#291- Bricolage de l’identité sociale, nous-les-autres et contextes

# 291 – Bricolage de l’identité sociale: Nous-les-autres et contextes en action au Québec

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Soirée animée par Victor Hugo Ramos, anthropologue
Nous allons aborder le thème de l’identité sociale. Pourquoi bricolage ? Tout simplement parce qu’on ne peut pas bâtir ou construire une identité de façon planifiée. Claude Levy Strauss a fait la distinction entre la construction et le bricolage dans la société. Je trouve tout à fait pertinente la distinction qu’il a faite. On bricole sa culture comme son identité, mais on ne les construit pas au sens d’un œuvre planifié d’ingénierie ou tout est prévu. La culture et l’identité ne peuvent pas être abordées de cette façon. Nous-les-autres, parce qu’il n’y a pas d’identité possible sans les autres. Par exemple, j’ai découvert mon identité latino-américaine ici au Québec. Quand nous voyageons à l’extérieur, nous changeons d’identité selon l’endroit o nous sommes. Si je suis au Canada, je suis un Québécois et si je suis à l’étranger, je deviens un Canadien. Donc, nous sommes ce que nous croyons que nous sommes et il y a les autres qui disent qui nous sommes. Il y a toujours un contexte où se produit l’émergence de l’identité. 

Pour chaque individu, l’évolution est dynamique est permanente, autrement nous serions demeurés des enfants. Donc, le bricolage de l’identité sociale se fait ensemble, collectivement. Il ne s’agit pas du statu social.

Nous avons donc trois éléments fondamentaux : « nous », « les autres » et « le contexte ». C’est assez théorique parce que nous avons besoin des concepts pour préciser ce que nous disons, autrement on se perd. C’est ma façon d’aborder ce sujet que je travaille depuis 30 ans. Certains de mes travaux ont été publiés dans des revues scientifiques au Venezuela, en Colombie et au Brésil. C’est un thème que je pense connaître assez bien. (Victor Ramos)

 


 

CANEVAS DE LA PRÉSENTATION
1. ACTUALITÉ ET PERTINENCE DE L’IDENTITÉ SOCIALE (COLLECTIVE)
2. QUELQUES PRÉCISIONS. C’EST QUOI L’IDENTITÉ SOCIALE?
3. DEUX PERSPECTIVES DE L’IDENTITÉ ET LEURS IMPLICATIONS SOCIALES
4. DIALECTIQUE DE L’IDENTITÉ 1 : PAS DE NOUS SANS « L’AUTRE »
5. DIALECTIQUE DE L’IDENTITÉ 2 : PAS D’IDENTITÉ SANS CONTEXTE
6. LE BRICOLAGE D’UNE IDENTITÉ QUÉBÉCOISE COMMUNE DANS LE CONTEXTE DE CE XXIe siècle
Échanges.

– Qu’est que cela veut dire dialectique ?

– La dialectique est une façon de penser dans laquelle les opposés sont pris en considération. Ce sont des éléments complémentaires qu’on ne peut pas comprendre l’un sans l’autre. Par exemple, la classe ouvrière et la bourgeoisie, ils se tiennent ensemble et il existe une tension entre les deux. C’est le contraste entre deux éléments qui permet de comprendre la dynamique en jeu dans telle situation.

– On pourrait aussi dire que la dialectique c’est penser le pour et le contre pour arriver à une synthèse.

– Au lieu d’exclure le point de vue opposé, tu réalises une synthèse qui inclut le tout.

– C’est l’interaction entre deux choses.

Oui, mais la synthèse permet d’aller plus loin, de faire un pas de plus.


 

1. ACTUALITÉ ET PERTINENCE DE L’IDENTITÉ SOCIALE

Partout dans le monde les questions identitaires sont d’actualité. Ici au Québec, on se sent concerné et avec raison parce que chaque peuple a son histoire et ses peurs. Il y a des peuples qui ont connu une histoire complètement différente de celle du Québec et qui ont une autre façon de voir ou d’identifier l’identité sociale. Au Québec, nous sommes très sensibles à cela. Quant à moi, cela n’est pas mauvais en soi. Nous allons voir ce qui fait problème. Pourquoi les identités sociales sont-elles de si grande actualité partout dans le contexte de la globalisation transnationale qui se voulait une ère de “propérité, d’ouverture et de paix? C’est exactement le contraire qui se produit. 

Il y a bien sûr la fabrication de l’image de l’autre que réalise les médias en nous rapportant les nouvelles des guerres et des attentats partout dans le monde en grossissant certains traits et en omettant la mise en contexte des situations données. Il ne faut pas oublié que nous sommes l’autre du reste de la planète. Comment se fait-il que la peur de l’autre, l’insensibilité face à la détresse humaine des réfugiés, prévalent et que la construction des murs se multiplie? Quand le mur de Berlin est tombé, il y avait 16 murs dans le monde qui séparait les peuples, aujourd’hui, il y a en plus de 70. Et chez-nous, comment expliquer la peur qui grandit face aux immigrants et l’importance démesurée qu’on accorde au débat sur les signes religieux et la charte des valeurs ? La peur et l’exclusion de l’autre sont si généralisées que cela mérite une réflexion rationnelle. Il faut éviter de tomber dans un débat émotionnel parce que cela empêche de raisonner. (VR)

L’image que vous voyez ici n’est pas innocente. Vous y voyez plusieurs visages superposés qui composent l’identité sociale.

 


 

2. QUELQUES PRÉCISIONS: C’EST QUOI L’IDENTITÉ SOCIALE ?
Étymologie : du latin identitas, de idem : « le même ».
Caractère unique d’une communauté ou d’un groupe formant une unité : un village, une région, une nation, un regroupement de nations, etc.

Parfois, chaque rue a son identité pour les enfants qui y grandissent en rivalité avec ceux de l’autre rue. C’est le spécifique et le commun. Si on parle juste de l’identité personnelle, on sait très bien que chaque individu est unique du point de vue de sa personnalité. Chaque personne est unique. Comment cela se fait-il qu’on puisse former une société avec des éléments si différents ? Il y a plusieurs définitions possibles, mais on pourrait dire ceci par rapport à l’identité :

L’identité sociale est un ensemble dynamique et contradictoire de caractéristiques

1 – socio-culturelles et politiques spécifiques d’appartenance à une communauté qui sont partagées par ses membres.

2 – C’est le résultat d’interrelations convergentes et divergentes dans un contexte historique, politique et géopolitique concret.

3 – L’identité sociale est en permanente construction, déconstruction et reconstruction.

4 -Elle apporte le sens d’appartenance et de non appartenance à un groupe ou bien elle affaiblit les liens sociaux.

Ici même au CAPMO, le groupe a une identité qui vous permet de travailler ensemble. Les chicanes affaiblissent ces liens d’appartenance et divisent les groupes d’appartenance. La pauvreté et l’injustice sociale sont aussi à mettre au compte des facteurs de division au sein d’une société. L’identité culturelle est un élément fondamental, mais ce n’est pas le seul. Il y a aussi l’histoire où entrent les relations politiques de pouvoir. C’est politique, alors parfois on peut négocier. Cela interfère sur notre identité si nous prenons l’exemple des relations entre le Québec et le Canada. (VR)

– Ici le folklore a été mis de côté au cours des cinquante dernières années, mais j’observe qu’en Amérique latine il demeure un fort marqueur culturel auquel les populations participent. Elles ne font pas qu’assister aux manifestations culturelles, elles les vivent. Au Québec, il y a un mouvement de pendule qui dure environ 25 ans, on s’américanise, on s’écoeure, puis on revient aux sources, puis on décousure et on s’américanise à nouveau. Ici, même si nous produisons énormément de culture, elle n’est plus le propre de tous et chacun comme autrefois, elle s’est individualisée. Je pense que les gens allaient chercher une sécurité et un fort sentiment d’appartenance dans ces manifestations folkloriques auxquelles tous et toutes participaient.

Les conquêtes impérialistes ont été des entreprises de domination économique, politique et culturelle. Maintenant, partout dans le monde, on observe un retour des identités et des folklores parce qu’on se sent vulnérable comme collectivité. Nous allons voir tout à l’heure comment la culture et l’identité s’organise d’une façon spirale.(VR)


 

3. DEUX PERSPECTIVES DE L’IDENTITÉ ET LEURS IMPLICATIONS
Ce modèle théorique n’est pas pur, il a tendance à se mélanger avec d’autres éléments, un peu comme une carte géographique n’est pas le territoire. Cela nous permet d’avoir une idée précise de la chose.

CONCEPTION STATIQUE-PURISTE DE L’IDENTITÉ SOCIALE

Principales caractéristiques de l’identité selon cette perspective :

UN TOUT HOMOGÈNE STABLE (conception essentialiste)
Nous avons tous un peu en nous cette conception essentialiste. C’est une conception première, un peu paresseuse de l’identité sociale. On se donne des étiquettes et on en met sur les autres sociétés. C’est ce qui se manifeste dans les groupes extrémistes.

FERMÉ, HERMÉTIQUE (« consanguine »)
Cela se passe exclusivement entre-nous. C’est fondé sur des relations endogames. On se reproduit au sein du même groupe identitaire. C’est le contraire d’exogame où l’on choisit son conjoint à l’extérieur du groupe d’appartenance.

SANS CONTRADICTION (pas de divergence sociale)
Cette vision exclut les divergences sociales. On est tous Québécois et on oublie les rapports de classes sociales.

SURESTIMATION DU PASSÉ (tendance à …)
Le passé est magnifié, nos ancêtres étaient comme cela et nous sommes comme cela. Il faut que nous soyons toujours comme ça, mais c’est une pensée mythique irréelle.

Cela donne lieu à une peur démesurée de l’autre, des différences, des intolérances, à des positions irrationnelles et même extrêmes face aux différences identitaires (purification ethnique). C’est une identité pauvre qui souffre d’insécurité.(VR)

L’homme unidimensionnelle : Hubert Marcuse =


Conception dynamique plurielle de l’identité sociale

 

Cette conception est très différente de la précédente et c’est celle qui se rapproche le plus de la réalité. Vous voyez que les flèches des quatre côtés indiquent qu’il y a des points de tension et des mouvements qui s’opposent dans cette conception. C’est un ensemble d’éléments différents en relation les uns avec les autres. On crée ensemble des relations et les conditions pour vivre ensemble ou des raison commune comme dirait Fernand Dumont. L’hétérogénéité cela signifie la diversité, c’est le contraire d’homogénéité qui veut dire semblable. C’est une conception de l’identité sociale qui est ouverte et en interrelation à l’intérieur et à l’extérieur. Le pointillé autour du carré rose signifie que c’est une zone perméable qui reçoit les influences de l’extérieur et influence à son tour l’extérieur. Contradictoire parce que dans une société nous ne sommes pas tous pareils. Comme je disais tout à l’heure, il y a des prolétaires, il y a des bourgeois, il y a des riches, il y a des pauvres, des hommes et des femmes, les différentes idéologies qui s’opposent et aussi le territoire qui crée aussi des différences. Mais tout cela se conjugue dans une synthèse originale en permanente transformation. Le passé et le futur sont en tension, un peu comme l’équilibre des planètes qui s’attirent et se repoussent en même temps par la force gravitationnelle. C’est la même chose qui se produit avec le bricolage de l’identité sociale. Un élément de base qui construit la culture et l’identité, c’est la nourriture. Comment nos ancêtres se sont arrangés avec la nourriture lorsqu’ils sont venus ici ? (VR)

Au départ, ils ne trouvaient pas les mêmes ingrédients qu’en France, mais ils ont trouvé d’autres choses. Ils ont adapté leurs recettes avec de nouveaux ingrédients qu’ils pouvaient se procurer ici. Alors, la culture et l’identité culinaires sont très pratiques parce qu’elles utilisent tout ce qu’elles ont sous la main pour le transformer. On dit souvent que la culture et l’identité font du neuf avec du vieux. C’est pour cela qu’on parle de bricolage. Le passé et le futur sont en tension. Qu’on le veuille ou non, nous sommes nourris par le passé de notre société, de notre famille et de tout notre entourage, et en même temps on regarde vers le futur parce qu’on veut aller quelque part. (La crise identitaire serait une crise de sens, d’émoussement des valeurs humanistes et d’un projet collectif ? YC ) Donc, l’identité est le résultat de compromis, mais d’imposition aussi par la propagande, la publicité, les lois, la richesse, la pauvreté, l’éducation ou la fatalité. Ces intérêts partiels et communs sont en tension. Cela prend aussi des éléments qui nous tiennent ensemble autrement la société va éclater. Cela provoque l’ouverture vers l’autre. Ce pluralisme permet un enrichissement mutuel et une identité plurielle. (VR)

À titre d’exemple, je voudrais évoquer la Renaissance en Italie à la fin du Moyen-âge qui a été rendue possible grâce à la redécouverte de l’héritage des grecs via le monde musulman. Qu’est-ce qui a permis ce moment exceptionnel de création artistique et d’inventions ? C’est l’ouverture à l’autre et qui était-il ? C’était le monde arabo-musulman qui ont rapporté toute la connaissance des Grecs qui avait été perdue. L’ouverture à la différence a donné un moment extraordinaire de créativité. Pour les sociétés qui se replient sur elles-mêmes, cela conduit à autre chose. (VR)

– Dans toutes les Amériques, la culture occidentale est arrivée en force et elle s’est imposée de manière hégémonique, mais nous avons tendance à oublier l’empreinte que les cultures autochtones ont eu sur nous. Bien sûr, cela fut une influence silencieuse, en toute discrétion. Malgré cela, il y a quelque chose qui a traversé et qui a marqué notre américanité de façon très subtile.

 


 

4. DIALECTIQUE DE L’IDENTITÉ 1 : PAS DE NOUS SANS «L’AUTRE»
On ne se construit pas seul. C’est un fait élémentaire et universel. La rencontre avec l’AUTRE nous interpelle sur QUI SUIS-JE? QUI SOMMES-NOUS? L’être humain a besoin pour sa survie et son développement d’un entourage social énorme où se construit son identité. Même pour la biologie, l’échange est fondamental puisqu’on ne naît pas du néant.

Le triangle est une représentation graphique de ce qui nous constitue comme sujet ou comme collectivité. C’est de cette relation triangulaire qu’apparaît l’identité.

L’héritage c’est ce que nous avons reçu, les apports propres, c’est ce que nous avons appris et vécu, tandis que l’apport des autres est aussi constitutif de la personne ou de la culture que nous sommes devenus. Les cercles concentrés sont une autre façon de présenter les éléments constitutifs de l’identité, mais il faut se rappeler que ceux-ci demeurent perméables et non pas étanches les uns par rapport aux autres. (VR)

MEMBRE D’UNE FAMILLE, D’UN QUARTIER, D’UNE RÉGION, D’UN PAYS ET DU MONDE
Il me semble que la spirale représente mieux notre conception de l’évolution de l’identité sociale. Elle se déploie du cœur de l’individu, puis du noyau familial vers sa communauté d’appartenance, son pays et le monde. La spirale est un cercle ouvert et continuel. Il n’y a pas de coupure. Aujourd’hui, de plus en plus, ces quatre niveaux sont en relation de plus en plus intense. C’est pourquoi ceux et celles qui ont peur de l’autre vont avoir pas mal de problèmes parce que nous sommes de plus en plus proches les uns des autres. Pour différentes raisons, la planète rapetisse, donc il y a beaucoup de choses qui vont nous rapprocher, en plus des problèmes communs que nous allons devoir affronter ensemble. Il y a encore une autre façon de représenter cela.(VR)

MEMBRE DU PASSÉ, DU PRÉSENT ET DU FUTUR
Là, vous voyez la spirale du temps. On observe le sens d’entrée vers l’intérieur et de sortie vers l’extérieur qui se conjuguent. Cette représentation est différente de la conception linéaire du temps. Il y a plusieurs couleurs parce que les destins sont toujours différents même pour les membres d’une même famille et au sein d’une même communauté homogène. D’ailleurs, le mariage de deux membres de familles différentes implique la création d’une identité nouvelle. Il y a des valeurs et des traditions qui sont différentes au sein de chaque famille, mais c’est surtout les mères qui ont le plus grand impact sur les enfants. (VR)


En même temps qu’il y a le couple, il y a des coupures. Là on parle de dialectique. C’est différent, mais il y a une relation en même temps qui permet de vivre ensemble. Maintenant, on va compliquer un peu plus les choses. Lorsqu’on parle du Mystère de la ville de Québec qui est très conservatrice, etc., qui est pure laine depuis l’arrivée des colons français. Selon la conception puriste et simpliste, la ville de Québec serait francophone uniquement. Ce n’est pas vrai. Il faut connaitre l’histoire. Premièrement en 1663, Louis XIV décide de prendre la colonie en main et il envoie des colons un peu plus de cinquante ans après la fondation de Québec. En observant la carte ci-dessus, on observe que la majorité des Français et Françaises de l’époque n’avaient pas le français comme langue principale. Selon deux études que j’ai consultées, les deux tiers de ceux et celles qui sont arrivés ici parlaient français. Par contre, les filles du roi parlaient un excellent français. Un tiers des colons nés en France ne parlaient que des langues régionales ou patois. Donc, la diversité était là et si on fait la liste de toutes, il y en avaient une quarantaine.

La même chose s’est produite en Amérique latine où c’est le castillan qui va devenir la norme. L’espagnol est la langue des rois de Castille, une région d’Espagne. Encore de nos jours, plusieurs langues sont parlées en Espagne. La langue espagnole s’est imposée grâce à la conquête de l’Amérique qui exigeait une langue commune pour se comprendre. À la fondation de la Nouvelle-France, il existait une diversité de langues importante et pourtant nous sommes tous et toutes ici en train de parler français. (VR)

– On peut aussi rappeler que cette France de l’époque est déjà une synthèse de la Gaule, de l’Empire romain et du royaume des Francs. C’est le roi Clovis au VIème siècle qui va imposer une loi commune à tous et à toutes puisque auparavant les lois s’appliquaient différemment selon l’origine de chacun. Ce seront les fameuses lois saliques qui vont perdurer plusieurs siècles en France.

C’est là que vont apparaître de nouvelles cultures et de nouvelles identités. Si vous regardez l’évolution de l’espèce humaine, il y a eu une progressive diversification des langues et des cultures et mêmes des différences génétiques. Maintenant, avec le processus de mondialisation, nous semblons retournés vers l’unification des langues, des gênes et des cultures. Il y a un processus d’uniformisation en cours. (VR)

Cette dynamique est forcée dans la plupart des cas en raison de la question du pouvoir. C’est pourquoi je vous dit que cela est un élément fondamental pour la formation des cultures et le bricolage des identités sociales. Dans la majorité des travaux scientifiques faits sur l’identité, peu sont ceux qui abordent la question du pouvoir. Donc, pour le Québec, la diversité est présente dès le point de départ. (VR)

b) Aucune identité ne se construit en circuit fermé.

Il n’y a pas de “génération spontanée”.

CITOYENS ET CITOYENS DU MONDE-HUMANITÉ DE α à ω

Cette image est très intéressante à analyser, elle inclut les différentes spirales qui interagissent les unes sur les autres. Toutes ces identités sont en communication.

Le NOUS = héritage + apports propres et apports des AUTRES

Si on gratte la culture québécoise, il y a beaucoup de choses qui viennent d’ailleurs, des éléments disparates dont on a fait un en se les appropriant. Chaque spirale représente des cultures ou différentes identités qui communiquent entre elles. On est loin d’une conception simple de l’identité. L’élément suivant se rapporte au contexte. (VR)


 

5. DIALECTIQUE DE L’IDENTITÉ 2 : PAS D’IDENTITÉ SANS CONTEXTE

LES DEUX AXES QUI STRUCTURENT LES IDENTITÉS SOCIALES MODERNES

AXE CULTUREL – CIVILISATIONNEL:
ORIGINE : formation CONTRADICTOIRE D’UNE CIVILISATION à tendance globale et uniformisante imposée aux différentes cultures et civilisations
Une civilisation globale hégémonique versus des cultures et civilisations diverses
AUJOURD’HUI : Un MARCHÉ GLOBAL TRANSNATIONAL AGRESSIF versus les CIVILISATIONS

La globalisation c’est ce qui impose un mondèle unique tandis que la mondialisation c’est un monde ouvert où l’on échange des services et de l’information de manière solidaire.

• AXE POLITIQUE – GÉOPOLITIQUE:
ORIGINE : contrôle politique-géopolitique, domination idéologique et exploitation économique.
Prédominance d’intérêts EXOGÈNES (Colonisation)
CENTRE DÉCISIONNEL STRATÉGIQUE DANS LES MÉTROPOLES (Londres, Paris, New York, Tokyo, Bonn)

AUJOURD’HUI : contrôle financier-économique-idéologique intégrés
Prédominance d’intérêts corporatifs. CENTRE DÉCISIONNEL STRATÉGIQUE et TRANSNATIONAL

Les intérêts corporatifs se situent au-delà des nations, ils n’ont ni patrie, ni foyer. Dans le modèle précédent d’économie internationale, les entreprises avaient un foyer national. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Croyez-vous que les multinationales américaines ont un grand soucis pour la société américaine ? Non, c’est le profit maximal qui les intéresse. Elles sont devenues totalement antinationale. (VR)

– Je ne suis pas entièrement d’accord, parce que les États-Unis continuent d’utiliser leur puissance pour imposer les intérêts de leurs multinationales dans le monde.

Ce que tu dis, c’est que cela n’empêche pas la guerre entre les transnationales appuyés par leur État respectif. Ce que les intérêts financiers veulent, c’est affaiblir l’État pour ne conserver que ce qui leur est utile. On enlève les bras et les jambes à l’État pour ce qui est du social, mais il redistribue la richesse vers les transnationales en les subventionnant. Bien sûr qu’ils vont utiliser les États et les soldats pour cela, mais toujours dans leurs intérêts. (VR)

L’Amérique latine est le seul continent où pendant l’époque coloniale, on a réussi à imposer une langue commune, une religion commune, une monnaie commune et des lois communes. Il n’y a pas d’autres exemples dans le monde. Même en Espagne, on a conservé une diversité de langues. Alors, l’identité sociale est aussi le résultat d’impositions verticales par les autorités publiques. Toutefois, il ne faut pas confondre cela avec la part culturelle-civilisationnelle de l’Europe qui a apporté de nombreux éléments positifs à l’Amérique. À gauche du tableau, vous avez également l’apport des civilisations autochtones à l’identité sociale dans les différents pays des Amériques et le Marché global à droite qui influence aussi les différentes identités sociales. On pourrait ajouter à ce tableau l’apport de l’Afrique et de ses cultures et du monde arabe qui a occupé l’Espagne et l’a influencée pendant sept siècles. Les Arabes ont, en quelque sorte, forgé l’Espagne telle que nous la connaissons. Une énorme quantité de mot en espagnol, surtout ceux qui commencent par la lettre A, proviennent de la langue arabe. Aujourd’hui, nous sommes dominés par le marché international qui est « acivilisationnel » au sens qu’il décompose davantage qu’il n’édifie une civilisation nouvelle parce que ce qu’il crée est entièrement voué à n’être qu’un objet de consommation. C’est d’ailleurs les différents départements de marketing qui conçoivent les objets que nous acquérons. À contrario, pour que quelque chose soit culturelle, il faut que cela soit enracinée dans la population, dans la communauté. Les produits lancés sur le marché sont simplement des marchandises qui comptent de moins en moins d’éléments culturels, mis à part des éléments stéréotypés destinés à séduire une part de marché déterminée. Aujourd’hui, au Québec, nous assistons au retour des produits enracinés dans un terroir et fabriqués localement, des produit porteurs d’une identité culturelle.(VR)

Les dynamiques spécifiques et diverses demeurent en tension avec les grandes dynamiques du marché global. Ces tensions influencent en faveur ou en défaveur de l’épanouissement d’une identité sociale singulière plutôt qu’une non-identité produite par le marché comme un produit de consommation. (VR)

– Sommes-nous acteurs dans ce processus de bricolage de l’identité sociale ?

C’est toujours relatif parce que nous sommes à la fois le produit des différentes influences que nous subissons et bricoleur de cette identité. Chacun est porteur d’un degré de liberté et d’un degré d’aliénation, sauf que malgré toutes leurs impositions, ils ne réussissent jamais à nous dominer totalement. C’est pourquoi la création d’une identité culturelle peut être totalement subversive de l’ordre établi, elle peut apporter la civilisation, la bonne parole, la conscience d’un nous en pleine possession de ses moyens. L’idéal d’indépendance est apparu comme une pensée révolutionnaire contre l’Espagne afin d’acquérir la pleine maîtrise de sa destinée comme État-nation. Chaque pays a son histoire spécifique, mais cela n’empêche pas que chaque histoire est le produit de ces forces économiques, culturelles et politiques. Aujourd’hui, nous vivons tous sous le joug de la globalisation financière, économique et transnationale, avec ses puissantes forces d’homogénéisation.

L’altermondialisation est considérée comme la seconde indépendance de l’Amérique latine. C’est une perspective qui, à la fois localement et globalement, s’édifie selon les paradigmes de la coopération et du pluralisme, de la diversité, etc., qui s’opposent au paradigme de la conquête du monde par le marché financier international. Cet axe altermondialiste, contribue également à l’apparition de notre identité.

Ce dernier tableau met ensemble l’axe géopolitique et l’axe civilisationnel qui influencent nos identités sociales. Alors ces forces s’opposent et nous constituent à la fois, le passé spécifique et commun de la civilisation occidentale, le paradigme d’exclusion des forces du marché néolibéral et celui d’inclusion d’une culture de coopération. Par ailleurs, nous savons que le modèle dominant nous conduit vers l’extinction à moyen terme de la vie sur Terre. En quelque sorte, si nous voulons avoir un espoir de survie pour les générations qui nous suivent, nous devons embrasser un nouveau modèle civilisationnel qui fera davantage place à la collaboration plutôt que la compétition et au partage des connaissances au lieu de leur accaparement au bénéfice d’un petit nombre. De même les dynamiques des économies locales, pleines de créativité et d’adaptation au milieu, sont porteuses d’avenir. Bien sûr cela influence nos identités. (VR)

– Par exemple, on peut se servir de Facebook pour échanger des contenus critiques envers le modèle économique dominant et sa pensée unique qui exclut toutes références opposées à la sienne.

Donc l’axe civilisationnel et l’axe géopolitique peuvent être utilisés, mais ils peuvent nous utiliser aussi. Partout dans le monde, émergent des expériences collaboratrices d’économie alternative, davantage respectueuses des travailleurs et de l’environnement. C’est de cette façon que nous pouvons influencer la balance pour faire en sorte que le monde de demain soit viable. Ce sont de petites expériences à échelle locale qui vont à l’opposer de la tendance à l’homogénéisation et de la tendance des multinationales à fusionner et à concentrer la production dans des endroits toujours plus limités. Le modèle actuel où nous consommons des produits fabriqués à l’autre bout de la planète apparaît totalement non viable à cause de la pollution qu’il engendre et de la dépossession de notre potentiel créateur. (VR)


 

6. LE BRICOLAGE D’UNE IDENTITÉ QUÉBÉCOISE COMMUNE DANS LE CONTEXTE ACTUEL GLOBAL / ALTERMONDIALISTE

CONTEXTE GÉNÉRAL :
1 -Paradigmes d’hégémonie et de domination versus paradigmes d’égalité et de coopération

2 – Défis écologiques, économiques, politiques et violences-guerres versus alternatives

3 – Interrelations et interdépendances structurelles et virtuelles*

4 – Sociétés du savoir collectif *

(Nécessite plus de convergence que de divergence, plus de coopération que de confrontation, plus de relation entre égaux que de domination)
= CHANGEMENT DE PARADIGMES

Les paradigmes sont des critères, des valeurs fondatrices, qui orientent nos choix et nos actions. Les sociétés ont besoin de paradigmes qui structurent leurs choix pour pouvoir avancer de manière cohérente dans leur pensée et leurs projets, leur culture, etc. Ce qui nous forme et prédomine aujourd’hui, ce sont des paradigmes d’hégémonie et de domination. Cela s’observe partout même au sein des relations interpersonnelles comme l’amitié ou l’amour. (VR)

– Selon moi, l’hégémonie possède un caractère totalitaire et absolu, c’est une pensée, une perspective ou bien une analyse qui ne peut être contestée. Comme nous vivons à l’intérieur de cette idéologie, la pensée occidentale ou américaine, nous perdons de vue la perspective globale au-delà de celle qui est centrée sur ses intérêts, en référence permanente à elle-même. L’hégémonie c’est la pensée dominante d’une époque qui sert des intérêts particuliers. Cette pensée est aussi manichéenne au sens que nous sommes toujours le bien et les nations insoumises apparaissent comme une menace à notre existence. La pensée hégémonique implique cette prétention de représenter le bien. C’est un manque flagrant d’altérité.

– Pour faire plus simple, lorsque l’ouvrier pense comme le bourgeois, il est sous le contrôle de l’hégémonie bourgeoise, il a adopté son paradigme, sa façon de voir le monde.

Si nous passons à l’alternative qui est le paradigme de l’égalité et de la coopération, nous allons comprendre que ce n’est pas juste parce que nous sommes meilleurs que les autres, mais parce qu’il s’agit d’une nécessité historique et structurelle. Au point de vue physique, nous savons déjà que la Terre ne pourra pas supporter très longtemps notre mode de consommation actuel qui aurait besoin de trois à sept planètes pour satisfaire nos appétits. Ce n’est tout simplement pas viable. Vous vous rappelez la crise financière de 2008, partout sur la planète il y a eu des gens qui ont été jetés à la rue en raison de mauvais investissements. Si on observe le système financier international, les bourses sont inter-reliées grâce à internet, même chose pour l’ensemble des économies de la planète. Par exemple, le Brésil vient de parler avec le Venezuela parce que les sanctions économiques contre ce dernier nuisent à l’économie du premier. C’est parce que les Vénézuéliens ne vont plus acheter au Brésil. Un autre élément important de cette interdépendance structurelle et virtuelle, c’est la société du savoir collectif. Il y a là un savoir collectif extraordinaire parce que nous pouvons accéder en permanence et à distance à des bases de données sur tous les sujets imaginables. Ce contexte exige davantage de convergence que de divergence. Pourquoi est-ce que nous nous chicanons à propos des changements climatiques au lieu d’agir sur le cour des événements ? Nous avons besoin de l’apport des cultures originelles pour trouver des solutions et nous en sortir à moindre mal. (VR)

Ces cultures ont peut-être la pièce manquante à notre casse-tête parce qu’elles sont porteuses d’une vision et de pratiques différentes. Souvent, celui qui est le plus différent de nous est celui qui peut nous apporter le plus. Nous avons besoin de l’apport de tout le monde et de toutes les cultures. Alors, nous avons davantage besoin de coopération que de confrontation, de collaboration entre égaux que de domination. Ce n’est pas une question culturelle, c’est une nécessité historique. Si on ne change pas de paradigme, on aura beau faire n’importe quoi, cela va tomber. Maintenant, le changement qui conjugue l’économie et l’écologie est déjà amorcé. Cela peut fonctionner si nous acceptons de ne pas être guidés par la notion du profit maximum. Il faut passer à un autre type d’économie. Il y a l’économie sociale qui fonctionne déjà. Au Venezuela, ils vivent une période difficile, mais c’est également une société extrêmement créatrice au niveau des entreprises auto-gérées. Il y a des communes qui, en raison de l’embargo, ont recommencé à produire leur nourriture et leur farine de façon artisanale. Cela leur revient moins cher, c’est meilleur au goût et c’est meilleur pour la santé. Cela a bénéficié à 5 000 familles. De plus, ils sont revenus à leur maïs traditionnel et ils ont abandonné le maïs transgénique. (VR)

CONTEXTE QUÉBÉCOIS :

Le Québec : de société fondatrice du Canada à province canadienne (1791; 1840; 1867);
– société destinée par le conquérant à une disparition tranquille par l’immigration au 19ème siècle à une société minoritaire au Canada et en Amérique du Nord;
– société avec une culture fragilisée par le « rouleau compresseur » global; (américanisation)
– société avec une culture « revigorée » par la mondialisation solidaire et alternative
   (entre guillemets parce que ce n’est pas encore une réalité).

Le Québec est une société avec une identité “sensible” aux changements identitaires. Ces événements appartiennent à notre imaginaire collectif. On comprend mieux ainsi cette sensibilité aux questions identitaires. C’est une réaction nécessaire, mais dont nous devons être conscients pour ne pas déraper dans l’intolérance.

CONTEXTE QUÉBÉCOIS-CANADIEN : D’OÙ VIENT LE DANGER?
– De la part des immigrants et des réfugiés ?
– Des voiles des femmes musulmanes et autres signes religieux ostentatoires en position de pouvoir ?
– Des accommodements raisonnables ?
– De 2000 à 2005 : il y a eu 4000 demandes d’accommodements raisonnables, de ce nombre 30 étaient à caractère religieux, majoritairement demandé par des chrétiens et des juifs.

(L’impression de dissolution de l’identité commune provient davantage des forces du marché et de la société de consommation que de l’influence des nouveaux arrivants. La peur de l’autre a tendance à exagérer la menace parce que l’identité québécoise manque d’assurance et qu’elle hésite sur certaines valeurs fondamentales érodées par l’individualisme, l’esprit de compétition et l’exclusion sociale. La perte de repères qui transcendent les apparences matérielles et donnent un sens à ce que nous faisons, à ce que nous sommes individuellement et collectivement, ne peut qu’accentuer ce sentiment d’insécurité. Notre allégeance ne peut se résumer à l’étiquette d’une marque que nous portons. De même, l’absence de projet rassembleur et structurant, solidaire et écologique, porté par l’État, engendre un profond sentiment d’insécurité. Mammon nous dévore du dedans. YC)

 Je suis d’accord à ce qu’il faille prévoir ce qui pourrait advenir, mais commençons par ce qui existe. Quand on parle d’accommodements raisonnables, on ne parle pas uniquement de religion. Il existe une panoplie d’accommodements dont un certain nombre sont pour les personnes vivant avec un handicap physique, pour l’âge, l’orientation sexuelle, etc. L’accommodement raisonnable est très bien encadré juridiquement et cela fonctionne cas par cas. Il y a une exagération totale dans ce cas. J’ai dit à messieurs Bouchard et Taylor, une commission d’enquête pour 30 cas ? Franchement! (VR)

– Cela a été monté en épingle par quelques journalistes, c’est pour cela qu’ils ont fait une commission.

D’où vient le danger si on admet que le Québec est une société à culture fragilisée par le « rouleau compresseur » global, ce serait plutôt du processus de globalisation.

Ex. L’ALÉNA. En particulier le chapitre 11 :
Les accords de «libre-échange» sont une attaque en règle contre la démocratie et les droits humains.

À titre d’exemple : Le Tribunal d’arbitrages = transfert des fonctions du pouvoir législatif (le Traité fait à l’extérieur des parlements) et judiciaire (jugements par ces tribunaux d’arbitrages).

Les droits des travailleurs et les règles environnementales ont été fragilisées partout dans le monde et au lieu de nous enrichir, nous nous sommes appauvris. La tendance est à la concentration de la richesse dans les classes supérieures des populations. D’ailleurs, même Donald Trump a reconnu que les accords de libre-échanges ce n’est pas bon pour les travailleurs des différents pays. (VR)

SE SITUER AU QUÉBEC ET DANS LA GLOBALISATION POUR VOIR CLAIR

a) La rencontre avec l’AUTRE nous interpelle sur le NOUS : QUI SOMMES-NOUS?
– En tant qu’immigrant : l’Autre c’est nous.
– Le Québec dans le Canada : l’Autre c’est le Québec. Etc., etc.
– Cette rencontre rend possible : la découverte et l’enrichissement de notre identité. BRICOLAGE!

b) Aucune identité ne se construit en circuit fermé. Il n’y a pas de “génération spontanée non plus”

Le NOUS = héritage + apports propres et ceux des AUTRES

c) Une globalisation agressive affaiblit nos cultures et nos identités, en plus de nos économies.(Le vrai danger vient de là.)

d) Une mondialisation solidaire consolide nos sociétés et nos liens endogènes et exogènes.
(Actuellement, nous assistons à une croissance exponentielle des alternatives.)

a + b + d = « raisons communes »* pour VIVRE ET BÂTIR ENSEMBLE (Fernand Dumont)

Malgré certains échecs que connaissent les alternatives à l’économie néolibérale, l’expérience des échecs demeure et devient porteur de possibilités nouvelles parce que nous apprenons ainsi ce qui ne fonctionne pas. Un jour on demanda à Thomas Edison de cesser ces tentatives d’inventer l’ampoule incandescente puisqu’il avait expérimenté 755 échecs. Il répondit qu’il avait énormément progressé dans ses recherches puisque maintenant il connaissait 755 façons de choses à ne pas faire.(VR)

QUESTIONS À CONSIDÉRER :

Actualité et pertinence de l’identité sociale du Québec
Actualité et pertinence des identités des immigrants
– Les méconnaître, les nier?
– Les assumer dans le contexte des défis spécifiques québécois et global ?

Dans l’immigration, il se produit deux processus. L’émerveillement du début entraîne l’immigrant à nier sa culture d’origine, mais cela lui revient tôt ou tard. L’autre phénomène consiste à nier la culture d’accueil. “Moi, je ne veux rien savoir du Québec,” mais après quelques années, il commence à accepter. J’ai connu un individu qui est rentré dans son pays. Il est revenu trois ans plus tard en s’émerveillant des qualités de la société québécoise. Maintenant, échangeons sur nos façons de bricoler une identité québécoise vivante et commune.


 

Échanges et discussion

L’acceptation de nos différences m’apparaît fondamentale.

– Il faut être curieux pour découvrir des choses incroyables et s’enrichir.

– Il ne faut pas nier son identité propre non plus.

– Bien sûr que non. Ce n’est pas nécessaire.

– Je pense à un mot employé en Amérique latine qui est idiosyncrasie. C’est l’ensemble de nos us et coutumes que nous avons intégrés de façon tout à fait inconsciente et qu’il est difficile d’expliquer au nouvel arrivant. Des façons de faire et d’interagir évidentes pour nous, mais qui ne le sont peut -être pas pour celui qui arrive. Par exemple, notre façon très consensuelle de prendre des décisions en réunion, sans hiérarchie, c’est sans doute une influence que nous avons reçue de nos ancêtre amérindiens. Lorsqu’on se présente pour la première fois dans un groupe, l’humilité est une règle fondamentale. On écoute avant d’intervenir et on le fait avec respect. Ainsi, il existe des codes de communication non verbaux et non explicite aux premiers abords.

– Il y a une idée concrète pour un meilleur vivre ensemble. C’est de participer au Forum citoyen organisé à Ste-Foy, le 3 novembre.

– Pour construire notre identité collective puisque c’est le sujet de la présentation, je trouve que les idées sont de plus en plus polarisées sur les médias sociaux. C’est le cas partout, à droite comme à gauche, il faut adhérer à un credo. L’absence de dialogue est un obstacle de base au vivre ensemble. Comment construire une identité sociale si cela bloque à ce niveau ? Par delà les belles idées, il semble y avoir un problème de manque de prise en compte de la réalité. Certains politiciens oublient les impacts de leurs paroles sur la réalité des gens. Par exemple, dire que les enseignants ne pourront plus porter de signes religieux, c’est rapporté dans les médias et cela alimente l’intolérance envers le voile. Cela provoque des agressions verbales ou physiques de femmes musulmanes sur la rue. Je suis administratrice dans un organisme où l’on accueille des réfugiés et à chaque fois qu’un politicien s’exprime de la sorte, nous assistons à une résurgence du harcèlement. Lorsqu’une femme musulmane se fait insulter sur la rue, elle va s’enfermer chez-elle pendant plusieurs semaines. Il y a un lien évident de cause à effet. Alors, c’est bien beaux d’avoir des idéaux comme la laïcité, mais cela heurte des gens dans leur quotidien. C’est la réalité d’aujourd’hui qu’il va y avoir de plus en plus d’immigrants et nous ne pouvons pas nous mettre la tête dans le sable en pensant que tout va rester comme avant. Moi je vois ça comme une richesse.

En lisant un document sur la notion de pouvoir chez les Incas, ils appliquaient une politique très semblable à celle que les États utilisent aujourd’hui, c’est-à-dire qu’ils créaient de la peur par rapport à leurs voisins. Les politiques de peur c’est toujours très pratique pour ceux qui sont au pouvoir parce que cela divise les populations, cela marque une frontière entre les inclus et les exclus, les barbares et les civilisés. D’autre part, avec des gens qui sont gagnés par la peur de l’autre, il est rationnellement impossible de les convaincre du contraire. Il faut aussi passer par le niveau émotif et éviter de confronter directement leurs arguments. Il ne faut pas les assommer avec nos arguments, mais faire preuve de compréhension en se plaçant dans leur optique pour les amener à accepter graduellement d’autres points de vue. Dans la plupart des cas, je peux vous assurer que cela fonctionne. Il ne faut pas se laisser gagner par leur agressivité. Il faut arriver à les désamorcer et même s’ils n’admettront pas devant vous leur erreur, le lendemain ou le surlendemain, il se peut qu’ils changent d’idées. (VR)

– Parfois une frustration envers les personnes immigrantes est dû à une simple expérience négative. Quand j’ai mis le doigt sur la cause de l’irritation en manifestant ma compréhension de la difficulté par rapport à la situation vécue, je parvenais à désamorcer la situation. La personne était soulagée parce que je l’écoutais et que je manifestais de l’empathie à son égard.

– Sur l’identité québécoise, j’ai assisté à un cours de trois heures, destiné aux immigrants. Un cours de formation à l’histoire où l’on résumait dans le titre le problème de l’identité québécoise. Pendant la colonisation française, les colons français sont devenus des Canadiens, ensuite, sous le règne britannique, nous sommes devenus des Canadiens-français, puis à l’époque moderne, nous sommes devenus des Québécois. Donc, il y a eu une évolution de notre identité à travers les siècles et nous devons composer avec cela. Deuxièmement, à partir de ce qu’amène Emilie, il faut trouver d’où provient le racisme associé aux questions identitaires ? C’est tout simplement de la peur de l’autre. L’autre qui est différent et dont la différence est perçue comme mauvaise. Il me faire peur parce que sa différence est ramenée au même, à l’identique. Tout les « autres » me font peur et c’est l’anthropologue Pierre Glass qui a étudié les Tupis-Guaranis au Paraguay et au Brésil. Il montrait comment ces peuples là refusaient la notion d’État parce que pour eux l’État ramenait au même, au sens de la non différenciation des individus et à l’uniformisation. Ils voyaient cela chez les peuples voisins. Alors ils ont développé quelque chose de vraiment différent. Il faut savoir apprivoiser les différences qui nous rejettent vers le même. Par exemple, croire que les musulmans sont tous pareils, qu’ils sont tous islamistes et qu’ils veulent conquérir la planète. Il faut sortir de la généralisation et de l’identification au même. C’est le fait de se croire semblable qui est dangereux alors que chacun, chacune, est différent. Chez certaines peuplades d’Afrique, on tuait le jumeau. Pourquoi ? Parce qu’on croyait que le jumeau allait voler l’identité de l’autre jumeau. C’est la peur du même, la peur que l’identité soit délayée dans d’autres personnes, l’identité étant quelque chose de sacré et de personnel.

– J’aimerais apporter un éclairage différent. Robert parlait des généralisations abusives, des peurs non-fondées, et même dans les cas de peurs fondées. Le fameux foulard entre-autre, la majorité des progressistes et des féministes ne sont pas des fans du foulard. Elles ne sont pas pour. Donc, il y a là un enjeu de pouvoir et de méthode. Il peut y avoir un choc culturel qui est fondé sur un problème, mais on observe l’oppression de la majorité qui dit à une minorité qu’elle doit retirer le voile. Il y a comme une interdiction et un désir de contrôler l’autre. C’est un peu ironique que nous en soyons encore à vouloir dire aux femmes comment elles doivent s’habiller. Je comparerais cela avec le futur service d’injection supervisé qu’on veut établir dans Saint-Roch. Toute ma vie, j’ai prôné la démocratie participative, mais il y a des limites. Tu ne consultes pas la majorité sur les droits des minorités. La majorité n’a pas à écraser les minorités. Si les services de santé veulent ouvrir un centre d’injection supervisée, on n’a pas à consulter les gens là-dessus selon moi.

– Il y a du monde qui se font du capital politique là-dessus.

– Ce qui attire mon attention, c’est que la Vierge Marie porte aussi un foulard. C’est une icône qui a longtemps été représentée ici. En Méditerranée, beaucoup de femmes, pas juste des musulmanes, portent un foulard pour se protéger du soleil.

– Je suis abonné au regroupement pour la laïcité et j’ai toujours observé qu’il y avait de très bons intellectuels dans ce mouvement et qu’ils étaient capables d’articuler leurs idées d’une façon assez profonde. Cependant, lorsque je réfléchis comme Québécois à cette question, je reconnais que cela provoque un malaise. Une chose que j’ai remarquée, c’est que dans mon éducation on m’a inculqué une forme de neutralité que nous avons intégrée dans notre manière d’être. Je déteste porter des gilets avec des marques par exemple, je n’aime pas me montrer. J’ai appris très tôt à cacher qui j’étais et à ne pas le manifester. Quand je vois quelqu’un le faire, et le faire avec aplomb, cela me ramène à moi qui me dis tout le temps qu’on m’a appris que c’était mal de faire ça. C’est comme cela que je le vis. (Serait-ce une expression de : « Nés pour un petit pain », qu’on inculquait aux classes ouvrières canadiennes françaises et de la négation de soi en contexte de subordination où il était interdit de parler français dans les usines, les magasins et les bureaux, de même que dans les écoles à l’extérieur du Québec ? YC) En même temps, quand j’entends qu’on reproche à ces femmes de manifester, j’y vois le signe qu’elles se sont bien intégrées. Il y a plein de problématiques que je vois là-dedans qui sont très intéressantes à aborder. Quand je vois une personne noire, je ne pense pas à l’Islam ou à des lois liberticides. Quand je vois un latino-américain, je ne pense pas à cela non plus. Sauf que quand je vois une femme voilée, je suis obligé de me faire violence si je veux lui faire une place et oublier tout ce qu’elle représente pour me dire que malgré cela, c’est d’abord une personne que je dois respecter. C’est exigeant pour quelqu’un qui vit dans une société où on a appris que les femmes sont égales aux hommes et que si tu penses autrement tu vas en subir les conséquences. Tu dois la respecter parce qu’elle arrive avec cette culture. Alors quand on pense à des gens qui lisent moins, des gens de différentes catégories sociales, je peux comprendre qu’il y ait des gens qui puissent réagir négativement.

– C’est grâce à la laïcité que le voile peut être porté dans les services publics parce que la religion est séparée de l’État. Toutefois, comme fonctionnaire, je ne peux pas afficher mes couleurs politiques au travail, alors que la religion n’est plus politique, donc elle n’a plus d’incidence sur le service que je reçois de l’État. Je peux porter un signe religieux parce que cela ne fait référence qu’à ma vie personnelle. Par ailleurs, le contraire de l’obligation du port du voile dans les pays musulmans ce n’est pas l’interdiction comme croit le Mouvement laïc québécois, mais la liberté de faire ce qu’on veut.

– J’ai aimé cette présentation parce que cela m’a fait réfléchir à plusieurs choses qu’on entend parler au niveau de l’immigration en général. Ce que je trouve complexe dans tout cela, ce sont tous les interdits que nous leur imposons. Sauf que je me dis que dans la société d’aujourd’hui où nous sommes sensés pratiquer le vivre-ensemble, nous serions sensés être capables, Québécois et immigrants, de s’adapter les uns aux autres avec nos cultures, nos valeurs, nos convictions et nos besoins. Par exemple, les femmes qui ressentent le besoin de porter le voile, si elles en ont besoin, qu’elles le portent. Puis, si un autre veux porter une croix ou un kir pan, qu’il le fasse. Pourrait-on dans la société d’aujourd’hui accepter toutes ces valeurs religieuses de chacun, chacune ? Cette intolérance me dépasse. Je dis la même chose pour le sapin de Noël ou la croix sur un édifice public.

– Je trouve que la question du voile est extrêmement complexe. De plus, cette question a été très instrumentalisée. Mais je dois dire qu’en tant que femme, je ressens un certain malaise quand je vois une femme voilée en raison de la signification religieuse que cela a. Cependant, je ne dis pas que je ne respecte pas cette femme.

– Je suis contente qu’on aborde le sujet. Je trouve difficile de dépasser la frontière de la communication. Je suis épuisée d’aller sur les réseaux sociaux et de voir des affaires qui n’ont pas d’allure. J’ai l’impression que le dialogue n’est pas ouvert. C’est très polarisant, d’un bord ou de l’autre et cela crée des conflits extrêmement forts. J’ai vu deux personnes d’une même famille s’engueuler et cela crée des froids énormes. Comment allons-nous trouver un terrain d’entente si personne ne veut entendre ce que l’autre a à dire ? Alors on ne veut plus en parler de peur de créer des conflits. J’ai de la difficulté à ce qu’on impose quelque chose à une autre personne. Je connais une famille musulmane dont je me sens très proche. Je vous rappelle que lorsqu’elles arrivent ici, c’est avec leur bagage. Sauf qu’on voit les enfants de la seconde ou de la troisième génération, elles ne portent pas le voile, elles ne veulent plus. Alors il faut donner le temps aux immigrants de s’habituer à la société d’accueil. Ils ont besoin de temps pour s’occidentaliser et apprivoiser la culture. Là-bas ils n’ont pas le même concept d’homme et de femme, mais les enfants qui vont à l’école ici, changent complètement leur conception de genre.

– En France, ils ont expérimenté une ligne assez dure envers le port du voile, sauf que cela ne semble pas fonctionner. L’interdiction du port du voile à l’intérieur des institutions peut se défendre intellectuellement, mais dans les faits c’est plus compliquer que cela. Par rapport à l’immigration, l’histoire de la France est bien différente de la nôtre. On y observe un repli sur soi à cause du phénomène des banlieues. J’ai des amis musulmans qui ont toutes sortes de manières de penser, mais beaucoup m’ont raconté l’effet qu’a produit une interdiction, cela provoque une réaction. Si une communauté se sente attaquée, elle réagit en s’affirmant davantage. Avant la Charte des valeurs du Parti québécois, certaines femmes n’avaient jamais pensé porter le voile, mais elles le font aujourd’hui comme un symbole d’affirmation identitaire. D’autres ont choisi de porter le voile comme expression de leur foi en Dieu, comme un signe de rattachement à leurs traditions parce qu’ici elles ont ressenties un vide intérieur. J’ai aussi vu un reportage qui parlait de la Guerre d’Algérie où j’ai appris que le port du voile était une façon de résister aux désirs sexuels des colonisateurs français.

Tout ce que nous sommes en train de dire se rapporte à la question identitaire. Il y a des impositions, il y a des manipulations, il y a des forces différents qui entrent en jeu. Justement, quand l’Occident attaque les pays arabes au Moyen-Orient, la réaction normale est d’affirmer leurs traditions. Si vous regardez des films des années 1950-1960, dans plusieurs sociétés qui aujourd’hui sont voilées, il n’y avait presque pas de voiles. Nasser, en Égypte, disait en riant qu’il était impossible de faire porter le voile aux filles. C’est venu après comme une réaction de fermeture et d’affirmation identitaire par rapport aux agressions de l’Occident. En même temps, il ne faut pas oublier que les mouvements le plus retardataires et les plus fanatiques ont été subventionnés par le gouvernement des États-Unis pour combattre le communisme en Afghanistan d’abord, puis à d’autres fins ensuite. (À la même époque, il finançait des Églises évangélistes en Amérique latine et en Afrique pour contrer la Théologie de la libération. YC) Tout cela a fait en sorte que les États-Unis ont aidé l’émergence de groupes religieux fanatiques. Sauf que pendant ce temps, nous ne parlons pas du danger réel qui est le réchauffement climatique. Pour moi, les accommodements raisonnables, c’est de la diversion pour nous empêcher d’aborder les questions importantes de transformation économique et industrielle. (VR)

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