JOURNÉE INTERNATIONALE POUR L’ÉLIMINATION DE LA PAUVRETÉ, 17 OCTOBRE 2019
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais nous sommes en période électorales. Il y a des pancartes et on en entend beaucoup parler à la radio et à la télévision. Ce que nous n’entendons pas beaucoup parler dans les médias, c’est de la pauvreté. Il y a aussi du « greenwashing », par exemple lorsque les conservateurs prétendre être un parti environnementaliste. Par ailleurs, le gouvernement sortant prétend avoir fait beaucoup de choses pour lutter contre la pauvreté. Par exemple, dire que grâce à eux nous avons atteint le plus bas taux de pauvreté de l’histoire du Canada, mais cela aide lorsqu’on abaisse les seuils servant à la mesurer. Ils ont tout de même adopté une Stratégie canadienne pour la réduction de la pauvreté qui inclut des cibles de réduction. Donc, en 2020, 10% de la population va vivre sous le seuil de la pauvreté et en 2030, cela ne sera plus que 6% des Canadiens et Canadiennes. La question qui se pose c’est: Est-ce que c’est acceptable que 10% de la population canadienne vivent sous le seuil de la pauvreté et donc ne couvrent pas ses besoins essentiels?
Aujourd’hui, dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, le comité organisateur du 17 octobre a choisi de vous présenter trois conférences sur des enjeux intimement liés à la pauvreté. Dans un premier temps, nous entendrons Héloïse Varin, de l’organisme Action chômage, qui va détailler les lacunes du programme d’Assurance-emploi. Elle plaidera en faveur de la réforme du programme. Puis, Véronique Laflamme, organisatrice communautaire au Front d’action populaire en réaménagement urbain, le FRAPRU, va nous rappeler que le futur gouvernement fédéral devrait absolument investir dans les logements sociaux. Finalement, Alice-Anne Simard, coordonnatrice d’Eau Secours, va nous démontrer les liens très serrés qui existent entre la justice environnementale et la justice sociale. Les conférences seront suivies d’une période de questions à la fin. Mais avant toute chose, Emmanuelle Chaloux de la Coalition régionale de Québec de la Marche mondiale des femmes va nous présenter le thème de celle qui aura lieu l’an prochain. Simon Pouliot, ADDS-QM
Emmanuelle Chaloux, Marche mondiale des femmes 2020
Bonjour tout le monde, je viens vous présenter un petit mot de la part de la Coalition régionale de la Marche mondiale des femmes. Nous tenons d’abord à souligner que les terres sur lesquelles nous sommes rassemblées aujourd’hui font partie du territoire traditionnel non cédé de la confédération des Abénakis, des Wabanakis et des Malécites. Le 17 octobre est une date importante pour la Marche mondiale des femmes qui s’adresse fondamentalement aux questions de pauvreté et de la violence faite aux femmes. Mais c’est encore plus que ça, nous dénonçons les systèmes d’oppression du capitalisme, du racisme et du patriarcat, qui divisent les femmes et les maintiennent dans des situations de pauvreté grandissantes.
Grâce à la mobilisation soutenue de nos membres et de nos alliés, nous avons obtenus des gains au cours des dernières années qui profitent autant aux hommes qu’aux femmes et aux enfants. Nous pensons entre autre aux luttes acharnées contre le détournement des pensions alimentaires pour les enfants qui touchait quatre programmes incluant l’aide sociale. Pour ceux et celles qui ne sont pas familier avec cette coupure, le gouvernement retirait sur le chèque d’aide sociale tout montant qui dépassait les 100$ permis pour l’ensemble des enfants. Ce seuil a d’abord été élargi pour s’appliquer à chaque enfant. Nous parlons ici de 100$/mois/enfant, le reste était coupé sur le chèque d’aide sociale. Depuis le 01 octobre, c’est passé à 350$/mois/enfant. Cela règle la question pour 90% des familles touchées par cette mesure. Nous avons aussi eu la confirmation du ministère que cette coupure va être complètement abolie par ce gouvernement même si on ne sait pas encore quand. Nous considérons cela comme une victoire imminente.
Applaudissement dans la salle ….
Malgré tout, les femmes sont toujours majoritaire à occuper des emplois temporaires, à temps partiel ou au salaire minimum. Elles sont encore les principales à pratiquer le travail invisible, les tâches ménagères, le maintien des activités quotidiennes de la famille, les soins aux enfants et aux proches vieillissants. Le système capitaliste néolibéral a besoin de l’exploitation des femmes pour fonctionner. C’est pourquoi on ne peut pas attendre les solutions qui viennent d’en-haut de la part de ceux qui profitent de ce système. C’est aussi pour cela que la lutte doit continuer. Nous profitons de cette occasion pour annoncer le lancement de la Marche mondiale des femmes 2020 qui aura lieu le 8 mars prochain. L’année 2020 représente la cinquième année d’action mondiale de la MMF. L’action québécoise va se dérouler à Terrebonne dans Lanaudière le 17 octobre 2020, comme ailleurs dans le monde. Nous vous y invitons à y assister en grand nombre. Le slogan de la Marche mondiale sera : « Résistons pour vivre, marchons pour transformer. »
Emmanuelle Chaloux
Héloïse Varin, Action chômage de Québec
Je suis d’Action chômage de Québec, un groupe de défense et de valorisation des chômeurs et chômeuses, un groupe qui est venu bien près de disparaître au cours des dernières années et qui renaît de ses cendres. Depuis janvier 2019, nous sommes à nouveau actifs dans la défense des droits des chômeurs et des chômeuses à Québec. Je vais débuter par un bref historique de l’Assurance chômage, suivi d’un état des choses et des enjeux actuels. Je terminerai en vous parlant de la campagne nationale que nous menons en ce moment.
À travers la lutte contre la pauvreté se trouve la très importante question des filets sociaux. Ces programmes à portée sociale existent supposément pour empêcher la chute, le point de non retour, lorsque les personnes se trouvent dans les situations de hautes vulnérabilités: perte d’un emploi, maladie, deuil, etc. Le programme d’Assurance emploi touche ces trois situations et il s’agit de l’un des plus importants programmes sociaux au Canada. Il a été créé en 1940 dans le contexte de la Grande dépression. Ce régime voulait reconnaître des droits aux chômeurs et aux chômeuses en inscrivant l’état de chômage dans une responsabilité collective, dans une optique de solidarité. Dans la suite de cette stratégie interventionniste, le régime a connu son apogée au début des années 1970 alors que les critères d’admissibilité sont élargis et la durée et le taux de prestation sont particulièrement généreux. Par contre, cela ne durera pas longtemps puisqu’un courant inverse commence au milieu des années 1970 alors que les mythes sociaux prennent de l’ampleur et remettent en question ces stratégies perçues comme étant improductives.
Ces mythes sociaux dont il est question, partie prenante de l’idéologie néolibérale, tente de convaincre toutes et tous que les filets sociaux sont inutiles, que ceux pour qui ils ou elles cotisent n’appartiennent pas à leur milieu social, que ce sont des gens qui profitent du système et qui ne sont jamais nos voisins, voisines, qui ne font pas partie du « nous » social, les autres, sans comprendre que c’est l’absence de ces filets sociaux qui créé la marginalisation. C’est une roue qui tourne et quand finalement c’est sur nous que s’abat l’infortune, on en vient à avoir honte, à ne pas vouloir être associé aux profiteurs et donc, ne pas avoir envie de revendiquer quelques droits que ce soit. Ce mouvement inverse qui investit le programme d’Assurance emploi culminera dans les années 1990 avec ce que Georges Campeau a appelé dans son livre De l’Assurance chômage à l’Assurance emploi: « une contre-réforme ». Selon lui, il s’agit d’une transformation fondamentale dirigée contre la dimension de protection sociale dont l’Assurance chômage avait été investie jusque là.
Dorénavant, la logique n’est plus d’aider les chômeurs et les chômeuses, mais plutôt de servir les forces du marché. On passe d’une protection sociale à l’Assurance emploi qui revêt les paramètres d’une assurance privée. On ressert les conditions d’admissibilité, on réduit aussi la durée et le taux de prestation. On rigidifie les sanctions en cas de départ volontaire ou de congédiement pour en faire les plus sévères des pays de l’OCDE. On crée du même coup l’idée de la bonne et de la mauvaise chômeuse, du bon ou du mauvais chômeur. Le fardeau de la preuve pour se retrouver dans le bon groupe revient à la travailleuse et au travailleur. Avec ces changements, vient aussi la complexification de la loi qui la rend particulièrement impénétrable au commun des mortels qui galèrent complètement à s’y retrouver. Le plaisir s’accroît considérablement lorsqu’on ajoute au dossier des circonstances impliquant la CNESST ou le RQAP qui sont des programmes de compétences provinciales.
Depuis 1970, aucune amélioration n’a été apportée au système de prestation pour cause de maladie. 15 semaines, c’est tout ce qui est offert encore aujourd’hui peu importe la maladie ou si le contexte du marché du travail est la source de cette maladie. On peut ajouter à ce tableau peu glorieux le système de cotas qui forçait les enquêteurs et enquêtrices à récupérer entre 35 000$ et 40 000$ par mois en prestation. Ce système a été dénoncé en 2013 par la lanceuse d’alerte Sylvie Terrien, ancienne employée de Service Canada qui a d’ailleurs perdu son emploi suite à cela. Elle n’a pas eu droit à l’Assurance emploi étant donné la grave inconduite.
Au cours des dernières décennies, les différents gouvernements fédéraux ont directement pigé dans les surplus de l’Assurance emploi pour éponger leur propre déficit budgétaire, transformant par le fait même les cotisations des travailleurs et des travailleuses en taxe déguisée. Évidemment, le gouvernement n’a pas les moyens d’améliorer le programme, mais pourtant le taux de chômage n’a jamais été aussi bas. Qu’est-ce qu’on peut en comprendre. C’est un choix idéologique qui a été fait et qui a solidement contribuer à l’affaiblissement du programme d’Assurance emploi. Parallèlement à cela, dans la même logique, le marché du travail s’est considérablement transformé dans les dernières années tandis que la qualité des emplois a considérablement diminué. L’accès à des emplois permanents à temps plein dont les conditions évoluent dans le temps, avec de bons avantages sociaux, assurance salaire, et fonds de pension. Les employés d’ABI viennent de passer plus de quinze mois en lockout pour défendre leurs acquis et s’opposer à des clauses de disparités de traitement qui refusent les anciennes conditions de travail aux nouveaux travailleurs et travailleuses. Ce n’est pas un cas isolé. C’est un problème qui prend des proportions exponentielles dans le marché du travail. Dans l’état de fait actuel, le travail qu’on disait atypique dans un passé pas si lointain, c’est-à-dire précaire, à contrats, à temps partiel, autonome, est devenu la norme. Sans surprise, l’Assurance emploi est demeurée très typique.
Conséquemment, chaque mois, des centaines de milliers de chômeurs et de chômeuses à travers le pays n’ont pas accès au programme. Le taux de couverture des travailleurs et des travailleuses à l’Assurance emploi est passé de 90% dans les années 1990 à moins de 40% aujourd’hui. L’appauvrissement en lien avec le chômage est très alarmant. Tout le monde a subi ou connaît quelqu’un dans son entourage rapprochée qui a essuyé un refus de l’Assurance emploi parce qu’elle avait quitté volontairement un petit boulot au cours de la dernière année, donc c’était un départ volontaire parce qu’elle a voulu arrondir ses fins de mois en faisant quelques dollars comme travailleuse autonome, parce qu’elle travaille à temps partiel puisqu’elle est mère monoparentale, ou en préretraite, parce qu’elle voulait retourner aux études pour améliorer sa qualité de vie, ou simplement parce qu’elle n’avait pas assez d’heures accumulées parce qu’il paraît que c’est le plein emploi dans sa région.
D’ailleurs, plus le taux de chômage est bas dans une région, moins on a le droit à l’Assurance emploi. Si pour une raison ou une autre, on ne peut que travailler à temps partiel, même si on cotise, même si on a accumulé assez d’heures, ce n’est pas assez pour l’Assurance emploi. Cette dernière refuse d’entendre parler de la conciliation travail famille, d’un épuisement lié à un travail à temps plein en raison de l’âge, des étudiants et des étudiantes, des travailleuses et des travailleurs autonomes, ils ou elles sont exclus du régime. La loi est d’autant plus discriminatoire envers les femmes et cela a été abordé juste avant moi. Cette loi amplifie et accroit les rapports d’inégalité et d’oppression. Certaines catégories de femmes risquent des rapports plus instables avec le marché du travail, dont celles qui sont âgées entre 55 et 64 ans, les immigrantes récentes, celles appartenant à une minorité visible, les autochtones, celles vivant avec une limitation fonctionnelle ou étant peu scolarisées, de même que les mères ayant de jeunes enfants, particulièrement les mères monoparentales ou encore les mères de trois enfants ou plus. Il faut rappeler que ces catégories particulières augmentent les occasions de subir de la discrimination en emploi, voire des congédiements injustifiés.
Ce sont autant d’occasions qui ne permettront pas aux femmes d’accumuler assez d’heures, qui vont les obliger à se battre pour se justifier d’avoir dû quitter un emploi ou d’avoir été congédiée. Il va s’en dire que nous sommes très loin d’aborder toute la question du travail invisible. Le mouvement autonome et solidaire des sans-emplois, le MASSE a mené une campagne très importante sur ce sujet il y a quelques mois, sous le thème : « De travailleuses à chômeuses, même combat ».
En outre, le Canada est le seul pays qui relie l’accès aux prestations à la région de résidence alors que plusieurs chercheurs et chercheuses recommandent son abolition puisque cette catégorie ne tient pas compte de la difficulté réelle de trouver un bon emploi ou des contraintes qu’une personne peut avoir face à un emploi. Par exemple, une personne qui aurait une vie de famille l’empêchant de travailler de soir, de nuit ou de fin de semaine. On parle constamment du plein emploi à Québec qui atteint des planchers historiques de 2,3%, mais on ne parle pas beaucoup de la qualité des emplois offerts.
La Fonction publique québécoise, reconnue comme un symbole de l’emploi protégé avec des bonnes conditions de travail compte maintenant 40% de ses emplois à statut précaire, c’est-à-dire qui n’ont pas de permanence. Cela tourne autour de 27% pour les employés fédéraux. De plus, avec le taux de couverture de ces dernières années, nous sommes arrivés à un taux de prestation de 55% du salaire comparativement à 90% avec la CNESST. On parle constamment qu’on peut difficilement vivre avec un salaire minimum à 12,50$/l’heure, on peut s’imaginer ce qu’on peut faire avec 55% du salaire minimum. On s’entend également sur le fait que le salaire minimum ne vient pas souvent avec la sécurité d’emploi.
De nombreuses régions sont aussi sorties dans les médias pour dénoncer le problème du trou noir, le fait que le nombre de semaines de prestation ne soit pas suffisant pour combler l’espace entre la fin des prestation et le début de l’emploi saisonnier. Cela fragilise considérablement les industries locales. Même cet argument ne parvient pas à faire réagir les gouvernements. Pourtant, il est assez évident pour tout le monde que la détresse financière, d’avoir de la difficulté à se nourrir ou d’avoir un propriétaire sur le dos, n’est pas un contexte efficace pour une recherche d’emploi active, ni quand on est dans l’obligation de se battre pour faire valoir ses droits. Les prestations maladies sont aussi un sujet qui a fait maintes fois la manchette au cours des dernières années. La campagne : « 15 semaines pour guérir, ce n’est pas assez !», menée par la survivante à de multiple cancers, Marie-Hélène Dubé, a amassé plus de 609 000 signatures au cours des dernières années et un engagement claire du ministre Jean-Yves Duclos en 2016. Évidemment, rien n’a été fait. La question demeure, qu’est-ce qu’on fait après les maigres quinze semaines de prestation?
Il va donc de soi qu’en cette période électorale, nous mettions sur la table la question de l’Assurance emploi et c’est ce qu’ait donné comme mandat le Conseil nation élargi des chômeurs et des chômeuses, le CNECC qui rassemble des groupes de défenses des droits des chômeurs et des chômeuses du Québec et du Nouveau-Brunswick et les communautés innues de la Côte-Nord, du Nitassinam, et des syndicats. La campagne : « Le monde à changer, l’Assurance emploi doit changer! » a été lancée lors d’une conférence de presse le 22 septembre dernier à Montréal. Ses représentants réclament une réforme en profondeur du programme d’Assurance emploi, question d’assurer une meilleure protection aux travailleurs et aux travailleuses. Notamment, nous revendiquons un critère unique d’admissibilité et non par région, fixé à 525 heures accumulées, incluant les personnes qui travaillent à temps partiel, une période minimum de prestations universelles fixées à 35 semaines plutôt que sur le taux de chômage de la région et le nombre d’heures accumulées.
Selon les statistiques, il est très rare que les gens se rendent au maximum ou dépasse les 20 semaines. Pour commencer nous exigeons un taux de prestation rehaussé à 60% ou 65% pour les familles avec personnes à charge. Dans le cas des prestations maladie, un rehaussement à 25 semaines ou à 50 semaines dans le cas d’une maladie grave. Plusieurs autres revendications sont à l’ordre du jour. Je vous propose de consulter la plate-forme de revendications du Conseil national des chômeurs et chômeuses.
Pour ce qui est de la campagne électorale fédérale, l’enjeu de l’Assurance emploi est passé sous silence et cela malgré la mise en visibilité des enjeux et la large couverture médiatique que nous avons obtenue. Malheureusement, il semble que cela ne soit pas une priorité dans les débats qui nous ont été présentés, ni le chômage, ni la pauvreté d’ailleurs. Quelques timides pas ont été faits lorsque les candidats et les candidates ont été acculés au pied du mur, mais peu des enjeux qui ont été mis sur la table par les campagnes: « Quinze semaine, ce n’est pas assez! » ou celle « De travailleuse à chômeuse, même combat !» ou « Le monde a changé, l’Assurance emploi doit changer aussi! », ou les syndicats qui ont tiré la sonnette d’alarme il n’y a pas longtemps, peu de politiciens se sont engagés par rapport à cela.
Aujourd’hui, je suis désolée, mais je n’ai pas de bonne conclusion à vous présenter et j’en suis désolée. C’est un triste constat dans une thématique d’élimination de la pauvreté. Cela montre que les combats à mener sont de taille. Si les projets de réforme ne passent pas parce que les structures mêmes du système ne le permettent pas, on trouvera bien un autre moyen.
Héloïse Varin, Action chômage de Québec
Véronique Laflamme, organisatrice communautaire au FRAPRU
Le FRAPRU est un regroupement national pan-québécois de groupes de comités de citoyens et citoyennes dont le comité logement comme le CLAL à Québec et d’associations de locataires. Il existe depuis 40 ans. Nous luttons contre la pauvreté, mais nous sommes surtout actifs sur les questions de logement. L’une des principales raisons des problèmes de logement, c’est la pauvreté, liée à l’insuffisance de revenu. C’est la raison pour laquelle nous allons parler de logement ce soir.
Au Canada, 40% des locataires paient plus que la norme qui est de 30% de ses revenus pour se loger. On parle de 1,7 millions de ménages locataires à travers le Canada qui sont dans cette situation. On parle ici de deux à trois millions de personnes. Au Québec, 457 000 ménages et à Québec, c’est environ 37 000 ménages locataires qui paient plus que la norme de 30% de leur revenu pour se loger. Cette norme a été établie par les gouvernements qui estiment que si un ménage consacre 30% de son revenu pour se loger, il lui reste assez d’argent pour vivre et répondre à nos autres besoins essentiels et ne pas juste être en situation de survie. Si on regarde les ménages qui paient plus que la moitié de leurs revenus pour se loger, à Québec, c’est 15 000 et 6 000 ménages paient plus de 80% de leur revenu. Quand tu paies plus de 50% de ton revenu pour te loger, souvent tu n’as pas payé la facture d’hydro-électricité, tu n’as pas mangé, et tu n’as pas payé ta passe d’autobus. Donc, on voit vraiment que ces personnes sont prises à la gorge et si elles doivent se trouver un emploi, elles n’ont pas les moyens de se déplacer et de s’habiller pour cela. Il y a une corrélation directe avec ce qu’Héloïse nous a présenté parce qu’évidemment les personnes qui se retrouvent avec des problèmes de logements et qui sont représentés dans ces statistiques, vous ne serez pas surpris d’apprendre que cela touche davantage de femmes – qui ont des revenus moins élevés que les hommes — et il y a certains secteurs à Québec où les écarts sont vraiment majeurs.
Au Québec, c’est environ 6 000$ dollars d’écart qui existe entre les locataires masculins et féminins. Il y a des secteurs comme Ste-Foy où on ne penserait pas, où l’écart est de 10 000$ entre le revenu des ménages locataires ayant une femme à leur tête. Encore une fois, les femmes sont davantage concernées, mais il y a aussi beaucoup d’hommes, des hommes âgés entre autre. Quand on regarde à partir de 55 ans, plus on monte en âge, plus on est surreprésenté dans les gens ayant des problèmes de logement. Il y a un lien direct avec des prestations de retraite insuffisantes, ainsi que l’aide sociale qui est insuffisante et le salaire minimum qui est trop peu élevé. Les jeunes sont aussi surreprésentés parmi la population qui éprouve des problèmes de logement. Ils et elles travaillent souvent au salaire minimum dans des emplois précaires. Mais finalement, il n’y a pas de portrait type parce que tout le monde peut vivre des problèmes de logement ou de pauvreté même si pour différentes raisons, certaines personnes sont surreprésentées. En plus de ces gens qui paient trop cher pour se loger, il y en a aussi des centaines d’autres qui vivent dans des logements inadéquats, de taille insuffisante ou insalubres. Il faut le dire parce que l’Observatoire des tout-petits a fait une compilation super intéressante. Je ne connais pas les chiffres pour Québec, mais il y avait là-dedans quelque chose de surprenant, à Montréal, plus du quart des familles d’enfants de 0 à 5 ans, vivent dans des logements de taille insuffisante, donc dans des logements surpeuplés. À ce propos, Montréal vient juste après le Nord du Québec alors que le Nunavik est connu pour des problèmes de surpeuplement en raison de la pénurie de logements qui y sévit.
La question de l’insuffisance des logements, ce n’est pas juste un phénomène urbain. Cela touche gravement le Nord du Québec et les communautés autochtones. Ce problème est en train de s’aggraver dans les villes du Québec, entre autre à cause du manque de grands logements pour les familles. Les problèmes de logement sont d’abord liés à une insuffisance de revenu, mais il y a aussi d’autres enjeux au niveau de la qualité des logements et de leur taille qui entraîne leur lot de problèmes puisque lorsqu’on vit dans un mauvais logement, on développe des problèmes de santé et lorsqu’on vit dans un logement de taille inadéquate, on a d’autres problèmes de santé mentale entre autre. Cela s’accompagne souvent de problèmes de violence conjugale ou d’apprentissage pour les enfants. Quand notre droit au logement est bafoué, c’est plein d’autres droits comme les droits à la sécurité et à la santé qui sont bafoués.
Au FRAPRU, nous sommes persuadés que le logement social permet de sortir de la pauvreté et d’améliorer les conditions de vie. C’est pour cela que nous revendiquons du logement social pour améliorer les conditions de logement, mais aussi pour lutter contre la pauvreté. À ce chapitre, le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer. Quand on parle de logement social, nous parlons de HLM, de logement à loyer modique, de logement public et de logement coopératif. Il existe aussi des organismes sans but lucratif d’habitation. Par le passé, le fédéral a joué un rôle important dans le logement social et c’est lui qui a financé les HLM que nous avons au Québec. Nous en avons 70 000 actuellement. Dans toutes les régions, cela a permis de répondre à des besoins importants. Sauf que depuis 1994, le fédéral ne finance plus directement le logement social et il ne se construit plus de HLM au Québec. Ceci fait que dans plusieurs régions, tout ce qu’il y a comme logements sociaux, ce sont ceux que le fédéral a contribué à financer. Depuis le gouvernement du Québec a pris le relais en finançant un programme qui s’appelle Accès logis qui vient en aide à des coopératives et à des OSBL, mais il y a clairement eu un impact du retrait du fédéral parce que jamais il ne s’était construit autant de logement sociaux qu’à l’époque du financement fédéral. Certaines années, on en a construit 7 000 au Québec alors que depuis le retrait du fédéral, nous n’avons jamais eu plus de 3 000 logements sociaux financés par le provincial. Alors nous voyons l’écart. Il est certain que ce retrait a contribué à la pénurie de logements sociaux que nous avons et à la crise du logement que nous vivons présentement.
Cette crise se vit aussi partout ailleurs au Canada. On calcule que c’est environ 75 000 logements sociaux, sous différentes formes, dont nous avons besoin, que nous aurions si le fédéral avait poursuivi ses investissements. On aperçoit vraiment les conséquences directes ici de l’abandon de cette politique sociale. Même l’ONU fait état de la pénurie de logements sociaux au Québec et au Canada, dans ses rapports sur les droits économiques, sociaux et culturels. Donc, c’est tout de même un gros enjeu.
Je vais vous parler plus du Québec aujourd’hui, mais il faut savoir que ce retrait à fait en sorte que dans certaines provinces, il ne se construit pratiquement plus de logement social. Au Québec, il y a eu une mobilisation importante pour que le provincial adopte son programme, mais il y a des provinces où les gouvernements n’ont pas mis en place des programmes pour développer du logement social et cela a été un désert pendant plusieurs années, doublé de politiques de droite comme en Ontario. Cela a entraîné la municipalisation, la privatisation et la perte de logements sociaux. Donc, cela a vraiment eu des conséquences directes sur la crise du logement. Vous allez me dire qu’au cours des dernières années, nous avons entendu beaucoup parler de logement avec le gouvernement Trudeau. Avec les conservateurs, c’est certain que le financement du logement était assez maigre. Il y en avait un peu dans certaines initiatives, mais c’était des investissements très minces. Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral disait qu’il était de retour sur la scène du logement social. Il y a eu une très belle stratégie avec un très beau discours où l’on a une analyse différenciée selon les genres, où l’on parle de l’importance de répondre aux besoins des femmes, etc. Un très beau discours, mais c’est tout. Concrètement, cela n’a rien donné. Au Québec, il n’y a pas plus de logements qui ont été construits. Dans la dernière année, tout ce qui a été financé au Québec, c’est 835 logements sociaux alors que 435 000 ménages paient plus de 35% de leur revenu pour se loger. Il n’y a toujours pas d’engagement suffisant. La stratégie nationale d’investissement ne va pas nécessairement dans le logement social. Une partie des sommes vont dans des ententes fédérales– provinciales, mais le Québec ne les a pas encore signées.
C’est de l’argent dont nous n’avons pas encore vu la couleur. Il y a d’autres initiatives qui tirent un peu dans tous les sens et qui peuvent donner tout et son contraire. C’est ce qu’on appelle du logement abordable. Cela peut être du logement locatif privé qui sont à 2000$/mois, donc cela ne répond pas aux besoins des gens dont nous parlons ce soir qui sont en situation de pauvreté et qui ont besoin d’un logement réellement abordable. C’est pour cela que nous disons que la seule façon de faire du logement abordable, dans un contexte où il n’y a aucun contrôle sur le coût des loyers, dans un contexte de spéculation, la seule façon d’avoir du logement abordable, c’est de construire des logements sociaux. C’est le seul logement sur lequel personne ne fait de profit, qui n’est pas une marchandise.
Il y a une crise du logement travers le Québec et le Canada. Pour nous, ce sont autant de gens pour qui le logement est un besoin, qui paient beaucoup trop pour se loger, qui vivent dans des logements insalubres, dans des logements trop petits, et pour qui il n’y a pas d’alternative, alors que pour d’autres, c’est une business, une manière de faire toujours plus d’argent. Ceci dit, nous sommes dans un contexte qu’en plus de cette crise vécue par beaucoup trop de monde, il y a une pénurie de logement qui vient de refaire surface. Une pénurie de logement que nous avons vécu dans les années 2000. À Québec, ça a été très long et cela a laissé des traces sur le coût des loyers. C’est maintenant ici la région métropolitaine où le coût des loyers est le plus élevé. C’est le résultat concret de la longue période de rareté que nous avons traversée.
Dans certaines villes comme Montréal, Gatineau et à Québec dans les quartiers centraux, nous venons de rentrer à nouveau dans une période similaire. Ceci produit une nouvelle accélération de la hausse du coût des loyers. Cela s’est traduit par des personnes qui se sont retrouvées sans logement au 01 juillet. C’est la pointe de l’iceberg, quand du monde se retrouve à la rue et qu’ils sont hébergés aujourd’hui encore par la ville parce qu’ils n’ont pas trouvé de logement, parce qu’ils se font refuser des logements parce qu’ils sont victimes de discrimination, ou parce qu’il n’y en a pas de la grandeur dont ils ont besoin, surtout pour ce qui concerne les grands logements. D’autres se sont trouvé des plans B en demeurant chez leurs proches, en couchant dans leur voiture, chez leur famille, en aggravant le problème de surpeuplement de certains logements. Pour d’autres encore, ils doivent s’éloigner de leur milieu de vie, aller vivre loin de leur quartier et de leur réseau d’entre aide, loin des écoles des enfants ou des parents ayant des besoins particuliers. Les enfants doivent changer d’école, cela aussi a des conséquences directes. Finalement, quand on doit changer de milieu, cela a aussi des conséquences sur le tissu social. Cela se passe présentement au Québec. Pas seulement dans les grandes villes. Il y a des petites villes dont on parle moins qui vivent aussi une pénurie de logement. Quand on est dans un petit milieu, il y a bien souvent moins de services pour nous venir en aide et cela peut être vécu dans l’indifférence de tout le monde. Cela se passe aussi dans d’autres villes canadiennes, à l’Ile du Prince-Édouard entre autre. Bien sûr il y a Vancouver où l’on retrouve des campements d’itinérants et d’itinérantes. À Toronto, à chaque hiver, il y a des itinérants et des itinérantes qui meurent de froid. À Gatineau, nous avons des comités logements et des organismes communautaires qui aident des gens qui se font des campements de fortune parce que c’est une ville où il n’y a pas de logement disponible, où la situation est intenable et où il y a insuffisamment de mesures pour venir en aide à ces personnes. Il y a aussi la crise dans les communautés autochtones qui doit être mentionnée et qui frappe plus durement qu’ailleurs dans l’indifférence totale.
Les conséquences de cette crise sont dramatiques pour les gens qui la vivent. Surtout pour les femmes victimes de violence, on en parle peu, mais dans le réseau des maisons d’hébergement, on parle de 15 000 refus. Donc les ressources peuvent difficilement accepter des personnes et celles-ci, lorsqu’elles quittent, ont le choix entre des logements qu’elles ne peuvent pas se payer ou de retourner dans la situation de violence qu’elles ont du quitter.
Donc, cette crise produit des drames au quotidien puis on renvoie des gens dans des situations qui sont inacceptables parce qu’on n’est pas capable de répondre à un besoin primaire comme celui de se loger et de s’assurer que les gens peuvent vivre dans la sécurité. Il y a aussi des conséquences sur la hausse de l’itinérance. À Montréal, mais à Québec aussi les ressources sont débordés. C’est la Nuit des sans-abris demain, mais il faut se rappeler que l’itinérance ce n’est pas juste celle qui est visible, mais aussi celle qui est cachée qui est beaucoup vécue par les jeunes et les femmes. Elles vont souvent être plus nombreuses à faire du coach surfing (dormir sur les divans de connaissances) et pour lesquelles les ressources sont moins adaptées. Tout cela sans parler des femmes autochtones. Il y a eu une bonne nouvelle hier, d’ajout de ressources qui s’en vient pour les femmes autochtones à Montréal, mais il y a aussi peu de ressources adaptées pour répondre à ces besoins là.
D’ailleurs, cette crise pourrait empirer. Pas juste parce que la situation du logement peut se détériorer et que les taux d’inoccupation vont probablement continuer à baisser, mais pourrait aussi s’aggraver parce que les logements sociaux qui ont été construits par le passé ont besoin d’être rénovés. Le gouvernement fédéral qui a financé ces logements sociaux et coopératives a des engagements pour le maintien dans un bon états de ces édifices, mais ces engagements arrivent à terme. Alors, on pourrait perdre des logements sociaux. Dans le cas des coopératives et des Organismes sans but lucratif, le gouvernement fédéral s’est engagé à maintenir ses engagements. Ce qu’il a fait à moitié. Finalement, pour 10 ans, les engagements envers les locataires à faible revenu vont demeurer, mais il n’y a toujours pas d’engagement à long terme. Pour les HLM, dont le tiers arrivent en fin de convention dès l’année prochaine, il n’y a rien sur la table. Nous ne savons pas ce qui va advenir des engagements du fédéral envers ces logements. Le fédéral continue toujours à payer plus de la moitié de la facture. S’il se retire, c’est Québec qui va devoir assumer les coûts. Cela représente au moins 50 millions de dollars par année. Qu’est-ce que cela va avoir comme conséquences ? Est-ce qu’on va augmenter les loyers de ces personnes ? Est-ce que Québec va dire : « Si je prends la facture pour les HLM, je ne finance plus de logements sociaux. » Cela pourrait avoir des conséquences désastreuses pour cet important outil de lutte à la pauvreté. Cela sans parler des engagements pour les rénovations qui sont déjà insuffisants. Cela fait en sorte qu’à Montréal et dans d’autres villes, certains de ces logements sont barricadés parce qu’ils sont en mauvais état. On met cela en lumière parce que souvent les gens ne connaissent pas cet aspect du problème. On revendique de nouveaux logements, mais si on perd ceux que nous avons déjà, nous n’avançons pas.
C’est pour cela qu’au FRAPRU nous menons toujours la bataille sur les deux fronts. Il y a aussi la fédération des locataires d’HLM qui fait campagne pendant la période électorale pour dire qu’il faut protéger nos HLM. Ce sont les seuls logements qui sont à 100% subventionnés.
En conclusion, je dirais que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer, non seulement dans la crise du logement que nous vivons présentement, il doit jouer un rôle pour en sortir et il peut le faire. C’est pour cela qu’au FRAPRU, pendant la campagne électorale, nous cherchons à faire du logement un enjeu. Malheureusement, malgré le fait qu’il y ait à tous les jours dans l’actualité des cas qui sont rapportés de campements pour itinérants, itinérantes, que ce soit à Moncton, à Toronto, à Vancouver, en Alberta, même si on parle des problèmes de logement, les partis n’en ont pas fait un enjeu national, sauf le chef du NPD qui aujourd’hui s’est commis envers le logement social et un communiqué de presse du Bloc québécois. Je ne sais pas s’ils ont choisi le 17 octobre pour se prononcer. Finalement, nous en avons très peu entendu parler. Tout le monde nous parle de la fameuse classe moyenne en nous faisant miroiter l’accès à la propriété, mais les gens dont nous parlons aujourd’hui, les personnes qui ont des besoins urgents, ce ne sont pas des gens qui ont les moyens d’accéder à la propriété. Si on finance des mesures d’accès à la propriété et qu’on ne prévoit pas d’investissement dans le logement social, on contribue à la gentrification des quartiers et c’est ça qui se passe à Québec et à Montréal. Parce quand tu finances l’accès à la propriété en encourageant les gens à acheter un duplex, ils évincent les locataires pour se loger et ceux-ci ne trouvent pas de logement après. Les deux grands partis ont ignoré les questions du logement social, de la réforme de l’Assurance chômage et de la pauvreté en général.
Ce que nous réclamons au FRAPRU, c’est 2 milliards de dollars par années pour le logement social. Ce chiffre correspondait à 1% des dépenses du fédéral, mais depuis ces dépenses ont augmenté, alors nous pourrions majorer ce montant. Nous exigeons aussi la protection des logements sociaux existant. Ce sont les deux grandes demandes que nous portons. Le NPD s’est engagé à appliquer notre demande de 2 milliards de dollars par année. Le Bloc s’est engagé à réclamer du fédéral 3 milliards de dollars par années pour construire de nouveaux logements sociaux et protéger ceux qui existent. Le Parti Vert quant à lui, s’est engagé à construire 25 000 logements abordables par année. Nous répondons à cela que « abordable » cela n’est pas assez précis. Nous avons fait plusieurs efforts pour essayer de pousser plus loin, pas parce que nous nous faisons beaucoup d’illusions, mais parce que les engagements que nous avons pendant la campagne, après cela, ça nous permet de s’assurer que cela se traduise par des politiques. C’est pour cela que nous essayons d’arracher des engagements aux partis politiques. Peu importe comment va se conclure la journée de lundi, c’est important de poursuivre la mobilisation. C’est grâce à ce moyen que le logement social n’a pas été abandonné complètement par les gouvernements. C’est par la mobilisation aussi que nous avons obtenu un engagement pour le maintien du financement du fédéral envers les logements sociaux existant, les coopératives et les OSBL. À Québec entre autre, le Comité populaire de Saint-Jean-Baptiste et le Comité des citoyens et des citoyennes de Saint-Sauveur ont mené une campagne active pendant des années sur cet enjeu. Même si ce n’est pas assez, il y a quand même eu un engagement sur 10 ans. Nous avons gagné du temps et cela fait une différence majeure pour les locataires à faible revenu qui habitent dans ces logements et qui autrement subiraient des hausses de loyers considérables. Chaque victoire est importante et fait une grande différence dans la vie du monde. C’est pour cela qu’on vous invite à poursuivre la lutte après les élections.
Véronique Laflamme
Alice-Anne Simard, Eau Secours
Merci pour ce panel 100% féminin. Je suis la directrice d’Eau Secours, un organisme environnemental qui travaille à la protection de l’eau et sur différents enjeux tels que la marchandisation de l’eau, la privatisation de l’eau, les hydrocarbures, les différentes formes de pollution de l’eau. Aujourd’hui, je vais vous parler de la crise environnementale et je vais vous expliquer pourquoi nous en parlons dans une soirée dédiée à la pauvreté.
Je m’excuse, mais nous avons tellement de statistiques et de données et c’est tellement triste de devoir en ajouter une couche, aussi décourageantes que les précédentes. Tout d’abord, je dois vous parler de la crise de la biodiversité. Pourquoi est-ce que je vous parle de cela? C’est parce que la disparition de la biodiversité va affecter principalement les personnes les plus défavorisées. Présentement, il y a une espèce d’animaux, de plantes ou d’insectes, de champignons ou de bactéries, qui disparaît à toutes les cinq minutes. Le problème, c’est que lorsque ces espèces disparaissent, outre la tristesse que cela produit, c’est que nous perdons un ensemble de connaissances. Les humains forment aussi une espèce du règne animal, membre de cet écosystème qu’est la Terre. Quand des espèces disparaissent, elles emportent avec elle des services qu’elles nous fournissent. Par exemple, les abeilles vont polliniser les plantes qui vont nous permettre d’avoir des fruits et des légumes. Donc, si elles disparaissent, cette pollinisation ne se fait plus. L’alternative consiste à le faire nous même avec un petit pinceau. Imaginez le travail à l’échelle planétaire. Ce serait impossible. Sans les abeilles, nos rayons d’épicerie ne seraient pas du tout les mêmes. La grande majorité des fruits et des légumes auraient tout simplement disparus.
D’autres espèces permettent de filtrer l’eau, ce qui nous permet d’avoir des sources d’eau potable de qualité. Elles vont parfois nous protéger des intempéries comme les mangroves et les buissons sur le bord des côtes qui retiennent les sols lorsque les tempêtes frappent. Elles protègent aussi les habitations humaines des vagues. Les arbres filtrent l’air et produisent de l’oxygène de même que les algues dans les océans. Ce sont des exemples de ce que la biodiversité nous apporte. C’est pour cela qu’il faut non seulement s’attrister de la disparition de chaque espèce, mais en plus il faut réaliser comment cela met notre propre survire en danger. De plus, cela menace encore plus la survie des personnes les plus défavorisées.
Il y a une étude qui vient de paraître il y a quelques jours seulement qui démontre que cet effondrement de la biodiversité mettra en péril la survie de la moitié de la population mondiale au cours des 30 prochaines années. Parmi ces personnes, ce ne sont pas les multimillionnaires qui seront à risque, ce sont les populations les plus défavorisées, particulièrement en Asie du Sud et en Afrique. Ces populations sont à risque de manquer de nourriture et d’eau potable, parce qu’elles dépendent de la nature pour leur subsistance. Elles vont aussi être extrêmement vulnérables aux intempéries surtout pour celles qui vivent au bord des côtes.
Nous entendons aussi parler de la question des changements climatiques. Nous en entendons beaucoup parler et c’est fort bien parce qu’il y a eu une immense mobilisation au cours des dernières semaines. À Québec seulement, nous étions 30 000 personnes à marcher dans les rues. Imaginez pour une ville où nous sommes sensés être des conservateurs qui écoutent les radios poubelles dans leur voiture, c’est énorme.
À Montréal, il était un peu plus nombreux, à peine un demi-million. Partout dans le monde, ce sont 7 millions de personnes qui ont marché pendant la semaine d’actions pour le climat pour demander aux gouvernements de poser des gestes ambitieux pour régler la crise climatique. C’est quoi la crise climatique, c’est parce que les humains produisent trop de gaz à effet de serre qui font augmenter la température de la planète en brûlant trop de pétrole, de charbon et de gaz naturel. Notre économie est fondée sur les énergies fossiles et nous en sommes tellement dépendants, mais c’est ce qui nous tue tranquillement. L’augmentation de la température se fait déjà sentir. Nous en sommes présentement à 1 degré Celsius d’augmentation depuis le début de l’ère industrielle. Les scientifiques estiment que nous pouvons encore augmenter cette température d’un autre degré d’ici les 30 prochaines années. Cela va excessivement vite, et ce qu’ils nous disent, c’est que nous ne devons pas dépasser 1.5 degré d’augmentation. Sinon, à partir de 2 degrés, il y a des mécanismes incontrôlables qui vont se mettre en marche. Cela mettrait en péril la vie de millions de personnes. Nous assisterions à des pénuries d’eau et de nourriture, des inondations et des tempêtes, des feux de forêts, des canicules, des sécheresses. Ce sont des choses difficiles à avaler, le fait qu’un jour l’espèce humaine pourrait disparaître et que les enfants qui naissent aujourd’hui vont vivre dans un monde complètement catastrophique. C’est difficile parce qu’il faut prendre le temps de faire le deuil de certains aspects de nos vies et réaliser que la situation est plus qu’anxiogène.
À 1 degré d’augmentation, nous ressentons déjà les effets de la crise climatique. À l’été 2018, il y eu une canicule qui a causé la mort prématurée de 90 personnes. Quand nous pensons qu’ici nous sommes chanceux au Québec, parce que le climat va s’adoucir, ce n’est pas nécessairement juste cela qui va arriver. Il y a des dizaines et des centaines de personnes qui vont mourir prématurément à chaque année. D’ici 30 ans, à Québec, le Vieux Port, le parc Victoria, le domaine Maizeret, seront probablement inondés en raison de la hausse du niveau de la mer, de même pour bonne partie de la Basse-Ville de Québec et du Vieux-Limoilou. Justement, il s’agit souvent de quartiers défavorisés. C’est quelque chose que l’on remarque beaucoup ailleurs dans le monde, que les secteurs défavorisés sont souvent situés dans les parties basses des villes. La plupart du temps, ce sont aussi des gens en logement. Donc, en cas d’inondation la crise du logement risque d’empirer. Et même au sein des pays riches comme le Canada, ce sont les personnes les plus défavorisées qui vont subir le plus les changements climatiques.
Évidemment, le problème c’est que les gouvernements sont très loin de respecter ce que recommande les scientifiques. Présentement, les pays se sont engagés à faire de leur mieux, ce qui amène à un monde à plus 3 degrés Celsius. Le double de ce que la science nous recommande. Pire que ça, ces pays ne respectent même pas leurs engagements. Ceci fait que si nous poursuivons dans l’irrationalité d’une croissance infinie, booster au pétrole, au gaz et au charbon, nous nous dirigeons vers un monde à plus 7 degrés Celsius sur Terre. C’est un monde où certaines régions du globe autour de l’équateur deviendront invivables pour l’être humain parce que l’air y sera irrespirable. Cela signifie qu’il n’y aura plus de glace nulle part, des tempêtes d’une extrême violence et des milliards de personnes qui devront se déplacer, des réfugiés climatiques qui vont mourir, des guerres et des conflits armés pour les ressources hydriques notamment, et c’est vers cela que nous allons si nous ne faisons rien. C’est la trajectoire sur laquelle nous nous trouvons. Le problème, c’est que ce ne sont pas les plus riches qui vont en payer le prix. Ce sont les plus démunies. Auparavant, les groupes écologiques disaient qu’il fallait se préoccuper d’abord des changements climatiques parce que ça l’affecte tout le monde.
Notre discours était : « Occupons-nous d’abord des changements climatiques, ensuite nous nous occuperons des droits des femmes, des personnes racisées, des Premières Nations et de la justice sociale, les autres droits humains et le droit au logement. » Notre priorité c’était le changement climatique. Mais cela ne fonctionne pas comme cela, il faut lutter contre la crise environnementale en faisant en sorte que les femmes peuvent enfin avoir des droits égaux. Il faut aussi mettre fin au racisme et avoir des emplois pour tous. Il faut aussi réduire les inégalités sociales. Cette crise à laquelle nous faisons face en tant qu’humanité représente une chance unique de créer une société mondiale qui soit juste pour tous et pour toutes.
J’aimerais conclure avec la notion d’apartheid climatique. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits humains, l’Australien Philip Alston, a dit que nous allons de plus en plus vers un apartheid climatique, c’est-à-dire que les plus riches vont avoir les moyens d’échapper aux canicules, à la soif, à la faim, aux conflits, tandis que les plus pauvres vont être abandonnés à leur sort. Le meilleur exemple de cela c’est l’incendie en Californie en 2018. Ça a été l’incendie le plus meurtrier de l’histoire de cet État. En Californie, il y a eu des coupures dans les services publics qui a fait en sorte qu’il manquait de pompiers. Cela a mené à la mort de 105 personnes. Mais Kim Kardashian et Kanye West, une star de téléréalité et un rappeur, ont engagé des pompiers privés pour protéger leur propriété et celle de leur voisin. Sur ce, merci beaucoup pour votre écoute.
Alice-Anne Simard, Eau Secours
Applaudissement
Période de questions et d’échanges
– Pourquoi est-ce que nous ne nationalisons pas l’eau comme le Costa Rica l’a fait ?
Oui, cela peut être une solution parce que présentement nous donnons presque gratuitement l’eau à des entreprises privées pour qu’elles l’embouteillent et nous la revendent après 1500 fois plus cher. Par contre, de plus en plus on se dit que ce serait mieux si c’était géré par de petites communautés locales plutôt que par des entreprises multinationales. Au Québec, l’eau est reconnue comme un bien commun, c’est assez rare dans le monde. Ici, nous sommes privilégiés d’avoir autant d’eau. Dans l’avenir, nous devons nous demander ce que nous allons faire avec toute cette eau de très bonne qualité. Comment pourrions-nous la partager avec le reste du monde? À Eau Secours, nous considérons que nous devrions en prendre très soin. AAS
– Est-ce que selon vous, mettre de l’avant un revenu universel garanti pourrait être une stratégie porteuse pour réformer l’Assurance emploi ?
Je pense que ce serait une mesure hyper pertinente et que c’est mieux que l’Assurance emploi parce qu’on assure à tout le monde un revenu minimum garanti. Je sais que le NPD parle de quelque chose qui s’apparente à cela. Si cela se fait un jour, nous n’aurons plus besoin de l’Assurance emploi parce qu’à partir du moment où il y a un revenu qui est assuré à tout le monde, cela deviendrait caduque comme la plupart des programmes d’aide économique. HV
– Mon commentaire, c’est que je trouve cela tellement intelligent d’avoir associé vos trois expertises autour de la question de la pauvreté. C’est le panel le plus intelligent que j’ai entendu au cours de cette campagne électorale. Cela me redonne de l’espoir et je me dis que j’aimerais vous entendre à nouveau un peu plus longtemps pour développer davantage sur votre champ d’expertise. Merci.
– Ma première question concerne le poids de l’investissement étranger dans le marché de l’immobilier au Canada. En Europe, cette question est problématique pour les citoyens qui n’arrivent plus à se loger. Les fonds de placement vautour s’emparent du marché pour faire de la spéculation et cela influence le prix des logements. Mon deuxième élément, c’est que le Canada se comporte comme un pays impérialiste dans le monde avec ses sociétés minières. Pour extraire l’or, par exemple, cela exige des millions et des millions de litres d’eau. C’est incroyable toute la pollution que cela engendre. Dans la campagne électorale, quand ils ont parlé des relations internationales, ils n’ont jamais choisi la thématique des compagnies minières. Même l’Accord de Paris n’est rien par rapport à ces besoins criants qu’il y a dans les pays du Sud, des besoins créés par les entreprises minières enregistrées à Toronto. Je pense que nous devrions adopter de plus en plus une position anti-impérialiste.
Rapidement, sur les investissements étrangers pour la spéculation immobilière, nous en avons entendu parler pendant la campagne électorale. C’est un vrai problème, surtout à Toronto et à Vancouver où les prix sont devenus exorbitants. À Montréal, cela ne représente pas encore un pourcentage important du parc immobilier. Le problème, c’est qu’on ne parle que de ça alors que la spéculation d’ici a le champ libre. C’est comme si nos gouvernements en pointant ce problème de l’investissement étranger donnent l’impression de lutter contre la spéculation alors que la spéculation locale est un problème majeur à Montréal, mais aussi à Québec et ailleurs. Ce n’est pas le principal problème actuellement au Québec. Par contre, ces mesures là à Vancouver ont produit des effets positifs. Si on veut éviter que la spéculation qui est très importante à Montréal entraîne l’inabordabilité complète du logement tel que c’est le cas à Vancouver et à Toronto, il faut que les trois paliers de gouvernement, fédéral, provincial et municipal, agissent maintenant en contrôlant le coût des loyers, en investissant dans les logements sociaux et en réservant des terrains pour construire ces projets. Là le fédéral peut jouer un rôle important, mais malheureusement cela a été ignoré durant la campagne électorale. Il y a des gestes concrets qui peuvent être posés, mais on n’a pas entendu parler de cela. Il serait facile pour le fédéral d’annoncer que tous leurs terrains excédentaires sont réservés pour construire du logement social. C’est bon d’agir contre les investissements étrangers, mais il faut aussi agir pour contrer la spéculation locale. VL
– Je remercie d’abord les trois conférencières qui nous ont donné une géographie humaine des problèmes du logement, du chômage et de la préservation de notre maison commune, la Terre. Ma question s’adresse à Action chômage. Ce soir vous nous avez une information précise sur le vécu du chômage et les chômeurs. Les journaux rapportent des mensonges. On nous dit qu’au Québec nous avons le plus bas taux de chômage au Canada, que nous embauchons, que nous manquons de candidats. Comment allez-vous faire pour lancer une campagne d’information pour contrer la désinformation? Pour ce qui est du logement: Comment cela se fait-il que nous n’arrivions pas à obtenir au Québec le pouvoir de s’occuper du logement social? Tout l’argent qui est à Ottawa, pourquoi n’est-il pas versé chez-nous? Qu’est-ce qui se fait au plan politique pour que ce pouvoir revienne chez-nous? L’assurance chômage nous ne l’avons pas chez-nous non plus. C’est un besoin québécois et c’est un pouvoir que nous pourrions avoir chez-nous pour faire quelque chose. Merci
Je pense qu’il est important de faire une distinction entre le taux de chômage et la qualité des emplois qui sont offerts. Effectivement, il y a beaucoup d’emplois disponibles. Il y a des commerces qui ferment à cause de la pénurie de main-d’œuvre, mais souvent ils offrent des conditions d’emploi qui ne sont pas intéressantes. Comme les gens ont le choix, ils deviennent plus sélectifs. Après cela, considérer le nombre effectif de gens en chômage par rapport à la difficulté pour obtenir des prestations, alors qu’il y a plus d’argent dans les caisses de l’Assurance emploi. Ne serait-il pas temps d’améliorer l’accessibilité? Ensuite, oui nous devons nous efforcer de contrer les campagnes de désinformation. HV
Pour ce qui est du logement, il faut dire que les gouvernement du Québec, au cours des dernières années, n’ont pas aidé à ce que nous ayons le goût de nous engager sur ces questions de rapatriement des pouvoirs d’Ottawa. Avec des gouvernements de droite qui ont privatisé en partie l’aide au logement avec les politiques d’austérité des Libéraux et la CAQ qui n’a investi dans aucun logement sociaux dans son premier budget, une première en 20 ans, cela ne nous a pas incités à revendiquer sur la place publique que l’argent du fédéral soit retourné aux provinces, même si c’est cela notre position au FRAPRU. Nous pensons que les fonds fédéraux qui découlent des politiques sociales devraient être transférés au Québec pour qu’il les utilise dans ses programmes. Sauf que lorsque nous regardons comment il utilise l’argent du fédéral, cela ne donne pas envie d’en demander davantage. Cela serait plus facile à gérer que d’avoir une panoplie d’initiatives difficilement utilisables comme c’est le cas présentement, qu’il faut utiliser dans des montages financiers long à élaborer pour réaliser très peu de projet au final. Dans les stratégies actuelles, il y a les ententes fédérales-provinciales, il y a là 70 millions par années que Québec pourrait gérer comme il l’entend. Après cela, il y a plein d’initiatives qui sont gérées par Ottawa qui veut avoir son nom sur le chèque. Ceci dit, ni l’un ni l’autre des paliers de gouvernement n’est excellent parce que présentement cet argent, dans ces différentes initiatives, ne va pas toujours dans le logement social. Ceci dit, on ne sait pas comment vont vieillir ces investissements. Il faut aussi faire la lutte pour que Québec investisse dans le logement social. Il ne faut pas que le gouvernement fasse des économies sur le dos des mal-logés, ce que la ministre a laissé entendre au cours des derniers mois. Le Bloc Québécois défend les compétences du Québec, mais quand c’est rendu à Québec, on ne les entend plus sur cette question du droit au logement. Dès que les élections fédérales seront terminées, le FRAPRU lance une nouvelle campagne qui vise cette fois le gouvernement du Québec. Cela s’intitule : « Pour du logement social maintenant. » Il va y avoir un rassemblement à Québec le 7 février et on va vous convier à être là tout le monde. VL
– Applaudissements…
– Comment pourrait-on contrer le phénomène de la gentrification ?
Juste dire qu’à Québec les groupes membres du FRAPRU dans les quartiers qui sont très affectés par la gentrification, comme le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste et le Comité des citoyens et citoyennes du Quartier Saint-Sauveur, sont très actifs sur la question. Il existe de mesures concrètes pour lutter contre cela. C’est-à-dire lutter contre le fait que des locataires à loyer modique soient chassés de leur quartier, le remplacement des résidents des quartiers populaires par des gens plus aisés, Si on veut faire en sorte qu’il y ait des logements à prix abordable, il faut investir dans le logement social. Dans une étude réalisée par le Com Pop, on voit que dans Saint-Jean-Baptiste, où il y a beaucoup de coopératives d’habitation, cela a permis que des gens à faible revenu demeurent dans le quartier alors que ceux et celles qui habitent dans des logements privés risquent d’être évincés lors de rénovations ou de la conversion de leur loyer en condominium. VL
C’est pour cela que nous insistons autant sur le logement social, parce que cela n’appartient pas à du privée, mais à la communauté. C’est pour cela que ça en prend beaucoup plus. Actuellement, quand tu es chassé de chez-vous, du Vieux-Limoilou ou de Saint-Sauveur, si ton logement se fait reprendre et que tu es une personne de 50 ans et plus, qui habite là depuis 10 ans, qui payait son loyer 500 ou 600$, tu es incapable de te reloger à ces prix-là. Ce qui est disponible est à 1000$. Tu ne peux pas rester là et tu n’as pas le choix de t’en aller. Donc, s’il n’y a pas de logements sociaux disponibles, c’est inévitable que la population du quartier va changer. Le gouvernement du Québec peut agir pour empêcher la transformation de logement locatif en condo ou de logements en unifamiliale, les changements d’affectation. Il faut aussi agir pour contrôler le coût des logements sur le marché privé. Il existe des moyens d’agir pour maintenir les logements à des prix abordables pour que les gens puissent demeurer dans leur milieu de vie. On ne s’en sort pas, il faut qu’il y ait une alternative au marché privé. Au Canada, ce n’est que 4% du parc de logement qui est du logement social. À cet égard, nous sommes dans les plus bas pourcentages des pays de l’OCDE. C’est pourquoi nous insistons tant sur ce point. Nous n’avons qu’à regarder ce qui se passe dans le Vieux-Limoilou depuis quelques années. VL
La fille en environnement veut aussi parler de gentrification. Pourquoi ? Parce que présentement, et nous allons en avoir de plus en plus, les moyens de lutter contre la crise climatique, c’est de densifier et de verdir nos quartiers. C’est pour s’assurer que les gens n’aient pas besoin de faire une heure de route matin et soir pour aller au travail, qu’ils puissent faire tout à pied, ou en transport collectif ou en transport actif. C’est aussi pour avoir des infrastructures vertes comme des parcs, pour lutter contre les canicules et la pollution atmosphérique. Le problème, c’est que ces mesures produisent de la gentrification parce que c’est plus dispendieux de se loger près d’un parc ou d’un réseau de transport collectif efficace. Alors que les endroits plus près des autoroutes ou des usines, sont moins recherchés et donc plus susceptibles d’offrir des logements à des prix plus abordables. Il faut avoir des mesures pour lutter contre la spéculation. Il ne faut pas que la lutte à la crise climatique emmène de la gentrification vertes dans nos quartiers. Cela ne doit pas se faire au détriment des personnes en situation de pauvreté. AAS
Au FRAPRU, nous allons avoir des positions super trippantes que nous allons discuter à notre assemblée générale au mois de novembre pour que quand on lutte contre les changements climatiques, on puissent aussi porter des revendications pour une transition juste. C’est une transition juste qui est basée sur le respect des droits. Après cela nous irons dans différents regroupements pour amener ces réflexions parce que tout est lié finalement. VL
Applaudissements
Les subventions au logement vont dans les poches des propriétaires qui continuent d’augmenter leurs loyers et au final, il n’y a rien qui reste dans la communauté. L’allocation au logement fait une petite différence, c’est 55$ à 180$ par mois, mais nous avons toujours dénoncé la discrimination de ce programme puisque c’est seulement à partir de 50 ans qu’on y a droit. Cela peut aider, mais cela ne doit pas faire l’économie d’investir dans un programme structurant. La conséquence c’est que si le gouvernement priorise ce programme, il va couper dans le logement social. C’est ce qu’il a fait il y a quelques années lorsqu’il a coupé de 50% son programme de financement au logement social, c’est là qu’il a remis sur pied son programme de subvention au loyer privé. À court terme, ce n’est pas aussi long que de développer des logements sociaux, mais cela ne bénéficie qu’aux propriétaires. On ne se donne pas les moyens pour que les programmes de construction de logement sociaux soient efficaces. VL
– J’adresse ma question à la représentante de l’organisme Eau Secours pour lui demander quelles sont leurs solutions concrètes que chacun, chacune, peut faire pour aider l’environnement et contrer le réchauffement climatique ?
Je vous ai beaucoup parlé pourquoi ce sont les personnes les plus pauvres qui vont souffrir du réchauffement climatique. Le problème, c’est que c’est de la faute des plus riches si nous sommes dans ce bordel. Présentement, la moitié de la population mondiale ne produit que 10% des gaz à effet de serre alors que 100 entreprises pétrolières et de gaz, produisent 70% des gaz à effet de serre. Qu’est-ce que les gouvernements font à ces compagnies pour les remercier ? Ils leur donnent en subvention 500 milliards de dollars américains à chaque année. Imaginez ce que nous pourrions faire avec cette somme. On pourrait éradiquer la faim, la soif et la pauvreté dans le monde. La première chose à faire, c’est de dénoncer ces compagnies d’énergie fossile. Ce sont des criminels qui depuis les années 1970, savent que leurs activités créent une crise climatique. Ils savent aussi que si rien n’est fait, nous nous en allons vers le gouffre. Elles sont au courant depuis des dizaines d’années, et elles ne font que demander toujours plus d’argent aux gouvernements. Elles continuent à désinformer la population en créant des faux articles scientifiques. Bref, ce sont des criminels qu’il faut dénoncer et surtout il faut arrêter de mettre de l’argent public dans ces compagnies. La première chose à faire, c’est de prendre cet argent pour mettre en place un monde juste et respectueux de la nature qui réduit les inégalités, qui permet aussi de vivre d’énergies renouvelables. C’est cela la base. Il faut demander au gouvernement d’agir en ce sens. Le problème, c’est qu’il n’y a aucun parti politique qui a une plateforme environnementale suffisamment ambitieuse pour lutter contre la crise climatique et respecter les recommandations de la science, même le Parti Vert. On ne relâche pas la pression et on demande au gouvernement d’avoir un monde juste qui respecte la nature et nous permet d’éviter notre propre extinction. AAS
– Je travaille au Collectif pour un Québec sans pauvreté et nous sommes dans une démarche qui nous conduit à unir notre lutte contre la pauvreté à celle contre les changements climatiques. Vous avez un discours très intéressant sur la manière d’unir ses luttes. Je me demande ce que vous recommanderiez comme pratiques, tant du point de vue des changements climatiques pour s’intéresser à la pauvreté et dans l’autre sens aussi? J’ai parfois l’impression que cela demeure encore deux mondes à part.
De fait, il y a un travail qui est fait depuis plusieurs années à l’intérieur d’un front commun pour la transition énergétique sur lequel siègent plusieurs groupes communautaires et syndicats. C’est une panoplie de personnes qui travaillent pour mettre en œuvre une transition juste qui soit vraiment porteuse de justice sociale pour tous et pour toutes. Il faut aussi s’assurer que cette transition ne passe pas uniquement par l’achat d’auto électrique à 60 000$, mais en ayant aussi à l’esprit comment on réduit les inégalités. Je pense que beaucoup de travail a été fait de la part des groupes communautaires vers le mouvement environnemental. Par contre, je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de groupes environnementaux qui participent à des actions sur la pauvreté. AAS
Merci
Applaudissement
Propos transcrit par Yves Carrier