôlent la richesse de la planète entière. C’est ridicule. Le capitalisme en soi est déjà une mauvaise blague. On ne peut rien construire sans penser en termes d’argent. Cette phase de l’histoire de l’humanité est dépassée. Vivement que nous trouvions un autre système de production et d’échanges. Est-ce qu’on veut vivre dans un monde où tout le monde veut être comme Donald Trump ? On ne peut pas constamment miser sur l’argent comme façon de gérer les choses. Je ne connais pas de riches, les gens que je connais sont de classe moyenne ou en situation de pauvreté. La classe pauvre a de la misère à joindre les deux bouts et la classe moyenne est endettée. La réalité sur le terrain, c’est soit tu es pauvre, soit tu es endetté.
Vous trouvez que la méthode incitatifs-dissuasifs entre encore dans une logique marchande? Nadia
Évaluation et remerciements
* J’ai trouvé l’atelier très intéressant et interactif, même si certains aspects sont déprimants.
* J’ai beaucoup aimé la façon que c’est présenté.
* J’ai trouvé cela dynamique.
* J’ai beaucoup aimé l’idée de prospective, de regarder vers le futur. Ce que je trouve qu’il manque à l’histoire, c’est que la fille est seule avec ses problèmes, puis elle cherche un partenaire de vie pour améliorer son sort. Il manque l’élément collectif. Je pense que le salut est dans la mise en commun, comme nos parents et nos arrière-grands-parents ont fait. Au départ, les syndicats c’étaient des mutuelles d’assistance pour donner un montant si quelqu’un devenait impotent en travaillant ou à la veuve lorsqu’il y avait un accident mortel. Les caisses Desjardins ont été fondées pour construire un capital québécois et retenir nos gens ici à une époque où la moitié de la population du Québec avait quitté pour les États-Unis parce qu’ils mouraient de faim ici. Nous avons oublié le mouvement coopératif, mais il y a vraiment une force là-dedans qui peut nous servir à ouvrir les voies de l’avenir. Rien n’empêche d’y retourner si l’économie capitaliste s’effondre. Je vois très bien nos autoroutes servir de pistes cyclables ou aux tramway lorsque le prix de l’essence deviendra exorbitant.
* Le but de l’atelier était de voir que si nous maintenons les tendances actuelles dans la société, nous irons de plus en plus vers l’individualisme. C’est comme cela que j’ai compris l’exercice, que c’était volontaire.
* Je suis un peu plus optimiste que ça. Je pense que les circonstances vont nous obliger à aller vers plus du collectif et du communautaire. L’humain prend du temps à comprendre, mais quand il est au pied du mur, il n’a pas le choix de changer.
Je suis d’accord avec cela, parfois il faut se rendre au bord du précipice. On voit déjà des formes de communautés et de mises en commun qui sont en train d’émerger. Ces expériences ne sont pas assez supportées financièrement et cela demeure un enjeu, comme l’accès à la terre qui est de plus en plus concentré en d’immenses propriétés. Effectivement, ce texte nous montre une tendance particulière où il y a un renforcement de l’individualisme des classes sociales. Je vous ai dit que nous travaillons les ateliers à partir de quatre textes différents. Dans l’un d’entre eux, on assiste à davantage de mise en commun et de partage des biens. Dans un autre, c’est une vision plus optimiste du futur où les gens ont commencé à s’entraider qui correspond à un certain abandon de l’État, donc les gens n’ont plus vraiment le choix de s’organiser en collectif. Nadia
* Je pense que localement, il faudrait identifier la capacité de chaque milieu tout en respectant les limites de la planète.
* Moi je trouve que la crise du verglas en janvier 1998 a révélé le meilleur dont nous sommes capables comme peuple. Se voyant dépassé, le gouvernement du Québec a demandé à la moitié de la population qui avait encore l’électricité d’aider l’autre moitié qui en était privée et il y a eu tout un élan de solidarité. Même les valeurs capitalistes individualistes ont pris le bord. Il y a eu une solidarité par nécessité.
Ça aussi été le cas au début de la pandémie où les gens se sont beaucoup entre-aidés entre voisins. La coopération fait partie de nous, même si le système nous enseigne la compétition. La coopération et la solidarité sont des valeurs que nous avons tous et toutes en-dedans de nous, c’est ce qui me donne de l’espoir. Nadia
Nous te remercions chaleureusement Nadia pour cet atelier de vision.
Propos rapportés par Yves Carrier