Au point de vue local, national et international, sur les plans économique, politique, social et environnemental, dans le but de se donner des pistes d’espoir pour continuer d’avancer ensemble.
Bonjour, je m’appelle Yves Carrier et ce soir nous allons faire ensemble un exercice d’analyse de la conjoncture pour nous efforcer de comprendre les lignes de forces et les interrelations entre les différentes informations qui nous sont transmises par les médias. Cet atelier n’a rien d’exhaustif, il se veut plutôt un partage où chacunE est invitée à contribuer.
Alors, j’ai fait un tableau à trois colonnes verticales : local, national, international, traversées par quatre perspectives : économique, sociale, politique et environnementale. Lorsque vous nommerez un événement de l’actualité qui a retenu votre attention au cours de l’été, nous essayerons de le situer. Il se peut également qu’un thème soit transversal à plusieurs dimensions.
Je propose que nous ajoutions une première colonne pour le plan individuel, pour prendre conscience que ce qui se passe dans le monde non seulement me concerne, mais que c’est aussi le premier endroit où je peux avoir du pouvoir sur ma vie. On parle beaucoup du tissu social, mais l’individu est caché dans cela alors que la qualité de ce tissu dépend de la qualité de chaque individu. Nous réclamons beaucoup que l’extérieur change sans porter le regard sur soi, sur nos propres connivences avec le système et l’ordre du monde actuel. Il faudrait être le changement qu’on aimerait voir chez les autres. Si personne ne change, rien ne changera jamais. Michel Leclerc
Pas de problème, je dirais même que c’est une excellente suggestion.
Monique : Inflation
Yves : Bravo, c’est transversal à toutes les colonnes.
Ghislain : Pollution
Yves : Ça aussi c’est transversal.
Monique : Nous ne pollutions pas tous dans les mêmes proportions.
Christian : On nous pollue la psyché.
Monique : L’argent aussi c’est transversal, cela affecte tous les aspects de nos vie, de la société et du monde.
Christian : Mets le au-dessus comme dieu tant qu’à y être.
Michel : La régulation de la planète, c’est une remise en équilibre que l’environnement essaie de faire et la crise climatique, c’est l’impact que nous subissons.
Madeleine : Ma liberté se termine où commence celle des autres.
Robert : Elle a une définition libérale de la liberté. Moi j’ai une définition anarchiste : « Ma liberté s’accroit avec celle des autres. »
Christian : C’est comme le slogan de Mai 1968 à Paris : « Il est interdit d’interdire. »
Mario : Qu’est-ce que c’est la liberté?
Yves : Est-ce que c’est la liberté d’avoir un gros 4X4 ?
Ghislain : Les conflits syndicaux et les grèves.
Yves : Ici, on peut faire un lien avec l’inflation et le capital qui s’accroit au détriment de la population.
Suzanne : Les inondations partout dans le monde.
Claude : À cause des feux de forêt, le prix du bois d’œuvre va augmenter au cours des prochaines années.
Yves : On peut voir qu’il y a aussi un lien entre les effets de la crise climatique et le prix des ressources naturelles disponibles. À court terme, pour un an, le prix du bois va baisser parce qu’ils doivent récolter ce qui a brûlé. Mais passé ce délais, les insectes vont détruire le bois, et là nous risquons d’en manquer. Donc, le prix va augmenter.
Monique : Je trouve que la pénurie de main-d’œuvre rejoint celle des ressources.
Yves : Oui, mais cette pénurie est au Canada pas partout dans le monde. C’est une raison démographique. On a arrêté de faire des enfants.
Fernand : Je remarque qu’il y a des problèmes de gouvernance dans nos différents niveaux de représentations politiques, locales, nationales et internationales.
Yves : Est-ce qu’on pourrait aussi dire que les gens ne se gouvernent plus eux-mêmes ?
Fernand : Je crois que c’est dû à la façon dont le système est organisé. Les députés de l’opposition sont obligés d’être contre, même si individuellement ils voudraient parfois se rallier.
Yves : Si tout le monde recherche son intérêt particulier, nous ne pouvons pas nous entendre. Nous devons être capables ensemble de contempler le bien commun.
Christian : L’individu est situé au centre de tout.
Robert : Le problème, c’est la rigidité de certains individus.
Mario : L’individu est le résultat d’un apprentissage culturel.
Yves : Mario représente le Sud global. À chaque fois qu’il s’exprime, 6 milliards d’humains s’expriment à travers lui. Je voulais aussi que nous disions des choses positives à travers cette analyse de la conjoncture. J’ajouterais donc la rencontre des BRICS, Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, et d’autres pays qui se sont joints à eux pour faire contrepoids à l’hégémonie occidentale dans le monde.
Christian : Tant qu’à y être, écrit le G-77 qui s’est réuni à Cuba avec 134 pays.
Yves : L’occident s’autoproclame « opinion internationale ». Mais j’écoutais un universitaire français qui disait : « L’opinion internationale est une illusion que nous avons sur nous-mêmes ».
Mario : Il y a des éléments qui ont été relevés qui démontrent une crise plus grave comme ce que j’ai dit sur l’immigration. Il y a une crise migratoire qui a été accentuée par la pandémie et la crise économique qu’elle a provoquée dans les pays du Sud Global. Si on trouve qu’ici l’inflation est grave, que la pauvreté augmente et l’itinérance, au Sud la crise est plus grave et plus profonde. Les gens fuient leur pays, mais aussi les mesures d’austérité imposées par l’occident. Au Canada, il y a un millions d’individus sans statut. L’an dernier, le gouvernement fédéral a promis qu’il allait régulariser le statut de ses personnes et il ne l’a pas encore fait. Le gouvernement libéral à Ottawa fait de nombreuses promesses qu’il ne livre pas. Il y a des prisons pour les immigrants sans statut. Les sans papiers passent par le Brésil et ensuite ils remontent tous les Amériques à pied en passant par la jungle de Panama. Il y a des Vénézuéliens, des Haïtiens, des Africains, des Afghans, des centroaméricains aussi qui se joignent ensuite à eux. La traversée entre la Colombie et le Panama, c’est très difficile. Ils seraient 3 000 personnes par semaine à passer par là. Haïti vit sa pire crise de l’histoire contemporaine. Pour conclure, la question de l’environnement, une fois de plus c’est un discours que les politiciens utilisent pour mettre en place des mesures qui profitent aux multinationales.
Yves : Tu parles du green washing ?
René : Crise du fentanyl.
Fernand : Le rôle des différentes mafias dans le monde qui corrompent tout ce qu’elles touchent.
Dieu Argent
Conjoncture | Individuelle | Locale | Nationale | Internationale |
Économique | Inflation
L’argent L’alimentation Feux de forêts
Alimentation saine Plein emploi
Pénurie de médecins Individualisme |
Inflation
L’argent L’alimentation Feux de forêts Prix du bois d’œuvre va augmenter Pénurie de main-d’œuvre Privatisation de la santé publique Néolibéralisme |
Inflation
L’argent L’alimentation Feux de forêts
Pénurie de main-d’œuvre
Néolibéralisme |
Inflation
L’argent L ‘alimentation Feux de forêts
Les BRICS
Néolibéralisme |
Sociale | L’argent
L’alimentation Augmentation de la pauvreté Crise climatique L’expression de soi Médias sociaux Criminalité |
L’argent
L’alimentation Crise climatique Conflits de travail Immigration
Désinformation Mafia |
L’argent
L’alimentation Crise climatique Conflits de travail Immigration
Désinformation Mafia |
L’argent
L’alimentation Crise climatique Conflits de travail Crise migratoire
Propagande Mafia |
Politique | L’argent
Division, dénigrement, La liberté individuelle Perte de contrôle de soi Fracture numérique |
L’argent
Politicaillerie Problèmes de gouvernance
Green washing
Services en ligne sans humain |
L’argent
La politicaillerie La désinformation L’ingérence étrangère Problèmes de gouvernance Green washing Intelligence artificielle |
Guerres et rapports de force
L’argent Problèmes de gouvernance Le G-77 Green washing Néolibéralisme Intelligence artificielle |
Environnementale | Pollution
L’argent Crise climatique Régulation de la planète Feux de forêts
|
Pollution
L’argent Crise climatique Régulation de la planète Feux de forêts Inondations
|
Pollution
L’argent Crise climatique Régulation de la planète Feux de forêts Inondations |
Pollution
L’argent Crise climatique Régulation de la planète Feux de forêts Inondations |
Michel : J’aimerais parler des réseaux sociaux et des déserts sociaux que cela engendre. Plus personne ne se parle, tout le monde regarde son cellulaire. C’est un phénomène qui affecte tous les niveaux et toutes les dimensions de la vie.
Monique : Le ministre de la santé a promis que tout le monde aurait accès à un médecin de famille d’ici 2024. Il a dit qu’il améliorerait le système de santé et ce n’est même pas vrai.
Robert : C’est un pieux mensonge. Il améliore le système de santé, mais pour le privé. Il y a une médecine pour les riches et une médecine pour les pauvres.
Mario : Il faut prendre un rendez-vous pour aller dans une clinique sans rendez-vous.
Yves : Le système de santé est devenu kafkaïen. Le projet loi 31 sur la réforme de la santé.
Michel : Ce n’est pas en mettant de l’argent pour soigner les bobos que tu améliores la santé des gens.
Mario : Le néolibéralisme cherche à privatiser toujours plus.
Yves : Tout le monde sait aujourd’hui que les prémices du néolibéralisme sont fausses. Que la liberté du marché va accroître la richesse générale. Ce n’est qu’un autre mensonge pour s’emparer du bien public. Je ne comprends pas qu’il y ait encore des gens qui portent ce discours fallacieux.
Mario : Ce matin, j’ai entendu à la radio qu’il n’y avait pas assez de médecins dans le réseau public parce que le privé est en train de les attirer. Les cliniques privées sont plus susceptibles d’engager des médecins venus d’ailleurs.
Michel : C’est ce que nous avons fait à l’international en allant chercher les infirmières et les médecins ailleurs.
Monique : L’intelligence artificielle, ce n’est pas tout le monde qui a accès à cela.
Ghislain : La fracture numérique.
Monique : Si tu n’as pas accès à internet, tu ne peux pas prendre rendez-vous ou te faire soigner.
Yves : Ici, il y a deux sujets. La fracture numérique, c’est ceux ou celles qui n’ont pas les instruments pour accéder à internet. L’intelligence artificielle, ce sont les ordinateurs qui commencent à penser par eux-mêmes et qui, dans un avenir rapproché, vont prendre des décisions à notre place, selon leurs paramètres. Selon un chercheur de l’Université de Montréal qui a participé à sa création et nous met en garde contre cette nouvelle menace pour l’humanité : « L’intelligence artificielle est un système global et tout système fait en sorte de chercher à se préserver et à enrayer les menaces éventuelles à son existence. »
Mario : Lorsqu’on paie sans passer par un caissier, est-ce que c’est de l’intelligence artificielle ?
Yves : Ce serait plutôt la robotisation et l’automatisation qui éliminent des postes de travail.
Ghislain: Il y a des robots dans les hôpitaux maintenant.
Mario : Dans les restaurants aussi.
Yves : La menace de l’intelligence artificielle, c’est qu’avec l’ampleur des menaces qui pèsent sur l’humanité, la démocratie est incapable de s’entendre pour mettre en place des solutions efficaces, alors la tentation sera de confier les décisions difficiles à la cybernétique. Rendu là, nous aurons créé notre propre dieu, il voit tout, il sait tout, il est partout, et avec l’intelligence artificielle, il sera tout puissant, omnipotent et omniscient. D’ailleurs, Karl Gustav Jung nous prévient que la divinité ne disparait jamais, elle ne fait que se transformer. À ce moment là, l’intelligence artificielle va décider pour l’humanité ce qui est permis ou interdit de faire, comment nous devons travailler, nous divertir et consommer, quelle est l’espace de notre liberté. Elle est même déjà capable d’inventer des récits et d’influencer notre opinion.
Christian : Mais nous ne sommes pas obligés d’accepter cela.
Yves : Penses-tu vraiment qu’ils vont nous demander notre avis.
Mario: Déjà les téléphones intelligents nous écoutent et nous envoient de l’information à propos des sujets que nous abordons. Ils nous écoutent, mais en plus, ils apprennent. Chat GPT est capable de créer de la poésie ou d’inventer des histoires. Tu le corriges et il apprend. C’est un système interactif. Quel est maintenant le rôle des interprètes si maintenant les téléphones intelligents le font ? Il y a plein d’emploi qui vont disparaître.
Christian : En plus l’intelligence est orientée par ceux et celles qui les structurent.
Michel : Je dirais que si l’humain n’est pas capable de passer du mental rationnel au supra-mental, à un autre niveau plus global qui communique avec l’intelligence cosmique de la nature qui est partout présente. Il faudrait se demander qu’elle sera la prochaine étape d’intégration humaine ? Il ne s’agit pas de se développer, mais de se réenraciner dans la vie, dans l’intelligence.
Jean : Il y a la répression des individus.
Yves : Entre les États se sont des rapports de force qui s’exercent et la répression devient la guerre.
Mario : Toujours la technologie cherche à nous faire consommer.
Madeleine : Mais la technologie nous offre de meilleurs services aussi. En voyage, j’utilise google map pour me repérer par exemple.
Yves : C’est que l’intelligence artificielle peut inventer une histoire de toute pièce et même générer des images. Ensuite, elle peut le diffuser sur les réseaux sociaux. C’est déjà le cas, alors imaginer ce pouvoir dans 20 ans.
Madeleine : C’est de la manipulation informatique de l’opinion publique pour influencer les résultats électoraux.
Michel : Jung appelait cela une peste psychique. Cela engendre une force au niveau de la psyché humaine. C’est une forme de manipulation à un autre niveau.
Mario : Ils ont toujours cherché à faire cela.
Yves : Jung dit que chaque nation a son inconscient collectif, alors on porte les traumatismes des générations qui nous précèdent. L’inconscient collectif serait comme un miroir que l’individu porte une part d’ombre en lui-même qu’il refuse de voir un peu comme les préjugés ou des biais implicites.
Michel : Les Hindous le percevaient puisque nous ne sommes pas séparés à ce niveau. Nous sommes interreliés et participons d’une trame commune, comme une vague qui fait partie de l’océan.
Robert : La guerre de 30 ans, de 1618 à 1648, pourrait expliquer, selon le concept de l’inconscient collectif, les origines de l’Allemagne nazie. C’est une guerre de religion où les royaumes catholiques et protestants se sont battus sur le territoire allemand en pillant et en détruisant tout ce qui s’y trouvait, entrainant la ruine et le désespoir pour ses peuples. Cela a créé beaucoup de ressentiment chez cette population. L’inconscient collectif fonctionne sur des siècles et des millénaires.
Yves : D’après Jung, l’occident elle-même aurait un inconscient collectif qui l’amène à penser que nous sommes toujours les meilleurs et que nous possédons la vérité sur tout. Ainsi, l’occident croit pouvoir montrer aux autres nations le vrai chemin vers la démocratie, la liberté et les droits humains. C’est la prétention de l’occident, mais le danger c’est que l’occident se croit dans ce récit. Sauf que les autres pays ne nous croient plus, surtout après les guerres d’intervention en Afghanistan, en Irak, en Lybie, en Syrie, au Yémen.
Christian : Je m’exclus.
Yves : Qu’est-ce que tu veux dire ?
Christian : De cette vision.
Yves : Oui je parle de la propagande qu’on nous sert dans les médias et que les politiciens colportent. Sauf que les médias, c’est du monde comme nous, qui vont à l’école, à l’université. Ils sont sincères dans ce qu’ils disent parce qu’ils y croient, mais aujourd’hui, il n’y a plus beaucoup de journalistes internationaux. Souvent, nous n’entendons que les traductions des versions officielles fabriquées dans les grandes capitales occidentales.
Christian : Quand tu sors de l’université comme journaliste, tu as appris comment mener une enquête.
Yves : Si tu es trop critique envers la pensée dominante, tu ne travailleras pas comme journaliste. Certains réussissent à passer à travers les filets pour ce qui est de la scène locale, mais les informations internationales sont davantage soumises à l’idéologie occidentale.
Michel : Moi je parlerais de la socialisation par l’éducation, les valeurs et les rôles attribués à chacun, correspond en fait à une domestication des individus. Quand c’est rendu à l’université, on appelle cela la culture.
Madeleine : Je voulais trouver quelque chose de positif à dire ce soir.
Yves : Avez-vous des choses positives à nous partager.
Jean : Ça va tellement mal, que cela ne peut pas faire autrement que d’aller mieux.
Yves : Je suis d’accord avec Michel sur le point qu’en tant qu’individu, même si notre influence politique, économique ou sociale n’est pas énorme, on peut commencer par gouverner sa propre vie. Nous ne sommes pas obligés de suivre les impératifs publicitaires, nous avons quand même des marges que nous devons occuper: Prendre la parole dans les assemblées, dire ce qu’on pense, se mobiliser, se concerter, s’informer, de réfléchir, de se connecter avec la Terre, etc. À mon sens, la corruption, ce n’est pas juste de l’argent qu’on reçoit dans une enveloppe, c’est se laisser pourrir en quelque sorte.
Madeleine : Si tu te sens bien, tu vas être capable d’aimer les autres, de t’aimer et d’aider les autres. Cela part de soi, mais il faut que cela aille vers les autres.
Michel : Il faut d’abord être bien avec soi-même, mais il faut ensuite être capable de l’extérioriser. L’engagement social, c’est déjà commun dans la vie, dans le supra-conscient. Il faut la matérialiser à l’extérieur de nous. Dans les médias on parle des structures, mais on ne parle jamais comment nous sommes dans notre essence. Il faut être capable de se regarder si on veut changer.
Yves : Dans les dynamiques de groupes, pour durer, cela ne peut pas fonctionner dans la jalousie et le mépris de l’autre. Il faut avoir une hygiène mentale pour avoir des relations saines et respectueuses les uns envers les autres.
Ghislain : Comme point positif, je remarquerais l’avancée des droits pour les différents minorités au pays.
Propos rapportés par Yves Carrier