#276 – Collectivement, où trouve-t-on du sens dans un monde aussi absurde ?

# 276 – Collectivement, où trouve-t-on du sens dans un monde aussi absurde ?

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Ce soir, nous étions une communauté d’observateurs réunis pour réfléchir sur l’absurdité du monde. ChacunE cherchant à faire du sens, à comprendre, à trouver des raisons expliquant l’inexplicable en démontant les mécanismes de la folie meurtrière. Au départ, l’atermoiement apparaît naturelle, mais il faut savoir le dépasser pour répondre à la question légitime du sens. La solidarité est la première réponse spontanée qui nous vient, et même si elle demeure sans mot, elle se veut témoignage par sa présence rassurante auprès des proches des victimes. Être présent auprès de ceux et celles qui ont été frappés d’une calamité, ce n’est jamais perdre son temps. À la vigile et aux funérailles, nous sommes allés recueillir les larmes et demander pardon afin que cette faute ne nous soit pas imputée. Et à travers cette grande laideur a resplendi la beauté de cette foule en silence. Les événements tragiques agissent comme des révélateurs des problématiques sociales, mais aussi, si nous cherchons bien, de la profondeur de nos racines et de notre capacité à réagir avec bonté et sagesse. Le passé cohabite avec le présent, conspirant à l’avènement d’un avenir souvent surprenant.

Le non-sens demeure une question ouverte, en suspend, qui exige de nous davantage que des raisons, mais des gestes répétés et des attitudes renouvelés pour sortir de notre enfermement, de notre confort et de notre indifférence, qui ont permis aux mauvais herbes de la haine et de l’intolérance de prendre racine ici. La superficialité de notre société de consommation doublée de notre peur obsessive de disparaître, fait qu’une part de nous-mêmes se sent constamment assiégée et menacée par celui qui ose affirmer autre chose que ce qui est dictée par un consensus social édulcoré. Sans altruisme, nous nous avilissons rapidement dans les méandres de nos égoïsmes identitaires. Mais l’amnésie ouvre la porte aux pires égarements et l’héritage de notre appartenance identitaire devient l’étendard de nos aspirations les plus secrètes ou la fossoyeuse de nos rêves collectifs. « Cela est vécu comme une souffrance, » observe l’un de nos participants.

La rencontre de l’autre est une chance extraordinaire pour grandir et apprendre à mieux se connaitre. Individuellement et collectivement, quelle direction choisirons-nous de prendre ? Celle de l’inclusion, de la connaissance de l’autre ou du repli sur soi ? Par nos grands-mères amérindiennes, je demeure convaincu que le métissage entrepris il ya quatre siècles se poursuit toujours sous nos yeux, parce qu’être QuébécoisE, c’est une manière accueillante d’habiter le monde, d’intégrer les différences et d’ouvrir de nouveaux horizons. Explorateurs du sens, nous demeurons d’extraordinaires médiateurs entre les différentes cultures ; ambassadeurs de paix aux quatre coins du monde, notre prétention n’est pas de dominer ou de conquérir, mais d’aller à la rencontre de notre semblable, à la découverte de ses différentes richesses culturelles. Ethnologues avant que la discipline n’existe, le Québécois, la Québécoise, est aussi l’homme des frontières, du royaume imaginaire et de la quête de l’impossible qui n’a pas encore été créé ; celui et surtout celle qui a l’évolution à cœur et l’amour du monde inscrit à jamais dans son cœur. Et une fois encore, pour nous réinventer, retournant boire à la source, nous devons engendrer notre propre mythe inclusif de toutes nos appartenances.
Yves Carrier

 


Table des matières :

Un monde absurde
L’escargot
 Condoléances
 Un événement
 Le nomade

 


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Un monde absurde

Depuis plusieurs rencontres mensuelles, nous poursuivons une démarche qui tourne autour de la spiritualité et de l’engagement social, des motivations personnelles qui suscitent et nourrissent l’implication citoyenne. Le comité qui s’est réuni pour discuter du sujet de la rencontre de ce soir, l’a fait quelques jours avant les événements à la mosquée de Ste-Foy. Déjà, avec l’oligarchie des milliardaires qui gouvernent ouvertement la planète dans un heureux mariage du politique avec les puissances de l’argent, nous trouvions le monde très absurde et nous souhaitions faire une rencontre sur la quête de sens comme moyen de résistance au fatalisme et à la désillusion. Malheureusement, la tragédie du 29 janvier a fait basculer Québec dans une autre dimension, encore plus absurde et plus près de nous.

Minute de silence en mémoire des disparus suivie de la lecture de ce texte de réflexion

Le retour du spirituel pour le meilleur et pour le pire par Abdennour Bidar
Nous y voilà. Après deux siècles de reflux, la mer du spirituel remonte. Pour le meilleur et pour le pire. Le pire de pulsions obscurantistes dont les religions n’ont pas réussi à se débarrasser : intolérance et superstitions; empire de la soumission de la créature à Dieu, de l’individu au groupe, du fidèle au clerc, et trop souvent de la femme à l’homme. Et une radicalité de tous les intégrismes où s’exprime le désarroi d’agonie de systèmes saisis par la terreur de se voir inexorablement mourir. Mais le spirituel revient également pour le meilleur. Parfois même du côté de la religion, lorsqu’elle ne s’érige pas en maître de vérité. De plus en plus d’héritiers – de l’islam, du christianisme, du judaïsme, etc. – vont puiser à ces sources des perles d’inspiration. On ne va plus vers les textes pour obéir, mais pour méditer. Trouver son chemin de vie personnel. On relit la Bible, le Coran, la Bhagavad-Gita, etc., pour y ressentir le mystère de l’univers et de notre condition humaine.

Grandir en humanité
Chacun tente de s’ouvrir aussi aux grands textes des autres et la nouvelle quête de sens fait exploser tous les cadres. Elle déborde les murs et les frontières du religieux qui n’a plus le monopole de rien. Le chercheur de sagesse est aujourd’hui un nomade spirituel, un explorateur, un omnivore qui cherche partout de la nourriture pour son âme, partout une expérience initiatique, y compris dans les domaines les plus profanes de sa vie: ses amours, ses réseaux, son job, ses engagements… À tout, il demande la valeur ajoutée du sens, de l’authenticité, de la simplicité, de la beauté, de l’intensité, de la qualité plutôt que de la quantité. Cette soif est « spirituelle », car elle vient s’étancher aux mille et une sources de l’existence où jaillit quelque chose qui peut nous faire grandir en humanité. N’est-ce pas là l’aurore d’une spiritualité enfin partageable entre nous tous, athées, agnostiques, croyants de toutes confessions ? Voyez à quel point les générations qui arrivent sont mues par cette immense espérance d’une re-spiritualisation du monde. Leurs aînées sécularisées se battaient pour une société plus juste. À ce combat pour le progrès politique, ces nouvelles générations veulent ajouter le progrès d’être et de conscience. Elles perçoivent que les deux sont inséparables, que la transformation personnelle sera demain la condition – l’énergie – de la transformation sociale. Elles refusent le monde d’hier, qui ne donnait plus guère de droit de cité au spirituel. Qui mesurait la valeur d’une vie en termes de réussite matérielle, de plaisirs sensibles.

Ici et maintenant
En rupture avec ce modèle, notre jeunesse veut éprouver la joie bien plus exaltante de se sentir vivante. De sentir couler en soi la sève des grands liens nourriciers qui dilatent l’esprit et le cœur jusqu’à l’infini : le lien physique de fraternité avec tous les autres, sans limite de couleur ou de croyance ; le lien physique de communion profonde avec la nature ; le lien physique avec les palpitations de sa propre âme… cette sublime source lumineuse décrite par toutes les traditions de sagesse d’Orient et d’Occident. J’insiste sur le mot « physique » parce que la vie spirituelle qui émerge ne tend plus vers un au-delà. Elle veut se trouver ici et maintenant, dans tout geste, tout acte, tout engagement. La vie spirituelle cherche à devenir la vie tout court. Tel est selon moi l’événement de ce début de XXIe siècle.

Abdennour Bidar, Philosophe, essayiste, spécialiste de l’islam et des évolutions contemporaines de la vie spirituelle.

 


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L’escargot

Alors, nous avons cet escargot, qui est notre bâton de parole, pour permettre à tous et à toutes de s’exprimer. On essaie de ne pas faire des monologues et nous avons environ 4 à 5 minutes chacunE pour un premier tour de parole. Au cours des dernières semaines, nous avons été submergés par une vague d’absurdité, voire un haut-le-cœur. Je vous rappelle la question qui nous est posée : « Collectivement, où trouve-t-on du sens dans un monde qui a l’air si absurde ? »

– Moi, je pense que nous pouvons associer l’Apocalypse avec ce qui se passe aujourd’hui dans le monde entier. C’est un temps où le merveilleux peut se produire. C’est une époque où l’humanité est en train d’y arriver au bout de quelque chose et chacunE est à la recherche de la pierre précieuse de ce qu’il révère le plus. Il s’en sent si proche, en science, en médecine, en littérature. Bob Dylan a reçu le prix Nobel de littérature. Ce sont des choses incroyables que nous ne pouvions pas imaginer. Le monde se lâche lousse dans l’effort pour survivre, et en même temps, il y a ce mouvement assassin qui essaie d’empêcher le changement. C’est là où nous sommes.

– Mais il y a beaucoup de solidarité. Nous avons senti ça chaudement dans le quartier à Ste-Foy. Le lundi 30 janvier, je suis montée sur les toits lors de la vigile et il y avait des milliers de personnes présentes. Beaucoup de gens se demandaient qu’est-ce qu’ils faisaient là ? Je demandais aux gens pourquoi ils étaient venus et plusieurs répondaient qu’ils ne le savaient pas. Mais j’ai aimé cet élan de solidarité. Heureusement qu’il y a eu cela. Sinon la lourdeur serait toujours présente. Selon moi, les gens les plus touchés ne sont pas sortis encore. Nous avons tenu notre comptoir alimentaire à Ste-Foy la semaine dernière et plusieurs habitués ne sont pas venus.

– Moi, j’habite à Neuville, à 25 km de Québec. Nous étions quatre à travailler et nous avons décidé de tout arrêter pour nous rendre à la vigile à Ste-Foy. J’étais sûr de ne pas perdre mon temps en étant là au milieu de tout le monde. J’ai été marqué par le nombre de personne qui étaient présentes, des adultes, des jeunes, des enfants, des bébés, des parents. C’était beau. Ça m’a fait beaucoup réfléchir depuis. Il est intéressant de voir que notre société politique et civile qui prétend être complètement laïque, a dû passer par la dimension religieuse pour traverser cette épreuve, l’humaniser, donner un sens quelconque à l’horreur. Cessons de vouloir séparer le religieux et le civil. Nous ne sommes pas saucissonnés comme cela à l’intérieur de nous-mêmes. La religion que je suis m’invite à m’impliquer, à m’engager, dans certaines voies et je ne peux pas diviser qui je suis. Ce qui m’a toujours guidé dans ma vie jusqu’à présent, c’est une recherche, une quête d’unité, afin d’être cohérent avec moi-même. Donc, ce à quoi je crois, ce à qui je crois, puisse se traduire dans des actes. Je suis un peu fatigué que l’on fustige les religions, quelles qu’elles soient. Je ne suis pas musulmans, mais j’ai de grands amis suffis, des frères avec qui on parle, on échange, on vit des choses fantastiques. Ce n’est pas la religion qui est le problème, mais la façon dont on la vit. C’est comme n’importe quoi. On peut être au CAPMO et décidé d’en faire quelque chose de sectaire et de refermer sur lui-même. On peut faire de l’intégrisme avec n’importe quoi. Ce qui compte, c’est d’abord la liberté d’une personne dans ce qu’elle vit. C’est la quête de sens que nous avons tous dans notre vie. Je vis les choses comme ça.

– Moi, la journée où c’est arrivé, j’ai été frappée. C’est venu me chercher en dedans parce que je me disais : « Où est-ce que nous sommes rendus ? Ça n’a pas de bon sens, on est pas capable de s’aimer les uns les autres, ça n’a pas d’allure. » Je ne comprenais pas. La journée qu’ils ont fait la manifestation, ça passait devant chez-nous et à cause que j’ai des problèmes avec mes jambes, je n’ai pas pu aller, mais j’ai salué la foule sur mon balcon lorsqu’ils sont passés devant chez-nous pour montrer mon support. J’ai vu que parmi ces gens, il n’y avait pas juste des musulmans. Il y avait des enfants, des adultes, et je suis restée surprise de voir la diversité qu’il y avait dans cette marche. Je me suis rappeler un chant religieux de mon enfance qui disait : « De quelle couleur est la peau de Dieu ? Blanche, rouge, noire, verte, ou comme tu veux, tout le monde est semblable sous le regard de Dieu. » Cette phrase m’a toujours frappée et je demande où nous sommes rendus aujourd’hui à s’entre-déchirer les uns les autres ? Peu importe le dieu que nous prions, nous avons tous et toutes des valeurs et des qualités et des richesses à l’intérieur de nous que nous sommes appelés à partager. Je ne comprends pas pourquoi cet événement s’est produit ? Qu’est-ce qui a fait que cela a été déclenché ? Je trouve ça triste.

– La question que tu poses Monique va rester ouverte. C’est une question qui demeure à creuser pour plusieurs années. Cet événement nous renvoie à nous-mêmes en tant que société, comment est-ce qu’on veut vivre les uns avec les autres ? Est-ce que nous choisissons d’être ouverts ou fermés comme société ? Ça nous interroge profondément dans tous les sens. Nous venons d’entreprendre une longue thérapie collective. J’étais présent à la vigile le 30 janvier. Je ne savais pas pourquoi j’étais là ? J’étais incrédule, je ne le croyais pas. Oui je me suis dit : « Qu’est-ce que je fais ici ? » Parce que je comprenais pas ce qui était arrivé. Je me disais : « Ça se peut pas. C’est pas vrai. Comment quelqu’un peut penser à faire ça, ici, à Québec ? »

– Par rapport à l’événement à la mosquée de Ste-Foy et au texte que nous avons lu, où est le sens de ce que nous vivons ? Après la fameuse tuerie, je me suis dit : « Ce jeune qui a fait ça n’a pas de conscience. » Pour moi, c’est le mot conscience qui est venu tout de suite. Certains ont dit qu’il n’avait pas d’âme. Cela m’apparaît difficile à dire quand même. Mais simplement la conscience qu’il peut faire mal. Nous pouvons tous et toutes faire du mal aux autres. Je n’ai pas besoin d’avoir une arme pour ça. À la limite, je peux tuer quelqu’un par la parole. Ce qui me vient avec cet événement, c’est que ce qui est incroyable, c’est qu’il est bien sur tout rapport ce jeune. Chaque fois que je manque de conscience, que je vis superficiellement, sans me poser de questions, je suggère à d’autres, plus influençables, de poser des gestes de violence, des gestes irresponsables. Je réalise à quel point nos pensées et nos paroles ont de l’impact et davantage encore lorsqu’on prend de l’âge. Il y a un exemple à donner aux jeunes autour de nous. C’est ce qui donne du sens à mon avis, ce sont mes attitudes, mes paroles, les actes que je pose, les choix que je fais ou la parole que je ne dis pas et qui pourrait faire réfléchir les autres, qui moi me font réfléchir. Pourquoi je n’ai pas dit cela ? Parce que je n’avais pas envie d’envenimer une conversation, d’énerver quelqu’un ou de me couper d’une relation. Donc, il y a ce qu’on dégage les uns les autres d’une manière sociétale, il y a de quoi être inquiet lorsqu’on voit un jeune homme prendre une décision aussi absurde. Cela en dit long sur la fragilité de notre société, le manque d’exemples positifs et de points de repère de ce jeune et de plein d’autres. Qu’est-ce que je peux poser comme acte pour redonner du sens à la société dans laquelle je vis, à mon travail, mes amis, etc. ?

Nous avons l’impression de vivre une époque où un monde se termine dans un certain chaos. Ce n’est probablement pas encore la fin du monde. Ce qui est important, c’est qu’il y a quelque chose qui se développe pour devenir un futur monde ou des voies vers autre chose. Il y a quelque chose qui meurt et quelque chose qui est en train de naître par petites initiatives, mais il faut se mettre ensemble pour inventer ce qui vient, le discerner. Peut-être que les artistes peuvent le faire individuellement ? Entendre, saisir, sentir, ce qui a du potentiel, ce qui est porteur d’avenir. Mais pour le commun des mortels, nous devons nous mettre ensemble pour en parler comme nous le faisons ce soir. C’est toute l’idée d’un discernement communautaire, dans la mesure où il y a des rapports sociaux au sein d’une communauté, cela peut devenir un lieu de discernement efficace. Inventer l’avenir, cela ne se fait pas sous un mode individuel, mais idéalement communautaire.

– Dans l’histoire des civilisations, on parlait toujours de l’aspect social, pour que ce changement civilisationnel se produise, il va falloir que chacun, chacune, naisse à lui-même. Ce serait radical, dans le sens d’aller à sa propre racine intérieure. Le fruit de cela, nécessairement, va créer un tissu social, mais de la qualité de chaque cellule dépend la qualité du tissu. Il va falloir se remonter les manches.

– Quand j’ai pris l’affiche, on dirait que la réponse est contenue dans la question. « Où trouve-t-on du sens dans un monde qui a l’air si absurde ? » Collectivement, c’est déjà une réponse en quelque sorte. Dans le mot enfermement, il y a enfer. Je pense que c’est ça le danger lorsque dans une société des individus s’enferment en eux-mêmes en raison de souffrances ou de la culture de l’individualisme. Alors que tout ce qui est vivant est en mouvement. Ce qui n’est pas en mouvement meurt. Que ce soit dans la nature ou dans les relations humaines, lorsqu’on se ferme aux autres, il y a quelque chose qui meurt en soi. J’ai le goût de vous partager le texte que j’ai écrit en hommage aux disparus.

 


 

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Message de condoléances 

Mon message de condoléances aux familles et à la communauté victimes de cet attentat terroriste

Reposez en paix Ezzedine (Azzeddine) Soufiane, Boubaker (Aboubaker) Thabti, Ibrahima Barry, Abdelkrim Hassane, Khaled Belkacemi, Mamadou Tanou Barry. Mes plus sincères condoléances à leur famille, amis, élèves, clients, collègues et à toute la communauté du Centre culturel islamique de Québec. Nous sommes tous en deuil de nos concitoyens.

Je veux témoigner à vous tous qu’une amie marocaine, Aicha Lakhdar a transformé ma vie à jamais, en bien. Je ne serai jamais assez reconnaissante. Je suis profondément chrétienne, mais par ce qu’elle EST, notamment sa culture marocaine et sa foi musulmane, cette amie ma aidée à me rapprocher davantage de Dieu, à approfondir le sens du jeûne, de la charité et de la communauté.

Le mal être identitaire des  »québécois d’origine », c’est notre problème et nous n’avons pas a faire porter ce fardeau à la communauté belle et fière que vous êtes. C’est facile et confortable de trouver des coupables de tout notre mal-être à l’extérieur de soi. Parce que c’est trop dur et souffrant d’entrer en soi. Trop de Québécois semblent vivre surtout à l’extérieur d’eux-mêmes, se confortent dans le confort et le matérialisme. Il est difficile pour eux d’entrer en eux-mêmes, de contacter leur intériorité, de s’ouvrir à ce qui dépasse leur personne, à ce qui ( pour moi) est Dieu.

Pourquoi des gens ont-il peur de vous rencontrer ? Votre contact très riche m’a aidé à recontacter mes propres racines, mon identité. Nous sommes tous des êtres humain avec beaucoup en commun. Nos quelques différences offrent une altérité nécessaire pour se décentrer de soi et devenir des meilleures personnes. Merci à vous. Vous m’avez permis de grandir et vous me permettez encore de le faire. Et vous permettez de faire grandir la société québécoise. Ensemble, nous en faisons tous partie.

C’est un baume sur mon cœur d’avoir été à la vigile de lundi. Ça me confirme que la majorité des Québécois et des Québécoises  »d’origine » ne sont pas ainsi ou que du moins, au moment où adviennent des tragédies, il y a encore de cette grandeur d’âme et des valeurs profondes qui les animent. Il ressort alors ce qu’il SONT véritablement, la bonté ancrée profondément en eux.

L’attentat terroriste du Centre culturel islamique de Québec n’est PAS un acte isolé. Au Québec, ces dernières années, il y a eu une gradation constante de la violence envers les musulmans et musulmanes. Je connais plusieurs musulmans et musulmanes pour lesquels la discrimination est un lot quotidien. Quoi qu’en disent certains politiciens, l’islamophobie est omniprésente au Québec et je m’engage personnellement à ne plus tolérer le moindre acte d’islamophobie et à le dénoncer.

Salam Aleykoum. Paix à vous.

Union de prière. Emilie Frémont-Cloutier


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Un événement qui bouleverse

 – J’ai beaucoup de difficulté à me positionner face à cet événement. Cela ne m’a pas beaucoup surpris. Je me disais que cela arriver un jour à Québec. Depuis plusieurs années, avec les vagues d’attentats et les conflits au Moyen-Orient, il y a un conflit culturel qui n’est pas assumé ni d’un côté, ni de l’autre. Je pense que des deux côtés on joue à l’autruche et cela ne fait qu’amplifier le phénomène. Je m’inclus là-dedans. Personnellement, lorsque l’événement s’est produit, je ne m’en suis pas aperçu. Cela n’a pas eu d’impact dans mon quotidien, je l’ai appris plus tard, par internet, en lisant des articles de journaux. J’ai vu des pages sur Facebook apparaître. À un certain moment, ma colocataire m’en a glissé un mot. J’ai fait : « Ah bon ! » Je n’ai pas compris immédiatement l’ampleur du phénomène. Quand j’ai lu que le premier ministre et le maire de la ville se réunissaient à Québec, je ne comprenais pas ce qui arrivait. Je me promenais dans la ville et je ne sentais pas que c’était l’état d’urgence. Ce n’était pas comme une catastrophe naturelle qui touche tout le monde. Ça m’a pris beaucoup de temps avant de comprendre que nous vivions une crise et qu’il y avait plein de gens qui avaient été touchés spirituellement et qui se remettaient en question devant ce qui venait d’arriver. Je trouvais cela vraiment absurde. Le titre de la soirée correspond bien. Je pense que nous focussons trop sur cet événement alors qu’il y a aussi de belles choses qui se produisent entre chrétiens et musulmans. Trop souvent, certains discours veulent opposer les populations, les Québécois d’un bord et les musulmans de l’autre. Moi je suis un Québécois chrétien, il y a des Québécois juifs et il y a des Québécois musulmans, c’est tout. Nous avons tous un impact les uns sur les autres, puis il est arrivé une catastrophe. Quelle ampleur est-ce qu’elle a et quelle ampleur avons-nous voulu lui donner ? Je ne pense pas que cela soit une erreur de lui avoir donner autant d’importance et de nous questionner sur cela. À Québec, je pense que les gens ont bien réagi en se posant des questions intelligentes. Ils se sont tournés les uns vers les autres en profitant de l’occasion pour dire que nous sommes plus forts que la crise qui vient de se produire. Cela permet à plein de gens de faire leur deuil et à d’autres de s’ouvrir à de nouvelles réalités. Ça m’a agréablement surpris. Par exemple, de voir Régis Labeaume qui prenait position contre les messages haineux véhiculés par certains médias. J’étais content de le voir prendre position. Cela m’a donné confiance. Je me suis dit : « Malgré la catastrophe qui s’est produite, notre société est plus forte que cela. » Cela ne m’inquiète même pas et nous sommes encore très loin de la fin du monde. C’est plate de le voir comme cela, mais c’est un fait qui demeure isolé dans l’histoire du Québec. Il va y en avoir d’autres, des plus dramatiques et des plus merveilleux, des plus beaux. Dans quelques siècles, j’espère que nous trouverons les conflits de religion complètement absurdes. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un conflit entre les Québécois musulmans et les autres qui a engendré cette tragédie. On ne connait pas le meurtrier et ses motivations profondes. Pourquoi un individu en arrive à poser un geste semblable ? Je ne pense pas que cela soit représentatif de ce qui se passe en politique dans notre société. C’est quelqu’un de malade qui a provoqué un drame. Pourquoi cette personne avait accès à des armes ? Pourquoi a-t-il choisi de poser un tel geste ? Je pense que nous devrions davantage nous poser ce type de questions.

– Moi aussi, je n’étais pas surpris par cet attentat. C’est choquant, mais cela arrive partout. Je pense que la racine de tout cela est la superficialité de notre société. Le texte que nous avons lu au début est beaucoup trop optimiste selon moi. Cela présuppose un processus de réflexion qui n’est pas présent dans la société. On ne réfléchit pas et c’est à cause de cela que nous avons ces attentats qui sont le résultat de cette vie de non sens que nous avons. J’imagine que pour ce meurtrier, s’en prendre à des musulmans faisait du sens. Quelles valeurs lui ont été enseignées ? Quelles sont les valeurs présentes dans notre société ? C’est une grande question à laquelle nous devons réfléchir collectivement.

– Je vais m’inscrire dans le prolongement de la pensée de Jim. Je ne peux m’empêcher de penser à l’historien Éric Hobsbawm, pour qui le XXème siècle a commencé en 1914 et s’est terminé en 1989 avec la chute du mur de Berlin. Selon lui, le 11 septembre 2001, nous avons changé d’ère. Nous sommes officiellement dans l’ère contemporaine depuis 1789, la Révolution française. Une nouvelle ère où le terrorisme deviendrait un mode d’action banal. Je ne peux m’empêcher de penser au fait que, sans doute parce que le Québec n’a pas vécu les grandes folies du XXème siècle, qu’il n’a pas été partie prenante du nazisme ou du communisme, j’ai l’impression que la société québécoise se conçoit en-dehors de l’Histoire avec un H majuscule, que nous sommes préservés. Ce qui s’est produit ce dimanche soir à la mosquée de Ste-Foy, c’est venu nous dire : « Non, nous faisons nous aussi partie de cette folie de l’Histoire avec un grand H ». Donc, cela ne m’étonne pas du tout ce qui s’est passé. Nous pourrions même nous demander pourquoi cela ne s’est-il pas produit avant ? Nous savons maintenant que ce n’est pas juste le lot de la France ou de l’Allemagne. Ça a commencé ici au Canada, à Québec. Cela aurait semblé plus probable à Montréal, mais non, c’est arrivé ici. Malheureusement, je pense que c’est pas terminé.

– Il s’agit des questions matérielles de ce qui est arrivé. Un peu comme un accident de voiture qu’on se remémore pour voir comment nous aurions pu l’éviter. Maintenant, j’aimerais vous ramener à un sens plus profond. Qu’est-ce qui reste après un tel événement ? On ne peut pas faire autrement que d’en faire une lecture symbolique. Au regard de l’histoire, certaines morts apparaissent davantage significative que d’autres. En Amérique latine, on appelle cela des martyrs, ceux et celles qui ont été assassinés pour ce qu’ils représentaient ou la cause qu’ils défendaient. Au Québec, nous sommes capables d’avoir un sens de l’histoire plus profond. Par exemple, si on prend la tuerie de Polytechnique, à chaque année, il y a des commémorations. Au Lac-Mégantic, c’est un accident de train, mais il y a eu 47 morts, ce n’est pas rien comme acte de négligence criminelle. Il y a des événements qui parlent et dans l’histoire du Québec, dans 100 ans, on va encore parler de la tragédie de Lac-Mégantic. Cet attentat, malheureusement, appartient maintenant à notre histoire. C’est comme l’enlèvement de Pierre Laporte en octobre 1970. Il y a des événements qui sont comme des coches sur le tronc de l’arbre de notre histoire et de notre mémoire collective. Un coup de hache a été donné. Si je me fis à la connaissance que j’ai de mon peuple, je ne pense pas que cela va se reproduire. Nous ne sommes pas des gens violents et nous rejetons profondément l’acte de prendre une vie. J’ai connu d’autres pays où l’assassinat politique appartient encore à leur récit historique. Je pense que nous sommes heureusement devant quelqu’un qui a vécu un enfermement ou qui s’est créer lui-même son propre enfer. Plus globalement, en ce qui concerne notre société et notre histoire, il y a comme un quadrille, cette danse où l’on rentre tour-à-tour. Au départ, nous avons été mêlés à la guerre amérindienne contre les Iroquois. Nous étions alliés à certaines tribus et en guerre avec une autre. Cela a duré 90 ans de pleurs et de morts des deux côtés. Ensuite, il y a eu les guerres avec les Anglais, puis l’arrivée des loyalistes, la résistance au protestantisme, l’immigration des Irlandais que nous avons combattus et aimés. Tout cela ne s’est pas fait sans heurts. De même avec les Juifs, les Italiens, les Portugais, les Grecs, les Polonais, etc., au XXème siècle. C’est comme si chaque groupe ethnique qui se joint à la grande famille québécoise devait subir une mise à l’épreuve. Comme un rite d’initiation avant que le groupe majoritaire accepte le nouveau venu. On dirait que la crise est nécessaire pour appartenir au clan. Il faudrait avoir un regard anthropologique et sociologique sur notre société. Par contre, une fois qu’ils sont membres du clan, nous allons nous battre pour les défendre et les protéger.

– J’ai trouvé intéressant cette idée que certaines morts sont plus significatives que d’autres. Guy Blouin a été frappé par une voiture de police avant de décéder, il occupe une place particulière dans l’histoire des relations des citoyens de la Basse-Ville avec la police de Québec. Je ne sais pas si vous avez entendu l’histoire de Martin Gagnon. Il a volé une voiture et il a été poursuivi par la police sur l’autoroute en pleine nuit. Il a été abattu parce qu’il a attaqué la police avec une machette. Je crois que toute vie humaine mérite d’être protégée et que la police n’a pas le droit d’exécuter les gens comme cela. Nous avons mis fin à la peine de mort au Canada il y a 40 ans, ce n’est pas pour donner à la police le droit de tuer les gens même s’ils sont menaçants. Il y a d’autres moyens de les arrêter. Comme il était violent, personne ne s’est porté à sa défense. Je trouve cela inacceptable. Cela ne doit pas se passer comme ça. Ce n’est peut-être pas une bonne idée de catégoriser les morts. Chaque mort violente est une mort de trop. Il ne faut pas banaliser la mort non plus.

– J’ai été content d’apprendre que les policiers avaient arrêté le jeune meurtrier de Ste-Foy et qu’il ne l’avait pas tué. Je ne peux pas croire que des experts du tir ne peuvent pas tirer pour déstabiliser quelqu’un au lieu de l’abattre. Depuis que je commence à me percevoir comme un aîné, lorsqu’il s’agit d’un jeune qui a la moitié de mon âge et qui pourrait être mon enfant, je me dis: « Qu’est-ce que je peux faire ? » Tu n’es pas le seul à penser que c’est la fin du monde. Si tu étais seul, je ne inquiéterais pas. Il faut faire de la place aux jeunes. Je l’interprète comme ça : Il n’a pas trouver sa place. Il ne faut pas juste leur dire que c’est la fin du monde. Nos jeunes, il faut leur dire : « Voici, tu as ta place, go ! » Ce qu’on peut faire, moi je côtoie trois générations en ce moment, ceux qui rentrent dans la vie active, il faut travailler à leur faire de la place. D’une certaine façon, il faut aussi apprendre à céder la place. Quand je vois qu’ils veulent nous faire travailler jusqu’à 70 ans. Il faut aussi penser au collectif. Il y a un sentiment collectif éprouvé par cette génération qui ne trouve pas sa place.

– Dans mon autre travail, je fais du travail de rue et je vais dans les cafés et les bars pour écouter les gens. Comme au CAPMO, la dimension de quête de sens et de spiritualité sont aussi présentes. Je vais surtout voir les jeunes qui sont seuls et je dirais que certains partagent les même opinions radicales que le tueur de Ste-Foy. Je ne veux pas vous faire peur avec ça, mais les amis de mon âge constate que sur les réseaux sociaux, il y a des gens radicaux dans leurs propos, d’extrême-droite, qui se radicalisent de plus e plus. Il semble y avoir un problème surtout chez les jeunes hommes. Il est difficile de mesurer l’ampleur que cela a. Mon ancien voisin qui est déménagé, était skinhead avec des slogans racistes et néonazies, ce n’était pas rassurant. C’est quand même une réalité. Moi je pensais qu’il y avait des groupuscules comme cela davantage au centre-ville, mais ils ont fait une manifestation cet automne, les Soldats d’Odin. Il semblerait qu’ils aient commencé à distribuer des tracts à Ste-Foy. Je ne veux rien dramatiser, mais je ne voudrais pas non plus banaliser le fait que ces groupes existent dans notre ville. Je trouve cela inquiétant.

 

 En fait, c’est la question du sens et de la conscience qui se pose. Il y a un manque de sens et une superficialité dans la société. Il y a comme un espèce de combat de fous qui veut s’imposer entre le manque de sens, l’absurdité de la société de consommation, et le manque de sens, l’absurde d’une religion intégriste et mal vécue. Une religion qui n’est qu’une forme de pouvoir pour des gourous. Le mot sens a plusieurs sens. Nous avons nos cinq sens, parfois six ou sept, cela dépend des individus, avec lesquels nous recueillons l’expérience du monde. On connait ou on tente de connaitre le sens de l’univers et cela nous éveille à une certaine sensibilité, les sentiments. Nous avons aussi une science pour connaitre le monde dont nous devons trouver la signification. Mais le véritable sens, celui qui nous rend libre, c’est la direction que l’on prend. Quelle est la finalité de notre monde ? Où est-ce qu’on s’en va ? Donc, pour donner du sens au monde, il faut lui donner une raison de militer, une raison d’être, qui unit la spiritualité, nos valeurs, nos motivations, et le politique. Cela descend ensuite jusqu’à l’économie. Il y a comme une chaîne de sens qui va de la signification, de la direction, jusqu’à la vie concrète de tous les jours. Ce chemin doit être fait dans le bon ordre. Ce qui est arrivé depuis l’avènement du capitalisme, c’est que nous avons inversé l’ordre des valeurs. Auparavant, nous avions des valeurs qui camouflaient les intérêts des riches et des puissants, mais le peuple a fini par s’en apercevoir. C’est alors qu’ils ont invoqué le capitalisme et le libéralisme, et nous sommes devenus complètement matérialistes. Il faut revenir au sens et à la signification pour comprendre ce qui s’est passé dans le monde. Nous vivons une époque opaque. Il y a trois ou quatre grandes époques dans l’histoire de l’humanité. Le mytho, celle des mythes où nous vivions à l’intérieur de petites tribus et où nous somme demeurés plusieurs milliers d’années. Ensuite est arrivé l’État avec son projet de civilisation qui correspond au Téos. Pour diriger une population, il est beaucoup plus facile d’avoir une seule religion, un seul roi et un territoire unique avec une même langue, tous unis par les mêmes symboles. Le monothéisme est une façon beaucoup plus facile pour contrôler la spiritualité des gens à partir d’une seule religion. Puis est arrivé la science, le logos. À l’époque actuelle, nous mélangeons tout cela. Nous pourrions appeler cette période holos, du mot holistique. Tout est mêlé. Maintenant il ne faut pas perdre de vue le but que nous poursuivons, le télos. Vers quoi nous allons, dans quelle direction, parce que c’est seulement cela qui peut nous permettre de discerner, de comprendre ce qui se passe et de voir ce qu’il y a à faire, savoir comment allier le spirituel et le politique, à l’économie, à l’environnement, parce que tout cela se tient ensemble. Il y a comme un parcours qu’il faut faire à l’endroit et non pas à l’envers.

– Pour rebondir sur ce que tu viens de dire, je retiens le mot : superficialité. J’ai comme une image qui me vient. Nous sommes dans un monde extrêmement puissant. Nous avons même des téléphones intelligents. Nous avons accès instantanément à des quantités phénoménales d’informations, c’est fou. Mais il est vrai que ce sont des éléments très horizontaux. Qu’est-ce qui va faire qu’au milieu de tout cela je puisse rester moi-même, c’est-à-dire branché sur mon intérieur ? Ce sont des racines. Je préfère prendre des racines que des valeurs. Par exemple, il y a une racine qui ne trompe pas, c’est le lien que nous avons avec la nature. Si je perds le sens du vivant, d’une herbe, d’un insecte, d’un animal, un être humain peut facilement devenir un concept. Quand j’étais en France, je vivais dans l’arrière-pays niçois. C’est un peu dans la montagne, on ne peut pas dire que ce soit la ville. Il y avait un gros village et nous faisions une animation théâtrale avec des enfants. Certains de ces enfants n’avaient jamais été courir dans les prés alors qu’il y en avait partout. Ils étaient déjà urbanisée. Cela passe par des choses simples quand on n’a pas de racines. Ce n’est pas seulement le sens de l’autre, chose qui s’acquiert avec l’éducation. Pour résister au tsunami de toutes ces merveilles technologiques, il faut rester enraciné et capable de ne pas être entraîné dans toutes les directions. Je pense que le sens se trouve aussi à la verticale, c’est le mystère, c’est ce qui nous dépasse, qu’est-ce qui est plus grand que moi, que nous, et qui fait que nous sommes ensembles ? La croix a une dimension horizontale et verticale. Aujourd’hui, la croix est tombée au sol. C’est une image assez forte, je trouve. Nous avons perdu ce sens du mystère et du transcendant. On essaie de patauger là-dedans en naviguant dans les concepts, dans les théologies et des choses comme ça. Si on ne retrouve pas cet axe-là et en même temps notre enracinement avec la nature, je ne vois pas comment nous allons pouvoir nous en sortir.

– Ceci explique la popularité des spiritualités autochtones, la reconnexion de nos sens avec la nature.

– Je pense qu’il est capital que les jeunes puissent retrouver une culture de ces deux dimensions-là.


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Le nomade et le sédentaire

– En raison des derniers événements, cette soirée a pris une dimension et une profondeur qui nous font du bien. Je ne sais pas pourquoi, mais la parole partagée possède un grand pouvoir libérateur.

– Dans le texte que nous avons lu au début, je pense que ce penseur intervient beaucoup en France sur les questions de laïcité et de religion, j’ai relevé le terme « nomade ». C’est assez intéressant. Il faut se rappeler que la Bible nous raconte que l’ancêtre des nomades Abel, a été assassiné par l’ancêtre des agriculteur, Caïn, les gens qui sont attachés à la terre. Abel offrait les prémices de son élevage et cela semblait plaire davantage à Dieu que l’offrande de légumes et de fruits de Caïn. Il y a dans cette histoire un message subliminal qui montre que les nomades ont organisé le monde pour se protéger contre les sédentaires, contre les gens qui étaient attachés à la terre. Et cette lutte entre nomades et sédentaires se poursuit aujourd’hui sous différentes formes. Cela explique la construction des villes, cela explique tout. Donc, il est très important d’aller chercher cette connaissance profonde pour comprendre le monde d’aujourd’hui. Parce que le conflit se poursuit encore entre celui qui rêve d’autre chose, mais qui est obligé d’assujettir le sédentaire pour se protéger. En Afrique, il y a encore des conflits meurtriers entre tribus nomades et sédentaires. Cela délimite l’histoire et la spiritualité ou la religion ont servi à pacifier les rapports entre sédentaires et nomades. Alors, il faut voir où l’on se situe là-dedans ? Il faut si l’on s’institue comme délégué de la puissance supérieure ou comme serviteur de celle-ci. C’est extrêmement important parce qu’en tant que délégué de la puissance supérieure, on peut devenir délégué de sa propre puissance et prendre ses intérêts en premier lieu pour dominer le monde.

– C’est intéressant l’histoire des nomades et des sédentaires parce qu’on pourrait dire que la récente évolution du monde, la crise de la modernité et de la postmodernité, c’est comme si les sédentaires que nous étions, sommes contraints de devenir des nomades malgré nous, autour des questions de sens. Nous serions devenus des nomades du sens. Nous déplorons notre sortie de notre sédentarité confortable d’une société organisée autour d’un certain ordre, et en même temps, nous sommes obligés, individuellement, rarement collectivement, à essayer de trouver des traces de bon sens à travers de toutes sortes de matériaux éparses issus de diverses religions ou idéologies, toutes sortes de matériaux avec lesquels il faut bricoler du sens à la manière du nomade qui doit bricoler son abris pour la nuit avec ce qu’il a sous la main. Mais c’est parce que nous sommes obligés d’être nomades, c’est ce qui provoque l’inconfort à mon avis.

– Nous sommes une société sédentaire qui s’est appropriée un territoire qu’on appelle le Québec, nous ne sommes pas bien différent en cela des autres sociétés humaines, et là il y a des nomades, des migrants, qui arrivent d’Afrique et de partout pour planter leur tente à côté de la nôtre. Ça nous fatigue parce que nous ne mangeons pas les mêmes plats et qu’ils ont des us et coutumes différentes qui nous dérangent. Il faut comprendre que c’est nous les sédentaires au point de vue géographique qui devons faire une place aux autres qui arrivent.

– Dans cette question du nomade et du sédentaire, il y a aussi le nomade-sédentaire, celui qui est nomade par obligation. Parce que le véritable nomade est celui qui n’a pas de frontières et qui jouit d’une liberté d’action totale, tandis que le nomade obligé est chassé de chez-lui, il doit aller ailleurs pour assurer sa subsistance. Ce n’est pas si tranché que cela. Le sédentaire est souvent esclave de son territoire, il est l’esclave de quelqu’un d’autre. Il n’est pas vraiment libre et justement le sédentaire et le nomade entrent souvent en conflit.

– La création des deux classes sociales : nomade et sédentaire, mais c’est une séparation de l’esprit.

– Je vais faire du millage sur le mot nomade. Ce que je pense, c’est que fondamentalement nous sommes tous et toutes appelés à être des nomades parce que si tu t’assoies, tu n’avances plus. Je pense que c’est une question d’état d’esprit. C’est une façon de vivre, c’est une façon d’accueillir la vie comme elle vient. Après on va caractériser d’être un peu plus nomade, mais si intérieurement tu n’es plus capable de bouger, c’est que … En fait quand tu regardes les Amérindiens, ce sont tous des nomades, même les Iroquoïens. Ils allaient quelque part et après ils allaient plus loin, puis ils revenaient. C’est un peu cela que relate la Bible. Au départ, Dieu ne voulait pas de temple, l’Arche d’alliance suivait le peuple partout où il allait. C’est David qui a insisté pour construire un temple à Jérusalem.

– Pour revenir à notre thème du sens et du non-sens, je crois que nous nous entendons à dire que nous sommes tous et toutes nomades puisque nous sommes à la recherche d’un sens à notre vie. C’est ce qui nous permet de cheminer. Cheminement de notre actualité maintenant vers une nouvelle vision que nous aurons j’espère demain et qui changera encore et encore. En ce sens, nous sommes tous et toutes des nomades. Nous cherchons le sens de la vie. Spécialement, après ce désastre que nous avons vécu. Un événement comme celui-là nous appelle à chercher le sens au milieu de l’absurde. Cela peut avoir un résultat fort positif pour la société si elle choisit d’y entendre un appel à l’ouverture et d’y répondre positivement.

– Nous sommes tous et toutes individuellement nomades du sens, mais il faut remarquer qu’il est difficile pour une société d’être nomade. Une société tend à créer de l’ordre et à s’établir dans la sédentarité. Ce n’est pas seulement vrai pour les sociétés en général, mais aussi pour des groupes et des institutions.

– Souvent, dans les traditions spirituelles, on retrouve cette dimension du mouvement, d’être en marche. Avec mon bagage culturel, ce qui me vient en premier, c’est le christianisme. Il est écrit dans les évangiles que Jésus n’avait pas d’endroit où reposer la tête. Donc, il était toujours en marche. Et aux gens qu’il croise sur sa route, il leur dit : « Quitte tout ce que tu as et suit moi. » C’est assez radical d’avoir une sorte de détachement pour se mettre en marche. Non pas que les choses matérielles n’aient aucune importance, mais d’avoir une liberté du cœur qui permet d’avancer. Je pense que cela n’est pas juste présent dans le christianisme, c’est aussi présent de différentes façons dans différentes traditions spirituelles.

– Le sens dans la vie, c’est de chercher la vie. On parle de cette tuerie parce qu’elle est porteuse de symboles et de signes. Effectivement, il y a des tragédies qui deviennent des panneaux indicateurs, des signes qui indiquent le chemin : « Par là, pas par là ! » Pour quoi faire ? Pour nos vie, parce que depuis que je suis né, je cherche le sens de ma vie. À quoi sert ma vie ? Comment mieux vivre ma vie ? Quand je ne vais pas bien, je dis que c’est la faute des autres. Quand les autres me renvoient à moi-même, je me dis que c’est peut-être de la faute à moi ? Qu’il faut que moi je change. Cela permet de laver mon regard. D’abord je trouve que la naissance d’un bébé est aussi importante que la mort (naturelle) d’un homme. C’est tout aussi passionnant à voir, à étudier, mais entre la naissance et la mort, qu’est-ce qui se passe ? Est-ce 80 ans d’ennuis et de problèmes ? Mais non, c’est une quête de sens et je ne peux pas faire cela tout seul. J’ai besoin des autres. J’ai besoin de vivre des expériences et d’aller rencontrer des gens. En ce sens, nous sommes des nomades et chaque fois que j’arrête de progresser, je m’ennuie. Pour moi, le sens de la vie, c’est de ne pas s’ennuyer et d’aller chercher la vie là où elle est. J’ai fait du scoutisme. Il y avait un gars qui disait : « Si la route te manque, fais-la ! » Il était très romantique. Ça m’est resté ce truc. C’est facile à dire quand on est en bonne santé, qu’on n’est pas stressé. Je pense aussi qu’il y a des personnes qui sont faites pour faire la route, défricher, d’autres qui sont là pour suivre, pour aider ou pour venir à la rencontre du nomade. Et si tu ne vois plus la route, tu peux aussi te retourner et demander de l’aide. Il y a toujours des gens pour indiquer le chemin. Pour Ste-Foy, il ne faut pas s’arrêter à l’événement, mais le faire parler, car je me dis qu’il y a urgence d’intervenir sur les causes sociales d’un tel acte. Je pense que ce qui s’est passé à Québec ne se serait pas produit à Montréal qui est une ville multiculturelle où les gens sont habitués à la différence. Ce qui est grave, c’est qu’un de nos jeunes est passé à l’acte. C’est un signe que cela ne va pas dans le sens de la vie alors que nous n’avons rien d’autre à faire qu’à chercher de la vie et de la faire fructifier. Elle nous apporte équilibre, joie et croissance.

– En ce moment, nous entendons dire que Trump veut ériger un mur pour empêcher les gens d’immigrer aux États-Unis. Je me demande si les discours haineux du président n’ont pas encouragé des gens à commettre des actes racistes envers certaines communautés ? Il y a des personnes haut-placées qui ne mesurent pas l’impact de leurs propos sur des esprits faibles qui n’attendent qu’une justification pour passer de l’acte à la parole.

– Si nous voulons qu’il y ait de la vie, nous devons demeurer une société accueillante, sinon nous allons devenir une société stérile qui va vieillir et s’éteindre. En fait, nous sommes condamnés à être accueillants. Mais sur la route, il y a aussi les aubergistes qui sont d’anciens voyageurs qui ont trouver l’endroit idéal pour s’installer. Il y a ceux ou celles qui prennent la route, mais il y a aussi ceux et celles qui accueillent. Cela peut être une façon d’être. Moi, je me dis que pour s’opposer à Donald Trump, il faut faire le contraire de ce qu’il fait. S’il décide de ne pas être accueillant, nous devons lui répondre en devenant plus accueillants. Les bouleversements planétaires auxquels nous assistons avec les changements climatiques et la montée des océans, il y a des centaines de millions de personnes qui vont devoir se déplacer et c’est faux de penser que le Québec ou le Canada va demeurer à l’abris de cet exode massif et sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Les plaques tectoniques des populations sont en train de se déplacer. Il y a des pays en Afrique où il ne tombe plus d’eau et d’où les gens doivent partir. Le monde meurt de faim où ils s’en vont. Ce n’est pas pour rien qu’ils risquent leur vie sur de frêles embarcations pour traverser la Méditerranée. Présentement, il y a des Africains qui passent par le Brésil pour remonter jusqu’aux États-Unis en traversant l’Amazonie, l’Amérique central et le Mexique à pied. Certains sont détenus au Costa Rica et d’autres à Tijuana au Mexique. Il est là le signe des temps. Les populations se déplacent pour des raisons de guerre, de famine, de sécheresse ou d’inondation. Alors, soit on se barricade et on s’enferme entre-nous, mais je ne vois pas l’avenir de notre société comme cela. Je pense qu’il va falloir s’ouvrir, surtout comme Canadien avec l’immensité de territoire que nous avons et notre faible population. Il faut savoir que la surpopulation affecte de nombreux pays. Les États-Unis comptent 330 millions d’habitants et le Mexique en aura 200 millions en 2050, c’est dans 30 ans. Pensez-vous que nous allons demeurer 35 millions bien longtemps ? Je pense que la population du Québec et du Canada sont appelées à augmenter très rapidement. Quand j’observe ce qui se passe actuellement sur la planète, il y a du monde qui bouge et ça bouge vite. Autrefois, les populations du sud ignoraient comment nous vivions, aujourd’hui ils savent qu’il existe un monde prospère et libre et ils ne vont pas rester tranquillement chez-eux à se laisser mourir de faim.

– Je vais donner mon opinion sur le fait que le Canada et le Québec soient accueillants et ouverts. Nous sommes chanceux d’avoir un premier ministre comme Trudeau qui donne de l’aide aux réfugiers lorsqu’ils arrivent ici. On ne les laisse pas mendier dans les rues. Il y a des ressources pour les accueillir et je pense que c’est un bon début. En tant que société, nous allons devoir nous doter de davantage de ressources pour les accueillir, pour que les clivages soient moins grands. Il faudrait qu’il y ait plus d’endroits pour discuter et apprendre à connaitre l’autre et permettre à l’autre de nous connaitre. C’est quelque chose avec lequel j’ai beaucoup de difficultés dans la société. Il y a plein de gens qui arrivent de partout à travers le monde et il y a un grand clivage sur le fait qu’au Québec il n’y a pas de culture. C’est souvent le message que nous entendons dans la bouche même des Québécois qui considèrent qu’ils n’ont pas de culture et qu’ils sont dépossédés de leur identité parce que nous n’avons pas de repères solides ou un livre qui dit : « Ça c’est un Québécois. » On fait des caricatures et on s’arrête là. Quand je vois des personnes, autant des hommes que des femmes, qui se lèvent et qui prennent position de façon radicale, en premier lieu, je me dis que ce n’est pas la bonne façon de faire. Quand je vois Trump qui dit non aux autres cultures, je me dis que c’est inadéquat, mais qu’il y a quelque chose à apprendre de cela. Peut-être va-t-il falloir apprendre à se lever pour affirmer nos valeurs sur le fonctionnement de notre société ? On ne peut pas laisser la porte grande ouverte et laisser les gens venir faire ce qu’ils veulent. Il faut se doter d’outils pour donner des balises à ce mouvement de migrants pour les accueillir sans s’y perdre.

– Tu touches au problème canadien qui est important et qu’il va falloir résoudre entre peuple canadien, peuple québécois, peuple autochtone et immigrants. Ce que l’association Initiative et changement appelle les quatre solitudes du Canada. Ce malaise provient de la politique multiculturelle établit par Trudeau père, qui nous a beaucoup divisés et qui visait finalement à noyer le peuple québécois et son identité dans un magma de toutes sortes de peuples. Ce qui a amené Djemila Ben Abid a dénoncé ce multiculturalisme canadien. C’est la seule à le faire présentement. Il y a aussi Neil Bissoondath qui l’a fait ». C’est un écrivain canadien né à Trinidad et Tobago (Le marché aux illusions : La méprise du multiculturalisme). C’est un des premiers a avoir dénoncé le multiculturalisme qui noie l’identité québécoise comme l’affirme Ben Abid en raison du fait que ce serait la société d’accueil qui devrait s’accommoder aux autres plutôt que les nouveaux arrivants qui devraient s’accommoder à la société d’accueil. D’ailleurs, beaucoup de musulmans le disent : « Nous sommes au Québec, au Canada, nous devenons Québécois-Canadien, nous nous acclimatons. »

– Une de mes intuitions, c’est que le meurtrier souffrait probablement d’anomie qui est une déperdition du sens. Ce n’est pas vrai qu’avec la mondialisation, les identités se sont estompées, bien au contraire, on constate une réaction de repli sur soi et de frilosité. Le président Trump joue énormément là-dessus. D’ailleurs cet homme m’apparaît comme étant le contraire du sens, un négateur de sens, un assassin de sens et de civilisation. Il représente l’extrême de l’anticivilisation. « Tu ne fais pas mon affaire ! Paf ! » Au contraire, il y a comme un mouvement naturel de l’humanité qui tend vers la civilisation. Ne serait-ce que par les lois où l’on peut mesurer le progrès accompli. Donald Trump est exactement le contraire de cela. Il est dans la superficialité. Il tweet plus vite que son ombre. Il est dans l’immédiateté, dans la non-réflexion. Par exemple, ériger un mur pour renvoyer les immigrants révèle qu’il ne réfléchit pas aux conséquences de ses actes. Il est dans la très grande immédiateté et dans la négation du sens, dans le non-sens, mais il est riche.

– Je trouve intéressant que la quête du sens nous ait conduit à la question identitaire. Je ne sais pas si vous avez entendu parler du livre d’Amin Maalouf, « Les identités meurtrières » ? En même temps, ce n’est pas tout noir, tout blanc. Plus tu es toi-même, plus tu t’affirmes dans ton identité de personne unique, plus tu t’ouvres aux autres et plus tu t’enrichis et tu découvres encore plus qui tu es. Mais il est vrai que ce n’est pas en s’ouvrant et en oubliant qui nous sommes qu’on trouve du sens dans sa vie. Il y a quelque chose d’assez subtile dans cette histoire d’identité enracinée et ouverte qui te permets de garder cette quête de sens. Il y a quelque chose d’assez fin là-dedans. On ne peut pas tout jeter d’un côté ou de l’autre. Les propos de Boucar Diouf sont assez intéressants là-dessus. Je pense que si on reste branché sur son cœur, sur la vie, sur la spiritualité, sur la transcendance, il n’y a pas de mauvaise identité ou de quête d’identité.

– Je reviens au lien entre identité et quête de sens. Je pense que nous avons besoin d’une rétrospective historique pour comprendre ce que cela signifie au Québec. Après la conquête, les Canadien-français ont dépensé beaucoup d’énergies à essayer de survivre comme peuple. Il y a comme une difficulté de base qui a duré pendant deux siècles. Nous sommes hantés par le syndrome de la survivance qui a passé par le ventre des femmes entre-autre. Il y a toute une histoire de résistance pour ne pas disparaître. Ensuite, arrive la Révolution tranquille avec laquelle, pour des raisons obscures, l’ensemble de ces stratégies anthropologiques inconscientes de résistance ont été renvoyées aux oubliettes de la Grande noirceur. Ce qui avait été des vecteurs, des marqueurs et des signes identitaires, une sémiotique d’identité a été disqualifiée. Ce qui fait qu’avec la Révolution tranquille où l’on s’est appliqué à devenir irrésistiblement moderne avec l’État providence, etc., il y a des marqueurs fondamentaux d’identité qui ont été mis en veilleuse et qui sont disparus, il y a deux ou trois générations. Ceci fait que certains jeunes se retrouvent sans repère et sans cadre, nomades obligés, ils ne savent plus qui ils sont. Leurs parents s’en souviennent à peine, mais les plus vieux s’en rappellent. Il y a quelque chose qui s’est complètement perdu, mais cela n’empêche pas la permanence d’une mémoire archaïque d’avoir déjà appartenu à quelque chose qui avait une identité. C’est vécue comme une souffrance plutôt que comme une représentation claire. Il manque au jeune Québécois des éléments de représentation pour pouvoir se définir lui-même, il ne sait plus qui il est.

Propos recueillis par Yves Carrier

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