#300 – Atelier justice sociale – justice climatique
C’est la dernière rencontre de l’année. À la rentrée, il y a « La planète se met en grève », le 27 septembre. Le CAPMO est membre du REPAC qui compte 50 organismes de défense des droits et d’éducation populaire. Lors de sa dernière assemblée générale, il a été proposé que les organismes membres participent à ce mouvement mondial pour affirmer l’urgence d’agir contre les changements climatiques. Naélie Bouchard-Sylvain s’est généreusement proposée pour venir animer un atelier sur la justice sociale et la justice climatique. Je pense qu’il est important de développer cette thématique parce que déjà les politiciens ont de la difficulté à articuler le développement économique et le respect de l’environnement. Si on ajoute l’élément de la justice sociale, ils sont complètement perdus. Il semble que l’avenir ne rentre pas dans leurs calculs. Sans plus tarder, je donne la parole à Naélie. YC
Bonjour tout le monde, j’imagine que vous êtes un peu familiers avec la crise climatique ? Pour débuter, je vous poserais deux questions : Jusqu’où pensez-vous que l’eau du fleuve va monter dans le quartier Limoilou d’ici 30 ans ? Deuxième question: Combien pensez-vous que nos gouvernements investissent par habitant du Canada dans l’industrie pétrolière à chaque année ? Voici mon plan de formation :
1- Crise climatique
2- À qui profite la crise
3- Réévaluer nos choix de société
4- Se mobiliser ou subir
Naélie Bouchard-Sylvain
1 – Crise climatique
Comprendre la crise climatique
Les constats du GIEC (Groupe d’experts internationaux sur l’évolution du climat) :
Ce groupe a été fondé en 1988 et il publie des rapports depuis 1998 et depuis 2001, il sonne l’alarme pour nous dire qu’il y a une crise climatique.
Premier constat: En 2018, ces experts nous avertissent qu’il y a actuellement un réchauffement global plus rapide que prévu et que cela met en péril la survie de l’humanité ainsi que celle de la flore et de la faune.
Deuxième constat : Ce réchauffement est principalement dû à l’activité humaine.
Le GIEC prend des études scientifiques, il projette les données et dresse l’état actuel. Sur 11 944 études, 97% de celles-ci font état de la crise climatique. Il y a donc un grand consensus scientifique sur la crise climatique. Cette crise n’est pas qu’une question de température, il y a plusieurs manifestations. Par exemple, il y a des dérèglements météorologiques qui se manifestent par la multiplication des événements exceptionnels majeurs comme des tornades, du verglas, des canicules, des sécheresses, etc. Par exemple, dans les années 1980, Hydro Québec en recensait environ deux par année, en 2018, nous sommes rendus à 16 événements exceptionnels annuels. On constate une évolution exponentielle de la fréquence de ces événements.
Il y a aussi une destruction des milieux naturels en raison de la pollution de l’eau, de l’air, des sols, la déforestation, l’agriculture intensive, l’urbanisation, la destruction des fonds marins et de nos modes de production en général. Déjà 75% de l’espace terrestre et 66% des espaces marins sont dégradés. Il faut comprendre ce qui se passe.
On constate également une extinction de masse. Nous sommes en ce moment rendus à la sixième extinction de masse depuis l’apparition de la vie sur Terre. D’habitude cela se déroule à un rythme très lent pendant des dizaines de milliers d’années, mais actuellement, cela se déroule sous nos yeux en termes de dizaines d’années. C’est vraiment accéléré, donc c’est aussi provoqué par les activités humaines. Il s’agit de la disparition des espèces animales incluant les niveaux microscopiques.
C’est ce que nous vivons avec un réchauffement de 1 degré Celsius sur la Terre par rapport à l’ère préindustrielle. D’ici 30 ans, si nous n’agissons pas dès maintenant, le GIEC prévoit que nous franchirons la barre de 2 degrés Celsius. Cela fera en sorte que nous allons perdre 13% des écosystèmes et 99% des coraux. Le pire dans cela, c’est que cette hausse fera fondre le pergélisol qui contient énormément de gaz méthane. Ce dernier est un gaz à effet de serre 87 fois plus polluant que le CO2. S’il y a une fonte du pergélisol, notre capacité à freiner le réchauffement climatique sera pratiquement anéantie. C’est à prendre au sérieux si nous ne voulons pas franchir le point de bascule qui consiste en une boucle de rétroaction climatique incontrôlable. Si les gouvernements de la planète appliquent actuellement leurs objectifs, nous allons atteindre + 3 degrés Celsius de réchauffement climatique. À plus 3 degrés, il y aura l’engloutissement des villes côtières, et il y aurait des centaines de millions de réfugiés climatiques en raison de la hausse du niveau des mers, de la pénurie d’eau douce en certains endroits, les sécheresses et les tempêtes. À plus 4 degrés Celsius, si les gouvernements n’accomplissent pas leurs engagements climatiques, 75% de la population mondiale ne survivrait pas. Il est bien possible que nous dépassions les 4 degrés Celsius, ce qui signifierait l’extinction de la vie sur Terre. NBS
Quand je vous parle de centaines de millions de réfugiés climatiques, vous vous dites sûrement que cela ne vous affectera pas, que c’est dans le Sud global que cela se produira. Détrompez-vous, il y aura beaucoup de déplacés internes à l’intérieur de notre pays ne serait-ce qu’à cause du phénomène des inondations côtières.
Je ne sais pas si vous habitez à Limoilou ? Vous avez écrit jusqu’à quelle hauteur pouvait monter les eaux du fleuve ? À 4 degrés, l’eau arriverait jusqu’au chemin de la Canardière et l’ensemble de la Basse-Ville y passerait.
Projection pour 2050 du niveau des eaux à Québec
Les réfugiés climatiques, ce ne seront pas que des gens des pays chauds. NBS
* Évidemment, ce sont des projections et non pas des certitudes, mais nous savons que l’eau va monter. Ce sont des hypothèses. Cela peut être pire ou mieux selon les différents scénarios.
Les conséquences sur la sécurité alimentaire et la santé sont également majeures. Si les arbres, les plantes et les algues qui agissent comme des filtres pour l’air et l’eau, disparaissent, ce sont les qualités globales de l’air et de l’eau qui vont être diminuées.
* En même temps, on nous met des pesticides dans tous les aliments.
La crise climatique n’est pas qu’une question de température, les pesticides en font partie parce que les différentes formes de pollutions sont aussi en train de réchauffer l’atmosphère. L’accès à des aliments moins nutritifs et moins diversifiés en raison de la perte de biodiversité peut avoir des impacts sur notre santé. Les inondations ou les sécheresses, cela précarise ou détruit des récoltes. On peut penser que les prix des aliments vont augmenter. Les cultures intensives, les rejets industriels et les eaux usées, vont contaminer les sols et l’eau potable. Une propagation de virus et de bactéries pathogènes est aussi liée à la baisse de la biodiversité. Par exemple, les renards mangent beaucoup de rongeurs qui sont porteurs de tiques qui peuvent être infectées de la maladie de lyme. Donc, s’il y a moins de renards, ils vont moins manger de rongeurs et ceux-ci risquent davantage de se propager et d’introduire la maladie de lyme au Québec.
La pollution atmosphérique fera augmenter les maladies respiratoires, les cancers du poumon, les crises cardiaques. La précarisation des conditions d’existence en raison des vagues de chaleur, des inondations ou des tornades, deviendra un problème réel. Donc, on peut prévoir des conséquences dramatiques aux changements climatiques. Alors pourquoi les gouvernements ne se mobilisent pas ?
2 – À qui profite la crise ?
La courbe de l’accroissement des gaz à effet de serre depuis 1850 est exponentielle. Cette courbe correspond à l’augmentation de la température globale mondiale. Ces deux courbes ont pour corollaire, celle de l’augmentation des écarts de richesses sur la planète Terre depuis le début de l’ère industrielle. On peut déduire de cela que la fortune des entreprises a été faite sur le dos de la nature et du travail des employés. Il y a actuellement 100 entreprises qui sont responsables de 71% de l’émission des gaz à effet de serre. Le système capitaliste est fondé selon un modèle de croissance infinie dans un monde où les ressources sont limitées et non renouvelables. Cela fait en sorte qu’il se produit une concentration de la richesse puisque ceux et celles qui possèdent les moyens de production, accumulent sans cesse des avoirs. Le propre du capitalisme et de fabriquer des riches au dépend des pauvres et de l’exploitation de la nature.
* C’est rendu tellement gros que les mégas cultures au Brésil avec le soya transgénique qui nécessite beaucoup d’engrais chimiques, pollue les fleuves et les rivières qui se jettent dans la mer et transforme le milieu marin en favorisant la croissance exponentielle d’une algue appelé Sargasse qui envahit toutes les côtes de la mer des Caraïbes.
* Le point de départ où l’être humain se trompe, c’est que la terre-Mère ne nous appartient pas. C’est nous qui lui appartenons. Il faut commencer par le commencement qui est la prise de conscience.
Donc, si le modèle actuel a produit l’enrichissement d’une minorité, on peut comprendre que cette minorité n’est pas enthousiaste à changer le modèle. Comme les plus riches se sont enrichis en détruisant la Terre, ce serait quand même juste qu’ils paient pour une transition énergétique.
Évolution des GES depuis 1850
Augmentation de la température globale mondiale depuis 1850.
Augmentation des écarts de richesse depuis 1850
Atelier : Qui sont les premières victimes des changements climatiques?
En petit groupe, vous devez décrire comment ces 5 personnages fictifs vivent les changements climatiques selon leurs conditions physiques et socio-économiques.
Première mise en situation: « Je m’appelle Carol et j’ai des problèmes avec mon propriétaire. Mon logement est mal isolé et mal entretenu et le proprio tarde à faire les réparations nécessaires. »
* Le premier problème de Carol, c’est qu’en étant mal isolé, son logement est plus chaud par temps chaud et plus froid par temps froid. Dans les deux situations, il est obligé de consommer davantage d’énergie pour se chauffer en hiver et se climatiser en été. Donc, sa facture d’énergie augmente et limite ses capacités à faire d’autres choix de consommation.
Deuxième mise en situation : « Je suis Célestine. Je suis cheffe de famille monoparentale. En combinant deux emplois, j’arrive à payer mon loyer, l’électricité et l’épicerie. »
* Comment sera-t-elle affectée par la crise climatique ?
* Le prix des aliments et de l’énergie vont augmenter. Cette personne aura moins d’argent disponible pour des loisirs, pour s’habiller, pour se déplacer, etc. Cela va toujours coûter de plus en plus cher et sa marge de manœuvre va être de plus en plus mince. Elle va possiblement devoir s’endetter jusqu’à ce qu’elle fasse faillite. Ses enfants vont en souffrir.
Troisième mise en situation: « Je m’appelle Michel et j’habite en CHSLD en ville. Quand il fait trop chaud, je sors pour prendre l’autobus et je vais marcher au parc. »
– Lorsqu’il fera plus chaud, il va y avoir une augmentation des îlots de chaleur. Pour ce qui est du parc où monsieur se rend, peut-être qu’il sera asséché ou bien submergé par l’eau du fleuve. Comme sa santé est fragile, les canicules plus fréquentes peuvent aggraver sa maladie ou provoquer sa mort. Le transport en commun sera sans doute beaucoup plus cher. La variété de la nourriture peut être amoindrie. Sa consommation de viande va grandement diminuer en raison des coûts. L’autobus qu’il prenait sera remplacé par un bateau.
Quatrième mise en situation : « Je m’appelle Alessandro et je vis en colocation avec ma sœur et son enfant. Nous habitons un appartement pas trop dispendieux en bordure d’une rivière. »
* Alessandro est quelqu’un de précarisé parce qu’il vit en colocation avec deux membres de sa famille. Comme ils habitent en bordure d’une rivière, probablement qu’ils vivent en zone inondable. S’ils vivent une inondation, probablement qu’ils n’arriveront pas à se reloger parce qu’ils ne parviendront pas à trouver un appartement qui leur convient dans les prix qu’ils peuvent payer. Ils ont de fortes chances de devenir des réfugiés climatiques internes. Nous avons présumé qu’Alessandro ne vivait pas ici, mais dans un pays étranger. En Amérique latine, si la tendance se maintient, il y aura 40 millions de migrants climatiques en 2050.
L’idée de prendre le nom d’Alessandro est pour montrer que les personnes immigrantes vivent souvent dans des conditions plus précaires que la population en général.
Cinquième mise en situation : « Je m’appelle Guy, je suis multimillionnaire. J’ai été faire un tour dans l’espace pour le plaisir et je me suis acheté une île dans le sud pour profiter de la chaleur pendant la saison froide. »
Guy est pas mal plus affecté qu’on le pense. Quand il va dans l’espace, la Terre n’est plus aussi belle qu’avant. Il aperçoit des feux de forêts partout, l’eau de la mer est rendue verte au lieu de bleue. Quand il va dans le sud, il crève de chaleur, et son île risque d’être inondée. Je ne dis pas qu’il n’a pas de solution, mais cela risque de lui compliquer la vie. S’il y a un crash boursier, il perdra la moitié de ses investissements. Il n’y aura plus de bons investissements à faire. Comme les changements climatiques sont imprévisibles, il peut aussi faire froid dans le sud. Il va devoir avoir davantage de gardes du corps, parce que les gens vont vouloir s’attaquer à lui pour le voler.
* Cela prouve que les riches sont plus mal pris que les pauvres.
* Ils ont plus à perdre en tous cas.
Nous avons identifié la pauvreté comme un facteur aggravant de la crise climatique parce que les personnes en situation de pauvreté ont moins d’argent pour s’adapter aux changements climatiques. L’adaptation va coûter cher. Concernant Alessandro, mon idée c’est que les immigrants sont davantage précaires et qu’ils ont moins de ressources financières à leur disposition, donc ils seront davantage touchés par les changements climatiques. Pouvez-nous identifier d’autres conséquences possibles à ces changements?
* À mesure que les gens vont vieillir, ils vont avoir davantage de problèmes de santé. La chaleur va les affecter et ils ne pourront pas se déplacer aussi facilement. Les enfants aussi risquent d’être plus souvent malades. L’espérance de vie et le taux de fertilité vont diminuer, la pauvreté risque d’augmenter.
On sait déjà qu’à cause de la piètre qualité de l’air en Basse-Ville les personnes risquent de souffrir davantage de maladies respiratoires et cardiovasculaires. L’asthme peut affecter même les bébés. Les inondations risquent d’aggraver les conditions de vie des gens qui habitent dans les quartiers pauvres et qui ne pourront pas se relocaliser. Les locataires vont être plus affectés aussi parce qu’ils habitent souvent dans des logements mal isolés. En général, les personnes les plus pauvres sont des femmes et c’est pourquoi, elles seront davantage affectées. NBS
En tant que femme et personne vieillissante, j’ai trouvé l’hiver 2019 très difficile. J’ai eu même peur de mourir dans un banc de neige. Actuellement, les personnes âgées font face à des hivers de plus en plus rigoureux et à des étés de plus en plus chauds. Dans un premier temps, elles risquent de devoir s’isoler parce qu’elles sont incapables de sortir, et éventuellement de vieillir et de mourir seules.
Encore une fois, c’est une question de richesse. M. Guy, lorsqu’il sera vieux, il n’aura pas à affronter les problèmes que tu nommes. C’est un ensemble de facteurs qui se conjuguent : pauvreté, maladie, vieillesse. Est-ce que les pensions de vieillesse sont suffisantes pour assurer une bonne qualité de vie à nos aînés ? NBS
* Au fond, la nature elle-même va faire de plus en plus peur aux gens en situation de pauvreté, alors que les gens plus aisés vont avoir les moyens de se protéger, donc ils vont continuer à se foutre du changement climatique tandis que les pauvres auront cette misère supplémentaire à endurer.
Exactement. NBS
* Je m’inquiète du prix des denrées et de leur accessibilité. Il se pourrait que les personnes pauvres aient moins accès à la nourriture, donc elles vont se rendre malades ou en mourir.
* Les Inuits sont les premiers concernés par les changements climatiques. Ils devraient pouvoir prendre la parole par rapport aux effets que cela produits sur leur société. C’est un complément par rapport à ce qu’on disait. Il n’y a pas qu’en ville que cela aura des effets, mais aussi dans le Grand Nord québécois. Nous allons sans doute voir des gens en provenance de ces communautés se déplacer de plus en plus et assez rapidement. Pour certains villages, c’est déjà le cas. Il faut aussi penser à la question autochtone et au fait que les autochtones sont eux aussi affectés par la pollution.
* Je trouve le sujet très sombre. J’aurais mis un peu de couleurs là-dedans. Il y a de nombreuses forces positives à l’œuvre qui sont parfois imperceptibles comme la solidarité entre les gens. Nous parlons des migrants, mais ce sont des gens qui sont extrêmement solidaire entre eux dans le noyau familial et au-delà. Ils savent faire à manger, ils connaissent aussi la débrouillardise, ils se mettent plusieurs générations ensemble pour s’acheter une maison, ou plusieurs familles qui vont s’acheter un bloc appartement. Cela n’a pas pris de temps qu’ils ont compris qu’ensemble ils pouvaient s’en sortir. Juste pour nous ramener au Québec, à Sainte-Marie-de-Beauce, le gouvernement prévoit racheter 400 maisons pour les démolir et faire un parc à la place. Une partie de la ville sera reconstruite sur les hauteurs près de l’autoroute. Il semble que l’enjeu environnemental devienne tellement incontournable que même des gouvernements considérés plus à droite vont être obligés d’intervenir. Je ne crois pas qu’ici cela puisse fonctionner comme aux États-Unis où les gens sont laissés seuls à eux-mêmes. Ce n’est pas dans notre culture. Nous allons devoir nous en sortir ensemble avec des solutions collectives. Sinon, individuellement, on ne s’en sortira pas.
Comme j’en ai fait la démonstration, présentement si les gouvernements respectent leurs cibles d’émission de gaz à effet de serre, nous allons vers un réchauffement de plus de 3 degrés Celsius. C’est beaucoup trop. Donc il faut se rassembler. NBS
En 1981, j’étais déjà très préoccupé par l’environnement. J’étais un écologiste militant. Deux autochtones du Grand Nord du Québec m’ont dit que leurs ancêtres avaient prévu que la fin du monde arriverait quand les caribous traverseraient leur village. Ils m’ont dit qu’ils étaient passés cette année-là. Cela veut dire qu’ils sont déjà au courant que nous niaisons depuis longtemps.
* Nous pouvons nous préparer mentalement à ce qui risque d’arriver en changeant nos attitudes plutôt que de faire l’autruche. Nous allons passer à travers quelque chose d’extrêmement difficile, mais c’est comment nous allons le vivre qui est important. C’est comme si nous étions en guerre. En 2012, Jon Sobrino, lors d’une rencontre de théologiens de la libération au Brésil, nous a prévenus que l’humanité était en guerre contre la nature, mais que nous devions tout de suite commencer à négocier la paix parce que nous ne pouvions pas gagner une guerre contre Mère-Nature.
* Cette histoire du caribou existe en Russie à propos de l’ours polaire. Déjà, ils descendent vers les villes pour trouver de la nourriture dans les poubelles.
* Il y a plein de choses que la sagesse inuit a prédit et que les scientifiques finissent par corroborer.
Alors, combien croyez-vous que chaque Canadien donne à l’industrie pétrolière à travers les différentes subventions et congés de taxes de nos gouvernements à chaque année? NBS
* 1000$ ?
* 3000$ ?
* 500$ ?
* 300$ ?
* 30$ ?
* 100$ ?
La réponse est 1600$/année que le gouvernement donne à l’industrie pétrolière. NBS
RÉÉVALUER NOS CHOIX DE SOCIÉTÉ
43 milliards $ de nos impôts en subventions à l’industrie pétrolière
43 milliards de dollars, c’est un chiffre qui provient du FMI concernant le Canada. Cela comprend la construction de route, de ligne électrique, d’un oléoduc, etc. Pensez-vous que nous leur donnons cet argent parce que l’industrie pétrolière est pauvre ? Les compagnies canadiennes de pétrole et de gaz naturel ont déclaré cette année des actifs totaux de 573.9 milliards de dollars. Et nous leur versons tout de même des subventions. Il y a vraiment un problème. Dans les 10 milliards de dollars que nous leur donnons en subventions directes, cela emploi de façon directe 67 000 travailleurs, cela équivaut à 150 000$ par emploi à chaque année. NBS
* Comment est-ce que tu penses que l’économie fonctionne ? Il faut aller chercher l’argent où est-ce qu’il est, dans la poche des pauvres pour le donner aux riches.
L’idée est de se demander ce que nous pourrions faire comme société avec 10 milliards de dollars ? Quels sont les projets qui vous tiennent à cœur ? NBS
* Mieux subventionner les groupes communautaires, c’est 475 millions.
* Offrir les transport en commun gratuit, c’est 2.4 milliards.
* La gratuité du CPE au doctorat, c’est 2.3 milliards.
Même la réalisation de nos plus folles idées ne suffit pas à tout dépenser ce que nous donnons annuellement à l’industrie pétrolière. NBS
* Le pire, c’est qu’ils n’ont pas besoin de cet argent pour fonctionner.
Si les gouvernements arrêtent de subventionner les énergies sales, les énergies propres seraient davantage concurrentielles sur le marché. Alors, les subventions faussent les prix du pétrole. Cela favoriserait une transition énergétique qui pourrait se faire plus facilement. Le combat entre les différentes formes d’énergie ne s’effectue pas à armes égales.
* Le 43 milliards n’inclut pas les externalités comme les effets sur la santé des populations et sur l’environnement.
* Les économistes y voient un investissement dans l’économie qui va provoquer des retombées encore plus grandes. C’est comme un levier que le gouvernement emploie pour faire tourner l’économie. Si l’entreprise privée ne cherche qu’à accumuler des profits pour rétribuer ses actionnaires, le gouvernement joue un autre rôle qui n’est pas de faire de l’argent, mais de développer l’économie.
Le Parti Libéral a utilisé l’argent alloué au Fonds vert pour l’invertir dans les énergies fossiles. Pour ce qui est des idées pour utiliser cet argent, il y a un immigrant que je connais qui est chimiste et qui vient d’inventer un processus chimique permettant de réutiliser le plastique indéfiniment. Normalement, si on investit pour trouver des solutions, on est capable de le faire. Moi j’habite à Limoilou et je comprends les enjeux que nous vivons au quotidien. Il y a de plus en plus d’asthme et de cancers, de plus en plus de maladies incurables. Je ne sens pas de volonté, ni au municipal, ni au provincial, ni au fédéral, pour corriger la situation. Même la Direction de la santé publique a dit qu’il faudrait une révolution citoyenne. Toutes ces problématiques, il faut les voir comme des citoyens qui sont abusés et exploités à l’extrême. On se sent utilisé et on nous empoisonne tranquillement. Nous devons nous révolter d’une manière ou d’une autre.
Les entreprises étrangères qui exploitent nos richesses naturelles ne versent au gouvernement que 15% maximum de redevances sur leurs profits. Alors, je crois que le gouvernement leur en donne plus que ce qu’il reçoit des entreprises minières et pétrolières. Nous sommes le seul pays au monde qui donne gratuitement ses richesses aux entreprises étrangères. En fait, il n’y a pas de bénéfices pour la population.
* À part la création d’emplois fort bien rémunérés.
* Souvent, ils inscrivent les impôts que leurs employés paient comme étant des redevances.
* Nous ne sommes pas le seul pays au monde où les gouvernements sont vendus aux multinationales. Je pense que pour l’industrie pétrolière canadienne, nos politiciens sont vendus. Je ne pense pas que cela soit rentable pour nous.
* C’est vrai qu’elles investissent beaucoup dans le lobbying pour influencer nos politiciens.
* Ma préoccupation, c’est la façon de conscientiser et de sensibiliser les gens dont les 67 000 personnes qui ont un emploi dans le pétrole. Ce n’est pas nécessairement évident et je n’ai qu’à penser à la raffinerie Valero à Saint-Romuald et son influence est un peu partout dans la municipalité. Nous allons avoir la fête de l’eau et l’un des principaux partenaires, c’est Valero. Ils ont racheté un parc, un énorme espace vert, alors les citoyens sont contents. C’est vraiment difficile de les critiquer, d’autant plus que concrètement il y a plein de gens qui y travaillent à de bons salaires. Il y a toute une mentalité qui vient avec cela, même si les gens ne sont pas mal intentionnés. Au moins, ils savent qu’ils polluent, donc ils font des efforts de verdissement autour de la raffinerie. Mais cela ressemble à une question de mise en marché de leur produit.
* La nature a pris des millions d’années pour le créer. Il y en a une quantité limitée et nous le brûlons le plus vite possible. Pourquoi n’y a-t-il pas d’opposition ? C’est parce que tout le monde a une ou deux autos. Ce peuple silencieux a intérêt a avoir du pétrole à un prix abordable pour faire rouler son auto. C’est une grosse pression sur les gouvernements. C’est pourquoi il construit des autoroutes tant qu’il le faut pour satisfaire son électorat. Mais où se situe l’individu dans tout cela? Quelque part nous avons à dire non. Il va falloir qu’une partie de cet effort provienne des individus et de leurs choix de consommation. Pourquoi est-ce que les voitures sont de plus en plus puissantes et les camionnettes de plus en plus nombreuses dans nos villes ? Il existe comme une résistance passive parce que cela fait l’affaire du monde. Je travaille au Centre Frédéric-Back et je n’ai jamais vu des bacs de recyclage aussi pleins de matières plastiques qui proviennent des lunchs que les gens achètent tous les midis. Partout, on consomme du prêt à manger. En plus, ce sont des aliments dévitalisés. Enlevons le plastique de nos vies. Cela provient de notre responsabilité personnelle et souvent nous oublions les habitudes que nous avons. C’est toujours la faute des autres quelque part. Le 22 avril, il y avait une manifestation pour le Jour de la Terre et j’ai ressorti une pancarte vieille de 35 ans qui disait toujours vraie. Nous sommes au même point et nous avons beaucoup demandé au gouvernement, mais qu’est-ce qu’on se demande à nous autres? C’est là où j’en suis aujourd’hui. C’est toujours la faute des autres, mais nous sommes les autres de quelqu’un d’autre. En ce sens, il serait bien dans votre formation qu’il y ait une partie où l’on se demande ce que chacun de nous peut faire pour améliorer ses habitudes de vie. La consommation est un phénomène lié à la compensation psychologique parce que la vie n’a pas de sens. Il y a sans doute là aussi un problème à regarder.
C’est très intéressant ce que tu dis et je vais y revenir. NBS
Un geste individuel, c’est bien… Un choix de société, c’est mieux !
Acheter une voiture électrique Électrification des transports
Prendre l’autobus Gratuité des transports en communs
Planter un arbre Reforestation massive
Poser un panneau solaire sur sa maison Fin des subventions à l’industrie des combustibles fossiles
Utiliser une paille réutilisable Interdiction des contenants de plastique à usage unique
Manger bio et local
* J’ai entendu récemment que l’armée américaine serait le plus grand pollueur aux États-Unis, alors il faut inclure dans notre analyse l’impératif d’un monde en paix et cesser d’investir dans l’armement. C’est là qu’est l’argent pour sauver la planète.
* Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète.
* Cette donnée doit être décortiquée puisqu’elle est beaucoup plus complexe que ce qu’elle laisse entendre. Ce ne sont pas tous les pays qui calculent de la même façon.
* Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il y a un réchauffement climatique.
Je ne veux pas tomber dans la culpabilisation des gens. Nous n’avons pas tous les mêmes moyens. D’ailleurs, si les choix individuels comptent, la solution est politique parce que les plus grands pollueurs, ce ne sont pas les individus. Vous connaissez tous Greta Tunberg, une jeune Suédoise qui a décidé de faire la grève scolaire pour le climat. « Pourquoi aller à l’école pour me préparer à un avenir qui ne sera pas parce que les gouvernements ne font rien pour éviter le changement climatique? » Ces gestes ont lancé un mouvement mondial de grèves étudiantes en faveur du climat. Le 15 mars dernier, au Québec, plus de 250 000 étudiants ont manifesté. Il faut revendiquer à tout prix une société écologique et juste et il faut se mobiliser en groupe. Le 27 septembre prochain, toute la planète est invitée à faire la grève pour le climat. Il faut dire à la classe politique que cela suffit l’inaction. Nous savons que, si on ne fait rien, les premières personnes touchées c’est l’ensemble de la population moins les riches qui réussissent toujours à s’en sortir. Nous avons besoin d’être une force collective, de bouger et de déranger pour dire : « Ça suffit! » NBS
Moi, j’ai entendu des jeunes qui ne savent plus si cela vaut la peine de faire des enfants devant un avenir aussi sombre. C’est pour cela qu’ils manifestent et que nous devons les appuyer. Mais à long terme, il faut qu’on continue à militer pour changer le système éducatif parce que si on veut que les habitudes changent, il faut commencer par les enfants. Il faut que de 0 à 10 ans, l’enfant apprenne à vivre en respectant l’environnement. Parmi les lacunes de notre société, c’est que nous n’avons pas développé de liens avec la culture autochtone, ce qui fait en sorte que le système éducatif est déconnecté de la nature.
* Parfois, les choix individuels peuvent être un leurre. Je voudrais dénoncer le green washing que les entreprises utilisent pour faire paraître écologique ce qui ne l’est qu’en apparence. L’exemple classique, c’est la voiture électrique parce que celles-ci sont fabriquées avec des métaux rares qui engendrent une forte pollution. Il semble que la fabrication d’une voiture électrique soit jusqu’à dix fois plus polluante qu’une voiture régulière. Cela demeure du capitalisme vert.
* Oui, mais cela est récupéré avec le temps par son utilisation.
* Aux États-Unis, il paraît que 10% de la population est devenue végétarienne. Cela a un gros impact sur la production de viande qui est une énorme source de pollution de la terre, de l’air et de l’eau. J’ai aussi vu qu’un groupe d’adolescents poursuit le gouvernement américain pour usurpation de leur avenir. Ils accusent les générations précédentes d’être en train de leur voler leur avenir. J’ai trouvé ça fort comme image. En Équateur, la constitution accorde des droits à l’environnement et quelqu’un peut se porter partie civile au nom d’une rivière ou d’une montagne pour défendre son droit de préserver son caractère naturel.
* Quand on dit qu’il y a trop de monde sur la Terre, le gaspillage alimentaire pourrait nourrir quatre fois plus d’affamés qu’il n’y en a. La quantité de téléphones cellulaires, de tablettes et d’ordinateurs personnels que les gens achètent à chaque année, ce sont des quantités astronomiques et souvent on ne peut même pas les faire réparer. Beaucoup de personnes essaient de ne pas acheter de nouveaux cellulaires à chaque année, mais ces gestes individuels ne fonctionnent pas réellement.
* Le système de marketing fait en sorte que les gens sont tentés d’avoir le nouveau gadget à la mode.
C’est pour cela que nous ciblons le système capitaliste parce que son mode de production n’est pas viable pour la planète. La seule façon de renverser la tendance, c’est de changer de système économique. Cela peut sembler révolutionnaire, mais est-ce que nous avons vraiment le choix ? NBS
* Bien sûr, mais il faudrait également proposer des modèles alternatifs qui sont en émergence actuellement. Tout ce qui est un peu ignoré par les médias, qui ne fait pas de bruit et qui grandit dans l’ombre du système. Même à Québec, il y a plein de petits groupes qui encouragent la production et la consommation locale. Il y a beaucoup d’initiatives présentement à échelle locale qui passent inaperçues.
Ceux qui proposent des alternatives de vie en communauté, autonome, ensemble, il y a quelque chose qui relève du type de conscience que nous avons. Cela fait plus de 40 ans que nous disons que nous sommes contre le capitalisme, mais qu’est-ce qu’il faut dans notre propre conscience, le type de mental que nous utilisons, de défense émotionnelle, le sens que nous donnons à nos vies, ce sont des choses qu’il faut qu’on interpelle. Cela fait partie des devoirs collectifs, mais celui-ci est aussi constitué par des individus. Tu ne peux pas avoir un muscle en santé sans tenir compte de la qualité des cellules qui le composent. Souvent, dans le communautaire en général, ce sont des questions qu’on évite en disant que les habitudes de vie ne sont pas tout. J’en suis là aujourd’hui. Régulièrement, ce sont des sociologues, des anthropologues, ceux et celles qui pensent le système social qui s’expriment. Il y a peut-être également quelque chose à chercher au niveau de notre propre conscience. Conscience de soi, conscience des autres, et aussi nous devons développer un ego osmotique qui s’ouvre aux autres. Cela prend une certaine ontologie, une certaine qualité d’être à développer. Cela ne peut pas être seulement une prise de position contre des affaires. Il faut que quelque chose change en nous. Aujourd’hui, face à un mur comme nous avons devant nous, il faut tout essayer, dont ce que je viens de dire. Ce n’est pas une affaire de religion qui veut dire relier, qui relie, yoga veut dire joindre, la Théorie des cordes qui est une affaire de champs quantiques où tout est lié, tout cela devrait à quelque part interroger la relation que nous avons avec l’univers, avec nous-mêmes, notre famille, etc. Il y a quelque chose qui relève de la cellule sociale qui constitue le tissu social. Si on ne fait pas cela, nous serons encore ici dans 20 ans à dire les mêmes choses contre le système. Alors je vous conseille d’apprendre à nager.
Conclusion générale
Nous allons faire une conclusion globale en donnant la chance à chacun, chacune de s’exprimer. Je vais demander à chacun de nommer une expérience positive qui est en cours ici dans notre région pour contrer cette espèce d’apocalypse qui est devant nous. Il est primordial de garder l’espoir vivant si nous voulons persévérer dans la lutte sans nous décourager. Nommer des expériences qui sont porteuses d’espoir à petite échelle parce que c’est à cette échelle que nous vivons et que nous sommes. Je tiens à remercier Naélie Bouchard Sylvain pour son animation. C’est certain qu’il s’agit d’une question que nous ne cesserons jamais de travailler au cours des prochaines années. Concilier la justice sociale, l’écologie et l’économie, c’est comme un tabouret avec trois pattes. Il va falloir réinventer l’économie parce que les gens vont continuer à avoir des besoins et à vouloir travailler pour donner sens à leur vie, dans une perspective environnementale parce que nous devons abandonner certaines habitudes de consommation. Cela ne signifie pas que la vie va devenir plate. Peut-être qu’en réduisant nos besoins, nous pourrions travailler moins et vivre davantage des relations humaines fructueuses. José Saramago, prix Nobel de littérature, disait peu de temps avant sa mort : « La croissance matérielle est terminée, désormais nous devons croître intérieurement, développer la poésie, la littérature, la philosophie, la danse, les arts plastiques, les relations humaines, cela demeure infini. » C’est cette qualité humaine que nous devons bonifier. C’est une civilisation nouvelle que nous sommes appelés à créer. La justice sociale est primordiale également parce qu’il ne faut pas laisser personne derrière, contrairement à ce que nous enseigne le système capitaliste ou la devise est : « Sauve qui peut. » Nous savons que cela ne fonctionne pas. Alors je vous demande de nommer chacun un point positif de ce qui se fait présentement pour changer le monde. YC
Ce qui me vient en tête, ce n’est pas une idée qui apparaît toujours concrète à première vue, c’est que dans l’enseignement primaire, on devrait enseigner à tous les enfants à faire pousser des légumes et au secondaire on devrait leur apprendre à cuisiner et à préserver la nourriture. Tous les aspects qui permettent de développer une autonomie alimentaire avec un minimum de déchet. C’est le genre de chose qui semble évident, mais que nous ne faisons pas. Ce serait une base pour construire une société alternative. Ce sont des savoirs traditionnels que nous devons nous réapproprier. Dans la société actuelle, nous sommes beaucoup dans nos têtes, mais nous devons nous réapproprier nos mains. Pourquoi nous avons été dépossédés de cela ? C’est pour que nous soyons dépendants des produits manufacturés pour notre consommation. Il faut faire le lien avec la terre. Pour le moment ce n’est qu’une idée que je trouve inspirante et que je souhaitais vous partager.
* La question de la planète et de l’écologie est le sujet de l’heure. J’assiste à différentes rencontres de différents groupes, et partout on parle de l’importance de l’écologie. Il se fait beaucoup de conscientisation. Maintenant, comment devons-nous agir, ce n’est pas partout qu’on entend des bonnes idées comme nous avons eu ce soir, mais il y a une prise de conscience qui s’effectue présentement. Je suis allée au Forum de réconciliation communautaire avec les Autochtones, nous y avons parlé d’écologie. Je trouve cela encourageant de voir qu’il y a de la conscientisation.
* Moi, je poserais la question à tout le monde : Qui a vu le film « Demain »? Ce que je trouve positif, c’est qu’un groupe de citoyens a publié un livre qui s’intitule : « Demain, le Québec. » Ce livre répertorie des bons coups qui sont en cours actuellement au Québec pour la protection de l’environnement. Des gens de la Fondation David Suzuki donnent des conférences là-dessus. Il y a aussi un groupe qui prépare un film qui va s’appeler : « Demain, le Québec. »
* Le mot apocalypse signifie révélation. Cela nous révèle à nous-mêmes. Il nous arrive quelque chose qui nous révèle quelque chose avant que cela n’arrive. Je trouve cela positif. Il y a beaucoup d’autres films du même genre qui ont été faits. Le Catalogue des outils planétaires a été produit dans les années 1970. Il s’agissait de quatre gros catalogues sur tout ce qui était faisable en agriculture au Québec. Je les ai toujours. Cela a pris 50 ans pour être dedans. À ce moment-là nous aurions pu éviter la crise, mais nous n’avons pas été capables de demeurer fidèles à nos valeurs et d’avoir suffisamment de volonté. Aujourd’hui, nous sommes au pied du mur. Quelque chose de positif : La santé. Si je prends l’exemple de cultiver des légumes et d’apprendre à les préparer. Nous sommes habitués à un système de maladie, mais si les jeunes apprenaient c’est quoi le système digestif, c’est le quoi le système respiratoire, le souffle, – il faudrait que les professeurs le sachent eux-autres mêmes -, nous apprendrions à garder la santé et la vitalité. À ce moment-là, nous serions plus aptes à affronter les défis que nous avons devant nous. C’est ce que les femmes disent dans la contre-culture: Il faut changer de lunettes, mais tous les scientifiques ont les mêmes paires de lunettes et cela devient l’unique vérité recevable. Il faudrait peut-être apprendre à regarder autrement? À regarder comment nous regardons. Ces femmes interpellent la biomédecine qui s’en va dans un mur également. Il faut s’occuper soi-même de sa propre santé avec d’autres. Cela ne signifie pas devenir individualiste. Ensemble, nous pouvons nous donner des outils communs d’autonomisation pour être mieux au service des autres.
– Einstein disait que nous ne pouvons pas résoudre les problèmes actuels avec la même logique qui nous y a conduit. Il faut changer notre manière d’aborder les problèmes.
– Baum, un physicien en physique quantique, pose la question qu’il faudrait aussi interroger le type de mental que nous utilisons. C’est un mental rationnel qui est pratique pour faire des choses, mais pas pour penser la finalité des objectifs que nous poursuivons. Nous devons réapprendre à penser la vie. Cela prend quelque chose qui relève davantage du sens, de la pensée autochtone. Heureusement, nous avons encore près de nous du monde pour nous enseigner cela.
* Moi, je ne vois rien de positif dans la Ville de Québec. C’est tellement pessimiste. C’est révoltant, il n’y a rien qui aspire à effectuer un changement réel dans notre vie. En 2020, nous allons avoir l’agrandissement du port de Québec; en 2022, l’usine de bio-méthanisation qui a dépassé de 50% son coût initial; la construction du troisième lien qui est prévu. Le seul point positif, c’est le mouvement des jeunes. Ce qui me donne espoir, c’est qu’il y a de plus en plus de candidats verts qui sont élus dans la monde. Je reste quand même positive et je vais continuer à militer sur tous les plans : municipal, provincial et fédéral. Quelque soit le prochain gouvernement qui sera élu au Canada, il faut un gouvernement de coalition pour agir comme si nous étions en situation d’urgence extrême. C’est pire que la guerre. C’est notre avenir qui est en jeu. Si on se laisse faire comme citoyen, c’est qu’on ne vaut pas la peine et que l’histoire nous jugera. Nous ne pourrons même pas trouver des raisons pour défendre notre inaction envers l’avenir de nos enfants.
* Cela fait longtemps que les groupes écologistes comme les Amis de la Terre nous martèlent avec les problèmes concernant l’environnement puis ils n’étaient pas entendus par les autres groupes communautaires. Mais de plus en plus, les autres groupes communautaires entendent leur appel et nous relayons l’information avec ce qui nous touche, par exemple, les groupes en défense collective des droits. Aujourd’hui, tous les groupes du ROC-03, les organismes en santé et services sociaux qui forment la majorité des organismes communautaires, viennent de signer la déclaration : La Planète s’invite au communautaire. De plus en plus les groupes communautaires se mobilisent en environnement comme cela ne s’était jamais vu avant. Je trouve cela vraiment positif que les solitudes se rassemblent et se mobilisent ensemble. Je pense qu’il y a vraiment quelque chose qui se passe et qu’ensemble nous pouvons vraiment faire changer les choses. Restons positifs.
* Je participe au Collectif TRAAQ et je suis membre de Craque-bitume. Je fais du compostage pour cet organisme qui fait cela dans des parcs. L’an dernier, nous avions une dizaine de boîtes de compostage dans une dizaine d’endroits. Je participe à un jardin communautaire et à la cuisine collective dans Saint-Roch où nous recevons des denrées alimentaires de Moisson Québec. Je trouve cela plaisant de m’impliquer à différents endroits. Cela égaie ma journée. En campagne aussi, il y a plein d’initiatives écologiques qui se prennent. Il y a aussi de la place pour des organismes communautaires qui sont là pour pallier aux besoins alimentaires des gens dans le besoin.
* Félicitation pour tes nombreuses implications Normand.
* Il y a 17 ans, on parlait déjà des changements climatiques. Malheureusement, cela n’a pas beaucoup avancé, mais heureusement la conscientisation progresse. Aujourd’hui, tous les partis politiques s’en préoccupent. L’entreprise Beyond Meat fabrique une imitation de viande vendue dans des chaînes de restauration rapide. Cela ressemble à de la viande et cela goûte comme de la viande, donc pour ceux et celles qui tiennent vraiment à leur viande, ils peuvent acheter cela et c’est moins demandant au niveau des ressources naturelles que la production animale. Je pense que ce sont des affaires comme celles-là qui, s’il se produit un changement massif, peuvent avoir un impact positif sur l’environnement. L’idéal est de manger bio et local.
* En 1978, j’ai découvert l’impact des gaz à effet de serre et j’ai pris conscience de la situation problématique où nous étions. Cela ne fait qu’empirer depuis. Par contre, il y a aussi des choses qui sont positives. L’une d’elles, c’est qu’avec une prise de conscience, la société peut changer. Prenons le cas de l’esclavage, aujourd’hui cela apparaît inadmissible. Les femmes ont le droit de vote maintenant. C’est un droit qui a été élargi. Nous sommes en train d’apprendre à respecter notre planète. Il se produit une prise de conscience à ce niveau. À l’Île du Prince-Édouard, ils ont élu quelques candidats verts aux dernières élections et ils forment l’opposition officielle. Cela ne serait pas arrivé il y a 15 ou 20 ans. Personnellement, en 1995, j’ai perdu mon emploi parce que je parlais d’environnement. J’ai un baccalauréat en pédagogie et j’ai donné deux cours de stage à des personnes qui avaient de difficultés d’apprentissage, des enfants entre 9 et 11 ans. Je leur ai demandé de dessiner une pomme puis je leur ai demandé d’où est-ce que cela venait et comment est-ce que cela les affectait. Alors, à partir d’un exemple aussi simple, tu peux décrire toute la biologie qui existe dans ton corps. Ce n’est pas à l’âge de 15 ans qu’on devrait apprendre aux jeunes de ne pas fumer. C’est avant même qu’ils n’y pensent en leur expliquant pourquoi est-ce que cela influence leur métabolisme. Je dis cela parce que je pense que cela devrait être comme cela dans les cours.
* Je suis heureux de constater la prise de conscience et la politisation de la population sur ce sujet. L’union fait la force et nous sommes là. Nous avons mentionné à quel point l’industrie bovine est polluante. Le système de consommation est fondé sur la perte d’identité de l’être humain qui doit consommer pour avoir l’impression d’être, d’appartenir à quelque chose auquel il puisse s’identifier. Actuellement, dans plusieurs pays du monde, il n’y a plus d’abeilles et ils doivent faire la pollinisation avec des tiges à la main.
Je suis très content de la soirée, tout le monde est du même avis. Y aurait-il une pensée unique de gauche écologique ? Il faut se rappeler du Club de Rome qui a été un des premiers à s’interroger sur l’environnement. La solution qu’il avait trouvé, c’est que les pays pauvres devaient faire moins d’enfants. C’était la solution. C’était aussi l’époque où Nixon, un très bon président des États-Unis a lancé une campagne sur l’environnement. Macdonaldo, un intellectuel italien, s’interrogeait sur le sens que pouvait avoir une telle campagne. Le GIEC, parfois je trouve qu’ils en mettent trop. Je ne doute pas de leur bonne volonté et de leur bonne foi, mais il se produit un écrasement de toute personne qui pense autrement. Il faut demeurer critique. Je me demande si nous n’assistons pas actuellement à un conditionnement des esprits pour faire en sorte que les populations acceptent de se sentir coupables et qu’elles paient pour cela afin de permettre aux riches de pouvoir s’en tirer à bon compte? Il faut demeurer critique et faire preuve de discernement.
* J’habitais au Québec il y a 20 ans et j’ai été absent depuis ce temps. En revenant dans la Ville de Québec, il y a une chose qui m’a sauté aux yeux, c’est le trafic urbain. J’ai été sidéré de voir les embouteillages qu’il y a à partir de 16h au niveau du Pont Pierre-Laporte. Donc, cela pose le problème des transports en commun. Alors, un point positif, c’est le projet de tramway. Cela saute aux yeux. Ce problème est présent dans toutes les villes du monde et en Europe encore plus parce que la concentration urbaine y est plus forte qu’ailleurs. Pour donner espoir, dans une ville à échelle humaine de la même taille que Québec, environ 550 000 habitants, comme Nice où je demeure, en 2008, ils ont mis un tramway. Au début, tout le monde était un peu sceptique parce qu’il y avait la culture du plaisir de conduire son véhicule individuel. On ne savait pas si cela prendrait. En fait, cela a été un succès phénoménal. Il y a actuellement 100 000 passagers par jour qui l’utilisent, je parle en trajet. Mais quand même, pour une population de 350 000 habitants, c’est énorme. Puis, ils ont ajouté une station pour se rendre jusqu’à un hôpital, cela a fait augmenter le nombre de passages quotidiens à 110 000. Je dis cela à cause du débat concernant l’ajout d’une station au ministère du revenu. En gros, il ne faut jamais hésiter, il faut y aller. Cela prend aussi un service qui a beaucoup de fréquences. Quand j’entends parler d’un troisième lien avec la rive-sud, moi j’enverrais le tramway sur la rive-sud également parce qu’il faut aller chercher les gens dans les grands axes : Lévis, Charlesbourg, Ste-Foy. Dans le tramway, on met 150 personnes dans une rame et s’il en passe une toutes les cinq minutes, cela débloque le trafic. Évidemment, la configuration de Québec est différente, c’est-à-dire que c’est une ville très espacée alors que les villes européennes sont concentrées. Cela sera peut-être moins rentable et le billet coûtera peut-être un peu plus cher, mais globalement, je peux vous dire que partout où cela s’est fait, ça a été un succès. Il y a aussi des expériences de villes comme Dunkerque qui ont instauré la gratuité des transports. Cela a provoqué une explosion de la fréquentation.
* La loi a été votée aujourd’hui pour débloquer tout le processus.
* Ce que je fais de positif, c’est que je ne faisais pas de récupération avant. Maintenant que nous avons un bac dans notre immeuble, je peux en faire. Je suis fière de ce geste que je pose au quotidien. Ce que je trouve difficile, c’est quand tu es une personne en situation de pauvreté, tu n’as pas accès à plein de choses comme la nourriture biologique. C’est souvent plus dispendieux. Le 27 septembre, je vais être présente à la Planète en grève.
* Les nouvelles générations se mobilisent dans le monde et à Québec. Je parlais du gaspillage alimentaire, mais il y a quand même plusieurs banques alimentaires à Québec qui ne sont pas utilisées de manière optimale. Beaucoup de gens sont gênés d’y avoir recours, alors il y a beaucoup de nourriture qui se perd. De plus, c’est écologique d’aller aux banques alimentaires. Je suis aussi un fanatique du recyclage. Il y a maintenant des éco-centres mobiles, c’est environ une fois pas mois dans chaque quartier, mais j’en profite pour y apporter mes batteries et mes vielles ampoules au phosphore. Je fais ma part. Je n’ai pas de voiture non plus, mais nous savons que les solutions doivent être politiques et collectives. Par exemple, il existe certainement des alternatives aux plastiques fabriqués à base de pétrole. Nous avons suffisamment d’ingénieurs et d’intelligence si le gouvernement était volontaire pour engager beaucoup d’ingénieurs pour trouver des solutions, il y en aurait plein.
* Élizabeth May a réussi à faire adopter une loi à Ottawa interdisant la captivité des cétacés, des orques, des dauphins ou des baleines. Je trouve que c’est une très bonne nouvelle.
Bravo Naélie.
Propos recueillis par Yves Carrier