# 271 – Retour sur le Forum social de Montréal
La participation au FSM exige une bonne condition physique, beaucoup de patience et de souplesse, mais elle permet de vivre une authentique expérience d'immersion. Je me dois de préciser que la connaissance de l'anglais et de l'espagnol m'ont permis de transcender nos frontières culturelles et à quelques reprises de me croire à l'autre bout du monde. Le lundi, j'assistais au Forum mondial de théologie et de libération où nous avons d'abord été accueillis par une cérémonie amérindienne sur le territoire non concédé de la nation Mohawk.
J'apprécie profondément le caractère sacré de ces cérémonies qui témoignent du respect dû à chacunE et à la Terre-Mère. L'enseignement de l'homme médecine portait sur notre place dans l'univers aux côtés des autres créatures et du rôle de la femme comme référence essentielle et porteuse de sagesse pour la conduite des nations. Le patriarcat associé au colonialisme et au capitalisme y était vivement dénoncé. Les autochtones des Amériques étaient l'une des composantes majeures du FSM.
Par leur présence, ils nous rappellent l'errance de la civilisation occidentale qui entretient un rapport prédateur envers les êtres humains et la nature. Ils ont parlé de l'importance de décoloniser nos mentalités, de dépasser l'esprit de compétition et d'accaparement, pour réapprendre à vivre selon des valeurs de cœur et de sincérité. Leur spiritualité bafouée depuis trop longtemps par la rationalité occidentale nous ouvre d'immenses possibilités de redécouverte du sens de la lutte, du partage, du respect et de la cordialité. « L'argent n'est pas tout et ma mère n'est pas à vendre », disait un guerrier Mohawk dans un atelier portant sur l'impérialisme interne au Canada.
Un atelier portant sur le racisme au Brésil m'a ouvert les yeux sur l'un des nombreux drames qui se jouent en ce monde et que l'animatrice a résumé en ces quelques mots : « Le système capitaliste est en guerre contre les pauvres et malheureusement, la pauvreté a souvent la peau plus foncée que claire. » Au Brésil, c'est plus de 60 000 morts par balle chaque année. De ce nombre, les trois quart sont de jeunes noirs et la majorité sont victimes des balles d'une police formée pour réprimer et brutaliser la population des favelas. Un ex-détenu d'un pénitencier brésilien a confirmé ces propos en nous partageant son travail auprès des jeunes de Porto Alegre. Il utilise le Hip Hop comme méthode favorisant l'expression des difficultés et de la brutalité vécue par les jeunes de la rue.
Le FSM a aussi été parfois une expérience limite où des perspectives contradictoires s'opposaient, mais la plupart du temps dans le respect de ce que l'autre peut nous apprendre de ce monde que nous connaissons si peu.
Yves Carrier
Une culture organisationnelle à transmettre
Cela fait plusieurs années qu'il y a des Forum sociaux, mais il ne semble pas y avoir de transmission du savoir être ou d'une culture d'animation, une culture de travail d'équipe ou de groupe. Parfois, par chance, l'assemblée de convergence à laquelle tu assistes est bien animée par l'organisme qui s'en occupe. On sait où on s'en va et on fait un travail d'équipe, mais le contraire existe et cela ne facilite pas les prises de décisions collectives ou encore, le simple fait de recueillir les commentaires et les décisions prises en groupe. C'est assez chaotique. Parfois il suffit de nommer le problème pour qu'il soit envisagé et corrigé.
C'est quoi une assemblée de convergence ?
En fait, c'est écrit nulle part. Il y a une culture organisationnelle à développer. Logiquement, une assemblée de convergence se réunit autour d'un thème. Exemple, les femmes, les autochtones, l'environnement, la paix, etc. J'ai participé à une qui s'intitulait : « Les énergies renouvelables et l'environnement. » Un autre encore s'appelait : « Le revenu minimum garanti ou universel ». Cette dernière assemblée était bien organisée. Il y avait beaucoup de FrançaisEs présentEs. Il y avait des tours de parole, on s'est divisé en atelier et c'était très bien animé. On observait une convergence autour de ce sujet et le désir de collaborer les uns avec les autres semblait évident. Qu'est-ce qui fonctionne et qu'est-ce qui ne fonctionne pas ? Évidemment, c'est axé sur l'action, militer pour une cause ou un enjeu. Le Forum n'a pas nommé d'objectif et il ne semble pas y avoir une culture de règles minimales que l'on se donne entre nous, du respect de la liberté de parole. Tu peux aller à une assemblée de convergence qui est une conférence où tu n'as aucun droit de parole.
Le samedi 13 août, une des innovations, c'est qu'il y avait des cercles de discussion. J'ai trouvé cela très positif. Le FSM est souvent critiqué parce qu'on ne sait pas trop quel est le résultat après. Dans les cercles de discussion, les gens nomment des revendications, des prises de position collective et le Forum social devrait les rendre publiques sous peu. En général, cela va bien, mais j'ai participé à un de ces cercles où une dame représentant une ONG a monopolisé complètement la discussion qui devait porter sur l'économie alternative. Toujours est-il que le cercle de discussion est devenu une discussion sur ses projets et son ONG. Et il n'y avait personne pour intervenir pour arrêter cela. Il n'y avait pas de modérateur, ni de règles préalablement établies. Normalement, souvent, il est bon d'avoir un ou une secrétaire, de même qu'un facilitateur qui veille à ce que chacunE ait un droit de parole équitable. Donc, subtilement, les gens quittaient et allaient former leur propre cercle de discussion à côté. Mais ils et elles n'ont pas transmis leurs résolutions à l'organisation du Forum. Alors, ce que nous construisons ensemble est perdu. Pas pour ceux et celles qui ont participé à la discussion, mais pour le grand public en général. J'identifie là une lacune qui serait assez facile à solutionner. Je ne parle pas des milliers d'ateliers, mais d'une douzaine d'assemblées de convergence qui devraient être animé correctement. Cette préoccupation nous concerne également lorsque nous organisons nos propres activités.
Ce que Michaël vient de décrire est typique de la culture du Forum social mondial. Cela correspond beaucoup plus à la nature humaine qu'un congrès organisé par un syndicat ou un parti politique, chronométré, organisé, calculé, etc.
L'avenir du Forum social mondial
Il y a un sujet qui m'a intéressé plus particulièrement, c'est l'avenir du FSM en termes politiques ou non. Est-ce que le Forum social doit devenir le porte-étendard des revendications des luttes ici présentes et de faire un vote là-dessus en 18 ou 24 chapitres ? Certains font la promotion de ce modèle. Je suis totalement contre cela. Ce n'est pas sa vocation, le Forum n'a pas été conçu pour cela. J'ai écrit un texte argumentaire là-dessus qui a été publié dans Presses-toi à gauche! Pierre Mouterde a écrit un texte là-dessus, disant que le Forum est une perte de temps s'il ne prend pas position sur des thèmes précis. Pour moi, le Forum social mondial peut être comparé au Forum économique de Davos qui est un peu l'alter-mon-ego.
Le Forum économique de Davos ne se promène pas pour dire qu'il fait la promotion du néolibéralisme et du libre-échange. Jamais de la vie. Ils se sont donné des institutions pour faire valoir leurs intérêts, OMC, FMI, Banque mondial, les traités de libre-échange, etc. Notre rôle, avec les FSM, c'est de permettre aux organisations et aux gens de se rencontrer pour discuter de leurs luttes et de leurs projets. C'est un Forum où l'on se parle par sujet d'affinité. Dans les assemblées de convergence, ceux et celles qui ont commencé à les évaluer, c'est la première fois que c'est relativement bien réussi dans le cadre d'un FSM. À Montréal, c'est là que nous sommes allés le plus loin, comparé aux Forum précédents.
Un scrapbook aux couleurs du FSM
J'ai voulu rendre un peu de ce que j'ai vécu là-bas en réunissant dans un gros cartable tous les papiers, dépliants, programmes, qui m'ont été remis lors de ma participation au Forum mondial. J'ai aussi ajouté des commentaires sur mes impressions lors des différents ateliers et rencontres. J'ai également fait la tournée des kiosques pou recueillir des dépliants. Ce cartable est une représentation très minime de ce qu'il y avait à Montréal cet été au FSM. On y retrouve des idées sur ce qui se fait au Québec et à l'international. Pour ce qui est du FSM,
j'ai adoré être là, l'ambiance amicale qui y régnait. Je pouvais parler à n'importe qui, les barrières étaient tombées. Même si on ne parlait pas la même langue, l'ambiance était fluide, chaleureuse. C'est ce que j'ai trouvé remarquable du Forum social comparé avec d'autres événements auxquels j'ai participé. Ensuite, j'ai constaté qu'il y avait des feux, des victimes de l'injustice et de l'exploitation. Il y a tellement de problèmes et de choses qui vont à l'encontre du bien-être des humains sur la Terre, et plusieurs étaient représentés. Si on commence à s'intéresser à toutes les urgences, cela devient vite impossible à gérer. Mais de où ça vient l'urgence ? D'où ça vient ces problèmes là ? Qu'est-ce qu'on peut faire ? Je ne peux pas courir après tous les feux ? C'est quoi la source ? J'en suis venue en sortant de là à penser que la source d'autant de problèmes est au-dedans de nous-mêmes. Si nous sommes en conflit, nous engendrons du conflit à l'extérieur de nous. Alors, cela m'intéresse peu de me battre contre tout. J'en suis arrivée à cette conclusion, mais je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut pas s'impliquer.
Il faut choisi ses luttes tout en demeurant conscient qu'il y a des milliers de luttes et des millions de gens qui s'en occupent. L'idée c'est de faire sa part, de résister au cynisme et de construire l'espoir.
Moi, ce que j'ai apprécié, c'est de pouvoir partager mes expériences avec d'autres personnes. Je milite à l'ADDS-QM et pour moi le FSM a été un espace d'échange et de partage. Quand on parle d'un organisme de défense des droits sociaux, il y a des gens qui ignoraient que cela existait. C'était intéressant de connaitre la vision d'autres personnes. En Europe, il semble qu'un groupe comme l'ADDS cela n'existe pas. Ils trouvaient génial que des gens à faible revenu s'associent pour faire valoir leurs droits. La pauvreté n'existe pas qu'au Québec, elle est présente partout. J'ai le rêve d'assister à un prochain Forum qui aurait lieu à l'étranger.
À un moment, j'avais l'idée de préparer un atelier pour parler de la pauvreté. Comment est-ce qu'on la vit ici et ailleurs ? L'idée de partager ce vécu avec des gens d'ailleurs dans le monde, rejoint mes préoccupations. J'ai trouvé mon expérience extraordinaire. C'était ma première participation à un Forum social. Je remercie l'ADDS-QM qui m'a donné la possibilité de participer au Forum social. J'ai adoré mon expérience. C'est merveilleux ce qui se passe là. Tu as raison de dire que l'atmosphère dans les ateliers était convivial. Je ne me suis pas sentie mise à part. Peu importe ta nationalité, ton niveau académique, on sentait une chaleur humaine qui donnait envie de connaître et de découvrir, d'apprendre et de comprendre ce qui se passe ailleurs. C'est ce qui m'a frappé beaucoup. Je trouvais cela impressionnant de voir les opportunités que nous avions de parler. Cela me faisait penser à ici. Nous étions assis en cercle comme au CAPMO. Quand on voulait parler, on levait notre main et quelqu'un nous donnait la parole et nous pouvions parler. On pouvait discuter. Ce qui m'a impressionné aussi, c'est de voir le nombre de kiosques qu'il y avait pour représenter leur organisme ou ce qui se faisait dans leur pays. J'ai pris connaissance de cela justement parce que mon atelier n'avait pas lieu. J'ai même assisté à une pièce de théâtre qui parlait de la création du monde et du travail. Ils faisaient participer les gens dans l'assistance alors c'était plaisant.
Un atelier que j'ai beaucoup apprécié, c'est celui portant sur la monnaie locale. J'ai même vu un 20$ coupé en deux sous mes yeux. Un autre atelier utilisait le bâton de parole ce qui permettait à chacunE de participer. J'ai aussi vécu l'expérience comme organisateur d'un atelier avec Pierre Racicot sur l'Économie circulaire et avec Robert Boudreau sur les Fables de Gunter Pauli. Ça m'est arrivé aussi de me présenter à un atelier qui n'avait pas lieu et où rien n'était indiqué. Finalement j'ai assisté à un atelier portant sur l'électrification des transports. Cela aidait à comprendre les jeux de pouvoir qui empêchent certains projets de voir le jour parce qu'ils vont à l'encontre d'intérêts puissants.
Forum mondial de théologie et libération
C'était mon premier Forum mondial. Je trouve qu'avec notre association, nous avons organisé pas mal d'activités, si bien que je n'ai pas eu le loisir d'aller voir beaucoup de choses. J'étais aussi impliqué dans l'organisation du Forum mondial de Théologie et libération. C'était beaucoup de travail en fait. Je crois que nous n'avions pas réalisé la somme de travail que cela exigeait de nous. J'aimerais souligner deux ou trois choses. Ce que j'apprécie beaucoup dans le Forum social, c'est qu'il n'y a pas de consignes données. Il faut penser dans telle direction, que l'écologie c'est cela. Non, il y a vraiment une ouverture et je trouve cela très important que cela demeure comme cela, qu'il n'y ait pas de programme politique au sens restrictif du terme. Cela permet que cela demeure un forum très ouvert. Une chose qui m'a marqué parce que je peux faire une comparaison avec c'est ce que j'ai vécu dans le comité organisateur du Forum mondial Théologie et libération. C'est un comité élargi qui a commencé à travailler en octobre 2015 et ce que j'ai vécu au sein du Forum social mondial dans sa préparation où j'étais très en lien avec un Français, Étienne, du comité organisateur. Dans le comité organisateur du Forum mondial de Théologie, dans le mode préparatoire, il y avait une façon de faire qui a permis que les gens qui s'y sont réunis étaient très ouverts, et nous sommes parvenus à créer un sentiment d'appartenance. Et cela s'est senti dans le Forum de théologie, il y avait un cœur au sein du comité organisateur. Je trouve que c'est quelque chose qui a manqué au Forum social mondial et j'ai su par Étienne qu'au sein de cette équipe, ils ne sont pas parvenus à créer cette espèce de marmite où l'on se sent bien ensemble. Cela peut s'appliquer à un Forum social au Québec, c'est très important à mon avis de bâtir un cœur et de le laisser vivre.
Ateliers sur l'Économie circulaire
Moi, j'ai participé à deux ateliers: un comme spectateur et l'autre comme animateur. Le premier était une présentation des fables de Gunter Pauli par Robert Boudreau. Notre idée était que l'atelier sur l'Économie circulaire avait lieu avant celle sur les fables, mais les organisateurs ont inversé nos présentations, ce qui fait que ce que nous avions prévu ne fonctionnait plus. J'étais sensé préparer le terrain à l'Économie circulaire et dire en quoi les fables font partie des outils d'éducation de ce nouveau paradigme économique. Lorsque Robert a présenté en quoi consiste l'économie circulaire, il y a eu deux questions de la salle qui sont venues comme des torpilles. « En quoi l'Économie circulaire n'est pas un renforcement du système capitaliste ? » L'autre c'était : « Il y a un buzz depuis le printemps à Montréal sur l'Économie circulaire, tout le monde parle de ça, d'où ça vient ? Pourquoi c'est si fort que ça ? » Robert a eu le bonheur de dire Pierre Racicot va vous expliquer ça demain à telle heure. Ça a été très utile même si cela s'est fait aux dépends de Robert qui n'a pas eu beaucoup de questions. Il a bien présenté les fables en les mimant même parfois. Il a mis cela dans le contexte mondial à l'effet que la Chine avait commandé 365 fables à Gunter Pauli pour être diffusé dans toutes les écoles du pays. L'idée transmise par ces fables est que la nature possède depuis toujours ses propres mécanismes de récupération et de régénération. Pauli a cherché à comprendre comment la nature s'y prenait et il a développé des technologies inspirées de la nature, c'est le mouvement bio-mimétisme. Alors on procède comme la nature pour essayer de récupérer nos déchets pour éviter de polluer afin de réduire la production des gaz à effet de serre et réduire la consommation des matières premières. Ma présence à cette atelier m'a beaucoup été utile pour préparer ma présentation du lendemain.
Pour l'atelier Économie circulaire, j'ai un sentiment ambiguë, dans le sens qu'à l'atelier de Robert Boudreau il y avait une dizaine de personnes et dans le mien une quarantaine. Mais je n'attendais pas autant de monde et j'espérais avoir l'occasion d'échanger avec les participants sur trois thèmes concernant l'Économie circulaire. 1– La construction de la civilisation écologique; 2—Les organismes qui travaillent dans la récupération des matières résiduelles qui sont des opérateurs de l'Économie circulaire. Ce sont des gens qui dans l'Économie circulaire ont un rôle majeur à jouer; 3— Pour que ce type de civilisation fonctionne, il faut qu'il y ait une décentralisation des pouvoirs du fédéral vers les provinces et de celles-ci vers les villes et les régions pour assumer un développement, une production et une consommation locale. Des villes où il y a des centres de recherches et de transferts technologiques et des universités. Il y en a partout au Québec. C'est aussi une façon de redévelopper le Québec à partir des principes l'Économie circulaire.
L'angle d'approche était le suivant : En quoi l'Économie circulaire répond à un besoin pour le Québec ? Alors, j'ai commencé par ça. Sauf que quand je suis arrivé sur place, il n'était plus question de faire un groupe. La salle était bondée, quarante personnes, il y avait même du monde assis par terre. Je me suis même organisé pour recevoir les gens qui entraient pour savoir d'où est-ce qu'ils venaient ?
Cela venait de partout, des syndicalistes, du secteur hospitalier, de la CSN, de la FTQ, des cégeps, des entreprises privées. J'étais un peu déçu d'avoir autant de monde car cela nous empêchait d'avoir des échanges. Ce que je veux c'est construire, pas de commencer à prêcher. On m'a demandé si j'étais professeur d'université. Heureusement j'avais du matériel pour les entretenir parce que quand j'ai vu autant de monde, j'ai réalisé que les gens avaient soif de savoir qu'est-ce que c'est que l'Économie circulaire. Après que j'ai eu fini la première partie de l'exposée sur le Québec, j'ai demandé aux gens s'ils voulaient avoir une période de questions ou prendre une pause ? Ils m'ont répondu non, ils souhaitaient m'entendre davantage. Alors, j'ai parlé trois heures sans m'arrêter. Je leur ai parlé en deuxième partie de l'Économie circulaire en Chine puis, à la troisième partie de la transition de l'Économie linéaire à l'Économie circulaire. Alors qui est porteur dans la société et quelles sont les conditions qu'il faut mettre en place pour graduellement s'en aller vers l'autre genre d'économie où l'on décroche de la production et de la consommation de masse ?
Mon sentiment, c'est que j'ai été pris dans une situation unilatérale où j'étais le seul à parler et les gens ne voulaient pas que je déroge de cela parce qu'ils voulaient recueillir un maximum d'informations.
Oui, mais c'est quoi l'Économie circulaire ?
L'idée c'est que tu remets dans le système économique les déchets que tu transformes en matière première pour d'autres productions. Pour réduire la consommation de matières premières et réduire les émissions de Gaz à effet de serre, GES. Tout le monde peut embarquer là-dedans, n'importe qui, pourvu que tu aies en tête une conduite qui s'enligne sur zéro déchet, zéro émission de gaz à effet de serre. Tu t'en vas avec ça et tu comprends tout.
L'utilisation des bouteilles d'eau, par exemple, pour construire des maisons en Afrique.
Pour moi aussi, il s'agissait du premier Forum social mondial auquel je participais. Je n'ai pas encore eu l'opportunité de beaucoup voyager, c'est pourquoi c'était intéressant que cela ait lieu proche de chez-nous. Je remercie le CAPMO d'avoir défrayé mes frais de séjour et de participation. J'étais vraiment content d'être présent à Montréal et de sentir cette atmosphère de militance. J'ai eu l'occasion de rencontrer des gens du mouvement pour la paix. Je voulais le faire et c'est comme si le FSM avait permis cela. J'ai rencontré quelqu'un qui venait d'Irak, un homme âgé, qui a déjà été professeur à l'Université Laval. Il était bien placé pour parler de guerre et de paix. Il y a aussi le Comité central Mennonites qui est un mouvement pacifique chrétien que je souhaitais rencontrer et sur qui je suis tombé par hasard. Le directeur du Comité était assis à côté de moi et je ne savais pas que c'était lui. J'ai rencontré du monde intéressant. Entre-autre la dame qui a fondé l'organisme Mères et monde qui venait pour la première fois à Montréal. Elle était émerveillée et avide d'apprendre avec un cœur d'enfant. J'aurais aimé ça que cela dure un mois parce qu'il y avait tellement d'ateliers intéressants. Toute la liste que je m'étais faite correspondait à un avant-midi. Il fallait avoir des priorités.
J'ai bien aimé mon expérience. Je n'ai pas fait qu'assister à des conférences. J'ai profité de l'occasion pour faire des rencontres. J'ai goûté à l'ambiance de ce qu'il y avait là, mais aussi le festival Présence autochtone auquel j'ai assisté. Ce qui m'a le plus déçu au Forum, c'est que le gouvernement canadien refuse un si grand nombre de visas aux participants en provenance des pays du sud. Je ne m'imagine même pas ce que cela a signifié comme casse-tête pour les membres de l'organisation. C'est la cause principale qui a fait en sorte qu'autant d'ateliers n'ont pas eu lieu. Cela m'a permis de réaliser l'état du monde, c'était une prise de conscience de plus, je dirais. Il y a une conférence que j'ai beaucoup aimé, c'est celle où plusieurs femmes de partout dans le monde, très impliquées pour l'environnement et aussi pour la situation des femmes. La fille de Berta Caceres était présente à cette conférence. On voyait comment elle avait le courage de continuer cette lutte pour le peuple Lenca du Honduras.
C'était quelque chose de politique mais également spirituel. C'est quelque chose qui est propre aux peuples autochtones qui vivent cet engagement à la défense de la Terre-Mère comme quelque chose de spirituel. Moi, j'en entends parler. Cela fait beaucoup de sens pour moi. Il y avait aussi sur ce panel une jeune femme mexicaine de Ciudad Juarez qui militait pour la protection des femmes. Une autre femme provenait d'Asie du Sud-est et une autre encore du Mali. Cette dernière nous parlait de la condition féminine au Mali sous la domination de groupes islamiques radicaux. Le courage dont elles faisaient preuve était impressionnant. C'était un panel extrêmement riche. Il y a beaucoup d'aspects importants, mais pour moi c'est l'un de ceux qui est fondamental, c'est que l'une des sources de la paix dans le monde ou des solutions aux conflits, c'est qu'il y ait plus de place pour les femmes. Pas juste en matière de joie, mais plus profond, au niveau spirituel. C'est la place qu'elle occupe dans la société, leur accès ou non à l'éducation. Si on observe la lutte qui a lieu actuellement au Dakota à Standing Rock, ce sont les femmes qui ont commencé cette occupation pour empêcher le passage du pipeline. Aller de l'avant pour être protectrice de la Terre, les femmes ont vraiment une conscience de leur rôle. Il y a là quelque chose d'admirable et d'important que les hommes prennent conscience que leur rôle à eux, c'est d'épauler les femmes et de les protéger. Ce sont des témoignages qui m'inspirent et qui sont un point très important pour moi.
Ce que j'ai apprécié au Forum, c'est que cela ait lieu dans un pays de l'hémisphère Nord. La marche d'ouverture est venue réveiller les gens sur ce qui se passe quand on vit de l'autre côté de la planète et qu'on est moins bien nanti. Nous avions un atelier autogéré qui s'appelait « Communautés en cercle avec un grand S ». Nous avions choisi de nous trouver un lieu et nous nous sommes installés au Centre Afrika qui est à côté du parc Amélie-Gamelin. Avant le Forum, cet endroit faisait parti du secteur réservé au FSM. En fait, c'est un autre festival qui avait lieu à cet endroit. Au début, je me suis dis que nous n'étions pas au bon endroit pour rejoindre les gens, mais finalement cela s'est bien passé et on a eu du monde. Ce que nous avions décidé, c'est que nous avions envie de recevoir les gens comme si c'était chez-nous. Nous avions installé des sofas, une cafetière, et un petit comptoir où il y avait un arbre de la vie. On invitait des gens à venir le décorer et cela a été génial parce que cela a permis plein de rencontres. Il y a plein de gens qui sont venus nous voir en disant que cela faisait du bien de s'arrêter quelque part et de s'asseoir dans un fauteuil. Les ateliers que nous animions s'appelaient : « Communautés en cercle » parce que pendant l'année nous avons mené plusieurs projets avec des gens de différentes religions, de différentes cultures, des cercles de confiance ici à Québec. Donc, nous avons eu des ateliers avec des gens des Premières Nations, une cérémonie d'ouverture avec Nicole O'Bomsawin et Marie-Émilie Lacroix.
Renaud Blais a animé un atelier intitulé : « Québec, 1604 », des cercles de parole. Nous avions invité un ami suffi qui est venu nous parler des qualités et des vertus du cercle. Comment on peut s'échanger la parole avec un gardien du temps ? Ce qui fait qu'au fond, dans cet esprit du cercle, quelque chose permet que tout le créé présent s'exprime, que notre parole devient sacrée, qu'il y a quelque chose qui nous dépasse. Également, deux jeunes femmes de la communauté bahaïe sont venues nous présenter une expérience absolument génial. Cela s'appelle : « Le développement des quartiers auprès des jeunes et des très jeunes. » Cela se passe dans un quartier populaire avec des jeunes de 11 à 18 ans. On demande d'abord aux enfants s'ils ont envie de mener à terme un projet. C'est déjà valorisant. Ils et elles ont un animateur, mais ce sont eux qui décident ce qu'ils vont faire. L'objectif de ce projet est de se mettre au service de la communauté. Souvent, ils vont nettoyer leur cours, leur parc ou leur coin de rue. Après, comme ils l'ont rendu propre, ils sont fiers, ils ont été utiles, et ils cherchent à le maintenir. Après cela, les jeunes décident ce qu'ils vont faire. Ils nous expliquaient que dans un quartier du Nord de Montréal, les jeunes ont décidé de sensibiliser leurs parents sur le fait de mieux se nourrir parce qu'ils se sont rendu compte qu'il y avait beaucoup de diabète et d'obésité. C'est incroyable et ça marche. Ils ont entre huit et douze ans et ils sont extrêmement heureux et fiers parce qu'ils se disent : « J'ai ma place dans la société et je suis capable. » Évidemment, cela les forme pour plus tard.
C'est incroyable, il y a des enfants de neuf ou douze ans capables de faire un exposé sur le diabète et pourquoi c'est dangereux et qu'il faut avoir une bonne alimentation pour combattre cette maladie.
Belle conscientisation !
Au Forum, il y avait de la place pour les jeunes et il faut leur faire de la place.
Forum social des peuples à Winnipeg ?
Je tiens à remercier le CAPMO parce que moi aussi j'ai bénéficié d'un soutien financier pour participer au Forum social de Montréal. J'ai trouvé une place d'hébergement grâce à l'Accorderie. J'endosse à 100% les gens qui ont parlé de sentiment et d'une occasion exceptionnelle de rencontrer des gens bienveillants et bien disposés. C'est toujours comme ça les Forum sociaux. Ce sont tous des gens qui veulent changer le monde. On ne se contredit pas. Changer le monde est le consensus que tous et toutes ont à cœur. Le sujet que j'aimerais développer, c'est qu'il y a eu un Forum social des peuples à Ottawa, il y a deux ans. Juste avant l'ouverture du Forum social mondial, il y avait une assemblée générale des suites du Forum d'Ottawa. Ils ont un maudit problème. Ils ont un surplus budgétaire. Nous nous sommes réunis à nouveau vers la fin du FSM. Le consensus qui se dégage et qu'il faut organiser un deuxième forum social des peuples Québec, Canada, Premières Nations. La tendance qui se dégage et que cela sera à Winnipeg ou encore plus loin vers l'Ouest. L'idée étant que même si cette seconde édition n'a pas lieu, il faut la préparer (Voir texte de Renaud Blais dans la Feuille de chou d'octobre). C'est tout le processus qui mène à ces activités qui est intéressant. Il faut le faire dans nos villes, dans nos quartiers, dans nos villages, dans nos universités, etc. Le simple fait d'organiser des activités selon la philosophie du Forum social, c'est déjà important. Ici, au CAPMO, nous avons une attitude bienveillante les uns envers les autres et on pense qu'il y a juste nous-autres qui sommes comme cela.
Moi, l'expérience que j'ai vécu au Brésil en 2005 avec 150 000 personnes à Porto Alegre, c'était envahissant pour cette ville. Alors tous les habitants et les commerçants de la ville se sont fait accueillants. Ce sentiment partagé de vivre quelque chose d'unique avec des dizaines de milliers de gens produit une puissante euphorie et une motivation profonde à poursuivre l'engagement. On n'a pas besoin de rationaliser quoi que ce soit lorsqu'on revient de là et tout le monde veut y retourner. Je voudrais annoncer que nous avons un salon du communautaire à Ste-Foy le 13 octobre prochain. L'année prochaine, à la prochaine édition, cela va être notre forum du communautaire. Le Forum social des peuples, c'est le rapprochement des trois solitudes canadiennes. Je voulais aussi ajouter quelque chose à propos du programme du FSM. Aussitôt qu'il est imprimé, il devient désuet. C'est toujours comme ça dans les Forum sociaux. Ceux ou celles qui sont déçus ce sont des gens qui participent pour la première fois à un forum social. Nos attentes doivent être en fonction de cela et il faut avoir trois ou quatre alternatives (rapprochées) pour chaque plage horaire.
Calendrier du Réseau du Forum social
Le programme du salon du communautaire de Ste-Foy sera bientôt publié sur le calendrier du Réseau du forum social de Québec-Chaudière-Appalaches. J'aimerais parler de deux ateliers qui m'ont beaucoup touché. Avant d'aller au FSM, j'étais déjà sensibilisé au fait qu'il y a des familles d'immigrants qui cognent à la porte du Canada. Parfois ils n'ont pas les bons papiers ou ils ne sont pas arrivés par la bonne porte et cela leur cause de nombreuses difficultés. Ces familles ne se font pas simplement dire qu'elles ne peuvent pas entrer au Canada, mais elles sont incarcérées. Cela me dépasse. Parce que le Canada n'a pas créé de centres de détention adaptés, des familles sont détenues dans nos prisons comme des criminels. Les enfants, par exemple, sont séparés de leurs parents et confiés à la DPJ parce qu'ils ne peuvent être incarcérés dans des prisons pour adultes. Cela peut durer plusieurs mois avant que leur cause soit entendue. C'est une violation extrêmement grave de leurs droits.
Il y a quelques pays qui malheureusement font cela, dont le Canada. On parle de gens qui ne sont pas inculpés ni accusés. C'était très touchant et il y avait beaucoup de témoignages. Il y avait des experts psychiatres qui relevaient les traumatismes. C'est horrible. Comme citoyen, je n'en suis pas ressorti avec un sentiment de pouvoir. Le gouvernement canadien va bientôt être confronté à ces nouvelles questions. C'est un sujet qui me touche, mais pour l'instant, je ne sais pas par quel bout prendre cela.
Le deuxième sujet qui a interpellé beaucoup de monde et qui a été très touchant aussi, c'est une porte-parole des femmes kurdes. C'est super intéressant puisqu'il s'agit de sociétés qui sont en révolution. Ce sont des sociétés qui se recréent à partir de principes d'égalité homme-femme. Les femmes kurdes ont choisi d'inventer leur propre féminisme qu'elles n'appellent pas ainsi. Elles ont des manières particulières de le dire et de le définir. Elles appellent cela l'Étude des femmes. Ce qu'elles disaient, c'est que tu ne changes pas la société sans libérer la femme, et l'homme ne peut se prétendre libéré si la femme n'est pas libérée. Ils parlent de « tuer » l'homme violent et dominateur en soi. C'est à peu près leur philosophie et le public présent a beaucoup apprécié. Elle nous a dit quelque chose que je trouve très important qui est : « La meilleure façon d'aider le peuple kurde, c'est de démocratiser et d'émanciper les gens là où êtes présentement. C'est comme cela que vous pouvez participer à l'émancipation du monde.»
Cet automne, le Réseau du Forum social organisera une activité bilan du FSM. Nous allons essayer de faire venir des organismes qui ont participé au FSM et de faire le lien individus-groupes. Après avoir nommer ce qui vous a inspiré, essayer de voir qu'est-ce que nous pourrions rêver pour l'avenir ? De quelle manière le FSM nous as-t-il influencé ? Voir confirmation de l'heure de l'activité sur le calendrier en ligne du Réseau du Forum social de Québec et de Chaudière-Appalaches.
C'est les 300 ans du Vieux-Couvent de Neuville. Pendant la fin de semaine de l'Action de grâce, espace Art Nature présente un spectacle les 7 et 8 octobre au studio Multi de Méduse. Cela s'appelle : «Axis mundi ». Cela traite de l'Arbre de la vie. Les 8 et 9 octobre, au Vieux-Couvent il y aura une table ronde sur l'histoire du couvent : « Fondatrices et visionnaires » et une autre table ronde : « Héritage et avenir, la quête du sens. » Il y aura une cérémonie anniversaire aussi. Vous êtes les bienvenus.
Société civile et retombées du FSM
Quelles sont les retombés du Forum social mondial pour nous ici au Québec ?
Les témoignages étaient intéressants, mais cela demeure impressionniste et impressionnant. Moi je suis assez critique vis-à-vis ces forum sociaux mondiaux. Si on se réfère à l'histoire, c'est probablement la révolution zapatiste qui a donné naissance à cette idée des FSM en opposition au néolibéralisme et aux rencontres de Davos. Il est très important, si l'on souhaite vraiment changer le monde, il faut trouver ce qui se dégage de cela. Quel est le sujet historique qui va faire le changement dans l'histoire ? Pour moi, c'est la société civile qui va changer le monde.
Un deuxième point qu'il est important de développer, c'est que cela prend aussi un discours, une idée, une sorte d'idéologie, non au sens péjoratif, un discours de la société civile pour elle-même ou du peuple pour lui-même, qu'il faut développer mondialement et localement. Cela ne peut se faire que localement, mais des expériences universelles peuvent être partagées. C'est pour cela qu'il est déplorable qu'Aminata Traoré du Mali, n'ait pas eu son visa pour venir à Montréal. C'est une femme extrêmement importante dans l'édification de la société civile et la lutte des femmes au Mali.
Un troisième point qui permettre des retombés, c'est que dans chaque pays, dans chaque société civile, il y a une espèce de mouvement social. Je ne parle pas de partis politiques parce que ceux-ci nous attachent à l'État et à des intérêts particuliers. Il faut chercher l'intérêt général en vue du bien commun. C'est ce qui ne semble pas vouloir se développer dans ces forum sociaux en même temps qu'on y observe beaucoup d'énergies qui vont dans ce sens. Il y a un travail de fond à faire pour qu'on arrive à des résultats et que ce ne soit pas juste une foire de la gauche. Il faut qu'il sorte quelque chose dans chaque pays. Il faut qu'il y ait un mouvement qui réfléchisse sur comment faire avancer les choses, comment faire en sorte que la société civile avance. Celle-ci doit avancer dans tous les domaines de la pensée. Tout le monde ici travaille en ce sens. Il faut être capable de regrouper politiquement la pensée des gens qui vont de l'anarchie jusqu'aux chrétiens de gauche.
Moi, je ne suis pas allé au FSM. Par contre, je trouve cela intéressant de voir la soirée que cela donne ce soir, de voir la vision de chacunE, cela me donne une bonne idée de ce que vous avez vécu comme événement. Je trouve la question d'Éric très approprier : Sur cinq ans, qu'est-ce que le FSM va avoir apporté au Québec ? Selon mon expérience de militant, j'ai l'impression que d'ici trois mois on n'en parlera plus. Dans une année ou deux, on en organisera un autre et on recommencera à parler de celui-là. Par contre, sur cinq ans, ce que je trouve intéressant, c'est de voir toutes les échanges que cela permet et l'esprit de communauté qui se forme. J'espère que nous allons parvenir à transférer cet esprit de communauté vers la ville de Québec, pour réussir à créer des mouvements plus grands qui nous représentent pour nous permettre de créer un nouveau mouvement pour le FSM prochain. (La construction du processus en lui-même compte autant que sa réalisation.) Il faut créer une espèce de boucle qui va faire que nous allons prendre l'habitude de nous rencontrer pour discuter de ce qui nous touche, de ce qu'on vit et qui va nous permettre de créer une visibilité pour partager nos idées et unir nos volontés vers des objectifs qu'un jour nous allons réussir à atteindre. Il s'agit d'influencer suffisamment de personnes pour que nous puissions faire valoir nos idées dans un système où actuellement nous n'avons aucun pouvoir. Je pense que des éléments comme celui-ci, dans cinq ans, si tout le monde le gère de bonne foi, en ayant du plaisir et de belles idées, nous allons parvenir à créer un pouvoir. C'est mon espoir pour des soirées comme celle-ci. J'espère que, dans cinq ans, nous allons nous souvenir que le FSM est un mouvement qui est en perpétuel changement. Dans six mois, nous aurons oublié l'événement, mais nous aurons acquis l'habitude de nous rencontrer pour en discuter. Ce n'est pas tant d'y être allé qui importe, mais d'adopter cette manière d'être ensemble. Sur le long terme, c'est là-dessus qu'il faut miser.
C'est une attitude à développer comme tu l'exprimes très bien. J'ai retenu aussi le mot synergie. Il faut comprendre que c'est une assemblée de mouvements qui sont déjà en marche et qui poursuivent le mouvement. Les écologistes, les féministes, les autochtones, étaient en marche avant le FSM et le seront aussi après. Pour eux, il ne s'agit que d'une étape sur une longue marche. Le niveau international est aussi important pour discuter avec d'autres peuples des mêmes enjeux comme le gaz de schiste. Par contre, la barrière linguistique restreignait plusieurs personnes à l'intérieur de l'univers francophone et ils n'avaient pas l'impression que c'était si international que ça parce qu'ils ne pouvaient pas aller dans tous les ateliers qui n'étaient pas en français. Donc, ils restaient entre Québécois et Québécoises. Sinon, si on allait vers l'extérieur de notre langue, les sujets abordés étaient quelque chose d'assez époustouflant.
Les prises de conscience aussi étaient importantes. Certaines attitudes dominatrices des intellectuels du nord ont été dénoncé par des délégués du sud. Par exemple, un autochtone mexicain me rapportait le fait qu'il avait assisté à un atelier sur les peuples autochtones organisé par des anthropologues québécoises qui avaient invité des hommes médecines comanches à participer à leur atelier sans leur accorder la parole. La délégation s'est levée et a quitté, suivie d'autres délégués des Amériques. Je pense qu'il y a un minimum de savoir vivre et de savoir être à respecter. Pour entendre l'autre, il faut se faire humble. Les prétentions intellectuelles doivent savoir aussi écouter. Lorsque les experts universitaires prétendent en savoir davantage sur un peuple que ce propre peuple, nous avons un problème. Il faut se méfier de l'esprit colonialiste qui nous habite car c'est une offense aux autres civilisations. Dans une grande conférence à laquelle j'ai assisté sur la situation en Égypte qui vit sous le gouvernement militaire du général Sisi après le renversement du président Mursi, issu des Frères musulmans, il était frappant d'observer les Occidentaux qui allaient au micro pour prêcher des leçons de démocratie et justifier le renversement des dirigeants élus par le peuple lorsque ceux-ci déplaisent à nos critères occidentaux. On peut ici penser à Poutine, Erdogan, Mursi, voire Chavez ou Maduro. J'étais assis aux côtés d'une jeune femme turque qui étudie aux États-Unis et qui s'exprimait fort bien en anglais. Elle s'est levée pour aller au micro défendre son gouvernement contre la tentative du coup militaire de juillet dernier. À ma question à savoir si Erdogan était un conservateur et si les militaires putchistes n'étaient pas des progressistes comme le laissait entendre les médias occidentaux, elle m'a répondu qu'il s'agissait d'autres catégories. Le discours des gens du Sud ou de Russie s'ils avaient été là, est que la démocratie implique qu'un peuple peut faire des mauvais choix mais que ceux-ci leur appartiennent et que ce n'est pas à l'Occident de dicter, selon ses intérêts inavouables, ce qui est bien ou mal pour les autres peuples.
J'ai participé à deux ateliers sur le revenu minimum garanti. Les deux ateliers étaient totalement différent l'une de l'autre. J'ai appris des choses. C'était des Français qui présentaient l'atelier. J'ai trouvé qu'aller dans des ateliers et d'apprendre des choses, ce qui était extrêmement enrichissant c'est le partage du savoir. J'ai assisté à un atelier donné par un photographe qui expliquait comment faire pour rendre les photos expressives pour faire en sorte que l'image en dise un peu plus. Il se consacrait à documenter le vécu de la pauvreté à travers le monde. Quand tu vas dans des forum comme ça et que tu participes à des ateliers, que tu vas chercher un nouveau bagage, tu apportes aussi ton propre bagage parce que tu peux parler et échanger. En même temps, tu apprends du bagage des autres. C'est ce qui m'a fasciné des ateliers. Il y avait tellement de sujets d'atelier intéressant que si j'avais pu me diviser en six, je l'aurais fait.
L'importance du Forum social en tant que retombées
Le simple fait que cet événement existe, c'est déjà quelque chose. Nous vivons dans une société où les éléments humains les plus simples prennent une dimension complexe et bureaucratique. Pour un tout ou un rien, il y a toujours plus de paperasse et de comptes à rendre. Des choses qui peuvent sembler banales et quotidiennes, mais le simple fait d'avoir des rencontres comme les Forum sociaux, cela m'apparaît important pour le maintien du tissu social et des rapports humains. Cela aurait été plus bénéfique si une plus grande proportion de participantEs des pays du Sud avaient pu être présents. Dans toutes nos luttes, les solutions au niveau mondial débutent par un agir local. Mais il faut pouvoir penser globalement et pour pouvoir le faire, il faut d'abord avoir des occasions pour se rencontrer et s'apprécier, s'enrichir de nos expériences communes et avoir l'occasion de se connaître. Dans quelles actions est-ce que cela nous amène concrètement ? Le simple fait d'avoir une forme sans but opérationnel précis, c'est plein de lumière.
Même si nous n'avons pas construit un pont parce que nous sommes allés là, on se sent tous et toutes supportés dans nos actions en réalisant ce qui ce fait ailleurs et cela nous donne énormément d'idées, on se sent plus fort. Les idées des autres groupes nous ouvrent à de nouvelles perspectives. On ne peut pas vraiment calculer en termes d'actions parce que du foisonnement d'idées recueillies va émerger de nouvelles idées insoupçonnées. On ne peut pas mesurer l'impact parce qu'il y aura des retombés dont on ne saura jamais qu'elles viennent de là. Mais moi, ce que cela m'a fait faire, moi qui ne veux rien savoir de la politique, j'ai pris conscience, dans une rencontre sur l'énergie, du projet de loi 106 du gouvernement du Québec qui est en train d'être adopté dans notre dos. Ce projet de loi sur les hydrocarbures accordent le droit aux entreprises pétrolières d'entrer sur n'importe quel terrain pour y faire de la prospection sans avertir les propriétaires ou demander la permission. C'est beaucoup de choses et cela aurait pu être présenté en trois projets de loi distincts. Samedi 13 août, c'était la journée de l'action. Lorsque j'ai pris connaissance de cela, j'ai décidé de recueillir des adresses courriels, plus d'une centaine, auprès des participants, pour leur faire signer une pétition contre ce projet de loi. J'étais fière de moi parce que je suis passé à l'action dans une journée qui nous demandait de le faire. Après cette expérience du FSM, je suis davantage sensibilisée et j'ai goûté à mon pouvoir de passer à l'action et je me dis que si j'ai le goût de le refaire, j'ai la capacité de la faire. J'en ressort avec une expérience positive.
Je suis enthousiasmé par votre enthousiasme, mais il n'en demeure pas moins que je me pose la question suivante : Serait-il possible qu'on ait oublié une partie de l'essentiel sans que l'on sen rende compte ? Il est certain qu'il faut penser globalement et agir localement, mais cela fait une dizaine d'années que je travaille avec des grands malades dans la ville de Québec. Je vais dans tous les hôpitaux, dans toutes les maisons d'hébergement, privées comme publiques, et je n'ai pas vu de changement au cours des dix dernières années. Il y a eu des forum nationaux, internationaux, mondiaux, sur le vieillissement, mais les personnes âgées sont toujours dans les mêmes conditions. On a parlé tout à l'heure de l'Arbre de la vie, c'est une image assez forte, mais nous n'avons pas encore valorisé la vie de l'arbre. La semaine passé, j'ai demandé à une personne de 85 ans: « Comment cela va ce matin ? » Il me répond : « J'attends la mort. » Cela se passe à peu près comme cela dans tous les foyers d'hébergement. C'est la solitude et la souffrance. C'est la première et la deuxième mort qu'ils sont en train de vivre. Ce n'est pas nécessairement parce qu'il manque de personnel, c'est comme ça. Et on dirait que cela ne surprend personne. Il y a une dépersonnalisation après que la personne est internée. Cela m'apparait essentiel si on veut changer le monde. Alors, je me demande, s'il n'y a pas une partie de l'essentiel qui nous glisse entre les doigts ? Et ce n'est pas la fin de vie, c'est rendu qu'à partir de 70 ou 75 ans, on se retrouve confiné à un genre de prison, à une espèce de mort avant la mort. C'est ma question.
C'est une vrai question à poser dans le cadre d'un futur forum.
Si on parle des retombés, le fait que depuis un an nous avons participé à l'organisation d'un Forum social mondial, ça m'a impressionné. Le fait qu'il y ait un événement mondial qui vienne à Montréal, je trouve qu'en tant que tel déjà, c'est énorme. Même si les médias n'en ont presque pas parlé, mais quand on regarde la Commission vérité réconciliation avec les peuples autochtones, qui a fait un travail remarquable, les médias en ont parlé très peu ou très mal. Ce ne sont pas les médias qui vont faire que c'est un événement. Autre chose, ce que tu viens de dire sur les personnes âgées, cela m'interpelle profondément, c'est vrai qu'il y a des choses qui nous glissent entre les doigts. C'est sûr. Surtout lorsqu'on est dans le domaine social, il peut y avoir la tendance à être trop horizontal, d'oublier une certaine verticalité. Il y a cette phrase de Dostoïevski qui dit : « Si la beauté pouvait sauver le monde ? » Parfois, tu as le regard de quelqu'un qui peut sauver un autre (de sa détresse, de ses peurs, de sa solitude, etc.), qui change ta vie, qui change ta destinée.
Le Forum mondial est « utile » dans la mesure où l'on y apporte ce que l'on veut y voir. C'est un peu comme une auberge espagnole. On y retrouve ce qu'on y met. Si nous étions bien organisés comme société civile, cela pourrait être un lieu de rencontre international. C'est-à-dire qu'on s'y donne rendez-vous avec des collaborateurs de différents pays. Cela peut être cela, mais ce n'est pas cela pour plusieurs. Certaines personnes y parviennent, mais je suis loin d'être rendu là. Ensuite, un autre élément que je voulais ajouter : si le Forum mondial c'est ça, il ne peut pas remplacer les actions que nous devons faire au Québec. Comment est-ce qu'on s'organise pour réaliser les objectifs qu'on mentionnait tantôt ? Comment on s'organise mieux pour influencer, passer à l'action et avoir un impact sur les décisions ? Troisième élément : La politique, il faut s'en occuper, sinon c'est elle qui s'occupe de nous-autres. La loi 106 qu'ils sont en train d'adopter, c'est une expropriation de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, en faveur des entreprises pétrolières. Alors, comment on s'organise pour s'occuper de la politique ? Concernant l'intervention portant sur : Comment ne pas rater l'essentiel ? Moi je pense que, dans notre système actuel, on ne peut pas faire autrement de manquer l'essentiel qui est la personne humaine. Pourquoi ? Parce que le système actuel considère les personnes comme des objets employés à ses fins. Lorsque les travailleurs cessent d'être utiles au système, bonjour la visite, on vous envoie chez-vous. Ce n'est pas un système qui est centré sur la personne. En Économie circulaire, on situe la personne au centre de l'économie. Pourquoi ? Parce que les personnes sont les seules capables d'imagination, de création, d'innovation, de trouver des solutions, à l'urgence planétaire. Si nous avons le même système qui est en train de nous détruire, il n'y a que nous-mêmes qui puissions nous en sortir. Donc, il faut libérer les individus pour qu'ils et elles puissent résoudre leurs propres problèmes plutôt que de les enfermer dans lequel nous vivons. Quelles répercutions est-ce que cela aura ? C'est qu'une fois que vous serez sortis du marché du travail, vous allez continuer à être respectés. Mais actuellement vous ne pouvez pas le faire parce que le système est fait en sorte d'enlever le respect dû aux gens. Votre intervention me convainc davantage d'aller dans le sens de construire une économie circulaire.
Concernant le projet de loi 106, j'ai écrit au gouvernement pour leur demander d'inscrire ma dissidence avec ce projet de loi dans le texte de la loi si celle-ci vient qu'à être adoptée. Je suis prêt à réviser ma position si les promoteurs prennent de l'eau dans l'un de leur puis et qu'ils la boivent sans la traiter.
Rire général
J'ai lu le projet de loi 106 et je n'en reviens pas. Cette loi sur les hydrocarbures a l'air d'une mauvaise blague. Elle n'est pas très longue à lire. Elle dit essentiellement que le gouvernement octroie des licences et que les entreprises deviennent les propriétaires réels du sous-sol .» Les habitants n'ont aucun droit. Il n'y a rien de préciser. C'est le Far West. Je ne suis pas si inquiet parce que j'ai l'impression que même si elle est adoptée nous allons réussir à la bloquer. Le mardi 16 août, il y avait une manifestation devant l'Assemblée nationale contre ce projet de loi et il y avait des représentants de plusieurs régions. Pour ce qui est du FSM, je suis ressorti de là avec beaucoup de connaissances. Des découvertes, tu parles avec quelqu'un qui vient du Mali et tu découvres plein de choses. Les statistiques sur internet versus la rencontre avec la réalité de ces gens, ce n'est pas la même chose. Pour ce qui est des retombés, nous sommes toujours dans l'embarras lorsqu'on se fait poser cette question parce que c'est difficile d'en mesurer l'impact sur des milliers de gens qui repartent chacun dans leur direction. D'après moi, les retombés se situent davantage dans le vécu, dans qu'est-ce que l'on fait avec ce bagage. J'ai assisté à un atelier donné par Gustave Massiah qui a recensé l'ensemble des revendications des groupes et des mouvements présents aux Forum sociaux.
Ces revendications sont relativement consensuelles, et il en fait une sorte de synthèse. Selon lui, la plate-forme existe déjà. On parle comme s'il n'y avait pas de revendication ni d'alternative. C'est faux. C'est simplement qu'on n'en fait pas une plate-forme. Elle s'est développée avec le temps même si cela n'apparaît pas de manière explicite parce qu'elles n'ont pas été l'objet de délibérations formelles. Tous et toutes s'entendent pour dire que nous recherchons des formes de démocraties plus participative. Nous sommes d'accord pour l'abolition des paradis fiscaux. Donc, il y en a plein de revendications que nous portons ensemble. La mise en commun n'est sans doute pas assez explicite, mais elle est là. Je conclurais en disant que ce qui est difficile avec la question des retombés, c'est que c'est le forum des gens dépossédés. Nous ne possédons pas de grands moyens financiers ou de pouvoir politique. Nous ne sommes pas ceux et celles qui contrôlons les ressources. C'est pourquoi c'est difficile parce que nous sommes en position de revendiquer, de rêver, de proposer. Par ailleurs, je suis d'accord avec l'idée des actions concrètes.
Concernant les personnes âgées. Vous devez connaître l'organisme : Les petits frères des pauvres dont c'est la mission spécifique de rendre visite aux personnes âgées vivant seules. Ils vont agir dans la mesure où ils ont des bénévoles parce qu'ils ne suffisent pas à la demande. Ils ne peuvent pas prendre toutes les personnes sous leur protection. C'est très intéressant les visites que nous faisons dans les résidences, les maisons ou les hôpitaux.
J'ai l'impression que nous vivons dans une société où l'on essaie d'anéantir tout ce qui est faible. Le Québec a une particularité, l'habitude de construire les choses en lien les uns avec les autres. C'est quelque chose qui ne se voit pas ailleurs. Je pense que le fait que tous ces gens soient venus à Montréal, nous a permis de faire des rencontres. Le FSM nous a fait prendre conscience aussi de ce que nous avons comme particularité dans la médiation, dans plein de chose comme ça. Maintenant, il s'agit d'agir par petits groupes, de personne à personne, parce que c'est ça que le système est en train de détruire, les rapports humains de personne à personne. Le fait de résister à ce que l'idéologie, le système, veut détruire, il y a quelque chose qui fait que cela ne se réalise pas. Je prends l'exemple de la clinique SABSA, les gens ont résisté et elle est demeurée ouverte. Le ministre de la santé a bien été obligé de reculer parce qu'il a vu que le milieu résistait. Je pense que cette sensibilisation, que des gens disent non, qu'ils refusent l'arbitraire de l'État parce qu'il y a des choses qui sont trop énormes pour que nous restions indifférents. Il faut arriver à se parler pour que les cœurs et les esprits changent. Parfois, ce sont l'accumulation de petites choses qui font que le grand géant tombe.
Sur la question de l'imagination, cela me fait penser à Zamiatine, un auteur russe du temps de Staline qui a écrit une première contre-utopie qui s'appelle : « Nous-autres ». Il y décrit une société où l'on opère les gens au cerveau pour leur enlever le siège de l'imagination. À partir du moment où tu enlèves aux gens la capacité d'imaginer d'autres réels possibles et qu'on remplace cela par des images, on interdit toute possibilité de vouloir améliorer son sort et on devient des zombies. C'est un peu le but, non avoué, poursuivi par le système en s'appuyant sur le capitalisme et une philosophie sous-jascente qu'est l'utilitarisme. C'est-à-dire que les gens sont utiles en autant qu'ils produisent. Après cela on les jette. Ce ne sont pas les personnes qui nous intéresse, les personnes sont réduites au rang d'objets. On devient des objets les uns pour les autres et on se consomme mutuellement. On ne crée pas des relations durables, on se consomme et quand cela ne fonctionne plus, on abandonne les gens ici et là. En fait, nous revenons au niveau le plus bas de la spiritualité, le Ça, les pulsions. Il faut que cela aille toujours bien. Par contre, nous devenons d'excellents consommateurs. On va même consommer de la spiritualité s'il le faut.
Si je vais dans le sens de ce qu'on vient de dire, le système se sert de nous et il veut que nous dépensions notre argent. Alors, si nous ne sommes plus utiles pour produire, cela demeure correct si nous consommons. Pour ce qui est des personnes âgées, ce sont des bibliothèques vivantes, des ressources vivantes. Dans les cultures traditionnelles, les personnes âgées sont très valorisées parce que ce sont elles qui portent l'expérience et la mémoire du groupe. Ici on ne valorise pas ça.
Ici au CAPMO, la culture que nous avons valorise tout le monde.
Concernant la personne qui a écrit les revendications communes, Gustave Missah, qui est parvenu à expliciter des thèmes comme la démocratie participative ou ce qui réunit l'ensemble de ces mouvements. Ce à quoi cela m'a fait penser, c'est que lorsque j'ai découvert l'Économie circulaire en Chine, les Chinois conçoivent cela comme étant la démarche fondamentale de la construction de la civilisation écologique. Parmi les thèmes qu'ils travaillaient, il y avait la question de la démocratie, pas la nôtre, mais la leur. Quand tu discutes avec eux de la façon dont ils perçoivent notre démocratie, quand tu regardes ce qui se passe ici, ce n'est pas le meilleur modèle envisageable. À part le fait que nous changions nos élus aux quatre ans, mettons que tu peux être obligé d'avaler ta pilule lorsque tu discutes de démocratie avec des Chinois.
Ce qui est inquiétant là-dedans, c'est qu'ils sont en train de réfléchir à comment ils vont organiser leur démocratie. Dans leurs termes, pas dans nos termes à nous. Sauf qu'ils seront sans doute les Américains de demain et qu'ils vont vouloir nous l'imposer. Ils vont s'en servir comme modèle. Si nous parvenons à définir autrement la démocratie participative, concrètement, comment cela devrait fonctionner, nous pourrons être fiers et nous pourrons faire la critique de la leur pseudo-démocratie. Nous aurons une crédibilité. Mais cela doit se faire dans le cadre de la civilisation écologiste.
Autrement dit, il y a l'Économie circulaire, le business, mais il y a aussi les valeurs de cette économie qui vont constituer la civilisation écologique, donc la démocratie. Parce que si on ne s'occupe pas de la politique, c'est elle qui va s'occuper de nous. Si nous ne faisons rien, nous serons le futur tiers monde. Avec le projet de loi 106, nous assistons au sous-développement tranquille. L'explicitation que Gustave Massiah a fait des revendications communes, il est urgent que nous en prenions connaissance pour savoir si nous sommes d'accord ou pas, faire le débat et partager les idées. Ensuite, on s'organises et quand on parle d'organisation, on se rapproches du mouvement et du politique et de l'organisation politique pour s'organiser collectivement et ne pas se faire passer des sapins.
Vive la démocratie circulaire !
Propos recueillis par Yves Carrier