#263 – Accessibilité sociale du transport en commun : discussion et présentation de résultats – Novembre 2015

 

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Accessibilité sociale du transport en commun, discussion et présentation de résultats

Vision du Comité du CAPMO pour l’accessibilité sociale au transport en commun :
– Nous voulons à court-moyen terme que les inégalités sociales en matière de mobilité dans la Ville de Québec soient réduites et que dans la perspective à long terme, qu’elles soient éliminées;
– Le transport en commun est un besoin essentiel à une vie décente, un bien public indispensable pour permettre la participation économique, politique, culturelle, sociale, des citoyens et citoyennes.

Objectifs généraux :
– Dénoncer la pression vers une logique marchande du RTC (Réseau de transport de la Capitale);
– Obtenir à moyen terme une tarification sociale dans la Ville de Québec pour les personnes en situation de pauvreté comme l’a déjà fait la Ville de Calgary.
Dans l’histoire du CAPMO, nous avons tenu des Carrefours de savoir sur l’économie, sur la spiritualité, sur les finances publiques, etc. Cela nous a permis de rencontrer des gens de différents horizons et de créer des connaissances nouvelles sur la réalité des personnes en situation de pauvreté. Ce sont des connaissances qui proviennent des milieux populaires d’où l’idée de faire une enquête sur les impacts des coûts du transport en commun. Comme nous cherchions à nous documenter sur cette question, la méthode de l’enquête conscientisante nous permettait d’acquérir des savoirs nouveaux tout en mobilisant la population autour de cet enjeu. Tout en reconnaissant les limites de cette enquête conscientisante, nous avons espoir qu’elle saura éveiller les décideurs et l’opinion publique en général à la question de l’exclusion pour plusieurs personnes d’un service public essentiel à leur bien-être et à leur épanouissement.

Si cette question vous préoccupe, n’hésitez pas à joindre les rangs du Comité au 418-525-6187 poste 222 ou en nous écrivant à : transports@capmo.org

 

Table des matières

Attentes des participantEs
ParticipantEs à l’enquête
Quelques résultats
Part modale
Aspect qualitatif
Proposition d’actions

 


Présentation d’Emilie Frémont-Cloutier

Principaux objectifs de la rencontre :
1. Présenter quelques résultats de l’enquête
2. Valider avec les participantEs ce qu’ils pensent des résultats et les informations à y ajouter.
3. Actions et revendications possibles en lien avec ces résultats

Notre enquête sur l’accessibilité sociale au transport en commun a donné naissance à deux autres processus d’investigation, l’un à Ste-Foy avec le Chantier mobilité Ste-Foy et l’autre à Lac Saint-Charles avec le groupe Regroupement action familles à Lac St-Charles (RAFAL) qui a adapté et mis en ligne notre questionnaire auprès de sa population.

Avec le Chantier mobilité, formé de Renaud Blais, Laurence Letarte et Nicole Bouchard, nous avons beaucoup travaillé le questionnaire afin de lui donner une mouture plus scientifique. Les graphiques présentés à la suite sont de Laurence Letarte, doctorante à l’Université Laval en Urbanisme et aménagement urbain.

 


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Attentes des participantEs

– Moi, j’aimerais connaître quelle proportion du budget des personnes en situation de pauvreté occupe les frais de transport en commun puisque les tarifs sont conçus en fonction de l’âge des usagers plutôt que de leur revenu. C’est la moitié du tarif régulier que paient les personnes âgées.

– Dans d’autres villes au Québec, les tarifs de transport en commun sont moins chers qu’à Québec.

– Moi, mes attentes, c’est d’assister à un partage d’idées.

– J’ai hâte de connaître les résultats. Est-ce que les piétons, ceux et celles qui n’ont pas de voiture, ne seraient pas en droit de recevoir un crédit carbone parce qu’ils et elles polluent moins ?

– Mes attentes seraient que nous ayons une discussion visant à trouver une ou des solutions ou encore une revendication accrocheuse pour mobiliser les gens autour de cet enjeu.

– Moi, je suis arrivé à Québec dans le temps de la STCUQ ( Société de transport de la communauté urbaine de Québec) et il n’y avait pas beaucoup d’autobus, s’il y en avait seulement. Je rappelle que c’est Winnie Fronh dans le Rassemblement Populaire (RP) qui a initié les parcours 801 et 802. Il y a eu de grands coup-de-pouces au transport en commun dans la Ville de Québec de la part du RP.

– Il y a beaucoup de gens qui se privent du transport parce que c’est au-dessus de leurs moyens.

– Les riches vont où ils veulent tandis que les pauvres tournent en rond. Il faut que cela cesse. Une partie de l’émancipation des gens en situation de pauvreté c’est d’avoir le contrôle sur leur mobilité pour pouvoir aller où ils veulent. C’est une lutte important définitivement.

– Ce qui me frappe, c’est que je découvre que les gens en situation de pauvreté ne peuvent pas se déplacer. Je pense qu’il y a pas mal de monde à Québec qui ne savent pas qu’il y a un vrai problème là. Il faut trouver le moyen d’avoir une prise de conscience large de la population. La légitimité d’une lutte implique qu’il faut en prendre conscience pour pouvoir la mener, pas seulement le RTC ou les personnes en situations de pauvreté, mais la population dans son ensemble.

– Évaluer la pertinence des résultats et avoir le temps de partager ses idées.

– Cela fait 20 ans que je m’intéresse à l’accès au transport en commun à Québec. J’ai milité au CRUTEC (Comité régional des usagers du transport en commun) à Québec dans les années 1990. Actuellement, au RTC, on assiste à une privatisation de la gestion et à une commercialisation de ce service public qu’est le transport en commun. De plus en plus on assiste à une ségrégation de clientèle où des rabais sont offerts aux entreprises qui emploient beaucoup de gens et qui ont les moyens de se payer le transport en commun au tarif régulier. De plus, on observe des déserts de mobilité à Québec où l’on décide de construire du logement social.

– Depuis quelques années, on observe que le développement des circuits du métrobus se fait au détriment des circuits locaux qui desservaient auparavant chaque quartier. Si tu priorises le métrobus, tu priorises l’axe du développement du capital. Tu priorises les profits et tu délaisses les services dans les quartiers.

Emilie : Justement, notre enquête recense qu’elle est la part des déplacements que les gens sont capables d’effectuer à pied, en autobus, en voiture ou en bicyclette, de même que les endroits inaccessibles sans automobile. Pour ce qui est du pourcentage qu’occupe les frais de déplacements par autobus dans les budgets des personnes, notre questionnaire ne posait pas aussi directement cette question. Toutefois, nous avons des données sur les revenus des individus et des ménages ainsi que sur leur perception des tarifs de transport en commun. Ce sont de bons indices nous permettant d’évaluer ce qu’il en coûte sur le budget d’un ménage pour avoir répondre à ces besoins fondamentaux.

– Il serait possible de mettre en corrélation le prix des passes d’autobus en lien avec les seuils de pauvreté. Autrement dit, avec les seuils de revenus, il est possible d’observer que lorsqu’on arrive au seuil de pauvreté, la part du budget attribuée au transport augmente. Ce n’est pas une donnée directe de la recherche puisque ces chiffres sont déjà disponibles.

– Moi, je ne vous conseille pas de prendre la mesure du seuil de pauvreté parce qu’elle est en désuétude au Canada et qu’elle n’inclus pas les coûts du transport dans son calcul. Ce qu’on utilise maintenant, c’est la mesure de faible revenu. Par ailleurs, la mesure du panier de consommation tient compte des frais de transport dans son calcul, sauf qu’à mon avis elle est trop basse parce que c’est une mesure des besoins minimum pour demeurer en vie. Cela pourrait quand même être un premier objectif de revendication. Sinon, une autre mesure, c’est la MFR, la mesure de faible revenu, un peu plus de 22 000$ par année pour un individu seul. Elle représente 60% du revenu médian, ce qui est assez proche du seuil revenu tout en ayant l’avantage d’être crédible comme chiffre. Une autre mesure que l’IRIS a travaillé, c’est l’idée du « salaire viable », il est autour de 26 000$ pour une personne seule. Pourquoi je mentionne ces choses-là, c’est que cela vaut la peine dans la poursuite de cette revendication d’être solide sur cet argument.

– Moi, je suis à l’aide sociale et je considère que le prix de la passe d’autobus est inaccessible. Je me demande pourquoi on construit de meilleurs abris-bus et qu’on ne cesse d’augmenter les tarifs sans se préoccuper des gens à faible revenu. La fréquentation du service de transport en commun a diminué en 2014 à Québec.

 


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ParticipantEs à l’enquête 2014-2015

Carte illustrant le lieu de résidence des différents répondantEs à notre enquête

PARTICIPANTS À L’ENQUÊTE 2014-2015 :
Nombre de participants à un questionnaire écrit: 110
Nombre de participants aux ateliers qui n’ont pas rempli de questionnaires écrits: 56
Nombre de participants aux trois activités du porteur de parole: 100

Nombre de participants total à l’enquête: 266

Principaux quartiers des participants-es au questionnaire écrit :
•ST-SAUVEUR : 19/110 *
•LIMOILOU : 15/110
•MONTCALM: 13/110
•CHARLESBOURG : 12/110
•ST-ROCH : 11/11O*
•ST-JEAN-BAPTISTE-HAUTE-VILLE : 10/110
•SAINTE-FOY-SILLERY-ST-SACREMENT : 10/110
•LES RIVIÈRES ( VANIER-LES SAULES…) : 6/110
•BEAUPORT : 4/110

Plusieurs de participants de ces deux secteurs n’ont pas rempli de questionnaire écrit. Saint-Roch est en réalité la deuxième quartier où il y a eu le plus de participation.

 


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Quelques résultats de l’enquête :

 

 73% des personnes rejointes avaient un seul revenu

 

Moins on a d’argent, plus on a besoin de l’autobus.

 – Moi, ce que je ne comprends pas, c’est que vos catégories de revenus ne sont pas égales. Qu’est-ce qui vous a amené à faire le choix de ces catégories-là ? Y a-t-il autant de personnes dans chacune des catégories ?

Nous avons été selon les paliers d’imposition.

– Ce sont les seuils de pauvreté qui vous ont influencé dans les catégories de revenus ?
Nous avons divisé cela comme cela parce que moins de 12 000$ par année, tu ne paies pas d’impôt.

– Ce que je veux dire, c’est que si tu as dans une catégorie,20 personnes et dans l’autre 40 personnes, cela va provoquer des distorsions dans l’analyse de tes résultats parce que tu ne peux pas changer toutes les variables en même temps. Soit on prend les 110 personnes et les subdivise en cinq catégories sur la base de leurs revenus, et il y a aussi la taille du ménage qui vient jouer. Par exemple un revenu de 40 000$ pour une famille c’est aussi peu que 18 000 pour une seule personne. Il y a donc cela qui vient jouer dans tes résultats, ce qui rend complexe la question du revenu. Mais mettons à tout prendre que tu te dis je vais prendre les niveaux de revenus, tu prends les 110 personnes et tu les subdivisent par quintile, en cinq groupes de 22 personnes, à ce moment-là il y a une justification à voir l’évolution de la réponse. Les catégories de revenus peuvent aussi être un miroir de la distribution des revenus. Autrement dit, il y avait autant de gens qui gagnaient 41 000$ et plus que ceux ou celles qui en gagnaient moins de 12 000$. Les catégories de revenu suggérées dans le questionnaire pouvaient quant à eux suggérer des seuils d’imposition. C’est plus facile pour toi d’expliquer tes catégories si tu t’es donné une raison avant de remplir les questionnaires et d’ailleurs, les seuils d’imposition n’ont pas de rationnel. Je dis cela pour contribuer à une meilleure compréhension des données.

Ces précisions sont importantes pour l’analyse des données et j’apprécie vos commentaires.

– Je trouve intéressante que tu pousses l’analyse des données jusque là et que tu aies la transparence de les présenter devant le groupe. Mais je trouve cela difficile de saisir ce qui est rapporté comme information, parce que cela exige de nous un effort mental soutenu. Si on prend le temps de regarder les données qui sont présentées, cela m’apparaît tout à fait logique. C’est juste que nous devons nous poser plusieurs questions en même temps pour comprendre ce qui est représenté. Je trouverais cela plus vendeur si chaque tableau était mieux identifié en rapport avec une question qui nous est posée.

– Peut-être que cela se comprendrait plus facilement avec des courbes plutôt que des histogrammes. Les comparatifs visuels apparaitraient plus facilement. Par rapport à ce que Vivian disait, moi je ne pense pas que cela cause un vrai problème, le fait qu’il n’y ait pas de catégorie égale. Cela reste une échelle ordinale qui reflète un ordre des choses. Ce n’est pas un échelle de mesure stricte. Selon moi, cela ne disqualifie pas le tableau.
Peut-être que cela serait plus claire avec des tartes comme les tableaux précédents. Ce que l’on comprend c’est qu’à gauche nous avons des pourcentage. Cela représente des espèce de tartes où la proportion n’est pas la même selon le niveau de revenus. (Chaque catégorie représente une tarte.) Si nous partons du revenus le plus bas, peut-être que nous verrions la progression des tartes et que cela pourrait nous dire quelque chose plus facilement ? Il s’agirait peut-être d’une solution.

– Moi je trouve qu’ici nous ne sommes pas dans la question essentielle. La question essentielle c’était sur la tarification sociale, qu’est-ce que cela représente pour les gens à faible revenu ? La façon de traiter cela méthodologiquement, c’est d’utiliser des seuils de faibles revenus. Or, l’enquête a été conçue pour les 110 personnes qui ont répondu au questionnaire, c’est pour cela que nous sommes en mesure de dire lesquelles sur les 110 peuvent être définies comme pauvres ou à faible revenu, parce qu’en plus le revenu familial était donné, bien que la majorité étaient des personnes seules. Parce que dans une enquête comme celle-là, il faut pouvoir dire que nous nous sommes vraiment adressés à des gens à faible revenu. Cette donnée-là est contrôlée, c’est l’essentiel de notre enquête. Même s’il s’agit d’un raffinement, il faut pouvoir l’expliquer parce que les gens qui refusent de voir le problème ne vont pas s’attaquer au rationnel de ton argumentaire, ils vont s’attaquer à la méthodologie. Ça c’est l’approche des hypocrites qui sont en position de pouvoir.

– L’important c’est de trouver qu’est-ce que cela vient dire ?

Emilie : Concrètement quand j’ai rencontré les gens, 95% des personnes qui gagnaient 12 000$ et moins trouvaient que le transport en commun était trop cher ou vraiment trop cher pour eux. Le tableau suivant explique le mode de paiement utilisé pour accéder au transport en commun. On y remarque que les billets d’autobus un peu plus utilisés par les répondants à notre questionnaire, que le laissez-passer mensuel.

– Considérant la proportion des personnes à faible revenu qui ont répondu au questionnaire, on peut comprendre qu’elles ont moins accès au laissez-passer mensuel en raison de son coût élevé. Par ailleurs, acheter les billets à l’unité revient plus cher et n’offre pas la même latitude dans les déplacements.

– Est-il possible d’établir une corrélation graphique entre le niveau de revenu et l’achat de billets à l’unité ? La tarification actuelle va à l’encontre des personnes à faible revenu puisqu’elles ne possèdent pas assez d’argent pour s’acheter un laissez-passer et qu’elles paient donc plus cher chaque passage que les gens qui disposent d’un revenu supérieur.

– Considérant la baisse d’achalandage au RTC et les hausses successives du prix des billets et des laissez-passer, il y a de plus en plus de gens qui n’ont plus les moyens de s’offrir le transport en commun. Au départ, nous avions l’idée qu’une tarification sociale serait à coût nulle pour le RTC puisque ceux et celles qui y auraient accès ne sont pas présents actuellement dans les autobus. Les gestionnaires du RTC sont portés à croire qu’ils vont perdre de l’argent avec la tarification sociale, alors que nous croyons en fait que plus de gens vont embarquer.

– Il ne faut pas oublier que les tarifs réduits ne s’appliquent pas seulement au laissez-passer, mais aussi à l’achat des billets sur présentation de la carte étudiante ou aînée. Alors les personnes qui ne se déplacent pas assez pour acheter un laissez-passer mensuel pourraient avoir une carte identifiant qu’elles sont à faible revenu.

80% des utilisateurs de billets sont des personnes à faible revenu

 La plupart des gens qui ont accès au laissez-passer pour aînés perçoivent le prix comme étant correct. Alors que ceux et celles qui achètent des billets sont davantage nombreux à trouver que cela est trop cher.

 Plusieurs personnes rejointes par notre enquête ne possèdent pas de permis de conduire.

Soulignons qu’un cours est désormais obligatoire pour obtenir un permis de conduire et qu’il en coûte environ 1 000$. C’est l’une des principales difficultés rencontrées par les immigrants ou les réfugiés qui viennent s’établir à Québec. Cela explique en parti le faible taux de rétention des immigrants dans la région après cinq ans. Compte-tenu du réseau de transport, de la configuration de la ville sur le modèle de l’autoroute et de son climat rigoureux, il est très difficile de travailler et d’élever une famille à Québec sans posséder une automobile.

Personnes ayant un permis de conduire

 

Accessibilité à des activités en autobus

 

 

 Le dernier tableau indique en vert que de nombreuses activités sont peu accessibles en autobus. En ce qui concerne l’accès aux loisirs, les gens en ont beaucoup parlé dans les données qualitatives.

– Lorsque vous parlez d’accessibilité, cela fait référence à quoi ? Je cherche à comprendre le sens de accessible.
Emilie : Nous avons essayé de clarifier cette question davantage dans les données qualitatives où nous avons vraiment classé si les gens parlaient d’accessibilité au trajet, de sécurité, d’infrastructure, de destination. J’ai divisé les propos des personnes dans des onglets et cela nous a amené à préciser ce que les gens entendaient par accessibilité.

– Oui, mais dans le questionnaire, quelle était la question ?

– Moi, je me souviens lorsque nous avons interviewé les gens, il y a une dame qui disait que c’était difficile pour elle de prendre l’autobus avec ses enfants, notamment à cause de la poussette. Même s’il y a un endroit spécifique pour les poussettes, souvent les gens ne se lèvent pas pour donner la place au parent voire au fauteuil roulant.

Emilie : Pour répondre à la question précédente, nous avions plusieurs sous-questions sur les motifs de déplacement afin d’identifier vraiment où les gens étaient le plus dépendant à l’autobus. Par exemple, nous demandions, ces endroits sont accessibles à pieds, facilement, difficilement ou pas du tout. Puis nous reprenions la question avec un autre mode de transport dont l’autobus, le vélo ou la voiture. Il y a vraiment beaucoup de croisements de données possibles à faire, mais qui n’apparaissent pas tous ici sur ces tableaux.

– Nous n’avons pas précisé la définition d’accessible donc les gens ont pu mettre que cela n’était pas accessible en raison des difficulté, en raison de l’absence de trajet, etc. Cela démontre leur perception individuelle de l’accessibilité aux différents lieu selon le moyen de transport utilisé.

Nous avons quand même essayé de le préciser dans le volet qualitatif de l’enquête.

– Quelque chose qui pourrait être intéressant, selon moi, à croiser au fil des données, ce serait de voir les lieux nécessaires où se rendre en fonction des déterminants sociaux et faire un croisement avec les échelles de revenus. Cela pourrait indiquer une corrélation entre le niveau de revenu et la difficulté d’avoir accès à certains endroits comme les grandes surfaces et plus c’est difficile de te rendre à l’épicerie lorsque tu es à faible revenu, plus cela te coûte cher pour te nourrir.

Emilie : Il existe une donnée intéressante par rapport à cela et que nous pourrions croiser encore mieux, ce sont les lieux les moins accessibles en autobus comme la garderie ou l’épicerie. C’est difficile de porter des sacs dans l’autobus. Si nous prenons l’exemple des grandes surfaces qui ne sont tout simplement pas accessibles en autobus, les gens s’organisent en faisant du covoiturage en se payant un taxi à plusieurs. Il y a aussi le facteur temps qui fait que les circuits ne passent pas à une fréquence assez régulière.


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Part modale par activité

En bref, les gens se rendent moins en autobus à l’épicerie et à la garderie.

 – Je trouve que c’est un tableau fort intéressant. Est-ce que pour la garderie, on peut comprendre que les gens y vont plus en marchant parce que c’est près de chez-eux ? Cela s’explique peut-être par le choix d’avoir une garderie près de chez-soi ? Le vert en haut représente la marche ? Cela veut dire que les privilégient d’amener leurs enfants à la garderie à pied.

Emilie : Oui, mais dans le réel, dans les personnes qui ont répondu à notre questionnaire, cela représentait très peu de gens. Proportionnellement ce n’est pas une catégorie qui est super importante.

– Pour poursuivre dans la même veine, de voir les différents motifs de déplacement, on touche à des choses très intéressantes selon moi. Plus on habite au centre et plus on a accès aux services et le contraire lorsqu’on s’en éloigne. Cela reflète une fracture territoriale et sociale.
Lorsqu’on habite au centre-ville, on n’a pas besoin d’une voiture pour se déplacer tout en ayant accès à presque tous les services, aux loisirs et au travail.

Emilie : 82% des répondants n’avaient pas d’enfants. (Des enfants mineurs, cela s’entend). Il y a avait quelques familles monoparentales.

– Il faut mettre un élément de contexte, cette recherche a été réalisée avec un budget limité, et pour la terminer, nous devons trouver d’autres sources de financement. Il faut trouver le moyen de tirer le meilleur parti de ce que nous avons pour interpeler les pouvoirs publics et mobiliser la population. Il y a sans doute des données que nous devront mettre de côté parce que nous n’avons ni le temps, ni les ressources, ni l’expertise nécessaire pour traiter toutes les données recueillies. Il faut nous centrer sur l’accessibilité sociale en rapport avec le revenu et la part qu’occupe le transport dans les différents niveaux de revenus. Ici, nous avons un comité de gens motivés qui portent cette cause depuis trois ans déjà et c’est le meilleur gage de réussite que nous ayons.


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Aspect qualitatif de l’enquête

Propos recueillis auprès des participantEs à l’enquête sur l’accessibilité sociale au transport en commun.
En tout nous avons rencontré une douzaine de groupes, mais dans deux cas, ils n’ont pas rempli le questionnaire. Nous avons procédé dans certains groupes sous la forme de café-rencontre ou de 5 à 7.

Le coût du transport en commun
« Il n’y a pas assez de pistes cyclables et moi je n’ai pas les moyens de prendre l’autobus. »
« Les billets d’autobus devraient être moins chers. Cela libèrerait les budgets des organismes communautaires qui remboursent les déplacements de plusieurs de leurs membres pour que ceux-ci aient les moyens de participer à leurs comités.»
« Souvent, je ne peux pas me déplacer très loin dans la ville parce que cela coûte trop cher. Je n’en ai pas les moyens. »
« Avant je prenais beaucoup l’autobus, mais là c’est rendu trop cher. »
« Moi, je me déplace à pied, je n’ai pas de voiture ni de carte d’autobus. »
« Trois fois par mois, je dois prendre l’autobus et cela coûte 3.50$ à l’aller ou 6.50$ allée-retour. C’est vraiment trop.»
« En banlieue c’est souvent moins bien desservi. Les gens y habitent parce que les loyers sont moins chers. Quand t’as pas d’argent, cela peut quasiment devenir une prison. »
« C’est trop cher. Moi, je m’achète la passe étudiante et mon conjoint la passe générale, en tout cela nous coûte plus de 100$ par mois. »

Emilie : Nous avons recueilli 329 propos en tout. Un grosse moitié consistait en des commentaires généraux sur le transport en commun. Dans les propos spécifiques, la moitié, donc environ 25% du total des commentaires recueillis, parlaient des coûts du transport en commun. Donc, il s’agit bien là d’une question qui préoccupe les gens à faible revenu. 10% des propos ont été écrits sur les questionnaires, mais la majorité ont été notés au fil des discussions.

Les loisirs
« Rendu à la fin du mois, je n’ai plus d’argent pour aller au musée avec les enfants. »
« Les personnes à faible revenu n’ont pas accès aux loisirs. C’est comme si on s’organise pour que les lieux de loisir ne sont pas accessibles aux pauvres. T’es pas supposé y avoir accès.»
« J’aimerais suivre des cours, des activités culturelles qui nécessitent que je prenne le transport. Pour l’instant, je me prive car je dois garder les billets que j’ai pour répondre à d’autres besoins. »
« Il y a beaucoup de places pour le loisir comme la plage ou la base de plein air de Ste-Foy, qui ne sont pas accessibles en autobus. »
« Moi, j’ai du me priver plusieurs fois, j’ai du couper mes loisirs, j’ai juste les moyens de me payer les billets d’autobus. »
« Quand ils (le RTC) font des promotions, c’est souvent des affaires de riches comme les festivités du 400e de la Ville de Québec ou le Festival d’été de Québec. »
Emilie : Ce qui est ressorti, c’est que la première chose que les gens vont couper, c’est dans les loisirs et l’achat de billets d’autobus pour y accéder. C’est vraiment ressorti. Il y a aussi la faible fréquence des parcours qui se rendent à certains endroits qui finit par décourager les gens d’accéder à certains lieux.
Cela confirme que l’aménagement urbain est au service de l’automobile. Les pôles de loisirs sont souvent associés aux espaces commerciaux.

Emilie : Selon Marc Boutin, la ville n’est plus organique, elle est désormais divisée selon ses fonctions entre lesquelles nous sommes obligés de nous déplacer. De sorte que plusieurs personnes habitant le centre-ville doivent se déplacer à l’autre bout de la ville pour aller voir leur médecin.

– Au niveau de l’interprétation des données, je pense que l’on ne doit pas mettre le loisir au premier chef parce qu’il y a des besoins plus fondamentaux. Ce qu’il faut mettre en valeur sous cette rubrique, c’est qu’à Québec, il y a des activités de loisir qui sont gratuites, mais les gens ne peuvent pas y participer en raison des coûts du transport en commun ou bien parce que certains secteurs sont trop mal desservis. C’est ce qu’il faut mettre en évidence. Quelqu’un qui habite à Orsainville et qui veut aller se promener sur la rue Saint-Jean pour profiter des activités gratuites du Carnaval, et qui a une famille, cela représente des frais importants de transport.

Le travail
« J’ai du refuser cinq jobs parce que je n’ai pas de voiture et que ce n’est pas accessible en autobus. »
« Je connais une personne qui travaille de nuit et elle est obligée de prendre le taxi pour aller au travail. Cela arrive quand tu as une job comme boulanger ou préposé aux bénéficiaires. »
« Le manque d’accès au transport en commun est vraiment un obstacle pour avoir accès au marché de l’emploi. »
« Les autobus arrivent trop tôt le matin et cessent leur service en soirée. Il faudrait qu’il y ait davantage de service pendant la nuit. »
« Sans autobus, il n’y a pas d’accès aux emplois et il est difficile de se rendre à des entrevues. »
« Il est difficile d’avoir des autobus après 23 heures. »

– Le service de nuit n’est que le vendredi et le samedi à minuit et 2 heure du matin. C’est tout.

– Je me rend compte que cela devient très signifiant lorsqu’on se met à entendre ce que les gens disent comparativement à des compilations de chiffres. Si j’avais un conseil à donner, ce serait d’insister là-dessus. Il me vient quelque chose par rapport au travail, c’est que le milieu n’est pas adapté aux besoins des gens mais que ce sont ces derniers qui doivent s’y adapter. Mais si tu n’es pas capable d’y aller à ton travail, tu fais quoi ? J’ai l’impression que l’argument n’est pas uniquement dans le résultat de l’enquête, il est dans le fait qu’il n’y a pas de logique autre que marchande à donner des crédits à des entreprises pour leurs employés, on ne retrouve pas une logique au service des personnes. C’est ce qu’il faut battre avec l’argument que si les gens n’ont pas les revenus suffisants pour prendre l’autobus, ce sont eux qui ont le plus besoin du transport en commun. Mon sentiment, c’est qu’il faut renverser l’argumentaire du RTC pour le remettre devant ses responsabilités d’offrir un service public pour l’ensemble des citoyenNes. C’est comme si j’utilisais les données de l’enquête comme des illustrations, mais que j’allais dans la logique du raisonnement pour faire la lutte. Je ne crois que ce soit l’enquête qui soit l’argument principal pour obtenir ce gain, elle vient juste illustrer quelque chose qui doit se raisonner autrement. Travailler comme cela, ce serait gagnant. Nous avons ici une parfaite illustration d’un monde qui fonctionne à l’envers.

– Selon moi, il s’agit de reprendre les résultats de l’enquête qui sont pertinents dans le sens de dénoncer la contre-productivité du système actuel. Québec perd de sa productivité en raison des ruptures de déplacements. L’offre de transport actuel est contre-productif et réduit les possibilités de création de richesses.

La santé
« Je devais me rendre à une clinique médicale. Cela m’a pris une heure et demie. Dire qu’avec le même temps je pourrais me rendre à Trois-Rivières. »
« Cela fait trois jours que je cherche comment me rendre à un rendez-vous médical. Je dois prendre au moins deux autobus et marcher au minimum dix minutes pour m’y rendre. »
« Des fois les ressources ne sont pas accessibles. Exemple le CLSC ou les cliniques médicales. »

– Moi, cela me prends une heure et demie pour me rendre à Robert-Gifard à partir du quartier Saint-Sacrement. Alors, j’observe qu’il y a une perte de services et que nous n’avons pas toujours le choix de nous déplacer de plus en plus loin.

Emilie : À Beauport, ils ont construit une clinique médicale familiale à Beauport Nord qui n’est pas du tout accessible en autobus. La tendance est de fermer les cliniques médicales dans les quartiers centraux pour aller s’établir au bord des autoroutes.

Parfois le médecin nous demande d’aller prendre des prises de sang, de faire des radiographies, etc. Cela représente toujours des déplacements à des endroits éloignés les uns des autres.

L’épicerie
« C’est difficile de se rendre aux épiceries comme le Super C ou le Maxi en utilisant l’autobus. Il faut se dépêcher à faire l’épicerie pour ne pas rater l’autobus qui passe aux heures dans l’autre sens. L’autobus repasse 15 minutes après, ce qui est trop rapide pour avoir le temps de faire l’épicerie et tu dois attendre au moins une heure pour qu’un autre autobus passe. Bref, tu n’as pas assez de temps ou tu attends longtemps.»
« Ici, dans le quartier Montcalm, les gens se font à l’idée de devoir payer l’épicerie plus cher parce qu’ils n’ont pas les moyens de prendre les transports en commun. »
« La majorité des résidents du quartier Montcalm sont des gens aisés. Alors la majorité des commerces cherchent à satisfaire leurs goûts plutôt que les besoins des gens moins fortunés. »

Pour la famille
« Cela coûte cher d’amener plusieurs enfants à des endroits. »

Accessibilité universelle
« Les chauffeurs n’attendent pas assez longtemps pour que les personnes âgées ou ayant un handicap puissent s’assoir. Pour les personnes en chaise roulante ce n’est pas assez accessible. D’abord, on ne peut entrer qu’une chaise roulante à la fois et encore, sur les quelques trajets où les personnes avec un handicap ont accès. »

– Il faut dire que nous sommes chanceux d’avoir à Québec le Transport adapté qui va de porte à porte comme un taxis pour le prix d’un billet d’autobus. L’autre affaire que j’aimerais dire, c’est qu’il est important de souligner les bons coups du système pour ne pas se mettre dans une approche de critique absolue parce qu’il faut protéger ces acquis. À mon sens, le Transport adapté est un gain extraordinaire qui fait que notre société est assez évoluée pour reconnaître que pour des raisons de santé, des gens puissent avoir besoin d’un tel service à bas prix. Je le prendrais comme un argument, en disant si nous sommes capables de la faire pour ces gens, pourquoi pour ceux et celles qui sont en situation de pauvreté ?

Accessibilité du trajet
« J’ai une voiture, mais j’utilise parfois le transport en commun. À ce moment-là, je m’achète une carte occasionnelle. Si je n’avais pas une voiture dans mon coin à Cap-Rouge, ce serait vraiment de la « schnoute ». »
« À l’instalation du métrobus 803 dans les secteurs Duberger-Vanier-Les Saules, ça a changé pas à peu près. Des parcours ont été coupés. »

« C’est difficile de ne plus avoir la 7 à Place-Jacques-Cartier. Dans la partie sud du quartier Saint-Sauveur, séparé par le boulevard Charest, il n’y a pas d’autobus. Il y un manque de service dans ce secteur qui est enclavé.»
« Le service de transport en commun dans plusieurs banlieues, c’est de la cochonnerie. »


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Propositions d’actions à mettre en oeuvre

Actions à faire chez moi, dans mon organismes ou mon quartier
– Faire une consultation autour de la question du transport et de la pauvreté.
– Parler autour de moi de l’injustice des tarifs d’autobus trop élevés pour les personnes en situation de pauvreté.
– Prendre contact avec le Comité du CAPMO pour l’accessibilité sociale du transport en commun pour m’y impliquer.
– Demander un financement pour que les organismes communautaires puissent intervenir sur ce dossier.
– Assister aux réunions du Conseil de quartier ou d’arrondissement et y faire une intervention à ce sujet.
– Vendre ma voiture et devenir membre de Commun ‘auto.
– Créer des alliances stratégiques et développer celles qui existent déjà.
– S’allier pour dénoncer les orientations marchandes des sociétés de transport en commun.
– Demander au RTC que les deux représentants des usagers soient élus ou tirés au sort plutôt que nommés.
– Demander d’augmenter les pouvoirs de la protectrice à la clientèle, pouvoir d’enquête notamment.
– Demander de soumettre à une étude d’impacts sur les plus démunis les hausses successives des tarifs de transport en commun.
– Suggérer d’offrir aux plus pauvres une passe d’autobus pour Noël.
– Faire signer une pétition en faveur de notre revendication.
– Offrir des fleurs aux chauffeurs d’autobus à chaque hausse des tarifs.
– Poursuivre l’enquête plus loin comme moyen de sensibilisation du grand public.

Idée d’une grande action à faire tous ensemble deux fois par année :
– Organiser une manifestation sur la question de l’accessibilité sociale au transport en commun.
– Parler des initiatives allant dans le sens de nos revendications : Calgary, Sherbrooke, Aubagne.
– Intervenir auprès du Ministère de l’emploi et de la solidarité sociale pour demander d’ajuster les barèmes à l’aide sociale en tenant compte de ce besoin essentiel.
– Organiser un théâtre de rue dans l’autobus.
– Participer massivement aux rencontres du RTC.
– Réaliser une activité Porteur de paroles lors de chaque Parking day.
– Exiger une journée gratuite d’autobus par année.

Notre revendication :
Une tarification sociale pour les personnes seules qui gagnent sous la MFR (mesure du faible revenu) 60% du revenu médian, soit moins de 22 199$ après impôt.

– Cela redonne un sens à la lutte en mettant en lumière une souffrance demeurée trop longtemps muette.

Animation : Emilie Frémont-Cloutier
Tableaux statistiques : Laurence Letarte
Propos recueillis par Yves Carrier

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