#323 – Les défis de mobilité des femmes en situation de pauvreté

Ce soir, nous allons parler des difficultés de mobilité pour les femmes en situation de pauvreté. Je m’appelle Catherine Rainville et je représente le Collectif pour un transport abordable et accessible à Québec. Le TRAAQ participe au projet Femmes et mobilité avec deux autres organismes qui sont : Accès Transport viable et le RGF ou Regroupement des groupes de femmes de la Capitale-Nationale. J’habite à Québec et le TRAAQ dessert la ville de Québec. Je voudrais juste prendre le temps de souligner que nous sommes sur des territoires wendates non cédés. Cette reconnaissance est une pratique nouvelle qui s’instaure dans les différentes présentations des mouvements sociaux à travers le Québec et le Canada. C’est une façon de marquer une reconnaissance et un respect pour la Première nation avec qui nous partageons le territoire.

Qu’est-ce que le TRAAQ ?

C’est un regroupement d’organismes communautaires et de groupes citoyens qui a été fondé en 2017. Le CAPMO, dont Yves, Emilie, Monique, Éric, Robert, Ghislain, Stuart, Donald et Normand, est l’instigateur principal avec le Chantier mobilité Ste-Foy, Renaud et Nicole, et le Centre des femmes de la Basse-Ville, Joanne. Ce sont ces trois groupes qui assument la permanence du Comité de suivi du TRAAQ qui demeure ouvert à ceux qui souhaitent y participer. De nombreux autres organismes sont également membres du TRAAQ et ils se réunissent habituellement deux fois par année en assemblée générale. Ils sont motivés par une préoccupation commune qui est l’accès au transport en commun pour les personnes à faible revenu de l’agglomération urbaine de Québec constitués par la Ville de Québec, Wendake, l’Ancienne-Laurette et Saint-Augustin-Des-Maures. Bref, toute l’agglomération qui est desservie par le Réseau de Transport de la Capitale, RTC et le STAC, Service de Transport adapté en commun.

1. Présentation

Nous considérons la mobilité comme un droit alors nous défendons ce droit pour les personnes à faible revenu. Nous avons trois revendications principales que nous portons pour l’instant et nous faisons des actions en lien avec cela. Tout d’abord, nous portons la revendication d’une tarification sociale basée sur le revenu. Nous défendons l’idée qu’une réduction de 50% des tarifs devrait être accordée aux personnes qui vivent sous le seuil de faible revenu. Deux autres revendications que nous portons, 1) Nous demandons au RTC de développer davantage le nombre de dessertes pour assurer l’accès aux services essentiels, aux zones à forte concentration d’emplois, ainsi que les secteurs défavorisés où de nombreuses personnes n’ont pas accès à une voiture pour se déplacer et pour qui un transport en commun de qualité avec des fréquences raisonnables est primordial. Nous ciblons particulièrement les zones enclavées géographiquement ainsi que les secteurs qui se situent dans des déserts de services, là où les gens doivent pouvoir sortir de leur quartier pour subvenir à leurs besoins de base, pour vivre et faire leurs différentes activités. Voilà pour le TRAAQ.

Pour ce qui est du sujet de notre soirée, le projet Femmes et mobilité est né d’une collaboration entre le TRAAQ, Accès Transport viable et le RGF, au printemps 2020. Ces trois organismes se sont réunis pour discuter des besoins de mobilité caractéristiques des femmes.

Notre mission consiste à nous documenter, à enquêter et à sensibiliser, sur les besoins particuliers des femmes en matière de mobilité. Nous voulons rendre visible les défis de mobilité des femmes, d’en parler et faire connaître cette problématique à la population et aux décideurs dans le but de faire évoluer les mentalités dans les politiques d’aménagement et de planification des infrastructures de transport.

Pourquoi le Projet femmes et mobilité a-t-il émergé ? C’est que la mobilité est centrale pour la réalisation des différents droits humains. C’est la capacité de se déplacer avec aisance et facilité entre ses différents lieux d’activités, vers les différentes personnes que nous voulons aller visiter et pour avoir accès à des réseaux de sociabilité. Pour s’alimenter, travailler, avoir accès à des soins de santé, à une vie sociale, pour satisfaire l’ensemble de ses besoins, je dois pouvoir me déplacer. En fait, la mobilité est ce qui conditionne l’ensemble de mes activités.

L’autre aspect, c’est une réflexion sur les fréquences du transport et de l’aménagement urbain. La raison pour laquelle ce projet est né, c’est que les instigatrices ont réalisée qu’au fond les principaux critères qui orientent les politiques de développement urbain sont des critères masculins centrés sur l’emploi intensif de la voiture. Ces formes d’urbanismes reflètent les besoins et les rôles des personnes qui occupent ces fonctions de pouvoir décisionnel, très souvent sinon la plupart du temps, les hommes. Nous pouvons faire le parallèle avec le domaine de la médecine. Pendant longtemps, celle-ci était la chasse-gardée des hommes, alors les questions associées à la gente féminine n’avaient pas la même attention que celles qui intéressaient les hommes. Prenons, par exemple, le clitoris qui n’était pas illustré dans les manuels d’anatomie, de même pour la flore vaginale ou l’impact différencié des médicaments selon les sexes. Il y avait plein de biais parce que le domaine de la médecine était un champ d’expertise des hommes. De fait, les personnes qui étaient là ne pensaient pas à cela. Pourrions-nous dire qu’il s’agit de la même chose pour le domaine de l’aménagement urbain ? L’idée était que les acteurs qui agissent sur les questions de mobilités s’intéressent aussi aux perspectives féministes. C’est un peu la nature du Projet femmes et mobilité.

Quelques éléments d’analyse :

Quand on parle des défis de mobilité des femmes en situation de pauvreté, nous le faisons de façon généraliste puisque ce ne sont pas l’ensemble de celles-ci qui vont relever les mêmes défis. Les situations de chacune différent au niveau familiale, sociale, géographique, culturel, physique, les questions d’âge et d’origine ethnique, etc. Elles n’ont pas les mêmes parcours de vie et elles n’habitent pas toutes dans le même quartier. Elles ont des trajectoires de vie différentes et certaines choses qu’elles expérimentent parce qu’elles sont en situation de pauvreté. Par ailleurs, certains défis sont aussi rencontrés par des hommes en situation de pauvreté.

Il se peut que vous connaissiez une femme en situation de pauvreté qui pour une raison ou une autre ne rencontre aucun de ces défis parce qu’elle possède d’autres ressources typiques de son parcours. Alors, il faut comprendre que nous ne parlons pas de la réalité d’une personne en particulier, mais si nous prenons la situation globale des femmes en situation de pauvreté, il y a des éléments récurrents. Pour comprendre les différents défis que je vais vous présenter, il faut que nous ayons en tête les différences entre les hommes et les femmes en termes de mobilité. Cela peut être décliné de trois façons.

Encore aujourd’hui, même si nous aimons penser que nous sommes une société très égalitaire, la question de la répartition des rôles et des tâches domestiques demeure inégale au Québec. Statistiques Canada recense encore le temps consacré aux tâches domestiques dans les foyers. En 2015, de façon générale, les femmes consacraient une heure de plus par jour aux tâches de soin domestique et familiale que les hommes. Cela concerne autant le soin des enfants, la préparation des repas, le ménage, le magasinage, etc. Autre chose d’intéressant, c’est que ces inégalités entre les hommes et les femmes vont être plus grandes selon le revenu familial. Cette différence est due au fait que les personnes ayant de hauts revenus vont embaucher des aides domestiques pour s’acquitter de plusieurs de ces tâches. Donc, ce n’est pas nécessairement parce qu’il y a un meilleur partage des tâches, mais leur situation financière leur permet de trouver une sortie à leur problème d’inégalité. On le voit sur ce tableau, les femmes en situation de pauvreté consacrent 4 heures par jour au travail non rémunéré, autre que les études, le travail ou le temps libre, tandis qu’on observe une réduction de ce temps chez les femmes en situation avantagée.

 

 

 

 

Cette répartition inégale des tâches va créer certains enjeux en terme de mobilité de façon plus particulière chez les femmes en situation de pauvreté parce qu’elles n’ont pas nécessairement l’argent pour trouver une échappatoire à cette problématique des inégalités de partage. Un autre aspect intéressant ayant un impact sur la question de la mobilité, c’est celui de la sociabilité genrée. Il s’agit de l’éducation que les enfants reçoivent dès leur petite enfance. C’est une éducation qui va être différenciée selon le rôle, féminin ou masculin, assigné à la naissance. Des enfants fréquentant les services de garde vont déjà assumer ces rôles genrés. Une petite fille sera habillée en rose et aimera jouer aux poupées et les petits garçons seront habillés de couleurs foncés et aimeront les jeux plus physiques. Ce sont des comportements que les parents reproduisent avec leurs enfants. Ces rôles sont souvent renforcés par l’ensemble des milieux autour que les enfants imitent jusqu’à l’âge adulte. La socialisation genrée a plusieurs impacts dans les choix des secteurs d’emploi, sur les types de comportement de déplacement et sur les réflexions. Les gens ne vont pas réfléchir de la même façon lorsqu’ils vont se déplacer parce qu’ils ne répondent pas aux mêmes obligations. Ces stéréotypes de genre font en sorte que les hommes ont un rapport différent à l’espace public. Il y a aussi une autre différence entre les hommes et les femmes, c’est la question des besoins physiologiques des corps féminins.

Pour ce qui est des enjeux de pauvreté au Québec, il est difficile d’avoir des chiffres concluant parce que la pauvreté n’est jamais calculée de la même façon. Parmi l’ensemble des femmes, il y a plus de femmes que d’hommes qui vivent en situation de pauvreté. Un des éléments d’explication, c’est que les femmes vivent plus vieilles. Nous voyons ici que parmi les femmes de 65 ans et plus, 75 % vivent en situation de pauvreté. La pauvreté est extrêmement importante chez les femmes ainées, alors qu’elle l’est beaucoup moins chez les hommes ainés, entre autre parce qu’ils ont occupé pendant plus longtemps des emplois sur le marché du travail. Quand je disais qu’il y a toutes sortes de femmes en situation de pauvreté, ce tableau nous permet de voir qu’il y a certains profils qui ressortent davantage.  Par exemple, parmi l’ensemble des femmes ayant moins qu’un secondaire 5, 77 % vivent en situation de pauvreté. Autrement dit, c’est beaucoup plus difficile pour une femme que pour un homme n’ayant pas son diplôme de secondaire 5, de trouver un emploi payant. Ces hommes ont davantage de chance de s’en sortir. C’est la même chose chez les femmes immigrantes, les hommes immigrants étant moins susceptibles d’être en situation de pauvreté que les femmes.

Une autre catégorie, ce sont les femmes seules de moins de 65 ans, celles qui n’habitent pas dans une famille avec un ou une conjointe et aussi, les chefs de famille monoparentale.

Maintenant, je vous présente les différents enjeux que Femmes et mobilité a identifiés. Nous ne sommes pas les premières à les avoir reconnus, notre but a d’abord été de rassembler les réflexions qui avaient été faites à ce propos. Nous avons aussi cherché à recueillir des témoignages de personnes ayant vécu ces différentes situations afin de mettre un peu plus de couleur sur ces enjeux. Notre but est de rassembler tout cela pour le rendre visible. L’un des premiers enjeux concerne la question du coût du transport en commun. Pour la ville de Québec, c’est plus de 89,00 $ / mois. Si on gagne moins de 20 000 $, cela représente 5 % du revenu annuel, si vous vivez avec moins de 12 000 $, cela signifie 9 % de votre revenu. Rapportons maintenant ces pourcentages sur un revenu annuel de 40 000 $, c’est comme si vous devriez payez 167 $ / mois pour 5% ou 300 $ / mois pour 9 %.

Cette comparaison permet d’apprécier comment les coûts de transport occupent énormément de place dans le budget des personnes en situation de pauvreté. Offrir ce point de comparaison en terme de pourcentage, c’est utile, mais en même temps, une personne qui gagne 40 000 $ pourrait dire : « C’est ce que je paie pour ma voiture. » Sauf que cela ne reflète pas complètement son budget disponible pour le logement, la nourriture, les vêtements et le transport. (Les dollars vitaux, dirait Vivian Labrie, ne sont pas les mêmes.)

Pour une personne en situation de pauvreté, 9 % de son budget, c’est colossal, car elle doit aussi se loger, se vêtir et se nourrir. Déjà que vivre en situation de pauvreté est extrêmement difficile, le coût du transport représente un fardeau supplémentaire. Souvent, on a l’impression que l’apparente cherté des coûts de transport est une conséquence de la pauvreté, alors qu’elle en serait plutôt l’une des causes. C’est une réflexion à l’échelle d’un individu, mais si on se rappelle que les chefs de famille monoparentale sont des femmes dans 80 % des cas, c’est différent. Qui plus est, quand les enfants atteignent l’adolescence, on doit payer des passes d’autobus pour eux et elles aussi et cela accroît encore plus le fardeau économique de ces familles alors que le revenu de départ demeure le même.

 

 

 

 

 

2. Besoins non répondus par les services de transport en commun   

Il y a aussi la fréquence des passages et les horaires. Ce sont souvent les femmes qui doivent aller chercher les enfants à la garderie, qui vont visiter les aînés en résidence ou en CHSLD. Par exemple à Québec, les horaires sont faits pour desservir les besoins de transport entre le domicile et le lieu de travail ou d’études. Les autobus couvrent habituellement un horaire de 6 h le matin à 6 h le soir. L’ensemble des autres déplacements effectués par les femmes qui sont liés à leurs autres tâches ou rôles, vont faire en sorte qu’elles vont devoir se déplacer plus souvent hors des heures conventionnelles que les hommes. Les services de transport en commun ne sont pas adaptés aux horaires plus atypiques que vivent les femmes. Elles occupent en grande majorité des professions dans le domaine de la santé qui fonctionne avec des horaires de soir, de nuit et de fins de semaine. Cela non plus ce n’est pas pris en compte par les sociétés de transport en commun.

Un autre problème, c’est la desserte insuffisante vers des services institutionnels et des pôles d’emploi. Le système de transport est pensé pour lier les quartiers résidentiels aux différents lieux de travail et d’études. Souvent, on remarque à quel point pour les services essentiels comme les cliniques médicales, le service n’est pas assuré, les garderies, les CHSLD non plus. Tous ces autres lieux essentiels sont plus fréquentés par les femmes parce qu’elles sont plus en charge des tâches domestiques et familiales. Les études démontrent que de façon générale, les femmes se déplacent beaucoup plus et qu’elles effectuent davantage de petits déplacements à des endroits diversifiés parce qu’elles ont tendance à s’occuper de petites choses ici et là. On observe le même phénomène pour ce qui est des infrastructures cyclables qui sont prévus pour circuler entre le domicile et le lieu de travail ou d’études, elles ne sont pas pensées pour desservir les services essentiels comme les pôles d’emploi et les quartiers industriels qui sont peu fréquentés pas les femmes. Alors, lorsqu’on ne possède pas de voiture, le transport en commun tout comme le vélo, est une option pour elles. Mais si l’ensemble des lieux où elles ont besoin d’aller en-dehors du travail et des études, ne sont pas bien desservis, cela complique beaucoup les choses.

Un autre aspect, concerne le transport adapté, beaucoup plus utilisé par des femmes qui sont souvent aussi, en situation de pauvreté. Ainsi, il y aurait davantage d’hommes vivant avec un handicap, qui parviennent à conduire leur propre véhicule. L’accès et la qualité du service du transport adapté est important pour les femmes en situation de pauvreté qui ont des limitations.

 

 

 

 

 

 

 

 

Puis, dans presque toutes les municipalités du Québec où le système existe, il est extrêmement rigide sur le fonctionnement. À Québec, il faut réserver avant 18 h pour le lendemain matin et avant 10 h le matin pour le soir. Si vous avez des déplacements à faire sur votre lieu de travail, à un endroit précis, ça va; mais quand vous avez plusieurs petites commissions à faire, que vous êtes en charges des enfants, le réseau manque de flexibilité. C’est extrêmement difficile d’assumer les rôles en dehors du travail rémunéré avec un système aussi rigide en termes de réservation. La littérature démontre que ce sont souvent les femmes à qui incombent ces petits déplacements. Cela s’appelle les chaînes de déplacements complexes versus les déplacements linéaires du point A au point B, qui sont relativement faciles.

Le service de transport en commun est généralement peu adapté avec de jeunes enfants ou des charges. Si on revient encore une fois à la répartition des rôles sociaux, ce sont souvent les femmes qui les exercent. Quand on se déplace avec des adolescents, il n’y a pas nécessairement de problèmes, mais lorsqu’on se déplace avec de jeunes enfants, cela implique plusieurs enjeux. On m’a interpelé à savoir : « Qu’est-ce que vous faites le TRAAQ lorsqu’il y a trois poussettes dans l’autobus à l’heure de pointe ? » C’était tout simplement un cri du cœur. Une poussette dans l’autobus, cela va, mais trois poussettes, c’est dure. Quand il y a un fauteuil roulant et trois poussettes, cela ne fonctionne pas et cela engendre des conflits. C’est la même chose avec des charges. La littérature le documente, les femmes transportent beaucoup plus souvent des charges comme l’épicerie en autobus.

Enfin, un aspect qui touche davantage les femmes aînées, c’est l’accès à l’information qui vient avec la fracture numérique. C’est un enjeu qui émerge. La plupart des sociétés de transport adoptent un virage technologique dans lequel on a besoin d’un accès à un ordinateur ou à un téléphone intelligent pour obtenir différentes informations. Les femmes n’ayant pas accès à ces technologies, en raison de leur âge ou bien parce qu’elles sont en situation de pauvreté, éprouvent d’énormes difficultés pour avoir accès à l’information. En raison de cela, prendre l’autobus en dehors du réseau connu devient problématique.

 

3. Sécurité physique des déplacements   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De façon générale, les femmes ont moins tendance à prendre des risques. On le voit dans la conduite automobile, elles conduisent de façon plus prudente que les hommes. C’est pour cela qu’elles paient moins cher leurs assurances. À ce stade nous ne parlons plus uniquement du transport en commun, mais aussi de la marche et du vélo. Elles ont moins tendance à prendre des risques. Si elles perçoivent que sur le plan aménagement physique d’une route, l’accès n’est pas sécuritaire, elles ne vont pas l’emprunter aussi naturellement qu’un homme. Ensuite, du moment où l’on ne possède pas une voiture, les déplacements avec des jeunes enfants ou avec une personne vulnérable, va aussi poser la question de la sécurité.

 Si nous prenons l’exemple de l’intersection du Boulevard Laurier et du début de l’autoroute Robert-Bourassa, vous voyez comment c’est long de traverser ces nombreuses voies et le terre-plein au milieu est très étroit. Si vous êtes avec un ou deux jeunes enfants qui ne marchent pas vite et que vous avez des paquets dans vos bras, vous n’avez pas le temps de traverser en une seule fois et vous devez attendre au milieu. Dans certains cas, il n’y a même pas de bouton pour demander le passage piéton quand vous êtes au milieu de ce qui a l’air d’une autoroute. Ce sont des choses qui compliquent énormément les déplacements des femmes qui n’ont pas accès à une voiture ou bien à un autobus près de chez elle.

 

Voici un autre exemple sur le boulevard Charest, en bas de Saint-Sacrement. Il y a l’escalier Joffre où se trouve un petit arrêt d’autobus. Vous devez marcher 10 à 15 minutes avant d’avoir accès à un feu de signalisation qui vous permet de traverser. Il n’y a aucune façon de traverse la rue, sauf en prenant un risque pour sa vie. Ce n’est pas un endroit recommandé si vous transportez des charges ou si vous avez un enfant avec vous.

Ici, nous avons une piste cyclable sur le boulevard Pierre-Bertrand où il y a une minuscule bande cyclable qui passe sous un viaduc. C’est un peu un piège puisque plus au nord vous retrouvez une belle piste bien développée, mais quand vous arrivez à cet endroit, la donne change. Les gens qui ne la savent pas sont surpris lorsqu’ils arrivent à cet endroit peu sécuritaire. Ce viaduc est emprunté par de nombreux camions de marchandises qui passent à 30 cm de la voie réservée aux cyclistes. Ce n’est pas possible d’utiliser un vélo cargo pour transporter un bébé à cet endroit. Ce genre d’aménagement n’est pas du tout accueillant pour les femmes qui se promènent avec de jeunes enfants. Un homme qui est un peu téméraire et qui n’a rien à perdre, va vouloir le faire, alors que plusieurs femmes vont peut-être faire demi-tour.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Enfin, un autre aménagement qui est le terminus d’autobus de Beauport. Cette photo ne reflète pas l’achalandage des autobus à l’heure de pointe. Si en débarquant, votre enfant de deux ans décide de courir, vous êtes dans le trouble. Les terminus ne sont pas nécessairement perçus comme sécuritaire pour les personnes qui se déplacent avec de jeunes enfants. Comme les femmes sont souvent celles qui sont en charge de jeunes enfants, ce sont des enjeux qu’elles vivent de façon beaucoup plus fréquente.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4.  Sentiment d’insécurité dans l’espace public

Ici, je fais la nuance, c’est le sentiment d’insécurité. C’est prouvé que là où les femmes sont le plus à risque de subir de la violence, c’est à leur domicile ou dans des lieux privés. Malgré tout, les femmes sont éduquées dès leur plus jeune âge à faire attention lorsqu’elles sortent, surtout le soir ou la nuit. Il y a comme un état permanent de vigilance qui est intériorisé. Cela ne signifie pas qu’elles sont angoissées à chaque fois qu’elles franchissent le seuil de porte de leur domicile, mais elles ont été éduquées à toujours faire attention, à toujours réfléchir et à demeurer vigilantes, à penser au contexte où elles se trouvent, au parcours qu’elles empruntent, à la présence rassurante ou menaçante d’hommes sur leur chemin. Les hommes, en situation de pauvreté ou non, ne se posent pas ce genre de question lorsqu’ils sont dans l’espace public. C’est quelque chose que les femmes se sont fait dire à un moment ou à un autre de leur vie.

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce sentiment est renforcé par l’existence du harcèlement de rue constitué de comportements inappropriés qui viennent confirmer le fait que les femmes sont de potentielles victimes d’agression. On parle de se faire suivre, de se faire insulter. Ce sont des comportements qui peuvent sembler positifs comme se faire complimenter sur son apparence physique, se faire siffler, ou négatives comme se faire poser des questions intrusives sur son orientation sexuelle, sur l’existence d’un conjoint ou non, se faire fixer du regard, etc. Ce sont toutes des choses qui confirment dans leur esprit le fait qu’elles ne sont pas en sécurité dans l’espace public et que le risque d’agression est réel. Cela implique qu’elles doivent demeurer vigilantes. Le harcèlement de rue est une réalité qui n’est pas très documenté. Une étude vient de paraître à ce propos et c’est à Montréal. C’est quelque chose qui n’est pratiquement pas documenté au Québec. Toutes les femmes consultées dans cette étude avaient vécu du harcèlement de rue à un moment ou l’autre de leur vie. Je confirme que j’ai vécu cela à Québec. Dans presque tous les cas, il s’agissait d’adolescents masculins, issus de toutes les classes sociales et origines ethniques, des marcheurs, des automobilistes, des policiers. Parmi les rares cas où le harcèlement de rue venait de femmes blanches, c’était des commentaires racistes et non sexuels, adressés à des femmes de couleur.

Les victimes du harcèlement de rue présentées dans cette étude étaient systématiquement des femmes, des adolescentes et des fillettes. La majorité ont vécu leur première expérience de harcèlement de rue lorsqu’elles étaient mineures. Cela pose quand même un problème important. Il se dégage un profil de femmes qui en ont été beaucoup plus souvent victimes, les femmes trans, les femmes qui appartiennent à des minorités sexuelles, des femmes en situation de handicap et des femmes en situation de pauvreté, celles issues des minorités visibles ou qui portent des tatouages ou une plus forte pilosité.

 

5. Accès publics aux commodités de base

C’est ici que je reviens aux besoins physiologiques des corps féminins. On parle de toilettes, d’abreuvoirs et de bancs. Une femme qui a de l’argent et qui a envi d’aller aux toilettes, si le restaurateur lui demande d’acheter un truc, elle va se le payer. Tandis qu’une femme qui n’a pas d’argent ne peut pas le faire aussi facilement. Pourquoi est-ce que cela touche davantage les femmes ? Quand on est enceinte, on a besoin d’aller uriner plus souvent et cela ne peut pas attendre parce qu’il y a une pression sur la vessie. Les femmes vivent plus d’incontinence pour plusieurs raisons physiologiques. Cette question revient beaucoup dans les revendications féministes, à savoir l’accès aux toilettes publiques, aux bancs publics pour s’asseoir, à de l’eau potable gratuite. Ce manque d’accès empêche parfois les femmes d’être longtemps à l’extérieur pendant de longues heures. Quand on se déplace avec des enfants, il faut y penser à l’avance. Parfois, on va limiter les déplacements pour ne pas se compliquer la vie comme y a-t-il un endroit propre pour changer une couche sur mon parcours. Trop souvent encore, le mobilier urbain est considéré comme quelque chose de récréatif accessible uniquement en été.

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion

Cela fait le tour des différents défis que nous avons pu identifier dans le cadre du projet Femmes et mobilité. Ceux-ci ont pour conséquence de créer un déficit de mobilité, une difficulté à se déplacer avec aisance et facilité. Cela peut engendrer de la pauvreté parce que les femmes sont obligées de s’acheter une voiture même si elles n’en ont pas les moyens et qu’elles doivent s’endetter pour cela; il peut s’agir de privation de sorties et de relations sociales en raison des problématiques soulevées si on se déplace avec un bébé. Le couvre-feu personnel, c’est lorsque les femmes ne se sentent pas en sécurité dans leur quartier et qu’elles vont s’empêcher de sortir à partir d’une certaine heure si elles ne peuvent pas se payer un taxi pour revenir à la maison.  Aussi, de nombreuses femmes dépendent des capacités de déplacement d’autrui pour pouvoir se déplacer. « Elles vont quêter des lift. » Cela les dépanne, mais c’est un obstacle par rapport à leur autonomie et à leur liberté personnelle. À partir du moment où elles ne peuvent pas facilement se déplacer, si elles n’ont pas accès à certaines activités qui sont importantes dans leur vie, elles vivent un facteur d’exclusion. La question de la santé mentale revient souvent quand on vit un déficit de mobilité et cela prend de nombreuses formes. Chez les femmes en situation de pauvreté, il est beaucoup question de la charge mentale parce qu’elles doivent toujours planifier dans le moindre détail leurs chaînes de déplacements afin qu’ils soient optimaux et qu’ils respectent les horaires, etc. Du stress, de l’anxiété, de la dépression pour les femmes seules qui sont incapables de sortir parce que l’autobus coûte trop cher. Au fond, les femmes subissent davantage le poids de devoir concilier leurs différents rôles entre le travail, les études et la famille. Quand on vit un déficit de mobilité et beaucoup d’obstacles, cette conciliation devient lourde à porter. Merci! Catherine

 

Période de questions

Il y a beaucoup de choses qui me sont venues à l’esprit et au cœur avec cette présentation, mais avant d’entendre les dames, j’aimerais entendre ce que les messieurs ont retenu. Est-ce que cela vous parle ou vous surprend ? Claudia

* La présentation a suscité des questions, les points faibles en matière de transport auxquels les hommes n’ont pas l’habitude de réfléchir telle que la sécurité. On entend dire qu’il faut éviter les ruelles noires la nuit, mais la question des trottoirs et de la piste cyclable étroite, on y pense moins. Quand je me promène à vélo, je ne me sens pas toujours en sécurité. Avec des enfants, c’est une autre affaire. Ce sont de très bons points que tu as soulevés.

* J’ai trouvé la présentation vraiment intéressante et enrichissante. Je suis familier avec certaines revendications féministes. Je comprends que parfois les dynamiques de pouvoir sont inégales. Avec la présentation, j’ai réalisé qu’il y avait d’autres aspects, notamment par rapport à la mobilité que j’ignorais. Merci, c’était très apprécié.

* Bonjour, je suis tout à fait d’accord avec les point présentés, c’est une réalité qu’on connaît assez bien à Montréal. Nous voulons mettre un programme dans différents quartiers afin de favoriser la mobilité des femmes en situation de pauvreté et des femmes immigrantes. Dans ce contexte, nous croyons qu’il est mieux que ce soit des femmes qui forment des femmes.

Je ne fais que monter le projet. Nous croyons que donner accès à cette mobilité, le vélo, qui n’est pas chère et qui est rapide, cela fournit un bel outil d’intégration et un accès à une multitude de services auxquels elles n’auraient pas accès autrement.

Je vais me permettre de répondre. Je n’ai pas parlé de ce que nous faisions, mais nous avons un volet du projet qui veut développer l’emploi du vélo par des femmes immigrantes et/ou en situation de pauvreté. Cela s’appelle : « Les rayonnantes » et on donne des formations auprès des femmes immigrantes qui ne savent pas faire du vélo. C’est une formation par et pour les femmes. Catherine

* J’aimerais faire un aparté sur le STAQ à propos des femmes en situation de handicap qui doivent faire des courses et qui n’ont droit qu’à deux sacs. C’est un défi qui peut être très complexe à gérer pour les femmes à mobilité réduite.

Une autre limite du transport adapté, c’est que tu ne peux être accompagné que d’une seule personne. Sauf que nous avons connu une personne à mobilité réduite qui avait trois jeunes enfants, alors elle ne pouvait utiliser le STAQ pour ses déplacements que si elle faisait garder ses enfants. Le transport adapté est conçu comme si les usagers n’étaient pas des parents eux-mêmes. CR

* Un autre défi, c’est que ces personnes commencent à utiliser le transport en commun, il n’y a pas assez de places réservées pour elles.

Il suffirait que chacun des autobus soit plus flexible en terme de capacité d’accueil des personnes qui occupent plus d’espace. CR

* Selon moi, le transport en commun est déficitaire pour les femmes parce que la société est pensée par les masculinités dominantes. Par exemple, on associe la voiture au pouvoir, à l’autonomie, à la liberté, à la rapidité, à l’efficience, à la richesse, toutes des valeurs véhiculées par la société de consommation, capitaliste, individualiste et patriarcale. La voiture est l’expression de l’imaginaire de soi qui va à l’encontre de nous-mêmes comme sujets sociaux. C’est un symbole de réussite. Ce sont des imaginaires sur la masculinité qui empêchent vraiment de construire d’autres types de relations entre les personnes. Une des choses qu’a dites Catherine à propos des soins que les femmes dispensent. Il faut prendre soin de la nature et le modèle masculin dominant nous empêche de le faire. Le type de masculinité associée au capitalisme est l’une des sources de destruction de la planète. Cela engendre un rapport à l’environnement sans aucune dimension intérieure qui tienne compte des relations que nous devrions avoir avec tous les êtres vivants. Toute l’industrie pétrolière et minière est construite autour de ce modèle de développement centré sur la voiture et l’individualisme. Cette logique est basée sur l’exploitation de la nature sans penser au soin que nous devons prendre de la Terre-Mère.

* J’ai beaucoup apprécié l’exposé. Cela confirme ton esprit de synthèse. Est-ce que les hommes s’expriment en premier pour les prendre en défaut ?

Pour faire avancer une lutte, il faut que les personnes qui ne sont pas directement concernées par une problématique puissent s’y rallier. Si on prend la question de la lutte à la pauvreté, des gens de la classe moyenne y participent aussi. Pour ce qui est des luttes féministes, il est extrêmement difficile d’intéresser les hommes à ces questions. Souvent les conférences qui traitent de ces problématiques ne sont pas fréquentés par les hommes. S’ils sont présents, ils vont écouter, sans passer à l’action. C’est intéressant qu’il y ait des hommes qui pensent à développer des projets qui s’adressent aux femmes. L’idée de Claudia était d’entendre le public qui est habituellement assez peu investi par ces questions. C’est une invitation qui manifeste que nous avons envi que vous en parliez et que vous vous intéressiez à ce genre de question. Catherine

Je voulais connaître la perspective des hommes avant que vous ne soyez influencés par ce que les filles ont à dire. Comment percevez-vous ce qui a été amené, quelle est votre perception de cette réalité ? Claudia

* En tant qu’homme, je ne peux pas être féministe, par contre, je peux être un allier ou un pro-féministe. C’est parce que les luttes des femmes appartiennent aux femmes, ce sont elles qui doivent mener ces luttes. C’est ce que m’ont rappelé les féministes. Maintenant, tout le réseau de transport en commun est à revoir pour plusieurs raisons. D’abord, la pandémie a confirmé l’importance du télétravail. Il va y avoir moins de monde dans les autobus. Il y aussi le tramway. La façon dont est organisé le transport en commun à Québec est déplorable. Je fais référence à la conférence de Marc Boutin qu’il avait donnée au CAPMO où il présentait les déficiences du transport en commun. J’apprécie la préoccupation que vous avez pour le transport adapté. Il y a des problèmes là aussi.

CR-nov-2014.pub (capmo.org)

Merci de nous conscientiser ce soir à toutes ces problématiques en lien avec la mobilité. C’est un enjeu fondamental pour l’accès aux emplois, pour la sécurité à plein de niveaux comme les rigueurs du climat et les intempéries. Pour le CAPMO, c’est la justice sociale et la lutte à la pauvreté qui sont nos points cardinaux, en disant que les usagers du transport en commun sont des femmes dans 60 % des cas et que la pauvreté affecte aussi plus fortement les femmes, on reconnaît qu’il y a une question qui relève du féministe sur cet enjeu. Il y a aussi l’accueil des immigrants. Il est faux de croire qu’ils arrivent tous et toutes ici avec un emploi bien rémunéré. Alors, si on lutte contre la pauvreté, il faut être solidaire de ces groupes pour que la société avance collectivement. YC

* Je voulais juste dire qu’en tant qu’immigrante d’un pays moins développé, c’est vraiment difficile quand on arrive ici d’obtenir le permis de conduire. Quand je l’ai eu, j’ai reçu de nombreuses demandes d’amis immigrantes qui me demandaient de les amener ici et là en utilisant la voiture de leur mari. Cela représente la liberté pour nous. Là où je suis née en Colombie, je n’avais pas besoin d’avoir une voiture. Ici, à Québec, je me suis aperçue que même pour moi en tant que jeune femme, c’est vraiment difficile de faire certaines activités. C’est comme une imposition, mais je continue à vivre sans avoir de voiture. Je suis vraiment contente de connaître le covoiturage et les services de « commune-auto » qui m’ont sauvée la vie. Je suis très contente que nous puissions aller à l’aéroport Jean-Lesage en autobus parce qu’avant c’était plus facile de se rendre à l’aéroport Trudeau.

* Pour les nouveaux arrivants, le défi est de savoir comment se déplacer pour aller à tel emploi sans voiture. Il pourrait y avoir un service d’accompagnement pour les premières fois. Il faudrait leur montrer comment fonctionne le transport en commun. Ce serait bien aussi qu’il y ait davantage de toilettes publiques aux terminus, de mettre des supports à vélo sur tous les bus et aussi d’avoir davantage de correspondances entre les autobus pour ne pas faire attendre les gens une heure.

Si quelqu’un n’est pas féministe, il a ici de bonnes raisons pour le devenir. Dans tout ce que j’ai entendu, le problème ce n’est pas le transport en commun, c’est le partage des tâches. Pourquoi est-ce que c’est plus difficile pour les femmes ? Ce n’est pas à cause de nos particularités physiques, même pour les questions de sécurité, ce n’est pas parce que nous sommes plus fragiles que les hommes, mais parce que nous subissons davantage de harcèlement de rue. La principale difficulté provient du fait que les femmes assument plus de rôles de service dans le partage des tâches. C’est le premier problème qu’il faut regarder. Le terme justice sociale ne fait pas référence qu’à la justice économique, la justice de genre en fait aussi partie. C’est une injustice sociale en soi qui est à la source d’autres problèmes comme les revenus inférieurs des femmes par rapport aux métiers exercés principalement par des hommes. Quand j’étais plus jeune, on parlait des revues féminines où on apprenait comment être à la mode, faire la cuisine, la couture est des affaires semblables. Quand on parlait des valeurs associées à l’automobile, pour les femmes ce sont les courses, les rendez-vous chez le médecin, l’école, le travail, etc. Dans ce que nous avons entendu, c’est ce qui ressort le plus. Je me considère féministe, mais je n’ai pas eu le temps pour me former assez. Si on est humaniste, je ne vois pas comment on peut rêver d’une société meilleure sans être féministe. Peu importe le genre dans lequel on se reconnaît. Dans le mouvement « Black live matter », le commentaire qu’on entendait souvent c’est : « Une chance que les blancs sont là aussi. » Cela veut peut-être dire que les choses vont commencer à changer. Je ne suis pas musulmane, mais je suis anti-islamophobie. C’est juste comme cela que nous allons avancer et pour cela, il faut partir de la base que sont les tâches ménagères et la charge mentale. Claudia

Notes transcrites par Yves Carrier

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