Bonsoir, je m’appelle Josyanne Proteau et je travaille pour l’organisme Craque-Bitume qui a ses bureaux ici au Carrefour Cardijn. Le CAPMO nous a demandé d’animer cette atelier sur l’éco-anxiété. Nous animons des ateliers sur ce thème avec Justin Sirois-Marcil. Craque-bitume est un organisme communautaire qui œuvre avec les gens en écologie urbaine. Nous travaillons sur des thématiques reliées à l’environnement. Nous organisons une panoplie d’activités, mais globalement nous accompagnons les gens pour créer plus de liens avec la nature et les plantes par le jardinage, le compostage, etc. Nous réalisons des projets de jardinage et nous accompagnons de nombreux groupes dans la ville de Québec comme au Cégep Limoilou avec les étudiant.e.s, mais nous avons aussi deux jardins collectifs où tout le monde jardinent ensemble et ils se séparent les récoltes tout au long de la saison. Ce sont vraiment des projets éducatifs, nous visons à ce que les gens apprennent à jardiner et à jouer dans la terre par eux-mêmes. C’est un peu la même chose avec le compostage, nous avons plein de sites de compostages communautaires à travers la ville de Québec. Le but c’est que ceux et celles qui y participent reçoivent du compost pour leurs plantes. Alors cela nous met un peu dans le cycle de la vie de la terre.
Un autre impact de nos activités, c’est d’accompagner les gens dans la prise en charge d’un mode de vie plus écologique. C’est un volet de formation où nous invitons les gens à changer leurs habitudes de vie pour être eux-mêmes plus écologiques au quotidien. Nous avons plein d’informations écocitoyennes.
L’idée de l’éco-anxiété s’insère dans ce volet formation. Comment peut-on gérer les angoisses suscitées par la détérioration globale de l’environnement?
Craque-bitume a plusieurs centaines de personnes qui participent à ses différentes activités de compostage, de jardinage et de cuisine collective végétalienne. Tout ce que nous faisons se situe dans la perspective d’essayer de faire les choses en ayant moins d’impact sur notre environnement. Nous sommes 9 employés à temps plein dans deux endroits différents de la ville et l’été, nous sommes plus nombreux. Notre organisme existe depuis 2011, il a été fondé par des jeunes du Centre Jacques-Cartier. Au départ, cela s’appelait : « Les Ateliers à la Terre ».
On s’adresse à différents publics et on fait de la sensibilisation auprès de certaines personnes qui connaissent moins les enjeux écologiques, mais nous avons aussi plusieurs membres qui sont très occupés par ces enjeux et qui, au quotidien, s’efforcent de transformer leurs pratiques pour être plus écologiques. Avec le temps, on s’est rendu compte que ces gens pouvaient avoir des symptômes anxieux par rapport au fait que malgré tous leurs efforts, quand on regarde à une échelle plus globale, on s’aperçoit que cela n’a pas beaucoup d’impacts sur le fait que des catastrophes écologiques se produisent et elles vont continuer de se produire. Ces personnes pouvaient commencer à ressentir de l’éco-anxiété. C’est pourquoi nous trouvions important d’offrir des ateliers à nos membres pour les aider à passer de cette approche individuelle d’accompagner des gens dans des modes de vie plus écologiques, à un niveau davantage collectif avec une réflexion à un niveau plus global. Nous allons essayer d’avoir une réflexion qui dépasse mon échelle individuelle et de voir comment nous pouvons agir ensemble pour sortir de l’état de paralysie induite par l’éco-anxiété. Je vais céder la parole à Justin qui va animer cet atelier. Josyanne
Bonjour, je m’appelle Justin et je suis travailleur social. C’est un atelier que nous allons faire ensemble, mais l’animation exige votre participation. Je vais vous poser des questions. Pour ce qui est du thème de la soirée, nous allons parler d’éco-émotions. Nous allons séparer les deux termes. À quoi vous pensez quand on dit le mot Éco?
* Écologie
* Économie
* École
* Écosystème
* Éco-énergie
* Écoute ?
Éco en grec se dit : Oïkos et signifie maison ou l’habitat. Donc, quand on pense à la maison, à quoi vous penser?
* La terre
* La sécurité
* La nature
* Le feu et l’eau
* Les quatre éléments dont le cinquième est l’amour.
* Un bien, une propriété
* Partage des richesses
* La forêt
On voit que « éco » est un concept extrêmement large. D’ailleurs l’école peut être considérée comme un autre chez-soi, un endroit où l’on cohabite avec des gens. Cela veut dire beaucoup de chose éco. On pourrait passer la soirée sur ce terme, mais nous allons passer à émotion. L’anxiété est une émotion. Quelles sont les autres émotions que nous pouvons avoir quand nous pensons à notre maison et à son état ?
* Le stress
* La nervosité
* La peur qui est la racine de nervosité, stress et anxiété. C’est une émotion de base.
* La peur inhibe l’action, elle entraine la paralysie.
* Découragement
* Dépression
* Insécurité
* Colère
* Le doute
* L’amour pour notre habitat
* L’incompréhension, être sous le choc
* Douceur, chaleur
* Résonnance et résilience
* La mélancolie
* Dégoût
* Écœurement
* Frustration
* Impuissance
Il existe deux autres émotions de base que sont la tristesse qui peut conduire à la dépression, une colère qui n’a pas pu s’exprimer, et la joie. Donc, nous vivons des émotions par rapport à l’état de la maison. C’est aussi simple que ça une éco-émotion, des émotions vécues par rapport à quelque chose qui nous dépasse qui est plus grand que nous. Maintenant, nous allons parler de dystopie, le monde où nous ne voulons pas vivre et d’utopie, le monde où nous aimerions vivre. L’utopie est un monde idéal tandis que la dystopie est un monde idéal qui a mal tourné. La dystopie est l’utopie pour certains, mais elle se réalise au détriment de la majorité. Présentement, certains croient que nous vivons la meilleure période de l’histoire de l’humanité parce qu’ils sont très fortunés.
* La dystopie, c’est le système capitaliste.
Dans le monde dans lequel nous vivons, qu’est-ce que vous trouvez de laid, vous écœure ou vous met en colère ?
* L’injustice entre les riches et les personnes en situation de pauvreté
* Les guerres
* Le gaspillage en général. On va injecter plusieurs millions de dollars pour que des joueurs de hockey de la Ligue nationale viennent disputer deux matches à Québec, alors que cet argent pourrait être utile pour les enseignants et les infirmières qui sont en grève et demandent des hausses de salaires, ou bien pour les organismes communautaires. C’est du gaspillage et de l’injustice en même temps puisque l’argent est mal réparti.
* C’est subventionner les riches.
* Systémisation de la pauvreté, c’est organisé par un système. La pauvreté est organisée.
* Le racisme aussi c’est laid.
* L’exploitation des êtres humains, de la planète et de ses ressources
* La pollution
* L’extractivisme qui consiste à prélever toutes les ressources.
* L’incapacitisme, préjugés envers les personnes vivant avec un handicap, et les préjugés
* Le conformisme
* L’égocentrisme, le nombrilisme, l’égoïsme, l’individualisme…
* Le cynisme
* Nous sommes dans un trou.
* Le futur ressemble à un mur qu’on va frapper.
* C’est une course à obstacle pleine d’embûches.
* Dictature, contrôle social, contrôle de l’opinion, perte de la liberté d’expression, violence, autocratie. Pour capter le peu de ressources qu’il va rester, il va falloir en priver la majorité pour qu’un très petit nombre ait un train de vie aberrant. Génocide pour les mêmes raisons.
* Le militarisme
* Armageddon
* Apocalypse
* Nous venons d’ouvrir les portes de l’enfer, selon le secrétaire général des Nations unies.
Quelles émotions vous viennent par rapport à ce que nous venons de nommer ?
* Le dégoût
* La tristesse
* La colère
* L’indignation
* La détresse
* La complexité
Qu’est-ce qu’on peut faire contre ça ?
* Manifestation, opposition, contestation, rébellion
* Occupation
* S’exprimer
* Résistance, boycott
* Désobéir
* Je ne crois pas à une victoire définitive, il va toujours falloir lutter. Je suis un pragmatique.
Qu’est-ce qu’on peut faire pour combattre la lassitude et la fatigue qu’implique la militance sociale ?
* S’amuser, se changer les idées, aller voir des spectacles. Si on ne fait que penser à tout cela, on ne vivra plus.
* On vient au CAPMO.
* Dans une terre étrangère, on ne peut pas chanter des chants de chez nous.
* On n’est pas maitre dans nos maisons quand vous y êtes.
* Nous sommes dans un pays riche avec beaucoup d’avantages et notre vision est différente de ceux et celles qui vivent dans des pays pauvres ou en guerre. Nous n’avons pas beaucoup d’influence sur ce qui se passe dans d’autres pays, on a plus d’impact au niveau local, même s’il faut avoir de la compassion pour les autres peuples.
* Penser global, agir local.
* En ce sens, par rapport à la dystopie, l’importance de développer des solidarités et l’autonomie alimentaire sans se refermer sur soi.
* Se regrouper et discuter pour essayer de trouver de nouvelles façons, de nouvelles formules pour changer l’atmosphère, parce qu’il y a beaucoup de désinformation. Il faut s’efforcer de rétablir les faits.
* La coopération internationale
* Voir, juger, agir
* Souvent les gens sont inquiets, mais ils ne prennent pas le temps de bien s’informer à différentes sources de qualité. Ils ne se fient qu’à ce qu’ils voient dans les médias sociaux. Quand tu vas t’informer plus précisément sur une question, ça a tendance à faire descendre le niveau d’anxiété.
* C’est très difficile de nos jours avec toute la désinformation qu’il y a. Où se trouve la bonne information ? Les gens sont mêlés.
* À l’émission Québec Monde à CKIA.
* L’important, c’est de ne pas se fier à une seule source d’information.
* Nous sommes bombardés d’informations.
Nous avons parlé du monde dans lequel on ne veut pas vivre et comment lutter contre ce modèle. Notre description n’est pas exhaustive et n’épuise pas tout ce que nous pouvons faire pour lutter contre cela. Il y a sûrement plein d’autres choses que nous pourrions inscrire dans la dystopie, mais on va s’arrêter là. Le plus difficile est passé, parlons maintenant d’utopie. Dans quel monde voudriez-vous vivre ? La perfection est une notion subjective qui dépend de chaque personne. Que serait, selon vous, un monde parfait?
* Un monde de paix où les gens vivent en respect les uns des autres.
* Sans conflit
* La bonne humeur, l’harmonie
* Sans contrainte, sans handicap
* Accessibilité universelle
* Entraide
* Revenu social universel garanti
* Un monde égalitaire
* Le Buen vivir, vivre à un rythme qui respecte la nature et les êtres humains.
* Le respect du vivant, la décroissance
* En Bolivie, les autochtones ne cherchent pas la décroissance. Leur but est de vivre en harmonie avec la nature et en communauté.
* Le partage de la richesse
* Vivre d’énergie renouvelable.
* L’amour
* Apprendre des sagesse des Premières nations.
* Respect de la diversité
* Citoyenneté universelle
Comment faire advenir cette utopie ?
* Autogestion démocratique, décentraliser et dans certains cas implanter la démocratie directe.
* Faire des rencontres pour qu’émerge la démocratie directe.
* Faire de la politique.
* Les Aymaras de Bolivie ont une règle éthique qui se décline en trois commandements : 1) Ne pas voler, 2) Ne pas mentir et 3) Ne pas vivre aux dépends des autres. Autrement dit, faire ce que tu dois et ce que tu peux pour le mieux-être de la communauté.
* C’est basé sur la reconnaissance de la contribution de chacun. Ici on ne parle pas d’argent.
* Le problème de notre monde, c’est que l’argent est devenu l’élément primordial de toutes nos prises de décisions. Nos gouvernements n’ont plus qu’une vision économique de tous les enjeux de société. Au fond, on fait des guerres parce que c’est payant.
* L’argent donne accès à tout, sauf l’amour.
* Il faut savoir rêver logique comme disait Yvette Muise.
* Une société idéale est une société où les gens travaillent selon leurs capacités et qu’ils le font pour le plaisir de travailler et non pas pour de l’argent, une société où chacun reçoit selon ses besoins, plus besoin d’avoir d’argent.
* On enlève les gouvernements et on écrit nos propres lois.
* C’est déjà arrivé dans l’histoire avec les Mayas du Mexique et du Guatemala. Ils ont abandonné les grandes cités-états avec des rois, des prêtres, des militaires, des impôts, une forte religion fondée sur les sacrifices humains, pour retourner vivre en petites communautés sans hiérarchie sociale où la terre était cultivée en commun. Ils sont revenus en arrière en quelque sorte. C’est une civilisation qui a perduré puisqu’il y a encore 21 langues mayas qui sont parlées actuellement.
* Moi, je n’appelle pas ça revenir en arrière, mais aller de l’avant.
* Les Mayas comprennent le temps comme un cycle qui revient.
Discussion en cercle
Les bio-régions où chacun aimerait vivre sans se préoccuper du reste du monde, mais ce n’est pas comme cela que ça fonctionne. Il faut lutter à la fois sur les deux fronts, celui du changement à construire et de l’opposition à la destruction de l’environnement.
* Le concept de bio-région consiste à vivre en consommant et en produisant le plus possible localement. Les véritables frontières étant davantage climatiques qu’administratives. Nous vivons le long du fleuve Saint-Laurent avec un certain climat, quatre saisons, ce qui veut dire que nos préoccupations sont liées à notre climat. Si on vivait en Gaspésie, c’est une autre bio-région avec des ressources disponibles différentes, accès à la pêche et à la mer. De fait, nous devrions avoir des frontières naturelles.
* Quand on est en faveur de la diversité, on ne peut pas souhaiter que tout le monde pense pareil.
* Dans le sud, ils ont d’autres préoccupations que les nôtres.
* C’est ce qui fait que la diversité est une richesse.
* La biodiversité.
Quel geste puis-je poser pour l’environnement au cours de la semaine à venir ? Quel est le plus petit pas que je puisse faire pour m’approcher de l’utopie, individuellement ou en groupe ?
* Militer au CAPMO.
* Arrêter le sarcasme.
* Être soi-même le changement qu’on souhaite voir advenir (Mahatma Gandhi). Prendre soin de soi, prendre soin du monde.
* Partager mes connaissances.
* L’engagement que je prends, je l’ai pris hier, je l’ai pris avant-hier et je le prend demain.
* Manger local.
* Continuer de lutter pour la paix.
* Aider ceux et celles qui en ont de besoin.
* Sensibiliser les gens en banlieue de l’importance des transports collectifs.
* Manger végétarien.
* C’est multidimensionnel parce que nous avons notre vie au travail, notre vie de militant, notre vie familiale. Nous sommes dans différentes sphères en même temps.
* Nous avons fait une action pour que le tramway soit réalisé à Québec.
Comment avez-vous vécu cette expérience : Utopie versus dystopie ?
* Il y a beaucoup de matières à analyser, j’en ressort un peu mélangé d’avoir entendu autant de choses contradictoires. Ce qui me donne espoir, ce sont des petits gestes bien simples comme travailler la terre. Je pense que Craque-Bitume donne espoir aux gens en leur permettant de prendre contact avec la terre en produisant des légumes.
* Moi, il y a quelque chose qui m’inquiète, comment cela se fait-il qu’il y ait autant de publicités sur l’environnement ? Pourquoi le gouvernement s’intéresse-t-il à cela? Quel est le but ? J’ai entendu parler d’écofascisme. Certains intellectuels écologiques veulent imposer de manière autoritaire une sobriété de vie. Qu’est-ce qui s’en vient ? J’ai l’impression qu’il y a quelque chose de faussée là-dedans voire de dangereux. Est-ce que nous allons, tout le monde ensemble, protéger l’écologie pour qu’une minorité d’individus, les riches, les puissants et les purs, en profitent ? Je crains la dictature verte. Je pense qu’il y a anguille sous roche. C’est là qu’est mon anxiété.
Tu as peur qu’on t’enlève des droits au nom de l’environnement.
* Pour moi, la question de l’écologie en est une de lutte de classe. Il y a les humbles, il y a ceux qui souffrent.
* C’est tout le danger de ne pas être dans une écologie inclusive. Aujourd’hui, nous parlions des angles morts de l’éco-fiscalité. Je suis d’accord pour instaurer certaines mesures qui contraignent l’utilisation de l’automobile, mais pas n’importe comment parce qu’en milieu rural par exemple, s’il n’y a pas d’options de transport collectif adapté, les gens vont s’acheter les plus gros véhicules parce que c’est ce qui est à leur portée. Les personnes les plus favorisées dans la société ont besoin des personnes en situation de pauvreté pour apprendre à vivre sobrement. Je n’idéalise pas la pauvreté, mais vivent avec peu contribue à établir une certaine sagesse ou un détachement vis-à-vis de la société de consommation. Certains, lorsque leurs besoins de base sont comblés, font l’expérience d’une sobriété heureuse. Je crois que nous devons aller vers un mode de vie plus simple.
* Autrement dit, tu parles de la simplicité volontaire de Serge Mongeau tandis que Pierre Rabbi parlait de la sobriété heureuse. Ce sont deux visions qui se rejoignent. Je voulais réagir aux craintes exprimées par Robert. Oui, on peut broyer du noir en voyant des modèles de personnes qui peuvent paraitre extrémistes aux yeux de certains. Moi je pense, qu’on peut aussi se dire qu’il y a des modèles comme Greta Thunberg qui est un modèle pour des millions de jeunes et ce sont les jeunes qui vont changer le monde après nous. Ils et elles sont déjà en train de le faire à leur façon. L’important c’est de retenir que cela prend des bons modèles qui peuvent sembler extrémistes aux yeux de certains. Au groupe de simplicité volontaire, nous avons réfléchi à des modèles d’exemple de vie à suivre, et nous avons pensé utiliser l’œuvre de Henry David Thoreau, considéré comme le premier écologiste. Il a vécu seul dans son ermitage un peu plus de deux ans. Son livre, « La désobéissance civile » est une lecture obligatoire dans des écoles aux États-Unis. 50% des Américains admirent les héritiers de l’œuvre de Thoreau. Donc, ça prend des modèles. Comment faire pour influencer les gens à avoir une pensée plus environnementaliste ? Quels sont les influenceurs positifs dont nous avons besoin ? On peut critiquer Steven Guilbeau, ministre fédéral de l’environnement, mais il a vraiment créé des choses intéressantes dont Équiterre. Bien sûr, il a choisi le chemin de la politique pour changer le monde. C’est clair que ce n’est pas facile quand tu es le seul à porter cette priorité au sein d’un gouvernement. Je pense qu’il ne faut pas décrier des modèles qui se battent pour faire connaître les enjeux planétaires. S’il n’y a pas de Greta Thunberg, s’il n’y avait pas eu de Steven Guilbeau, je pense qu’on ne serait pas rendu si loin dans cette prise de conscience des enjeux environnementaux. Cela prend des modèles pour promouvoir l’utopie que nous voulons atteindre.
* Au Carrefour d’éducation à la solidarité internationale, à chaque année, nous engageons des jeunes pour faire des animations auprès des enfants dans les camps de jour au cours de l’été. Ce que j’ai observé à l’arrivée de Greta Thunberg, elle a suscité un grand espoir en leur permettant de croire à leur pouvoir d’agir ensemble sur le cours des événements pour les transformer. Elle leur a permis de s’accrocher à quelque chose, un peu comme la religion le faisait autrefois.
D’où l’importance de croire pour pouvoir agir.
* Je dirais que cela aide.
* Je voudrais revenir à l’objection que Robert a soulevée. Je ne pense pas que tu seras visé par ces restrictions puisque tu n’as pas de voiture et que tu vis déjà très sobrement. Je ne crois pas que tu aies quelque chose à craindre. Par contre, je pense que nous devons intervenir sur la promotion et la vente des véhicules qui sont sans cesse plus gros et énergivores. Oui la liberté, mais pourquoi la liberté d’acheter de tels horreurs ? Est-ce vraiment cela la liberté? Beaucoup de monde vit dans le déni. Quand je vois cette exagération de la consommation, cela m’exaspère. Par exemple, en Europe, c’est moins cher prendre l’avion que de prendre le train. Pour revenir à des intellectuels comme Aurélien Barreau, pour moi ce sont des prophètes. Oui, il casse la baraque, mais peut-être qu’en Europe, ils sont rendus à ce point parce qu’il n’y a plus de nature sauvage comme ici. On est chanceux au Canada, il reste pas mal de nature sauvage.
* Il n’y a pas possibilité de sortir d’où nous sommes en alliant liberté et progrès autrement que par la conscientisation. C’est Pierre Teilhard De Chardin qui dit : « À un moment donné, l’humanité va atteindre un seuil de conscience et quand celui-ci sera franchi à travers l’ensemble de l’humanité, tout va être gagné. » Ce n’est pas pour demain. Il faut être capable de contempler cela de loin, mais ce qu’on peut faire dans notre génération, ce n’est pas long 70 ans. Quand on est capable de voir loin, on est capable de s’apercevoir que nos origines cosmiques remontent à 13 ou 14 milliards d’années, et on croit qu’on va tout solutionner d’ici une ou deux générations? Mais ce qu’on parvient à faire dans notre génération, ça sera ça de fait. Je suis très utopique, mais je ne le suis pas pour demain matin. Je me dis que je suis capable de faire quelque chose, surtout au niveau de la conscientisation. Par exemple, on se ramasse et on ne laisse pas trainer nos affaires dans la nature.
Ce sont aussi ces petits gestes qui font que de génération en génération, on va arriver à quelque chose de sûrement très beau parce que lorsque je regarde à partir de l’évolution de la matière, comment est-ce que cela a pu créer la vie ? Quand on pense à ça, nous réalisons que nous avons une destinée glorieuse. Donc, il faut être humble en sachant d’où est-ce que nous venons et de l’impact que nous pouvons avoir comme individu sur le monde.
* J’ai des raisons d’être optimiste parce que nous provenons d’une matière brute informe, sans aucune structure, puis cette matière s’est transformée et jusque dans ses plus petits éléments, il y a un niveau de conscience qui est proportionnel à son potentiel. S’il n’y avait pas eu ce niveau de conscience, nous ne serions pas ici. Nous ne serions pas capables de parler, d’écrire, de communiquer, de penser, ce serait le néant. Il y a de quoi être optimiste quand tu vois que tout s’est construit de cette façon et cela s’est fait pour le mieux puisque la vie existe. C’est à très long terme et ce qu’on peut faire au cours d’une génération, ce n’est pas rien. Je ne sais pas s’il y a de la vie ailleurs sur d’autres planètes, mais de toutes celles que j’ai visitées, celle-ci est la meilleure.
Rire général
* Ce que je trouve difficile, quand tu veux essayer de faire quelque chose, comme le compostage, ils n’ont pas expliquer aux gens à quoi servait les petits bacs gris. Ils n’ont pas assez informé la population. Je vis seule, mais je le fais quand même parce que je me dis que c’est mon geste pour améliorer la planète. On veut changer les choses et que les gens adhèrent à cela, mais je trouve qu’il manque d’information par rapport à cela. Il manque aussi d’accessibilité. Je vis dans un édifice avec 200 appartements et nous avons une seule poubelle de recyclage qui déborde tout le temps. Ça ne marche pas, ça n’a aucun sens. C’est difficile de sensibiliser les gens qui vivent dans mon édifice.
* Je pense que Steven Guilbeau est rester bien intentionné au sujet de l’environnement, mais il y a plein de résistances dans la réalité gouvernementale. Il semble avoir frappé un mur. Les gouvernements doivent essayer de plaire à tout le monde au Canada et dans l’Ouest canadien, il y a des pétrolières qui font de l’argent et qui veulent continuer d’en faire. Je pense qu’il va chercher tout ce qu’il peut, mais il y a des murs qui sont difficiles à franchir.
Effectivement, c’est l’art du compromis. Jean-Paul Sartre disait : « Faire de la politique, c’est se salir les mains. » Tant qu’on n’a pas fait de politique, on ne le sait pas.
* J’avais le goût de parler que le Collectif TRAAQ fait partie d’un réseau qui s’appelle la Collectivité ZEN, pour zéro émission neutre. Ce sont des groupes de citoyens qui se mettent ensemble et se disent: Comment est-ce qu’on réalise une transition socio-écologique à l’échelle du Québec? Pour ce qui est des modèles, quand on pense à Frédéric Back, « L’homme qui plantait des arbres », ou Sebatiao Salgado, grand photographe brésilien, qui a recréé un écosystème sur une terre qui était en voie de désertification, cela me donne espoir.
Je tenais à souligner le départ de Karl Tremblay, chanteur des Cowboys fringants, un prophète de l’environnement. Ce soir, tout le Québec pleure. Il nous laisse un grand héritage et cela donne une inspiration. Qu’est-ce qu’on va faire de notre vie ? Lui, il a été utile en 47 ans.
J’ajouterais, que même si vous n’êtes pas des vedettes, votre engagement est indispensable à la société.
* Je trouve cela triste qu’on ne fasse pas plus attention à la planète parce qu’elle est importante pour notre vie. Quand je me couche le soir, je remercie, et chaque soir je dis : Merci de prendre soin de notre belle mère Terre, parce que nous en avons besoin. Nous avons besoin des arbres, des animaux de l’air, de la terre, de l’eau, cela fait aussi partie de la société. Il faut en prendre soin, si on veut la garder.
* Un autre grand que nous avons perdu récemment, c’est Hubert Reeves. Personnellement, c’est quelqu’un qui m’a beaucoup inspirée. C’est un peu comme David Suzuki, lorsqu’il a pris sa pseudo retraite il y a quelque temps et il disait : « J’ai l’impression que j’ai fait cela pour rien. » Mais il n’y a jamais rien qui est fait pour rien. Je vous suggère d’aller voir le film d’Hubert Reeves : « La Terre vue du cœur », et la suite qui vient de sortir : « L’océan vu du cœur. »
* Merci Justin pour ton animation.
* C’était le fun de rêver un peu avec l’utopie.
* Ça nous ouvre les yeux sur des choses auxquelles nous ne prenons pas le temps de réfléchir.
L’analyse qui est ressortie ce soir, était davantage axée sur la justice sociale que sur l’environnement. Ce qui est intéressant avec cet atelier, c’est que cela parle vraiment de nous. C’est intéressant de voir, que selon les groupes où l’on présente l’atelier sur l’éco-anxiété, les résultats sont différents, mais cela se rejoint. Nous avons beaucoup d’arrimages communs selon nos luttes et c’est très intéressant à observer. Josyanne.
Propos rapportés par Yves Carrier
Bacs de compostage de Craque-Bitume