# 331 – Medellin, rencontre avec des membres de la Première ligne, 27/11/21

Les jeunes gens rencontrés lors de cette discussion au siège de la CUT à Medellin, n’apparaissent pas sur cette photo, ni leurs noms d’ailleurs, puisqu’ils doivent vivre dans la clandestinité depuis leur participation aux manifestations de 2021.

* Bonjour, je manifeste pacifiquement sous une forme théâtrale en me déguisant et me plaçant devant la manifestation, face aux policiers. Je ne trouve pas normal que je reçoive des menaces de mort à cause de cela. Pour moi l’explosion sociale en Colombie est quelque chose d’historique. Je ne sais pas jusqu’où cela va aller, mais nous sommes habités par un esprit révolutionnaire parce que nous voulons que les choses changent. J’ai commencé à manifester à temps plein à partir du 20 juillet 2021. Nous avons réalisé que les protestations étaient massives parce que des centaines de milliers de gens sont descendus dans les rues. Pourquoi cette colère ? Pendant la pandémie, la seule aide du gouvernement que nous avons reçu était une caisse de produits alimentaires qui devait durer trois mois. Celle que j’ai reçue contenait 14 produits dont la date de péremption était échue. Je suis sportif et j’ai perdu 6 kilos. Je me déguise en Jésus, mais je me peins la peau en vert comme l’uniforme des policiers et des militaires pour dénoncer que ces institutions sont pourries. C’est incroyable que nous sortions dans la rue pour manifester et qu’ensuite nous devions vivre cacher pour avoir fait cela alors que nous avions faim. Je ne mangeais qu’une fois par jour, mais cela ne nous empêchait pas d’aller dans les quartiers populaires pour leur apporter de la nourriture. Les manifestants sont les véritables héros dans ce pays, pas les militaires.

* En entendant le contenu des réformes proposées par le gouvernement, la population s’est soulevée parce que nous sommes fatigués de vivre autant d’injustices. La pauvreté des enfants dans les quartiers périphériques est ce qui me motive à poursuivre mon travail de conscientisation.

* Comme syndicalistes, nous appuyons les jeunes qui manifestent. Avec la pandémie, les conditions de vie se sont beaucoup détériorées. Nous les aidons pour ce qui est de la logistique et de la défense des droits humains. Nous avons les moyens de faire connaître les pires cas de violation de droits humains à l’échelle internationale.

* Moravia est le quartier où se terminent les marches de protestation en raison de l’esprit de résistance des habitants qui appuyaient les manifestations. Non seulement ils nous accueillaient, mais ils nous ont nourris, soignés et cachés de la police lorsque nous étions poursuivis. La colline de Moravia est un jardin qui domine une partie de la ville de Medellin. C’est un refuge pour les gens qui ne savent pas où aller parce que ses habitants comprennent les inégalités sociales et le sens de la lutte que nous menons. Bien évidemment, il y a des gens qui n’apprécient pas notre présence là-bas, alors que d’autres nous cachent.

* Dès les premiers jours, les gens nous donnaient du lait et du bicarbonate de soude pour enlever les gaz lacrymogènes de nos yeux.

* En Colombie, il existe un système qui est le narco-paramilitaire. L’État possède ses structures pour affirmer sa présence, mais derrière celles-ci, il y a des groupes paramilitaires liés aux narcotrafiquants. Sur toutes les places de chaque quartier ou village, ils sont présents. Ces gens sont chargés de surveiller ce qui se passe et assurent la sécurité des quartiers. Ce sont les fameuses frontières invisibles parce que chaque groupe exerce son influence sur un secteur de la ville. Un soir, il y a trois ans, un professeur a traversé l’une de ces frontières invisibles et il a été assassiné. En poursuivant les manifestants, la police a gazé ce quartier de Moravia sans tenir compte des résidents, des aînés et des enfants qui y vivent. Mais ce sont les paramilitaires qui exercent un racket de protection et qui maintiennent un climat de terreur, qui volent et intimident les habitants. Si tu paies la protection, ils vont t’aider, sinon ils ne te protègent pas, mais ce sont eux qui volent et font du tord aux gens.

* Au début, le ESMAD nous lançait des lacrymogènes, maintenant ils les lancent sur les habitations pour que les gens nous chassent. Alors la relation avec les habitants n’est plus ce qu’elle était, lorsqu’ils nous voient, ils nous demandent de partir.

* J’aimerais vous demander, avant l’éclatement social, étiez-vous organisés ?

* Auparavant, il y avait des marches, mais pas comme cette année avec une Première ligne qui fait face à l’antiémeute. Il y a toujours eu des marches et des morts, de la répression et des disparus. Cette année, l’explosion sociale est quelque chose d’inédit dans l’histoire de la Colombie. Le besoin de changement de la nation, de nos conditions de vie, de nos habitations, du respect de nos droits, de tout, bref, nous a conduit à la rue. Alors les gens ont commencé à se parler.

* Comme membres de la Première ligne, avez-vous subi une répression constante?

* J’ai été frappé par une cartouche de gaz lacrymogène, mais il s’agissait d’une cartouche récupérée qu’ils remplissent de gravier et d’aluminium pour nous blesser en nous visant directement. On les appelle balles de cristal. Elles servent à provoquer un maximum de blessures à celui ou celle qui la reçoit.

* Il y a de nombreux cas de ce genre, les blessures causées par la police sont quotidiennes. Ils visent les jambes, la poitrine, la tête ou les yeux. Il y a des gens qui ont perdu un œil. La Première ligne est celle qui reçoit la plupart de ces balles de cristal ainsi que les brigades de premiers soins et les membres des médias alternatifs. C’est ce qu’il y a de plus quotidien. Par exemple, les tirs ne sont pas au-dessus des manifestants, mais ils les visent directement au corps. En vérité, je ne crois pas qu’il y ait une information complète de tous les cas. C’est un travail qui demeure à faire, mais il y a de très nombreux cas.

* Avec le passage du temps, nous sommes beaucoup moins nombreux à être mobilisés que pendant l’explosion sociale. Les manifestations sont plus petites et nous sommes entrés dans une autre étape de la mobilisation. Les gens renoncent pour une multitude de raisons. C’était un mouvement très spontané. Il y a eu un recul du gouvernement avec la réforme tributaire, mais il y a aussi beaucoup de peur que les gens ressentent. Au début de l’éclatement social, il y avait de la répression, mais pas de l’ampleur de celle que nous avons connu ensuite, des assassinats et des disparitions. Alors de nombreuses personnes sont retournées chez elles. Que se passe-t-il maintenant ? Ceux et celles qui poursuivent les manifestations sont moins nombreux et donc plus faciles à identifier et à persécuter. Ici à Medellin, la police utilise les structures paramilitaires pour menacer et faire pression de manière illégale. Ce ne sont plus de simples mandats d’arrêt, mais des menaces de mort adressées aux manifestants ou à leur famille. « Nous savons où tu demeures, où habitent tes parents, etc. » Cette persécution demeure après l’éclatement social. La police cherche à savoir quels sont les mouvements qui demeurent actifs et qui est-ce qui y participent ? Il y a des faux leaders qui s’infiltrent dans ces mouvements pour identifier leurs membres et pouvoir les éliminer ou les accuser d’appartenance à des associations criminelles. C’est notre quotidien. Toutefois, ils n’y parviennent pas facilement et les mouvements demeurent des espaces sécuritaires.

* Moi, on m’appelle de numéros de téléphone que je ne connais pas pour me menacer. C’est fréquent. Parfois je m’absente plusieurs jours de mon domicile pour les égarer.

* S’agit-il de policiers habillés en civil ou qui portent l’uniforme ?

* Je ne sais pas, mais je reçois des menaces.

* Je fais très attention lorsque je me déplace. Je n’habite plus chez-nous depuis plusieurs mois parce que je suis recherché à cause de mon implication dans les protestations. Je change souvent d’endroit et je suis pour ainsi dire à la rue. J’ai hâte de reprendre ma vie normale avec un logis et un travail régulier. J’évite de croiser des policiers. Ils peuvent te faire disparaître, te battre ou pire encore.

* Moi, je ne peux plus aller chez nous parce que si on me reconnaît, je mets en danger la vie des mes proches. J’y vais parfois pour prendre des vêtements propres. En ce pays, on ne peut pas faire confiance à la police. Les paramilitaires qui habitent le quartier, connaissent ceux qui font partie de la Première ligne, certains nous considèrent comme des guérilleros, comme des ennemis, mais nous ne sommes pas armés. Alors il faut faire très attention.

* Voici la sœur d’Oscar qui souffre de lésions permanentes suite à un tir de gaz lacrymogène reçu lors d’une manifestation. Elle va nous raconter ce qui s’est produit et comment est Oscar maintenant. Le tir a été fait à une distance de deux mètres. Je l’ai vu de mes yeux.

* Bonne après-midi, mon nom est Duranas. Je n’ai pas été un témoin direct de l’impact qu’a reçu mon frère. Des policiers sont venus nous avertir qu’Oscar avait été blessé par une grenade lacrymogène à la tête. Ils n’ont pas voulu nous confirmer s’il s’agissait du ESMAD. Ce jour là, il y a eu des affrontements avec la police et Oscar rentrait à la maison parce que les policiers étaient après eux. Il s’en allait et il ne participait plus à la manifestation. À un coin de rue, un policier est apparu auprès de lui et il l’a visé directement à la tête. Il est tombé au sol immédiatement. C’est la police qui a appelé l’ambulance qui l’a amené à l’hôpital. Il était presque mort. Miraculeusement, il a survécu, mais avec de lourdes séquelles. C’est un cas grave ici à Medellin. C’est sa famille qui porte maintenant cela. Nous avons déposé plainte contre la police dans un recours légal. On nous a averti que lorsque la plainte est reçue officiellement, peut venir la persécution. Alors nous avons organisé un réseau de protection autour de nous. C’est la famille d’un commun accord avec Oscar qui a décidé d’entreprendre ce recours légal. En plus d’un œil, Oscar a perdu l’usage du côté gauche de son corps qui ne répond plus. Il n’entend plus non plus de son oreille gauche. Ils l’ont sorti de l’hôpital sans rien nous dire sur les traitements à suivre. Oscar ne voulait plus être hospitalisé, il devenait agressif. Il s’exprime avec difficulté et il demeure assis dans un fauteuil roulant. Il ne peut rester debout plus de deux minutes sans être étourdi.

* Comment cette situation a affecté votre famille ?

* Cela nous a beaucoup affectés. Oscar gagnait une partie des revenus de la famille comme vendeur ambulant. Économiquement, il n’y a plus que mes deux frères et moi comme soutien financier parce que notre mère souffre d’épilepsie qui l’empêche de travailler. Nous devons lui acheter des vitamines, des médicaments contre la douleur et des couches. Tout cela nous devons l’assumer parce que le système de santé ne nous vient pas en aide. Ce sont des produits dispendieux et comme Oscar ne peut plus travailler, nous sommes plus pauvres qu’avant. Présentement, nous faisons appel à des dons pour nous en sortir.

* C’est un procès qui est très complexe puisqu’il s’agit d’une attaque de la police. C’est la Procuraduria juridica libertad qui a la cause entre les mains. Il s’agit d’une institution importante ici en Colombie. Nous savons qu’ils vont défendre le cas. Nous ne recevons pas d’aide de l’État pour le moment.  Nous sommes complètement laissés seuls à nous-mêmes. Les avocats sont venus nous visiter à la maison, mais le cas n’avance pas. Alors qu’il se trouvait dans le coma à l’hôpital, deux policiers sont venus nous dire que l’État déposerait des accusations contre lui pour vandalisme.

* Malgré la peur qu’on vous fait vivre, vous avez développé des mécanismes de dignité, ce qui me fait dire que face à l’inhumanité on pourrait être déprimé, mais j’observe la présence de beaucoup de solidarité et d’humanité. Cela me redonne espoir. Bravo à la CUT d’aider la Première ligne, c’est vraiment important. Cette mission d’observation est ici pour responsabiliser le gouvernement du Canada par rapport à ses relations avec la Colombie. Nous visitons plusieurs régions et l’un des aspects que vous soulevez est celui de la sécurité des opposants et des manifestants. Le gouvernement canadien considère que la Colombie est sécuritaire et que les opposants n’ont plus droit de revendiquer le statu de réfugier politique pour venir au Canada. Il faut revoir cela. (Denise Gagnon)

* La Colombie va très mal et le paradoxe c’est que ceux qui manifestent pour réclamer leurs droits sont deux fois plus persécutés. Je n’ai pas peur pour moi, sinon pour les autres qui m’accompagnent.

* Voyez ce qui s’est passé avec la Première ligne, quand ils étaient blessés, nous ne pouvions pas les amener dans les cliniques parce que la police nous y attendait pour les capturer tout en sachant qu’ils étaient blessés. Nous avons dû organiser des cliniques clandestines pour soigner les blessés parce qu’aucune institution ne pouvait aider ces jeunes. Le concept qu’ont eu les forces militaires, c’est que tous les manifestants sont des vandales et des terroristes pour le simple fait de réclamer leurs droits. Je suis allé visiter les jeunes qui étaient réunis près d’une bibliothèque, sauf qu’ils étaient encerclés par la police. Ce que m’a dit le commandant du ESMAD: « Ce sont des délinquants. » Je lui ai répondu : « Comment cela, ce sont des étudiants qui réclament leurs droits. Ils font cela parce qu’il y a pas de soins de santé dans ce pays, parce qu’il y a des inégalités. » Il m’a répondu : « Je ne mange pas des droits humains et je peux vous arrêter ». En ce pays, personne ne parle en bien de la société, pas même l’armée qui est loyale envers un système qui nous maintient opprimé. Ici, les moyens de communication disent des gens qui vont manifester que ce sont des vandales. C’est faux, nous sommes des gens ordinaires qui avons des besoins de santé et d’éducation. Parce qu’ici il existe davantage d’universités privées que publiques. C’est une société ignorante. Ici, c’est la police qui sont les vandales, ils commettent des méfaits pour ensuite en accuser les jeunes. La violence en ce pays peut être mesurée en litre de sang. Ici, les commandants de l’armée avec les faux positifs, disaient à leurs soldats, ne me ramener aucun survivant. « Assassinez-les pour que je puisse en récolter les honneurs. » C’est ce que disait Alvaro Uribe à ses commandants. Nous avons   6 400 faux positifs assassinés en Colombie et plus de 220 000 disparus. Maintenant, on nous raconte qu’Alvaro Uribe veut être avec les gens parce qu’il sait qu’ici la majorité des hommes d’affaires ont pris partis au conflit pour arracher la terre aux paysans. Ils nous ont déplacés vers les villes et maintenant nous devons lutter en ville. Ce pays doit changer, il ne peut plus demeurer tel qu’il est. Il y a trop de pauvreté. Ici, à Medellin, quand je suis allé prendre la défense des jeunes manifestants, j’ai vu la police sortir accompagnée des paramilitaires. Ils travaillent ensemble. Ici, il y a ces « gens de bien », ceux qui se considèrent comme des citoyens honorables et viennent tirer sur les manifestants à balles réelles pour appuyer la police. Ce sont des gens riches qui, à Cali, sont sortis pour faire feu sur les jeunes et les autochtones. C’est un pays de plombs, pas un pays qui cherche à régler ses problèmes.

* Il n’y a aucun recours légal si nous sommes persécutés par la police.

* Quels sont vos objectifs pour continuer cette lutte ? Quelles sont vos motivations ? Andres Munoz

* Pourquoi est-ce que je lutte ? Parce que dans ce pays où je suis né, nous n’avons rien. Mes neveux qui sont encore des enfants, ne peuvent espérer avoir accès aux études, à des soins de santé ou à un travail bien rémunéré. Si je dois mourir en revendiquant une vie meilleure pour mon peuple, je suis prêt à la faire.

Les droits que nous revendiquons sont les besoins fondamentaux pour un être humain: la santé et un logement adéquat. Ici, les loyers sont très élevés pour les revenus que nous avons. Moi-même j’ai reçu une grenade lacrymogène dans le front. J’ai eu une bosse, mais je ne suis pas allé à l’hôpital parce que je n’ai pas inscrit au régime public. Le jour où j’ai reçu cet impact à la tête, j’avais peur d’être arrêté si j’allais à l’hôpital. Alors, j’ai commencé à mentir en disant que je m’étais cogné la tête contre un mur. Je suis disposé à mourir dans la rue, je lutterais jusqu’à ce que le changement se produise.

* Moi, ma motivation pour continuer la lutte, c’est que nous pouvons changer en mieux notre pays et donner un futur meilleur aux enfants qui grandissent actuellement, mes cousins, mes neveux. Aussi, parce que cette lutte est digne malgré tout le mal qu’ils nous ont fait. Renoncer ce serait comme abandonné ceux et celles qui sont morts dans cette lutte, qui ont été blessés ou emprisonnés. De plus, j’ai été jeté à la rue, on m’a expulsé de notre logement, mais comme j’étais déjà réfugié chez quelqu’un, nous nous retrouvons tous à la rue. À chaque jour, des compagnons sont jetés en prison, c’est terrible. Ils sont à ma recherche, mais ils n’arrivent pas à me localiser. Ils sont venus me chercher chez moi, mais je n’y vis plus parce que je me cache. Il y a beaucoup de persécution. Ils sont venus un jour chez ma mère pour s’informer d’un autre jeune qui vit dans un autre quartier. Les paramilitaires sont venus lui demander où j’étais. Nous fréquentons des campements de personnes réfugiées ou sans domicile fixe, pour ne pas être repérés. Un jour, je suis allé à la maison et ils m’ont battu en me disant que j’étais un guérillero. C’est une façon que le gouvernement emploie pour intimider les jeunes manifestants. Les policiers utilisent les paramilitaires pour faire passer leur message et faire les sales besognes comme intimider nos familles, nous menacer de mort ou nous battre. Cela ne leur coûte pas très cher et les victimes ne portent pas plainte à la police.

* Pourquoi est-ce que nous continuons de lutter dans la rue ? J’ai toujours été rebelle et j’ai toujours voulu lutter pour la justice.  Dans ce pays, nous demandons l’accès à une bonne éducation parce que les revenus des familles n’arrivent pas à couvrir ce qu’ils nous exigent comme frais d’inscription. De plus, il y a beaucoup de familles en Colombie qui souffrent de la faim présentement. Certaines n’ont même pas d’eau potable à boire.

Nous luttons pour que nos parents aient droit à une pension digne, pour que la Colombie change parce que le gouvernement s’empare de nos richesses naturelles et il n’y a rien pour le peuple. Nous voulons notre pays, que ses richesses soient à nous, qu’elles servent le bien commun de la nation. Mais Alvaro Uribe, l’homme le plus riche du pays et l’ancien président ne permet pas cela parce qu’il veut tout avoir pour lui et sa bande. C’est à cause de tout cela que nous luttons. Uribe est en train de détruire ce pays. En Colombie, s’en est fait de l’éducation, de la santé, du travail. Tous ces militaires, ces policiers et ces paramilitaires le servent. Antioquia est une zone paramilitaire. (Uribe est le plus grand propriétaire terrien de ce département.) Nous luttons pour que cela s’arrête, pour qu’ils nous laissent tranquilles, pour que les femmes puissent circuler librement. Nous, les jeunes, luttons pour tout cela, pour la liberté, pour l’égalité, et pour notre terre. Nous avons tout ce dont nous avons besoin ici et il n’y a pas de raison pour laquelle nous devrions aller vivre à l’étranger. Ici, nous voulons avoir une vie digne, mais avec toute cette corruption, il ne reste rien pour le peuple, ni pour les jeunes. Ici, la délinquance à Medellin est terrible. Tu marches sur la rue et 7 ou 8 hommes t’entourent, ils te sortent un couteau, puis ils te volent ou ils te tuent, pour prendre ton cellulaire qui n’a aucune valeur. Les gens attachent beaucoup trop d’importance à l’argent et non à la vie. Dans ce pays, on ne respecte pas la vie et encore moins les droits fondamentaux des autres comme le droit au logement, à la nourriture, etc. Ici, les terres sont riches, elles produisent beaucoup, mais on nous vend les aliments à des prix toujours plus élevés. La Colombie est riche et nous ne voulons plus que ces gouvernements corrompus continuent de piller notre pays. Nous luttons pour la dignité, pour avoir l’accès à l’éducation pour tous les jeunes, même pour les vieux qui souhaitent retourner aux études. Mais ils ne nous donnent pas ces opportunités, ils ne font que nous tuer. Nous les pauvres, la majorité de la population, nous ne comptons pas à leurs yeux. Nous sommes la main-d’œuvre, ceux et celles qui donnons vie à ce pays et ils nous paient des salaires de misère, insuffisants pour couvrir les besoins de base de nos familles. Nous vivons dans la pauvreté et nous avons de la difficulté à manger correctement. Alors, ils nous arrivent avec une réforme fiscale qui les favorisent à nos dépends. Lorsque nous manifestons dans la rue, la police ne nous respecte pas, les agents ne respectent pas notre sentiment d’indignation, ils se moquent de nous. Nous luttons pour cela, pour la dignité.

* Au nom de la Première ligne de Medellin, je vous demande de ne pas nous oublier. Ce qui se passe en Colombie n’a lieu nulle part ailleurs dans le monde. Le gouvernement nous réprime et nous fait disparaître. Je lutte pour rompre les chaînes qui maintiennent le peuple dans la servitude depuis 511 ans. J’espère que vous pourrez faire la lumière pour que le monde sache ce qui se passe ici. Nous ne sommes pas des terroristes, ces manifestations sont la voix d’un peuple qui n’accepte plus de vivre ainsi.

Propos recueillis par Yves Carrier

 

 

 

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