Compte-rendu # 272, octobre 2016
Rapport d’enquête conscientisante sur l’accessibilité sociale au transport en commun
Le cœur de la vie du CAPMO, ce sont ses rencontres mensuelles. Quel que soit le sujet, la présentation «magistrale» est très courte. Après celle-ci, un cercle est formé et toute la place est laissée à la prise de parole des personnes. Les nouvelles connaissances sont ainsi co-construites parce qu’elles proviennent de la subjectivité et du vécu des gens. C’est lors de l’une de ces rencontres en février 2012 qu’a germé l’idée de lutter pour l’accessibilité sociale du transport en commun. Cette soirée mensuelle, animée par le Regroupement en éducation populaire et en action communautaire, le RÉPAC 03-12, portait sur la défense collective des droits. Invités à identifier une problématique sociale orpheline, la cherté du transport en commun est apparue comme une situation affectant considérablement les conditions de vie des populations les plus vulnérables.
Histoire de se donner une base commune de discussion, les deux rencontres suivantes furent consacrées à ce thème. L’option de la gratuité du transport en commun, thème de la rencontre de mars 2012, fut rapidement écartée pour des motifs stratégiques, les membres préférant envisager une revendication plus rassembleuse auprès de l’opinion publique. La rencontre du 13 avril 2012 permit de parler de stratégie d’action, en reconnaissant les alliés à cette cause représentés par le mouvement écologiste, tout en en affirmant la priorité pour nos membres de venir en aide aux personnes en situation de pauvreté puisqu’il ne semblait pas y avoir d’instance organisée dans la société civile pour défendre le droit à l’accessibilité sociale du transport en commun. C’est à cette fin, qu’en avril 2012, fut fondé le Comité du CAPMO pour l’accessibilité sociale du transport en commun.
Réalisant le besoin de nous documenter sur le vécu des personnes en situation de pauvreté, la nécessité d’une enquête est apparue évidente. De fait, nous avons constaté qu’à Calgary, le recueil de témoignages avait constitué une stratégie gagnante pour l’obtention d’une tarification sociale. L’approche de l’enquête conscientisante a été retenue pour accomplir cet exercice. Elle a été précisée à la suite d’une rencontre mensuelle animée par le Collectif québécois de conscientisation en avril 2014. En effet, si nous voulions mobiliser les gens autour d’un enjeu comme l’accessibilité sociale du transport en commun, une recherche-action participative réalisée dans une approche de conscientisation permettait aux participants de partager leur perception sur la pauvreté tout en effectuant une analyse sociale.
Au cours des pages suivantes, nous aborderons d’abord la problématique générale dans ses dimensions géographiques, environnementales et sociales, puis nous explorerons quelques exemples de politiques favorables à l’accessibilité sociale du transport en commun réalisée à l’extérieur des frontières du Québec, en Alberta, en France et en Suisse. Nous effectuerons un bref rappel des bases juridiques pouvant permettre de revendiquer ce droit légitime à la mobilité.
La vision du Comité est que le transport en commun constitue un besoin essentiel à une vie décente, un service public indispensable pour permettre la participation économique, politique, culturelle, sociale, des citoyennes et citoyens. Les objectifs généraux du Comité sont de dénoncer la pression vers une logique marchande du RTC (Réseau de transport de la Capitale). À court terme, nous voulons voir réduites les inégalités sociales en matière de mobilité et, dans une perspective à long terme, les éliminer. À moyen terme, nous travaillerons pour qu’une tarification sociale, au bénéfice des personnes en situation de pauvreté, soit implantée sur le territoire du RTC. Dans notre ville, l’enjeu de l’accessibilité sociale du transport en commun n’avait pas beaucoup été abordé de façon aussi ciblée et approfondie. Nous pouvons donc considérer que le travail réalisé en est un de pionniers. Créer une animation et mettre sur pied un questionnaire accessible aux personnes en situation de pauvreté, constituait un défi de taille. À travers cette démarche, nous avons construit une animation, un modèle d’éducation populaire pouvant être repris par d’autres groupes par la suite. Tout en reconnaissant les limites de cette recherche-action participative, nous avons espoir qu’elle saura éveiller les décideurs et l’opinion publique en général à la question de l’exclusion pour plusieurs personnes d’un service public essentiel à leur bien-être et à leur épanouissement.
Ce compte-rendu reproduit des extraits du rapport et de ses recommandations. Pour consulter le rapport dans son intégralité, vous pour consulter la version pdf.
La Ville de Québec possède un relief accidenté, bordée par le fleuve, traversée par des rivières et des infrastructures autoroutières ou ferroviaires, qui compliquent passablement les déplacements. C’est une ville qu’il faut saisir dans sa morphologie pour pouvoir l’interpréter, connaître ses dysfonctionnements, ainsi que les différents cycles économiques qui viennent bouleverser l’aménagement urbain. Actuellement, Québec connaît un cycle de croissance qui dure depuis une dizaine d’années, cela stimule la spéculation foncière pour s’arracher les terrains encore disponibles. Par ricochet, cela provoque une pression sur les moins bien nantis qui se voient forcés de quitter le centre-ville pour aller faire leur vie ailleurs. En raison de la gentrification, il y a des gens qui vivent dans les périphéries de la ville et il y a un coût associé à cela.
Dans le dernier rapport du Directeur général de la Santé publique (DGSP) de la région de la Capitale nationale portant sur les inégalités sociales en santé de 2012, il est indiqué qu’en 2005, 12% de la population vivait sous le seuil de faible revenu 50% (MFR 50). Selon l’Institut de la statistique du Québec, la Communauté urbaine de Québec sans la Rive-sud, ou le territoire desservi par le Réseau de transport de la Capitale (RTC), correspond à une population de 580 000 personnes en 2015. Si nous lui appliquons le taux de 12% du DGSP, nous obtenons 69 600 personnes vivant sous le seuil de faible revenu. Selon nous, la MFR 60% est une mesure plus adéquate du seuil de pauvreté ce qui donnerait un taux encore plus élevé. Si nous considérons que les ainé-e-s, les enfants et les étudiant-e-s, bénéficient déjà d’un tarif réduit, la population admissible à la tarification sociale du transport en commun à Québec correspond à environ 42 000 personnes en 2015.
Dans une ville de la taille de Québec, il est nécessaire de pouvoir se déplacer pour voir son médecin, trouver un logement abordable, magasiner à moindre coût, se chercher un travail, aller visiter sa famille, avoir accès à la culture, aux musées, aux bibliothèques, aux spectacles et aux espaces verts comme la Promenade Samuel de Champlain. La santé physique et mentale des gens en dépend, déjà que l’hiver est long et difficile et que l’été, en Basse-Ville, les périodes de smog et de canicule sont de plus en plus fréquentes.
Des experts corroborrés par la base
Les rencontres mensuelles du CAPMO de l’hiver 2012 ont été utilisées comme « focus groupes » pour explorer la problématique de l’accessibilité sociale du transport en commun. Un groupe de focalisation est un regroupement de personnes concernées par une problématique donnée. Or, le CAPMO, selon la définition de ses objectifs et de sa mission, est un organisme qui regroupe des personnes en situation de pauvreté et d’autres qui sont proches d’elles et qui connaissent les différents aspects de la problématique de la pauvreté dont la question de l’accessibilité sociale au transport en commun. Les différents experts ayant contribué à cette recherche ont favorisé l’approche conscientisante dans leur façon d’aborder la matière qui nous était présentée, laissant à chaque participant l’espace d’expression nécessaire à la communication de sa réalité.
« Au CAPMO, cette revendication provient de la base du groupe, pour l’essentiel, des personnes en situations de pauvreté. C’est ce qui confirme la pertinence de cet enjeu. À Montréal, il y a aussi le Mouvement collectif pour un transport public abordable (MCTPA) qui recueille des témoignages sur cette question. Nous nous sommes dit qu’une enquête pouvait être le point de départ d’une plus grande mobilisation. Je pense aussi qu’à Québec, plus qu’ailleurs, nous avons besoin de travailler sur l’opinion publique et de faire un travail de conscientisation par rapport à cette injustice qui nuit à la qualité de vie des gens. » (1)
Selon le Conseil national du bien-être social du Canada, investir pour faire reculer la pauvreté est quatre fois plus payant que de laisser la misère s’installer dans les classes les plus défavorisées. Le transport en commun est un besoin primordial et un droit humain reconnu dans nos sociétés modernes de sorte que nul ne doit en être privé pour des motifs économiques. Le droit à la mobilité est essentiel à toute personne, riche ou pauvre. Le transport en commun ne devrait-il pas être plus abordable afin que les personnes en situation de pauvreté puissent elles aussi se déplacer et mieux vivre? Selon la journaliste Anne Tessier-Bouchard s’exprimant à l’émission Les années lumières à la Première chaîne de Radio-Canada le 25 janvier 2015 :
L’importance du transport va au-delà des enjeux économiques et environnementaux, l’accessibilité au transport influence aussi grandement l’équité dans la société. C’est un facteur d’intégration ou d’inclusion sociale, c’est un moyen d’augmenter les possibilités d’épanouissement d’une population. (…) Il est vrai que les enjeux sociaux sont les mal-aimés des plans de transport des sociétés de transport des grandes villes. Les politiques s’intéressent généralement à la capacité des moyens de transport de déplacement des gens. Le nombre de voyageurs, le temps de déplacement, on parle beaucoup bien sûr de congestion routière, de pannes dans le métro, on s’interroge sur l’efficacité au km parcouru, même au carburant consommé, parce que ce sont des choses quantifiables et tangibles qui ont eux aussi des impacts quantifiables sur l’environnement et sur l’économie. Cependant, pour ce qui est des buts en matière d’équité sociale, ils ne sont pas exprimés en objectifs définis et c’est ce que confirme une étude récemment publiée dans la revue scientifique Transport Policy, une étude réalisée par des chercheurs de l’Université McGill qui ont analysé les plans de transport de 18 régions métropolitaines en Amérique du nord. À la tête de cette étude, Kevin Manaugh, professeur adjoint au Département de géographie et à l’École d’environnement de l’Université McGill. (2)
Pour Florence Paulhiac, professeure au Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal, les conditions socio-économiques affectent la capacité des ménages à circuler librement et à vaquer à leurs occupations quotidiennes. À la longue, cela finit par créer des disparités d’opportunité dans la réalisation du projet de vie, notamment entre les hommes et les femmes qui sont plus nombreuses à dépendre du transport en commun comme unique moyen de transport :
Je dirais que, de manière générale, il y a des situations de ménage qui révèlent de grandes vulnérabilités et de grandes difficultés à se déplacer. Il faudrait remettre en contexte, mais, c’est sûr que si vous êtes une famille monoparentale, un père ou une mère monoparentale, cela va être plus compliqué d’organiser votre emploi du temps. Vous allez rencontrer un certain nombre de difficultés, et si vous cumulez un certain nombre de facteurs, là votre situation va être de plus en plus difficile et de plus en plus contraignante. Et assez typiquement, les femmes monoparentales avec des revenus moins élevés que certaines catégories de populations, vont faire face à des contraintes plus importantes. (3)
Ces affirmations d’experts sont corroborées par nos groupes de focalisation de l’hiver 2012, qui se sont rencontrés à trois reprises. La cherté des billets d’autobus, davantage utilisés par les personnes à faible revenu, est une cause permanente de privation et de renoncement et si certaines distances peuvent se faire à pied, rappelons que ces distances peuvent devenir périlleuses en hiver pour certains.
« Il est difficile d’épargner lorsqu’on est pauvre, il faut payer le transport. L’intervenant à l’aide sociale nous dit de courir les spéciaux, mais cela n’est pas économique si l’on doit dépenser plus d’argent pour se déplacer. »
« Si les prix continuent d’augmenter, je ne pourrais plus sortir de chez-nous et je vais tomber en dépression. L’augmentation des tarifs de transports provoque l’isolement social et porte préjudice à la santé mentale et au moral des gens. Cela nuit aux personnes qui veulent aller militer ou faire du bénévolat. »
« Chercher un travail ou un logement coûte cher à quelqu’un qui achète ses passages à l’unité. »
« La pauvreté maintient les gens dans une situation d’humiliation permanente. La pauvreté implique une situation de carence quotidienne. La RTC et la Communauté urbaine de Québec pourraient adopter cette mesure sociale progressiste qui améliorerait grandement les conditions de vie de plusieurs. »
Irrationallité de la politique publique en matière de transport en commun
Une présentation du géographe Marc Boutin fut centrale dans la préparation de notre enquête parce qu’elle a établi une vision géopolitique commune de notre ville. La vision commerciale et comptable qui guide le Réseau de transport de la Capitale (RTC) dans ses décisions budgétaires, notamment en matière de grille tarifaire, marque aussi tout l’aménagement de l’espace de notre ville ainsi que la manière de faire de nouveaux développements. Plusieurs passages du compte-rendu ont été cruciaux dans l’élaboration du cadre d’analyse de la présente enquête et c’est pourquoi nous vous en présentons ici plusieurs extraits : «Avant 1970, Québec était l’agglomération la plus dense au Canada alors qu’aujourd’hui, c’est la ville la plus éparpillée. Elle a près de 500 kilomètres carrés pour moins de 1000 habitants au kilomètre carré. Au cours des cinquante dernières années, sa surface a augmenté de 20 fois pendant que sa population a à peine doublé, 800 000 personnes en incluant la ville de Lévis. Il n’existe pas d’autres villes au Canada qui aient connu ces deux extrêmes en si peu de temps. C’est l’une des particularités de Québec et cela affecte le transport en commun. C’est une ville qui n’a pas beaucoup de villes sœurs en termes d’histoire. Celle qui ressemble le plus à Québec, c’est Boston qui a un centre-ville habité. La particularité de cette ville, c’est qu’elle est habitée partout.
Québec, c’est la ville de l’autobus-automobile. Ceux-ci procèdent d’une même dynamique parce qu’ils utilisent le même réseau, l’autobus n’est qu’une doublure de l’automobile. Lorsqu’on considère les transports, il faut penser en terme de réseau et non pas en terme de véhicule. L’autobus et l’automobile utilisent l’asphalte. Ce qui est l’antithèse de cela, c’est le tramway parce qu’il possède son propre réseau. Autrement dit, pour une grande banlieue lointaine où l’on ouvre des cinémas et des centres d’achat, avec d’immenses stationnements, les promoteurs ne s’occupent pas de l’autobus parce qu’ils se disent, il va venir de toute façon.
C’est à cause de cela que j’ai toujours trouvé que l’autobus et l’automobile faisaient partie de la même dynamique de transport. Québec est une ville axée sur l’automobile en raison des distances qui font de celle-ci un besoin essentiel. On a enlevé le choix aux gens et il n’y a qu’au centre-ville où les gens peuvent vivre à pied.
C’est une ville où il est difficile de vivre sans automobile, car nous sommes rapidement coupés d’un tas de choses. C’est aussi la ville des autobus « désolés » parce qu’on voit beaucoup d’autobus où il est inscrit : « En transit ». Autrefois on appelait cela les autobus « désolés ». Le problème avec cela, c’est que ce sont des autobus de banlieue qui retournent vides à leur point d’origine. Ce sont des autobus qui par définition opèrent à moins de 50% de leur capacité. Ça coûte cher ce système-là. Québec est l’une des rares villes où chaque banlieue a besoin de son service d’autobus pour aller au centre.
En géographie, l’analyse que je fais de la ville part du concept de la société civile. C’est quelque chose d’un peu spatial et géographique. Pour moi, la société civile c’est le résidentiel, c’est un concept situé dans l’espace. Selon moi, ce qui s’oppose à la société civile, c’est la société d’État et les multinationales. L’État nous impose une ville qui essaie de rassembler les fonctions, les gratte-ciels, les centres commerciaux, les campus : scientifique, universitaire ou collégial, etc., en différents endroits. Des domaines où la fonction résidentielle est exclue, on envoie les résidences dans les banlieues dortoirs où il n’y a pas d’autres fonctions.
Par définition, la fonction résidentielle est fragmentée et elle tend à imposer cette fragmentation aux autres fonctions. C’est ce que j’appelle la société civile. L’individu, lorsqu’il est chez-lui, appartient à la société civile. Quand il va visiter son voisin, il y est encore. Lorsqu’il va dans un magasin situé près de chez-lui et qu’il peut facilement s’y rendre à pied, il vit dans la société civile. Ce qui est l’antithèse de cela, c’est celui qui doit prendre son auto pour aller d’une fonction à une autre. Il va au centre d’achats, il revient chez lui en auto, il va travailler dans un gratte-ciel au centre-ville, il va étudier à l’Université Laval, toujours en automobile, toujours dans les stationnements. Lui, son résidentiel est séparé des autres fonctions, alors il se promène sur un réseau d’autoroutes partout à travers la ville. Il s’agit de deux univers qui forment la ville : l’univers fragmenté du résidentiel qui essaie de prendre les fonctions pour les ramener vers lui et les forces du marché qui essaient de concentrer les fonctions en des lieux différents pour contrôler l’économie. Il est certain que la Ville de Québec d’autrefois était résidentielle à 100% en ce qu’elle regroupait en son sein plusieurs fonctions. Il n’y avait pas de centre d’achat là-dedans. Il y avait un gratte-ciel, c’était l’édifice Price, et le Château Frontenac. C’était complètement enclavé dans la ville. Alors, il n’y avait pas cette vie imposée par la société d’État et le grand capital. Ce n’est pas comme cela que les choses fonctionnaient. Oui il y avait des automobiles, mais on pouvait vivre à pied très facilement.
Une autre chose qui est arrivée à Québec et à Montréal, c’est que ces villes très denses avaient leur réseau de tramway. Dans les années 1950, lorsque le lobby automobile est arrivé, on s’en est débarrassé, alors que d’autres villes comme Boston ou Toronto les ont conservés. Aujourd’hui, ils ont des réseaux de tramway qui sont complètement amortis au point de vue de l’investissement et cela est devenu très rentable. Tandis qu’à Québec, si jamais on veut un tramway, il va falloir payer cher pour le remettre en place. (5)
C’était vraiment la colonne vertébrale de la ville. On partait de la traverse de Lévis et on s’en allait partout jusqu’à Saint-Sauveur et il y en avait un autre qui faisait une boucle à Limoilou. Chaque quartier avait sa ligne de tramway. À la Haute-Ville, cela allait jusqu’à la jonction de Sillery sur la rue Des Érables et là il y avait un petit tramway qui s’en allait à Sillery. C’est pour cela qu’on appelle cet endroit la jonction, au coin de René-Lévesque et Des Érables. Sur les artères commerciales (sur lesquelles passaient le tramway), comme la rue Saint-Joseph où, sauf exception, il y a des petits propriétaires.
Les exceptions sont constituées par les multinationales qui viennent en ville avec leurs succursales comme Tim Hortons ou Thaï Express, mais il y a quand même une résistance sur les rues Saint-Jean, Cartier, Maguire, etc., qui sont les anciennes artères commerciales des quartiers qui existaient avant la rénovation urbaine. Dans les nouvelles banlieues, ces rues plus typiques n’existent pas. Une qui existe, c’est la rue Racine à Loretteville par exemple, mais elle était là avant. C’est la même chose avec l’avenue Royale à Beauport où le grand capitalisme s’est installé l’autre bord de l’autoroute avec ses magasins à grandes surfaces. Il s’agit là de deux références concurrentielles, celle du petit propriétaire qui a sa propre boutique, versus les magasins à grande surface inaccessibles sans automobile. À Québec, on retrouve deux sortes d’architectures.
1) L’architecture pavillonnaire en banlieue, où l’on situe la maison ou l’entrepôt au centre, entouré de gazon ou de stationnements, souvent sans trottoir.
2) Au centre, les constructions sont mitoyennes, les maisons sont collées autour des ilots qui gardent de la verdure au centre. Ce sont deux mondes complètement différents. Ce qui est rural, c’est lorsque les fonctions sont séparées, qu’il y a ségrégation des fonctions, quand tu te promènes d’une fonction à l’autre. Au contraire, l’urbain reste chez-lui, il attend que les fonctions se fragmentent pour se rapprocher de lui. Autrement dit, il attend au centre-ville qu’on ouvre un cinéma près de chez lui pour qu’il puisse y aller. Le rural lui se promène en voiture d’une fonction à une autre. Il va à l’Université Laval pour ses cours, il travaille dans un gratte-ciel à Ste-Foy, il vient foirer sur la Grande-Allée et il retourne dormir dans sa banlieue. Le territoire lui appartient parce que tout le réseau autoroutier est fait pour lui. Ce n’est malheureusement pas le cas des usagers du transport en commun.
Pour ce qui est du transport dans cette ville, nous avons un réseau d’autobus. Aujourd’hui, comme nous n’avons pas de tramway, nous sommes pris avec un système de transport en commun qui ne répond pas aux besoins des usagers. La carte ci-dessous illustre le réseau de transport en commun dans la ville de Québec où chaque trajet part d’une banlieue pour venir au centre-ville d’où il repart vide et sans s’arrêter en route, ce qui oblige les utilisateurs à venir au centre pour pouvoir aller ailleurs. Donc, chaque autobus qui provient d’une banlieue retourne vide à son point d’origine. C’est très peu productif en termes de rendement et cela entraine des coûts au niveau de l’essence et du temps des chauffeurs employé à conduire un véhicule vide, ainsi qu’en termes de nombre de véhicules nécessaires au fonctionnement du réseau.
Un réseau bien plus fonctionnel…….
Au lieu d’avoir un réseau où tout le monde va dans tous les sens, comme dans le schéma précédent, nous pourrions avoir un système où les autobus viennent chercher ou amener les gens jusqu’à la ligne de tramway. Pour une grande ville comme Québec qui est si étalée, ce serait beaucoup plus efficace en termes de transport. Comprenez que ce n’est pas très fréquent un autobus de banlieue. Prenons l’exemple de celui qui part de Ste-Thérèse de Lisieux, il effectue très peu d’allers-retours au centre-ville tandis que ce système en arbre permettrait une plus grande fréquence des passages. […] C’est ce système qui manque à Québec. C’est ce qui fait qu’actuellement, il y a tant d’autobus hors service qui se promènent vide entre le centre-ville et leur banlieue d’origine.
Quand je parle d’un tramway, je parle d’un transport léger sur rail qui a sa propre voie. Le projet de l’administration municipale est fort différent de celui proposé par l’administration L’Allier. Il le fait passer sur les autoroutes, là où les gens ne vivent pas. Pour être fonctionnel, il doit passer dans les quartiers habités, pas dans des champs. Le tramway attire les services autour de lui et il favorise la densification urbaine au niveau résidentiel également. Les gens qui vivent à proximité ont moins besoin d’utiliser leur véhicule pour se déplacer et cela recrée en quelque sorte une trame urbaine dans une diversité de fonctions au lieu de la séparation des fonctions promue par le modèle autoroutier.
L’autobus va se plier à l’étalement urbain alors que le tramway y résiste parce qu’il dépend d’un réseau de rails. À moins qu’on ne construise une ligne qui s’en va à 30 km du centre-ville en évitant les secteurs peuplés comme le souhaitent certaines personnes. »
L’impact du sous-développement du réseau de transport en commun
L’impact du sous-développement du réseau de transport en commun sur la pollution de l’air et sur la santé des personnes en situation de pauvreté. André Bélisle, président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA).
Selon une enquête menée par l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), présentée par André Bélisle lors de la Table ronde intitulée : « Regards croisés sur l’accessibilité sociale du transport en commun », organisée par le CAPMO, le 14 mai 2015 à l’ÉNAP, c’est dans les milieux défavorisés où l’on retrouve une plus grande pollution atmosphérique, une plus grande proportion de vieilles voitures et où les gens sont le plus malades, etc. Par conséquent, si nous travaillions pour sortir les vieilles voitures et si nous donnions une chance aux gens d’avoir accès au transport collectif de façon beaucoup plus efficace, beaucoup plus près de leur vie, nous gagnerions sur les deux tableaux. Si nous revenons à la réalité quotidienne des transports collectifs dont nous avons besoin, si nous les mettions en place et que nous avions un peu d’audace, nous irions vers l’électrification des transports et vers la gratuité des transports collectifs et nous encouragerions l’accessibilité partout où cela est possible.
Le secteur des transports est la plus grande source de pollution de l’air et de gaz à effet de serre. On observe que le passage de l’hiver à l’été a lieu plus abruptement et cela n’est pas sans conséquence sur les allergies saisonnières. Non seulement les allergies vont augmenter de plus en plus parce que les allergènes qui avaient des séquences dans le temps, étant donné les bouleversements climatiques, apparaissent tous en même temps. Aussi, nous savons que la pollution de l’air tue.
C’est entre 2000 et 2500 personnes qui meurent prématurément par années dans le corridor Montréal-Québec à cause de la pollution de l’air, sans compter les dizaines de milliers qui se ramassent à l’hôpital parce qu’elles ont des problèmes cardiaques ou pulmonaires auxquels nous pourrions ajouter celles qui sont aux prises avec des problèmes d’allergies de plus en plus exacerbés. Cela devient un problème majeur de santé publique et il faut agir de façon radicale. Cela veut dire, changer nos façons de faire et nous ne le faisons pas.
Lien entre l’accessibilité du transport en commun et la qualité de vie des femmes
À Québec, en 2014, 58% des utilisatrices du transport en commun sont des femmes (RTC, 2014). Deux recherches qui approfondissent les impacts du développement du transport en commun sur la qualité de vie des femmes nous ont été utiles pour étoffer notre analyse de la problématique de l’accessibilité sociale au transport en commun.
La mobilité professionnelle des femmes en lien avec le développement des Métrobus
«L’accès aux emplois soulève un enjeu d’iniquité de sexe. Pour les femmes comme pour les hommes, la mobilité apparaît comme une des conditions fondamentales de l’accès au marché du travail, c’est-à-dire non seulement de l’intégration mais aussi de la progression au sein de ce marché. »En général, pour rejoindre les lieux de travail au centre des grandes zones urbaines, les hommes comme les femmes utilisent les transports publics (Fagnani, 1983 ; Preston et McLafferty, 1993). La construction de power centers (lieux d’achats mais aussi lieux d’emplois) le long des autoroutes à Québec en est un exemple très clair : tout dans l’aménagement de ces lieux milite contre une desserte en autobus (Villeneuve et Vandersmissen, 2002). Les différences d’accessibilité aux emplois entre les sexes, même si elles tendent à s’amoindrir au fil du temps, existent toujours, et certaines femmes qui n’ont pas le choix de se déplacer en autobus dans la Ville de Québec se retrouvent souvent lésées par rapport à celles qui possèdent une automobile (McCray et Brais, 2007).» (6)
«On observe, à partir des lieux de résidence, une diminution des durées de déplacement des femmes dans le couloir du Métrobus (jusqu’à 8 minutes) sauf aux extrémités où elles ont généralement augmenté de 6 à 15 minutes (figure 9). Cette amélioration des temps et donc de l’accessibilité aux emplois semble être liée à la mise en place du Métrobus qui circule sur des voies réservées pendant les heures de pointe. En revanche, les express ne semblent pas avoir eu cet effet puisque les zones de résidence concernées affichent en effet des valeurs très variables qui ne semblent pas avoir de lien avec le réseau d’autobus.» (6)
«Entre 1991 et 2001, on observe, dans la majorité des zones de résidence, une progression moyenne du rang professionnel des utilisatrices du transport en commun qui travaillaient dans le corridor du Métrobus à l’une ou l’autre de ces deux dates (figure 12). Cette progression n’a pas été observée du côté masculin.» (6)
Pour qu’elles embarquent : Étude du Conseil des Montréalaises
Cette recherche action menée auprès de femmes fréquentant des centres femmes situés dans des secteurs de transport en commun moins bien desservis de cette ville nous a véritablement servi de modèle de base pour préparer notre enquête. Quelques résultats ont été utilisés comme informations à transmettre dans nos animations qui ont eu lieu dans des groupes de femmes. L’enquête révèle des réalités sociales spécifiques ayant un impact sur les besoin en transport en commun des femmes montréalaises. Tout d’abord, comparativement aux hommes, une plus grande proportion d’entre elles vivent de la pauvreté. Ensuite, elles en sont de plus grandes utilisatrices, elles ont une plus grande diversité de motifs de déplacement, elles se déplacent plus souvent avec leur famille, elles occupent plus souvent des emplois à des horaires atypiques et elles ont des besoins particuliers en matière de sécurité. (7)
Des expériences d’accessibilité sociale au transport en commun
Au cours de notre recherche, nous avons rapidement pris connaissance de deux expériences de tarification sociale du transport en commun ayant lieu hors des frontières du Québec, l’une à Calgary et l’autre en France. La Suisse également tient compte de cette problématique dans sa vision stratégique de développement durable. Depuis 1956, Québec est jumelée à la Ville de Calgary. C’est en 1998, que nait Fair Fares Calgary qui lutte pour l’accessibilité sociale du transport en commun. En 2005, cet organisme a obtenu que la Ville de Calgary instaure un programme de tarification sociale du transport en commun et que son financement fasse partie intégrante de son budget régulier et récurrent. Fair Fares Calgary est parvenu à convaincre la mairie de cette ville de la nécessité d’une tarification sociale en recueillant des témoignages auprès de 400 personnes éprouvant des difficultés à se déplacer pour des raisons économiques. Cela a amené la métropole albertaine à accepter la pertinence de réaliser un projet pilote de tarification sociale. Mais ce groupe de citoyens ne s’est pas arrêté là. Ses membres ont poursuivi leur enquête auprès des bénéficiaires du projet pilote afin de mesurer les impacts sur la vie des personnes bénéficiant de la tarification sociale. Pour les gens sans emploi, ils ont mesuré qu’il y avait un accès plus grand aux loisirs, à plus d’endroits pour faire leurs achats et pour ceux et celles désirant retourner sur le marché du travail, ils avaient accès plus facilement à des opportunités d’emplois.
Cette étude a permis de mesurer les impacts positifs du projet sur les gens gagnant l’équivalent de 15500$ ou moins, puis de convaincre la municipalité de l’étendre à un segment plus vaste de la population. Selon le Conseil des Montréalaises, qui a rédigé une étude de cas sur Calgary, depuis 2005, cette ville ferait office de pionnière au Canada en matière de tarification sociale du transport en commun.
« À l’origine, les citoyennes et citoyens désirant bénéficier de ce rabais devaient être âgés entre 18 et 64 ans (les enfants et les personnes aînées bénéficiant déjà d’un rabais), résider à Calgary depuis plus d’un an et prouver que leur revenu est inférieur à 15 500 $. Ils devaient ensuite se rendre en personne, avec une preuve d’identité avec photo et leur dernier rapport d’impôt, dans l’unique centre prévu. Mais depuis, les critères d’éligibilité ont été révisés. Afin d’augmenter le nombre de ménages bénéficiant de la tarification sociale, le calcul du revenu admissible équivaut dorénavant à 75 % du seuil de faible revenu déterminé par le gouvernement canadien et varie selon le nombre de personnes dans le ménage. De même, il n’est plus nécessaire de résider à Calgary depuis un nombre d’année minimal : depuis 2009, il suffit d’y avoir une adresse lors de l’application initiale et du renouvellement annuel, ce qui permet aux nouveaux résidents de bénéficier du programme (VCC 2009). Aussi, la liste des documents servant à prouver le revenu a été bonifiée afin de mieux refléter la situation financière courante des bénéficiaires – et non uniquement celle de l’année précédente – faisant en sorte de permettre aux personnes dont la situation s’est détériorée récemment de bénéficier du programme (VCC 2009). Enfin, pour plus d’accessibilité, de nouveaux emplacements administratifs ont été ajoutés suivant la localisation géographique des ménages à faible revenu (dont un ouvert le samedi avant-midi) (VCC 2007; Ville de Calgary 2012).Lors de son lancement en 2005, 2000 bénéficiaires de l’Assured Income for the Severly handicaped (AISH) se sont réclamés du programme de taux réduit. En 2011, au total, 10 000 chômeurs, parents célibataires, travailleuses et travailleurs au salaire minimum (working poor) et bénéficiaires de programmes de sécurité du revenu en bénéficient annuellement et ce sont 77 909 passes mensuelles qui sont vendues chaque année (VCC 2007; Calgary Transit 2011). » (8)
Tarif et seuil de revenu auquel les personnes sont admissibles en date d’août 2016
Le prix de la passe pour les personnes à faible revenu est fixé à 50 % du tarif régulier mensuel pour les adultes et il est de 44$ en 2016. Par exemple, une personne seule doit gagner moins de 24 600$ pour être admissible alors que la limite est fixée à 30 625$pour un couple, et 45 712$ pour une famille de deux adultes, deux enfants.
Changements annoncés sur le plan de la tarification
Dès le mois de mars 2017, grâce à une mesure adopté le 25 juillet par le conseil municipal de Calgary, le fonctionnement de ce programme sera revu. Il n’y aura plus un tarif unitaire de 44$, mais les personnes à faible revenu auront à débourser entre 5,15$ et 50$ selon leur revenu. Les personnes gagnant 12 000$ et moins auront accès au plus bas tarif.
Pour donner des exemples inspirants à l’international, mentionnons tout d’abord la France. Dans ce pays, depuis les années 1970, l’accès à la mobilité a été progressivement reconnu comme essentiel à l’inclusion sociale. À cette fin quatre lois ont permis cette reconnaissance officielle. Dans la toute première loi adoptée en 1971, il est écrit que toutes les villes de plus de 20 000 habitants peuvent exiger des entreprises qui y sont établies un «Versement transport». Cela constitue en quelque sorte une reconnaissance du bénéfice que retirent les entreprises des services de transport en commun municipaux ne serait-ce qu’au chapitre du transport de la main-d’œuvre.
Dès les années 1980, le droit à la mobilité a été inscrit dans le système juridique français. En résumé : « Tout le monde a le droit de se déplacer dans des conditions équitables. Que ce soit du point de vue spatial, social ou économique. » Cette reconnaissance juridique du droit à la mobilité s’est avérée fort importante puisqu’elle a obligé les grandes villes à en tenir compte dans l’élaboration de leur plan de mobilité. En fait, il s’agit d’un droit au transport en commun pour tous et pour toutes. Selon Florence Paulhiac, professeure au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, nous pouvons identifier trois types d’actions emblématiques.
a) La tarification sociale. En France, depuis de nombreuses années, il existe des tarifications modulées en fonction des revenus des personnes ou de leur statut : chômeur, étudiant, personnes âgées. Les mesures privilégiées varient selon les villes. Considérant qu’il s’agit de la manière optimale de garantir une justice sociale en matière d’accessibilité au transport en commun, certaines villes comme Aubagne ont choisi d’instaurer la gratuité complète.
b) La seconde piste d’action, très développée dans certaines grandes villes françaises, est l’accessibilité universelle au réseau de transport en commun. Cette politique s’adresse notamment aux personnes en situation de handicap.
c) La troisième piste est instaurée dans les années 2000 avec loi sur la Solidarité et le renouvellement urbains, SRU. Conscientes que des territoires étaient moins bien desservis par le transport en commun, les municipalités françaises ont inscrit dans leurs plans de transport, des pas de déplacements, des dessertes privilégiées en matière de transport en commun vers des quartiers défavorisés socialement et économiquement, des quartiers enclavés. L’idée était de faire transiter des transports en commun efficaces dans ces quartiers pour les désenclaver. (9)
Par ailleurs, l’économiste Myroslaw Smereka rapporte que cette même loi, à l’article 123, prévoit une réduction tarifaire d’au moins 50% pour les personnes seules qui gagnent moins de 8 645 euros, soit 12 970$ par année, en 2014. Voici un pas de plus vers l’instauration d’une tarification sociale généralisée à l’ensemble des villes de France. (10)
Mentionnons aussi le modèle suisse du développement durable, schématisé par ce graphique. Il faut préciser qu’il a été quelque peu personnalisé aux fins de l’enquête. Ce diagramme situe le transport des personnes au cœur de son modèle de planification stratégique. Cette dimension apparait essentielle à toute société qui vise un développement harmonieux. (11)
Aspect juridiques, sociaux et politiques du droit à la mobilité
Au Québec, où en sommes-nous en ce qui concerne la reconnaissance du droit à la mobilité ? Quelles politiques sociales pourraient être développées pour améliorer les conditions de vie des moins nantis ?
Tout d’abord, parlons du cadre juridique québécois. Dans la Charte des droits et libertés de la personne, le droit à la mobilité n’est pas mentionné spécifiquement dans la section des droits économiques et sociaux. En observant ces articles, nous constatons un certain vague parce que ces droits ne sont pas bien définis. C’est d’ailleurs le cas pour plusieurs autres droits fondamentaux, tels que l’accès au logement. Donc, à partir de la loi, ce qui est possible d’affirmer pour le moment, c’est que l’accès au transport en commun permet l’exercice de l’article 45 de la section des droits économiques et sociaux.
Article 45. Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d’assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi susceptible de lui assurer un niveau de vie décent. 1975, c. 6, a. 45.
Toujours dans la section des droits économiques et sociaux de la Charte des droits et libertés de la personne, mentionnons que l’accès au transport en commun pourrait être revendiqué comme permettant l’exercice du droit à un environnement sain, si nous tenons compte que les grands espaces verts sont souvent éloignés des quartiers défavorisés.
Article 46.1. Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité. 1975, c. 6, a. 46.1
Pour ce qui est du niveau municipal, dans son Plan de Mobilité durable, la Ville de Québec mentionne que : «L’une des raisons principales qui l’a conduite à l’élaboration d’un plan de mobilité durable est d’assurer l’équité sociale dans un contexte de changements majeurs dans l’économie mondiale des transports. Le coût de l’énergie est en hausse ce qui amènera les familles à changer leurs comportements et leurs priorités…». Cela demeure encore une fois assez vague.
À la lumière des témoignages et des données rassemblées jusqu’ici, force est de constater qu’il n’y a pas eu de mesures concrètes pour atteindre cet objectif ! À ce sujet, a paru dans le Journal de Montréal du 12 mai 2015, un article intitulé : «Quartiers défavorisés, Montréal veut rendre le transport plus accessible.», où des chercheurs de l’Université McGill dénoncent le flou des objectifs du Plan de transport de la Ville de Montréal en matière d’équité sociale. Le responsable des transports de la ville, M. Araf Salam, mentionne que, dans le prochain plan qui sortira en 2017, des indicateurs précis d’équité sociale seront établis.
Nos principales revendications
Notre principale revendication :
Une tarification sociale pour les personnes seules qui gagnent sous la MFR (Mesure du faible revenu) 60% du revenu médian, soit moins de 22 199$ après impôt.
En lien avec cette revendication, nous demandons :
*Que le Réseau de transport de la Capitale (RTC), modifie sa grille tarifaire pour y inclure une tarification sociale au moins équivalente au tarif du laissez-passer aîné. D’ailleurs, il pourrait être facilitant d’un point de vue administratif d’utiliser le même montant que le laissez-passer aîné.
*Établir une tarification sociale à partir de la déclaration de revenu produite par chaque personne. Aujourd’hui, avec les cartes à puces, il serait facile d’accorder un tarif réduit en fonction de la défavorisation tout en maintenant une certaine forme de confidentialité.
*Établir une collaboration avec Calgary, ville jumelée à Québec et modèle de succès dans la mise sur pied d’une tarification sociale.
*Inclure dans la Politique québécoise du transport collectif, un Programme de soutien provincial aux mesures de tarification sociale. Ce programme pourrait être créé à part ou bien inclus au Programme d’aide gouvernementale au transport collectif des personnes (PAGTCP).
Autres revendications :
*Que les instances municipales considèrent la mobilité des personnes à faible revenu dans leur offre de transport en commun comme un service municipal rendu à la population.
*Que les instances gouvernementales, en collaboration avec le Réseau de transport de la Capitale (RTC) considèrent la mobilité des personnes à faible revenu dans leur offre de services de santé et de services sociaux et pour l’accès aux centres de la petite enfance.
*Que le Réseau de transport de la capitale (RTC), dans l’aménagement de ses parcours, priorise l’accès aux services essentiels comme l’épicerie et aux zones de la ville à forte concentration d’organismes communautaires.
*Prioriser le développement et la desserte de secteurs défavorisés de la ville et la desserte de zones enclavées géographiquement et/ou qui se retrouvent dans un «désert de service».
Selon une participante : «L’enquête a redonné un sens à la lutte en mettant en lumière une souffrance demeurée trop longtemps muette.»L’enquête conscientisante mène à la mobilisation. Il est crucial d’organiser et de rassembler les citoyens de tous les quartiers de la ville afin de se concerter sur l’enjeu de l’accessibilité sociale au transport en commun et donner plus de portée à la revendication de la tarification sociale. Nous interpellons les groupes de citoyenNEs de Québec sur la nécessité de former une concertation régionale pour l’accessibilité sociale au transport en commun.
- Emilie Frémont-Cloutier, chargée de projet au Comité du CAPMO pour l’accessibilité sociale au transport en commun.
- Anne Tessier-Bouchard, Les années lumières, diffusée sur les ondes de Radio-Canada, le 25 janvier 2015.
- Florence Paulhiac, Les années lumières, diffusée sur les ondes de Radio-Canada, le 25 janvier 2015.
- Marc Boutin, Compte-rendu de la présentation : Aménagement urbain et transport en commun à Québec, Carrefour d’animation et de participation à un monde ouvert (CAPMO), novembre 2014.
- Bien que l’option du développement d’un tramway ne soit plus envisagée par les élus de la Ville de Québec, il apparait pertinent de présenter le constat présenté par Marc Boutin sur le type d’aménagement urbain devant être développé pour vraiment répondre aux besoins des citoyenNEs. Autant que possible le modèle de réseau présenté ici devrait être considéré et transposé dans le développement du projet retenu du Service rapide par bus (SRB). Néanmoins, une ligne de Service rapide par bus (SRB) ne sera jamais aussi structurante et efficace qu’une ligne de tramway, complètement indépendante du réseau autoroutier.
- Marion Vincens, Marie-Hélène Vandermissen et Marius Thériault, Cahier de géographie du Québec, décembre 2007.
- Guylaine Poirier et al., Pour qu’elle embarquent, L’accessibilité du transport collectif et son impact sur la qualité de vie des Montréalaises, Conseil des Montréalaises, 2009, 70 p.
- Guylaine Poirier et al., La tarification sociale du transport en commun : Étude de cas de Calgary, Conseil des Montréalaises, mai 2012, p.8-9.
- Florence Paulhiac, Émission Les années lumières, Radio-Canada, 25 janvier 2015.
- Myroslaw Smereka, Politique tarifaire nationale et gratuité du transport en commun au Québec : utopie ou manque de volonté politique?, Montréal, le 12 octobre 2005.
- Myroslaw Smereka, L’exclusion sociale reliée au transport des personnes, au cœur du développement durable, Montréal, le 22 novembre 2007.
Extraits choisis du rapport d’enquête conscientisante du Comité du Capmo pour l’accessibilité sociale du transport en commun sur le territoire du réseau de transport de la Capitale.
Dessin de Ronald Lachapelle