– Les solstices d’hiver de no vies !
Compte-rendu #284, décembre 2017
Le mot Noël vient d’un mot latin qui signifiait : jour de naissance ou nativité pour nous rappeler la naissance de Jésus. En réalité, personne ne connait la date exacte de sa naissance, mais des responsables de l’Église des premiers siècles ont eu l’heureuse idée de placer cette anniversaire au plus près du solstice d’hiver. Incidemment, le solstice d’hiver avait lieu aujourd’hui à partir de 11h28. Il existait déjà des fêtes à cette période de l’année alors qu’on commence à attendre les jours qui vont nous donner plus de lumière. C’était aussi une façon pour l’Église de christianiser d’anciennes fêtes païennes.
Je ne peux m’empêcher de faire le lien avec le début de l’Évangile de Jean qui dit que Dieu vient à nous dans la personne de Jésus naissant. « En Lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes et la lumière brille dans les ténèbres. » C’est ce qui fait le lien entre la fête de Noël telle que nous la célébrons maintenant et le solstice d’hiver. Cela renvoie à cette angoisse qui remonte à des temps immémoriaux, de l’inquiétude à cette période de l’année que la lumière nous quitte définitivement. Il existait toute sorte de rituels dans les religions anciennes où l’on croyait que les rites que l’on pratiquait était la cause qui permettait le retour de la lumière.
Dans cette perspective, nous avons choisi le thème de ce soir: « Noël est l’anniversaire d’une naissance accueillie comme une lumière espérée dans l’obscurité du monde; une invitation au partage sur les solstices d’hiver dans nos expériences personnelles et collectives. » Ces moments où la lumière s’est éteinte, où on a le sentiment d’être dans la noirceur et où on devient habité par l’idée que la lumière ne reviendra pas. Mais tout à coup la transition se fait parce que graduellement la lumière revient par une brèche ou par une autre. Elle n’est pas très sensible au début, demain la différence ne sera pas remarquable, mais au mois de février elle le sera. C’est ce type d’expériences sur lesquelles nous voudrions partager ce soir. Je demande aux participants de prendre la bâton de parole au centre de la salle lorsqu’il souhaite s’exprimer. C’est l’image d’un coucher de soleil d’hiver avec l’inquiétude de savoir s’il va se lever demain, mais par nos expériences de vie, on sait que même si on a cru qu’il ne reviendrait pas, il revient toujours.
Si les partages sont trop lourds, quelqu’un peut choisir un chant de Noël que nous entonnerons ensemble pour détendre l’atmosphère. Gérald Doré
Récemment, dans mes commentaires sur Facebook, je parlais d’une période sombre. Je fais référence à la situation internationale que nous vivons qui est loin d’être lumineuse. Je ne peux tout nommer, mais je pense à la population réfugiée au Bengladesh. Ces réfugiers ne sont pas victimes de la pauvreté ou d’une catastrophe naturelle, mais d’un nettoyage ethnique de la part du Myanmar en raison de leur appartenance religieuse. Il y a aussi des fous qui se menacent de déclencher une guerre nucléaire. Nous devons cependant faire l’effort à chaque jour de demeurer optimistes, de se rappeler qu’il ne s’agit que d’un moment dans l’histoire de l’humanité et qu’effectivement la lumière va revenir. C’est une période temporaire qui provient du fait de la frustration de certains hommes blancs riches parce que le monde a changé. En réalité, il y a sûrement du positif qu’on ne voit pas. Malgré le fait que ce soit une période sombre et difficile, je demeure convaincu qu’il y a du positif qui va sortir de tout cela.
Moment de silence qui aide à réfléchir à ce que chacunE souhaite partager.
Dans la vie, il arrive que nous vivions des moments de solitude. Je pense que je suis à un âge où je peux faire certains mouvements vers les autres, mais où je ne peux pas faire beaucoup plus. À certains moments, je me demande si je dois pas apprendre à vivre seule, dans une certaine obscurité, que de demeurer dans l’attente qu’une personne vienne combler cette solitude. À force de se préoccuper de rencontrer l’amour, on oublie de vivre le moment présent. Je suis sensé répondre à une question, mais en fait j’en pose une. Au lieu de passer mon temps à dire que la vie est plate parce que personne ne partage ma vie, je devrais plutôt chercher à trouver d’autres repères dans ma vie. Pour vaincre la solitude, il faut aller vers les autres, mais il y a un bout que les autres doivent faire aussi. S’ils ne viennent pas, il faut être capable de s’endurer soi-même. C’est bien beau d’espérer que la lumière revienne, mais en attendant je suis aussi bien de m’y faire et apprendre à vivre dans l’obscurité.
Il y a toujours de la lumière au bout des tunnels et la vie est une succession de tunnels à traverser. Il y a aussi des beaux bouts où c’est éclairer. C’est justement de cela que je voulais parler parce que quand j’ai vu le sujet de la soirée, je me suis dit, le solstice pour moi ce n’est pas des journées courtes parce que je m’en vais vers autre chose. Je ne dis pas la fin, parce que je ne pense pas qu’on meurt. La vie se continue, nous venons au monde en naissant pour vivre et on continue tout le temps. Je ne veux pas dire le mot mort, mais c’est vers cela qu’on s’en va, vers la vie qui se continue. Celle-ci est un long chemin de clarté, de solitude, d’ombres, de ténèbres, mais la vie est merveilleuse et elle est belle à travers tout cela quand même pour arriver vers la fin, vers les dernières années qui nous amènent vers la vie. Je réfléchis à cela depuis plusieurs années et pour moi, au moment où nous sommes sur le point de franchir cette frontière, c’est comme si nous laissions notre corps ici pour arriver dans la clarté. Je suis croyante, je ne sais pas ce qui se passe de l’autre côté, mais je crois que nous avons plein de gens que nous avons aimé qui sont rendus de l’autre côté et qui nous attendent, nos parents. Il me semble que ce sont mes parents qui vont m’accueillir et qu’ils vont me présenter à Jésus. Je n’ai pas peur de la mort, je la vois venir avec sérénité. Voilà c’est merveilleux.
Il y a déjà quelques mois, ma blonde et moi avons décidé de vivre ensemble. Le moment est arrivé, nous avons décidé que nous allions commencer 2018 comme cela. De sorte que je devais sous-louer mon appartement jusqu’au mois de juillet. C’est chose faite aujourd’hui et je l’ai fait avec beaucoup de contentement, une sorte de joie, parce que je l’ai loué à un homme de presque 40 ans qui est venu avec ses deux parents qui l’accompagnaient. Probablement que c’est quelqu’un qui vit quelque chose de bien difficile, un homme fait qui présentement vit chez ses parents, probablement en raison d’une période de transition dans sa vie où il n’est pas très heureux. J’avais l’impression de participer un peu à ce qui pouvait être l’amorce d’un solstice dans sa vie, au moins de l’amorce de l’infrastructure matérielle dans laquelle il va pouvoir ressusciter, se reprendre en main, etc. Je l’ai fait avec une grande joie et une certaine émotion parce que ce monsieur, sans que je connaisse l’épreuve qu’il traversait, me faisait penser à une étape que j’ai moi-même vécue dans la quarantaine. Donc, autant j’ai eu mon solstice jadis, autant j’ai eu une joie de contribuer peut-être à l’amorce de ce jeune homme à l’aube de la quarantaine.
Benoit Lacroix, un dominicain qui nous a quittés il y a deux ans, dans un reportage à Second Regard, disait que le lendemain de la bombe d’Hiroshima, le soleil est revenu et qu’il ne faut jamais perdre espoir.
C’est l’histoire d’un prêtre polonais qui s’appelait Maximilien Kolbe pendant la Seconde guerre mondiale. En raison de son opposition aux politiques nazies, il a été amené dans un camp de concentration. Un jour, parce que des gens s’étaient enfuis du camp, les nazis voulaient punir les autres et ils avaient sélectionné des gens pour mourir de faim dans des isoloirs. Maximilien Kolbe a donné sa vie pour sauver celle d’un père de famille. Selon plusieurs témoins, jusqu’au bout, il est demeuré dans l’espérance et la prière. Comme il ne mourait pas, il a été exécuté par un soldat. C’est un exemple que me venait comme ça, mais moi ce qui m’inspire dans ma vie, ce sont des gens qui, dans des périodes de ténèbres, par leur exemple même sont la lumière. Par l’espérance qu’ils portent et leurs convictions, par leurs principes qui font qu’ils n’agissent pas en fonction d’intérêts qui vont leur apporter, mais parce que c’est fondamentalement important. Dans ma vie, lorsque je traverse des périodes plus sombres, j’essaie de m’inspirer de ces gens-là. Si on pense à Noël, il n’est pas né dans les meilleures conditions. Selon l’histoire, sa famille n’était pas de cette ville, ses parents n’ont pas été accueillis et ils se sont fait fermer les portes. Jésus est né dans la pauvreté et la misère.
Maximilien Kolbe est le protecteur de la Fraternité du Serviteur souffrant de Laurette Lepage et Freddy Kunz. Le Pape Jean-Paul II, un polonais, l’a canonisé en 1982, sa fête est célébrée le 14 août.
Je vais vous raconter deux solstice, un personnel et un collectif. Je vais commencer par le collectif. Dans les organismes communautaires, ce n’est pas facile ces temps-ci pour personne. À l’ADDS, nous avons de la misère à recruter des militants et des militantes. Ce n’est vraiment pas évident. Cette année, nous entreprenons un projet qui va s’appeler : « Entendre et agir ensemble ». Pour entendre, nous allons nous déplacer dans des organismes communautaires pour aller à la rencontre des gens, de ceux à l’aide sociale en particulier. Nous voulons écouter les personnes et ce qu’elles vivent en rapport avec la pauvreté. Nous voulons recueillir les besoins que ces gens ont. Qu’est-ce qu’ils souhaiteraient voir changer au niveau de l’aide sociale ? Et à partir de cela, nous allons essayer d’agir ensemble. Je souhaite que cela permette une certaine renaissance de l’ADDS-QM parce que nous avons besoin de militants et de militantes pour continuer. Ce n’est pas évident d’aller recruter de nouvelles personnes parce qu’elles sont prises avec leurs problèmes de survie au quotidien. Nous essayons de voir si par cette façon de faire nous allons être capables de recruter des militants et des militantes.
Au niveau personnel, cela date d’une vingtaine d’années lorsque mon frère et ma belle-sœur m’ont choisi pour être la marraine de leur fille. Au départ, je ne voulais pas, je traversais une passe difficile. Puis je me suis laissée convaincre et quand le jour de l’accouchement est arrivé, ils m’ont appelé pour me dire que ma nièce était née et que je pouvais venir la voir. Lorsque je suis arrivée à l’hôpital, il y avait pas mal de monde dans la chambre, mais, à un moment donné, ils sont sortis pour aller fumer et j’ai eu la chance de l’avoir à moi toute seule dans les bras pendant plusieurs minutes. C’était la première fois que je prenais dans mes bras un nouveau-né et j’ai ressenti tout l’amour qu’elle avait en elle. Ce fut une expérience lumineuse dans ma vie. Depuis, ma nièce est une personne très importante pour moi. Nous sommes complices et je pense à ce moment lorsque je suis découragée et cela me fait du bien.
Chant de Noël : Les anges dans nos campagnes!
Lors d’une rencontre continentale au Guatemala, je me souviens avoir rencontré Pedro Casaldaliga, évêque missionnaire au Brésil et l’une des icônes de la théologie de la libération qui nous avait dit : « Pendant cette longue nuit du néolibéralisme, il faut garder le flambeau de l’espoir allumé afin que lorsque reviendra le jour, la mémoire et l’expérience puissent être transmises aux jeunes générations. » Il faut garder le feu de la lutte, de la militance, allumé jusqu’au jour où les gens se réveilleront et qu’ils voudront s’unir. Souvent, lorsque nous sommes dans l’adversité et que nous avons l’impression que rien n’arrive, c’est pendant ces années-là que l’énergie du changement s’accumule pour renverser une situation injuste. Il ne faut pas perdre espoir, mais se préparer à ce moment qui arrivera immanquablement. Suzanne Loiselle de l’Entraide missionnaire organisa des manifestations pour la paix dans le monde pendant des années à Montréal. Habituellement, ils étaient au mieux quelque centaines de personnes, mais sans le savoir ils se préparaient à organiser quelque chose de très grand. En 2003, à la veille de la Seconde guerre d’Irak, il y avait des manifestations partout dans le monde pour s’opposer à cette guerre et parmi les plus grandes, Montréal arrivait au premier rang avec 250 000 personnes et cela à deux reprises. Du jamais vu dans l’histoire du Canada et c’est l’équipe de l’Entraide missionnaire qui l’avait organisé à partir de l’expérience accumulée. Bien sûr le succès ne dépendait pas d’eux, mais ils avaient formé les conditions pour que la manifestation se réalise dans le bon ordre. Souvent lorsqu’une situation est renversée, c’est parce que l’énergie accumulée est assez grande pour que cela devienne possible. Ils avaient maintenu le flambeau allumé pendant des années où les gens se mobilisaient assez peu. Non seulement ils avaient l’expertise pour réaliser l’événement, mais pour faire en sorte de donner un message cohérent opposé à la guerre.
Le Collectif TRAAQ est un autre exemple de cela. Moi-même j’ai douté que nous allions y parvenir, mais l’enfant est né et il marche sur ses deux pattes. À chaque réunion nous sommes plus nombreux. Merci à tous ceux et celles qui rendent cela possible et surtout qui y ont cru et continuent d’y croire. C’est pourquoi je me dis que lorsque la cause est juste, il peut faire noir très longtemps, mais cela finit par susciter les adhésions nécessaires pour que la justice se réalise. Voilà il est important de suivre ses convictions lorsqu’il s’agit d’un objectif qui est réel et rassembleur tel que soulager la peine des personnes en situation de pauvreté. C’est long, mais il ne faut jamais y renoncer.
Il y a des régions du monde où la noirceur est quasi permanente pendant des mois, pourtant la lumière revient quand même. Lorsque le jour commence à apparaître à nouveau, ils sortent tous et toutes dehors pour l’admirer.
Quand Gérald a parlé de la période de noirceur qui existe dans le Grand Nord qui dure des mois, et à un moment donné, une étincelle de lumière apparait pendant quelques minutes, j’imagine ce que cela fait. À un moment donné, j’étais au Sénégal puis les gens se sont mis à crier, une euphorie totale. Nous sommes sortis dehors et ils étaient tout excité parce qu’il était tombé une faible bruine pendant quelques minutes. Pour eux, cela signifiait que la saison des pluies arrivait. Il y avait là un immense espoir. Je voulais revenir sur la parole d’un vieux sage. Chez les autochtones ce que nous faisons actuellement, cela s’appelle un cercle de parole, mais c’est d’abord un exercice d’écoute. Nous sommes toujours plusieurs, mais il y en a juste un qui parle, les autres écoutent. Cela m’est resté. N’est-ce pas paradoxal qu’un cercle de parole serve d’abord à écouter ? J’aime participer aux soirées du CAPMO parce qu’il y a une sérénité et une liberté de parole réelle. Je ne voulais pas manquer ça. La lumière est là.
Chant de Noël : Mon beau sapin !
Pour moi, les solstices et les équinoxes font parti des grands cycles de la nature comme le jour et la nuit, c’est une ellipse. Le fait de perdre mon feuillage au solstice d’hiver me permet d’entrer en moi et peut-être que la nuit des sens, l’obscurité, permet de percevoir l’étincelle d’esprit qui est en moi qui est une clarté aussi. J’ai eu besoin de refermer mes sens extérieurs pour faire cela et c’est cyclique. Les plantes font la même chose, elles perdent leur feuillage pour s’intérioriser et aller puiser dans leurs racines. Chez les Celtes, c’était le soleil invaincu, mais pour moi l’hiver est comme l’été de l’âme, alors que le solstice d’été correspond à l’été du corps où je sors mon feuillage et où je vais dehors. Pendant l’été, je pense au solstice d’hiver lorsque les jours commencent à rapetisser et que j’accumule l’énergie dans mon intériorité. Il y a un équilibre qui se fait. La même chose se vit de manière inversée dans l’hémisphère sud qui entre dans son été lorsque nous entrons dans notre hiver. La planète vit ce même rythme. Certains disent que le Christ, l’énergie divine, rentre dans la terre et ressuscite au printemps qui permet la résurgence de notre véhicule de conscience corporel. Pour moi, les équinoxes sont des périodes de transition où on se retrouve entre deux chaises. Quand on ne file pas, ce sont des traversées difficiles, ce sont des périodes qui nous secouent parce qu’elles permettent le changement. C’est quand qu’on se fait secouer par la vie qu’on se réveille ou qu’on se déniaise.
Ma famille n’est pas avec moi parce que je suis séparé, mais j’ai le goût de voir mes filles. Cela ne sera pas possible à Noël mais au Jour de l’An. Une de mes filles a 14 ans et l’autre à 18 ans. Ma sœur les a invitées pour que je puisse les voir chez elle, mais mon ex-conjointe ne voulait pas qu’elles viennent me voir à Québec. Elle était inquiète des conditions routières je crois. Le solstice je le vis et c’est pourquoi je me dis que 2018 va être un nouveau départ pour moi, mais quand même ce n’est pas toujours évident. Merci à tous de m’avoir écouté.
J’ai vécu avec des personnes qui avaient des problèmes de santé mentale qu’on appelle aujourd’hui neurologique. Un trait typique d’une personne en dépression profonde, c’est son incapacité d’imaginer que l’état dans laquelle elle se trouve pourrait s’améliorer. Il est impossible pour elle de le concevoir, cela ne lui vient pas à l’idée. C’est extrêmement éprouvant à vivre. Un de mes amis appelait cela son état grabataire, être sur un grabat sans pouvoir bouger et ne pas être capable d’avoir l’idée que les choses vont s’améliorer. Un autre cas, c’est quelqu’un de très proche qui a vécu une période de psychose aboutissant à un diagnostic de schizophrénie à 22 ans. Il a traversé les pires périodes y compris commettre des actes qui l’ont conduit devant les tribunaux et à séjourner à quelques reprises à l’Institut universitaire en santé mentale. Il a vécu tout cela accompagné par sa famille, mais quelqu’un qui est en état de psychose ce n’est pas facile à vivre. J’avais certaines notions sur la chose, mais quand tu le vis ce n’est pas du tout pareil. Suite à sa dernière hospitalisation, dans la section médico-légale, vous entrez comme dans une prison. Lorsque vous allez les visiter, vous devez déposer tous vos objets personnels dans un casier puis il y a un éducateur qui vous accompagne dans l’autre section. Selon l’état de la personne, on vous laissera seul avec elle ou non dans une petite pièce avec la porte ouverte et où il y a quelqu’un qui passe régulièrement. Ordinairement les personnes qui travaillent là sont assez exceptionnelles en même temps qu’il faut qu’elles soient assez baraquées pour prévenir les crises. Cette personne qui était malade est rendue à 46 ans et à l’âge de 44 ans elle a commencé à mieux aller. Après avoir traversé cette étape la plus noire, elle a accepté de prendre une médication qu’elle avait refusée jusque là parce qu’elle avait peur de grossir si elle prenait ces médicaments, mais finalement ce ne fut pas le cas. Nous nous sommes battus pour qu’il ait droit à un programme d’aide communautaire tenace. Pour que les personnes aient droit à ce programme, il faut qu’elles aient eu plusieurs rechutes et qu’elles soient passées par la section médico-légale de l’hôpital. C’est un suivi systématique parce que quand la famille doit faire l’accompagnement communautaire, ce n’est pas évident à cause des liens affectifs que nous avons avec la personne. Par exemple, il m’avait demandé de l’accompagner avec ses dépenses sur la carte de crédit dans les périodes hautes de sa maladie. Ça a finit par une grosse colère quand j’ai du restreindre ses dépenses. Donc, ce n’est pas toujours facile et maintenant, avec la médication et le programme d’accompagnement communautaire tenace, un suivi très systématique et graduel, il est retourné aux études pour faire un baccalauréat en science politique. La période de noirceur peut être longue, de 22 ans à 44 ans.
Avez-vous déjà entendu cette chanson de Claude Gauthier : « Le soleil brillera demain »? Savez-vous d’où ça vient ? J’ai connu Claude Gauthier quand j’étais enfant, dans le temps des fêtes. À Montréal, sur la rue de Normanville, mon oncle Télesphore et ma tante Julienne habitaient pas loin de chez ma grand-mère et Claude Gauthier venait du nord de Montréal, du Lac Saguay, près de Mont-Laurier. Il voulait devenir auteur-compositeur-interprète, mais il était pauvre comme du sel alors il pensionnait chez mon oncle et son premier studio c’était dans le hangar. Je me souviens d’un Jour de l’An chez cet oncle et il y avait ma cousine Claudette qui vivait une grosse peine d’amour. Inspiré par cette situation, Claude Gauthier a écrit la chanson : « Le soleil brillera demain ».
Cette personne qui avait des problème de schizophrénie, est-ce que les médecins lui donnaient un peu d’espoir de guérison ou bien est-ce qu’ils étaient fatalistes ? Dans la vraie vie, plusieurs personnes schizophrènes vivent une certaine forme de rétablissement à partir d’un certain âge.
On retrouve toutes les tendances. Pour certains psychiatres, il s’agit d’une maladie chronique et à chaque six mois tu revois le médecin dix minutes et il te redonne une ordonnance et bonjour chez-vous. En particulier, si tu n’as plus de soutien familial, c’est là que cela devient tragique. Plus de 80% des gens n’ont plus de liens avec leur famille. Parfois les gens ont peur et ils coupent les liens. D’autres médecins croient au rétablissement et à la guérison, mais parfois de façon présomptueuse. Alors la personne nourrit des espoirs de s’en sortir et lors d’une révision du diagnostic, certains médecins vont croire à la guérison de la personne qui peut bien se comporter pendant une entrevue d’une demi-heure. Il y a aussi un courant de personnes qui est anti-médicaments et cela provoque des désastres si quelqu’un cesse de prendre sa médication. Plus la crise se prolonge, plus il est difficile de revenir. Parfois, dans le système, tu ne vois qu’un médecin et en psychiatrie tu ne choisis pas ton médecin. Plusieurs recherches démontrent que passé l’âge de 40 ans, il y a beaucoup plus de rétablissements que les tentatives qui sont faites avant. Une personne qui souffre de schizophrénie, c’est une maladie neurologique qui ne se règle pas avec de la psychothérapie. Un de mes amis qui habite en Californie et qui a été dans les communautés thérapeutiques des années 1960′ où les thérapeutes vivaient en communauté avec les malades en pensant qu’ils pouvaient les soigner à l’aide de la psychothérapie. Lorsque je l’ai revu plusieurs années plus tard, il m’a confié que cela n’avait pas fonctionné. Cela prend de la médication. Tout cela pour dire que même dans des situations qui apparaissent assez désespérées pour la personne qui la vit et les personnes qui l’accompagnent, le soleil brillera demain.
C’est vrai que ce n’est pas facile de remonter quelqu’un qui est en dépression.
C’est le mal du siècle, il ya beaucoup de dépressions ces années-ci.
Moi, je l’ai vécu avec ma défunte mère la schizophrénie pendant plusieurs années. Je sais ce que c’est et je ne souhaite à personne de passer par là. Ça la rendait agressive.
Maintenant, il y a une amélioration dans l’approche du traitement. Les gens ne sont pas tous équipés pour mener la bataille dans le système pour recevoir les traitements qu’il faut.
Ils ne sont pas tous et toutes institutionnalisés. Ils vivent dans la communauté, mais il faut qu’il y ait des services d’éducateurs spécialisés.
C’est quelque chose qui est bouleversant la santé mentale. C’est mystérieux, cela affecte souvent des personnes très intelligentes, voire brillantes, qui se désintègrent sous nos yeux. Même avec l’accompagnement et les médicaments, c’est long, cela peut prendre plusieurs années.
La santé mentale en tant que telle, ce n’est pas facile. Quand tu côtoies ces personnes-là, il faut essayer de leur mettre un peu de lumière dans leur vie et leur démontrer de la compréhension.
On ressent de l’impuissance.
Puisqu’on en parle, il y a une dizaine d’années, mon fils a connu des épisodes de psychose. J’ai vécu un solstice d’hiver à ce moment là. Cela a duré quelques années. Ce n’est vraiment pas facile de voir la lumière au bout du tunnel parce que les psychiatres sont relativement peu nombreux pour le nombre de cas à traiter. Puis, c’est souvent long avant que la personne accepte de recevoir les soins. Au début, il ne voulait pas. Il a été interné des bouts de temps puis comme cela arrive souvent, il acceptait mal de recevoir les soins. Comme c’était un adulte, on ne pouvait pas l’obliger à recevoir les soins alors on lui redonnait son congé de l’hôpital jusqu’à la prochaine crise avec beaucoup de périodes paranoïaques où il se mettait parfois en danger. Ça n’a pas été facile. Il y a cette fameuse mode de vouloir refuser les médicaments pour recourir à des traitements naturels, mais c’est absurde parce que la personne qui est dans cet état là, cela ne fonctionne pas. Heureusement que maintenant il y a des médicaments. Il ne fait pas en abuser, je suis tout à fait d’accord avec cela, mais parfois cela s’avère nécessaire. Je constate par expérience que lorsqu’une personne fait de la schizophrénie ou des épisodes psychotiques, elle a vraiment besoin d’avoir recours à de la médication. Cela sauve des vies parce que sans ça souvent la personne va devenir suicidaire et probablement qu’il y a beaucoup de suicide qui seraient dus à cela. D’ailleurs au moins la moitié des personnes sans domicile fixe sont des psychotiques ou des schizophrènes. C’est plus ou moins dit par les spécialistes et les intervenants. Ce sont souvent des personnes qui s’ignorent malades parce qu’elles ne veulent pas recourir à des soins psychiatriques ou bien elles ne prennent pas leur médication de façon assez assidue et cela provoque des rechutes. Aujourd’hui, la médication réalise presque des miracles dans ces cas là parce que après quelques années, mon fils va mieux. Il reçoit une injection par mois, il a retrouvé un travail et il fonctionne normalement. Il demeure sujet à d’éventuelles rechutes, mais je croise les doigts pour que cela continue à bien aller.
Une chanson : « Vive le vent ! »
J’aimerais que nous ayons une bonne pensée pour le peuple palestinien qui vit un solstice d’hiver par les temps qui courent avec l’injure qu’on leur fait de déménager l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, eux qui vivent sous occupation depuis 1948.
Jérusalem est divisé en trois territoire, juif, arabe et chrétien. Les Israéliens ne possèdent en droit qu’une portion de la ville, mais militairement ce sont eux qui la contrôlent.
Ils s’approprient des immeubles dans Jérusalem Est.
Pas juste à Jérusalem, mais dans l’ensemble de la Palestine.
Dans le territoire de la Cisjordanie qui est sensé être réservé pour un État palestinien, ils établissent des colonies.
Joyeux Noël Juliette !
Merci d’être venue Juliette !
À partir du 01 janvier, le 21ème siècle entre dans sa majorité puisqu’il va avoir 18 ans.
Espérons qu’il va prendre un peu de maturité.
Évaluation
Les soirées sont toujours bien et je crois que ce soir, il y a eu une portée thérapeutique à nos échanges.
Je suis contente parce que les soirées comme ça, cela fait du bien. Cela permet de parler de ce qu’on vit, de ce qu’on a vécu ou de ce qu’on voit ou entend parce que je pense que c’est important parfois de l’exprimer, de ne pas garder tout en-dedans de soi. Nous avons tous et toutes un jour traversé des trous noirs, puis nous avons aperçu un peu de lumière pour finalement remonter à la surface. Je me suis toujours dit que la vie est faite comme une grande montagne. Tu montes la montagne, tu gravis des échelons, tu surmontes des épreuves, puis tu dégringoles en bas et tu dois recommencer à monter la montagne. Tu réussis à monter un peu plus haut cette fois-là, la vie est faite comme ça, de hauts et de bas. On parlait tantôt des expériences de la vie et cela m’a fait penser à deux personnes que j’ai côtoyées l’an passé aux mêmes dates. Deux personnes qui ont vécu des choses assez difficiles, l’une d’elles a perdu une jambe et l’autre a eu un accident de voiture avec un traumatisme crânien. Elle a été longtemps hospitalisée en Finlande avant de pouvoir s’en venir ici. Aujourd’hui elle marche à nouveau. Pour elle ça a été un gros tunnel à traverser. La vie n’est pas toujours facile, et ici, lors de nos soirées, lorsque nous partons sur des thèmes, cela fait du bien de pouvoir sortir ce que l’on voit ou ce que l’on entend.
Et voir la lumière au bout du tunnel.
Je vous remercie d’avoir pensé à ce thème. C’était bien intéressant. J’ai apprécié la sincérité des interventions, même les partages plus difficiles. Ce n’est pas toujours obligé d’être du positif, ce n’est pas ça la vie. J’aurais aussi une pensée pour les Rohingyas au Myanmar et au Bangladesh, et aussi pour les gens du Yémen où sévissent une guerre et une famine. Pour partager rapidement un véritable solstice que je vis, c’est une réfugier syrienne que je connais. J’ai rencontré cette femme il y a quelques semaines, elle est tellement enthousiaste, elle s’implique dans plein d’affaires, et quand je la vois, même si elle ne parle pas encore français, c’est un véritable rayon de soleil. Elle a un immense sourire et une joie de vivre communicative. Elle m’inspire d’autant plus que sa vie n’a pas été facile au cours des dernières années. C’est une belle grâce de la connaître.
Puisque nous sommes dans les pensées, moi c’est pour le peuple du Honduras que je m’inquiète. Je suis ce qui se passe là-bas depuis l’élection présidentielle. Cela a pris trois semaines avant qu’ils déclarent un gagnant, sauf que pendant le dépouillement du scrutin, alors que l’opposition menait largement dans les intentions de vote, le système informatique a planté. Lorsqu’il a redémarré 12 heures plus tard, la tendance s’était inversée. Les Honduriens sont victimes d’une fraude électorale à grande échelle appuyée par le département d’État et l’ambassade américaine. Il a des manifestations massives à chaque jour partout dans le pays. Ici, on n’en parle pas dans les médias alors qu’on diabolise le gouvernement légitime du Venezuela. Laissez-moi vous dire que c’est pas mal plus grave ce qui se passe au Honduras, au Brésil, au Mexique ou en Colombie, et qu’ici on ne nous en parle pas. Les Honduriens et les Honduriennes sont disposés à sacrifier leur vie pour que leur vote soit respecté. Ils luttent à mains nues contre l’armée. Ils sont rendu à 34 morts par balles tirées par les militaires qui ont déclaré l’État de siège quatre jours après les élections. Cela veut dire suspension de l’habeas corpus et vivre avec un couvre-feu. Ne sommes nous pas en train de nous éteindre si nous ne savons même pas ce qui se passe si près de nous, sur notre continent. Autrefois les Québécois étaient solidaires de la défense des libertés démocratiques des autres peuples, mais les médias sont tellement manipulés que nous ne comprenons plus ce qui se passe dans le monde.
Ça a été une belle soirée, commençant par un bon repas suivi d’une belle discussion en profondeur.
C’est peut-être chiant Noël, mais des soirées comme celle-ci c’est le fun.
C’est le fun de ne pas rester dans le superficiel tout le temps.
Je trouve qu’on forme une belle famille.
Mon petit-fils de sept ans m’a dit récemment : « Tu sais grand-papa, le Père Noël ça existe pas. » Je lui ai répondu : « Je le savais, mais tes parents voulaient pas que je te le dise. »
Moi, c’est la première fois que je viens ici et j’ai bien aimé ça. C’était vraiment intéressant. Pour ce qui est du Minuit chrétien, l’histoire rapporte qu’il s’agit d’un chant composé en 1847 qui voulait mobiliser les populations en France pour qu’elle se soulève contre la tyrannie. « Peuple debout ! Voici ta délivrance ! »
C’est la première fois que je vois au CAPMO une discussion sur deux sujets où il y a des positions aussi différentes : « J’hais Noël !» ou « J’aime Noël ! » et qu’il y ait un très grand respect dans cela. Aussi la version de croyant ou athée, c’est quand même un défi d’être capable d’organiser une activité le 21 décembre avec du monde aussi différent, certains se réjouissent de la naissance de l’enfant Jésus et d’autres qui ne veulent rien savoir, tout cela assis en cercle en demeurant à l’écoute. Il faut quand même le faire. Chapeau !
Cette soirée était animée
par Gérald Doré.
Jésus, nouveau-né, était un réfugier politique en Égypte devant fuir la persécution d’un roi tyran.