#290- Analyse des différentes plateformes électorales au regard du bien commun
Le bien commun est ce qui dans une société appartient à tous et à toutes. C’est aussi quelque chose de très difficile à reconstituer s’il est privatisé. Il est souvent très compliqué, voire impossible, de revenir en arrière pour le remettre dans son état original. Je prendrai l’exemple des basses-terres du Saint-Laurent, une fois que ces terres agricoles ont été converties en banlieues comme c’est le cas dans la région de Montréal, il est impossible de revenir à l’état agricole d’avant. Je vous rappelle que le Québec ne compte que 1% de bonnes terres agricoles sur son territoire. J’aimerais vous entendre maintenant, chacun, chacune, énumérer un exemple de quelque chose appartenant au bien commun au Québec.
– Le transport en commun
– Le territoire– L’énergie
– L’argent – La liberté d’association et d’expression
– Les moyens de communication
– L’environnement
– La qualité de l’air
– L’eau, les rivières, le fleuve, les océans
– L’éducation, l’égalité des chances
– Le temps de s’occuper les uns des autres, le temps libre est un bien commun.
– L’amour, la bienveillance
– La santé pour tous
– Un médecin pour tous
– Les services publics, les bibliothèques publiques, les ondes radios
– Chez les autochtone, on retrouvait les quatre éléments, le feu (l’énergie), l’air, l’eau, la terre.
– Quelqu’un a parlé du territoire, alors cela peut inclure les mines et les hydrocarbures. Le sous-sol ne nous appartient pas, même si nous sommes propriétaires d’une terre.
– L’ensemble des programmes sociaux doivent demeurer un bien commun. Il ne faut pas que les organismes communautaires deviennent une forme de sous-traitance pour l’État. Nous devons préserver notre autonomie. Les programmes sociaux doivent demeurer universels. Ce sont des droits que nous nous sommes donnés en tant que société et cela constitue une richesse collective.
– Les prisons doivent demeurer publiques. Aux États-Unis, ils les ont privatisées et cela devient une source de profits pour certains. C’est contradictoire que le privé puisse administrer des prisons et faire de l’argent sur le malheur des gens. Il y a quelque chose d’immoral là-dedans.
– Moi, je dirais la planète au complet. On devrait pouvoir louer le bien commun, tout en comprenant qu’il ne nous appartient pas.
– C’est nous qui appartenons à la Terre.
– La citoyenneté
– La place publique, les parcs et les jardins publics, représentent très bien le bien commun.
– Traditionnellement, il y avait un pré où tout le monde pouvait faire paître ses animaux et cela s’appelait la commune.
– Il n’y a pas seulement le bien commun, il y a des devoirs aussi. Le bien commun est quelque chose que nous devons assumer. Il faut laisser les choses en meilleur état que nous les avons reçues de la collectivité. Notre crise écologique provient de ce manque de conscience de l’impact de nos gestes. Il faut analyser les plateformes électorales des différents partis politiques en fonction de cela. Si on ne change pas soi-même et collectivement, rien ne va se passer comme c’est le cas actuellement.
– Les données numériques, l’information, tout ce que Facebook nous soutire comme information. Cela ne devrait pas être privatisé ou vendu à un tiers pour des motifs publicitaires.
– La reconnaissance des acquis académiques et professionnels des nouveaux arrivants.
– La culture devrait faire parti du bien commun de sorte que tous ceux et celles qui le souhaitent puissent y accéder.
– Hydro-Québec est un bien commun pour la société.
– La langue française
– La non-violence et la paix font parties du capital social qui appartient au bien commun et appartient à la richesse collective. Cette richesse est difficile à quantifier en argent, mais il y a des richesses au Québec que l’Ontario n’aura jamais, ne serait-ce que la profondeur de notre culture et l’importance de notre histoire, de nos luttes, de notre esprit de résistance, etc.
La confiance mutuelle et la sécurité
Les plateformes des différents partis politiques
Pour simplifier la discussion, nous nous en tiendrons aux quatre principaux partis en liste qui présentent un certaine diversité de proposition. Alors, je vous demande de nous nommer une promesse électorale que vous avez retenues, peu importe le parti qu’il l’a émise, que vous soyez d’accord avec ou pas et pour qui est-ce que vous avez l’intention de voter. L’idée est de dessiner une certaine carte des différentes propositions qui s’offrent à la population au regard du bien commun. Évidemment, la définition de celui-ci peut varier selon les différents partis politiques. Alors j’ai réparti sur le tableau, divisé en quatre cadrans, 25% de l’espace pour chacun des principaux partis.
Parti libéral du Québec
– Préserver le même seuil d’immigration pour combler le manque de main-d’œuvre au Québec.
– Gratuité du transport en commun pour les aînés et les étudiants.
– Pas de troisième lien à Québec.
– Pour la construction d’un tramway à Québec
– Promesses en santé
– Augmentation du financement des organismes communautaires
– Favoriser l’achat de véhicules électriques en augmentant de 1000$ la subvention à l’achat.
– Refus de soumettre les immigrants à un examen de français et de citoyenneté.
Coalition avenir Québec
– Baisser le nombre d’immigrants accueillis au Québec à chaque année.
– Lutter contre la corruption.
– Réduire les dépenses de l’État de 1 milliard de dollars par année et réduire la fonction publique de 5000 emplois sans diminuer les services.
– La maternelle à quatre ans
– Rénover les écoles primaires et secondaires.
– Construire des maisons des aînés.
– Diminuer les CHSLD.
– Établir un examen de français et de citoyenneté pour les nouveaux arrivants.
– Pour la construction d’un troisième lien entre Lévis et Québec
– Pour la construction d’un tramway à Québec
– Un crédit d’impôt pour les aidant à domicile
– Augmentation du financement des organismes communautaires
Parti Québécois
– La souveraineté du Québec
– Prend la défense des CPE
– Augmenter les redevances sur l’eau pour les entreprises.
– Maintien des services publics
– Taxer les multinationales informatiques pour financer la culture.
– Protection des terres agricoles.
– Pas favorables au troisième lien à Québec
– Pour la construction d’un tramway à Québec
– Augmentation du financement des organismes communautaires
– Promouvoir le covoiturage.
– Refus de soumettre les immigrants à un examen de français et de citoyenneté.
Québec solidaire
– Éducation gratuite du CPE au doctorat
– La souveraineté du Québec
– Diminution de 50% des tarifs d’autobus
– Les soins dentaires gratuits
– Fiscalité plus progressive selon les revenus de chacun, chacune
– Amélioration de l’offre des service publics
– Augmenter le salaire minimum à 15$/heure.
– Limiter les salaires des hauts dirigeants des institutions publics.
– Non concession des ères d’exploitation pétrolière.
– Conversion énergétique de la société et de l’économie.
– Protection des terres agricoles
– Pas favorable à un troisième lien à Québec
– Pour la construction d’un tramway à Québec.
– Augmentation du financement des organismes communautaires
– Se pose comme défenseur de l’environnement avec un plan sur une vingtaine d’années.
– Enlever les subventions aux écoles privées pour financer les écoles publiques.
– Refus de soumettre les immigrants à un examen de français et de citoyenneté.
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Commentaires généraux :
– Maintenant tous les partis parlent d’immigration. De quoi est-ce qu’on parle ? Des individus ou des groupes ? C’est le sujet de l’heure au Québec.
– QS parle de fiscalité alors que les autres partis n’en parlent pas.
– Tous les partis disent qu’ils veulent renforcer le maintien à domicile des aînés.
– Après une période d’austérité où le gouvernement a dégagé un surplus, ils vont baisser les impôts pour revenir en déficit et refaire d’autres coupures.
Maintenant que nous avons tracé un tableau de ce qui nous est offert par les différents partis, nous allons ouvrir la discussion au projet de société qui est porté par chacun des partis politiques. En lisant les différentes plateformes électorales, il apparaît évident qu’il n’y pas de partis d’extrême-droite au Québec comme c’est le cas au Brésil ou aux États-Unis par exemple. La tendance générale est quand même social démocrate. Personne ne propose la privatisation des services publics.
– Je pense qu’il ne faut pas voter uniquement à partir de la lecture du contenu des plateformes électorales. À mon avis, il faut se poser trois questions : 1) Premièrement, où sont situés dans la société ceux qui proposent une plateforme électorale ? Quelle classe sociale représentent-ils et qu’est-ce qu’ils ont dit avant la campagne électorale? 2) Ce qu’annonce leur plateforme est relativisé par ce qu’ils ont dit et fait avant. L’histoire du contrôle de l’immigration par exemple, ne relève pas de la juridiction des provinces. 3) Vers quelle direction ils nous projettent dans l’avenir ? Il y a des vieux partis et des nouveaux partis qui sont vieux en réalité, et nous sommes à la recherche de la nouvelle force qui porte un projet d’avenir qui mobilise la jeune génération. Alors ce sont toutes ces questions qu’il faut se poser à mon avis. On peut aussi observer comment un parti a évolué? Le Parti libéral a été dans les années 1960 le parti le plus social-démocrate au Québec. L’assurance-maladie et le système d’éducation que nous avons vient de lui. Le Parti québécois a toujours oscillé parce qu’il s’agit d’une coalition en fonction d’un projet d’indépendance. Maintenant, en raison de la montée en popularité de Québec solidaire, le Parti québécois a pris une plateforme de gauche. Ce sont toutes des choses qu’il faut peser quand on regarde où nous allons collectivement. Il faut lire entre les lignes de la plateforme, comme on le fait lorsqu’on reçoit un courriel suspect.
– Est-ce qu’il y a un parti qui propose d’aider les citoyens à incarner ce qu’ils souhaitent réaliser ? Nous avons l’assurance-maladie. Je veux dire que les citoyens ont délégué à l’État leur propre santé et ils ne s’en occupent plus. Même chose pour le soin des aînés, l’école, etc. Nulle part il n’y a de l’espace pour se demander si le citoyen en tant que personne a de l’aide pour l’aider à se prendre en charge dans une communauté politique. La politique c’est l’espace de chacun. Nous ne sommes pas interpellés là-dessus. Cela demeure une cause extérieure à soi. Aujourd’hui, nous devons incarner le changement énergétique et cela presse à part ça. L’État providence est le moins pire des systèmes, mais il nous rend dépendants. En santé par exemple, on soigne les symptômes de la maladie, mais la santé ce n’est pas cela, c’est la vitalité. Où est l’espace pour repenser la santé ? Qu’on soit de gauche ou de droite, à ce chapitre je ne sens pas qu’il y a de l’espace pour cela. La permaculture sociale c’est ça aussi. La santé c’est comme mon propre terrain dont je dois avoir soin. Il y a des écoquartiers, mais il n’y a pas d’écocommunautés. Il est temps que nous soyons à la hauteur de nos idéaux. Au-delà de l’élection d’un gouvernement pour quatre ans, il devrait y avoir des espaces pour réfléchir ensemble au genre de société que nous voulons incarner. En même temps, si un parti qui porte un projet de changement est élu, suis-je prêt à m’investir dans ce changement de culture ? C’est très demandant tout cela.
– Aussi, on demande sans cesse davantage d’argent à l’État pour payer nos mécanismes de compensation-consommation. Si nous étions plus en accord avec ce qu’est l’être humain, nous aurions moins besoin de compensation que nous payons à crédit par la consommation. La politique, c’est l’entièreté de mon être.
– La question de l’immigration, pour moi, cela définit grandement notre culture. C’est important qu’ils apprennent le français. Cela démontre leur soucis de s’intégrer à notre société. Souvent, parce qu’ils ne connaissent pas la langue, ils ont peu accès à des services. À quels points nos services doivent-ils être offerts dans les deux langues alors qu’il est très difficile d’être servi en français à l’extérieur du Québec ? Je pense qu’il faut augmenter la visibilité du français au Québec. Je pense que les immigrants qui ont réussi leur intégration pourrait nous dire comment cela à fonctionner pour eux et nous pourrions nous inspirer de leur exemple pour offrir des cours de francisation. Pour moi, le prochain gouvernement devrait s’occuper des questions d’immigration.
– Moi je pense que nous devrions augmenter l’offre de covoiturage partout au Québec. Cela éviterait les dépenses associées à la construction d’un troisième ponts à Québec. Le lien principal, c’est celui que deux personnes ou plus peuvent établir entre-elles lorsqu’elles partagent un même véhicule. Cela permettrait de désembouteiller les routes. Cela va aussi dans le sens d’une meilleure offre de transport en commun à Québec. Il faut remettre ensemble pour aller travailler et revenir comme on le faisait avant. Nous avons perdu cette qualité en devenant trop individualistes. Cela n’empêche pas d’avoir sa propre voiture, mais nous ne sommes pas obligés de l’utiliser tous les jours de la semaine. Juste faire cela en faisant appel au sens des responsabilités personnelles de chacun et chacune qui entre dans une optique de bien commun, la qualité de l’air en serait grandement améliorée. Si dans l’espace de cinq ans nous parvenions à utiliser deux fois moins souvent chaque voiture, cela paraîtrait tout de suite sur la qualité de l’air que nous respirons et sur notre santé générale. Il pourrait y avoir des incitatifs gouvernementaux comme le propose le Parti québécois par des rabais sur l’achat de l’essence par exemple.
– Moi, ce qui me frappe en périodes électorales, c’est qu’on ne voit jamais quelque chose en lien avec la réduction de la pauvreté. L’augmentation du salaire minimum c’est à peu près tout ce que j’ai entendu à ce sujet. On ne pense pas aux personnes les plus fragilisées de la société. Ça me dépasse. Comment cela se fait que les partis ne pensent pas à cela ? Qu’ils n’aient pas l’idée de s’occuper aussi des personnes en situation de pauvreté ? J’appartiens à cette société et je trouve dommage qu’on nous oublie.
– Moi je suis une personne handicapée et je suis d’accord avec le médecin à domicile, mais tout ce qui a rapport avec les causes sociales de la pauvreté et toutes les questions de vulnérabilité semblent passer dans le beurre. On peut aussi parler de santé mentale ou de handicap physique. Toutes les questions liés à la vulnérabilité semblent mises sous le tapis parce que ce n’est pas gagnant, parce que ce n’est pas un enjeu économique. On ne rapporte pas d’argent.
– En fait, c’est que chaque parti vise à rejoindre un segment de la population qui va aller voter pour lui et il est vrai que les personnes en situation de pauvreté semblent moins visées que d’autres.
– C’est vrai que ce n’est pas mis au premier plan. Le Collectif pour un Québec sans pauvreté a sur son site internet des comparaisons entre les programmes des partis politiques en ce qui a trait à la lutte à la pauvreté. Chez les trois partis de l’opposition, il y a une forte critique par rapport aux actions du Parti libéral du Québec de ne pas avoir eu d’ouverture pour les gens vivant avec des contraintes dites sévères à l’aide sociale. Le gouvernement libéral a choisi une approche répressive envers les autres personnes recevant des prestations de la sécurité du revenu en prenant pour acquis qu’elles sont vraiment aptes au travail.
– Par rapport à l’immigration, avec un peu d’humour, comme je n’ai pas les moyens de voyager, c’est le fun qu’il y ait des immigrants qui me fassent connaître différentes cultures. C’est économique et écologique.
– Peut-être que les liens de confiance ont changé parce que la société a changé ?
– Dans les débats électoraux, quelqu’un disait : « Nous sommes tous et toute pour la vertu, mais ce qui nous différencie entre partis, ce sont les montants que nous sommes prêts à mettre pour cela et est-ce que nous avons l’intention de préserver les structures sociales qui garantissent la réalisation de ces promesses ? » Cette personne soulevait souvent les contradictions d’un parti qui promettait bien des choses aux aînés tout en affirmant vouloir réduire de 5 000 postes la fonction publique nécessaire à l’offre de service. Cela va devenir impossible à réaliser. Je pense que c’est un principe important. Il faut voir qu’elles sont les racines, la structure de base, d’un parti qui nous promet telle ou telle chose sur sa plateforme électorale. C’est vrai que dans la société, il y a un problème de méfiance entre les gens. Un parti peut bien avoir le projet le plus axé vers le bien commun, mais comment cela sera-t-il applicable si les gens se méfient les uns des autres ? À la base, si l’on veut pouvoir réaliser ses promesses, il faut savoir sur quelle constitution on se base. Est-ce que les règles de base ont été décidées par les citoyens ? Cela favorise la réalisation de certaines promesses. Certains partis vont dans le sens de proposer de réaliser une constituante. Cela m’apparaît très valable.
– C’est quoi une constituante ?
– Ce sont des personnes issues de la société civile qui réfléchissent ensemble à la constitution qu’on veut se donner. Ce sont les citoyens et les citoyennes qui établissent ensemble les règles de fonctionnement qui vont prévaloir dans la société. Quelles sont les règles qui vont nous guidées ? Le groupe de citoyens peut être tiré au sort pour être plus représentatif. La proposition de constitution qu’ils vont réaliser ensemble sera ensuite soumise au peuple par référendum.
– Est-ce qu’il y a des pays où les gens ont mis le gouvernement dehors pour instaurer une constituante?
– L’Island et la Tunisie.
– La Révolution française, ce n’était pas ça ?
– J’ai été interpellé par les questions de la pauvreté et du handicap qui ne ressortent pas assez clairement dans les plateformes. Ce que disent les partis lorsqu’ils font campagne, ça ne ressort pas, alors qu’au début du siècle, tous les pays du monde, y compris le Canada, se sont mis d’accord pour travailler ensemble dans une même direction pour réaliser 17 objectifs qu’on appelle les ODD ou Objectifs de développement durables. Et le premier de ces objectifs est que d’ici à 2015, il n’y ait plus de pauvreté dans aucun pays du monde. Le premier ministre du Canada a signé cela. Les Nations Unies , partout dans le monde, cherchent à amener les gens à travailler dans cette direction. Je m’étonne qu’aucun parti n’y fasse référence. Je suis surpris que les ONG ne fassent pas davantage pression sur les gouvernements pour leur rappeler leurs engagements envers le développement durable. « Qu’est-ce que les gouvernements sont en train de faire pour éliminer la pauvreté dans nos pays et pour que plus personne n’ait faim ? Pour que les handicapés aient leur place, pour qu’on s’occupe des enfants qui ont faim, pour que toutes les questions d’inégalité de genre soient résolues? » Toutes ces questions sont inscrites dans les 17 objectifs de développement durable.
– Les médias ne reprennent pas souvent les revendications des groupes communautaires.
– Tu viens de toucher un point important. Nous sommes dans une campagne où il y a de la désinformation. On ne rapporte que des points isolés. Par exemple, le nombre d’immigrants accueillis au Québec à chaque année. Il manque une vision d’ensemble des sujets qui nous sont présentés. Cette question se rattache à quel programme ? À quelle philosophie ? À quelle économie ? On n’en parle pas. Si on parle d’éducation, on dit combien de plus on va payer les orthopédagogues par exemple. Ce n’est pas une vision de l’éducation qui nous est présentée. En fonction de quoi ? De quels objectifs ? De quel programme ? On parle des plateformes, mais on ne parle pas des programmes. Normalement, chaque parti doit avoir un programme. Par exemple, un programme devrait dire dans ses objectifs : Diminuer la pauvreté de la population. Alors si on parvient à réduire la pauvreté de la population, c’est en fonction du produit intérieur brut. Qu’est-ce que va faire le gouvernement pour avoir davantage de possibilités et réaliser une distribution de la richesse nationale? On n’en parle pas. Cela ressemble à une sorte de patchwork réalisé avec plein d’éléments disparates sans vision d’ensemble. On va patcher des problèmes, mais on ne va pas au fond de la question. Nous sommes responsables au premier chef parce que nous allons voter sans poser les véritables questions aux politiciens. Il faut interpeller les députés et les représentants des différents partis politiques. S’ils sont dans l’erreur comme M. Legault a commis une erreur sur la question de l’immigration, il faut le confronter pour le faire changer d’avis. Alors la militance citoyenne est vraiment importante avant, pendant et après, la campagne électorale. Il me semble qu’on devrait rediriger la campagne. C’est à nous de leur faire changer de cap.
– Puisqu’on parle de pauvreté, je voulais simplement faire remarquer que c’est ici qu’est née l’idée d’écrire une loi citoyenne pour l’élimination de la pauvreté. C’est aussi du CAPMO qu’est né le Collectif pour l’élimination de la pauvreté auquel nous contribuons toujours. Ça a toujours été une option fondamentale de notre organisme. C’est pour cela que nous avons eu l’idée de mettre sur pied un collectif pour un transport abordable et accessible à Québec. C’est notre contribution à l’élimination de la pauvreté.
– Vous soulevez le fait que les médias sont dans la lune pour ce qui est de considérer la question de la pauvreté. Dans une rencontre ultérieure, nous pourrions faire l’analyse critique de l’information qui nous est transmise. Parfois, on dirait qu’ils ne sont pas adéquatement renseignés ou encore qu’ils obéissent à des ordres pour aussi mal nous informer. Nous devrions débattre de cette question lors d’une autre soirée mensuelle.
– « Que ce soit comme pays ou individu, nous sommes dépendants de la vie de la planète dont la vitalité surpasse les frontières. De quelle façon entendez-vous prendre des décisions cohérentes, du plus local au plus global, assurant l’inversion du processus de détérioration de la planète ? Même s’il est peut-être trop tard, ferez-vous parti des personnes ayant collaboré au-delà de la moyenne à mettre l’humanité en péril ou de faire votre maximum pour faire de la planète un écosystème viable à long terme ? Comment comptez-vous traduire concrètement votre position ? Oserez-vous le faire publiquement afin d’inciter d’autres candidats à se positionner à leur tour ? » C’est message que j’ai envoyé à toutes les candidates de ma circonscription.
Après la pause…
– Quand j’étais adolescent, le vivre-ensemble, c’était nous-autres les Canadiens-français, les descendants des Français venus s’établir dans la vallée du Saint-Laurent au 17ème et au 18ème siècle. Il s’agissait de se serrer les coudes pour développer une conscience nationale pour nous tenir debout solidairement devant les Anglais. Mon père travaillait chez Signer. Cette compagnie appartenait à des Anglais, la convention collective était écrite en anglais et c’étaient des syndicats américains qui signaient la convention collective que la majorité des ouvriers ne pouvaient même pas lire. Aujourd’hui, la réalité a changé. Bien sûr il y avait les autochtones, mais on ne les voyait pas. Simplement parce qu’ils appartenaient à la juridiction fédérale. On connaissait l’existence de quelques réserves et c’était à peu près tout. Pour ce qui est des immigrants, ils étaient peu nombreux et ils s’intégraient facilement. Maintenant, le projet du Québec et le vivre-ensemble doit inclure les Premières Nations et les immigrants. Il va se passer un accroissement du nombre d’immigrants peu importe les nombres qu’ils nous disent actuellement. Très souvent, les politiques se font pour de mauvaises raisons. Actuellement, c’est la pénurie de main-d’œuvre et non l’humanisme qui va ouvrir les frontières du Québec. Le défi, ce n’est pas d’avoir des mécanismes coercitifs qui menacent les gens d’expulsion, mais des mécanismes d’accueil et d’intégration qui les dirigent vers les régions. J’ai un pied-à-terre à Montmagny et cela se lamente dans les entreprises à cause de la pénurie de main-d’œuvre. Ils font venir des immigrants de Montréal en autobus pour les convaincre de déménager à Montmagny pour venir travailler. Donc, le défi se pose et on a déjà fait beaucoup mieux. Vous vous souvenez des COFI, les Centres d’orientation et de formation des immigrants, et cela fonctionnait. Tout-à-coup le gouvernement a manqué de vision et il a fermé les COFI. On a alors perdu cette expertise que nous avions développée pendant plus de 30 ans. Alors le vivre-ensemble se pose de façon complexe et il faut éviter de faire comme en France et mettre les immigrants dans des quartiers à part de la population qu’ils ont appelé des cités où ils se sentent exclus et sont les proies faciles des discours extrémistes. C’est tout un défi que nous avons.
– Cela me rejoint ce que vous venez de dire. Moi, j’ai passé trois années de ma vie chez les Indiens dans le Nord comme enseignante à Manuwan et Obedjiwan. Je les connais et je sais comment cela fonctionne avec les autorités. J’habite à l’Ile d’Orléans et je vois les travailleurs agricoles qui arrivent dès 5 heure du matin et qui travaillent jusqu’à 6 heure le soir. Ce sont des Mexicains et ils sont très vaillants.
– Tu soulèves la question des travailleurs saisonniers agricoles. Pourquoi est-ce qu’on ne leur permet pas d’immigrer au Canada et de venir avec leur famille ?
– Cela se rattache à la question qu’Hortensia nous a lancé au début : « Pourquoi est-ce que vous voulez faire venir des immigrants ici ? » Il faut être critique par rapport à cela parce que pour plusieurs personnes immigrantes leur expérience d’immigration a été une désillusion. On leur a promis plein de choses et quand ils sont arrivés, ils ont découvert que leurs diplômes n’étaient pas reconnus. Si on se met à leur place, on comprend que plusieurs vivent des frustrations car ils ont l’impression d’avoir été trompés. J’ai l’impression parfois que l’expression main-d’œuvre signifie cheap labor, des gens qui vont être traités comme des citoyens de deuxième classe qui vont accepter des bas salaires et qui ne feront pas valoir leurs droits. Je ne dis pas cela pour en faire des victimes parce que je connais plein de personnes immigrées qui ont su se défendre et qui ont tenu leur bout.
– Mais de quel immigrant est-ce que nous parlons ? Nous avons vu M. Legault, un grand intellectuel qui ne connait rien à propos de l’immigration et qui souhaite écrire des lois sur l’immigration. C’est comme si quelqu’un s’improvisait oncologue sans connaitre le traitement du cancer. C’est horrible et c’est toute la question de la désinformation parce que les politiciens vont nous présenter cela comme quelque chose de très positif. « On s’intéresse aux immigrants. On va faire ceci et cela. » C’est selon moi de la fausse information si on ne sait pas qui sont les immigrants. Je suis immigrante et j’ai déjà travaillé dans les hôpitaux. J’ai eu des contacts avec certains patients d’origine latine qui arrivaient et qui étaient très mal organisés. Heureusement, j’ai pris l’initiative de leur servir d’interprète et on me demandait partout dans l’hôpital, mais je le faisais de bonne foi pour collaborer et par sensibilité, par solidarité aussi. Sans interprète, ces gens auraient eu plein de problèmes de santé parce qu’ils n’arrivaient pas à s’exprimer correctement ou parce qu’ils ne comprenaient pas les informations qui leur étaient transmises. Quand je disais : « De quel immigrant est-ce qu’on parle ? » Maintenant, on parle surtout de main-d’œuvre. Donc, c’est une nécessité du pays. Il y a moyen de marier cette nécessité avec les besoins des gens, même s’ils ne viennent que pour travailler pendant l’été. Comme vous disiez, certains viennent pendant plusieurs années et personne ne leur dit qu’ils pourraient immigrer au Canada avec tous les droits. Ils passent comme des ombres même s’ils contribuent à l’économie de pays. Ce qui me choque, c’est que des gens comme M. Legault n’a jamais entendu dire qui sont les immigrants. Il y a toutes sortes d’immigrants. Il y en a avec des problèmes économiques, d’autres avec des problèmes sociaux, il y a des réfugiés, il y a des immigrants qui viennent avec des diplômes parce qu’ils veulent changer de pays pour améliorer leur situation, mais ici aussi les conditions d’immigration ne sont pas les mêmes selon les régions du pays. Comment ça est-ce que ce n’est pas mieux organisé pour dire par exemple : À Montmagny il manque de chauffeurs d’autobus ? On pourrait sélectionner des gens parmi le groupe qui arrive et les entraîner. Bien sûr qu’il faut d’abord leur donner la base qui est la langue française. Il faudrait aussi leur donner une base de connaissance de la culture. Comment sont les Québécois ? Pourquoi réagissent-ils comme cela ? Il faut aussi préparer les Québécois à accueillir les immigrants. Cela prendrait un minimum d’orientation et de formation, une bonne dose de français et la bonne volonté d’intégrer ces gens-là. Je pense qu’on cherche à régler le problème des immigrants sans reconnaître que cela doit se faire des deux côtés. À une époque, il s’est fait un bon travail au niveau de la santé. Plusieurs universités dont celle de Sherbrooke, qui a formé tous les professionnels pour intervenir de la bonne façon dans les services sociaux et les hôpitaux. Ce simple changement d’offrir cette formation, cela a produit une grande transformation au niveau des interventions en santé. Parfois, ce n’est pas juste une question de soin, mais de compréhension parce que la personne ne sait pas ce qu’elle a. Comme ils ne parlent pas beaucoup français, on ne leur explique rien. Les gens se font opérer sans avoir les informations nécessaires pour la guérison et le rétablissement. Cela prend l’attitude de vouloir aider vraiment, sans oublier que c’est un investissement. Quand les gens sont bien accompagnés dans leur processus d’intégration, ils vont devenir des citoyens à part entière et ils vont travailler pour que la société se développe. C’est cela que les partis politiques ne disent pas. Il y a de nombreux professionnels qui ignorent complètement la question de l’immigration. La plupart du temps, on les ignore. Je pense que cela prend une double réflexion pour savoir qu’est-ce qu’on doit demander ? Comment on va aider et appuyer aussi ?
– Ce qui serait bien pour le bien commun ce serait d’avoir une ministre de l’immigration comme vous.
– Je voulais revenir sur la lecture des plateformes et aussi ce que j’observe à l’étranger, en Europe notamment. Pour ce qui est des partis populistes en général, je ne pense que nous ayons des partis aussi radicaux ici, comme le Front National en France. Comme caractéristique de ces partis, c’est qu’on cherche à apporter des réponses simples à des questions complexes. Alors que d’autres partis sont beige dans l’autre sens, c’est-à-dire que ce sont des technocrates qui prennent les populations de haut et les considèrent comme des ignorants. Ils se croient les seuls habilités à gérer les problèmes de la société. Je ne crois pas que cela soit la solution. Cette disqualification de la population crée énormément de ressentiment envers l’État. Parmi les partis en liste, je ne dirai pas lequel, il y en a qui semble sortir du lot, il semble être à l’écoute et le projet qu’il nous propose semble construit à partir des propositions citoyennes. Cela possède encore une grande part de rêve, mais en même temps, ils sont capables de poser de nouveaux paradigmes parce qu’ils échappent à la rationalité du monde des affaires et du mythe de la croissance perpétuelle dans un monde fini. Le fait de poser autrement les problèmes apporte une grande fraîcheur à leurs propositions. Ils portent aussi une certaine radicalité parce qu’ils sont capables de démonter le casse-tête du néolibéralisme. Ils nous disent que nous devons cesser de réfléchir sur l’unique base de l’argent. Il faut réapprendre à réfléchir en humanité, en relations sociales, en environnement, en mieux-être pour tous.
– L’une des difficultés en politique, c’est que les partis sont portés à voir la population comme à part d’eux-mêmes qui réfléchissent et agissent sur les problèmes économiques ou sociaux. Ce qui favorise cela, c’est que c’est conçu de façon à ce qu’il y ait peu de gens qui vont en politique. Il y a une sélection qui fait en sorte qu’il y a seulement une personne qui est choisie par parti et par circonscription. Quelle est la base de cette sélection ? C’est celle qui parvient à faire croire qu’elle est la meilleure candidate. Cela encourage à miser sur l’image des candidats, sur l’apparence. Après avoir réussi à occuper la place grâce à cela, il est difficile d’en sortir. Comment renoncer à ce qu’il l’a amené là ? Là où l’on peut avoir un pouvoir intéressant, c’est en devenant membre des partis. On peut être membre de plusieurs pour pouvoir les influencer en encourageant les élus qui sont demeurés à l’écoute en leur rappelant le point de vue des citoyens. Parfois les personnes en vue sont portés à percevoir les gens ordinaires comme des gens de rang inférieur. Par exemple, lorsqu’on sollicite des dons, est-ce que ce sont encore les personnes qui sont importantes ou bien est-ce de se retrouver au pouvoir ? Souvent, un parti qui est près de la victoire va descendre parce que les gens s’aperçoivent qu’il devient comme les autres partis lorsqu’il s’approche du pouvoir. Il ne faut pas dénigrer les partis politiques, mais contribuer à les améliorer en leur disant ce qui semble le mieux à nos yeux. Et malgré le fait qu’ils travaillent pour l’image, au départ, la volonté était sincère dans la plupart des cas. En disant ce qui me convient et ce que je recherche, quelles sont les valeurs que je veux privilégier, cela peut les aider à se rappeler pourquoi ils sont allés en politique. Au fond, on souhaite que les meilleures idées de n’importe quel parti fassent leur chemin. Ainsi mon vote demeure valide même si je n’ai pas voté pour le parti qui a gagné les élections.
– Ce serait bien d’avoir un mode de scrutin qui représente le bien commun et ne donne pas trop le pouvoir à un seul groupe.
– Trois des principaux partis ont signé une entente pour établir un mode de scrutin proportionnel.
– « Si on est déçu de nos politiciens, c’est qu’on leur a confié une trop grande part de notre destin. » Je trouve cette citation décapante pour l’esprit. Cela nous ramène à nos responsabilités plutôt que de vouloir les déléguer tout le temps. Si on espère mer et monde de nos politiciens, c’est inévitable que nous serons toujours déçus.
– Est-ce que nous avons les dirigeants que nous méritons ? N’avons-nous pas trop d’administrateurs et pas assez de penseurs ? Il faut qu’il y ait un équilibre entre les philosophes et les administrateurs. Nous devons travailler afin que les gens qui nous représentent fassent ce que nous attendons d’eux.
– Il y a aussi la maladie généralisée de l’hyper-contrôle qui finit par tuer la motivation, la créativité et l’esprit d’initiative. Cette volonté de tout vouloir contrôler en mesurant le temps de chaque geste posé, c’est complètement obsessif. Je regardais le documentaire de Michael Moore qui est allé en Finlande pour interroger les dirigeants du système d’éducation qui est le plus performant au monde. Moore demande au ministre de l’éducation quel est son secret ? Il répond: « Je fais confiance aux administrateurs des directions générales. » Moore demande à ceux-ci quel est leur secret ? Ils répondent: « Nous faisons confiance aux directeurs d’école. » Ils demandent à ces derniers quel est leur secret ? Ils répondent : « Nous faisons confiance aux enseignants. » Tout le système est construit sur la confiance plutôt que sur la méfiance induite par la manie de tout mesurer. Notre problème, c’est que nous partons du présupposé que tout le monde est malhonnête et paresseux, alors qu’un emploi qui a du sens se motive de lui-même.
– Est-il nécessaire que les politiciens fassent partie d’un parti politique ?
– La ligne de parti, c’est contre la démocratie selon moi. Cela empêche la représentation directe des électeurs d’une circonscription qui auraient une opinion différente de celle exprimée dans la ligne de parti parce que leur député est tenu à parler comme son gouvernement. Il serait intéressant de connaitre les raisons des gens politisés qui refusent de voter.
– Un parti politique, c’est une formation de citoyens qui choisissent de suivre une idée, un idéal, et qui élaborent un programme pour répondre aux besoins d’un groupe social. Évidemment, ils ne peuvent pas devenir les représentants d’une société par eux-mêmes. C’est là que nous avons besoin d’un processus électoral qui va évaluer les idéaux, les idées, les programmes, la philosophie de ce groupe qui prétend représenter la société. Sauf que lorsqu’on parle d’idéal, ou de philosophie ou de politique, c’est un groupe branché et cette branche ne correspond pas forcément à ce que souhaite l’ensemble de la population. C’est pourquoi il y a plusieurs partis, plusieurs projets, qui se forment dans la société et qui doivent, par procuration, se faire élire pour devenir les représentants de la société. Mais si vous gagnez, vous n’êtes pas seuls, il y a les partis d’opposition qui doivent faire contrepoids. Alors ce que nous appelons démocratie, c’est le rapport de forces en fonction des gouvernements et les partis vont discuter pour gouverner, légiférer, administrer et développer l’économie et les services à la population. Pour l’exercice du pouvoir, la démocratie est vraiment importante et les partis sont importants. Nous déléguons le pouvoir parce que nous ne pouvons pas tous être présents à l’Assemblée nationale. Nos représentants ce sont les députés. Je pense que les partis politiques répondent à un besoin d’organisation de la société civile et même à l’échelle des organisations sociales, nous déléguons notre représentation à quelqu’un qui parle et qui fait fonctionner le conseil d’administration de notre organisme. Je pense que la procuration que nous donnons à un parti pour qu’il gouverne, c’est vraiment important, mais il ne doit pas être seul. Il faut qu’il y ait un équilibre avec deux ou trois partis d’opposition.
– Moi je pense que les partis politiques sont un mal nécessaire comme le sont toutes les institutions. Les hôpitaux, les corporations professionnelles, les religions organisées, cela comporte toujours des limites et des tensions, parce que vivre en société c’est s’engager dans des processus qui sont collectifs. Le système permet des députés indépendants, mais lesquels réussissent à se faire élire comme indépendants ? Ce sont ceux qui à travers les moyens dont disposent les partis, les écoles de formation que sont les partis politiques, font carrière au sein d’un parti et lorsqu’ils ne sont plus d’accord, ils le quittent pour siéger comme indépendants. Mais quelqu’un qui décide de se présenter par lui-même, il n’est jamais élu parce qu’on ne sait pas qui c’est, on ne les connait pas. Qui va prendre le risque d’élire un inconnu ? Cela n’arrivent jamais, parce que les processus sont collectifs. Si un parti nouveau émerge, porteur avec passion d’un projet, porté par les jeunes comme un parti qu’on connaît, plus il va approcher du pouvoir, plus il va y avoir des opportunistes qui essaient de profiter de la crédibilité du parti pour réussir à réaliser un projet individuel de devenir des notables. Ceux qui sont chrétiens se souviennent de cette parole de l’évangile : « Les chefs des nations tiennent les gens sous leur domination et les grands les ont en leur pouvoir. » Jésus disait à ses disciples : « Si vous embarquez dans des responsabilités publiques, agissez comme des serviteurs. » Il y a des gens de conviction qui le font, mais à mesure qu’ils approchent du pouvoir, ils sont mêlés à d’autres qui sont là pour s’accomplir comme personne dans un trip de pouvoir. C’est la réalité humaine. C’est là-dedans qu’on vit en politique. Ce sont les règles du jeu. Moi j’étais meilleur comme idéologue que comme politicien. Je me suis déjà présenté une fois, mais je n’ai jamais été élu. J’ai eu 33% des votes contre un notable, j’étais content.
– Je veux vous remercier et rappeler le progrès qui s’est fait dans la société. L’une des chose que maman me rappelait, c’est comment c’était belliqueux autrefois. Elle ne voulait plus rien savoir de la politique parce qu’elle avait assisté à trop de chicanes de famille à cause de cela. Des voisins qui, en temps normal, étaient de bons voisins, pendant la période électorale, ils s’haïssaient et s’engueulaient. Elle a vu mon grand-père perdre son emploi parce qu’il avait dit pour qui est-ce qu’il votait. Le frère de l’autre qui votait de l’autre bord a embauché mon père le lendemain. Ma grand-mère vivait beaucoup d’insécurité avec douze enfants à nourrir. On a fait du chemin. Peu importe pour qui on vote, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de monde qui vont perdre leur emploi à cause de cela. On est capable de se parler. Il y a au moins ce progrès dans notre société qui fait qu’on peut s’exprimer.
– Moi je pense que nous n’avons pas besoin d’un parti, mais que nous avons besoin d’une structure politique. Le parti permet de faire croire que nous sommes en démocratie, tandis qu’une structure politique, si elle est convenue par tous les citoyens, peut être une vraie démocratie.
– La fonction d’un parti, c’est de diviser.
– Le parti, c’est cette structure dont parle André. Cela dépend comment les gens qui sont dedans la font fonctionner.
– Sauf erreur, il est écrit nulle part dans notre constitution que nous avons besoin de partis politiques. C’est vraiment par nécessité que cela s’est fait. C’est un mal nécessaire. Il y a la démocratie représentative qui consiste à voter à chaque quatre ans pour un tel ou un tel, mais il y a aussi la démocratie participative qui consiste à prendre position à tous les jours comme nous le faisons ce soir. Je nous félicite de faire de la démocratie participative même si on peut avoir des opinions divergentes, au moins on discute et c’est cela l’esprit de la démocratie.
Évaluation
– J’ai vraiment aimé la rencontre. Nous avons été en profondeur dans l’analyse des plateformes électorales. On s’est même posé des questions fondamentales sur la nature du bien commun et sur le fonctionnement de la politique et cela dans le respect de l’opinion de chacun. J’ai trouvé ça vraiment intéressant.
– Il y a eu plusieurs bonnes interventions. Notre soirée contribue à prévenir le cynisme vis-à-vis de la politique. Comme citoyen, il faut que nous ayons envie de vivre la politique à travers les structures qui existent même si elles ne sont pas parfaites. Ça fait du bien.
– Cela fait quelques années que je fréquente le CAPMO et j’aime beaucoup l’idée de la « coéducation » que nous sommes capables de nous donner. Pendant des années, je me suis abstenu de voter, pour toutes sortes de raisons, j’étais fier de le dire. Ce soir, j’ai entendu vos opinions et cela me donne une meilleure idée de ce qui risque de se produire au cours des prochaines élections.
– Moi aussi je suis contente de la soirée même si je n’ai pas tout compris. J’ai de la difficulté à suivre lorsqu’on passe du coq à l’âne. Nous sommes tous des leaders à quelque part. L’Assemblée nationale est sensée être la maison du peuple et on devrait être entendu lorsqu’on s’y présente pour faire entendre nos revendications auprès des décideurs politiques.
Ce sont les circonstances qui font qu’un leader se révèle.
– La politique est la meilleure façon d’organiser le consentement du peuple envers le régime économique que nous subissons. Pour moi, les vrais dirigeants, ce ne sont pas ceux que nous élisons, ce sont ceux qui sont à la tête des multinationales et de la Banque mondiale, etc. On parle des promesses en sachant très bien qu’ils ne vont pas les tenir. On a besoin que les partis servent les intérêts et les valeurs de la société civile dans son ensemble. C’est là-dessus qu’il faut travailler. C’est pourquoi j’aime beaucoup l’idée de structure et de constituante et du rôle du parti qui devrait être un mouvement pour organiser l’émancipation de l’ensemble de la population et l’inclusion aussi. Il y a de l’ouvrage en maudit. La démocratie cela soit doit s’exercer tous les jours, cela commence ici, dans les communautés de base et on doit contaminer la hiérarchie et le gouvernement par l’attitude démocratique. Il arrive que cela soit utile de voter, ne serait-ce que pour affirmer son opinion par rapport à certains enjeux.
– Je suis entièrement satisfait de l’animation de la soirée.
– C’était une belle initiative, je félicite CAPMO. Comme nous avons le droit de voter, nous devons le faire, mais nous devons réfléchir aussi avant.
– Je vous félicite. On ne participe pas souvent, mais on vous lit par contre. Cela fait du bien de se réunir pour parler de politique.
– J’ai aimé la soirée, mais je ne sais pas encore pour qui je vais voter.
– Pour moi, ce sont les grandes sociétés capitalistes qui dirigent le monde.
– Je suis très contente de ma soirée. Je ne pensais pas rester, mais je me suis laissée prendre au jeu. Je trouve cela tellement riche les échanges que nous avons ensemble, de revoir des gens que j’aime, d’apprendre à connaitre de nouvelles personnes que je commence déjà à aimer, et d’échanger dans le respect, d’apprendre les uns et des autres. Merci encore.
– J’ai beaucoup aimé les échanges. Je m’interroge sur notre propre politique interne et le pouvoir que nous avons de se changer soi-même à l’aulne de tout ça. « Aussi large le dos, aussi large la face dans notre vouloir. »
– C’est la première fois que je viens et j’ai beaucoup aimé cette soirée. Moi aussi je pense qu’il y a plus puissant au-dessus de nous. Je trouve important qu’on se réunisse comme ça pour se sensibiliser. Il devrait y avoir beaucoup plus de cercles comme celui-là parce qu’il y a énormément de monde qui n’ont aucune idée de ce qu’est la politique. Être ensemble aussi, c’est important de se rassembler pour lutter.
– J’ai vraiment aimé ma soirée et je vous remercie pour tous les partages. J’ai trouvé cela rafraîchissant dans le ton. Je me posais des questions avant de venir. Je me demandais si cela être des questionnements, etc. C’est vraiment quelque chose qui venait du cœur. C’est important d’avoir ce genre d’échange avant d’aller voter.
– À un moment donné au cours de la discussion, cela m’a rappeler une rencontre que nous avons eue avec Michel Chartrand quand je travaillais au Centre Louis-Joliette. Il était venu à la cafétéria et les étudiants étaient là. J’aimais tellement la liberté de cet homme. Il avait dit : « Savez-vous pourquoi les politiciens s’occupent pas des pauvres ? C’est parce que les pauvres ne votent pas. » Je trouve très précieux des rencontres comme celle-ci parce qu’au-delà de l’intérêt que j’ai pour la politique, ce qui me préoccupe, c’est de m’extirper de l’individualisme et du chacun pour soi dans lequel le capitalisme et la loi du marché nous ont entraînés. Je pense que cet individualisme et sans doute pour beaucoup dans le fait que les gens se désintéressent de la chose publique, qu’ils ont l’impression que cela ne donne rien n’y ne mène nulle part. Il faut travailler pour que de plus en plus de gens aient le goût de reprendre leur place et leur pouvoir dans leur milieu de vie et dans la société. En ce sens, une rencontre comme ce soir, c’est « jouissif ».
– La politique est le seul instrument dont on dispose pour organiser la vie en commun. Nous sommes d’origines diverses et variées et déjà au sein d’une même famille ce n’est pas facile de s’entendre. Quand on sort du village et qu’on se retrouve dans le grand pays, la politique est nécessaire pour organiser ce vivre-ensemble. Aujourd’hui, le vivre-ensemble, on ne peut même plus l’organiser au niveau d’un seul pays. Observer les divergences dans la façon de diriger le pays entre les provinces au sein du Canada. De même, entre les nations. Les gestes que le gouvernement américain posent affectent le Québec sans que nous ayons aucun moyen d’intervenir là-dessus. Le vivre-ensemble, il faut l’organiser aujourd’hui à l’échelle internationale. C’est ce qui m’a amené à vous parler des Nations Unies qui sont l’instrument qui essaie d’organiser ce vivre-ensemble. Je vous ai parlé des Objectifs du développement durable que les Nations unies ont adoptés et dont elles veulent qu’ils deviennent les normes suivant lesquelles la communauté internationale s’organise et se développe. Je pense que cela gagnerait à être connu et à être diffusé surtout au niveau de la société civile pour qu’elle interpelle les gouvernements (voir Ça roule au CAPMO du mois d’octobre 2018).
– Nous vivons dans une société de surconsommation et on veut nous vendre des trucs. On peut toujours rester digne et la politique doit se faire en ce sens. Soljenitsyne avait été condamné au goulag en Union Soviétique. Cet exil intérieur consistait à soumettre le corps et l’esprit en appliquant des règlements absurdes aux détenus qui devaient s’y conformer sans se plaindre. Il racontait qu’il réussit à préserver sa dignité d’être humain par le travail bien fait parce que cela avait un sens pour lui. Ainsi, lorsqu’on lui faisait creuser une tombe pour un camarade mort, il le faisait de son mieux. Je vous encourage à rester digne en faisant toujours de votre mieux.
Notes transcrites par Yves Carrier