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Compte-rendu du CAPMO, mars 2015, numéro 258
Marche mondiale des femmes 2015
Libérons nos corps, notre Terre et nos territoires
Le patriarcat est ce contre quoi se bat le mouvement féministe depuis sa création. Pour l’avenir de l’humanité, il est urgent de libérer nos consciences de l’empreinte de ce système, renforcé par le capitaliste qui a fait du corps de la femme une marchandise et un argument de vente. Du tchador au bikini, il n’y a là que deux types d’expressions de la vision des hommes sur les femmes, mais certes pas un rapport d’égalité. En Occident, la publicité utilise la beauté pour séduire et convaincre, susciter le désir et nous faire adhérer à un ensemble de valeurs qui consiste à nous dissocier des autres en possédant des objets dignes du plus pur fétichisme. La consommation étant notre principale raison d’être, la possession de biens de luxe nous permet de célébrer notre appartenance à la petite bourgeoisie, méprisant ceux et celles qui sont dans le besoin. La domination de classe, promut par l’utilisation du corps de la femme, apparait révélateur de l’âme d’un système fondé sur la séduction et le mensonge. Par ailleurs, ces biens de luxe sont de plus en plus polluants et endommagent de manière irréversible les ressources naturelles et la Terre-Mère au détriment des populations vivant en harmonie avec la nature et qui se voient dépossédées de leurs territoires. Ce pillage se produit toujours de manière violente, avec la plume d’un avocat ou sous la botte des militaires, c’est la même chose. La guerre et l’appropriation sont les fins véritables poursuivies par le système capitaliste dans sa quête insatiable de profits qui échappe désormais à toute rationalité. Parce qu’une raison sans cœurs sera toujours déraisonnable et que l’économie devrait correspondre à une recherche d’équilibre et d’harmonie plutôt qu’à l’accaparement et à la domination, à l’exclusion et au massacre des innocents. Tout le mal qu’on fait subir aux femmes de ce monde au nom du dieu argent, ne saurait s’excuser par une quelconque idéologie. Dans l’espoir qu’un jour nous puissions habiter un monde différent, entendons nos sœurs du Sud qui sont venues nous livrer un important message pour nous libérer de l’aliénation dont nous sommes coupables.
Yves Carrier
TABLE DES MATIÈRES |
Féminisme ??? |
1 – Libérer nos corps |
2 – Libérer notre Terre |
3 – Libérer nos territoires |
4 – Élément commun: |
Après la pause… |
– Moi, je suis heureux d’avoir participé à la fondation d’un parti politique qui s’appelle Québec Solidaire. J’ai suivi les différentes Marches mondiales des femmes et ce soir, c’est la première fois que je vais entendre parler du thème de cette année.
– En tant qu’homme, je suis très intéressé à la problématique féministe.
– Moi, cela fait trois ans que j’ai fait mon initiation au féminisme. Je m’implique présentement avec le Fonds féministe prolétarien. C’est la troisième année que je participe au 8 mars.
– En 2010, j’ai participé à la Marche mondiale des femmes à Rimouski et cela m’a vraiment marquée. Depuis ce temps là, j’ai un intérêt pour le féminisme et à chaque année je découvre des nouveaux concepts et de nouvelles réalités de femmes, des femmes immigrantes, puis des femmes autochtones, qui sont venues me chercher. Comme nous vivons dans une société à domination patriarcale, il y a toujours beaucoup à apprendre pour changer nos mentalités.
– Moi, je connais très peu de choses par rapport au féminisme.
– Cela fait plus de dix ans que je milite dans différentes associations, dans des centres de femmes, et je trouve toujours cela intéressant d’en savoir plus.
– Moi, je sais que j’ai une part de femme en moi.
– J’étais bénévole dans une maison pour femmes victimes de violence et on m’a refusée un travail en me disant que je n’étais pas assez féministe. – – J’ai davantage connu le féminisme avec Rose du Nord à partir de 2004 où l’on travaillait à approfondir les questions. Maintenant, je suis moins impliquée là-dedans.
– Moi, j’en connais de plus en plus sur le féminisme. Depuis que je suis à l’ADDS et que je suis militante, j’ai appris des choses sur le féminisme, des choses que je ne savais pas. Jai hâte à la marche du 17 octobre qui aura lieu à Trois-Rivières parce que si c’est aussi beau que celle que nous avons vécue à Québec avec la courtepointe qui est montée en Haute-ville. J’espère que la prochaine marche sera aussi émouvante et aussi marquante dans nos mémoires.
– La question du féminisme m’a toujours intéressé, j’ai lu beaucoup sur le sujet, Simone de de Beauvoir et Christine Delphi. Dans le travail que je fais sur la société civile, il est évident que la femme se situe au cœur de celle-ci.
– Je me définis depuis peu comme féministe et je vais dans des groupes de femmes. Je suis pour l’égalité des femmes avec les hommes.
– Je connais un peu le féminisme et le mouvement de la Marche mondiale des femmes.
Je suis Ginette Lewis, je suis à la retraite et je milite dans le mouvement des femmes depuis les années 1970. Après cela, je suis allée dans le mouvement syndical, j’ai été syndicaliste jusqu’à ma retraite et je suis avec Monique à la Fondation de la Marche mondiale des femmes depuis ses débuts.
La Marche mondiale des femmes est, au départ, une initiative québécois. C’est suite à la marche de 1995 « Du pain et des roses! » où les femmes ont formé trois contingents, deux à Montréal et un à Rimouski, et qu’elles ont marché vers Québec, où plus de 20 000 femmes les ont accueillies. Ça a enthousiasmé les femmes québécoises qui ont faite des représentations mondiales et elles ont créé la Marche mondiale des femmes et la première marche internationale a eu lieu en l’an 2000. À partir de cette année-là, les femmes se sont entendues à travers le monde, elles se sont organisées dans une grande coordination de la Marche mondiale, etc. Et depuis ce temps, à chaque 5 ans, se tient un événement sur les cinq continents.
En 2005, il y a une charte mondiale des femmes qui a été votée, en 2010, nous avons fait une grande marche à Rimouski, et cette année, le thème de la Marche mondiale des femmes, c’est : « Libérons nos corps, notre terre et nos territoires. » Ce qu’il y a de spécial cette année, c’est qu’on travaille avec toutes nos sœurs à travers le monde. Cette année, le thème a beaucoup surpris. C’est un thème développé par les femmes guatémaltèques qui sont aux prises avec les mines canadiennes qui exproprient le sol, le contaminent, ce qui entraîne de la résistance de la part des populations locales et des représailles telles que la militarisation, la criminalisation des résistances, et des viols chez les femmes. Alors, pour les femmes guatémaltèques : « Libérez nos corps, notre terre et nos territoires », c’était très évident ce que cela voulait dire, mais ici c’était loin d’être clair. Ce qui fait que le mouvement des femmes a décidé de discuter pour s’approprier ce que voulaient dire nos sœurs guatémaltèques.
Chacun, chacune, ayant des éléments de réponses, nous allons mettre d’abord cela ensemble pour apprendre les uns des autres. Ensuite, je vais essayer de faire des liens avec tout ce qu’on a dit. Le dernier point étant les perspectives, les actions et le calendrier de la Marche mondiale des femmes.
Nous allons débuter par le premier point qui est la question de libérez nos corps. (On parle du corps de la femme, il va s’en dire). Est-ce que vous pensez que les femmes ont besoin de se libérer de leur corps ?
– Par rapport à la violence.
– La mode est terrible pour le corps de la femme.
– Toute la question de la beauté et de la publicité associée au corps de la femme et de se conformer aux standards qu’on leur impose.
– Être considérée comme un objet de désir, objet sexuel, pour vendre des produits sur le marché capitaliste.
– S’affranchir des rituels qui existent dans certains pays comme par exemple les mutilations sexuelles.
– La médicalisation du corps de la femme et les problèmes de santé mentale qu’on attribue souvent aux femmes.
Par exemple, si on prenait le temps d’analyser la personne dans son contexte global, on arriverait bien souvent à savoir les causes de l’angoisse que vit une personne, mais c’est plus facile de la médicaliser sans se questionner sur le contexte.
– Toute la question des maisons des naissances qui ne peuvent pas se développer parce que le corps médical s’y refuse. Les médecins et les corps professionnels s’approprient le corps de la femme parce que sa nature est foncièrement subversive de la rationalité masculine. L’accouchement naturel est révélateur du mensonge où nous vivons comme civilisation.
– Les vêtements, pour les unes dévêtues et pour les autres anonymes sous leurs tchadors.
– Le respect, pour le gouvernement nous ne sommes que des numéros, nous ne sommes plus des êtres humains.
On parle de libérer nos corps comme femmes, nous avons parlé de la violence, de la beauté, de la femme objet, des mutilations sexuelles, de la médicalisation… Y a-t-il d’autres thèmes ?
– La traite des femmes.
– Les mariages forcés en bas âge.
– Les femmes autochtones et la violence dont elles sont victimes.
– Le discours de gestion du corps des femmes. Les femmes en tant que sujet de discours moralisant. La question du travail aussi. Travail domestique, etc.
– L’exploitation du travail de la femme qui est moins bien rémunéré que celui de l’homme.
– La question de l’austérité et des coupures qui amènent la pauvreté principalement chez les femmes.
– La personne est aux prises avec la pauvreté donc son corps souffre de privations.
– L’IRIS vient de démontrer dans une étude que les coupures touchent davantage les femmes que les hommes. Une des raisons c’est que les femmes sont les proches-aidantes davantage que les hommes. Encore maintenant, les femmes âgées sont plus pauvres.
On constate que c’est un système qui est organisé. Comment appelle-t-on ce système là ?
– Le patriarcat
Le patriarcat, cela veut dire que toutes ces questions qui touchent les femmes proviennent d’une manière d’organiser la société, d’une organisation sociale, donc d’un système qui fait que les femmes sont dominées. Le patriarcat c’est cette forme de domination bien particulière. Si on regarde l’organisation sociale et les études qui ont été faites, il est démontré que les femmes subissent plus de violence et plus de pauvreté que les hommes. Une chose évidente qui démontre cela c’est l’écart de revenus entre les femmes et les hommes. Il y a une discrimination qui est faite sur le sexe et c’est ça le patriarcat.
Pour comprendre la société actuelle dans laquelle nous vivons, il faut comprendre la domination que les femmes vivent et ce que vivent les hommes par rapport à cela.
– Pour moi, l’enjeu c’est la domination puisque nous sommes élevés dans des rapports de domination et de compétition et pas seulement la domination sexiste. Il y a le racisme, le capitalisme, les classes sociales, il existe plein de divisions qui sont créées entre nous et de hiérarchies qui se superposent. Bien sûr que le patriarcat en est une grosse. Nous sommes construits comme cela. Notre culture nous amène vers cela et pour s’en libérer, il faut d’abord en prendre conscience.
– Moi, je pense que les hommes dans notre société vivent beaucoup de souffrances car eux aussi sont prisonniers de certains modèles de rapports entre les hommes et les femmes.
Nous allons passer à l’autre thématique qui est : « Libérer notre Terre ». C’est toute la question des ressources naturelles, de la pollution de la planète, etc.
– Si nous avions la conception des autochtones de la Terre-Mère, il n’y aurait plus de problème parce qu’ils se sentent en harmonie et partie prenante de la nature. C’est aussi une vision spirituelle de la nature qui est en nous et à laquelle nous sommes liés.
Est-ce que vous connaissez des éléments où l’on abime la Terre ?
– Ceux qui ne sont pas végétariens abiment beaucoup la Terre.
– Les compagnies minières, les compagnies pétrolières, l’agriculture industrielle, les promoteurs immobiliers, les compagnies forestières, la surconsommation, le capitalisme, les déchets, la pollution atmosphérique, le nucléaire, la disparition des espèces…
L’important dans cet exercice, c’est que tout le monde s’exprime pour que nous partagions nos connaissances. C’est toute la question de la destruction de la dimension écologique.
Les territoires ce sont les quartiers, les usines, les forêts, etc. Pourquoi est-ce que vous pensez que nous avons besoin de libérer nos territoires ?
*Pour une juste répartition des ressources ?
*Il faudrait mettre en premier lieu la question de la propriété privée.
*Les fameux traités de libre-échange qui contraignent à la privatisation et à la fin de la collectivisation des terres.
*Le capitalisme a commencé à triompher lorsqu’il s’est emparé des terres communales en Angleterre.
*Ce qui me vient en tête, c’est qu’il faut libérer la ville aussi parce qu’elle est menacée de ne plus être un tout organique et harmonieux où il fait bon vivre. Vivre en
ville de façon humaine, cela comprend toute la question des espaces verts, du transport en commun, du logement social, etc.
*L’intellectualisme qui opprime le corps. Les enfants ne peuvent plus jouer, ils doivent retenir leur corps et s’empêcher de bouger. Ils passent des journées assis alors qu’autrefois ils apprenaient la botanique dans la nature en observant les plantes et les fleurs. Maintenant il faut qu’ils soient devant un livre pour regarder une fleur. Il y a un paquet d’émotions qui demeurent bloquées dans le corps et qui ne demandent qu’à être libérées. Ce sont nos territoires psychologiques.
*Le sous-sol appartient aux compagnies minières, nous n’en sommes pas propriétaires. Elles peuvent tasser des maisons, des villages, des villes, comme Malartic en Abitibi.
*Quand on parle des sociétés minières canadiennes, me vient en tête le colonialisme et l’impérialisme. Le colonialisme qui consiste à s’approprier des ressources ailleurs.
*La question de la mobilité. C’est-à-dire que le riche peut aller partout où il veut, tandis que le pauvre tourne en rond.
*Moi, je dirais le politique en soi qui rejoint tous les liens sociaux et comment la société s’organise.
*J’ajouterais à cette dimension là, celle de la démocratie citoyenne.
*Il y a tout le champ de la culture dont les gens sont dépossédés. Celles qui transmettent la culture et qui en sont les principales gardiennes dans la plupart des société traditionnelles, ce sont les femmes. L’américanisation et la mondialisation nous ont dépossédés de notre culture. J’associe cela à un mouvement patriarcal qui vise à uniformiser les pensées pour mieux les contrôler. Il y a aussi tout l’aspect du pouvoir pyramidal ou hiérarchique versus une façon davantage circulaire et horizontale de se gouverner.
*L’industrie de l’armement et de la guerre.
Un dernier élément important, c’est toute la question de la privatisation qui est posée à travers tout cela.
4 – Éléments commun : la domination
Dans l’analyse féministe, l’élément commun à ces trois dimensions que sont le corps, la Terre et les territoires, c’est la domination. Cherchons à voir comment ces trois dimensions interagissent. Si l’on recherche la liberté c’est qu’on subit une oppression ou une domination.
* On ne peut parler pas au gouvernement parce qu’il ne nous considère pas et que nous ne sommes rien pour lui.
L’élément commun c’est la domination. Ce qui est important c’est qu’il y a des interrelations entre ceci et cela. Quel est le lien entre la destruction environnementale et tout l’aspect capitaliste de notre société ?
* L’exploitation que nous faisons de la Terre.
Mais si on va plus loin que ça, ce qui est fondamental c’est qu’on consomme plus et qu’il y a une surconsommation et une surexploitation. On détruit la Terre, on détruit les forêts, on pratique une agriculture industrielle qui détruit les sols au lieu de laisser les sols se reposer.
* Fondamentalement, c’est ça le capitalisme. Pour surconsommer, cela ne peut pas tourner sans qu’il y ait une surexploitation des ressources. Le concept de croissance illimitée se situe à la base de son mode de production impossible à satisfaire sur le long terme.
Quand on explique le capitalisme, souvent on parle de plus-value, mais on va rarement y associer la destruction de la planète. On va dire que le capitalisme exploite les travailleurs, mais le lien avec la destruction de l’environnement n’est pas si clairement établi que cela. Dans nos sociétés, nous vivons ces différents éléments comme des sphères séparées. Toujours on voit la dimension écologique d’un côté avec les écologistes, et d’un autre côté, les gens qui développent les analyses de la société capitaliste. Mais, de fait il existe un lien puissant entre la destruction environnementale et le système capitaliste de production. Ensuite le capitalisme, par l’accaparement des ressources et l’exploitation des travailleursEs, provoque la pauvreté.
* Le capitalisme n’a qu’une vision linéaire, il ne se situe pas dans la réalité puisque pour se maintenir il a besoin d’une croissance infinie alors que nous habitons un monde fini.
* Quand Philippe Couillard accuse Green Peace de ne pas penser aux travailleurs qui vont perdre leur emploi à cause de leurs revendications, et qu’à cause de cela les environnementalistes nuisent au développement, le premier ministre met en opposition les citoyens et les écologistes.
C’est pourquoi je disais que dans la société actuelle les choses se vivent de façon séparée. Selon les politiciens, les environnementalistes devraient se taire puisque le gouvernement développe l’économie en faisant travailler les travailleursEs. Le lien c’est que tu crées de l’emploi en détruisant l’environnement. Les travailleurs ne se rendent pas compte que c’est leur santé et leur survie qui est en jeu, pas seulement des emplois.
– C’est une question d’accaparement, mais pour moi l’enjeu est aussi philosophique et spirituel. Pour les autochtones qui appartiennent à la Terre-Mère, détruire l’environnement comme nous le faisons sans penser aux générations futures, c’est criminel dans leur esprit. C’est une offense à tous les niveaux, morale ou spirituel, que nous pouvons imaginer. Et cette appropriation est telle que nous ne laissons rien pour les autres. Avant la colonisation, les peuples vivaient davantage en autarcie dans des économies de subsistance qui étaient en équilibre. Ces économies n’étaient pas monétarisées, elles fonctionnaient sans argent. Mais quand l’Européen ou le Nord-Américain sont arrivés en colonisant les terres des autres, on s’est mis à mesurer les terres et à les séparer. C’est aller jusqu’à demander aux Papoues de Nouvelle-Guinée s’ils avaient des titres de propriété pour leurs terres. Ils étaient là depuis la nuit des temps, mais comme ils n’avaient aucun titre de propriété, cela ne comptait pas. On les a donc tassés et on a commencé à couper les forêts parce que le capital avait besoin de se reproduire et de se nourrir.
– Les Premières Nations ne connaissaient pas la propriété. Cela me fait penser à deux exemples par rapport à l’austérité qu’on vit présentement. Le fait que l’on veuille délocaliser les villages que l’on considère pas assez productifs probablement pour aller chercher les ressources qu’il y a dans ces coins là sans trop de problèmes, et toutes les coupes que nous vivons présentement pour les recherches sur les espèces marines ou en voie de disparition, pour faire passer un ensemble de projets nuisibles à l’environnement.
– Moi j’ai étudié en communication et j’ai appris que lorsque le message est clair entre le locuteur et l’auditeur, le message passe. Alors qu’est-ce qui fait que le message ne passe pas ? Sinon les gens se parleraient et on règlerait tout ça. Quels sont les irritants qui font que le promoteur, le propriétaire d’une mine qui exploite les mineurs ? Qu’est-ce qui fait que cela ne s’arrête pas ? C’est à cause de l’argent ?
– D’après moi, c’est une question d’individualisme, l’idée selon laquelle les gens ont perdu foi en leur communauté et qu’ils ne sont plus capables de percevoir l’étendue des dégâts que peuvent causer certains projets. Parce qu’ils ne voient le monde qu’à court terme et dans leur petite bulle à eux.
Pour moi, c’est fondamental quand on parle de système social, de destruction de la planète, d’écologie, de capitalisme, c’est vraiment en-dehors des individus même si ce sont des individus qui sont des patrons, le système se maintient en parti à cause de la quête de profits. C’est le moteur de l’économie capitaliste.
– Oui, mais comment on peut arrêter ça ?
Ça c’est la dernière partie… Alors nous avons vu qu’il existe des liens entre l’écologie et le capitalisme, maintenant cherchons à voir le lien entre le patriarcat et le capitalisme.
– Moi, quand j’essaie de faire des liens entre libérer nos corps, nos territoires et notre Terre, le lien que j’ai trouvé c’est la violence. Chez les Mohawks, il n’y a pas de différence entre la force de la violence faite aux femmes et la violence causée à la Terre-Mère. Cela procède de la même énergie pour s’approprier, dominer et contrôler. Ils considèrent que le capitalisme et le patriarcat procèdent d’une même origine et seraient de même nature.
– C’est certain que la domination est une forme de violence, mais le lien entre patriarcat et capitalisme demeure très subtile.
– De façon un peu plus subtile, le capitalisme s’approprie la force de travail tandis que pour le patriarcat, c’est à travers la gestation des femmes et la progéniture que s’effectuent cette appropriation en ayant un contrôle sur la production des enfants et la force de reproduction, etc.
Le lien, c’est que le système capitaliste a besoin du travail gratuit des femmes. C’est comme cela que le capitalisme renforce le patriarcat qui renforce à son tour le capitalisme.
– Moi je trouve génial l’analyse féministe comme clé interprétative de la réalité, tout comme l’est l’analyse raciale ou celle de la lutte des classes de Karl Marx, ou l’analyse environnementaliste. Ce sont des clés qui doivent converger et se compléter dans l’analyse de l’oppression, car si les différents mouvements se divisent on ne viendra jamais à bout du capitalisme génocidaire. Pour moi, le problème originel du capitalisme, c’est que tout est transformé en valeur monétaire, donc il profane tout ce qu’il touche. Alors que la récupération du sacré, se réalise par le don. C’est par la gratuité que le sacré apparait. On peut créer du sacré, des espaces sacrés, ce qui signifie qu’ils sont inaliénables et qu’ils sont situés hors du marché. Par exemple, les Plaines d’Abraham, il n’y a personne qui a le droit de construire un stade là-dessus. Parce que si c’était le cas, il y aurait profanation d’un espace sacré. La Tour Eiffel à Paris, ils n’ont pas droit de creuser une mine en-dessous même s’ils y trouvent de l’uranium. Personne ne va aller prospecter en-dessous de la Tour Eiffel ou à West Mount. Il existe donc, à mon point de vue, un rapport entre le profane et le sacré.
Selon l’idéologie traditionnelle, le rôle social des femmes c’est d’être des mères et des ménagères, et quand nous sommes réintroduites sur le marché du travail, nous le sommes comme mères et ménagères ce qui fait que les femmes occupent davantage que les hommes des emplois à temps partiel et mal rémunérés parce que notre priorité sociale c’est la maison. Nous, notre domaine c’est la sphère privée et à cause de cela qu’il existe un lien très fort entre capitalisme et patriarcat sur le travail gratuit des femmes parce que lorsque les femmes arrivent sur le marché du travail, on reste avec les caractéristiques de ménagères. C’est comme cela, qu’on explique les ghettos d’emploi. Les salaires plus bas, c’est comme cela qu’on les explique.
– L’une des valeurs que je considère fondamentale entre le capitalisme et le patriarcat, c’est toute la question d’éducation. Je ne parle pas juste de l’école, mais je parle qu’à travers les âges, il y a une codification et une instrumentalisation de comment les enfants sont formés, qui permet que le système va se perpétuer tant et aussi longtemps qu’on arrive pas à combattre cette vision.
On recrée des petites filles qui jouent avec des poupées et des garçons avec des autos.
– Je pense que cela fait longtemps que nous avons dépassé cela.
– Cela dépend des familles.
Une seule statistique qui exprime bien des choses : « Les femmes produisent 80 % de la nourriture et reçoivent 1 % du revenu mondial. »
J’ai donc essayé de vous démontrer les liens entre le patriarcat et le capitalisme, entre l’environnement, ou plutôt la pollution et le capitalisme, parce que nous les étudions toujours séparément. Le texte de la Marche mondiale des femmes, et c’est cela qui était le cœur de ce document, consiste à dire qu’il existe des interrelations entre destruction de l’environnement, capitalisme et patriarcat qui renforcent les différents éléments à tel point que maintenant il faut être capable de voir les dimensions du féminisme, de l’écologie et du bien commun comme extrêmement reliées, comme une interrelation. C’est-à-dire que l’exemple du maire de Saguenay procède d’une vision à court terme, parce que les travailleurs vont perdre bien plus que leur emploi, ils vont perdre leur région, leurs forêts, leur eau, leur air, et leur santé. On ne peut plus séparer une lutte de ces différentes dimensions: Le capitalisme de l’environnement et l’analyse de genre. Donc, à l’heure actuelle, il faut analyser la société dans cette triple perspective parce que les interrelations sont si nombreuses qu’on ne peut plus les séparer. C’est ça la force du thème : « Libérer nos corps, libérer notre Terre, libérer nos territoires ».
Au départ, les gens ont commencé à travailler le texte et à regarder ça, mais les femmes guatémaltèques, ce sont aussi des femmes autochtones qui ont un rapport à la Terre et qui étaient confrontées à la fois dans leur corps parce qu’elles étaient violées et dans leurs territoires par le capitalisme minier. Pour elles, c’étaient extrêmement lié. Leur vécu liait les trois éléments, mais pour nous ici ce n’est pas vraiment lié, c’est séparé. Ce qui fait que lorsqu’on commence à étudier le texte, à le défricher et à le travailler comme nous avons fait, on comprend que l’on ne plus séparer ces trois dimensions de l’oppression. Quand vous verrez une analyse où l’on ne rapporte pas les dimensions écologique, économique et féministe, quand on parle de la pauvreté mais qu’on ne parle pas des femmes, il y a un problème, quand on parle de l’austérité et de pauvreté et qu’on ne parle pas de la dimension écologique, il y a un problème, et cela donne comme le maire Tremblay, une vision partielle de la réalité.
– Mes recherches portent sur la société civile. À partir du moment où tu cherches à privatiser l’espace, tu finis par privatiser les gens qui s’y trouvent, alors l’espace pour les Amérindiens ayant une grande valeur, à partir du moment où tu détruis cette valeur de l’espace, tu détruis l’ensemble de la société. C’est cela le lien profond entre l’espace et le système.
– Moi avant, je ne percevais pas le lien de base qui existe entre les luttes féministes et toutes les autres luttes. Ce que je trouve intéressant en ce moment dans notre discours et notre façon d’agir, d’aller au fond des choses, on dit que nous sommes radicaux alors que de fait nous visons la racine des choses. Par exemple, lorsqu’on parle d’écologie et de patriarcat, les deux reliés ensemble, les territoires et les femmes, j’étais intéressé de voir ce qui allait sortir de cela parce que cela ne m’apparaissait pas évident au départ. Donc, j’apprends des choses, je trouve cela intéressant et j’aime que l’on mette en lien toutes ces luttes. On parle du bien commun de l’humanité en ce moment d’une manière beaucoup plus globale et j’ai appris avec le temps, qu’en tant qu’homme, le féminisme nous aide aussi parce qu’il y a une domination au niveau des modèles qui nous ont été inculqués. Par exemple, quand on parle d’émotions, les hommes ont besoin d’apprendre à s’exprimer sur ce point.
* Le lien que je fais, c’est que ce sont des hommes armés qui défendent les minières, il s’agit donc d’une militarisation de ces espaces qui sont enlevés aux peuples originels et ces militaires sont très machos et violents dans leur attitude, ils protègent le capital. Avouez qu’au niveau symbolique c’est total. Ils protègent le capital, la mine, l’or, l’or qui ultimement va aller dans un autre trou dans la terre qui s’appelle une banque. Et ce sont ces mêmes militaires qui violent les femmes. Pour moi, les deux premiers éléments qui rendent compte de ce qui va mal en ce monde est assez déprimant, tandis que le troisième élément, libérer nos territoires, constitue la réponse. C’est par là que cela commence par une transformation culturelle et quand Emilie a dit que la culture constitue un territoire, elle a parfaitement raison.
Si on dit que ces trois dimensions sont inter-reliées, les luttes dans ces trois dimensions vont l’être également. Il n’y en a pas une qui soit davantage fondamentale qu’une autre. C’est ce qu’il nous faut comprendre à l’heure actuelle. Les luttes écologistes contre le pétrole, c’est aussi une lutte contre le capitalisme. Elles sont importantes et il ne faut pas les minimiser en pensant qu’il faut partir absolument du mouvement ouvrier et des luttes syndicales pour abolir le capitalisme. Ces dimensions apparaissent essentielles à mettre de l’avant pour en arriver à avoir une compréhension globale de la société.
* Je suis d’accord avec Olivier. Ce que le féminisme a apporté à la société québécoise. Ça a permis aux hommes d’entrer en contact avec leurs émotions. Dans certains milieux de travail que j’ai fréquentés où il n’y avait que des hommes, c’était ruff. Quand les femmes sont arrivées, les hommes ont commencé à être polis. Ce sont elles qui ont demandé aux hommes de faire preuve d’un meilleur savoir-vivre. Je parle des années 1970-1980. Moi, ce qui me touche le plus ce soir ce n’est pas le féminisme, c’est l’amélioration des conditions de travail dont les hommes ont bénéficié grâce aux femmes. Par exemple, dans l’hôtellerie, les femmes ont beaucoup milité dans les syndicats. Ce sont elles qui ont été bien souvent les mieux comprises par les employeurs parce que ce sont aussi elles qui sont allées aux tables de négociation et elles ont su faire preuve de douceur et de fermeté dans des conflits que les hommes n’arrivaient pas à régler. Elles avaient du doigté pour parler aux employeurs. Alors c’est important que les femmes soient là. Souvent les hommes vont plier davantage lorsqu’ils négocient avec des femmes que lorsqu’il s’agit d’une parti de bras entre hommes, ça règle rien. Le mouvement féministe a apporté beaucoup au Québec.
* Quand on a parlé de militarisation, cela m’a fait penser que lors de nombreux conflits armés, si tu veux déstabiliser une société, tu violes les femmes. C’est une arme de guerre s’attaquer aux femmes et c’est la pire arme qui soit. On doit remercier nos sœurs autochtones parce qu’elles se perçoivent comme des gardiennes de la Terre et particulièrement dans leur communauté. J’ai une amie autochtone qui a fait une marche pour l’eau parce que pour elles la terre et l’eau sont des éléments féminins de la création qu’il faut défendre. Dans la société capitaliste, on sépare la sphère privée de la sphère publique. Avant la révolution industrielle, la sphère du travail et la sphère domestique occupait presque le même espace. Dans les luttes féministes, séparer les hommes des femmes dans nos revendications, même si cela a déjà été nécessaire, cela a quand même ses limites. Si les femmes ont besoin d’explorer la sphère publique, les hommes aussi ont besoin de la sphère privée pour aller à l’intérieur d’eux-mêmes. Il y a quelque chose qui est de l’ordre de revaloriser la dimension spirituelle de l’être humain et d’oser l’amener dans la sphère publique pour ne plus la détacher, de voir la vie et la société comme un tout parce que ce que cherche à faire le capitalisme c’est de diviser les différents aspects du travail et de la vie. Il faut en être conscient et se servir de cela dans nos luttes féministes, que la séparation complète dans l’absolu relève d’une fausse vision de l’être humain et de la vie.
– Oui, mais il y a aussi des femmes de pouvoir qui sont de droite comme Margaret Thatcher. Moi, je vois l’humanisme. Je suis un peu triste qu’on rattache ces valeurs comme étant exclusivement propres aux femmes alors que la survie de la planète dépend de l’apport des deux genres. C’est le lien entre le côté capitaliste et les émotions et puis les sentiments qui sont bafoués autant chez l’homme que chez la femme. Moi, je me considère plus femme que certaines femmes au niveau des sentiments et des émotions. Quelqu’un en voyant mes dessins m’a trouvé hypersensible.
* L’esprit du capitalisme et celui de la rationalité scientifique opérationnelle, utilitariste et matérialiste, a pris le contrôle et tout ce qui était émotionnel, spirituel, tout ce qui est subjectif et relève du sujet, a été évacué de la sphère publique. Cela a été discriminé jusque dans les sciences humaines où il faut avoir de chiffres pour prétendre interpréter la réalité. Il fallait que cela soit quantifiable. Une émotion ce n’est pas quantifiable, donc ce n’est pas bon.
* Pour revenir au Québec, Lise Payette a passé la loi de l’assurance automobile, elle en a dérangé plusieurs. Elle a confronté les avocats parce qu’elle leur a enlevé des revenus qu’ils faisaient avec les poursuites. C’est l’exemple d’une femme de tête. Des femmes comme ça cela en prendrait plus. Ce sont ces femmes qui vont faire les liens. Qui a réglé le conflit à Québécor ? Ce sont des femmes qui sont parvenues à négocier une entente.
* Dans une perspective Queer, quand on remet en question le genre, c’est autant les hommes que les femmes. Un homme peut être émotif et une femme peut être rationnelle et faire des études en mathématique. Pour en revenir à ce qu’Emilie disait tout à l’heure, le contrôle d’une population souvent va passer par le contrôle du corps de la femme. Quand on a commencé à contrôler les femmes, des sociétés qui étaient tout à fait égalitaires, je pense entre autre à la Confédération des cinq nations iroquoises, où il y avait l’égalité entre les hommes et les femmes, où les femmes choisissaient les chefs et où on entendait leur voix. Mais avec le colonialisme, on a dit aux hommes de maitriser leurs femmes, on leur a apporté de l’alcool et il a commencé à avoir un déséquilibre entre les hommes et les femmes. Le patriarcat a dit aux hommes : Vos femmes sont ceci et cela et il faut qu’elles restent à la maison, etc. » Le viol utilisé comme arme de guerre consiste à briser celle qui va porter la vie et qui va élever les enfants. Les hommes aussi les élèvent, mais la première personne que l’enfant va reconnaître c’est sa mère. Il y a un contact particulier. On parle de langue maternelle, ce n’est pas pour rien. Il y a donc une certaine transmission de la culture qui se fait par la mère et si on asservit la femme, c’est aussi toute les autres générations qu’on asservit. Tout cela pour dire que oui il y a des femmes qui sont violentées, il y en a d’autres qui sont très froides et très rationnelles comme Margaret Thatcher, et l’on retrouve la dimension féminine tout autant chez l’homme que chez la femme, autant qu’on retrouve la dimension masculine chez la femme.
J’aimerais revenir sur la question de l’humanisme. Ce qui est proposé dans ce texte c’est le lien qu’il y a entre ces trois dimensions parce qu’elles sont inter-reliées. C’est une conception humaniste de dire que vous fassiez des luttes féministes, que vous fassiez des luttes syndicales, des luttes sociales, ou des luttes écologistes, tout cela est inter-relié et converge. Quelle que soit la dimension que vous développiez, la vision totale c’est l’interrelation qu’il y a entre ces éléments-là. Il y a des femmes qui sont de droite et qui défendent le capitalisme, il y a des femmes qui sont masculinistes et qui sont contre les femmes. C’est toute la question de savoir qu’est-ce qu’on défend comme vision.
Écologie/capitalisme et patriarcat : INTERRELATIONS
Toutes ces dimensions s’entrecroisent et on ne peut plus parler de l’un sans parler de l’autre
99 % de la population et plus particulièrement les femmes subissent les effets de l’avidité du capital et de la destruction de la planète.
Marchandisation des ressources naturelles et du corps des femmes
Mondialisation et politiques néolibérales
Effet de serre et vie sur la planète menacée
Il demeure que le phénomène de l’appropriation est d’abord celui d’individus qui s’approprient le travail des autres, qui s’approprient les ressources naturelles, qui s’approprient la terre, alors que ce que l’on doit développer, c’est une approche collective. C’est ici qu’on arrive à la question du gouvernement et des luttes politiques. C’est là qu’est l’espoir. Le mouvement des femmes a eu des répercussions sur l’ensemble de la société, il a développé des éléments positifs qui ont bénéficié à tous et qui ont également permis aux femmes de prendre leur place, mais aussi aux hommes de façon plus harmonieuse. Je pense que c’est ça qui est important et là ce qu’on voit ce sont des luttes contre l’austérité, du mouvement des femmes, des écologistes, et le mouvement syndical et c’est en train de se réunir. Il y a des luttes qui s’en vienne et c’est là que face au gouvernement on va être capable de dire qu’il y a de l’espoir et qu’il y a autre chose qui existe que le néolibéralisme. Et ce n’est pas quelque chose qui viendra d’un individu qui domine et s’approprie tout, mais quelque chose qu’on construit collectivement qui va changer à la fois notre façon de penser et les structures sociales parce que les deux vont de paire. On a permis aux femmes d’avoir l’équité salariale et d’avoir leur place sur le marché du travail, mais en même temps on a changé la mentalité des hommes et des femmes sur l’ensemble de la société.
Il y a deux appels que je voulais vous faire.
Le premier c’est l’appel à l’action de la Marche mondiale des femmes, et l’autre texte c’est celui de la Marche mondiale du Québec qui est un appel à la résistance contre la destruction sociale et environnementale. C’est intéressant parce que dans le titre on met déjà tous ces éléments ensemble.
Le 24 avril, de midi à 13:00, partout dans le monde, ce sera un 24 heures d’action féministe. Le 13 juin, il va y avoir un marathon de financement sur les Plaines. Les 10 et 11 septembre cela va être un colloque régional avec des femmes des cinq continents. Le 17 octobre 2015 marque la fin de la Marche mondiale des femmes par une manifestation à Trois-Rivières.
* Pour les hommes, il faut combattre notre tendance patriarcale à isoler les luttes féministes. La question féministe ce n’est pas un problème de femmes, c’est un problème sociale. Les femmes sont au cœur de la société civile, et aucun changement ne peut advenir sans la contribution des femmes. À partir du moment où l’on s’attaque aux femmes dans une société, c’est à partir de ce moment là qu’on essaie de mettre une société à terre.
La collectivité est aussi tributaire d’une vision spirituelle, mais la religion ce n’est pas la même chose que la spiritualité. Les religions sont toutes des structures patriarcales.
* En mai 2013, nous avons reçu Lolita Chavez, une femme maya, qui est venue nous voir au CAPMO. « En ce qui concerne la situation des femmes, nous aussi nous avons fait du chemin. Nous disons que la défense de notre territoire passe aussi par la défense de notre corps. La libération de notre territoire passe par la libération de notre corps parce que le capitalisme a fait du corps de la femme un simple produit de consommation et c’est encore plus vrai pour les femmes mayas qui sont folklorisées et commercialisées. Il existe présentement une fièvre maya à cause de la fin de notre calendrier et on nous a commercialisés comme culture maya. Nous travaillons à nous libérer de ces oppressions. J’ai moi-même du passer par un processus de guérison pour reconnaitre l’oppresseur que je porte en moi. Que ce soit le sexisme, le capitalisme ou le patriarcat, nous parlons plus librement par exemple de notre sexualité. Même au lit, la position de nos corps est révélatrice de notre rapport de soumission envers l’homme. Il y a d’autres façons de faire l’amour et cela a une influence sur les rapports homme-femme dans le couple. Nous parlons du pouvoir à partir du lit. Nous parlons aussi d’autres éléments de la lutte comme par exemple l’occupation du territoire et l’invasion néolibérale. Car les hommes et les femmes sont différents sur ces rapports et nous les vivons différemment. » Lolita Chavez, Québec, printemps 2013.
* J’ai trouvé cela très intéressant principalement parce que le féminisme dénonce le patriarcat et que c’est le seul courant qui le dénonce. Par contre, ce que je trouve difficile avec l’approche féministe, et je suis d’accord que le patriarcat est un outil de gestion vraiment malsain, c’est qu’on cible un bouc émissaire et on le diabolise. Parfois j’ai l’impression que l’on tente de faire un reflet face à la domination et selon moi c’est une approche qui ne peut pas fonctionner si c’est la seule stratégie qui est utilisée. Je me demande si dans la société les mouvements de femmes, au Proche-Orient par exemple, ont les ressources ou les moyens de simplement faire des reflets car cela ne peut pas mettre fin aux rapports de domination. Je m’interroge sur comment, tout en reconnaissant la pertinence de l’approche féministe, est-ce qu’on va faire pour passer à la prochaine étape ? On ne peut pas seulement se diviser pour dire qu’il y a plus de femmes que d’hommes qui vivent la pauvreté. C’est probablement vrai, mais il faut aller plus loin que ça et trouver des solutions pour dire comment on va faire en sorte pour que disparaissent ces relations qui sont foncièrement des rapports malsains. Ce n’est pas seulement le féminisme, je n’en trouve nulle part ailleurs des solutions sur le comment faire. J’espère qu’avec d’autres rencontres comme celle-là, à la longue, en utilisant la parole et le partage, en partageant nos sentiments, on va finir par trouver des situations concrètes pour qu’on puisse vivre ensemble en étant heureux et qu’on n’ait plus besoin de vivre des rapports de domination dans nos sociétés. Parce qu’actuellement, nous sommes rendus au point où les rapports de domination deviennent un besoin et vous l’avez très bien illustré. Pour que le capitalisme puisse fonctionner, nous avons besoin de rapports de domination. Merci de votre présentation.
Merci Ginette Lewis pour cette belle animation.
Propos recueillis par Yves Carrier