#334 – Le Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec

Bonsoir, après deux ans, nous tenons notre première soirée mensuelle en présence des gens. Comme vous verrez, la magie du CAPMO opère toujours. Voici quelques commentaires que nous vous partageons avant la présentation du RATTMAQ. YC

Je suis membre du CAPMO depuis le milieu des années 1990. À chaque fois que j’ai participé aux activités, j’ai vécu des moments très agréables et je rentre chez moi avec une nouvelle expérience qui me fait grandir et me remplit l’esprit. Les membres du CAPMO ont des idéologies variées, des croyances différentes, il n’y a pas d’uniformité, c’est une grande variété. Ce qui les unit c’est que tout le monde participe de manière humaniste et agréable. Les thèmes qui sont traités au CAPMO, cela fait du bien. On sort d’ici rempli d’énergie et on mange bien aussi.  Ici on se sent en famille. Pour plusieurs d’entre nous, nous vivons seuls, alors c’est très agréable de se sentir en famille. Cela fait environ 23 ans que j’habite seul. Je suis un mélange de solitaire et de social. Je vous aime tous et merci beaucoup pour cette soirée. Antonio

Bonsoir, je m’appelle Sonia, je suis Salvadorienne. J’habite à Québec depuis une trentaine d’années et c’est ma première présence ici.  Je suis curieuse de savoir qu’est-ce que vous faites. J’ai participé à l’événement Romero et cela m’a donné le goût d’en savoir plus sur le CAPMO. J’ai aussi le goût de m’impliquer. Moi aussi j’habite seule depuis longtemps. C’est Inès qui m’a invitée.

Historiquement, nous avons fait un long chemin avec la communauté salvadorienne ici au CAPMO, depuis l’assassinat de Mgr Romero en fait. Ensuite les réfugiés sont arrivés au Québec et nous avons été un port d’attache pour eux. YC

Bonsoir, je m’appelle Bernadette Dubuc et je suis originaire de Drummondville. Moi, j’ai fait mes études dans la Jeunesse ouvrière chrétienne, c’est l’université ouvrière des travailleurs. Je suis issue d’un milieu ouvrier, mon père et ma mère travaillaient en usine et nous étions une famille nombreuse. Alors, c’est ce qui a marqué ma vie et m’a permis de connaître beaucoup de choses dont la JOC, le Mouvement des travailleurs chrétiens et le CAPMO. Celui-ci a la couleur des gens qui le fréquentent. Cela fait 30 ou 40 ans que je connais le CAPMO et je peux dire que chaque génération y apporte sa couleur de fraternité, de responsabilité et de partage. C’est la place où tout le monde peut venir. Pour la dame qui souhaite savoir tout ce qui se passe dans la maison, pendant une dizaine d’années nous avons eu un groupe de retraités réfugiés salvadoriens qui venaient ici à chaque semaine pour peindre des tableaux. C’est Hortensia Valle de Lopez qui a fondé le groupe Aurora et qui en était l’inspiration. Ce groupe est disparu avec l’extinction de ses membres, mais c’est pour vous dire toute la diversité que nous pouvons accueillir ici. Je suis ici ce soir parce que le sujet des travailleurs migrants m’intéresse, parce que c’est une réalité qui concerne la majorité de la planète. Ces gens qui changent de pays, qui sont menacés de crever de faim, la population mondiale est en train de prendre conscience que nous ne pouvons pas vivre sans les gens du Sud global. J’ai travaillé 15 ans à l’étranger, dans les pays africains, en Algérie, en Tunisie, au Ruanda, au Burundi et au Togo. C’est pour moi une raison de plus pour m’intéresser au sujet de cette rencontre.

Je m’appelle Rodrigo, je ne parle pas français. Je viens de Guatemala et je suis un travailleur agricole. J’ai eu des problèmes avec mon employeur et Véronique et le RATTMAQ, me sont venus en aide. Je les en remercie. Il s’agit d’une expérience nouvelle pour moi.

Bonjour, je m’appelle Véronique Tessier et je travaille avec Jason et d’autres pour le RATTMAQ, le Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec. Cela fait une semaine que nous avons nos bureaux ici au Carrefour Cardijn. Nous sommes très contents d’appartenir à ce groupe d’organismes parce que nous voulons être proches d’autres groupes qui partagent les mêmes valeurs que nous.  À l’année, nous sommes une petite équipe de trois personnes et l’été nous engageons plus de personnel parce que nous desservons les travailleurs saisonniers. Notre équipe va doubler cet été. Le RATTMAQ est né en Montérégie, sur la Rive-Sud de Montréal parce que c’est la plus grande concentration de travailleurs agricoles temporaires au Québec. On y trouve beaucoup de serres. On peut comparer Saint-Rémi à Leamington en Ontario qui est la capitale de la tomate et la plus grande concentration de serres en Amérique du Nord. En 2022, à Saint-Rémi, on parle de 20 000 travailleurs agricoles. Nous desservons les travailleurs agricoles et de la transformation alimentaire ce qui inclus les abattoirs par exemple. Pour l’instant, nous sommes davantage présents auprès des travailleurs agricoles parce qu’ils sont plus faciles à rejoindre, alors que dans les usines ils sont syndiqués, donc ils ont une protection.

Il n’y a pas encore beaucoup d’organismes de défense des droits qui peuvent représenter les travailleurs devant la CNESST. Il y a des besoins pour qu’il y ait davantage de groupes. Véronique

* Commentaire : Lorsqu’ils sont syndiqués dans les usines, le problème c’est la langue et une certaine forme de racisme qui fait en sorte que les représentants syndicaux ne tiennent pas compte des doléances de leurs collègues étrangers, surtout lorsque ces derniers ne maitrisent pas encore la langue française. Il y a aussi des questions d’amitié et de culture qui entrent en ligne de compte et les travailleurs migrants ne peuvent pas aller chercher du travail ailleurs.

Tu as raison, les représentants peuvent avoir des difficultés de compréhension avec les travailleurs migrants parce qu’ils sont unilingues. C’est loin d’être parfait, mais le RATTMAQ défend des travailleurs qui n’ont même pas le droit de se syndiquer. Notre mission est de sensibiliser ces travailleurs par rapport à leurs droits et de les informer sur le fonctionnement du système québécois. Ce qui est particulier, c’est que la pandémie a aidé au développement de notre mission. En raison des besoins de sensibilisation par rapport à la COVID, le gouvernement nous a offert l’opportunité d’être présent à l’aéroport de Montréal quand les vols internationaux arrivent du Mexique et du Guatemala. Avant, ce n’était pas le cas. Depuis 2020, nous avons droit à avoir un kiosque à l’aéroport à la sortie des passagers. Nous voyons passer devant nous des milliers de travailleurs qui après vont partout dans la province. C’est une opportunité que nous avons saisie. Cela nous permet de prendre les contacts des numéros de téléphones cellulaires de ces gens-là. Nous communiquons beaucoup sur whatsapp. Alors nous communiquons avec eux par Internet et nous avons des listes de milliers de travailleurs. Comme ils sont partout, nous ne pouvons pas être nécessairement présents physiquement dans toutes les régions. Le RATTMAQ s’est incorporé en 2017, avant c’était un projet issu de la pastorale sociale des diocèses de Valleyfield et de Saint-Jean-Longueuil. Nous avons davantage d’intervenant à notre bureau de Saint-Rémi qui couvre la Montérégie. Nous avons aussi quelqu’un au Lac-Saint-Jean et nous voulons ouvrir d’autres bureaux régionaux.

À Québec, le réseau est encore en développement. Nous débutons la deuxième année, il y a encore de la place pour la croissance. Nous faisons davantage d’accompagnements légaux auprès de la CNESST par exemple, pour les infractions aux normes du travail et accidents de travail. C’est principalement cela. De l’accompagnement chez le médecin, nous le faisons, mais souvent c’est l’employeur qui le fait parce que c’est dans ses responsabilités. Nous dénonçons un peu cela parce qu’il est juge et parti s’il sert en plus d’interprète pour relater un accident par exemple. Cela peut le mettre en conflit d’intérêt s’il a un accident de travail, cela ne devrait pas être le patron qui accompagne le travailleur chez le médecin et qui traduit. L’employeur peut modifier le témoignage de l’employé pour faire en sorte d’amoindrir sa responsabilité dans les conditions de travail qui ont mené à l’accident. Il se produit toutes sortes de situations où ce n’est pas déclaré. Véronique

Le Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ) a pour mission :

* D’offrir des services d’accompagnement en matière d’immigration, de santé, d’éducation ou de francisation pour les travailleurs migrants agricoles et de transformation alimentaire dans la province de Québec. – De défendre et promouvoir les intérêts des travailleurs migrants agricoles et de transformation alimentaire dans la province de Québec.

* De sensibiliser les travailleurs migrants agricoles et de transformation alimentaire, à leurs droits, obligations et responsabilités.

* De représenter les intérêts économiques, environnementaux, et sociaux des travailleurs migrants agricoles et de la transformation alimentaire notamment par des interventions auprès de diverses instances décisionnelles ou consultatives du gouvernement du Québec et du Canada.

* Le Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ) comporte également un volet d’information (sensibilisation) et d’éducation du public aux enjeux du secteur agricole au Québec et de ces travailleurs migrants agricoles et de transformation alimentaire. Afin de créer et soutenir, dans la population locale et plus largement, un mouvement de sympathie, d’accueil et de solidarité à l’égard des travailleurs migrants agricoles et de transformation alimentaire.

 

À l’origine, les travailleurs agricoles ne faisaient que du travail saisonnier. C’est un programme qui s’appelle PTAS (Programme de travailleurs agricoles saisonniers) et cela a débuté en 1974. Il s’agissait d’un projet pilote avec les Caraïbes. Les premiers travailleurs étaient Jamaïcains. Puis le Mexique s’est ajouté à cette entente dès les années 1970. Aujourd’hui, ce sont principalement des Mexicains. Ce programme oblige les travailleurs à quitter le Canada avant le 15 décembre et la durée maximum est de huit mois. C’est surtout du travail maraicher et ce sont des contrats plus courts. Toutefois, les besoins de main-d’œuvre ne sont pas temporaires. Ces travailleurs n’ont pas accès à la résidence permanente et très peu réussissent à immigrer au Canada. VT

Dépendamment du programme avec lequel ils sont embauchés, pour le PTAS, le travailleur rembourse la moitié de son billet d’avion. Le second programme, celui des travailleurs étrangers temporaires, volet agricole, date des années 2000. Au Québec, ce sont surtout les Guatémaltèques qui l’utilisent et c’est l’employeur qui paie le billet d’avion. Ce sont des contrats de travail qui durent jusqu’à deux ans. Ce ne sont pas les mêmes industries. On parle des fermes laitières, des productions animales comme la volaille et l’industrie porcine. VT

* Est-ce que le travailleur reste ici pendant deux ans ou bien il part et il revient ?

Cela dépend. Je pense que la pandémie a chamboulé bien des choses. Il y a des travailleurs qui ont du rester ici plus longtemps que les deux ans. Alors les permis ont été renouvelés.

Le gouvernement a assoupli ses normes. Bien sûr, ils ont besoin d’aller voir leur famille, parce que celle-ci ne peut pas venir les visiter, ni immigrer au Canada. Victor pourrait nous répondre.

Dans le groupe auquel j’appartenais, nous étions trois. Après six mois, nous pouvions rentrer au Guatemala et une autre équipe nous remplaçait pour six mois. Sauf que maintenant, les contrats sont d’une durée plus longue, une à deux années et après la première année, nous avons droit à 15 jours de vacances dans notre pays. Rodrigo

C’est variable, ce ne sont pas des normes. VT

* C’est complètement inhumain de ne pas pouvoir voir sa famille, sa femme ses enfants pendant toute une année. YC

* Si un migrant devient un immigrant, vous ne le représentez plus ?

Cela ne rentre pas dans notre mission parce que les résidents canadiens ont des droits que les travailleurs migrants non pas. La raison c’est que les permis de travail sont fermés, ils ne peuvent travailler que pour un seul employeur. Ils n’ont pas le droit d’aller chercher du travail ailleurs si les conditions de travail ne leur conviennent pas. C’est une main-d’œuvre captive en quelque sorte qui est beaucoup plus vulnérable aux abus. Ce n’est pas le cas pour un résident permanent pour qui il est plus facile de faire valoir ses droits. VT

* Je connais des immigrants qui travaillent dans des fermes qui vivent des difficultés parce qu’ils sont  immigrants. Alors, on se sent égaux selon le traitement qu’on nous donne.

C’est sûr que je pourrais les conseiller et les référer aux bonnes personnes s’ils vivent des difficultés. Je suis heureuse de partager. VT

Jason est en charge des fêtes des travailleurs agricoles.

J’ai travaillé en pastorale et lorsque j’habitais à Gatineau, ils m’ont nommé sur la table de la pastorale sociale du Québec. J’ai rencontré Nielle et Émile qui sont responsables des diocèses de Valleyfield et de Saint-Jean-Longueuil. Ils m’ont parlé du RATTMAQ et d’un travailleur qui était venu du Mexique et qui avait fait un témoignage à l’émission Enjeu de Radio-Canada. Il a parlé contre son employeur et ensuite il est retourné au Mexique. Le premier jour qu’il est revenu travailler au Québec sur la même ferme, il est tombé dans un trou et il est mort. Ça m’a pris aux trippes quand j’ai entendu cette histoire et je me suis dit : Il faut défendre ces travailleurs. Jason

* C’est bizarre comme coïncidence.

C’est louche un peu. Quand j’ai été nommé responsable de la pastorale sociale au diocèse de Québec, j’ai contacté Michel Pilon, directeur du RATTMAQ, que j’avais connu par le réseau de la pastorale sociale, pour organiser des fêtes pour les travailleurs agricoles au nom du diocèse. Avec la pandémie, j’ai perdu mon emploi, Michel m’a offert le contrat de m’occuper du volet des fêtes agricoles pour les travailleurs étrangers temporaires. J’ai demandé d’organiser des fêtes dans trois secteurs: dans Portneuf, Ile d’Orléans-Côte de Beaupré et Chaudière-Appalaches. Au Québec, il y a déjà six fêtes de ce genre qui sont organisées en Montérégie. Il y a 2000 travailleurs qui se rendent à l’Oratoire Saint-Joseph à Montréal à chaque année. Ils sont croyants et parfois c’est la seule messe qu’ils peuvent avoir. Ils se rassemblent une fois par année à l’Oratoire pour célébrer leur foi. À Mirabel et à Sainte-Laie, ils organisent un tournoi de soccer.  À Saint-Rémi, c’est la plus grosse fête au Québec. Ils réunissent 45 000 personnes pendant trois jours. Ça a commencé par une messe il y a 15 ans et c’est devenu une fiesta des cultures, deux fins de semaine pendant trois jours. À la fin, l’évêque de Valleyfield vient bénir les mains des travailleurs. À ce qu’il paraît, c’est de toute beauté. Jason

Mon objectif, premièrement c’est de briser l’isolement des travailleurs, mais c’est aussi de permettre aux Québécois de prendre conscience de cette réalité des travailleurs migrants qui nous nourrissent. On les aperçoit dans les centres d’achat ou à l’épicerie, des Guatémaltèques, des Mexicains. Alors mon objectif est de permettre au monde de pouvoir partager ensemble, échanger la culture québécoise et latino-américaine. Cela rejoint aussi un besoin de reconnaissance. Parfois, ces rassemblements permettent d’entendre des confidences sur la réalité qu’ils vivent et sur leurs droits. On rejoint moins les Guatémaltèques qui sont davantage de tradition évangélique tandis que les Mexicains sont davantage catholiques. Nous avons un comité dans Portneuf qui travaille là-dessus depuis le mois de janvier. J’essaie de bâtir un comité dans Chaudière-Appalaches, cela semble plus laborieux, mais nous allons y arriver. Dans la Beauce et à l’Ile d’Orléans, ils sont peut-être moins communautaires que dans Portneuf. Ils embarquent moins dans les fêtes comme ça. Cela va avoir lieu à la paroisse de Donnacona le 18 septembre. On va cuisiner des hot-dogs, mais nous aimerions aussi leur faire connaître le sirop d’érable. C’est pour notre souveraineté alimentaire qu’ils sont ici. Ce sont des Mexicains qui produisent la souveraineté alimentaire des Québécois, mais ce sont des travailleurs invisibles. Jason

Je pense que la COVID a permis une plus grande visibilité de ces travailleurs étrangers. On en a parlé de plus en plus dans les médias, il y a des dénonciations qui sortent. En Ontario, il y a des travailleurs qui sont décédés de la COVID parce qu’on les a confinés dans des endroits trop petits, surpeuplés et insalubres. Ils n’ont pas pu chercher de l’aide dans leur langue. En plus des fêtes agricoles, nous avons un projet de distribution de vélos à l’Ile d’Orléans où l’on retrouve environ 1 500 travailleurs agricoles ce qui représente le quart de la population de l’Ile d’Orléans. Nous avons un partenariat avec Cyclo-Nord-Sud qui vont nous fournir des vélos à moindre coût pour donner aux producteurs agricoles pour les travailleurs migrants. Nous avons aussi le projet de donner des ateliers de français. VT

À l’Ile d’Orléans, on ne retrouve pas de services adaptés ou d’organismes communautaires pour ces travailleurs. Nous ne sommes pas assez nombreux pour défendre les cas de tous les travailleurs. Souvent, il y a les délais légaux qui jouent contre nous parce que pour déposer une plainte pour un congédiement illégal, il faut respecter le délai de 45 jours maximum. Or, le travailleur qui ne connait pas la loi des normes du travail, va souvent nous avertir trop tard. Parfois, on nous appelle trois mois après le congédiement, mais nous ne pouvons rien faire. Nous recevons aussi de nombreuses références, les travailleurs étrangers se parlent et ils sont très connectés entre eux. Ils ont tous un cellulaire. De fil en aiguille, on reçoit des références. Cela fait seulement une année que nous sommes à Québec et cela se passe très bien. Nous avons la reconnaissance des travailleurs pour l’accompagnement que nous leur offrons. Souvent, ils ne s’attendaient pas à retrouver cet appui dans la société québécoise. Les programmes de travailleurs étrangers sont gérés par le privé, ce sont des agences privées qui recrutent au Guatemala et au Mexique et ils font affaires avec des agences ici qui font le lien avec les donneurs d’emploi. Ferme, c’est la plus grosse au Québec, cela s’appelle Farm en Ontario. VT

* Est-ce que ces agences ne pourraient pas établir des liens avec votre organisme ?

Oui, avec Ferme, nous en avons, mais les consulats ont aussi un rôle à jouer. Or, ce ne sont que quelques représentants consulaires pour quelques milliers de travailleurs. Ils sont un peu en conflit d’intérêt parce que le consulat ne veut pas avoir des cas individuels à défendre, ce qui l’intéresse c’est le développement du programme parce que cela signifie de grosses entrées d’argent pour le pays d’origine des travailleurs. Les envois d’argent à leur famille représentent une grande partie du P.I.B. pour plusieurs pays. Les travailleurs du Guatemala sont appréciés par les employeurs québécois parce qu’on les trouve plus soumis, plus dociles, que les Mexicains. VT

* Ils ne connaissent pas leurs droits et ils acceptent tout.

Depuis deux ans, nous les accueillons à l’aéroport et nous prenons leurs coordonnées. Entretemps, nous avons dégagé un budget au conseil d’administration du RATTMAQ et nous produisons des capsules vidéo sur leurs droits que nous leur envoyons sur whatsapp. Nous les réalisons en espagnol. Nous traitons de différents sujets tels que la responsabilité des employeurs face à la Covid. Cela fonctionne plus que le papier. Jason

De tout ce que j’ai compris, il y a des choses qui sont très importantes. Nous venons ici, directement de notre pays, pour travailler. D’ici, nous ne connaissons que notre travail et l’épicerie pour acheter de la nourriture. Cela nous donne du stress parce que le travail sur une ferme, c’est dix heures par jours, six jours par semaine. Les vidéos qu’ils produisent nous aident à mieux comprendre où nous sommes et quels sont nos droits. Je viens juste de m’ouvrir les yeux alors que cela fait plusieurs années que je viens travailler au Québec. Rodrigo

Nous avons peur que si nous parlons, ils vont nous renvoyer dans notre pays. C’est compliqué. Ce n’est pas seulement ce que j’ai vécu, mais c’est le fait de la majorité. Le première fois que quelqu’un vient ici, il vient avec l’envie de travailler et la crainte de perdre son emploi. Alors, il se peut qu’il s’épuise à travailler en fournissant un effort qui ne respecte pas les limites de son corps. Mais pour les employeurs, tout ce que nous faisons n’est jamais suffisant et ils nous demandent toujours d’en faire plus. Cela occasionne des lésions musculaires que nous ne prenons pas le temps de récupérer par peur de perdre notre emploi. Nous ne pouvons pas, ni ne voulons nous plaindre lorsque nous avons mal à un bras ou à une jambe, par exemple. Dans ma dernière expérience de travail, c’est ce que j’ai vécu. Rodrigo

 

* C’est la même chose qui se passe avec le CIUSSS, mais nous avons des droits.

Nous sommes habitués à travailler dur. C’est certain. Peut-être pour cela, ils pensent que nous n’avons pas de limite. Aussi, c’est parce que nous sommes payés à l’heure, alors ils exigent toujours d’être plus rapides. Si tu es enrhumé, tu ne peux pas te plaindre ni ralentir la cadence de travail. Souvent, le temps des pauses ou des repas n’est même pas respecté. Pour ce qui est de la santé, nous endurons la douleur sans rien demander. Nous apportons nos propres médicaments du Guatemala pour nous auto-médicamenter si nous avons mal à quelque part. Certains pensent que nous sommes des travailleurs jetables. Tant que nous sommes productifs, ils nous apprécient. Sinon, ils nous jettent. Rodrigo

* Quels sont les recours que vous avez ?

Le recours que nous avons, c’est de demander un permis de travail ouvert. Le remède aux abus s’appelle le permis de travail ouvert pour travailleurs migrants. Cela permet de changer d’employeur, mais il n’est donné qu’aux travailleurs qui peuvent faire la preuve qu’ils ont vécu des abus. Un travailleur qui n’est pas accompagné par un groupe de soutien, c’est difficile qu’il fasse la démarche lui-même. C’est ce qui a permis à Rodrigo de rester au Canada. C’est un programme d’urgence qui est géré par Immigration Canada. Ce sont des urgences, alors c’est traité rapidement, en une semaine on peut avoir la réponse. Cela demande beaucoup de travail pour soumettre un dossier au gouvernement. C’est une solution qu’a offert le gouvernement pour satisfaire les groupes militants, mais ce n’est pas suffisant. Ce ne sont pas tous les travailleurs migrants qui y ont accès et il y a des refus. En Colombie-Britannique, il y a eu des cas de rapporter que ce qui était écrit dans la plainte a été utilisé contre le travailleur pour le renvoyer dans son pays. Après avoir porté plainte, cela peut être difficile de se replacer dans une autre entreprise agricole. Heureusement pour lui, Victor ne travaille plus en agriculture. VT

Selon moi, le travailleur agricole migrant, c’est de l’esclavage moderne. Cela me fait penser à l’Égypte à l’époque des pharaons. Les Hébreux y ont construit de belles pyramides que nous admirons encore, mais ils ont été maltraités. C’est une référence historique. Deuxièmement, j’aimerais que vous nous éclairiez sur ce que les syndicats font. Est-ce qu’ils ont voté quelque chose ? J’ai appris, il y a quelques années, que les travailleurs migrants agricoles pouvaient se syndiquer. J’aimerais avoir un éclairage là-dessus. La syndicalisation représente une étape importante pour permettre aux travailleurs migrants de pouvoir se défendre. Bernadette

Il y a des syndicats qui luttent pour cette cause au Canada, surtout les Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, les TUAC. Nos bureaux étaient chez eux avant et ils ne nous demandaient aucun loyer. En Colombie-Britannique et en Ontario, ils ont été des défenseurs des travailleurs migrants, même si ces derniers n’étaient pas encore syndiqués. Ce sont des réglementations par province. Au Québec, l’entreprise doit embaucher au moins trois salariés à l’année, pour qu’ils aient le droit de se syndiquer. Donc, les producteurs maraichers, ne sont pas tenus de syndiquer leurs travailleurs. D’ailleurs, ceux-ci n’ont pas le droit de se syndiquer. C’est une loi qui a été votée par le ministre libéral Sam Hamad en 2015. Les travailleurs migrants syndiqués sont surtout ceux ou celles qui travaillent dans les serres parce que ces entreprises fonctionnent à l’année, même chose pour les abattoirs. Par contre, il y a les Serres Toundra à Saint-Félicien qui embauchent plus de 100 Guatémaltèques, et il n’y avait toujours pas de représentant syndical qui parlait espagnol. Si on leur demande s’ils sont syndiqués, parfois ils l’ignorent, même si le montant des cotisations syndicales est retenu sur leur chèque de paie. On ne leur avait jamais parlé de cela. Or, la plupart des travailleurs que nous aidons, n’ont pas le droit à la syndicalisation. VT

* Est-ce qu’il y a des inspections qui sont faites et qui est-ce qui s’en occupe ?

Il y a ce qu’on appelle le IMT, en français c’est l’Étude d’impact sur le marché du travail qui est décernée par le gouvernement fédéral. En gros, il s’agit d’offrir l’emploi dans la région et si personne ne postule, l’employeur peut demander la permission d’avoir recours à des travailleurs migrants. Cette règle a été abandonnée récemment.

Au Salvador, plus de 25% de la population vit à l’étranger et l’argent envoyé au pays par les expatriés correspond au premier poste du P.I.B. national. Alors, cela devient une politique de plusieurs pays en Amérique latine d’envoyer travailler leurs gens à l’étranger pour qu’ils envoient de l’argent à leur famille pour faire tourner l’économie. Combien d’Haïtiens est-ce qu’il y a à Montréal ? Je pense qu’il y en a au moins        30 000. C’est une politique des bourgeoisies rentières qui ne cherchent pas vraiment à développer leur pays dans le sens du bien commun et qui ne veulent pas contribuer financièrement à la consolidation d’un État qui permettrait une certaine amélioration des conditions de vie par l’instauration de politiques sociales. Mario

Pourrais-tu nous parler des pires cas qui vous ont été rapportés concernant les travailleurs migrants agricoles où vous êtes intervenus ? YC

Il y en a tellement. Ce qui arrive, c’est que parfois, même en les aidants, il se peut qu’on nuise à la personne. C’est difficile pour nous parce que nous ne savons pas quelles seront les représailles que le plaignant va recevoir. Par exemple, l’automne dernier, il y avait une résidence qui était infectée de punaises de lit. Cela faisait tellement longtemps qu’ils en parlaient à leur contremaître que l’un des travailleurs était tombé malade. Alors, lorsque nous avons été mis au courant du cas, nous avons pris contact avec la Santé publique. Nous n’avons pas dit qui était notre source, ils étaient plusieurs à endurer cette situation. La Santé publique s’est impliquée et elle les a tous mis en quarantaine parce qu’on avait peur qu’ils aient la COVID. Après les avoir tous testés, ils n’avaient pas la COVID, mais le contremaître les a mis en arrêt de travail jusqu’à ce qu’il sache qui avait porté plainte. Alors, ils ne gagnaient pas d’argent pendant ces jours-là, parce que quelqu’un avait osé parler au RATTMAQ et à la Santé publique. C’est un exemple d’une situation où nous voulions bien faire et cela s’est retourné contre ces travailleurs. Ils sont retournés au travail et le RATTMAQ a dénoncé ce chantage. Souvent, les grands patrons vont dire qu’ils ne sont pas au courant et que c’est leurs contremaitres qui agissent mal. VT

Dans un mois, il y a un travailleur qui passe au tribunal contre son employeur pour harcèlement psychologique. Il était traité comme un esclave sur une ferme laitière, corvéable en tout temps, il devait toujours être joignable. Comme il était seul, cela le rendait plus vulnérable encore. Ça a duré deux ans, sans pouvoir rentrer dans son pays. Il voulait aller voir sa tante qui était souffrante, mais les patrons lui disaient que cela ne valait pas la peine d’y aller juste pour 15 jours. Elle est décédée sans qu’il puisse revoir sa tante qui était comme sa mère pour lui. La COVID a été utilisée pour isoler des travailleurs qui l’étaient déjà beaucoup. La règle, c’est qu’ils ne peuvent pas sortir de la ferme, juste pour aller faire les courses, alors ils sont complètement isolés du monde extérieur. Les employeurs ne veulent pas qu’ils développent un réseau social ici au Québec et qu’ils apprennent qu’ils ont des droits. VT

Il y le cas d’un individu qui s’appelle Lucien qui est venu travailler au Québec. On l’a envoyé sur la Côte-Nord, mais il est épileptique et il a manqué de médicaments pendant la quarantaine. Pour être sélectionné, il n’avait pas dit qu’il avait ce problème de santé et il n’a pas demandé de l’aide à temps. Pendant une crise d’épilepsie, il est tombé sur la route et il s’est fait frappé par une voiture. La décision de la Société de l’assurance automobile c’est de l’indemniser qu’à 50%, alors que pour un résident permanent, cela aurait été 100%. Au Québec, c’est le « no fault » qui s’applique, mais il faut être résident pour en bénéficier et que cela ne s’applique pas aux travailleurs étrangers. C’est pour cela que nous sommes sortis dans les médias. Cela s’est rendu jusqu’à l’Assemblée Nationale, mais cela n’a rien changé. Je pense que cela ne sera pas le dernier cas, parce que le nombre de travailleurs migrants temporaires ne fait qu’augmenter. Il payait des impôts depuis plusieurs années au Québec, alors pourquoi n’est-il pas protégé.

Nous l’avons accompagné au niveau des démarches d’immigration, car il voulait faire une demande de résidence permanente pour cause humanitaire. Finalement, il est retourné au Mexique. VT

* Est-ce que vous croyez que les Québécois et les Québécoises connaissent la situation des travailleurs migrants agricoles ? Qu’est-ce que vous faites et qu’est-ce qu’on peut faire pour que ça change ?

J’organise des fêtes en milieu rural pour sensibiliser les Québécois à la situation des travailleurs agricoles. C’est un moyen pour les faire connaître et les présenter à la communauté locale. Les articles dans les journaux aident également à faire connaître la situation au grand public. J’ai remarqué l’été dernier qu’il y avait toujours deux articles par semaine sur le RATTMAQ ou les travailleurs étrangers. On en parle de plus en plus dans les médias. Jason

Il y a plusieurs changements qui s’en viennent. On parle beaucoup du permis sectoriel qui permettrait aux travailleurs de changer d’employeur dans un même secteur d’activité comme l’agriculture par exemple. Cela se parle au gouvernement fédéral. Il y a déjà eu un projet pilote en Colombie-Britannique. Je pense que ce n’est plus juste une lubie des groupes communautaires. Dans un horizon de quelques années peut-être qu’on va être rendu là. Donc, une possibilité de mobilité sur le marché du travail, ce qui serait une avancée extraordinaire. Maintenant la CNESST nous connaît tous et toutes parce que nous déposons tellement de plaintes, qu’ils voient qu’il y a des besoins. En utilisant les mécanismes légaux existants, on rend visible les situations. Le nombre de plaintes enregistrées à la CNESST concernant les travailleurs migrants agricoles a augmenté de 300% au cours des dernières années et le RATTMAQ serait responsable du tiers de ces cas. Il faut des groupes pour leur permettre d’accéder à la justice. Je propose que la population devrait questionner davantage les producteurs agricoles lorsqu’elle les rencontre sur les marchés publics. Leur poser des questions s’ils emploient des travailleurs étrangers pour savoir qui est derrière le panier de fraises. Je pense qu’il manque encore de mobilisation. VT

* Nous avons des amis qui sont pomiculteurs. Ils ont des travailleurs agricoles. Ils nous ont fait visiter où leurs employés sont logés. C’est beau, ce sont des chalets d’été. Les producteurs sont contents, mais ils ne pensent pas que leurs employés pourraient être mieux logés. C’est comme une normalité, comme les Égyptiens traitaient les hébreux. C’était normal qu’ils travaillent et ils mangeaient des bons oignons. Je trouve qu’il y a un travail de sensibilisation à faire. Chaque geste que nous posons, on peut s’interroger. Je connais des immigrants qui sont bien nantis, qui des bons salaires, et ils ne savent même pas que leurs frères travaillent dans les champs. Dans le peuple, les travailleurs agricoles constituent une autre classe de gens, plus discriminée encore.

* Je pense que parfois on oublie qu’il y a des travailleurs étrangers au Québec.

* Qu’est-ce qu’on sait d’eux sinon qu’on les voit de loin, pliés en quatre dans les champs l’été. On ne leur a jamais parlé et on ne sait pas ce qu’ils vivent. Il y a un travail de sensibilisation à faire.

Ce n’est pas juste dans les champs, il y a les chambres d’hôtel aussi, les femmes qui nettoient, les plongeurs dans les restaurants, dans les abattoirs, les usines de traitement des poissons aussi.

* On les retrouve dans tous les métiers et comme travailleurs ou travailleuses, ils sont méprisés.

*  Moi, je connais aussi des préposés aux bénéficiaires qui sont venus ici travailler. Dans les résidences privées, leurs droits ne sont pas respectés et ils ne sont pas syndiqués, alors que dans leurs pays ils étaient médecins ou infirmières.

Un autre groupe défend les travailleurs sans statu. Il y a beaucoup de femmes qui viennent pour travailler comme domestique, surtout à Montréal. Ils sont attachés à leur employeur. Après deux ans, ils peuvent le quitter et trouver du travail ailleurs. Sauf que les employeurs les retiennent en leur racontant des histoires que si elles quittent leur emploie, elles vont devoir quitter le Canada. Parfois, il y a des femmes qui viennent ici en se mariant avec un Canadien. Si elles veulent les quitter après un certain temps, les hommes les menacent de les dénoncer à Immigration Canada et qu’elles vont être déportées. Ce sont des gens qui choisissent de rester avec un conjoint qu’elles n’aiment pas. D’autres encore sont venus comme touristes et ils restent comme travailleurs clandestins, sans aucun droit. Ils décident de rester même sans avoir de papier. Ce sont des gens sans statut. Mario

* Deux fondateurs du CAPMO, Jean-Paul Asselin et Benoit Fortin, ont été aussi les fondateurs du syndicat des employés du Hilton Québec. Il y avait là un syndicat de boutique, affilié avec la pègre américaine. Le président du syndicat de l’époque a été emprisonné pour cinq ans au Pérou pour trafic de drogue. Le Hilton a ouvert en 1974, un an après le coup d’État au Chili. Plein de femmes chiliennes sont arrivées au pays comme réfugier politique. Benoit et Jean-Paul, qui étaient des prêtres ouvriers, ont accueilli ces femmes au Centre Encuentro qu’ils avaient fondé précédemment sur la rue Saint-Olivier dans le quartier Saint-Jean-Baptiste. Ils les ont encouragées à se faire engager au Hilton comme femmes de chambre. Elles se sont tout de suite impliquées pour constituer un nouveau syndicat qui sera affilié à la CSN. Il y avait plein d’étrangers dans le conseil d’administration de ce syndicat. Il y a eu une union incroyable entre ces gens. Ce syndicat a conduit à la syndicalisation du secteur de l’hôtellerie et de la restauration partout au Québec. Il y avait aussi les enfants de Duplessis qui travaillaient au Hilton et ils étaient moins payés que les autres parce qu’ils étaient considérés comme des déficients intellectuels. Alors il y a eu une union entre des intellectuels, des enfants de Duplessis, des prêtres ouvriers et des travailleurs étrangers. Robert

* Le syndicat de l’hôtel Hilton vient de conclure une grève de sept mois. Ils ont du recommencer à zéro la lutte que ces gens avaient faite. Je pense qu’actuellement au Québec, les employeurs cherchent à éteindre le syndicalisme. Il faut se remettre les pieds dans la boutique. Cette grève s’est réglée la semaine dernière. La majorité de ceux et celles qui travaillent là sont des immigrants. S’ils n’avaient pas lutté aussi longtemps, il n’y aurait plus de syndicat au Hilton.

* Lorsque nous avons signé la première convention collective, la décision a été prise par le syndicat que les femmes seraient mieux payées que les hommes. Ce qui fait que quelques années plus tard,  nous avons fait la grève pour réclamer que les hommes gagnent autant que les femmes de chambre.

Benoit et Jean-Paul agissaient incognito, sans révéler qui ils étaient vraiment. À un moment donné, Benoit a écrit dans le bulletin syndical qu’il remerciait ses patrons pour la dinde qu’il avait reçu à Noël. Il a été licencié à cause de cet article. Alors il s’est défendu en cour pour licenciement pour activité syndicales. Son combat est allé jusqu’en Cour suprême du Canada où il a gagné et les années de salaire manqué lui ont été versé d’un seul coup. Il a fait don de cet argent à des organismes communautaires. Benoit a fondé plus de 30 organismes communautaires au cours de sa vie dont le plus grand nombre en Outaouais. Jason

* On doit savoir comme Québécois que les petits travailleurs qui accomplissent les tâches les plus ingrates ne sont pas protégés. C’est là qu’on devient frères et sœurs pour changer les choses. Cela prend du temps, sept mois de grève dans certains cas. C’est long dans la vie d’un travailleur, mais on doit être conscients que ce n’est qu’ensemble qu’on peut y arriver.

* Prolétaires de tous les pays unissez-vous!

* Oui, les travailleurs migrants paient des impôts au Canada. Ils paient de l’assurance-chômage et l’assurance parentale sans jamais y avoir droit.

Moi, la question que j’aimerais poser, c’est quand vont-ils avoir le droit de faire venir leur famille ici et devenir résidents du Canada ? Parce qu’un an sans voir sa femme et ses enfants, c’est inhumain. YC

C’est la question de l’accès à la résidence permanente qui se pose. La principale difficulté, c’est l’exigence de connaissance du français ou de l’anglais qui est très haute. La plupart n’ont pas le temps ou accès à la francisation. Il y a beaucoup de travailleurs qui voudraient l’apprendre. Parfois, les employeurs nous disent que cela ne les intéressent pas parce qu’ils sont trop fatigués. VT

* Faites les moins travailler, ils vont être moins fatigués.

Il y a aussi de nombreux employeurs qui acceptent la francisation et qui paient les heures de francisation à leurs employés. C’est génial, mais il s’agit d’une minorité. L’immigration avec leur famille, cela ne se fera pas, surtout pour des travailleurs saisonniers. VT

Oui, mais certains sont ici toute l’année avec seulement deux semaines de congé pour aller voir leur famille. YC

Le problème ce sont les catégories d’emploi et les travailleurs agricoles, malgré le fait que nous en ayons besoin, sont les moins qualifiés. Ils appartiennent à la catégorie « E » qui signifie aucune qualification. Leur permis ne leur permet pas de faire venir leur famille. Même si cela fait dix ans qu’ils viennent travailler ici, cela ne change rien. Ils travaillent toujours au salaire minimum, sans beaucoup de perspectives d’ascension sociale. VT

* Ils y trouvent leur compte puisqu’ils sont bien mieux payés que dans leur pays.

Là-bas c’est la survie. Ici, ils réussissent à faire vivre leur famille qu’ils ne voient pas, sans pour autant devenir riches. VT

Il y a aussi des cas où les travailleurs doivent rembourser à l’agence leurs frais de déplacement et d’embauche, ce qui leur enlève beaucoup d’argent et rend le travail ici moins payant. Certains doivent acheter leur place pour être recrutés. C’est illégal cependant et la GRC enquête là-dessus, mais comme cela se passe à l’étranger, j’ai des doutes. Jason

* Normalement, quand tu viens travailler au Québec, tu as le droit à la francisation gratuite, mais la loi n’est pas respectée pour les travailleurs migrants agricoles. Je pense que les statuts migratoires ne leur sont pas expliqués. Si tu leur enlèves le droit de voir leur famille, tu ne respectes pas leurs droits humains. On leur enlève la dignité alors que ce sont des êtres humains comme nous. C’est une violation de la charte des droits à mon point de vue. Ce serait un bon point d’entrée pour revendiquer les droits des travailleurs migrants. En premier lieu, ils doivent être informés de leurs droits. La présence des proches est primordiale pour l’équilibre psychologique des travailleurs qui restent ici plus de six mois par année. L’impuissance qu’ils ressentent vis-à-vis de leur employeur porte aussi atteinte à leur dignité et à leurs droits.

À Lévis, dans un CHLSD privé, il y a un cas de Malgaches qui ont travaillé six mois sans être payés. On leur disait qu’ils faisaient un stage et comme ils n’avaient pas de permis de travail, ils ne pouvaient pas porter plainte. C’est le Tremplin et le CDI qui ont pris la cause en main. Le propriétaire prétend qu’il n’était pas au courant de cela, que c’était les gestionnaires de la résidence. Jason

Ce sont des histoires d’horreur ! C’est le règne du non droit. Auriez-vous besoin d’un comité de soutien formé de bénévoles à Québec ? Prenez les noms de ceux ou celles qui voudraient vous aider. YC

Oui, nous aurions besoin de renfort pour des interprètes et de la francisation. Parfois nous avons des besoins d’accompagnement à Québec, des besoins de déplacements et de logements d’urgence aussi. VT

Merci au RATTMAQ pour cette belle rencontre.

Propos rapportés par Yves Carrier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Réseau d'aide aux travailleurs migrants agricoles

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