#286 – Haïti et l’indépendance de l’Amérique latine
Ma présentation s’inspire d’une conférence que j’ai prononcée, il y a quelques années, à la CASA latino-américaine de Québec, et d’un article qui m’avait été demandé par MondoKarnaval en 2016, alors que j’étais président d’honneur de cet organisme. On sait quels liens unissent le Québec et l’Amérique latine depuis plusieurs décennies. La première délégation du Québec en Amérique latine fut créée à Caracas en 1979. Son Délégué général n’était autre que M. CHRISTIAN LATORTUE, d’origine haïtienne. Voici donc un beau clin d’œil à l’histoire, quand on sait quels liens unissent Haïti et le Venezuela depuis le premier séjour de SIMON BOLÍVAR en Haïti à la fin de l’année 1815. J’y reviendrai un peu plus loin.
La conférence à laquelle j’ai fait allusion avait un but clairement défini par les responsables de la CASA : il ne s’agissait pas d’annoncer ou de démontrer, mais de rappeler qu’Haïti fait bel et bien partie de l’Amérique latine en raison d’une étroite parenté d’ordre socio-historique, culturel et politique. N’en déplaise à ceux qui tentent de l’en exclure. Voici donc ce que je vous propose ce soir : nous commencerons par examiner de près cette notion d’Amérique latine, puis nous ferons un survol rapide de l’Amérique précolombienne avant de nous attarder un peu plus sur la période révolutionnaire haïtienne et ses répercussions directes, dont l’indépendance de l’Amérique latine.
LA NOTION D’AMÉRIQUE LATINE
Le très regretté professeur MAXIMILIEN LAROCHE s’était intéressé à la question, remontant aux origines de cette dénomination qui date du milieu du XIXe siècle, plus précisément à l’expédition du Mexique (1862-1867), Napoléon III espérant pouvoir profiter de la Guerre de Sécession américaine pour établir un empire catholique et réaffirmer la présence latine (c’est-à-dire, d’abord française) sur le continent.
Ce terme n’a jamais été revendiqué par les Latino-Américains eux-mêmes avant le milieu du XXe siècle, période à partir de laquelle il leur a permis de se définir en opposition à l’Amérique anglo-saxonne (surtout les États-Unis). » Tiré de : GEORGES COUFFIGNAL et coll., L’Amérique latine. Tournant de siècle, Paris, La Découverte. 1997.) À cela, on apportera la nuance suivante : cette idée d’union visant à faire contrepoids à la puissance croissante des États-Unis remonte à BOLÍVAR qui, malgré l’admiration qu’il professait pour les États-Unis, s’en méfiait. À juste titre, d’ailleurs, puisque c’est à Washington que son projet d’alliance continentale a trouvé le plus de détracteurs, ce qui explique en partie l’échec essuyé par le Libertador au congrès de Panamá 1826.
Nota. – Paradoxalement, ce sont les Américains qui reprendront son projet, mutatis mutandis, en mettant sur pied, à la fin du XIXe siècle un Bureau commercial des républiques américaines qui préfigurait en quelque sorte l’actuel ALENA.
L’idée refait surface au début du vingtième siècle avec l’Uruguayen JOSÉ ENRIQUE RODÓ (1871-1917), en l’occurrence son « essai sur les fondements naturels de la démocratie », Ariel (1900). L’écrivain constate et déplore chez ses contemporains une fascination croissante pour les États du Nord (cf. le film El Norte, de GREGORY NAVA, 1983) et, conséquemment, une dangereuse « dé-latinisation » qui risque de donner prise à la grande puissance du Nord. Plus pragmatique, et jouant la double carte économique et culturelle, l’Argentin Manuel Ugarte (1875-1951) prêche l’union de tous ces États voisins en une « grande patrie » capable de faire échec à l’expansionnisme étatsunien encore fortement inspiré par la doctrine de Monroe(1823). La notion d’Amérique latine relativement large, allait finir par s’imposer au détriment de son concurrent le plus immédiat, l’hispano-américanisme, qui, de par sa formulation, risquait d’exclure un partenaire important, à savoir le Brésil (que certains ont longtemps appelé l’« Amérique portugaise »).
Je dis de cette notion qu’elle est «relativement large» en ce sens que les peuples autochtones ne s’y reconnaissent pas. C’est notamment ce que nous a rappelé l’intervention passionnée de IVAN IGNACIO au cours d’une table ronde qui eut lieu à l’Université Laval en 2003, lors de la première Quinzaine latino-américaine de Québec. La position de INTISUNQU WAMAN, auteur de Tradición y modernidad : una perspectiva amerindia, allait dans le même sens, quoique plus nuancée en raison du dilemme posée par la situation des métis. C’est là un débat qui reste ouvert, mais qui dépasse le cadre de ma présentation. J’y fais ici allusion seulement parce qu’il est, comme on dit de plus en plus, incontournable. La question identitaire reste donc posée, ce qu’exprime, sur un plan plus général, le professeur MAXIMILIEN LAROCHE dans sa Dialectique de l’américanité :
« Il reste à l’homme américain à se découvrir lui-même. Et il semble bien que, pour plusieurs, ce soit une « terra incognita » plus difficile à atteindre que les Indes mythiques que cherchaient les navigateurs d’antan. »
En qualifiant de manière « culturelle » un territoire, on atténue quelque peu les résonances géographiques pour mettre l’accent sur les particularités communes aux différentes régions de ce territoire. Du Mexique à la Terre de Feu : ainsi délimite-ton officiellement l’Amérique latine, incluant explicitement une partie de l’Amérique du Nord. Les particularités communes sont d’ordre socioculturel, on voudra bien l’admettre : la mainmise européenne, l’évolution historique, les langues latines et, dans un passé beaucoup plus lointain, quelque 2 000 langues autochtones (ce nombre ne tenant pas compte des dialectes).
L’AMÉRIQUE PRÉCOLOMBIENNE
Sur tout le territoire qui s’étend aujourd’hui du Mexique à la Terre de Feu, on parlait, avant l’arrivée de CHRISTOPHE COLOMB en Amérique, environ 1 700 langues. Si certaines d’entre elles se trouvaient limitées en termes de diffusion (p. ex. le sabela en Équateur, le tuyuneru au Pérou, le yuracare en Bolivie ), d’autres couvraient de très grandes étendues. Dans ce dernier cas, nous retiendrons surtout trois phylums, ou souches primitives, soit :
a) l’Azteco-tanoan regroupant 84 langues, dont l’aztèque et le maya;
b) l’Arawakan regroupant 172 langues, dont le taino, l’arawak et le chamicura;
c) le Tupi-guarani regroupant108 langues.
Rien qu’avec ces 364 langues (84 + 172 + 108), nous pouvons dresser une carte linguistique s’étendant du Yucatán à l’Argentine, et il conviendrait d’y inclure le groupe caraïbe qui concerne particulièrement l’Amérique centrale. (terminologie hispano-anglaise; cf. classification de NORMAN MAC QUOWN et JOSEPH GREENBERG, 1955).
Ce qui nous intéresse surtout ici, c’est de rappeler des parentés linguistiques qui, tout en favorisant les échanges, attestent des alliances, des filiations de toutes sortes et des unions conclues entre les populations concernées – au-delà des conflits qui, par exemple, opposaient régulièrement Arawaks et Caraïbes. On retrouve la langue arawak en Colombie, à Cuba, en Guyane, au Brésil, au Venezuela, au Paraguay et, bien sûr, dans l’île qui, à l’arrivée de CHRISTOPHE COLOMB, porte le nom de Ayiti, Boyo ou Kiskeya (terre montagneuse) en langue arawak-taïno. Le navigateur la renommera Española (en français, Hispaniola) et en fera l’une des premières colonies espagnoles.
DE L’ÈRE COLONIALE À L’INDÉPENDANCE D’HAÏTI
Débarquant dans l’île le 6 décembre 1492, CHRISTOPHE COLOMB y trouve un peuple pacifique qui lui offrit spontanément l’hospitalité. Ce peuple, bientôt asservi au travail forcé dans les mines d’or et les plantations, et de plus affaibli par les maladies vénériennes apportées par les Espagnols, allait finir par disparaître. Pour suppléer à la main-d’œuvre de plus en plus déficiente, les colons Espagnols songèrent à faire venir des Noirs d’Afrique – ce qu’on a appelé la «traite des Nègres». Qu’on me permette cette citation de ROBERTO WILSON : « L’Esclavage des Africains n’était pas une idée nouvelle. Le Portugal le pratiquait dans ses colonies et l’Espagne, sous la domination des Maures, en avait fait autant. Charles-Quint permit donc l’envoi d’esclaves nègres à Hispaniola en 1503, sous le gouverneur Nicolas de Ovando, mais la traite fut suspendue quelques années après, les Espagnols accusant les Noirs de pervertir les Indiens et de les inciter à la révolte. Le trafic infâme reprit en 1517, à la suite de la suggestion du moine dominicain Las Casas qui mérita le titre de Protecteur des Indiens. » (op. cit., p. 295-296.)
« 1586. L’esclavage perdure à Hispaniola et des aventuriers Anglais et Français de tout acabit, pirates, corsaires et flibustiers écument la mer des Antilles. L’Anglais FRANCIS DRAKE (futur amiral) rançonne les Espagnols et bombarde la ville de Santo-Domingo. La situation se calme un peu vers 1625. Des boucaniers français s’établirent sur la petite île de la Tortue et, au fil des ans, se répandirent dans la partie occidentale d’Hispaniola et rebaptisèrent leur nouvelle colonie Saint-Domingue. C’est là qu’ils fondèrent Port-au-Prince, dans le golfe de la Gonâve, en 1649. En 1697, par le traité de Ryswick, l’Espagne cède officiellement à la France la partie occidentale de l’île. De 1750 à 1789, nous dit WILSON, Saint-Domingue reçut jusqu’à trente mille Noirs par an et, à cette époque, la valeur des exportations de cette colonie française dépassait celle des États-Unis!
De fréquentes insurrections marquèrent la période coloniale, mais on peut dire que c’est à partir du 14 août 1791 que la révolte prit un tournant décisif avec ce qu’on appelle la cérémonie du Bois-Caïman, une cérémonie nocturne présidée par un houngan (prêtre vaudou) d’origine jamaïquaine : BOUKMAN. En buvant le sang encore fumant d’un cochon qu’on vient d’égorger, tous les esclaves jurent de suivre les ordres de Boukman. Dans la nuit du 22 août 1791 éclate l’insurrection des esclaves du Nord. Puis ce furent celles de l’Ouest et du Sud. Voici ce qu’en dit Dorsainville, dans son Histoire d’Haïti : «Tout Saint-Domingue était à feu et à sang quand la première Commission civile, chargée de rétablir la paix à tout prix, débarqua au Cap (dans le Nord du pays) à la fin de novembre 1791.» On situe à cette époque (novembre 1791) la participation active d’une figure marquante de notre Indépendance : FRANÇOIS DOMINIQUE TOUSSAINT, surnommé TOUSSAINT LOUVERTURE en raison de son habileté à ouvrir les rangs de l’ennemi. Attiré dans un piège par le général français LECLERC qui avait pourtant signé avec lui une trêve, arrêté, déporté, emprisonné au fort de Joux, dans le Jura, et volontairement oublié au fond de son cachot, il mourut de froid et de faim le 7 avril 1803. Depuis de nombreuses années, un peu partout dans le monde on lui rend hommage d’une façon ou d’une autre. C’est à lui que fait allusion Kunta Kinte dans le roman Roots (Racines) d’ALEX HALEY. Dans les environs de Paris, entre autres, des lycées et des gymnases portent son nom. En septembre dernier, la 54e Rue, en plein coeur de Miami, fut rebaptisée boulevard Toussaint-Louverture.
Pour souligner en 2004 le deux-centième anniversaire de l’Indépendance haïtienne, la Société Saint-Jean-Baptise et l’association Présence à partager ont demandé au maire GÉRALD TREMBLAY de nommer un parc ou une rue en l’honneur de ce héros. Cela fut fait en 2006. L’an dernier, lors des cérémonies du 375e anniversaire de Montréal, la communauté haïtienne offrit à la ville un buste en bronze, grandeur nature, de TOUSSAINT LOUVERTURE. De son côté, la communauté haïtienne de Québec en fit de même : une statue en bronze de 2,10 mètres réalisée par ANIOCLÈS GRÉGOIRE. Elle trône depuis le 8 septembre 2010 au parc de l’Amérique-latine. Il y a quelques années, une rue de Sainte-Foy, perpendiculaire à la route de l’Église portait le nom de «rue Louverture». J’ai remarqué, depuis environ trois ans, qu’elle porte maintenant le nom de «rue Toussaint-Dussault» (avec un trait d’union).
À bord du vaisseau qui l’emmenait en France, TOUSSAINT prédit que le tronc de la liberté des Noirs repousserait par ses racines profondes et nombreuses. Cinq mois plus tard, soit le 18 novembre 1803, sa prédiction se réalisait : les armées françaises furent définitivement battues à Vertières et l’Indépendance proclamée le 1er Janvier 1804, l’île retrouvant dès lors son nom arawak : Haïti. Pour citer encore une fois ROBERTO WILSON : «Ces racines profondes et nombreuses dont parlait TOUSSAINT LOUVERTURE se manifestèrent en la personne du général ALEXANDRE PÉTION et celle du général JEAN-JACQUES DESSALINES… couronné empereur d’Haïti le 6 octobre 1804.» Quelques années auparavant, soit en juillet 1795, l’Espagne avait cédé la partie orientale à la France (traité de Bâle, 1795), et quelques Français s’y trouvaient encore réfugiés au moment de l’Indépendance proclamée dans la partie occidentale. DESSALINES investit Santo Domingo, mais dut regagner Port-au-Prince menacée par une flotte française. Deux ans plus tard, il périssait dans une embuscade tendue par ses rivaux politiques. Ses héritiers politiques, ALEXANDRE PÉTION et HENRI CHRISTOPHE, ne parvenant pas à s’entendre sur le partage des pouvoirs, CHRISTOPHE se réfugia au Cap-Haïtien et y organisa l’État du Nord, tandis que PÉTION était élu président de ce qui restait du schisme, à savoir l’État du Sud. HENRI CHRISTOPHE, qui s’était proclamé roi sous le nom de HENRI 1er, se suicida le 8 octobre 1820. On lui doit l’imposante citadelle Laferrière et le palais de Sans Souci.
RÉPERCUSSIONS ET FILIATIONS DE LA RÉVOLUTION HAÏTIENNE
ALEXANDRE PÉTION assura la présidence de la République pendant trois mandats, soit du 9 mars 1807 au 29 mars 1818. C’est au cours de son règne et grâce à son intervention directe qu’allait se dessiner l’avenir des principaux États constituant de nos jours l’Amérique latine. Le drapeau vénézuélien fut créé en Haïti, précisément dans la ville de Jacmel (sud-est de l’île).
Le 19 décembre 1815, ALEXANDRE PÉTION reçut une lettre de SIMON BOLÍVAR alors exilé à la Jamaïque. Certains auteurs laissent entendre que l’Angleterre, par exemple, est venue en aide à BOLÍVAR. Voici ce qu’écrit lui-même le Libertador à ce sujet : « Nous fûmes abandonnés par le monde entier : aucune nation étrangère ne nous a guidés ou défendus en nous donnant des armes… Tous les recours militaires et politiques qui nous furent refusés ont été accordés avec profusion à nos ennemis. » Cette lettre a été reproduite en entier dans le livre Pétion y Bolívar de l’historien PAUL VERNA (rapporté par R. WILSON, p. 308).
En désespoir de cause, BOLÍVAR se tourne donc vers la jeune république noire qui avait proclamé son indépendance onze ans plus tôt. Non pas par hasard : plusieurs familles fuyant le Venezuela et la Nouvelle-Grenade avaient déjà trouvé refuge en Haïti. Par la suite, quatre cents autres réfugiés, en provenance de Carthagène, devaient débarquer aux Cayes, dans le sud, au début de l’année suivante (1816). SIMON BOLÍVAR avait été mis au courant de l’accueil chaleureux et de l’aide financière dont ces familles avaient spontanément bénéficié. Bien avant, c’est-à-dire en 1806, FRANCISCO MIRANDA avait vécu à Jacmel après avoir séjourné en Europe, aux États-Unis et à Trinidad. C’est à Jacmel qu’il avait conçu le drapeau qui devint celui de la Grande-Colombie et dont allaient naître, entre autres, ceux du Pérou et de la Bolivie.
SIMON BOLÍVAR mit pied sur le sol haïtien le 24 décembre 1815. Une importante délégation l’attendait, composée de dignitaires, de notables, en plus des réfugiés sympathiques à sa cause et dirigés par le colonel DURÁN exilé de la Nouvelle-Grenade. C’est le 31 décembre que SIMON BOLÍVAR se rend dans la capitale haïtienne, Port-au-Prince, pour y rencontrer le président ALEXANDRE PÉTION. Plusieurs réfugiés vénézuéliens résidaient déjà à Port-au-Prince, notamment la famille SOUBLETTE dont un membre, le général CARLOS SOUBLETTE, sera élu président du Venezuela (1843-1847). Mais revenons à la première rencontre de nos deux personnages, PÉTION et BOLÍVAR. Elle a lieu à l’Hôtel du Gouvernement, le 2 Janvier 1816, le lendemain de l’anniversaire de l’Indépendance d’Haïti. Leur conversation porte d’abord sur divers sujets, la peinture et les grands hommes de l’Antiquité, avant d’en arriver à l’essentiel : l’aide que vient chercher le futur Libertador auprès de PÉTION. Mis au courant de la situation, le premier geste de Pétion sera de suspendre toutes ses relations commerciales, pourtant lucratives, avec Carthagène qui venait de tomber aux mains des forces royalistes de Pablo Morillo. Cela se passe à un moment où aucun pays ne veut encore reconnaître l’Indépendance d’Haïti, surtout pas les États-Unis, où sévissait l’esclavage (aboli en 1865). Suivirent d’autres décisions du président ALEXANDRE PÉTION. C’est ainsi que Bolívar put lever une expédition navale grâce à un don d’armes et de munitions suffisant pour équiper 6 000 hommes, plus un bataillon d’environ 300 soldats. Deux fois vaincu, mais toujours déterminé, BOLÍVAR reviendra en Haïti, s’excusant encore de venir frapper à la même porte. Mais c’était la seule qu’on lui ouvrait volontiers. À sa troisième visite, un peu ébranlé par ses échecs, il reçut ce mot d’encouragement de PÉTION : « Si la fortune vous a abandonné par deux fois, qui sait si elle ne vous sera pas favorable la troisième fois?… Pour ma part j’en ai le pressentiment…» (rapporté par WILSON.)
Ainsi commence, en cette année 1816, la série de victoires que l’on sait, de la prise de Margarita (au mois de mai), encore commandée par MORILLO, jusqu’à l’annexion de la Nouvelle-Grenade au Venezuela sous le nom de Grande-Colombie (1819). Dans Haïti, première république noire du Nouveau-Monde, l’historien RAYMOND A. MOÏSE rapporte ce bout de dialogue qu’on retrouve aussi dans plusieurs sources et dans plusieurs sites Internet consacrés au sujet :
– Dois-je faire savoir à la postérité que vous êtes le libérateur de ma patrie? demande Bolívar.
– Non, répond Pétion. Promettez-moi seulement d’abolir l’esclavage partout où vous aurez triomphé.
Le Libertador en fit la promesse et tint parole. Jusqu’à la fin de sa vie, il portera fièrement l’épée que lui avait offerte ALEXANDRE PÉTION et un médaillon à l’effigie d’un autre grand homme qu’il admirait : GEORGE WASHINGTON. Un établissement d’enseignement porte, en Haïti, le nom de SIMON BOLÍVAR, et une statue d’ALEXANDRE PÉTION rappelle, à Caracas, notre participation à l’Indépendance de l’Amérique latine.
CONCLUSION
Ma conclusion sera double. J’ai d’abord voulu montrer quels liens culturels et sociaux unissent, depuis l’époque précolombienne, différentes régions de cette partie de l’Amérique entre lesquelles il y avait une communauté d’intérêts, commerciaux ou autres. Cela n’aurait sans doute pas tiré à conséquence s’il ne s’y était ajouté une évolution historique semblable qui, on s’en doute, n’a pu que consolider ces rapports sur le plan de l’amitié et de la fraternité. Il y avait, là aussi, une communauté : celles des causes à défendre, c’est-à-dire celles de la justice et de la liberté. Avec les années qui ont suivi l’Indépendance d’Haïti, puis celles des autres États d’Amérique latine, ces rapports n’ont pas cessé de se développer, au-delà des différences, sur divers plans : culturel en général, linguistique, littéraire, musical, etc. On ne s’étonne plus, dès lors, qu’en cas de besoin, les premiers pays à se porter à la défense d’Haïti soient d’Amérique latine, et je pense particulièrement au Venezuela et à Cuba. Dans cette partie du monde, la reconnaissance est souvent une sorte de vocation. Un autre exemple : chaque année, à Miami, les Colombiens, en fêtant l’Indépendance de leurs pays, honorent conjointement la mémoire d’ALEXANDRE PÉTION et de SIMON BOLÍVAR.
Pour mémoire, je rappellerai que, lors de la fondation de l’OEA, en 1945, le seul pays membre parlant français était Haïti. Le Canada n’est entré dans l’Organisation que le 13 novembre 1989. Le français a été retenu comme langue officielle. Pour Haïti, un tout petit pays qui n’avait ni l’importance économique ni le poids démographique du Brésil. Le geste a son importance. La seconde partie de ma conclusion me jette carrément hors de mon sujet. Vous m’en excuserez. Plusieurs faits d’importance concernant les années qui ont suivi l’Indépendance d’Haïti semblent faire l’objet d’un tabou dans la presse étrangère. L’écrivain JEAN MÉTELLUS, auteur notamment d’un ouvrage sur Toussaint Louverture (Hatier International, 2003) et du roman Les Cacos (Gallimard, 1989), résume cela en quelques mots : « […] le pays est entré dans l’histoire enchaîné. Indépendant mais enchaîné. » Dès qu’il est question de la situation économique du pays, la presse officielle en profite pour évoquer la corruption. Non. Dans ce domaine, tout au moins, nos gouvernements ne sont pas des pionniers et pas toujours les champions. Elle existe aussi chez nous, certes, mais elle n’explique pas tout. Voici ce qu’en dit JEAN MÉTELLUS au cours d’une entrevue qu’il a accordée au professeur JEAN-MARIE SALIEN, de Fort Hays University :
« […] quand Bolivar a voulu fêter l’indépendance des États de l’Amérique latine, c’était en 1825, il a invité Haïti. Mais les Américains ont dit : «Si jamais Haïti vient à cette réunion-là, nous ne serons pas là.» C’est-à-dire que le pays est indépendant, mais son indépendance est contestée. En sorte qu’ Haïti est entrée dans l’histoire enchaînée, et entourée de puissances tout à fait hostiles à cette indépendance… Haïti a inauguré l’indépendance du Tiers-Monde… c’est le premier état noir du monde… C’est le premier… Et ce caractère de pionnier qu’on lui conteste, il est en train de le payer. Il y a un autre élément qui a traversé tout le dix-neuvième siècle en Haïti. Durant tout le dix-neuvième siècle, il y a ce que [Leslie] Manigat appelle l’industrie des réclamations étrangères: des commerçants de nationalité étrangère faisaient intervenir à la moindre occasion les forces navales de leur pays avec des demandes et des menaces sur le palais national et Haïti était dans l’obligation de payer. Il y a eu plusieurs affaires de ce genre. Vous connaissez l’Affaire Luders. Les indemnités que nous avons payées nous ont ruinés complètement. Durant tout le dix-neuvième siècle, Haïti a versé de l’argent à l’Allemagne, à la France, à l’Angleterre, aux États-Unis. C’est comme casser la jambe à quelqu’un et lui reprocher ensuite de boiter! S’il y a corruption et mauvaise foi, où est-elle vraiment ?
Je vous remercie de votre attention.
Alix Renaud
Échanges avec le public
Monsieur Trump a dit quelque chose des pays africains. Le maire de Chicago lui a donné une très belle réplique en lui rappelant toute la participation des Haïtiens à la société américaine. Il a même rappelé un événement que de nombreux Haïtiens ignorent, lors de la guerre d’indépendance américaine des Haïtiens sont morts pour défendre les États-Unis. Il y a même une statue, cela a eu lieu à Savannah, qui a été érigée à leur mémoire. Donc, il y a des faits comme ça qui sont complètement ignorés. La ville de Chicago a été fondée par un certain Des Sables, d’origine haïtienne. Justement le maire de Chicago l’a rappelé dans son intervention. Alix Renaud (AR)
– Ce monsieur Des Sables n’avait-il pas des liens avec la Nouvelle-France ?
– Il était passé par la vallée du Saint-Laurent pour se rendre dans la région des Grands Lacs.
– Il parlait français, il était noir. Comme il parlait français il doit avoir fréquenté la Nouvelle-France. C’est un homme considérable dans le sens que c’est un homme d’affaires qui avait réussi, il vendait de chevaux, des fournitures militaires, tout ce qu’il fallait pour vivre à cette époque et le lieu où il s’est établi est devenu Chicago. On ne fait pas comme on a fait à Haïti, en niant le fait que les Haïtiens ont leur pays, qu’ils possèdent leur pays et qu’ils ont leurs lois. Des Sables était là et c’est un fait historique reconnu. C’est quelqu’un à qui ont ne peut pas enlever le statu qu’il s’est lui-même construit. De même, on peut reconnaitre tous les Québécois qui ont fondé des villes aux États-Unis, Duluth, Des Moines, Détroit, etc. Des Sables faisait partie de ce groupe d’hommes.
Vous savez, les grandes puissances coloniales ont la rancune tenace. Je vais vous rapporter un fait. Roberto Buisson qui a vécu à Québec très longtemps, est l’un des pionniers de la bande dessinée québécoise, et lors d’une exposition sur la bande dessinée, on avait publié un article sur lui, etc. À un certain moment, il était à Paris, et là un historien français bien connu lance un ouvrage sur l’histoire de la France et de ses colonies. Alors Roberto s’empresse de lire le bouquin. Lorsqu’il rencontre l’historien lors d’une soirée littéraire, il lui demande : « Comment cela se fait-il que vous n’ayez pas mentionné Haïti dans votre ouvrage? » Vous savez ce que l’autre a répondu ? « Vous avez pris votre indépendance. » Vous voyez, on fait le silence sur cette partie de l’histoire moins glorieuse de la France. Je ne nie pas le fait que nous ayons eu plusieurs présidents incompétents, mais cela arrive à tous les pays du monde. Par contre, on se demande ce qui serait arrivé si ce pays n’avait pas tant été victime d’ingérence étrangère au cours de son histoire ? Pour ce qui est du tremblement de terre de 2010, il y pas mal de scandales qui commencent à sortir. Certains personnages sont tellement importants sur le plan international qu’on n’a pas osé mentionner leur nom, mais certains ont détourné carrément les fonds. Il y a même eu un article du Courrier International intitulé : « Où diable est passé l’argent de la reconstruction ? » Allez savoir où est l’argent ? C’est peut-être moins de 10% de cette somme qui est arrivé en Haïti. Certains se sont ouvertement enrichis. Ensuite, pendant cette période de reconstruction, la MINUSTAH (Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti), vous savez ce qu’ils ont fait ? Ce n’est pas une légende urbaine, ça a été filmé; des soldats népalais de cette mission ont versé leurs eaux des toilettes directement dans les sources des ruisseaux qui alimentaient les population en eau potable. Cela a déclenché une épidémie de choléra. On dit que c’est le sort qui s’acharne sur ce pays, mais quand on dit qu’il a du mal à se relever, ce n’est pas seulement la faute de l’incompétence locale, il y a aussi des causes extérieures. Malheureusement, ces causes extérieures, on n’ose pas toujours les dénoncer. Un autre exemple, il y a eu un scandale de pédophilie en Haïti et il devait y avoir un procès, mais le seul témoin crédible a été retrouvé suicidé dans son appartement. Vous voyez, il y a plein de cas semblables qu’on met de côté et qu’on oublie d’éclaircir totalement. Donc, ce pays a vécu bien des problèmes, et tout ce que nous souhaitons, c’est que cela se règle au plus vite. AR
Un autre détail que j’aimerais souligner, c’est que du mois d’août 1915 à juillet 1934, les États-Unis vont occuper Haïti sur un prétexte tellement farfelu que je ne m’en souviens plus. Est-ce que c’était pour lutter contre la superstition, le Vaudou?; je ne sais pas trop quoi. Bref, ils ont occupé le pays pendant une vingtaine d’années. Il y a eu des violes dans les campagne, mais il ne fallait pas en parler car cela aurait fâché Washington. Mais il y a eu des groupes de résistants qu’on surnommait les Cacos. Il y a même eu un roman qui raconte un peu l’histoire de ces résistants. Des résistants comme il en existe partout, en Europe pendant l’occupation allemande, il y a toujours des groupes de résistants. C’est souvent tant mieux. AR
Pour terminer, je vais vous citer quelques personnages marquants de la communauté haïtienne : Yvette Bonny, professeur québécoise d’Université, pédiatre et hématologue. Elle fait partie du premier contingent d’Haïti a être venue se perfectionner en médecine au Québec. Elle décide de rester en raison du climat politique en Haïti, elle a réussi la première greffe de moelle osseuse chez un enfant au Québec; Roberto Buisson, Beyonce dont la mère est Haïtienne, Luck Mervil, Raoul Peck, cinéaste; Gabrielle Union, actrice américaine, Bruni Surin, athlète, Danny Laferrière, écrivain membre de l’Académie française, Rodney Saint-Éloi, fondateur de la maison d’édition Mémoire devenue Mémoire d’encrier, Dominique Anglade, ministre de l’économie; Gabrielle Jean, gouverneur général du Canada, etc. Dans toute population il y a du mauvais et du bon, c’est tant mieux quand le bon surpasse le mauvais. AR
– La population actuelle d’Haïti est de 11 millions.
– Pendant les années 1930, il y a une nombreuse population noire d’Haïti qui a été amené vers Cuba par les Américains pour les faire travailler dans les plantations de cannes à sucre des sociétés américaines. En fin de compte, on pourrait dire que ceux-ci ont été chanceux, car sous le régime communiste à Cuba, ils ont eu accès à l’éducation gratuite jusqu’à l’université. Il aurait fallu que cette révolution atteigne Haïti, mais les Duvalier ont tout fait pour que cela n’arrive pas. Duvalier Père a même fait raser les forêts d’Haïti pour éviter qu’une guérilla éventuelle ne s’y cache.
En Amérique latine en général, les Haïtiens sont bien accueillis, mais depuis cinq ou six ans, dans certains pays, il y a de petits conflits. Cette reconnaissance historique de l’apport d’Haïti à l’indépendance de l’Amérique latine a été transmise. Est-ce qu’avec les nouvelles générations, cela va perdurer ? AR
Pendant les années 1960-1970, de nombreux intellectuels haïtiens sont allés en Afrique pour aider les jeunes républiques dans les activités d’enseignement. Plusieurs sont allés enseigner au Sénégal. Certains sont revenus, d’autres ont fait leur vie là-bas où sont allés en France par la suite. Il y avait cette idée qu’on a véhiculé en Haïti pendant plusieurs années, la Mère Afrique, etc. qu’il fallait retrouver ses racines et tout, et cela a existé aussi dans d’autres pays à dominance noire comme les États-Unis, le Brésil et la Jamaïque. L’expérience pour ceux et celles qui l’ont vécu était souvent une déception. Ce n’était pas le paradis espéré. Il y a toujours cette quête d’identité, des racines, c’est humain. AR
– C’est un peu le drame du Libéria qui a été fondé par le gouvernement américain pour retourner des personnes noires vivre en Afrique.
Les pays fondés artificiellement ont souvent de problèmes de toutes sortes. De toute façon, la plupart des États africains, sinon tous, ont été fondés par des colonisateurs. Ils ont bousillé la géographie et cela a créé des conflits, etc. AR
– Vous n’avez pas parlé beaucoup de Jean-Marc Dessalines qui a été assez cruel à ce que l’histoire raconte ?
Il est toujours difficile de porter un jugement sur les hommes politiques parce que cela dépend qui a rédigé les documents. Mais ce que je voudrais dire, c’est que j’ai parlé surtout de Pétion parce que le sujet c’était Haïti et l’indépendance de l’Amérique latine et que c’est lui qui a joué un rôle déterminant et de Toussaint L’Ouverture en raison de son importance universelle. Dessalines, ce n’était pas vraiment le cadre pour en parler beaucoup. AR
– J’aimerais avoir une précision sur Jean-Claude Duvalier. Était-il soutenu par la France ?
Pas exactement. Dans tous les petits pays d’Amérique latine, d’Amérique centrale et des Caraïbes, les Américains sont toujours aux aguets. Duvalier, ce dictateur sanguinaire, était soutenu par les Américains. AR
– N’avait-il pas été élu démocratiquement ? Il avait bonne presse au départ.
Ce que je veux surtout dire, ce n’est pas la façon dont il a été élu, mais sous son règne, il y a eu toutes sortes de crimes et de meurtres. Même si ce fut le cas également sous le président précédent, Paul Magloire. Ce que je veux dire, c’est quand un dictateur est de droite, les Américains le soutiennent toujours. Alors Duvalier, malgré tous ses crimes, on n’osait pas dire que c’était un dictateur sanguinaire. À un certain moment les Américains ont décidé de suspendre leur aide. Duvalier a organisé quelque chose de machiavélique, il a fait des descentes dans de petits groupes de gauche et il a dit au Américains que c’étaient le communisme qui s’établissait en force. Les Américains n’étaient pas dupes, mais ils ont quand même recommencé à fournir de l’argent. On a eu un président bien avant cela qui s’appelait Dumarsais Estimé. À un certain moment, il s’est rendu compte que les Américains ne voulaient rien céder et qu’ils voulaient seulement exploiter, et il a décidé de prendre des moyens, de s’opposer carrément aux Américains. Par hasard, il est mort empoissonné. C’est le genre de choses qui se produit souvent dans ces pays-là. Jean-Claude Duvalier est élu, mais c’est facile d’être élu quand ton père te déclare président. C’est sûr que pour se maintenir au pouvoir, il a du recourir à toutes sortes de moyens comme son père aussi. Quand il a été chassé du pouvoir, on a découvert des fortunes empilées dans sa maison. Il était parti en France parce que les Américains n’en voulaient pas. Il avait beaucoup d’argent, donc la France l’a accueilli. Il a payé. Quand son argent a été dépensé, il s’est retrouvé dans le besoin. Sa femme avait divorcé et était partie avec ce qui lui restait de fortune un peu avant. Maintenant, sa sœur, Simone, veut préparer son fils pour la présidence d’Haïti. Récemment, elle a publié un article demandant: Où sont passés les vrais duvaliéristes ? Cela fait à peine un mois. AR
– Pour certains Haïtiens, Duvalier représentait une revanche des Noirs sur les mulâtres.
C’est une excuse. Si vous prenez certains jeunes Haïtiens qui vivent à Montréal, si leurs parents étaient duvaliéristes, eux n’ont pas connu le régime, ils vont croire ce que leurs parents leur disent, ils ne sont pas de mauvaise volonté. Ensuite, le prétexte du noirisme, c’est un prétexte que certains ont utilisé pour justifier certaines actions. Donc, quand ça va mal, quand il y a un mulâtre au pouvoir, on dira que c’est à cause des mulâtres. Si c’est un noir qui est a pouvoir, les mulâtres vont dire : « C’est parce que c’est un noir. » AR
– Les Américains ont joué là-dessus.
Évidemment, ils jouent toujours là-dessus et ils ne se gênent pas pour intervenir. Deux choses qui m’ont choqué, je vais vous citer deux cas. Celui d’après le tremblement de terre. Les médecins américains sont arrivés et ils ont fait des opérations. Est-ce que vous savez qu’ils nous ont envoyé des factures après pour leur travail ? L’autre cas que je vais vous citer remonte à plus loin, après la Seconde Guerre mondiale, après les deux bombes atomiques, qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont envoyé des catalogues pour vendre du matériel de construction au Japon. Un tel cynisme dépasse l’entendement. C’est une logique du fric, une logique d’argent. AR
– Je me demande s’il n’y a pas certaines puissances mondiales qui profitent de ce qui se passe en Haïti ?
Je vais vous dire mieux que la corruption. Dans les années 1970, les Américains ont envoyé des engrais pour les paysans haïtiens. Tout le monde a applaudi y compris le gouvernement. Par la suite, nous avons découvert que c’était des déchets toxiques dont ils voulaient se débarrasser. Jacques Lanctôt a écrit un article il y a quelques années : « Vivement une révolution en Haïti ». Dans son article, il disait une révolution à la manière cubaine. C’est ce qu’il faudrait tellement les problèmes sont structurels et profonds. AR
– J’aimerais entendre parler des diasporas haïtiennes et où elles sont situées dans le monde ? Vous avez parlé d’une population de 11 millions, mais on peut soupçonner qu’ils sont beaucoup plus nombreux que cela.
Il y en a beaucoup, il y en a partout, il y en a en France, en Belgique, au Canada, aux États-Unis, dans plusieurs pays d’Afrique. Il y en aurait en Russie et en Pologne. Il y en a plusieurs qui ont étudié en Russie à l’époque de la Guerre froide, entre autre Philippe-André Moïse, il a marié une Russe et ils sont venus s’établir au Québec. AR
– Il y a eu une crise avec la République Dominicaine, il y a trois ou quatre ans, qui se plaignait d’être envahie par les Haïtiens. Ce gouvernement a voté une loi d’expulsion pour plusieurs centaines de milliers d’Haïtiens. Ceux-ci ne voulaient pas retourner en Haïti et n’ayant pas besoin de visa pour entrer en Amérique latine, ils ont pris la route du sud en passant par la Colombie. Certains ce sont dirigés vers le Chili, d’autres encore ont choisi le Brésil ou le Venezuela. Ils ont traversé la Colombie à pied, puis une bonne partie de l’Amazonie jusqu’à Manaus pour profiter du boom économique brésilien. Ils se sont fait exploiter encore plus que les travailleurs brésiliens, d’ailleurs ceux-ci se plaignaient que les Haïtiens cassaient les prix et travaillaient beaucoup trop dur pour le salaire qu’ils recevaient. Ensuite est venu la crise économique au Brésil et les Haïtiens ont repris la route en sens inverse. Cette fois, ils se sont dirigés à pied, de Manaus en Colombie, en direction de la frontière avec le Panama. Il n’existe pas encore de route qui traverse de la Colombie vers Panama, une simple piste qui se fait à pied dans des conditions difficiles. Ils et elles, avec des enfants sur le dos, ont traversé l’isthme de Panama, l’Amérique centrale et le Mexique, à pied jusqu’à la frontière des États-Unis à Tijuana près de San Diego. Je n’ai pas eu d’autres nouvelles depuis, mais on peut dire qu’il s’agit d’une population très résiliente que rien n’arrête. Depuis le tremblement de terre, Haïti vit un exode de sa population. Au Chili, comme travailleuses agricoles, elles sont payées six fois moins cher que les travailleurs chiliens parce qu’ils et elles n’ont pas de permis de travail. Parlant de l’exode vers les États-Unis, pour le Guatemala, le Honduras et le Salvador, ce sont 300 000 jeunes par année qui quittent leur pays pour tenter leur chance au nord.
Quelqu’un m’avait posé une question pour savoir à quel moment l’Espagne avait cédé une partie de l’ile d’Hispaniola à la France ? C’est en 1795, (9 ans avant l’indépendance d’Haïti), mais l’établissement français à Port-au-Prince date de 1649. C’est en raison des mauvais traitements subis par les esclaves qu’ils se sont soulevé contre le système colonial, par à cause de la Révolution française. AR
-Quand l’esclavage a-t-il été aboli en Haïti ?
La France profitait de l’esclavage et cela n’aurait pas été logique qu’elle l’abolisse. Par contre en Guadeloupe et en Martinique, il y a eu la promulgation de certaines lois visant à restreindre les abus et permettre l’affranchissement de plusieurs. La France n’a jamais pardonné à Haïti d’avoir eu son indépendance, car les Haïtiens l’ont ainsi privée de revenus. C’est pour cela qu’ils ont imposé des sanctions et demandé des indemnisations au gouvernement haïtien. C’est aberrant. C’est comme si quelqu’un arrive chez-vous, il vous vole tous vos biens, vous finissez par le mettre à la porte et il vous poursuit parce que vous le privez de revenu. Les accords de libre-échanges économiques fonctionnent comme cela. Si on les empêche de faire du profit sur une production dans les années futures, tel que décrit dans le chapitre 11 de l’ALENA. Je trouve quand même aberrant que des gens que nous avons élu pour défendre les intérêts d’une population, en arrivent à voter des lois pareilles en faveur des entreprises. AR
– Il existe des formes modernes d’esclavagisme comme en Asie dans les manufactures où les gens travaillent pour presque rien dans des conditions dangereuses pour leur vie.
Il y a le cas de la Lybie qui a été dénoncé récemment, mais cela existe ailleurs aussi. AR
– Moi, j’ai participé un peu à la lutte des Haïtiens contre Papa Doc à l’époque. En 1974, à l’occasion du Festival d’été de Québec, Haïti a envoyé une délégation de chanteurs et de danseurs. Alors les étudiants haïtiens de Québec et de Montréal nous ont contacté pour distribuer des tracts qui dénonçaient le régime. Nous étions surveillés par la police qui était partout à ce moment-là, incapables de faire leur travail de propagande, certains ont été arrêtés. Alors, c’est nous, les Québécois, qui avons fait la distribution de tracts dénonçant la dictature de Papa Doc. C’est moi qui ait eu la tâche aussi d’aller payer leur caution pour les faire libérer. Ça a été ma participation à la lutte du peuple haïtien.
Je vais vous raconter une anecdote qui date de cette période. Il y avait un homme de théâtre, Robert Beauduy qui était présent à Québec à cette époque. Il était sur les Plaines d’Abraham et il rencontre Raymond Valsain et ils se mettent à parler de choses et d’autres puis ils repartent chacun de leur côté. Le lendemain matin, Robert Beaudy dormait à l’Université Laval où il louait une chambre d’étudiant. Cela frappe à sa porte. Il ouvre, c’était Lamartinière Honorat, qui était le chef de la délégation haïtienne. Celui-ci lui montre une photo avec Raymond Valsain qui a été prise en pleine nuit, et il lui demande de quoi est-ce qu’ils avaient parlé et ce qu’ils avaient projeté de faire, etc. Alors, même ici, les gens étaient surveillés par le régime de Papa Doc. Quand il y avait des marches de Développement et Paix à cette époque, il y avait beaucoup de photographes. Il en avait des vrais et les autres c’était des policiers en civil ou des employés du gouvernement haïtien parce que tous ces mouvements étaient scrutés à la loupe par crainte qu’il y ait des éléments subversifs parmi eux. AR
– J’ai remarqué cette année, qu’après la ou les Révolutions françaises, que l’attitude colonialiste et impérialiste avait perduré. Normalement, on devrait s’attendre à ce qu’un gouvernement dit révolutionnaire change la nature de ses rapports envers ses colonies, mais cela ne semble pas avoir changé grand-chose. Je peux supposer que le peuple avait ses idées, mais probablement que l’élite, malgré la révolution, a poursuivi le même colonialisme.
Je peux vous citer quelques faits, lors de mon passage au Salon du livre de Dakar, en 2004, j’ai demandé à un écrivain africain : « Pourquoi est-ce que Présence africaine, une maison d’édition, a son siège social à Paris ? » Il m’a dit : « Parce que si on veut avoir une diffusion, il faut être à Paris. » « Donc, les éditeurs africains sérieux, c’est ce qu’il m’a dit, s’installent à Paris pour être considérés des Français. » Il y a une sorte de mainmise culturelle non-déclarée. Dans un autre domaine, j’ai une amie qui à l’époque était avocate, elle avait été contactée par un étudiant africain de l’Université de Montréal, qui lui dit : « C’est difficile d’immigrer et de venir étudier ici et j’ai envi de fonder une agence pour faciliter les démarches des étudiants africains intéressés. » Elle fait ses recherches, elle se renseigne sur le bonhomme, c’était un gars sérieux, et elle décide de la faire. Ils envoient une publicité et les Africains commencent à faire des demandes. Il faut qu’ils fassent un dépôt dans une banque pour l’ouverture de leur dossier, et tout à coup le type reçoit un papier lui disant que la banque française avec qui il faisait affaire a bloqué l’envoie de chèque. Il demande pourquoi ? On lui répond qu’un diplomate français installé là-bas est allé à l’ambassade du Canada pour dire qu’il y avait une fraude, mais il n’y avait pas de fraude. Renseignements pris, c’est simplement parce que pour faire une affaire comme ça, il aurait fallu passer par un organisme français. Traiter entre l’Afrique et le Canada directement, ça ne marchait pas, il fallait que la France soit dedans. C’est subtil, mais c’est exactement ça. Il y a beaucoup de cas semblables. Autre exemple, il n’y a même pas dix ans, il y a eu un concours littéraire en France. Vous savez quel était le sujet ? Parler des bienfaits de la colonisation. Il y a eu un tollé de protestation mondial et finalement ils ont abandonné le concours. Parfois les gens agissent inconsciemment, sans se rendre compte de la portée de la chose. C’est grave, mais c’est le monde dans lequel nous vivons. AR
– Quelle est la place de la religion en Haïti ?
Le peuple Haïtien est porteur d’une grande foi en Dieu qui peut être manipulée à certaines occasions. Les gens confondent le Vaudou avec la sorcellerie alors que ce sont deux choses différentes. La sorcellerie a existé dans tous les pays du monde. Dans les films on voit une poupée qui est transpercée par des aiguilles. Je n’ai pas souvent vu cela en Haïti. Il y a beaucoup de mythes. Aussi, quand c’est étrange, différent, on aime créer de l’exotisme au maximum pour fasciner la population, pour susciter l’horreur ou l’admiration, je ne sais trop. Même s’il y a quelque chose de morbide là-dedans, on ne peut pas brider l’imagination des cinéastes ou des romanciers. Pour conclure, je dirais que le Vaudou est une religion à part entière, même si elle se réfère souvent à la religion catholique pour des noms de saints, mais c’est pour honorer des dieux auxquels on croit. Nous ne sommes pas forcément tributaires de ces dieux-là, mais je sais qu’il y a des gens qui y croient dur comme fer. En parlant de Vaudou, il y avait le président de la Réserve fédérale américaine, Allan Greenspan, qui à chaque année faisait bénir l’édifice de la bourse de Wall Street, par un prêtre Vaudou. Dans un milieu aussi rationnel que la bourse, c’est spécial. AR
– J’ai vécu 21 ans chez les Cris dans le Nord de l’Alberta, là-bas, ils ne parlaient pas du Vaudou, mais du Witigo. Quand quelqu’un est possédé par le Witigo, il se promène tout le temps et il est incapable de rester immobile. Un jour, celui qui amenait les enfants à l’école avec une carriole venait toujours prendre le thé à la maison des sœurs, ensuite il s’en allait chez-lui. Depuis un bout de temps, il ne venait plus et on se demandait pourquoi ? Sa fille m’appelle et me demande d’aller à sa maison. Elle dit : « Il faut que je vérifie si mon père est possédé du Witigo. Si c’est cas, quand tu vas entrer dans la maison, il va s’en aller, il ne pourra pas rester en ta présence. Je pense que c’est pour ça qu’il ne va plus prendre le thé chez-vous.» Alors je me rends chez elle pour prendre le thé, on parlait puis soudainement, il sort sans explication. Il était incapable de rester en ma présence. Ensuite la communauté a organisé des sessions de prières pour exorciser le Witigo et le monsieur est redevenu comme avant. Il a fallu qu’il rencontre un shaman, un homme-médecine, pour soigner son esprit.
Une chose moi qui m’avait toujours frappé c’est Salvador Dali qui était iconoclaste et il ne voulait rien savoir de la religion, mais depuis son enfance, il avait la phobie des crucifix. S’il en voyait un, il piquait une crise de nerfs, presque d’hystérie. AR
– Mais aussi dans la culture Occidentale, il y a plein de gens qui ont des superstitions fortes et irrationnelles. En rencontrant des Haïtiens, je me rends compte que l’image qui est véhiculée au cinéma, dans certains films, est une caricature de ces traditions spirituelles. J’en suis à penser qu’il y a beaucoup d’appropriation culturelle de la part du cinéma Américain envers la culture haïtienne en ce qui concerne le Vaudou, par exemple. Qu’avez-vous à nous dire par rapport à cela ? Si nous prenons l’exemple des Premières Nations, il y a beaucoup de pratiques culturelles autochtones qui sont folklorisées puis récupérées par la culture dominante dans le but de les marchandiser. Exemple, on improvise de tentes de sudation comme pratique thérapeutique sans référence à ses origines autochtones, sans avoir le respect de la signification que ces symboles ou pratiques portent.
Ce qu’il y a de particulier, c’est que si vous prenez le cinéma américain, les cinéastes peuvent se permettre de ridiculiser n’importe quelle culture ou individu, mais n’essayez pas de faire la même chose avec un personnage historique américain. Ils ne le prendront pas. L’un des derniers James Bond débute au Mexique lors de la Fête des morts, le gouvernement mexicain a protesté pour cette caricature grotesque. Pour enlever la scène, les réalisateurs ont exigé que le Mexique paie une certaine somme d’argent. J’ignore comment cela c’est réglé, mais la scène est demeurée dans le film. Ils peuvent présenter n’importe qui comme un méchant. C’est une situation qui est un peu difficile parfois parce qu’il faudrait changer les mentalités et jusqu’à quel point ? Parce que si quelque chose est vendeur, on ne va pas l’enlever, même si c’est complètement faux. AR
– Jusqu’à quel point on peut empêcher une culture d’en récupérer une autre ?
Oui, mais quand c’est fait dans le but de l’enlaidir ou de la dénigrer, c’est là que ça fait mal. AR
– Le phénomène des religions Vaudou en Haïti ou Candomblé au Brésil est beaucoup lié à l’oppression. Il y a un livre de Gérard Althabe qui s’intitule : « Oppression et libération dans l’imaginaire. » À un moment donné, c’est un peu ce que Marx dit dans le Manifeste, la créature humaine est tellement prise dans son quotidien, tellement écrasée par la réalité, qu’elle cherche à se libérer dans l’imaginaire, elle cherche des façons de s’en sortir pour assurer sa survie psychologique. C’est cela le sens et la valeur de ces religions, des pratiques de possessions, des pratiques qui finissent par les libérer un peu, au moins dans l’imaginaire des gens. Le christianisme est né comme ça, à l’époque où l’Empire romain était tout puissant. Alors comment échapper à cette domination, lorsqu’il n’y a pas d’issu et qu’on a pas la force pour le faire ? Au premier siècle de l’ère chrétienne, il y avait beaucoup de religions qui projetaient la libération dans le monde de l’imaginaire. C’est un phénomène qui est très important. (Cela permet également de fonder de nouvelles valeurs fondées sur une utopie qui annonce un nouveau paradigme civilisationnel susceptible de prendre le relais lorsque l’ordre ancien aura épuisé ses raisons d’être. On peut y reconnaitre une dialectique de l’histoire en marche puisque s’enraciner dans l’imaginaire n’est pas une simple fuite de l’histoire lorsqu’il s’agit de la survivance d’une identité et d’une culture. YC)
Toute religion est au départ une secte. Ce qui arrive c’est que la religion catholique a été révolutionnaire en ce sens qu’elle parlait de la bonté humaine, au sens où nous la comprenons aujourd’hui, contrairement à d’autres religions qui étaient plus individualistes. « Aimez-vous les uns, les autres, » etc. Donc, ça a joué beaucoup à un moment où les gens étaient persécutés. Il est évident que toutes les religions constituent une soupape quelque soit la civilisation. Qu’il y ait eu des errements, des abus, des aberrations, dans certains cas c’est possible, comme on dit au Québec : « Où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie. » La religion, le culte lui-même, est une invention des humains, mais là religiosité elle-même, le sacré, on ne l’a pas inventé, on le ressent. Je suis contre ceux ou celles qui veulent établir des hiérarchies entre les religions. On a cette religion, c’est la nôtre, point final. On n’a pas à estimer que l’une est meilleure que l’autre, parce qu’à partir de cela, nous avons des guerres et toutes sortes d’aberrations. Il y a un professeur de religion qui m’a avoué que la cause des plus grandes guerres dans toute l’histoire de l’humanité, ça a été les religions. C’est terrible. C’est que les individus sont tellement pris qu’ils sont persuadés qu’ils ont raison donc ils doivent t’éliminer. C’est malheureux parce que ce n’est pas du tout cela l’idée au départ. AR
– Je pense que la religion aujourd’hui, c’est celle de la consommation. On est pris dans une vie qui n’a plus de sens et on consomme pour compenser ce vide existentiel. On est sectaire lorsqu’on ne fait pas partie de la majorité. C’est aussi le type de rationalité que nous utilisons qui crée ces séparations. L’une des grandes racines de cela, c’est le darwinisme social qui est une forme de sectarisme. La vie discrimine pour trouver le meilleur, c’est une forme de fondamentalisme alors que les biologistes reconnaissent aujourd’hui que la vie fonctionne en système d’organismes qui coopèrent les uns avec les autres dans l’émulation des meilleurs possibles.
– Il y a aussi l’idéologie de la domination occidentale sur le monde qui devient une sorte de croyance religieuse qui nous est inculquée par tous les médias. Sous la bannière américaine, nous allons imposer la démocratie et les valeurs occidentales en assassinant des populations entières. Quel cynisme!
Merci Alix Renaud
Notes prises par Yves Carrier
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(article de Alfredo Valladão)