# 339 – Aux sources du Mali

Avec Mamadou Bazan Togola

Ce soir nous accueillons Mamadou Bazan Togola qui rentre tout juste d’un séjour de quelques mois au Mali.

Bonsoir tout le monde, merci pour votre présence. Je suis très reconnaissant d’avoir la chance de vous partager à chaud mes impressions de voyage. C’est rare que nous ayons l’occasion formelle de le faire devant un public attentif. Souvent on a envie d’échanger sur les nouvelles expériences que nous avons vécues, mais pour cela il faut avoir une écoute.

Je suis dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs pour vous parler du Mali et du parcours qui m’a conduit là-bas à nouveau. En 2015-2016, ça a été mon premier long séjour au Mali, trois mois, alors que j’avais  à peine 20 ans. Je commençais tout juste à m’intéresser sérieusement à la photographie. J’avais des idées en tête de ce que je voulais faire, mais je n’avais pas encore la technique, ni le matériel nécessaire pour avoir la qualité que j’ai aujourd’hui. J’étais aller au Mali pour voir ma parenté et mes grands-parents et pouvoir passer plus de temps avec ma famille. Je suis issu de deux grandes familles et j’estimais qu’un mois ce n’était pas suffisant pour rencontrer tout le monde. Il y a plusieurs générations qui vivent à la ville, à la campagne ou dans la brousse. Pendant ce voyage, j’ai pris des photos avec une intention claire et nette qui était de présenter le Mali sous un angle différent et de transformer la perception de ce pays en-dehors des stéréotypes. À travers l’œil de quelqu’un qui a grandi dans un pays occidental, mais qui a été élevé par des parents d’origine malienne, j’estimais que j’avais une meilleure vision de cette culture qui me permettait de dépasser une vision

touristique ou stéréotypée dans le format classique qu’on connaissait déjà. Au cours de ce voyage, j’ai pris énormément de photos avec une intention artistique, mais je n’avais qu’un petit appareil de 12 pixels.

J’appelle cela des récits de voyages parce que cela raconte les déplacements que j’ai effectués à travers le pays. Cela m’a permis de rencontrer beaucoup de gens, de développer l’usage de la langue locale, de comprendre les coutumes aussi. C’est là que j’ai commencé à cacher les visages et surtout le mien à l’intérieur de cette démarche. Je voulais présenter ce récit photographique comme si le narrateur était omniprésent, mais on ne le voit pas. On ne sait pas qui c’est exactement, mais c’est la personne qui raconte l’histoire. En voilant mon visage, c’est comme si je parvenais à raconter l’histoire sans perturber les actions des gens. Les gens n’aiment pas qu’on les prenne en photo, ils tiennent à leur intimité. Avec les tensions qui existent et les conflits dans le nord du pays, les gens sont plus prudents et ils ne se font pas photographier. De fait, j’aime mieux photographier des points de vue que des personnages pour que tout le monde puisse se sentir interpelé et se projeter dans l’image. J’ai vraiment voulu explorer comment des photos prises avec un œil occidental, mais avec une compréhension de l’intérieur de cette culture.  La manière que j’utilise les couleurs c’est pour distinguer les dimensions du rêve et de la réalité. Il y a beaucoup de gens qui ne sont jamais allés au Mali et il y a beaucoup de  gens au Mali qui ne sont jamais allés ne serait-ce que dans une grande ville. C’est une manière de rendre utopique ces régions, de susciter un rêve.

Mon premier déplacement en brousse, ce qu’on appelle la campagne ici, ce sont des territoires larges où l’on va cultiver la terre. Ce sont des endroits assez éloignés de la ville et qui sont dépourvus d’électricité et d’internet. Ce sont des belles régions où la culture du pays est davantage préservée parce que l’influence occidentale les a peu atteints, de même pour l’empreinte du colonialisme qui a été beaucoup moins forte. C’est le meilleur endroit pour saisir l’essence de la culture et des coutumes. Le Nord du Mali, c’est le désert. Cela ressemble au Québec parce que la région peuplée se retrouvent sur les bords du fleuve Niger, ensuite il y a la brousse qui correspond ici à la campagne de la vallée du Saint-Laurent jusqu’au Lac-Saint-Jean et l’Abitibi, mais la majeure partie du territoire est inhabité, c’est le désert qui est parcouru par des peuples nomades, les Touaregs au Mali et au Québec, les Innus, les Algonquins, les Cree et les Inuits.

À mon retour, j’ai réalisé que j’ai vécu ce voyage avec l’œil d’un occidental, pas avec les yeux d’un Malien parce que je suis né et j’ai grandi au Québec. À par la couleur de ma peau, je me sens complètement Québécois. C’est là-bas que j’ai commencé à le réaliser. C’est pour changer mon regard que j’y suis retourné afin de me rapprocher de la culture de mes origines.

Lors de mon premier voyage, je ne maitrisais pas assez bien la langue, alors il y a beaucoup de messages que je n’ai pas compris. J’ai surtout parlé avec des gens qui parlent français, mais ce sont les gens éduqués qui habitent les grandes villes aussi, ils ont été davantage influencées par la culture occidentale et le système français. Au Mali, il y a énormément d’ethnies et de peuples autochtones qui parlent une diversité de langues comme le Peul, le Sonrhaï, les langues Touaregs, l’arabe aussi est utilisé en plus du français dans l’administration publique. L’une des particularités du Mali, c’est qu’il y a eu beaucoup de conquêtes de différents empires. Alors, chacune des ethnies a assumé le pouvoir à un moment donné. Aujourd’hui, les ethnies sont presque toutes métissées et il règne une bonne entente entre elles. On ne voit pas de racisme entre les ethnies et il y a beaucoup de respect les uns envers les autres parce que tout le monde est plus ou moins métissé. À Bamako, la capitale, c’est le français et le Mamba ra qui dominent, sinon à Tombouctou cela parle beaucoup français. Les Tamasheks ou les Touaregs parlent principalement français, arabe ou touareg.

Quelle est la superficie du Mali ?: 1 240 000 km2

Quelle est la superficie du Québec ? : 1 668 000 km2

Le mot Mali signifie « hippopotame ». Bamako signifie « dos de crocodile », parce que situé au bord du fleuve Niger on pouvait y observer le dos des caïmans. Malgré que le nord du pays soit semi-désertique, le Mali est un pays d’eau. De fait il y a beaucoup d’agriculture autour du fleuve Niger.

 

Qu’en est-il des problèmes avec le groupe armé Boko haram ?

C’est souvent exagéré je pense. Il existe 16 ethnies touaregs au Nord du Mali et les conflits avec celles-ci ne concernent que 2 d’entre elles. Souvent les informations sont rapportées sans nous situer dans le contexte général alors cela donne l’impression qu’il y a une guerre entre le nord et le sud, mais c’est beaucoup plus complexe que cela. Il y a 2 groupes minoritaires au nord qui revendiquent un territoire et il y a des négociations qui se tiennent depuis de nombreuses années. Par ailleurs, le gouvernement français a introduit des armes au Mali à une certaine époque pour attiser certaines divisions. Souvent on cherche à régler un problème en n’en créant un autre. C’est un grand débat. L’insécurité dans un pays comme le Mali, cela arrange beaucoup de gens.

Lors de mon second voyage, avec une meilleure maitrise du Mamba ra, j’ai pu entrer en interaction avec des gens du Mali profond qui ont reçu moins d’influence de l’étranger dans leur vision du monde. Cela m’a donné accès à une autre perception de la réalité. Cette année, je suis aller chercher des archives, j’ai pris plus de temps pour m’assoir avec les aînés, mes oncles, mes tantes, mes grands-parents, pour recueillir le maximum d’informations qui ne sont pas écrites. J’ai réalisé beaucoup d’enregistrements. Il ne faut pas oublier que c’est d’abord une culture orale et pour eux la transmission doit se faire oralement. Sauf que ma génération est passée à internet comme principale source d’information. À cause de cela, tranquillement, nous sommes en train de perdre notre culture. Tout ce qui va rester, c’est ce qui est écrit.

Quelles sont les principales ressources naturelles du Mali ?

La principale richesse ce sont les gens, la culture. Les richesses qui sont dans le sous-sol comme l’or n’ont de valeur que parce qu’on leur en accorde. Mais en réalité, si tu n’as pas d’eau, si tu n’as pas de culture qui alimentent les relations sociales, tu n’as rien.

Comme vous voyez sur la carte, au centre il y a Tombouctou qui a été un centre universitaire historique très ancien qui rayonnait du Maroc à l’Égypte avec l’avènement de l’Islam. Ça a été une zone de commerce et d’échanges, donc il y a beaucoup de pays arabes, même européens, qui traversaient le désert pour aller à Tombouctou.

Au sud-ouest se trouve Bamako, la capitale moderne, auprès du fleuve Niger. C’est la région où l’on retrouve la plus forte densité de population.

On voit sur la carte que le fleuve Niger trouve sa source dans les montagnes du Libéria d’où il s’écoule vers le nord-est avant de tourner au sud-est pour déboucher dans l’océan Atlantique au Nigeria.

J’ai commencé à remplir des commandes de photos qui concernent l’alimentation pour décorer des appartements ou des restaurants, des photos d’ambiance aussi ou de gens rassemblés. On mange en groupe en pigeant dans le même plat. Cela augment l’appétit et favorise le côté social. J’ai observé une corrélation inverse dans des pays comme le Mali entre le développement social et le développement de la dimension individuelle. On y retrouve de nombreuses coutumes et habitudes de vie communautaires qui sont très fortes et très développées depuis des millénaires, alors qu’ici nous sommes plu axé sur l’individualisme. Les maisons sont construites en fonction du mode de vie. Les pièces et les maisons sont plus petites qu’ici, sauf qu’on vit à l’extérieur. La cour est vraiment grande, c’est là que se trouve le lavoir et la cuisine, alors qu’à l’intérieur on retrouve la salle de bain, les chambres et le salon. C’est pourquoi la cour est placée devant la maison et non à l’arrière. Les maisons sont différentes les unes des autres et reflètent la personnalité de chaque famille.

Une partie de ma famille est originaire du Nord du Mali de Kidal, du peuple Tamashek, proche des Touaregs. Le père de mon père est Peul et sa mère est Tamashek donc ils ont le teint beaucoup plus clair. Ma mère est une Peule, peuple éleveur nomade.

L’architecture des maisons est vraiment basée sur les conditions climatiques et l’environnement. Elle correspond aussi aux conditions de la famille, si elle est bigame ou monogame, s’il y a plusieurs enfants ou pas. En brousse, la cuisson est faite sur feu de bois. Les maisons construites de manière traditionnelle sont en terre battue. Celle-ci conserve vraiment sa fraicheur durant le jour et sa chaleur durant la nuit contrairement au ciment. Par contre, il faut les entretenir à tous les trois ou quatre ans au contraire du ciment qui permet de construire des formes beaucoup plus audacieuses. Les nouveaux bâtiments modernes sont tous en béton qui lui absorbe la chaleur pendant le jour. L’avantage du béton est qu’il est moins cher et plus rapide pour la construction.

La présence de la religion musulmane est très importante au Mali qui est proche des pays arabes situés au nord comme le Maroc et l’Algérie. On est proche de l’Afrique de l’Ouest et des pays arabes dont l’influence se fait sentir. C’est pourquoi j’encourage les gens à cesser d’employer le mot Afrique parce que ce terme implique trop de cultures et de réalités différentes pour signifier quelque chose de concret. Dans chaque pays, on retrouve des spécificités différentes, des coutumes, des religions, des langues, alors l’Afrique est singulière dans chacun d’eux. Ce que vous avez savouré aujourd’hui, ce ne sont pas les mêmes mets au Cameroun, en Côte-d’Ivoire ou au Congo, même chose pour les danses, la musique.  Donc, il y a énormément de différences entre chaque pays et parfois à l’intérieur même d’un pays. Pour le discerner, il faut porter attention et intérêt.

L’agriculture produit du riz, du mil, de maïs et aussi de grands jardins avec des arbres fruitiers. Dès qu’il y a de l’eau, la terre est très fertile. En moyenne, il fait 35 degrés Celsius à tous les jours, mais c’est sec. L’hiver là-bas, la température descend la nuit à 15 ou 16 degrés, ce qui fait que les avant-midis sont fraiches. Il faut bien s’habiller parce que les maisons ne sont isolées comme ici. Le pic de chaleur se produit entre midi et 14 heures, c’est à ce moment que les gens ralentissent leurs activités. Ils prennent leur pose, ils boivent du thé ou ils font la sieste. Présentement, la période chaude recommence et la température monte à 40 degrés Celsius.

On se déplace beaucoup en moto ou en mototaxi dont certains ont trois roues. Les routes dans les campagnes sont souvent non pavées alors il y a beaucoup de poussière dans l’air, tellement qu’il faut mettre un masque lorsqu’on se déplace. On voit aussi quantité d’anciens modèles de voitures qui proviennent d’Europe. Ils les réparent et elles peuvent durer plusieurs années encore. Les peuples nomades se déplacent avec leur troupeau de bœufs alors tu peux voir parfois en ville que la circulation est bloquée parce qu’un troupeau traverse un boulevard. Là-bas, les animaux de compagnie, chats et chiens, sont libres d’aller et venir et ils se joignent à leur maitres à l’heure des repas. Ils se nourrissent des restes alors peu de choses se retrouvent à la poubelle. Le chat mange avant le chien.  C’est beau de voir qu’ils jouissent d’autant d’autonomie. Je trouve cela triste ici que les animaux de compagnie soient toujours enfermés ou attachés.

On pratique les sacrifices d’animaux. Les gens se cotisent pour acheter un animal, on pratique le rituel puis on partage la viande entre les personnes et une partie est réservée pour les amis et les membres de la famille. Il faut se mettre dans la peau d’une autre culture pour l’accepter. Trop souvent ici, les médias présentent les choses de façon péjorative alors que cela devrait être présenté sous une forme de naïveté. C’est-à-dire qu’on ne connait pas cette culture, ni d’où ces pratiques proviennent, et on la juge selon nos critère occidentaux. Il est faux de prétendre que toute la modernité provient d’Occident, alors qu’il y a des pratiques qui sont millénaires. Aujourd’hui, l’Occident redécouvre certains astuces pratiquées par certains peuples depuis des millénaires. Souvent la science découvre des choses nouvelles qui étaient déjà découvertes intuitivement ou par observation depuis fort longtemps. Tout cela pour dire que les époques se mélangent et les cultures diffèrent, mais il y a des coutumes qui s’expliquent très bien si on prend la peine d’oublier notre savoir pour un instant afin d’accueillir ce qui est devant nous pour comprendre le point de vue de l’autre.  Il faut prendre une distance par rapport à soi-même et ses connaissances avant de critiquer l’autre. Il faut prendre le temps d’oublier pour pouvoir apprendre.

Il y a environ 20 millions d’habitants au Mali. Quand mon père est né il y a 60 ans, il n’y avait que 3 milliards d’individus sur Terre, aujourd’hui nous atteignons les 9 milliards. C’est énorme comme accroissement de la population et la pression que cela induit pour la terre, les ressources hydriques et la pollution que la surconsommation implique. Il y a du poisson dans le fleuve Niger, mais moins lorsqu’on s’approche des grandes villes où l’eau est davantage pollué.

J’aime particulièrement photographier les couchers de soleil parce qu’à l’équateur il parait plus gros et les couleurs sont magnifiques. J’aime aussi les scènes pittoresques de la vie quotidienne. Il y a énormément d’oiseaux au Mali et on y entend des chants que je n’ai jamais entendus ici. Certains ont des couleurs incroyables. Le problème, comme ce sont des espèces locales, je ne connais leur nom qu’en Mamba ra, pas en français. Le soleil se couche assez rapidement et les étoiles apparaissent très tôt. À l’équateur, les journées sont de 12 heures, toujours pareil, ce n’est pas comme ici où il y a une grande différence entre l’hiver et l’été. J’essaie de présenter des choses connues sous un œil différent pour nous déshabituer de ce que nous avons toujours appris et donc compris. J’essaie d’amener des effets qui font réagir les observateurs.

En ville, la particularité, c’est qu’il y a beaucoup d’activités, c’est vraiment dynamique, on y trouve de toutes les cultures, langues, religions. Les jeunes y sont beaucoup plus proches de la culture occidentale, de la mondialisation et  de tout ce que cela leur offre, le meilleur comme le pire. Au Mali, les garçon jouent au soccer et les filles au basketball. L’une des particularités là-bas, c’est qu’avant l’âge de 18 ans, tout le monde fait du sport.

Le point faible, c’est la gestion des déchets. On voit souvent des ordures aux bords des routes ou près d’un marché.  Souvent on les brûle, mais cela cause de la pollution de l’air à cause des plastiques. Il n’y a pas un bon système pour recueillir les poubelles.

Souvent, les expatriés se font construire une résidence secondaire au Mali, à Bamako surtout. Alors la valeur des maisons a commencé à augmenter et comme la densité de la population est assez élevée dans la capitale, ils ont commencé à construire de nouveaux quartiers sur les collines à l’est de la ville. C’est aussi pour cette raison que les gens se font construire en périphérie de la capitale.

Quel est le revenu moyen ?

Je ne connais par le revenu moyen par habitant, mais j’ai commencé à m’interroger sur les critères occidentaux du bonheur, toutes les questions associées au niveau de vie et au salaire. Le PIB ce sont des concepts occidentaux et ces nombres ne reflètent pas nécessairement la qualité de vie des gens. Lorsqu’on observe d’autres indicateurs comme les taux de suicide, de maladies mentales, de dépression, les problèmes familiaux, les problèmes sociaux, qui sont davantage prépondérants en Occident que dans les pays du Sud global, on établit trop rapidement une concordance entre bien-être matériel et qualité de vie. Alors, j’ai commencé à m’interroger sur la pertinence de connaître la quantité de revenu des gens.

Quand tu observes la manière que l’argent est distribué à travers la famille, parce que la priorité ce n’est pas tant le gain personnel que de redistribuer l’argent au sein de la famille. Avant toute chose, le but est de subvenir aux besoins élémentaires des membres de la fratrie. Ensuite seulement, si ce but est atteint, on peut commencer à accumuler des richesses. Alors qu’ici, dès qu’on acquiert son indépendance financière, on s’affranchit de sa famille et on n’a plus d’obligation envers cette dernière. On s’enrichit plus rapidement, tout en s’éloignant des autres. Je pourrais dire que la vie est plus simple au Mali. Les besoins fondamentaux c’est de se nourrir, d’avoir un toit et d’être bien entouré. Ensuite, ce qui vient après, c’est du bonus. Je trouve qu’ici nous avons tellement dépassé ce stade que cela soulève de nombreuses questions sur le sens de la vie. On semble avoir perdu le but ou l’objectif de tout cela. Là-bas, quand tu travailles pour gagner de l’argent, tu sais que cela va servir à quelqu’un et tu ressens la reconnaissance pour le travail que tu réalises dans la société. Autrement dit, tu ne travailles pas pour toi, mais pour les autres avec les autres. On dirait que les gens s’oublient un peu moins facilement parce que chacun a besoin des autres. Les tâches sont bien réparties. Si tu as besoin de réparer quelque chose, il y a toujours quelqu’un qui sait faire cela, pas comme ici. Ceci fait en sorte qu’ici nous avons perdu le sens de la reconnaissance du travail d’autrui.

Les gens sortent après le coucher du soleil lorsque la température devient plus confortable. Il a une certaines vie nocturne, des matchs de soccer, des boîtes de nuit, etc. Pendant le mois du Ramadan, les commerces vont être ouverts après le coucher du soleil par exemple.

En face de Bamako, il y a une ile qui est consacrée à l’agriculture. On ne peut y accéder qu’en pirogue et c’est le peuple Bozo qui y habite. C’est une ethnie qui tire sa subsistance de l’eau ou des berges du fleuve Niger. Ce sont principalement des pêcheurs. C’est un village créée au moment de l’indépendance et qui existe depuis une soixantaine d’années. Nous sommes allés les visiter. Il existe une coutume au Mali, lorsque tu arrives chez quelqu’un qui est occupé à une tâche, tu l’aide à terminer avant de commencer à lui parler.  Alors, il était en train de récolter les feuilles de patates douces, on fait des sauces avec ça, tout en l’aidant, on lui posait des questions. Quand nous avons terminé la tâche, nous sommes partis. Sur cette ile, tu n’as pas la même dynamique qu’à Bamako qui est toute proche. Tu n’as pas la même densité humaine ou les bruits de la circulation comme les klaxons, la pollution ou la poussière. L’eau aussi y est plus claire.

Je trouve que les classes sociales se mélangent partout. Il y a des services qui n’existent que dans certains quartiers, alors que tu sois riche ou pauvre, tu dois faire affaire avec toutes les strates de la société. La construction sociale fait en sorte que les enfants plus vieux s’occupent des plus jeunes qu’eux. Très jeunes ils assument des responsabilités au sein de la famille comme de surveiller les bébés. Très tôt on les habitue à accomplir des tâches utiles pour la famille. Il ne faut pas sous-estimer les capacités des enfants à assumer des responsabilités. Trop souvent, on les infantilise et on retarde leur maturité alors que ce sont des habilités qui vont leur servir toute leur vie et ils gagnent ainsi en autonomie. Les enfants vont jouer toute la journée, mais ils  ont aussi des responsabilités pour le bon fonctionnement de la maison. J’ai grandi ici, alors je peux voir le bon et le mauvais côté des choses ici et là-bas. Mon travail consiste à montrer les beautés de ce pays.

Christian : Avec les deux, on peut construire un monde meilleur.

Merci Bazan pour cette présentation.

Propos recueillis par Yves Carrier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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