# 266 – L’Économie bleue, une voie d’avenir ?
# L’Économie bleue, une voie d’avenir ?
L’économie circulaire selon Gunter Pauli
Cette soirée mensuelle nous a permis de percer un mystère auquel nous sommes peu habitués, concevoir l’économie comme quelque chose à porté de mains que nous pouvons apprendre à contrôler. Émergeant du sommeil profond de l’économie capitaliste où nous ne représentons que des consommateurs noyés dans la masse, l’économie circulaire ouvre les champs du réel à des perspectives nouvelles.
Inclusive et solidaire, elle déploie un énorme potentiel créatif où les travailleurs deviennent les principaux acteurs de leur devenir et où les communauté se redécouvrent en entreprenant des projets novateurs. Mobilisés autour d’objectifs réalisables localement, des hommes et des femmes parviennent à imaginer une vie différente en inventant un nouveau rapport à la nature, en se réconciliant avec elle et en lien avec ce qu’elle nous offre gratuitement.
Gunter Pauli apparait comme le précurseur de l’Économie bleue, archétype de l’entrepreneur portant une conscience sociale et environnementale, il nous enjoint de devenir responsable de ce monde unique que nous habitons. S’inspirant des technologies employées par la nature pour purifier, réutiliser et nourrir, l’Économie bleue cherche à recréer notre rapport au monde. Par delà ses innombrables sources de profits, elle se fondent sur une philosophie et une pédagogie qui incluent chaque être vivant, plantes et animaux, comme parti prenante de ce processus organique de réutilisation perpétuelle de ce que Mère-Nature crée. Collaborateur de la Terre-Mère, l’être humain aurait-il enfin trouvé sa niche écologique ?
Imaginez l’humanité retrouvant le chemin de la croissance véritable, apprenant à vivre en paix avec elle-même, sans détruire l’environnement, mais la régénérant sans cesse dans son labeur pour redonner à la vie plutôt qu’à l’argent, son droit de cité. Éternelle concertation des cercles humains qui nomment et se donnent des réalités nouvelles où chacunE aspire enfin à être, ce cercle de discussion fut plus que profitable.
Yves Carrier
La nature recycle tous ses déchets |
L’Économie bleue |
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Discussion en atelier |
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Du café et des champignons |
Tour de chaises et mot de la fin |
La nature recycle tous ses déchets
– Je suis arrivé à cette réflexion assez simple qui dit : « Zéro déchet, zéro pollution, zéro émission. » Bien entendu, on m’a dit ça n’est pas possible. « On a toujours des déchets, on a toujours des émissions. » Oui, c’est vrai, mais dans la nature, il n’y a personne qui ne réutilise pas les déchets d’un autre. Alors un arbre perd ses feuilles, mais les feuilles sont utilisées pour faire pousser des champignons qui sont une nourriture idéale pour les animaux. Dans la nature, tous les déchets sont toujours réutilisés avec une plus-value. Je me suis dit : « C’est le modèle d’affaire ! » Par exemple, lorsque nous avons démarré en Namibie, lorsque nous avons construit une brasserie, nous avons eu l’opportunité de décider qu’autour du bâtiment il y aurait cinq autres industries. Si la brasserie n’utilise que 8% de la biomasse alors le 92% doit être utilisé.
– Nous pouvons la réutiliser pour faire pousser des champignons. « Attendez, faire pousser des champignons dans le désert, ce n’est pas possible. » Oui, mais la brasserie a besoin d’humidité. En plus, il y a une pelouse d’éléphants que nous mélangeons avec les déchets de la brasserie. Ce qui fait qu’avec 100 kilos de déchets nous produisions 100 kilos de champignons. Ensuite, les résidus des champignons étaient utilisés comme nourriture pour les cochons. Les rejets des cochons étaient pour le bio-digesteur et avec les déchets on faisait pousser des algues dont les déchets servaient pour la pisciculture. On me disait : « Vous faites de la pisciculture ? » En effet parce que les brasseries ont pas mal d’eau à épurer alors on a commencé à produire des poissons. Mais enfin comment l’être humain peut être aussi aveugle ? Si aveugle qu’il n’aperçoit pas les opportunités qui sont autour de lui.
– Alors comment imiter la nature pour parvenir à imiter des produits ?
– Avant tout, j’ai besoin d’une vision large, d’une belle philosophie parce que la nature ne connait pas le chômage. Dans la nature, les déchets n’existent pas. La nature m’inspire à construire une société qui est belle et productive. Elle m’inspire par ses capacités de produire des résultats efficaces, en permanence, où tout le monde contribue selon ses capacités, et où personne n’est mis dans une boîte noire pour n’importe quelle raison. La nature m’inspire aussi dans ses technologies. Les baleines et les dauphins sont capables de fabriquer des bulles pour faire remonter les poissons à la surface pour les manger, mais ils ne mangent jamais les poissons avec des œufs dans le ventre. Parce que les femelles pleines d’œufs sont trop lourdes pour remonter à la surface avec les bulles. Alors la nature sélectionne ses aliments dans un but de préservation des ressources. Elle est très sélective. Alors que faisons nous avec la pêche ? Nous sommes incapables d’être durables alors nous sommes obligés de mettre des cotas et nous n’arrivons jamais à les respecter.
– La nature est si intelligence qu’elle peut nous inspirer de nouveaux procédés. Elle a déjà trouvé des réponses à presque tous les problèmes que nous avons, c’est pour cela que j’insiste surtout sur la philosophie. Imaginez-vous, une société où il n’y a pas de chômage.
– Vous parlez de ces procédés, vous cultivez des champignons dans le marre de café, alors vous êtes dans une logique d’économie circulaire. Vous faites également du papier non pas à partir du bois, mais de la pierre, un papier totalement recyclé. Expliquez-nous ces différences.
– C’est-à-dire que quand nous devons faire face aux grandes crises de ce monde, il faut être tout à fait créatif et croire dans ce qui paraît être de la fantaisie. Quand on me dit que quelque chose est impossible, cela m’intéresse. Si on me dit c’est possible, je réponds : Vous le faites. Quand vous buvez votre café, vous n’utilisez de la biomasse cultivée par le producteur de café au Vietnam ou en Colombie que 0.2%. Alors la grande majorité est constituée de déchets. Ce sont des déchets avec des fibres riches. Alors on fait pousser des champignons. Mais quand nous avons récolté les champignons, il demeure un autre substrat qui est riche en aminoacide. Si on a cette richesse, il faut la donner au bétail ou au cochon. Il y a toujours des cascades. Ce n’est pas du recyclage, en anglais ont dit: « Upcycling », on continue de faire toujours mieux.
– C’est ce que vous appelez l’Économie bleue ?
– L’Économie bleue c’est parce que nous avons besoin d’un autre modèle d’affaire. Continuez à produire comme nous le faisons aujourd’hui, c’est ne plus avoir d’économie dans le futur. Ce que nous essayons toujours de faire, c’est de produire moins cher. Par exemple avec le papier pierre j’utilise les déchets miniers, les grandes pierres qui ont été triturées pour pouvoir extraire le cuivre, le fer, l’or, le platine. J’utilise ces résidus miniers et je les mélange avec des polymères issus des bouteilles de plastique et avec cela je fais plus de revenus qu’avec uniquement mon cuivre ou mon or. C’est ce qui me dérange. C’est que nous arrivons à avoir de meilleures revenus, une meilleure plus-value et beaucoup plus d’emplois, mais nous ne le faisons pas.
– Pourquoi est-ce que cela demeure des expériences circonscrites et que cela ne se diffuse pas dans l’économie si c’est profitable ?
UPCYCING En gestion des déchets, la valorisation des déchets ou revalorisation est un ensemble de procédés par lesquels on transforme un déchet matériel ou un produit en apparence inutile en un nouveau matériau ou produit de qualité ou d’utilité supérieure. … |
– Ce que je fais aujourd’hui, je ne pouvais pas l’imaginer il y a deux ans, il y a trois ans. C’est-à-dire que nous sommes prêts, mais il y a une résistance de cette alliance techno-institutionnelle qui ne souhaite pas bouger parce qu’ils ont leurs intérêts dans ce qui existe et les cash flots qu’ils ont aujourd’hui. C’est pour ça que ma révolution consiste à dire : « Je fais mieux que vous, je génère plus de bénéfices. » C’est possible à condition que vous laissiez dans le passé le modèle entrepreneurial de Harvard. Nous n’avons plus besoin de ces MBA qui pensent tous de la même manière. Pour moi un MBA, c’est comme du McDonald.
– Mais vous en avez fait un ?
– Oui, cela arrive de faire des erreurs dans la vie.
– Vous êtes devenu entrepreneur assez rapidement. Si j’ai bien compris vous avez commencé au Japon ?
– J’avais monté ma première entreprise en 1981 à Tokyo. À l’époque, on me disait qu’il était impossible de pénétrer le marché japonais et j’ai réussi avec de la bière, du chocolat et des licences technologiques de pharmaceutiques belges.
– Puis vous êtes rentré en Europe et vous avez repris la société Écovert qui produisait du détergent bio mais vous vous êtes rendu compte qu’au final elle ne protégeait pas l’environnement. C’est de ce paradoxe qu’est née l’Économie bleue ?
– Exactement. Pour moi, c’est important de passer à travers des crises dans la vie. Si on ne passe pas par des crises c’est qu’on ne s’est pas vraiment développé dans sa pensée car l’on peut faire beaucoup mieux que l’on s’imagine. Alors, moi je croyais que j’étais le gourou de l’industrie verte avec mon usine verte qui avait une grande pelouse sur le toit, que nous payions les employés pour venir en bicyclette au travail, etc. Mais quand je suis arrivé à Kalimantan en Indonésie, je me suis rendu compte que c’était moi le responsable de la destruction des forêts tropicales et de l’habitat des Oran-outans. Je ne comprenais rien du tout parce que je croyais que j’étais le gourou. C’est cette crise qui m’a vraiment forcé à dire que faire du bio ce n’est pas suffisant, faire du renouvelable, ce n’est pas suffisant, ce dont nous avons besoin vraiment c’est de créer un modèle d’affaires extrêmement concurrentiel et en même temps durable. Je l’appelle l’Économie bleue parce que le ciel est bleu, la mer est bleue. Si vous souhaitez l’appeler autrement cela n’a pas d’importance.
– Vous dites que l’Économie bleue pourrait stimuler la création de 100 millions d’emplois en dix ans.
– J’ai déjà créé 3 millions d’emplois, alors j’ai échoué, mais 3 millions c’est pas mal. Aujourd’hui, on préfère fermer les usines et les mines au lieu de recycler les pierres. Alors, moi je propose que nous fassions de grandes usines de papier-pierre. L’avantage c’est que nous n’avons pas besoin d’eau, pas besoin de fibres, et en plus nous pouvons le recycler 100 fois. C’est-à-dire que l’on crée vraiment une économie locale avec une consommation locale, mais l’usine est si propre qu’elle pourrait être située au centre-ville.
– Il faut changer les mentalités totalement ?
– Il faut inspirer. Je ne veux pas changer quelque chose, je veux inspirer les gens. Ce n’est pas une révolution, c’est une inspiration qui s’appuie sur le concret dans les sciences dans tout ce que nous faisons. J’ai eu l’avantage de pouvoir monter un réseau de 3000 scientifiques. Alors ils me conseillent, ils m’orientent, ils m’enseignent, ils me critiquent, ils disent que j’ai tord. Mais vous savez qu’il y a un grand avantage avec un entrepreneur, il n’a pas besoin de la preuve scientifique. S’il y croit, il le fait. Et nous semblons avoir perdu cette capacité de croire. On ne croit plus en quelque chose. Nous devons inspirer les jeunes à croire en des choses que nous ne nous imaginons même pas.
On se rend bien compte que les lobbys préfèrent le court terme, même à New York. Malgré le fait que nous entendions des grands discours dans la lutte au changement climatique, ça leur coûte en compétitivité. Comment peut-on réconcilier compétitivité et environnement ?
Alors je n’y vais plus, je n’assiste plus à ces grandes conférences internationales sur l’environnement où l’on fait de belles promesses sans agir. Il faut qu’on s’inspire à l’action, l’action, l’action rien que l’action. Si l’on veut éliminer le chômage, il faut générer des millions de postes de travail, et cela signifie qu’il faut changer le modèle. Je crois que nous n’avons pas besoin de grands programmes pour convaincre des gens. Faites-le, démontrez que cela fonctionne, et alors on vous suivra.
– Cela ne doit pas venir du haut, mais cela doit venir du bas.
– Tout à fait.
– La France préside la conférence sur le climat en 2015, est-ce que vous en attendez quelque chose ?
– Rien du tout ! Si les Américains ont déjà dit que le sénat n’allait pas l’approuver, alors pourquoi avoir la réunion ? Il faut être réaliste quand même. Quel est le pouvoir du pragmatisme si le sénat américain n’en veut pas ?
– Les politiciens ne sont pas pragmatiques selon vous ?
– Non, et c’est pour cela que je ne suis pas en politique.
– Merci Gunter Pauli. Merci de rester avec nous sur France 24.
Équipe 1
L’Économie bleue nous inspire que l’économie MBA n’est pas adéquate dans la société actuelle.
L’Économie bleue favorise la santé de la planète ainsi que celle des individus en permettant l’émergence des écosystèmes. Elle peut être appliquée autant dans les zones industrialisées que dans les zones en voie de développement.
Les principales limites qu’elle rencontre sont liées aux résistances au changement du système économique en place qui favorise la compétition et l’individualisme plutôt que la collaboration. L’Économie bleue favorise la créativité humaine lorsqu’on rencontre un défi, elle doit cependant elle aussi tenir compte des limites de la planète en terme de ressources.
Nous avons sorti l’exemple d’écraser la neige dans la rue plutôt que de la ramasser et de la véhiculer partout à travers la ville. Cela limiterait l’épandage de sel et la pollution causée par les camions à neige.
Comment encourager l’Économie bleue ? Participer à des réunions et partager des connaissances. Étudier le système en place et l’encourager à emprunter des voies alternatives.
Équipe 2
L’Économie bleue est circulaire et non linéaire. Elle prône la réutilisation des déchets que le système de production engendre. Elle vise l’utilisation du plein potentiel des ressources et des humains. Il n’y a rien qui est laissé derrière, comme la nature le fait si bien. Si l’on prend l’exemple du café, le travailleur agricole qui récolte le café, si les résidus de cette production sont réutilisés, ses efforts sont davantage profitables. Ainsi on utilise le plein potentiel de l’humain qui travaille et de la ressources qu’il récolte.
Oui l’Économie bleue est souhaitable pour protéger la nature et créer des milieux de vie plus sains. Elle est aussi utile en ce qu’elle permet de combattre la lourdeur du mode de penser actuel. Elle encourage la créativité, les nouvelles idées, etc.
Limites observées : Gunter Pauli n’a pas parlé des moyens utilisés pour inter-relier les domaines professionnels. Il y a plein de savoirs et de créativité qui demeurent compartimentés dans différent domaines. Le défi, c’est de relier tout cela et de faire travailler du monde ensemble pour faire ressortir encore davantage d’idées nouvelles qui ne seraient pas apparues autrement.
Limites observées : L’innovation crée des changements qui déplacent ou abolissent des secteurs d’activités pour des travailleurs déjà formés dans un domaine. Cela crée des bouleversements sociaux dont il faudrait tenir compte. La peur du changement paralyse les gens. Par exemple, faire du papier-pierre, cela va nuire à l’industrie forestière. Il faut trouver des façons de recycler ces travailleurs. Il faut donc également tenir compte des impacts sur la vie sociale et la communauté. On ne connait pas ses valeurs en ce qui concerne le respect des rythmes de travail des gens, ni de la nature.
Un exemple qui a été mentionné c’est la réutilisation des bouteilles d’eau. La rénovation des maisons avec des isolants faits à partir de débris de pneus usés. Les papiers et les vêtement recyclés. Ce sont déjà des choses qui sont faites. Ce sont des maillons de la chaine qui nous permettent de construire des cercles. Aussi nous parlions de projet de toilette sèche à Québec.
Équipe 3
Ce modèle d’affaire est à expérimenter au Québec et il ne serait pas bête de partir un mouvement.
Limites observées : Au Québec nous ne vivons pas assez une grande rareté des ressources pour nous forcer à innover. En ce domaine, la pénurie semble davantage porteuse d’efforts et de créativité. Notre confort actuel devient un obstacle au changement et à l’innovation.
Autrefois, le mode de vie paysan consacrait davantage d’efforts à utiliser le maximum des ressources disponibles. Notre mode de vie a changé au cours des soixante dernières années.
Moi, j’ai découvert Pauli à l’automne 2012. Depuis, j’ai fait venir des livres et des fables d’Europe parce qu’ici cela demeure encore difficile à se procurer ici. Je trouve cela génial ce qu’il fait. Au départ ce monsieur semble avoir trois ou quatre caractéristiques de base. La première, c’est que c’est un entrepreneur, il veut que les choses arrivent. Ce n’est pas la théorie qui l’intéresse, mais des résultats concrets. Deuxième caractéristique, il a une conscience sociale planétaire. Il n’accepte pas que la moitié des gens de la planète vivent avec trois dollars par jours. Pour lui, c’est inconcevable et non éthique. Cela fait partie de ses convictions profondes. Dans l’Économie bleue, il insiste sur la dimension des cascades. Il s’inspire foncièrement de la nature puisque dans celle-ci, rien ne se fait à sens unique. Donc, pour lui, créer des emplois c’est absolument fondamentale. Il dénonce la dynamique capitaliste actuelle qui cherche toujours à réduire les coûts en diminuant la main-d’œuvre pour maximiser les profits. Éliminer des emplois par dizaines de milliers, pour lui cela ne tient pas la route, ça n’a pas de sens. Cela fait vraiment partie de sa philosophie. Puis, il mise énormément sur le local. Qu’est –ce que nous faisons ou pouvons faire pour tirer le maximum de ce qui se trouve chez-nous ?
Je pense qu’il vaudrait aussi la peine de parler de ces fables. 50% de son énergie est aujourd’hui consacrée à l’éducation au moyen de ses fables qui relatent sous forme amusante et accessible aux enfants, des projets qui sont déjà réalisés.
Équipe 4
Dans l’économie actuelle, il y a énormément de gaspillage et ce qu’il y a d’inspirant là-dedans c’est que l’on peut utiliser cela. Cela invite à la créativité et on va sauver beaucoup de gaspillage. Mais c’est sûr qu’on va finir par prendre soin de la nature en parallèle avec cela. Oui pour une Économie bleue, une économie circulaire et il est urgent de passer en mode pratique. Nous avons parlé de projet d’usines multi-triage dans chacun des quartiers de la ville au lieu de tout mêler dans les camions comme c’est le cas actuellement, ce qui produit des matériaux de moins bonne qualité pour le recyclage. Ce serait simple de faire beaucoup mieux. Comment pourrait-on entrer dans les écoles la conscience du multi-triage ? Comment pourrait-on faire des choses avec des jeunes que l’on pourrait revendre pour financer des projets éducatifs.
Ce qui limite beaucoup la mise en place d’initiatives s’inspirant de l’Économie bleue, ce sont les politiciens, la systémique, les législations et la technologie qui ne peut pas tout régler, mais elle peut apporter une bonne contribution.
Il faut développer la conscience de la récupération et la responsabilité des citoyens. Bien sûr cela a à voir avec le respect de l’environnement.
L’Économie bleue apporte des éléments fondamentaux pour améliorer la situation actuelle en s’inspirant de la nature où il n’y a pas de déchets, où tout est réutilisé. C’est nous qui créons des déchets.
Toutefois, nous avons trouvé des limites dans la pensée de Pauli en ce qu’il ne semble pas avoir une vision du système comme tel. Il a un fort penchant sur le côté technologique. La technologie en soi ne peut tout résoudre. Il faut avoir une vision systémique, c’est-à-dire une vision de l’ensemble des éléments : économique, politique, social, environnemental, etc. qui forment un tout. On ne peut pas résoudre les problèmes du système en touchant simplement une partie. Il faut que cela soit fait en coordination avec les autres éléments. Selon moi, c’est le principal défaut de l’Économie bleue. Cette formule n’est pas mauvaise, mais il faut qu’elle soit accompagnée d’autres éléments ou bien on peut penser que cela pourrait servir de travestissement au système actuel pour durer plus longtemps sans effectuer les changements nécessaires aux autres niveaux. Mais ceci ne nie pas les apports importants de l’Économie bleue.
Je vous parle aujourd’hui au nom de ma fondation et si je dis nous c’est que je parle au nom d’un groupe. Je suis venu vous parler de l’Économie bleue et de prospérité. Nous avons vraiment besoin de notre économie. Je crois qu’il n’y a pas de doute et que nous sommes tous d’accord là-dessus. Peut-être que certains d’entre vous pensent que le système économique actuel est ce que nous avons pu réaliser de meilleur jusqu’à présent, mais je crois que nous pouvons nous mettre d’accord sur le fait que nous devons faire mieux. Je vous suggère de parler de durabilité et de la faire en parlant de cas concrets. Je vais vous parler de ce que nous avons réussi à faire en regroupant certains secteurs de production complémentaires. Nous avons plusieurs cas concrets qui nous permettent de démontrer que la durabilité ce n’est pas une bonne idée, c’est déjà une réalité.
Pour moi la durabilité c’est la capacité de répondre aux besoins de chacun avec ce que vous avez de disponible. Je suis arrivé à une définition assez simple et je crois que la seconde étape de ma recherche c’est quand j’ai pu passer cinq ans avec mes chercheurs pour identifier toutes les bonnes technologies qui sont déjà utilisées par la nature. Je crois que toutes les solutions dont nous avons besoin ont déjà été découvertes par la nature. Toutes, sans exception. Il y a tant de solutions disponibles dont nous pouvons nous inspirer. Pendant cinq ans, nous avons effectué l’analyse de toute la littérature scientifique et nous avons identifié 2 231 technologies que nous pouvons utiliser en imitant les processus naturels et parmi ceux-ci, nous avons sélectionné 100 technologies. 100 innovations qui nous permettent d’établir la preuve, de faire le pont entre une vision qui peut demeurer dans la fiction et des idées qui se concrétisent. Ce dont nous avons besoin ce sont les idées qui fonctionnent, qui inspirent et qui démontrent que nous pouvons concurrencer le modèle actuel. Cela m’a donné l’opportunité de résumer tout cela dans un livre intitulé « L’Économie bleue ».
Nous parlons de technologies qui possèdent quelques caractéristiques très intéressantes. C’est-à-dire que nous souhaitons avoir une croissance économique. Si vous n’aimez pas le mot croissance, vous pouvez dire développement économique. Ce qui importe pour moi ce ne sont pas tant les mots que nous employons que ce qui se passe sur le terrain. Mais aussi, une amélioration du bien-être des gens.
Pour moi, c’est un élément important. Faire de l’argent c’est important, mais cela n’est pas la vie, il faut avoir plus, beaucoup plus. Ce que nous cherchons c’est d’avoir des bonnes innovations qui ont déjà fait leurs preuves dans la nature, mais qui vont générer plus de revenus. Ce qui est important aujourd’hui quand une entreprise a des problèmes, c’est qu’elle souhaite diminuer ses frais d’opération. C’est pourquoi la question de générer davantage de revenus est si importante. Plus de revenus, comme la nature le fait. Au même moment, il faut être capable non seulement d’être compétitif, d’inspirer des jeunes à être entrepreneurs, mais de développer et de créer du capital social.
Pour moi, le capital social est un élément important parce qu’il se traduit en création d’emplois. Je ne comprends pas du tout les innovations technologiques qui éliminent l’emploi. Chaque semaine, je signe une chronique qui présente une innovation qui crée des emplois et qui a déjà fait ses preuves sur le marché. Je crois que c’est le seul langage que l’on peut utiliser aujourd’hui. Il faut être compétitif et concurrentiel avec l’économie actuelle. Je crois que ce qu’il nous manque, c’est un modèle d’affaires. Je pense qu’il est grand temps que les études de MBA incorpore une façon d’améliorer le modèle d’affaires. Il faut faire cela avec le plaisir de voir de grandes opportunités devant nous. Mais au même moment, il nous faut une politique gouvernementale audacieuse.
Aujourd’hui, il n’y a plus de leadership politique. Je suis désolé de le dire, mais il faut être audacieux.
J’ai rencontré 100 chefs d’État, la seule chose que je me rappelle, c’est la photo. Cela ne sert à rien de les rencontrer. Ils promettent tout et ils ne font rien. Alors je me suis dit quel est le problème ? Mes propos sont bons, les preuves sont faites, les technologies existent, et en plus cela génère des emplois. Normalement, ils devraient être intéressés. Ils n’ont pas d’intérêt. Parce qu’aujourd’hui ceux qui se trouvent au centre du pouvoir sont consommateurs et ils ne veulent pas changer. Si vous voulez transformer l’économie, il faut aller dans les périphéries, dans les marges du système. Dans les périphéries, les gens sont prêts au changement, mais pas dans le centre du système. Alors les États-Unis qui sont la grande puissance du monde ne sont pas prêts à changer. Au contraire, ils deviennent de plus en plus républicains parce qu’ils ont peur de perdre cette position de pouvoir. C’est pour cette raison qu’ils ne vont pas changer. Ils ne veulent pas changer. Alors comme moi je ne peux pas créer la vague, je suis un surfer, je vais avec la vague. Et si la vague n’est pas Paris, qu’elle n’est pas Berlin ou à Washington, je vais où est la vague.
Je crois qu’il est important que nous identifions les vagues et l’une de ces petites vagues est une ile qui s’appelle El Hierro, aux Canaries, dans l’Océan Atlantique. Il y a douze ans, lors de ma première réunion sur l’ile d’El Hierro, trois décisions politiques furent prisent par le gouvernement local.
Autosuffisance en énergie et en eau, les 8 millions d’Euros qui sortent de l’ile pour acheter du pétrole, reste dans l’ile. L’effet multiplicateur de 8 millions d’Euro par année pour une population de 10 500 habitants, est fabuleux. Sur la base de l’analyse financière de ces 8 millions, nous avons obtenu un financement de 64 millions d’Euros. C’est une analyse économique qui nous a permis de générer un intérêt financier.
La décision a été prise que toute l’agriculture sur l’ile serait bio. 60% de la production électrique de l’île est réservé à la production d’eau potable. C’est pourquoi nous souhaitions avoir l’eau à volonté. Alors sur une ile comme El Hierro où on avait connu des vagues d’immigration en raison des pénuries d’eau, proposer qu’il y a aujourd’hui suffisamment d’eau pour l’agriculture et les besoins des gens, c’était complètement révolutionnaire. C’est un changement complet de la culture de l’ile. Nous sommes capables de le faire parce que nous avons introduit la fameuse technologie de l’osmose inversée qui permet d’épargner 70% d’énergie dans la production d’énergie à partir de l’eau de mer.
Cette économie réalisée sur l’énergie nous a permis d’offrir aux paysans le double de volume d’eau pour la moitié du prix. Alors donnant-donnant, on vous donne deux fois plus d’eau à la moitié du prix à condition que vous produisiez bio. Ils ont accepté parce que l’accès à l’eau était leur principal problème pour eux. Aujourd’hui, le lait de chèvre de l’ile d’El Hierro se vend déjà à 2 Euros le litre, sans subside de l’Union européenne. C’est intéressant. Pour la première fois de l’histoire de l’ile, 14 familles paysannes souhaitent venir s’y installer pour y vivre. Je crois qu’il est très important de voir ce dynamisme.
3) Tout le transport sera fait avec des véhicules électriques.
Imaginez que l’ile d’El Hierro est en train de négocier avec Renauld l’achat de 6 000 véhicules électriques. Ce sera le plus gros contrat de Renauld. Le pouvoir d’être le premier, d’être le leader, et bien, c’est cela. Lorsque les Chinois ont entendu parler de ce contrat, ils ont fait une proposition pour battre Renauld. Et ils ne sont que 10 500 habitants. Alors tout le monde vient visiter El Hierro pour leur vendre les 6 000 voitures. C’est une position de négociation que jamais une petite ile n’a eu auparavant. Vous êtes dans la périphérie, vous avez du leadership, vous prenez des décisions politiques importantes, et vous avez fait la preuve que vous êtes capables de les réaliser, on vient chez vous.
Une autre décision importante c’est qu’il faut créer de la plus-value agricole. Je considère qu’il est vraiment important que nous générions beaucoup plus de revenus pour les fermiers. Aujourd’hui, le yogourt bio que vous consommez à Tenerife dans votre hôtel préféré vient de El Hierro et il est fait avec des fruits bio et du lait de chèvre bio. Je vous assure que les Allemands en achètent sans problème. Il existe une élasticité des prix si vous travaillez sur une niche particulière. Vous pouvez avoir des résultats intéressants parce que l’élasticité du prix fonctionne pour vous. Si vous êtes Procter & Gambel, cela ne fonctionne pas, vous êtes trop grand.
L’initiative du petit, de l’entrepreneur, a des avantages économiques. Nous l’avons expliqué pendant des années auprès des dirigeants de l’ile d’El Hierro, ils l’ont compris et ils l’ont réalisé. C’est pourquoi l’un des grands centres que nous développons actuellement sera un centre d’enseignement. Et vous avez le cas sur place.
Avec les éoliennes nous produisons de l’électricité. Lorsqu’il y a surproduction électrique, nous pompons l’eau douce dans un cratère situé au dessus de l’ile et lorsqu’il n’y a pas de vent, nous faisons redescendre cette eau à travers une turbine qui produit de l’électricité. Et nous offrons l’électricité aux habitants à un prix abordable. C’est 40% moins cher que le prix du pétrole livré sur l’ile. En plus, c’est la population locale qui est majoritaire dans l’entreprise. 70% du capital est détenu par la population locale.
Alors les petits exemple sont importants parce qu’ils créent un effet d’entrainement sur les coût de production et les prix de vente, les véhicules électriques, le centre de formation, etc. Je crois qu’il est important de trouver des endroits où l’on peut réaliser un cercle complet. J’avais proposé 22 projets et de ceux-ci, il y en a six qui sont en cours. Imaginez-vous que le budget total pour El Hierro dépasse 140 millions d’Euros. C’est financé, on ne cherche pas d’argent. Je crois qu’il est très important de voir une petite ile avec 10 500 personnes capable de mobiliser plus de 140 millions d’Euros pour être un leader qui changera la vie dans la région et je l’espère, la vie de plusieurs autres iles en Europe et peut-être un jour de l’Espagne.
Quand j’ai dit au conseil d’administration de Nestlé, qu’ils avaient 3 millions de tonnes de déchets de café, ils m’ont répondu qu’ils n’étaient pas dans le négoce des champignons. « Professeur Pauli, je crois que votre idée de production de textile est extraordinaire, mais Nestlé n’est pas dans le textile. » Oui c’est vrai, mais qu’est-ce qu’ils font aujourd’hui ? Le standard de l’industrie c’est de brûler les déchets de café pour récupérer un peu d’énergie et pouvoir faire un rapport à la COP21 en se vantant qu’ils réduisent leur consommation de pétrole dans leurs usines. Oui, mais avec les 3 millions de tonnes de déchets, ils auraient pu produire 3 millions de tonnes de champignons pour soulager un peu le problème de manque de protéines dans le monde. Avec cela vous auriez pu générer 600 000 emplois.
Où est la responsabilité sociale de l’entreprise ? Où est-ce qu’elle est ? Ce n’est pas seulement que les riches sont plus riches et les pauvres sont plus pauvres. Non ce n’est pas cela. En fait, les riches n’utilisent pas les opportunités qui se présentent à eux pour soulager et éliminer la pauvreté. C’est ce qui est inadmissible. Maintenant, après cette conférence vous ne serez plus ignorants. Vous le savez, alors vous avez la responsabilité.
Dans la vallée de l’Orénoque, entre la Colombie et le Venezuela, les forêts ont été rasées et les terres ont été détruites par les Espagnols il y a 250 ans pour l’élevage du bétail. Cela n’a pas fonctionné et cela a créé 6 millions d’hectares de savanes où rien ne pousse. C’est une région où nous avons décidé en 1984 de régénérer la forêt tropicale. On nous a déclaré fous. On m’a dit : « Professeur Pauli, vous n’êtes pas agronome, vous n’êtes pas ingénieur forestier, parce que nous savons que ce n’est pas possible. » Aujourd’hui, la forêt est là. Nous avons déjà régénéré 8 000 hectares et la biodiversité est passée de 17 espèces à 256. Nous avons trouvé une technologie simple qui nous permet de faire pousser des pins tropicaux qui nous donnent des cocottes d’où nous extrayons une térébenthine qui nous sert de combustible pour nos tracteurs et nos motos. La fabrication est locale. Si vous avez une forêt dans une région où il n’y avait plus de forêt, l’un des produits que vous générez c’est de l’eau potable. Comme c’est la forêt qui nous donne l’eau gratuitement, nous avons décidé d’offrir trois litres d’eau embouteillée par jour et par personne. Nous avons également décidé qu’à 16 ans, chaque enfant recevrait gratuitement une bicyclette. Qu’est-ce qui se passe avec un enfant qui boit tous les jours trois litres d’eau et qui se balade en bicyclette 10 ou 20 km par jour ? L’enfant est en santé. Nous avions construit un hôpital que nous avons fermé faute de patient.
Quel est votre désir pour une grande qualité de vie ? Souhaitez-vous calculer votre niveau de développement selon le nombre de lits dans vos hôpitaux ou selon le nombre d’hôpitaux que vous avez dû fermer faute de patient ? Nous sommes ambitieux. Nous emmerdons les gens. Nous compliquons la vie. On oblige les gens à penser. De temps en temps, on vous fait sentir mal-à-l’aise. Mais si je ne suis pas capable de vous faire sentir mal-à-l’aise, je n’ai pas fait mon devoir. Nous avons besoin des gens qui vont au-delà de ce que nous savons. Oui c’est vrai quand on me dit que je suis un fou, je le prend comme un honneur. Parce que si nous enseignons seulement ce que nous savons, nos enfants et notre société ne feront jamais mieux dans le futur. C’est la raison pour laquelle j’écris des fables pour les enfants. Vous savez, les enfants ne font pas la différence entre fantaisie, vision et réalité. Pour un enfant de 5 ou 6 ans, tout est réel. L’éducation leur enseigne à faire la différence entre la vision, la fantaisie et la réalité. Moi, je crois qu’il faut réveiller l’enfant en nous qui est prêt à devenir entrepreneur, à changer, et qui va changer les choses avec des fantaisies qui vont devenir réalité.
Mon objectif est d’arriver à publier 365 fables. J’en ai déjà 210 de réaliser. Je suis fier et honorer de vous dire que le gouvernement chinois a décidé que toutes mes fables devaient être à la portée de tous les enfants chinois. C’est pas mal. C’est-à-dire que la Chine reconnait que son système éducatif ne répond pas aux besoins de la société de demain.
Pour conclure, avec les fables, nous avons la grande opportunité de fixer des objectifs dans la tête des enfants, des objectifs de vie. C’est pourquoi, lorsque les enfants parlent avec leurs parents, c’est une fantaisie pour ceux-ci, mais une réalité pour ceux-là. Et grâce à ce processus dialectique entre parents et enfants, ils apprennent à définir une stratégie pour réaliser leurs rêves lorsqu’ils seront grands. Une société où les enfants pensent qu’ils sont capables de le faire, est une société avec un grand futur. Si les enfants ne sont capables que de jouer avec un I-Pad, c’est une société sans avenir. Ce qu’il faut faire, c’est inspirer les enfants et je demande à chaque personne qui est dans cette salle de raconter des histoires aux enfants. À travers l’histoire de l’humanité, c’est par les contes que nous sommes parvenus à intégrer les sciences et les émotions, les arts et les passions, et aussi la responsabilité pour créer un monde meilleur.
Avec les mots de Nelson Mandela, j’aimerais dire : « Cela semble toujours impossible jusqu’à ce que cela soit fait. » Et je crois qu’il a raison.
Tour de chaises et mot de la fin
– J’aimerais ajouter un élément à la discussion. Pauli s’exprime avant la tenue de la COP21 à Paris. Je crois que l’entente avec 192 chefs d’État pour limiter le réchauffement climatique est historique et inaugure d’une certaine manière la rencontre entre l’économie linéaire et l’économie circulaire. En plus de cela, lorsqu’on lit le texte de l’entente de Paris, on place la science au cœur des processus de développement. Cela m’apparait fondamental pour que nous soyons capables de mesurer les progrès que la planète et chaque communauté réalise en relation avec la vision zéro déchet, zéro effet de serre. Je pense que le gouvernement français a embauché justement Nicolas Hulot qui pendant deux ans a fait le tour des chefs d’État pour les sensibiliser non seulement à l’importance de la COP21, parce qu’il est un partisan convaincu de l’économie circulaire. La COP21 vient consacrer les efforts réalisés depuis trente ans en économie circulaire et cela va s’accentuer de plus en plus.
– Les exemples qu’il nous donne sont réalisés dans de petits systèmes territoriaux où il est possible de réaliser facilement le côté intégration d’un ensemble de processus permettant la circularité. À l’échelle de l’ensemble d’une société voire du monde, le facteur intégrateur qui permet de réaliser cela est pas mal plus diffus. L’économie étant bien davantage aux mains des multinationales que des États, il y a un problème. Probablement qu’il s’agit de réaliser d’abord ce modèle dans de petits univers juxtaposés et éventuellement cela constituera de plus grands ensembles. Le problème principal consiste à trouver le vecteur qui permettra de réaliser cette circularité.
– En fait, c’est l’éducation qui peut faire beaucoup de chose et c’est aussi une question de temps. Je ne pense pas que les riches et les puissants de ce monde comprennent quoique ce soit, mais si les gens de la base en viennent à comprendre quelque chose, alors là cela peut changer. Parfois nous n’avons pas le choix, il faut être écologique où on meurt.
– J’ai vraiment beaucoup apprécier de voir un projet comme cela qui fonctionne et un moyen viable pour que l’on puisse avoir de l’eau sur la planète. Planter des forêts, cela a l’air anodin, mais c’est vraiment grand.
– Personnellement, je suis convaincu que c’est nous le facteur principal de changement. Ce que nous pouvons faire en nous inspirant de l’ile El Hierro, c’est que nous pouvons convertir nos quartiers, nos villages, en système d’entraide humain, pas pour se renfermer, mais pour acquérir un véritable pouvoir de décision sur un tas de choses, étape par étape. C’est une très bonne inspiration, mais il faut demeurer critique envers n’importe quel modèle. Sa vision centrale repose sur entrepreneuriat. Je dis oui, je l’ai déjà été dans ma vie, mais peut-on vraiment construire le changement sur une vision entrepreneurial trop centrée sur le profit et sur une vision étroite de l’économie, de la société, de la vie ? Il me semble que l’aspect participation citoyenne est absente de cette vision. Au moment actuel, nous oublions qu’une vision de l’économie qui repose uniquement sur l’État ou le privée est dépassée. Aujourd’hui, ce sont les citoyens qui sont au centre de l’économie et de la société.
– Les discussions semblent nous amener vers les mêmes conclusions sur les moyens que nous pouvons utiliser pour appliquer l’Économie bleue. Pauli nous a donné un super bel exemple d’une ile qui a réussi beaucoup de choses en peu de temps, cela semble plus facile à faire dans un milieu plus petit et isolé où les gens communiquent entre eux. Aussi il faut parler de la situation qui est locale. Quand on voit cela trop grand, on s’y perd. C’est bien de ramener cela à des situations plus locales où c’est plus facile de trouver des moyens et des idées de changements. Moi aussi je crois que c’est dans l’action locale qu’on va être capable de faire le changement. Je crois aussi au pouvoir des échanges et c’est importants de mettre ensemble des gens qui n’ont rien en commun pour qu’ils puissent discuter. Des rencontres comme celle que nous avons ce soir, je trouve cela vraiment intéressant et toutes les idées que nous disons qu’est-ce qui va arriver avec ça ? Nous avons comme une certaine responsabilité d’en parler autour de nous. On a parlé d’Économie bleue. C’est quoi l’économie bleue ? Se passer des livres et en parler et nous demander comment pouvons-nous faire localement pour répandre ces idées et créer un certain mouvement ? Sans oublier qu’il faut passer à l’action car c’est ainsi que nous pourrons démontrer que le changement est possible. Nous semblons avoir un frein pour avancer et concrétiser quelque chose.
– Je trouve que présentement nous sommes dans un mouvement comme ça. La COP21 a permis cela. D’un autre côté, les citoyens semblent avoir perdu confiance en leurs gouvernements, aux personnes en place. On sait comment le système fonctionne, cela fait que maintenant on se sent personnellement responsables ou concernés. Je pense que c’est peut-être pour cela que nous sommes ici.
– J’aimerais dire un mot sur les fables de Pauli. Il y en 210, mais en français, il n’y en ans que cinq de traduites. Dans chacune d’elle, on retrouve deux acteurs qui sont des êtres vivants. Soi un animal avec une plante, soi deux plantes ensemble, qui se parlent. Il y a une dynamique entre eux et l’histoire tourne toujours autour d’un problème à régler et des liens peuvent être faits avec 13 champs de connaissance dans chacune des fables : biologie, chimie, physique, génie, économie, éthique, histoire, géographie, mathématique, sociologie, psychologie, et compréhension des systèmes. De plus, les fables sont écrites en deux langues, ce qui permet d’acquérir des notions dans une autre langue. Cela fait quatorze champs de connaissance dans chacune des fables. Il y en a 210, mais il faut savoir que les fables sont écrites après que le projet soit réalisé. Ce ne sont pas des histoires dans les airs, c’est quelque chose que quelqu’un amis en place. En plus des systèmes, on y retrouve la dimension de l’intelligence émotionnelle qui est prise en compte dans chacune des fables. Qu’est-ce qui s’est passé entre les deux personnages ? Comment l’empathie s’est réalisée entre les deux ? On y retrouve aussi une dimension artistique en demandant aux enfants d’illustrer ce qu’ils ont appris dans la fable. Il y a aussi toute la question des systèmes et de la création des liens et la capacité de mettre en œuvre. Qu’est-ce que tu pourrais faire avec ce que tu as appris dans cette fable ? Et à la fin, on retrouve la biographie de la personne qui est à l’origine de cette réalisation. À la fin, il veut avoir 365 projets de réaliser et de fables écrites. Il attend que des projets se concrétisent pour écrire ces nouvelles fables.
Un autre aspect, c’est que Pauli est en compétition avec les multinationales. Si vous allez sur Amazon pour acheter les petits livres des fables, ils se vendent entre 25 Euros jusqu’à 4000 Euros. C’est une forme de boycott réalisé par les grandes industries. Des petits livres qui ne valent pas plus de 10 dollars. La dernière conférence qu’André nous a présentée c’est celle du 15 septembre 2015. Vous allez y entendre plusieurs exemples. Entre autre à Berlin des couches gratuites qui servent à planter des arbres. Première chose, comment on fait pour rendre les fables de Pauli disponibles en français ? Parce qu’actuellement on ne les retrouve qu’en France. Deuxième chose, est-ce que cela serait imaginable de penser que Pauli vienne au Québec ? À ma connaissance, il n’est pas encore venu au Canada. Je lance cela dans l’univers. Je pense que nous sommes rendus au point où nous pourrions avoir un accès plus directe à ce qu’il a écrit et à ce qu’il est.
– Je suis d’accord avec cette idée. Je pense qu’à quelque part, nous sommes tous et toutes des entrepreneurs, conscients ou inconscients. Le simple fait d’entretenir cette merveille qu’est le corps humain en respect avec la nature, c’est une illustration de ce fait. Je trouve aussi parfois que l’on s’auto-sabote, que l’on s’autodétruit et que l’on détruit la nature par des gestes inconscients. Je pense qu’en pensant par les écoles, nous pouvons ramener une conscience parce que les jeunes sont purs. Si on leur met dans la tête des idées de multi-tri comme nous avons parlé tout à l’heure, je pense que ce sont eux qui peuvent faire la différence. Nous allons être des parrains, des accompagnateurs, qui leur indiquent le chemin en les soutenant.
– Au HEC de Montréal il existe un Institut du développement durable, de l’environnement et de l’économie circulaire. Quand cela vient d’une école comme le HEC, ça a des chances de rayonner. Nous sommes rendus là. Nous cherchions une transition entre l’économie de capital que nous avons présentement qui nous mène à rien avec la croissance et ce que l’on cherche de plus social, de plus environnemental, de plus durable, présentement la voie est tracée par des hommes comme Gunter Pauli et un gars comme Pierre Racicot qui nous a fait connaitre cela à l’Université Laval en 2014 et ce que nous faisons ce soir comme une assemblée de cuisine. Si nous voulons réaliser une action, il est concevable qu’à St-Roch qui est un quartier extrêmement dense, qui est extrêmement intéressant avec les initiatives citoyennes qui s’y déroulent, que nous soyons capables de mesurer et de calculer tout ce qui entre et sort de St-Roch pour estimer ce que nous avons comme produits et innovations possibles à partir des 210 fables. Cela serait un modèle qui pourrait jaillir de ces expériences qui pourraient en inspirer d’autres.
– Je veux vous parler du Forum social mondial qui aura lieu à Montréal cet été entre les 9 et 14 août 2016. Le 19 mars aux Services diocésains, il va y avoir une demi-journée de formation (9:00 à 12:00) pour ceux et celles qui désirent en savoir plus pour participer et s’inscrire au Forum social de cet été et pourquoi pas y présenter un atelier. Un Forum social pour ceux et celles qui ont eu la chance d’y participer, ce n’est pas uniquement des discussions politiques, mais c’est aussi des rencontres de producteurs dans différentes sphères d’activités. C’est une nébuleuse et cela aura le succès que la population du Québec va y investir. Ce ne sont pas les Brésiliens qui vont venir 50 000 personnes. Il faut aussi faire en sorte que cela ne soit pas uniquement des conférences universitaires, mais qu’il y aient des projets pratiques qui se vivent dans nos communautés.
– L’Économie bleue, cela serait le fun que nous fassions cela au Québec avec tous les résidus miniers que nous avons.
– Une idée qui me venait, c’était pourquoi ne pas faire une présentation là-dessus au Forum social mondial? Cela me semble fort pertinent. Quand Pauli parle de concurrence et que j’observe la nature, je ne comprends pas vraiment. Selon moi, dans la nature, les éléments collaborent davantage qu’ils ne sont en compétition. Quelle est la place de la concurrence dans ce modèle économique ? Mais dans l’ensemble, je trouve qu’il amène plusieurs idées super intéressantes.
– Pour compléter ton idée, moi je pense que c’est la coopération qu’il vient présenter comme modèle pour faire concurrence au système capitaliste. Je ne sais pas si vous avez vu ce qui se passe en Californie ? Il y a un désert qui se crée actuellement. On constate toute l’absurdité du développement capitaliste qui continuent à tirer de l’eau à des profondeurs extrêmes. C’est tout ce qu’il ne faut pas faire et il y a des gens qui vont devoir quitter la Californie parce que cela va finir par coûter trop cher d’eau. En même temps, il y a des gens qui pensent à désaliniser l’eau de mer pour répondre aux besoins de la population. On commence à apercevoir la force des idées nouvelles qui cherchent à réaliser les transformations nécessaires. À certain égards, au Québec, nous semblons vivre dans un désert d’idées, mais la révolution ne sera pas télédiffusée. J’aime cette forme de rencontres. Cela me fait penser à des « think tanks » où des gens se mettent ensemble pour réfléchir à un sujet. Je pense que nous pourrions reprendre cette idée pour arrêter cette désertification du monde.
– Le Forum social cela ressemble à une affaire de spécialistes, mais ce n’est pas du tout cela. Nous avons déjà participé à un Forum social des Amériques au Paraguay et le CAPMO a présenté un atelier. Ce qui m’a frappé dans ces expériences, c’est la participation populaire. Il y a beaucoup de gens qui échangent sur des expériences réalisés à la base. « Comment est-ce que tu fais telle affaire ? Si tu le fais de cette façon cela fonctionne. L’autre manière ne fonctionne pas. » Les gens échangent sur un autre monde possible qui est en train de se faire.
– Moi je pense qu’au Québec nous avons sûrement la possibilité de faire du papier-pierre et de réaliser une expérience d’Économie bleue qui pourrait devenir l’une des 365 fables, une qui n’est pas encore réalisée et que nous pourrions faire ici. Une fable avec un auteur québécois. Je pense aussi que l’on pourrait facilement inviter Gunter Pauli au Québec.
– Je pense qu’il serait possible de trouver des partenariats pour financer une tournée de conférences au Québec.
– Déjà ici, à la gagne qu’on est, nous sommes capables de faire bien plus que ce que nous pensons. À partir du moment que nous sommes ensembles et que nous décidons de réaliser quelque chose qui existe déjà parce que tout ce qu’on invente existe déjà, c’est juste que personne ne l’a fait. En se mettant ensemble et en identifiant une idée sur laquelle nous sommes d’accord, nous pouvons prendre des moyens pour la réaliser puis une fois que l’idée est nommée, qu’elle suscite l’intérêt, elle peut faire son chemin facilement. C’est pourquoi sur la feuille d’inscription nous vous invitons à inscrire vos coordonnées pour pouvoir garder contact et passer à l’action. Maintenant que nous avons passé du temps ensemble et que nous avons réfléchi, qu’est-ce qu’on fait ?
– Bravo André de nous avoir initiés à l’Économie bleue.
Propos recueillis par Yves Carrier
Un souhait :
Vidéos :
https://www.youtube.com/watch?v=YYxEfhM10xs
http://www.cleantechrepublic.com/2011/01/25/gunter-pauli-fondements-economie-bleue/
https://www.youtube.com/watch?v=pu9ST2RC6hk
http://www.dailymotion.com/video/xgccxr_gunter-pauli-le-principe-du-zero-dechet_tech