50 ans de militance à Québec, le 435 du Roi, histoire d’une communauté engagée
Bienvenu au CAPMO. Ce soir, nous allons refaire un peu l’histoire du 435 du Roi que plusieurs considèrent comme un lieu historique de la militance à Québec. Les invités vont nous raconter leur vie de militance et les lieux qui ont été importants pour leur engagement au cours des 50 dernières années. Ils feront aussi référence au Christianisme social qui a été l’inspiration de cette durée dans l’engagement et de leur cohésion comme groupe de personnes engagées. Cette expérience, ils ont choisi de la transmettre en écrivant un livre à plusieurs mains qu’ils viennent nous présenter. Alors, parmi les auteurs nous avons avec nous Paul-Yvon Blanchette, Nicol Tremblay, Florence Paquet, Paul Ouellet, Jean Picher et Marie De Serre. Je cède la parole à Paul-Yvon Blanchette.
Je vais vous présenter ce livre qui s’intitule: « Foi chrétienne et engagement social. » En novembre 2019, Ariane Colin, du Centre Justice et foi, a contacté des personnes engagées socialement et croyantes pour organiser deux rencontres autour du thème du Christianisme social. Elle a mentionné son souhait de rencontrer des gens engagés depuis de nombreuses années dans le syndicalisme et la politique municipale. Plusieurs de ceux et celles qui ont participé à la rédaction de ce livre ont participé à ces rencontres de cuisine. Par ailleurs, les capucins nous ont interpelés pour recueillir nos souvenirs de militance en lien avec eux dans les quartiers centraux de Québec. Entre temps, le film : « Les Fils », sur l’implication social des Fils de la charité à Montréal est sorti. On y aperçoit deux accompagnateurs spirituels du MTC, Lorenzo L’Ortie et Hugo Bonfante qui est le porte-parole principal. Quand j’ai entendu ce qu’il a dit et toutes les manifestations que cette communauté a faites dans le quartier, que ce soit pour le droit au logement, pour conserver une caisse populaire dans le quartier, autant que pour la défense des droits des travailleurs, je me suis dit que notre vécu n’était pas banal. Nous vivons dans un contexte où tout ce qui est religieux inspire le dégoût, où les gens choisissent une religion à la carte, alors nous risquons de nous endormir nous-mêmes dans l’oubli et dans l’ennui. Pourtant ce que nous avons vécu n’est pas banal.
C’est en 1973. Nicol et moi étudiions en foresterie à l’Université Laval. Il est deux années en avance sur moi. Dans la même classe que moi, il y a Pierre Desrochers, c’est lui qui a effectué la mise en page de ce livre. Nicol est en amour avec Marie, ils se marient et ils déménagent en Basse-Ville. Alors, un petit noyau se forme autour d’eux. J’ai déménagé en Basse-Ville en 1974, sur la rue de La Salle. Nous avons alors formé une petite communauté de base. J’ai découvert le Christianisme social vers la fin de mon baccalauréat. J’ai été enflammé par cette vision de foi engagée dans le monde pour le transformer dans le sens de la justice sociale et cette flamme ne s’est jamais éteinte. Alors, nous avons dû convaincre les témoins de cette époque d’écrire leur récit de vie. Jean Dorval a une maison d’édition qui s’appelle : « Le compagnon des ondées » et il a accepté de nous publier. Il est aussi le biographe de Jacques Archibald, le premier permanent du CAPMO et longtemps celui du Mouvement des travailleurs chrétiens. Jean a aussi participé en écrivant un chapitre qu’il signe avec son épouse Francine qui est décédé il y a 3 ans. Le plus difficile à convaincre, ça a été Paul Ouellet, mais nous y sommes finalement parvenus. Nous avions besoin de lui pour écrire la préface et la postface et pour lier les chapitres entre eux en présentant chacun et chacune des auteurs. Il pouvait le faire parce qu’il écrit bien, mais surtout parce qu’il nous connait depuis longtemps. Alors, nous avons ici six récits de vie, c’est la genèse de ce livre. Paul-Yvon Blanchette
Ce livre se lit très facilement, je l’ai lu en une journée. Le fait que je les connaisse me liait en quelque sorte aux auteurs par un phénomène d’attachement. Je vais vous lire un court extrait qui traite du lieu où nous nous trouvons. YC
« Le 435 du Roi et l’action catholique »
L’église Saint-Roch en Basse-Ville de Québec avec ses clochers majestueux représente bien ce qu’a été l’Église catholique au Québec, une puissante institution. Au-delà de cette image, il faut cependant savoir que depuis les années soixante, la communauté paroissiale de Saint-Roch a toujours été animée par le Christianisme social, que ce soit pour réclamer du logement social, accueillir les réfugiés du monde ou regrouper, dès 1973, des gaies et des lesbiennes dans le Centre homosexuel d’aide et de libération, aujourd’hui disparu. Simultanément, au cours des mêmes décennies, on retrouve la même effervescence du Christianisme social au 435 du Roi, une modeste bâtisse située tout près de cette église. Siège des mouvements d’action catholique dont la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne), la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), le RAM (Regroupement action milieu) et le MTC (Mouvement des travailleurs chrétiens), lieu de rassemblement de multiples luttes sociales, adresse du CAPMO, initiateur de la Loi sur l’élimination de la pauvreté. Temple laïc de nombreuses célébrations religieuses à Noël et à Pâques, cercle de partage, de réflexion et de fraternité, ce 435 du Roi est témoin depuis plus de 50 ans de l’engagement indéfectible de nombreuses
personnes au nom des valeurs évangéliques. Dans l’immense cohorte des humains qui ont fréquenté ce lieu, on retrouve nos auteurs et autrices, que ce soit pour y faire une révision de vie ou prier dans une célébration pleine d’espérance. S’il fallait mettre une bannière lumineuse au-dessus de cet édifice, elle ferait clignoter dans la nuit de Québec ces trois mots : « Voir, Juger, Agir ». Voir toutes les situations d’injustice ici et ailleurs, passées, présentes et futures; Juger de leurs causes, de leurs effets, de leur désespoir comme de leur espérance; Agir envers et contre tous, de multiples manières dans les nombreuses facettes de la vie, pour plus de justice, d’égalité et de fraternité, et ne jamais renoncer malgré les coups et les blessures à la bienveillance envers l’autre, comme l’enseigne : « Aimez-vous les uns les autres » de Jésus le Nazaréen. Voilà l’esprit de cet édifice. Si ses murs pouvaient parler, vous entendriez des soupirs de souffrance, des cris de lutte et des alléluias dans les plus hauts des cieux. Modeste 435, où crèche le meilleur de l’humanité, à l’ombre du divin, pur tous ceux et celles qui ont foi au Dieu de Jésus-Christ. » Paul Ouellet
Nous allons maintenant passer la parole à chacun des auteurs présents. Nous entendrons d’abord Marie, ensuite Nicol, je serai le 3ème et Florence la 4ème, Jean le 5ème et Paul va présenter Jean Dorval et son épouse Francine, puis sa synthèse de l’ouvrage. Ensuite ce sera la pause et je suggère que vous reteniez vos questions pour après celle-ci afin de ne pas briser le rythme des présentations. PYB
Il y a deux ans, Paul-Yvon m’a invitée à écrire un récit de vie militante. J’ai d’abord refusé. Finalement, j’ai accepté d’essayer d’écrire quelque chose. Je voyais cela comme beaucoup de travail et je me disais que cela n’intéresserait pas nos enfants. Je suis née à Québec, de famille assez aisée, mon père était optométriste. Mes parents étaient croyants et ma mère était très pieuse et pratiquante. Je pense que j’ai reçu d’eux une bonne base si je peux dire parce que c’était des gens qui étaient généreux et ouverts face aux gens qui vivaient des difficultés. Dans leur vie, ils ont souvent aidé des gens dans différentes situations. Ça a semé une graine en moi. Si je retourne vers mon adolescence, j’ai fréquenté l’école privée, ce qui ne pas permis de m’ouvrir autant que je l’aurais aimé. À l’adolescence, je lisais beaucoup et je m’intéressais à beaucoup de choses. Dans un livre écrit par Dom Helder Camara, il racontait la vie d’une jeune Brésilienne de mon âge et cela m’avait frappée. Pourquoi ma vie était si facile en comparaison de cette jeune fille qui se levait à 5 heure du matin pour aller travailler avant d’aller à l’école?
Ce sont des questions qui montaient et qui sont revenues dans toutes sortes d’autres situations par la suite. Pourquoi j’ai tout et que pour d’autres la vie est si difficile ? Cela m’a amené à développer des intérêts, entre autres pour l’Amérique latine. Puis, je suis allé à l’université en service social, mais je n’ai jamais travaillé dans cela. J’ai été infirmière la plus grande partie de ma vie. Quand j’ai rencontré Nicol, on s’est beaucoup rejoint sur des valeurs communes. Je pense que ça a été déterminant pour nous dont la foi chrétienne que nous partagions, mais une foi qui était de plus en plus incarnée dans le quotidien et qui se voulait ouverte aux autres, une recherche de la justice ancrée dans l’évangile, dans ce que Jésus nous avait laissé comme message. Nous nous sommes mariés en 1973, nous avons eu six enfants, dont deux sont décédés de la mort subite du nourrisson à l’âge de deux mois. Ça a été un gros choc pour nous. Cela m’a amenée vers ce qui a été mon plus grand engagement, « Solidarité deuil d’enfant », un groupe de soutien pour les parents endeuillés qui existe depuis une trentaine d’années.
Nous avons choisi de venir nous installer dans Saint-Sauveur, de vivre dans un milieu moins favorisé pour s’engager dans toutes sortes de choses dans le quartier. Ensuite, en 1983, nous sommes partis travailler comme coopérants au Nicaragua avec nos quatre enfants âgés entre deux et neuf ans. C’était pendant la période sandiniste et la guerre avec la Contra. Nous étions à Managua où il n’y avait pas de combats en tant que tel, mais nous savions que nous étions dans un pays en guerre. Un jour, les autorités ont rapporté le corps du fils d’une voisine qui était mort au combat. Alors la guerre était présente même si nous n’en étions pas directement affectés. L’idée de cette expérience était de faire en sorte que nos enfants et nous-mêmes, apprenions de ce contact avec la réalité des gens. Tout au long de notre vie, je pense qu’il y a une trame de fond à laquelle nous avons été fidèles. Pour moi, être chrétien signifie lutter pour la justice et se préoccuper du sort des autres de façon à ce que tout le monde ait ce dont il a besoin pour vivre et se développer humainement. Dans mon esprit, le capitalisme et le christianisme s’opposent. Nous avons aussi travaillé à mettre sur pied un groupe qui s’appelait : « Chrétiens pour une Église populaire ». Nous voulions faire bouger les choses à l’intérieur de l’Église, nous n’y sommes pas parvenus, mais il y a eu des choses intéressantes dans cela. Pour finir, quel bilan nous faisons de cela ? C’est certain qu’en 1970, il était plus facile qu’aujourd’hui de penser qu’on pouvait changer le monde. Nos enfants héritent d’un monde qui n’est pas rose, mais il ne faut pas nous laisser paralyser par l’inaction, par la peur, ce serait pire encore. On ne peut pas se laisser aller au désespoir. Les jeunes vont trouver des choses nouvelles pour faire face aux problèmes d’aujourd’hui. Il faut à tout prix garder l’espérance. Marie de Serre
À Nicol maintenant.
Moi, je vais y aller davantage en fonction de ce que j’ai vécu. Pour se compléter, il faut être différent. Je suis né en 1948, donc je suis un enfant d’après-guerre. Ma mère était pieuse, mon père l’était moins. Ma grand-mère était très pieuse et mon grand-père plus ouvert pour lui et les autres. C’est sa trace que j’ai suivie. J’ai toujours été proche de la nature, de la campagne et de la forêt. Mes excursions, seul en forêt, ont commencé à l’âge de 12 ans et ça continue encore. Pendant ma jeunesse, j’ai fait mon cours classique à l’externat d’Alma. J’ai été chanceux, comme j’étais poche en dictée, j’ai raté ma dictée d’admission au petit séminaire à Chicoutimi. J’étais bien content de rester à Alma. Lorsque j’étais adolescent, j’allais beaucoup en forêt et à la pêche avec mon grand-père. Il n’était pas un grand pêcheur, mais il aimait ça y aller. Sa devise était : « Vit pleinement, soit bon et fait ce que tu aimes, vas à la pêche et à la chasse. » J’ai aussi été scout pendant de nombreuses années. Ce mouvement à forger mon caractère et il m’a appris des choses. J’ai été éclaireur à partir de l’âge de 13 ans et j’ai terminé comme chef scout à 23 ans. Ces dix années ont fait en sorte que j’ai appris à m’exprimer en public, j’étais quelqu’un de gêner qui ne parlait pas. En préparant des célébrations avec l’aumônier, je suis passé du rôle de spectateur à celui d’une personne qui agit avec sa foi. Ça a été comme un catalyseur à ce moment de ma vie. Ensuite, j’ai vécu mes premières expériences avec des autochtones. Je suis d’origine autochtone des deux côtés de ma famille. La mère de mon père était autochtone et du côté de ma mère, qui était contre les Indiens, elle ignorait que son arrière-arrière-grand-mère était autochtone.
J’ai vu beaucoup de camps saisonniers des Innus, dont l’un derrière notre chalet au nord du Lac Saint-Jean, lorsque j’étais encore enfant. Par la suite, j’en ai vu d’autres chez les Cris parce que j’ai eu la chance d’aller proche de Chapais. Ce que j’ai remarqué, c’est que tous ces camps se ressemblaient, peu importe la nation. Après, je me suis aperçu que mon père et mon oncle maitrisaient ces mêmes techniques. D’où est-ce que cela leur venait ? Peut-être de leur mère? J’ai observé beaucoup de choses sur la spiritualité autochtone, entre autres un crane d’ours qu’on mettait à l’entrée du camp comme protection. J’ai lu un livre sur la spiritualité autochtone et il n’en parlait pas. Mes connaissances que j’ai de cela, c’est ce que j’ai vu de mes yeux.
Je me suis retrouvé à Québec en 1969 pour étudier en génie forestier à l’Université Laval. Je suis allé voir le service de pastoral au pavillon Lemieux et il y avait une messe à 17 h. Puis, j’ai entendu parler d’une montée à Saint-Benoît qui se tenait à l’automne et c’est là que j’ai rencontré Marie. C’est cet automne là que nous avons commencé à sortir ensemble pour nous marier le 5 mai 1973. On s’était engagé à être un couple ouvert aux autres, en ayant une maison ouverte pour vivre notre foi avec les autres. On peut dire que ce que nous avons vécu ensemble en Basse-Ville au cours des 49 dernières années, c’est ce que nous avons dit que nous ferions. J’ai calculé que nous avons été actifs dans 13 différentes organisations. À quelques reprises, nous avons accueilli des personnes chez-nous pendant un bout de temps. En 1973, avec d’autres personnes inspirantes dont un prêtre brésilien torturé puis envoyé au Canada, nous avons fondé une communauté de base. Ce dernier a été la bougie d’allumage. Il nous a apporté toute l’inspiration de l’Amérique latine et de la Théologie de la libération. Nous avons travaillé et vécu au Nicaragua de 1983 à 1985. Ça a été une expérience dont les enfants se souviennent encore.
L’engagement dans le quartier Saint-Sauveur, je l’ai réalisé dans différentes organisations. Là où j’ai été le plus actif, depuis 1972, c’est au Comité de citoyens et citoyennes du quartier Saint-Sauveur. La principale action que nous avons menée de 1974 à 1983, en a été une de résistance à la ville qui prévoyait démolir pour réaliser ses projets, 2 500 logements sur 7 500 dans le quartier. En 1982, nous avions comme devise : « Zéro démolition dans Saint-Sauveur. » On a repris les projets un par un, on a mobilisé la population, on leur a expliqué ce qui allait arriver. Nous avons commencé par faire une tournée en autobus avec des panneaux de 4 pieds par 8 pieds où on écrivait : « Ici, la Ville prévoit démolir 500 logements, ailleurs, Ici la Ville prévoit démolir 750 logements, » et ainsi de suite pour arriver au chiffre de 2 500. Pour cette tournée nous avions 2 autobus scolaires remplis du monde du quartier. Après cela, nous avons repris chacun des lieux, on a mobilisé les gens, on a organisé des manifestations, nous sommes montés à l’hôtel de ville et nous avons obligée l’administration municipale à éliminer les projets un par un. Je suis président du Comité de citoyens et des citoyennes depuis 1997. Nous travaillons actuellement sur la problématique de la « gentrification » qui est le remplacement des populations pauvres par une classe plus fortunée. Le problème c’est que cela fait augmenter le prix des logements. J’ai été impliqué dans la politique municipale à partir de la fondation du Rassemblement populaire le 30 janvier 1977. J’ai été membre actif au sein de son conseil d’administration. Puis il y a eu les fusions municipales en l’an 2000, puis Démocratie Québec. J’ai travaillé avec Mbaï en 2017 et 2021. J’ai travaillé pour que Jean-Paul L’Allier accepte de se porter candidat à la mairie et dernièrement pour que Bruno Marchand le fasse également.
Pour ce qui est de mes origines, je me suis toujours senti en symbiose avec notre Terre-Mère. Je suis beaucoup en contact avec les Innus. Mon espérance, c’est que nos enfants et petits-enfants lisent ce texte. Pour moi, ce livre est un lègue. En conclusion, cet exercice m’a permis d’avoir une quête de mes origines pour essayer d’avoir une influence sur mes proches pour dire qu’il est possible de s’engager au nom de sa foi et que cet engagement teinte notre foi. Nicol Tremblay
À toi Paul-Yvon
Coopérateur tenace, c’est le nom qu’on m’a donné chez les scouts. Je suis né dans une famille d’agriculteurs à Princeville, près de Victoriaville, au Centre-du-Québec. On a été élevé avec la devise : « Travail, famille et foi. » Alors, il y avait beaucoup de travail, une famille nombreuse de 11 enfants et la foi catholique. J’ai commencé par l’école de rang, l’école à Saint-Norbert, 4ème et 5ème année, l’école à Princeville 6ème et 7ème année chez les Frères du Sacré-Cœur, ensuite mon juvénat à Arthabaska, pendant 4 ans, puis j’ai été au campus Notre-Dame de Foy avec la création des cégeps, à Cap-Rouge. Après j’ai fait six mois de noviciat, mais je n’étais pas doué pour l’obéissance. Ensuite, je suis allé étudier à l’Université Laval en foresterie. Pendant ma première année et demie d’études, je me sentais encore étranger à mon milieu. Venant de la campagne, puis d’un pensionnat, m’habituer à l’anonymat de 30 000 étudiants m’était difficile. Un ami m’a amené aux célébrations eucharistiques au pavillon Lemieux et j’y ai trouvé un groupe d’appartenance où se vivait la fraternité en lien avec des projets. En troisième année de foresterie, je me suis engagé au journal communautaire « Droit de parole » et j’ai été membre du premier comité de rédaction. J’ai écrit quatre articles. Un sur le conflit de travail à la boulangerie Diana-Vaillancourt, un autre avec Gérard Coulombe qui y travaillait, puis un autre sur un commerce de meuble dans la Basse-Ville. Le 4ème, je ne m’en souviens plus.
À l’automne 1974, il y a eu un colloque des Politisés chrétiens à Cap-Rouge où se sont réunis plus de 200 personnes. Joseph Giguère y était, Nicol et Marie et les jeunes de la JOC. Ça nous a donné un solide coup d’envoi dans notre engagement militant. Après cela, j’ai terminé mes études de foresterie, mais il y avait le groupe de solidarité qui occupait de plus en plus mon temps et il y a eu la grève du Pavillon Saint-Dominique en juin 1974. Luc Bertrand et Jean-Louis Laflamme jeûnaient sur un terrain adjacent, mais ils ont été expulsés par la police et ils sont venus camper au 435 du Roi. Je suis venu dormir une nuit avec eux en juin 1974, mais je ne pouvais pas être membre de la JOC puisque j’étais un étudiant bourgeois, selon les catégories de l’époque. Je me suis marié avec Florence en 1976. C’est à l’université qu’on a commencé à se fréquenter. Nous sommes allés vivre dans une maison en copropriété avec Marie, Nicol et Pierre Desrochers, sur la rue Saint-François Ouest, tout près de la garderie Pomme d’Api. Pour la célébration de notre mariage, nous avions choisi le texte des Béatitudes, un vaste programme de vie. Mon premier emploi consistait à trouver de la gomme de sapin avec des femmes ex-détenues. À la même époque, j’ai rencontré Luc-André Godbout, le ramoneur des pauvres au Comité des citoyens et des citoyennes de Saint-Sauveur. Ce dernier, pendant 5 ou 6 ans, faisait à chaque été des grandes marches de sensibilisation.
Je l’ai accompagné à l’été 1975, de Matane à Saint-Scolastique dans les Basses-Laurentides, 600 km pendant 6 semaines. Il y a un film de l’Office nationale du film qui a été tourné à cette occasion. Il s’intitule : « Ti-dré le pèlerin ». J’étais l’accompagnateur en vélo qui allait au-devant de lui pour trouver des endroits où dormir. Après, j’ai travaillé presqu’une année au Comité de Citoyens et de Citoyennes de Saint-Sauveur. Ensuite, de 1976 à 1981, j’ai travaillé pour une coop d’habitation qui démarrait. À travers cela, nous avons créé le groupe de ressources techniques « Action habitation » pour les coopératives d’habitation, puis en 1986, nous avons créé la coopérative de travailleurs : « Les constructions ensemble » qui est devenu mon engagement principal pendant 31 ans. Je suis un bon étudiant, j’ai le goût d’entreprendre et d’organiser, alors cette coopérative me correspondait parfaitement. Je ne suis pas spécialiste, mais je suis capable de faire beaucoup de choses en même temps. J’aime le mot tenace parce que c’est dans ma personnalité. Avec la coop de travail, je suis maintenant coprésident du réseau provincial des coopératives de travail. À partir de ce réseau, nous siégeons sur d’autres tables. Actuellement, il existe au Québec quatre coopératives d’entrepreneurs généraux. Elles sont autonomes et à Montréal, ils en ont une solide, mais c’est la nôtre qui est la plus ancienne.
L’accompagnement spirituel, j’aime en parler parce que cela occupe une place importante dans notre vie. Dans la communauté de base, nous avions avec José accès à la Théologie de la libération. Comme groupe, nous avons cheminé et quand vous êtes allés au Nicaragua, nous avons adhéré au Mouvement des travailleurs chrétiens. Depuis ce temps, c’est l’équipe « Le Réveil », les révisions de vie, et nous occupons une série de responsabilités là-dedans. De 2000 à 2004, j’ai été sur l’exécutif du Mouvement mondial des travailleurs chrétiens et de 2004 à 2009, j’ai été coprésident international. Ça a été une expérience exceptionnelle, très exigeante parce que nous discutons avec des gens du monde entier dans diverses langues et cultures, ce qui fait que la vérité n’est pas la même pour tout le monde. De sorte que dans une situation donnée plusieurs vérités se côtoient. Ça m’a permis d’apprendre l’espagnol et l’anglais. Aussi, j’ai été marguiller à Saint-Sauveur quand Jean Picher était curé. Florence et moi avons maintenu des liens avec l’institution tout en demeurant critiques. À la paroisse, nous partageons une même foi, mais le rapport entre les gens n’est pas le même qu’au MTC. À chaque jour, nous remercions pour ce trésor qu’est la foi. Par moment, nous avons trouvé ce trésor exigeant, parfois nous avons des doutes et nous en avons encore, mais le ciment de la vie, un peu comme dans la culture latino-américaine où la foi englobe toutes les dimensions de la vie, la vie de famille, la vie de travail, les loisirs, la beauté de la création, la jeunesse qui marche, etc. Voilà ce que j’avais à dire. PYB
On passe la parole à Florence
S’il faut que je vous explique comment on réussit à vivre avec quelqu’un comme ça, on n’est pas sorti d’ici avant minuit. Cela fait plusieurs fois que je demande à Paul-Yvon, qu’est-ce qu’il faut leur dire ce soir ? Je me suis dit que je ne vais pas vous dire ce que j’ai écrit dans le livre, vous le lirez. Je vais plutôt vous dire ce qui n’est pas écrit dans le livre. Je suis une femme de principes, je n’encourage pas la paresse, alors allez lire le livre.
Être une personne exigeante a peut-être amené Paul-Yvon à en faire beaucoup. Je suis la huitième d’une famille de 11 enfants, 6 garçons et 5 filles. J’ai donc commencé par apprendre les premiers principes élémentaires de la survie. J’ai aussi appris le féminisme assez vite. Il y a quelques décennies, faire valoir la place des femmes n’était pas facile parce que dans ce monde c’était les hommes qui décidaient et qui étaient importants dans la famille. Par exemple, mes frères avaient une assurance vie, mais pas les filles. Je viens d’une famille modeste, peut-être très modeste. Je me suis déjà fait demander à l’école: Qu’est-ce que cela te fait d’être pauvre? Je lui ai répondu de demander à quelqu’un de plus pauvre que moi. Je suis devenue infirmière. Pour moi, c’est incompréhensible. Je ne comprends pas comment j’ai fait pour arriver là. Normalement, j’aurais du rester dans mon petit village, me marier et endurer quelqu’un. J’ai travaillé en périnatalité pendant 35 ans. Alors, j’ai aidé des femmes à accoucher.
J’aime beaucoup aider. Dans ma première version du livre, j’avais écrit aider avec un « A » majuscule, mais cela a disparu à la correction. C’est quelque chose de fondamental dans ma vie. J’ai un grand principe dans la vie : « Vivre et aider à vivre. » J’aime aider les gens où ils sont et faire les pas avec eux. J’ai tenu tellement de main dans ma vie de femmes qui accouchaient, c’est ma vie. Je suis une femme d’espérance. C’est difficile de vous dire en quoi j’espère, en quoi je crois. C’est un élan, on se laisse porter et on fait confiance. Je suis une femme qui fait beaucoup confiance. Mon espérance, c’est la confiance. Je commence aussi à être fatiguée, alors j’ai intitulé ma partie dans le livre : « À vous de prendre le relais. » Allez-y et aidez comme vous pouvez, comme vous êtes et avec ce que vous êtes. Voilà ce que j’avais à dire.
On passe la parole à Jean Picher.
Je suis né en 1945 dans la Haute-Ville de Québec près des Plaines d’Abraham. Je vivais dans une enclave de gens assez fortunés et pour illustrer comment j’étais loin des réalités des gens aux prises avec la pauvreté, à 500 mètres de chez-nous, il y avait d’anciennes baraques de l’armée qui servaient de logements aux familles les plus pauvres de Québec. Je ne me suis jamais aperçu de ça. De 1945 à 1952, ces baraques ont existé, puis elles ont été démolies et les gens ont été relogés. On appelait cela les Coves fields et si ma mémoire est bonne, cela fait 70 ans cette année que ces baraques ont été démolies. Mon premier éveil à l’engagement social s’est produit au secondaire avec la JEC, Jeunesse étudiante chrétienne. Ce qu’on nous apprenait, c’était qu’être chrétien, c’était se préoccuper des conditions de vie des gens dans le milieu dans lequel on vivait et d’essayer d’améliorer la vie autour de nous. C’était une ouverture pour nous dire qu’être chrétien ne se limitait pas au fait de se réunir pour prier, d’aller à l’église, mais de ce qui se vivait dans la vie de tous les jours.
Mon deuxième éveil, c’est lorsque j’ai commencé mes études pour devenir prêtre au Grand séminaire de Québec. Ce n’est pas tellement les cours de théologie en soi, mais le fait que nous avions un groupe de séminaristes qui allaient régulièrement dans les quartiers du bas de la ville, surtout Saint-Sauveur et Saint-Roch, un peu Saint-Jean-Baptiste, pour visiter les familles plus démunies et c’est là que j’ai fait la connaissance de Gérard Lapointe, l’un de mes confrères d’études au Grand séminaire.
Souvent, nous allions visiter ensemble des familles dans ce qui s’appelait la paroisse Notre-Dame-de-Grâce. Cela nous faisait prendre conscience de la réalité de la vie des gens. Nous allions là surtout pour parler et on faisait des menus travaux dans les logements. Heureusement qu’on s’en tenait là parce que nous n’étions pas de vrais ouvriers. Cela nous a permis de réaliser ce que vivaient les familles du quartier à ce moment-là. C’est peut-être cela qui a fait en sorte que lorsque j’ai été ordonné prêtre en 1968, j’ai exprimé le désir de venir travailler dans la paroisse Saint-Roch qui était considéré comme le quartier le plus démunis de Québec. À cette époque, Mgr Raymond Lavoie était le curé de cette paroisse et il avait entrepris toute une série d’initiatives et d’activités pour essayer d’améliorer les conditions de vie des gens du quartier. Le 435 du Roi avait été transformé en une fabrique de moppes et de balais pour créer quelques emplois pour aider des gens qui vivaient de l’aide de dernier recours comme on disait alors. C’était le type de curés des années 1960-1970-1980, qui avaient encore une très grande autorité dans la vie paroissiale. Par son tempérament, il avait un sens de l’initiative et de la créativité très grande, alors il a travaillé très fort pour améliorer les conditions de vie du quartier. C’est aussi à cette époque que sont nés les comités de citoyens dont le premier était celui de L’ère 10, dans Saint-Roch. Il avait ses bureaux au 570 du Roi. Il y avait cette naissance de ces comités qui revendiquaient de meilleures conditions sociales et de vie. Le contact avec ces groupes populaires m’a motivé à m’engager au plan de la justice sociale.
Depuis 1968, j’ai passé entre 35 et 40 ans dans les quartiers centraux de Québec: Saint-Roch, Saint-Sauveur et Saint-Jean-Baptiste. Il m’a semblé qu’il y avait toujours deux aspects présents dans l’action à l’engagement des chrétiens et des prêtres qu’il fallait essayer de promouvoir. L’aspect d’être le plus présent possible à la vie du quartier, dans les événements sociaux, dans la rencontre avec les gens, dans tout ce qui promeut la fraternité, dans ce qui contribue à créer ou à maintenir des liens entre les gens, et se faire proche des groupes qui sont en action pour davantage de justice. Je pense qu’il faut essayer de conserver les deux aspects. Quand j’ai commencé ma présence dans le milieu avec Mgr Lavoie, la présence du prêtre dans les paroisses faisait en sorte qu’il était automatiquement reçu et mis en valeur dans les actions du quartier. C’est beaucoup moins vrai cinquante ans après. C’est-à-dire qu’il n’y a plus cette présence valorisée du prêtre dans les activités, mais lorsqu’un prêtre ou des chrétiens s’engagent dans des groupes qui visent à améliorer la vie du quartier, c’est un témoignage qui est reçu avec une certaine importance qui fait sens pour beaucoup de personnes.
J’ai aussi été assez actif dans les comités de citoyens, nous avons mis sur pied une coopérative d’habitation dans une ancienne école du quartier Saint-Malo qui est devenu la deuxième coopérative d’habitation du genre au Québec. Aujourd’hui, je cherche des engagements un peu plus simples. Par exemple, il y a un groupe dans Saint-Roch qui travaille sur la sécurité alimentaire et qui a mis sur pied un petit marché de fruits et de légumes qui est ouvert tous les samedis matin sur le parvis de l’église. Je me suis joint à ce groupe pour participer à l’organisation de ce marché. Ce n’est pas une action qui vise à révolutionner le monde, mais qui vise à ce que plus de monde mange mieux et à un meilleur prix. À mes yeux, c’est un engagement qui a du sens dans la vie du quartier. Avec Marie, j’appartiens à un groupe qui est plus revendicateur qui s’appelle Amnistie internationale pour faire libérer des prisonniers politiques.
Je poursuis mes engagements dans la mesure de mes énergies avec l’âge que j’ai parce que cela me semble important et que pour moi, cela fait partie de la foi chrétienne. Si on veut que notre foi soit une réalité vivante, on doit la vivre avec d’autres et on doit essayer de mettre en pratique ce qui ai écrit dans l’évangile: « J’avais faim et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à boire, etc. » Cela peut se faire littéralement en donnant à manger à quelqu’un, mais aussi en essayant de créer de meilleures conditions de vie pour les personnes. Mon espérance, c’est qu’il y aura toujours du monde, en particulier des chrétiens et des chrétiennes, mais bien d’autre monde aussi qui n’ont pas nécessairement la foi chrétienne, qui auront le goût de changer quelque chose dans la société. Est-ce que cela sera de la même manière que nous l’avons vécu ou d’une autre façon ? Nous ne le savons pas, mais nous savons qu’il y aura toujours des gens qui vont se sentir appeler à travailler pour un monde meilleur, et pour certains, la foi va les motiver et les aider à persévérer dans cette ligne-là. Jean Picher
C’est au tour de Paul Ouellet.
Je vais présenter mon ami Jean Dorval qui signe un chapitre du livre avec sa femme défunte Francine. Vous avez beaucoup entendu parler des quartiers Saint-Sauveur et Saint-Roch. Si on faisait une cartographie, vous prendriez chacun des témoins et vous commenceriez dans Saint-Malo et vous feriez le tour des coopératives d’habitation, du Comité de citoyens et de citoyennes du quartier Saint-Sauveur, etc. Ce serait comme un pèlerinage qui pourrait prendre 24 heures pour toucher à tous les objets, les maisons, les engagements, les groupes, les milieux, etc. Jean Dorval se rattache à cela parce qu’il est passé par l’édifice de la CSN. Son engagement avec sa femme est beaucoup passé par le syndicalisme. Ce que vous allez découvrir dans son texte, c’est que Francine vient d’une famille ouvrière de Limoilou et elle a été couturière à la Dominion corset, après elle a travaillé chez Canadian Lady. Cela ne vous rappelle pas une époque ? Ce sont des noms anglais et elle était couturière pour les brassières. Sauf qu’elle, son rêve n’a jamais pu réaliser, était de devenir aide-infirmière. Elle a fini par travailler chez Partagec qui nettoyait les draps, les jaquettes et les serviettes des hôpitaux pour la région de Québec.
Jean lui était un rêveur, une sorte de décrocheur. C’est un poète et à 16 ans, au grand désespoir de ses parents, il militait pour le R.I.N., Rassemblement pour l’indépendance nationale, et il travaillait aux Rôtisseries Saint-Hubert comme aide-cuisinier. Chez Partagec, Jean et Francine sont devenus des militants syndicaux très actifs. Partagec c’était des bas salaires et en plus c’était du lavage de linges d’hôpitaux et il y faisait très chaud. L’été cela devenait suffoquant. Par la suite, Jean est devenu secrétaire-trésorier puis président et Francine secrétaire du syndicat. Chez Partagec, on les appelait le couple syndical. Ils ont réalisé une militance syndicale extraordinaire. Jean a fini sur le comité national de négociation à la Fédération des affaires sociales. Ils sont parvenus à transformer les conditions de travail de façon radicale. Ils ont fait un travail exemplaire. Après cela, Jean a travaillé au service informatique de Partagec où il a fondé un syndicat, mais finalement ce service a été vendu et il est allé travailler de nuit aux archives médicales de l’hôpital Enfant-Jésus.
Ces deux-là n’ont jamais lâché le syndicalisme, c’est ce dernier qui les a lâchés. Francine est tombée enceinte et n’a jamais pu retourner chez Partagec parce que l’entreprise a été privatisée. Même s’ils voulaient avoir une famille, ils n’ont eu qu’un seul enfant. Ils se sont investis à fond dans l’éducation de leur enfant en s’investissant dans le mouvement scout qui avait permis à Francine de se développer comme on l’a entendu souvent ici et de déployer ses ailes. C’est ainsi qu’elle est devenue candidate de la première élection du Rassemblement populaire dans Limoilou. Alors, elle n’était plus chez Dominion Corset, elle n’était plus chez Canadian Lady. C’est intéressant de lire leur histoire. Finalement, ils ont trouvé une communauté de base chez les Cursillos parce qu’avec le mouvement scout, ils ont rencontré des gens qui étaient dans cette mouvance. C’était un couple qui était soudé par l’engagement et Jean a vécu un grand drame avec le cancer Francine qui est décédée il y a trois ans. Il a voulu quand même écrire son témoignage en signant Jean et Francine en hommage pour son engagement. Voilà c’est ce que je voulais vous dire pour eux.
Maintenant, je vais vous parler de mon expérience de rédaction. Alors j’ai reçu les textes de mes amis et cela m’a inspiré de différentes façons. Première inspiration, chaque personne que vous rencontrerez dans le livre, ce sont des individus qui ont vécu leur foi chrétienne comme un engagement, de façon individualisée. C’est capital de voir cela. Une fois que tu assumes une vision, une proposition, il faut que tu l’incarnes dans ce que tu es. Comme je les connaissais, ça m’a forcé à écrire des petits textes de présentation afin que ressorte vraiment les différences. Le commun se retrouve dans les textes qu’ils ont écrits, la différence c’est dans la petite présentation que je fais de chacun parce que chaque personne est une unité impliquée dans un réseau.
La richesse du réseau vient de l’addition de la richesse des individus et chaque individu peut avoir une influence qu’il ne soupçonne pas. C’est pour cela que j’ai écrit un petit texte sur José Montero qui vient du Brésil. Il est arrivé ici parce qu’il avait été torturé et le gouvernement au lieu de l’assassiner l’a mis dans un avion à destination du Canada avec un passeport qui ne te permettra pas de revenir. José a influencé ces gens, ils ont créé une communauté de base à l’image des communautés brésiliennes. Deux ans après, à ses risques et péril, il était retourné dans son pays. Comme prêtre, il était un peu plus en sécurité que les citoyens ordinaires. C’était quelqu’un de l’entourage de Dom Helder Camara. Tout cela pour vous dire qu’il faut que ces individus s’inter-influencent et qu’ils se rassemblent, qu’ils célèbrent, qu’ils prennent la parole, qu’ils s’alimentent les uns des autres. Dernière chose, j’ai écrit une préface pour rappeler que nous sommes situés dans une histoire et que celle-ci passe par la mémoire. La préface commence par Caïn et Abel. Dans la Bible, au livre de la genèse, Caïn tue son frère Abel.
De là provient la nécessité de la politique parce qu’il faut s’organiser pour éviter que ce drame se reproduise, il faut organiser la société, en politique, etc. Bref, tout découle de cela. J’ai voulu écrire un texte pour montrer que l’engagement de Nicol, Marie, Jean, Paul-Yvon, Florence, Francine et Jean, prenait source au plus loin de l’humanité. Cela part dans l’Ancien Testament, puis cela descend dans le Nouveau Testament, cela vient rejoindre le Québec, parce que si le Québec est devenu ce qu’il est, c’est parce qu’il y a des gens qui ont cru au christianisme social en 1890, en 1899, en 1900, parce que le Québec s’est constitué en coopératives agricoles, forestières, financières. Cela provenait directement de l’engagement social prôné par le christianisme. Ce livre sert à donner la continuité, pour transmettre l’histoire et la mémoire, parce que les témoignages s’inscrivent dans une histoire. La préface raconte cela et la postface : qu’il serait intéressant que les chemins de l’histoire deviennent des chemins d’espoir. Paul Ouellet
Après la pause…
On partage tous et toutes un leadership commun parce que nous sommes tous des individus reliés pas des réseaux, mais pour que cela se réalise, nous avons besoin d’avoir des lieux pour nous réunir. Je pense que le lieu a été fondamental, cela prend des lieux comme le 301 Carillon ou le 435 du Roi. Une amie nous racontait combien sont rares et précieux sont ces endroits où les gens peuvent se rencontrer pour discuter sans avoir à débourser de l’argent. Je demande à tous ceux qui fréquentent ce lieu d’en prendre soin comme si c’était leur propre demeure. Nous avons eu un renouvellement de groupes locataires au cours des deux dernières années, je leur dit prenez en soin comme si c’était votre demeure. N’attendez pas que quelqu’un vienne s’en occuper à votre place. Les gens, lorsque ça ne leur appartient pas, ils n’en prennent pas soin on dirait. Ils se disent que ce n’est pas à eux de s’en occuper. Il faut que les gens s’approprient les lieux et les considèrent comme leur bien propre. Nous pouvons étendre cette considération à tout le quartier, vous n’avez pas attendu que d’autres viennent s’occuper des lieux publics ou du parc locatif à votre place. Aujourd’hui, nous héritons de quartiers centraux où les autoroutes n’ont pas détruit le patrimoine et la vie de quartier comme les décideurs le souhaitaient à une certaine époque.
De même, tous les groupes que vous avez fondés dans les années 1970 et 1980, c’est ce qui fait la richesse morale de Québec. Si on enlève tous ces groupes communautaires de l’espace public, pour moi ce serait comme si la ville était morte. À mes yeux, la vie civique à Québec, se sont tous ces groupes qui l’animent. Ce qui m’inspirent ce sont les gens qui se lèvent pour défendre ceux qui sont incapables de le faire parce qu’ils vivent des situations trop écrasantes pour pouvoir réfléchir, s’organiser et se dresser pour faire valoir leurs droits. De plus, il faut s’unir pour faire avancer les différentes causes que nous défendons. Il nous faut aussi avoir cette sagesse de ne pas être en concurrence, en jalousie ou en mesquinerie, les uns envers les autres. Il faut se rappeler que tout le monde a ses limites parce que nous sommes des êtres humains.
Pour continuer, nous devions parler du bilan et des prospectives. Le bilan nous l’avons fait un peu, vous avez parlé de vos origines, de votre implication, de votre foi comme moteur de votre engagement. Dans le livre, j’ai retenu du témoignage de Paul-Yvon que la prière a été pour lui d’un grand secours lorsqu’il a traversé des moments difficiles au mouvement mondial des travailleurs chrétiens. Je pense que les Québécois sont tous un peu fou, nous sommes un peuple de cinglés par le simple fait d’avoir choisi de vivre dans un environnement aussi hostile pendant plus de 300 ans. Un territoire si froid que même les conquérants sont partis vivre ailleurs. Quand Alfonse Desjardins a fondé la Caisse populaire de Lévis en 1900, c’était pour essayer d’arrêter l’exode des Canadiens-français vers les États-Unis. Nous avions alors perdu la moitié de notre population, un million d’individus sur une population de deux millions. Pendant ce temps-là, le pouvoir économique britannique refusait de nous prêter de l’argent en espérant que nous quittions tous le Canada. Un Canadien-français ne pouvait pas se construire une maison ou démarrer une entreprise. Alors Desjardins, s’inspirant des coopératives d’épargne en Belgique a pensé à construire notre propre capital. Il y a 100 ans et plus, mes grands-parents déposaient des cens à la caisse populaire à chaque semaine. Nous sommes un peuple résiliant. Quand nous regardons le chemin parcouru, c’est déjà un miracle que nous soyons encore là. Yves Carrier
– J’aimerais entendre Renaud sur les Premiers Peuples.
– Heureusement que les colonisateurs ont été accueillis en Amérique du Nord parce qu’ils seraient tous morts de faim. Renaud
– On raconte beaucoup ce qui s’est passé dans la Basse-Ville et tout ça, au Québec, il y avait les chrétiens engagés, mais il y avait aussi des gens qui ne se définissaient pas comme tel. À une époque, il y a eu une alliance très forte entre croyants et non-croyants. Bien sûr avec certaines tensions. Je pense que cela a été une richesse pour le Québec cette capacité de compagnonnage. Actuellement, ce que je trouve inquiétant, c’est le repli sur soi. Dans les témoignages que nous avons dans le livre, il n’y a pas de repli sur soi, mais une ouverture à tout autre. Aujourd’hui, ce que je sens, peut-être parce que c’est plus difficile, même dans les paroisses, c’est une tendance au repli. L’individualisme de la société et le capitalisme étant devenu la nouvelle religion, l’objet désiré étant l’objet sacré. Le capitalisme nous enseigne que tout objet doit être désiré avant de te l’approprier. Ce sont les caractéristiques d’une religion. Il y a des cathédrales et beaucoup de fidèles Paul Ouellet
– Le matérialisme consumériste est très bien institutionnalisé dans notre société. Renaud
– Les prêtres ouvriers qui ont participé à la syndicalisation du Québec Hilton, étaient aussi présents au 435 du Roi. Aujourd’hui, ce sont 50 hôtels syndiqués CSN à travers le Québec et le tout premier a été le Québec Hilton qui a servi de modèle pour la première convention collective qui y a été signée. Benoit Fortin, Jean-Paul Asselin et Joseph Giguère, sont responsables de 3 000 emplois syndiqués CSN. Si cela ce n’est pas faire œuvre de justice? En 1992, le diocèse de Québec annonçait qu’il se retirait entièrement du financement de la bâtisse et des groupes d’action catholique. Il fournissait 200 000$ par année pour les salaires et l’entretien de la bâtisse. Ça a été un coup dur pour ma foi dans l’institution qui ne remet pas en question ma foi en Jésus-Christ. Cela nous a pris un certain temps à absorber ce choc. Nous avions l’impression que nos parents nous abandonnaient et je leur en ai voulu longtemps. Au MTC, nous avons des plans d’actions à chaque année. Le thème d’une année était : « Perte d’acquis », et cela correspondait à la réalité que nous vivions. Le patronat essaie de limiter la santé et la sécurité au travail, ils veulent faire entrer de la sous-traitance. Il y a des réformes qui restreignent l’accès à l’assurance emploi. L’année suivante, le thème était : « Groupes de résistance ».
C’est tombé pile en 1991-1992-1993, au même moment que le diocèse a coupé. On se fait une tête avec ces différentes luttes. À partir de cela, nous avons créé le Carrefour Cardijn, en l’honneur du Père Joseph Cardijn, un prêtre belge qui a fondé la Jeunesse ouvrière chrétienne, parce qu’il se préoccupait du sort des jeunes ouvriers et ouvrières qui travaillaient dans les usines textiles. Pour nous c’est une inspiration exceptionnelle pour la jeunesse ouvrière, par sa méthode d’analyse, le Voir, Juger, Agir. C’est là que la transformation peut se faire dans la tête de quelqu’un. Si tu crois à la justice et aux êtres humains autour de toi, si tu es organisé en groupe, il y a vraiment moyen de tenir le fort longtemps, avec raison et motivation. J’admire les gens qui s’impliquent sur la longue durée. Qu’est-ce qui fait que les chrétiens sont acceptés dans les groupes, c’est en raison de la longue durée. Paul-Yvon Blanchette
* Moi, je crois qu’il peut y avoir un engagement sans qu’il y ait une foi derrière. Je tricote ma spiritualité à la carte de différentes façons et j’aime bien les spiritualités autochtones. Ma perception pour le moment, c’est que les gens qui ont des vérités écrites (les croyants de différentes obédiences), ont moins tendance à s’interroger sur les finalités que ceux et celles qui n’en ont pas. Renaud
* À propos du 435 du roi, le but commun des groupes qui fréquentaient ce lieu était l’engagement social. Syndical, communautaire, comités de citoyens, luttes politiques, solidarité internationale, appui aux réfugiés, rien de ce qui avait un rapport au social était absent ce cette salle. Certains avaient leurs bureaux électoraux ici, tout ce qui avait une connotation d’engagement social avait sa place ici. Et, c’était couplé, pour ceux et celles qui avaient la foi, à un lieu de célébration où la transcendance était célébrée, partagée, stimulée. Il n’y a pas de réseau sans individu et il n’y a pas d’individus en réseau sans rassemblement. Paul Ouellet
* Je suis vraiment content d’être venu ce soir, la mémoire de la création de la Loi pour l’élimination de la pauvreté, il y a 20 ans, est importante pour nous Collectif pour un Québec sans pauvreté. Je suis content de voir des citoyens de Saint-Sauveur, d’entendre aussi l’histoire du 301 carillon, du Comité de citoyens et citoyennes de Saint-Sauveur, du CAPMO, cela m’inspire de voir d’où est-ce que cela vient tout cela. Je suis content d’être avec vous pour entendre ces histoires. Parfois, je m’interroge sur le tissu social, on n’est pas capable de faire lever les citoyens. D’une part, cela prend du temps, et c’est un apprentissage d’être capable de tisser des liens et de faire en sorte que les choses marchent. Il faut demeurer dans la persévérance, la durée et la ténacité. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Cela prend une communauté qui se mobilise et qui prend les choses en main pour résoudre une problématique qui affecte les plus pauvres. Simon
* J’ai trouvé ces parcours de vie super intéressants et enrichissants. Je me reconnaissais dans ce que vous avez raconté. Cela me faisait réfléchir parce que cet engagement provient d’une source de quelque chose. Ma soif, mon besoin d’aider les autres, je l’ai développé, mais je l’avais avant. J’ai l’impression que cela me vient de mes parents, de quelque part en amont. Cela fait plaisir d’entendre les engagements des gens, le goût et la soif de vouloir aider les autres, d’aider à changer le monde et à améliorer un peu le sort des autres. J’ai trouvé inspirante cette soirée. Comment cela ça se fait qu’en 2022, il y ait encore des personnes en situation de pauvreté ou itinérantes? Monique
* Je remercie tout le monde d’avoir écrit ce livre parce que vous mentionnez l’implication de mon oncle Gérard Lapointe. Je l’ai vu organiser des réveillons de Noël pour les gens en situation de pauvreté dans Saint-Sauveur. Il y avait toujours du monde chez lui. Je n’avais jamais pensé me rendre aussi loin dans mon engagement social en assumant des rôles toujours plus importants, mais partout où j’allais, il était passé avant moi. Mon oncle nous a quittés en 2016 et l’église était pleine à ses funérailles. Éric
* C’est un livre de témoignage, mais on ne peut pas affirmer que la multitude des organisations qui sont nommées, n’ont comme seule et unique cause, l’engagement des chrétiens. De fait, il y avait toutes sortes de personnes et d’orientations, c’est un apport à partir d’une source, mais elles sont multiples. Moi, j’ai une préoccupation, c’est comment dans un monde séculier, alors que le christianisme a marqué le Québec dans sa façon d’être, dans son rapport à la sociale démocratie, nous sommes l’État américain, (incluant le Mexique et les États-Unis), qui est le plus engagé sur cette voie. Cela vient de quelque part, ce n’est pas vrai que c’est un éclair qui a traversé le ciel. Pour moi, cela provient de conditions socioéconomiques, de notre situation de coloniser, de notre condition de porteur d’eau pendant au moins 200 ans, cela vient aussi du fait que la planche de salut a été l’engagement d’hommes et de femmes au nom de cet appel à la justice sociale. C’est par là que cela a été vécu. Cela ne veut pas dire que cela doit se vivre comme cela aujourd’hui. C’est par là que le filon de la sociale démocratie au Québec est apparu et on ne peut pas comprendre ça si on ne fait pas un lien historique avec l’histoire du christianisme. J’ai des enfants qui ne s’intéressent aucunement à la foi, mais j’essaie de les intéresser à l’histoire. La question qui demeure, c’est : « Ce qui nous a nourris par la foi, est-ce qu’il y a moyen d’en récupérer des parties pour continuer à être alimentés par quelque chose qui transcende les individus ? » Est-ce que : « Aimez-vous les uns, les autres », peut demeurer sans la foi ? Est-ce que : « Heureux ceux qui ont soif de justice », peut demeurer au Québec avec ou sans la foi? Est-ce que : « Heureux les cœurs purs » qui s’engagent au service des autres dans le sens de ce désir d’aider, est-ce que cela peut exister avec ou sans la foi? Sommes-nous capables de conserver une trame historique de ça et comment la transmettre aux nouvelles générations? Ils ont le droit de balancer la foi, mais nous perdons alors un filon constitutif de notre histoire et comment le rattraper? C’est une belle question. Paul Ouellet
* C’est ce qui me rejoint dans ce que vous racontez ce soir. Je suis un passionné d’histoire. Les historiens vont pouvoir s’appuyer sur ce livre pour leurs recherches. C’est du concret pour les historiens qui n’auront d’autre choix que d’y référer. Renaud
* Je vous remercie tout le monde pour cette soirée. C’est inspirant, c’est plein d’amour, d’aide et d’entre-aide, de communauté. On serait dû pour une soirée mensuelle sur le logement. Marie-France
* Pour commencer, je voudrais remercier tous les gens qui ont participé à ce livre que j’ai hâte de lire. Ce qui m’intéresse, ce sont les questions de pauvreté et de militance parce que je suis impliqué dans différents organismes. Moi aussi, je ne comprends pas qu’en 2022, il y ait toujours autant de pauvreté et d’itinérance. Il faut faire pression sur les décideurs pour qu’ils maintiennent et augmentent les financements et les services pour les personnes en situation de pauvreté. Ghislain
* En parlant de logement, notre corps et un véhicule de conscience. Par rapport au tissu social, aux Amis de la terre, on veut changer le tissu social en faisant ceci ou cela, mais celui-ci est constitué de cellules sociales que nous sommes. Cette cellule sociale a un noyau qui serait peut-être l’esprit commun, qu’on le reconnaisse ou non, qu’on soit athée ou croyant. L’espérance que j’ai, vient de là, c’est l’Esprit qui pousse à travers nous et au travers des formes sociales que vit actuellement notre société. C’est ontologique en quelque sorte. Quand on dit il faut que la société change, non ce sont les individus qui doivent changer, mais cela fait 50 ans que le Club de Rome a publié son rapport : « Halte à la croissance! » Rien n’a changé. À un moment donné, il faut se dire : « Ce que je veux voir chez les autres, il faudrait que je le pratique moi-même. » La base de ce changement, c’est l’Esprit en soi, qu’on le nomme Manitou, la conscience cosmique, peu importe le nom qu’on lui donne, c’est présent en nous. C’est présent dans les religions des livres comme on les appelle, chez les Hindous, chez les Chinois, chez les Mayas. On est là aujourd’hui, l’Esprit pousse. Nous avons déployé le social, là nous sommes rendus là. Cet aspect est comme perpendiculaire à la société, c’est une dimension intérieure. Il y a quelque chose qui doit sourdre de nous, cet amour, cette volonté d’agir, cet Esprit, cette intelligence dans l’amour, provient de quelque chose de cette nature. C’est éternel, c’est déjà présent en nous, c’est patient. Michel Leclerc
* J’aimerais un sujet pour une prochaine rencontre mensuelle : « Comment peut-on donner suite à nos manifestations ? » Renaud
* Ce qui importe c’est l’enracinement. Si une manifestation n’est qu’en surface, elle s’éteint au premier coup de vent. Tous les grands événements que nous avons vécus au niveau social, sont toujours suivis d’une dépression, d’un creux de vague, parce que nous ne sommes pas préparés à prendre la relève. On doit être prêt à faire germer dans la terre ce que nous avons vécu pour ensuite revenir. Nous avons trop une vision linéaire des choses. Cela fait que nous avons l’impression de nous répéter. Cela fleurit, cela rentre dans le sol et cela ressort. C’est pour cela que c’est long le changement. Le tramway, cela va prendre 30 ou 40 ans. Les changements sociaux c’est long parce qu’on les voit comme linéaires. Dans la nature, il n’y a que l’être humain qui soit linéaire, alors que tout est en rythmes et en cycles. Lorsqu’on rêve à l’avenir dans une planification stratégique, on conçoit cela de manière linéaire. J’étais dans une rencontre où on m’a demandé de parler. J’ai dit : Pour moi, le rêve, c’est comme des ilots de conscience. C’est discontinu et c’est ce que nous devons aller chercher, cette capacité de se mettre en état de recevoir cette impulsion de l’Esprit en nous. De ce côté, je me sens plus proche des autochtones pour ressentir cela comme manière de fonctionner. Une idée m’a eu, d’où vient-elle, je l’ignore? Il faut se mettre en état de veille et devenir réceptif. La modernité nous a mis dans un cosmos mort qui est apparu par hasard et cela produit des orphelins de l’Esprit. Michel
Propos rapportés par Yves Carrier