MAI 2014
QUELS REPÈRES VERS PLUS D’ÉGALITÉ ?
Comme à son habitude, l’animation réalisée par Vivian Labrie fut exceptionnelle. En effet, comprendre les différents seuils de revenu, du manque absolu, en passant par la précarité, la couverture des besoins de base, la sortie de la pauvreté et l’entrée dans une certaine aisance, puis dans la richesse, suscite bien des questions.
Michel Leclerc a posé le problème comme suit : « Qu’est-ce qui empêche la Corne d’abondance de l’univers de se déverser dans le trou où je suis ? » Cette question quelque peu ésotérique peut faire sourire, mais en relisant les papiers où les participants étaient invités à exprimer leur réalité ou à imaginer celle des autres, une constante saute aux yeux. L’énergie vitale est associée à l’argent. Cette énergie peut être traduite en termes émotionnels ou physiques, santé, anxiété, peur, faim, isolement, froid, honte, perte d’estime de soi, comme corollaires de la très grande pauvreté. À l’inverse, l’aisance économique semble associée à la liberté d’aller et venir, aux voyages, au confort et au bien-être matériel, à une vie sociale et professionnelle épanouie. La question est : « Vivons-nous dans une société où il manque de ressources pour assurer une vie dans la dignité à tous et à toutes ? » La réponse est non.
L’autre jour quelqu’un me demandait : « Pourquoi est-ce si important de parler de pauvreté puisqu’il existe plein d’autres problèmes comme l’environnement et que tout le monde se plaint du manque d’argent ? » Les personnes en situation de pauvreté ne seraient alors que des consommateurs frustrés de ne pouvoir accéder au paradis de la consommation. Mais ce serait là une grave faute morale d’ignorer que l’indigence et la pauvreté sont une atteinte à la dignité humaine mettant en danger la vie et la santé de ceux et celles qui les subissent. C’est pourquoi l’éradication de la pauvreté ne peut souffrir aucun retard. Tout laisser-faire dans ce domaine entraine des conséquences inestimables sur les individus et sur l’ensemble de la société puisqu’on ne détruit pas des vies sans engendrer des tragédies et en ce domaine, on ne peut feindre l’ignorance. Pour les élites, cela reflète un manquement grave à leurs responsabilités et leurs devoirs envers la société.
Si l’enrichissement est le résultat de la concentration du pouvoir et de l’argent, pouvons-nous refuser de voir au partage de la richesse ? La violence et l’insécurité, telles qu’on l’observe en ce moment au Nigeria, ont beaucoup à voir avec le manque d’investissement social dans des pays qui pourraient se le permettre. Hélas, les apôtres du néolibéralisme n’y croient pas, pourtant une société c’est bien plus qu’un marché.
Maintenant, si nous revenons aux questions d’énergie, sans avoir à citer Marx pour qui l’argent représente la saisie de l’énergie vitale des travailleurs, un authentique développement social doit être fondé sur un projet de société structurant où les charges et les opportunités sont réparties en vue du mieux être de tous et de toutes. Certes, l’État ne peut résoudre tous les problèmes de la vie, mais il est de son devoir de veiller au bien commun et à la sauvegarde des plus vulnérables. Dans une société vouée corps et âme au dieu argent et à son marché régulateur des récompenses et des fautes, au sens ou les moins performants seront éliminés, serions-nous en panne d’un idéal collectif supérieur à la poursuite de nos ambitions matériels et de nos plaisirs égoïstes ?
Yves Carrier
TABLE DES MATIÈRES :
- Mise en contexte
- Activité déclencheuse : transcription sur des post-it
- 1. Être dans le trou et ne pas couvrir ses besoins de base
- 2. Passer à la couverture de ses besoins de base
- 3. Sortir de la pauvreté
- 4. Devenir riche
- 5. Ne plus être riche sans être pauvre
- 6. Entre dans la pauvreté
- 7. Entrer en déficit humain et ne plus couvrir ses besoins de base
- Fin de l’expérience et début du partage…
- Le paradis fiscal
- La Mesure du panier de consommation
- Des chiffres et des tableaux
- Seuils de la MPC à jour pour le Québec
- Revenu disponible après impôt
- Des sources pour aller plus loin
- Sur le 1% le plus riche
- Remerciements
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Mise en contexte
Quelles lignes on peut se donner en rapport avec les lignes de seuil de faibles revenus, d’entrer et de sortie de la pauvreté ? Cela se veut en lien avec la recherche qui se mène au CAPMO sur l’accessibilité sociale au Transport en commun. Et le transport en commun est reconnu comme un besoin essentiel qui est calculé dans la Mesure du panier de consommation, la MPC. L’idée était de s’équiper pour comprendre comment celamarche cette mesure-là et tant qu’à faire de se demander quand est-ce que l’on sort de la pauvreté et où se trouve le plafond où l’on devient riche ? Tout cela se fait en même temps où il y a un projet au Collectif pour un Québec sans pauvreté autour : des connaissances dont on a besoin pour la lutte. Je suis chargée de travailler sur cette question. Avec le Collectif, on a consulté les gens et il y a toutes sortes de questions qui sont ressorties dont celle de la ligne de la pauvreté. Cette rencontre du CAPMO a donc lieu dans un cadre exploratoire pour le Collectif pour un Québec sans pauvreté qui cherche à développer des outils pour se parler de la Mesure du panier de consommation. Par la même occasion, cette rencontre rejoint un besoin du CAPMO pour son enquête sur l’accessibilité du transport en commun ainsi qu’un intérêt du Collectif sur cette question. En réfléchissant un peu sur comment on pourrait travailler ça, il y a à la fois les chiffres et le vécu. Comme vous avez vu, nous ne sommes pas partis des chiffres, nous sommes partis du vécu et on va continuer encore un peu sur cette voie.
L’objectif qu’on se donnait pour cette rencontre était d’abord de situer la question des niveaux de revenus et ce que cela implique au plan du vécu. Deuxièmement, présenter techniquement la Mesure du panier de consommation et troisièmement, présenter d’autres repères si nous avons le temps. On va commencer par installer notre senti et notre vécu avant d’aller dans les chiffres. L’idée est également de valider est-ce que ça marche comme animation, est-ce que les explications sont claires et qu’est-ce que vous en pensez ?
Activité déclencheuse : transcription sur des post-it
Supposons que nous sommes dans le trou et qu’on ne couvre pas ses besoins de base, quelle réflexion nous vient ? On va s’imaginer qu’on ne couvre pas nos besoins et vous trouvez deux ou trois mots qui expriment cette situation. ChacunE prend une minute ou deux pour y penser. Cela peut être comment vous vous sentez, qu’est-ce qui vous arrive, etc. ? Et vous le notez les deux ou trois premiers mots qui vous viennent sur la petite feuille rouge. On va à la pêche avec ça. Ensuite, on suit un parcours où on continue d’ajouter nos réflexions post-it sur des panneaux distribués le long des cadres de portes dans l’édifice où l’on est.
1. Être dans le trou et ne pas couvrir ses besoins de base
– Je crie à l’aide.
– Consulter le CLSC pour savoir où trouver de l’aide; réduire mes besoins de base; visiter les banques alimentaires et les friperies. (rage et honte) Cela m’est arrivé !!!
– Devoir demander la Régie des rentes plus tôt que prévu et devoir liquider des avoirs prévus pour ma retraite.
– Désespéré, faim, faible
– Reconnaissance de l’être que je suis dans une relation interpersonnelle.
– Je cherche de l’aide : famille, société, information.
– Je vais frapper à la porte et au cœur d’un ou d’une amis pauvres ou riches.
– J’aurais confiance en mes réseaux. Solidarité.
– À l’Aide ! Ouch ! Ayoye ! Lâchons pas !
– Je me sens impuissante. J’exprime mes besoins à une personne de confiance. Je cherche un travail rémunérateur. Si j’étais payée pour tout ce que je fais présentement, je ne serais pas dans le trou.
– Je cherche de l’aide.
– Insuffisance, choix non désirés, colère.
– Nourriture, insécurité alimentaire. Baisse d’estime de soi. Peur de ne pas pouvoir payer le loyer pour se déplacer.
– Je suis dans un logement mal isolé. Ça fait 2 comptes d’hydro de 500$ que je reçois. Comment je vais faire pour ne pas être coupé ? C’est quoi mon choix ?
Je vais encore endurer mon mal de dos.
– Qu’est-ce qui se passe ?
– Manger ou acheter mes médicaments ?
– Quelles ressources peuvent m’aider ?
– Faire des démarches dans différentes ressources : Saint-Vincent –de-Paul, cuisine collective, comptoir vestimentaire.
– Grande détresse
– Sur quoi je coupe ?
– J’offre mes services, du travail, je cherche du pain.
– Je reviens de vacances.
– Survie.
– Analyse de la situation et réorganisation en conséquence.
– Quelle est la cause ? Qu’est-ce que je peux faire ?
– Je me culpabilise. Comment ai-je pu me mettre là ? Je cherche de l’aide : où aller ?
– Stupéfaction, Incrédulité, Crainte.
– Qu’est-ce qui empêche la corne d’abondance de l’univers de se déverser dans mon trou? (je suis dans le trou).
2. Passer à la couverture de ses besoins de base
– Je mange à ma faim.
– Je choisis ce qui m’est indispensable. J’apprends la nécessité de la solidarité.
– Je respire enfin, mais je dois faire beaucoup de compromis et j’ai besoin de ressources s’il m’arrive un malheur.
– Un peu plus de liberté, moins de stress.
– Je couvre mes besoins. Soulagement, boost à ma dignité.
– Solidarité, début d’autonomie.
– Vigilance, Fragile, Vie plus équilibrée et plus sécure.
– Stress, les programmes et services auxquels j’ai pu avoir accès n’existent plus, mais j’ai toujours de la difficulté à joindre les deux bouts. C’est beaucoup plus d’énergie.
– La vie est plate.
– Je commence à souffler.
– Soulagé. Heureux, content.
– Malheur. Ai-je cultivé mes relations quand je « montais? » Retrouverai-je mes amis, mes réflexes, mes acquis ? (Peut-être au mauvais endroit ?)
– J’aimerais m’offrir un peu de fantaisie de temps à autre.
– J’ai fait le tour de mon bloc pour offrir mes services pour laver le linge et faire la cuisine pour tous. Ça me permettrait de laver mon linge et celui de mes enfants et de nourrir ma famille.
– Je n’ai plus rien à craindre au niveau matériel.
– Je calcule encore.
– Ouf ! Merci ! Solidarité, témoignage, entraide.
– J’ai enfin de la stabilité. Je ne me sens pas coupable de voyager, de me payer des loisirs.
– J’espère qu’il n’y aura pas d’augmentation parce que je vais retomber.
– Je me suis dit « ouf » ! Je n’avais plus besoin d’aide alimentaire ce qui m’obligeait à recevoir chez moi une bénévole de la St-Vincent-de-Paul qui voulait me faire mon budget. Dans mon logement, elle regardait mes bottes d’hiver. Ça m’insultait.
– Je continue de budgéter et je suis prudent. Je répare le passé (soin de santé), assurance logement. Ça m’est arrivé.
– Un petit peu d’air !
– Je suis libre et heureux. J’ai tout ce qu’il me faut. Pas de marge de manœuvre.
– Je suis en état de survie.
– Maudit c’est serré. Fini le smoke meat.
– J’ai couvert mon loyer, mais je ne sais pas dans 6 mois. Est-ce que je vais pouvoir payer ma passe de bus toute l’année ? Je l’ai vécu.
– Ouf ! Je respire mieux. Je consolide mes acquis, mes savoirs.
– Je m’en suis sorti, mais pas fini pour autant. Faire mieux, je cherche comment faire mieux.
3. Sortir de la pauvreté
– Autonomie, apprécie la vie. Le partage est dans ma vie.
– Faut trouver quelqu’un ou un organisme pour redonner des moyens pour améliorer ensemble notre situation.
– Acheter un meilleur stylo. À l’aise je peux respirer.
– Je peux enfin allez dans ma famille et mieux manger.
– Je pense à sortir, un peu à la portée de tous.
– Je fais des calculs.
– Je n’ai plus à me soucier de mon état financier. Je dois tout de même faire attention à garder un rythme de vie assez bas pour donner et sauver de l’argent (épargner).
– C’est serré maudit ! Mais je respire.
– Je sors de la pauvreté. Enfin, je peux m’offrir et aux miens de petites douceurs.
– Je continue à budgéter serré de peur que la pauvreté revienne.
– Enfin je peux vivre convenablement et m’offrir des gâteries.
– Je vis bien car sans automobile et je voyage. Je donne à des œuvres (un peu) comme les AA, Greenpeace. Ça se passe maintenant.
– Là je peux me permettre d’avoir un projet. Nous devenons propriétaire d’une maison.
– Je vais de mieux en mieux.
– Je peux faire un budget.
– Je pratique la solidarité et apprend l’interdépendance du vivant… !
– Soulagement. Je profite de ce dont je me prive depuis longtemps, mais sans excès. Je pense à économiser aussi.
– Je sors de la pauvreté. Je me sens autonome enfin.
– Y doit bien y en avoir qui sont encore dans le rouge ?
4. Devenir riche
– Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Je m’achète une terre pour partager avec mes enfants et mes amis. Je pars en voyage. Je ne regarde plus la dépense.
– J’ai dû vendre ma deuxième Mercedes, mais j’ai gardé mon chauffeur.
– À qui je donne ?
– Je me souviens, je milite, j’ai une planification financière… de ma solidarité. Je l’ai vécu.
– Faudrait aider les autres à se sortir de la pauvreté.
– T’appelle le fiscaliste. Pas si vite, et le partage ?
– Plus besoin de quoi que ce soit. Même pas nécessaire de penser. La vie est belle !
– Je peux me permettre de petit plaisir et des loisirs, voyage, vêtements, tout ce dont je n’ai pas pu me payé avant.
– Je suis devenu riche. Avec qui puis-je partager ? Je me souviens d’où je viens.
– J’ai peur de me faire voler. J’ai plus que ce dont j’ai besoin.
– Je vis dans l’abondance en partageant – en respectant l’environnement, la société.
– Je pratique la sobriété heureuse et (je) partage le surplus… solidairement.
– Je sors avec ma voiture et je me rends au théâtre.
– Je partage. J’utilise des services. Je rends grâce ! (Amour en forme de cœur). Je créé des emplois.
– Je me permets un voyage.
– Il est facile d’avoir un sentiment de supériorité sur les autres, surtout quand on vient d’un milieu (assez) riche. Ça m’est arrivé.
– Je ne sais pas trop. J’achète une petite maison dans le sud pour passer l’hiver et je gâte ceux que j’aime. Je donne plus aux autres, mais raisonnablement.
– Je deviens riche. Je fais en sorte de ne pas retomber. Je budgète et tâche d’en mettre de côté, au cas, et pour la vieillesse.
– Je ne sais pas trop penser de la richesse. Je crois bien que je partagerai.
– Je vis au-delà de mes moyens, Je m’offre tout ce que j’ai rêvé et je gâte mes enfants et mes petits-enfants.
– Je pars en vacances pour 6 mois.
– Malaise, je suis trop riche. J’ai pas besoin de tout cet argent.
5. Ne plus être riche sans être pauvre
– Je surveille mes dépenses.
– Faut se surveiller même si c’est pour aider un autre à ne pas faire comme moi. Pas très chanceux.
– Je fais appel à la solidarité avec confiance et me trame au vivant interdépendant.
– Je structure mes dépenses, mon budget. Je me pose des questions sur ce revirement de situation.
– Je réfléchis… fais le bilan. Je profite de la situation.
– Faire des choix pour continuer à bien vivre avec les autres.
– Oui, je partagerais.
– J’ai moins de revenus, mais je gère mes besoins avec plus de sagesse.
– C’est plat, mais je l’accepte. Travailler à quoi ça sert au juste ?
– Je surveille la fiscalité de mes revenus.
– J’ai peur de perdre mes acquis, de perdre du pouvoir, de me sentir (moins) importante dans la société. J’ai une situation stable, juste à faire attention.
– J’ai pu de chauffeur pour ma Mercedes.
– Je vends ma maison dans le sud et je recommence à budgéter. J’ai renoué avec la passe.
– Attention ! Je me dirige vers la pauvreté.
– Je suis stupéfait. Je (ne) pensais jamais y revenir. J’aurais dû moins dépenser.
– Je ne pourrai plus « suivre » ma gang. Je ne peux plus rêver.
– Ça fait chier. Je dois remettre certains de mes dons. Diminuer mon rythme de vie.
– Je dois calculer car mes revenus baissent de plus en plus.
– Je vends des meubles, je fais moins de voyage.
– Ouf ! l’estime de soi.
– Les temps sont durs! Comment expliquer ça aux enfants ? Quoi faire pour ne pas couler?
6. Entre dans la pauvreté
– Je me solidarise.
– Quelle misère ! Trouver le sens de ma vie malgré l’incertitude.
– Je commence à être écœuré et à chercher des moyens de trouver de l’argent.
– La nécessité s’installe, mais je prends les moyens pour vivre en solidarité.
– Qu’est-ce qui m’arrive ! Je me serre la ceinture.
– Qu’est-ce qui m’arrive ? Je (ne) pensais pas revenir dans cette situation. Je commence à sentir que ma situation est plus « instable ».
– Retour avec le vrai monde, solidarité.
– Je ne veux plus être pauvre et je fais tout pour m’en sauver.
– Je ne vais plus dans ma famille. Je n’ai plus de voiture.
– Adaptation difficile car l’orgueil en prend un coup. Perte + budget.
– La sobriété heureuse permet de saisir l’occasion d’un certain (dénament) pour réfléchir sur la condition humaine (essence/substance) et le sens de la vie.
– Danger ! Je n’ai plus de marge de manœuvre. Qu’est-ce que je ferai si ma situation empire ?
-Le stress revient X 1000. Je sais ce qui m’attend. Je me décourage et je retourne aux ressources que j’ai connues.
– J’ai plus de Mercedes et mon chauffeur est syndiqué au RTC.
– Misérable ! Travailler pour ne jamais en sortir. Où sont mes amis ?
– Mon état financier se désagrège et je parviens à peine à payer mes dettes.
– Je ne pourrai plus « suivre » ma gang. C’est quoi qui s’est passé ?
– J’essaie de gagner de l’$$$ Je ramasse des canettes vides, je vends les choses que je n’aime plus.
– Je me demande comment ça s’est passé ? J’essaie de trouver un moyen de retourner dans un état qui n’est pas précaire. Je suis fâché.
7. Entrer en déficit humain et ne plus couvrir ses besoins de base
– Je revis des moments de détresse.
– Je surnage à peine. Je cherche à me rappeler mes habiletés d’avant.
– Je redeviens invisible (J’en ai l’impression). Je suis en mode survie, personne n’est à l’abri, tout le monde peut y tomber.
– Mon Dieu ! Pas ça encore !
– La difficulté de compenser/consommer… et d’assurer ma subsistance m’amène à méditer sur le manque que je vis. Je pense à Job (personnage biblique).
– Je préfère ne pas y penser car ça peut arriver. Retour à la solitude.
– Hélas, je suis dans le trou et j’ai besoin d’aide.
– Mon orgueil en prend un coup. Je remonte mes manches et cherche de l’aide.
– Survie, action très limitée.
– Plus de plaisir, retour de l’inquiétude, retour aux choix déchirants et je continue de lutter pour améliorer le sort des personnes en situation de pauvreté.
– Un retour de la déprime. Surtout en sortir.
– Je me suis enrôlé au Comité de transport du CAPMO.
– Je cherche à me battre avec d’autres.
– Qui peut m’aider ?
– « Schnouf ! » Manipulation pour survie, Prières ++++, Endettement… Retourner chez mes parents… etc. Conflits, Humilité +++, Revendications.
– Grosse déprime. « Faut qu’on retourne dans la pauvreté pure ? » « Calik! » Ça s’peut pas!
– Je suis déprimé.
– Quelle misère !
– Merde ! J’ai pas envie de vivre ça. J’ai envie de tout lâcher. Je m’entoure d’amies et là, c’est ma santé mentale qu’il faut surveiller.
– Pourquoi ? Et je prends des actions afin de m’en sortir.
– Je dépends du bien-être social maintenant !
Fin de l’expérience et début du partage…
Qu’est-ce qu’on apprend de l’expérience ?
– Dépendamment de la situation financière où nous sommes, on n’occupe pas le même espace. Cela me rappelle que mes parents sont en Floride présentement et moi je suis à St-Roch. Parfois les différentes classes se croisent, mais souvent nous ne sommes pas dans les mêmes espaces et on ne se voit même pas.
– Les besoins de base ce sont la nourriture et le vêtement. Deux besoins de base que l’on peut compresser. Il faut que cela aille vraiment mal parce que c’est rendu que tu vas t’habiller chez Ozanam. C’est pas le chic, tu n’es pas fier du linge que tu portes. Même si c’est beau, tu sais qu’il est pas neuf et tu vois des défauts dedans. Et quand tu es rendu que tu vas manger à l’Auberivière et que tu te tapes la file indienne et que tu paies le cinquante cents, c’est très humiliant, d’autant plus que tu as de la misère à avoir 50 cents. C’est sûr que c’est moins cher que d’aller à l’épicerie, mais il faut que tu le prévois dans ton budget. Cela peut devenir assez difficile si tu es sur l’aide sociale et qu’elle est coupée. Maintenant, je suis en meilleure position, mais je continue à aller chercher du linge dans les friperies pour économiser et me payer autre chose. À une autre époque, c’était pour être capable jusqu’à la fin du mois de se payer un café le matin. Et ça c’est héroïque quand tu es sur l’aide sociale de pouvoir prendre un café le matin. J’ai été coupé parce que j’avais un terrain à Stoneham et ils coupaient un montant pour me forcer à le vendre. Évidemment quand tu dois vendre vite tu ne reçois pas un juste prix.
– Si tu es coupé à l’aide sociale, c’est le bout du bout.
– Moi, je suis un type très structuré, mais cela me rend parfois dysfonctionnel. J’achète mon épicerie pour le mois, mais ma dépendance de solitude fait que parfois je mange plus que la normale. Et là le café qu’il me manque à la fin du mois me rend dysfonctionnel.
– Moi, j’ai vécu quelque chose il n’y a pas longtemps et cela m’a bouleversée. À 5 heures du matin, il faisait encore noir, et j’ai vu quelqu’un qui fouillait dans les poubelles pour se nourrir. C’était un jeune homme. Il était arrivé en vélo, puis il avait une petite lumière sur son casque et il cherchait de la nourriture dans les poubelles. Ensuite, il en est arrivé un autre. J’ai vu après à la télévision qu’il y a des jeunes qui se nourrissent dans les poubelles. Ils nous montraient un jeune qui avait des légumes et même de la viande et la journaliste qui l’interviewait a même mangé une soupe qu’il lui avait préparée.
– Ils ont même un nom : les déchétariens.
– Le fait de faire le parcours m’a impressionnée. Au départ, j’étais correcte, mais pas à la fin. La richesse, j’ai trouvé ça embêtant parce que je ne connais pas ça. Je ne savais pas quoi écrire. Et lorsque je suis redescendue dans la pauvreté, j’ai senti qu’on brisait ma dignité. Lorsqu’on est en situation de pauvreté, on sent un peu sa dignité chambouler d’un bord et de l’autre parce que tu dois te soucier de ce que tu vas manger demain ou tu reçois un téléphone de ta sœur qui te dit que quelqu’un est malade et tu n’as même pas l’argent pour aller le visiter. Alors tu te sens toute bouleversée parce que tu ne peux pas y aller, et des choses comme ça.
– C’est un aller-retour qui avait ses surprises et ses inconforts.
– Quand j’ai débuté dans la pauvreté, je pouvais faire la tournée de mon bloc et demander de l’aide, et m’affirmer dans cela. Quand je suis arrivé dans la grande richesse, je n’ai pas pensé aux pauvres. Ça m’a surpris.
– Moi, je partirai de l’image personnelle de lorsqu’on est dans le trou et tout le cheminement amène un changement de conscience aussi qui va me ramener plutôt qu’au drame, à la trame de la solidarité. Il y a quelque chose qui est de l’expérience spirituelle là-dedans. C’est ce qui nous amène à saisir l’interdépendance du vivant parce que c’est bien beau la richesse, mais la planète a une limite. Le phénomène de frustration-compensation par la consommation, je trouve cela intéressant à regarder. T’es un gars, tu vas t’acheter de la bière. T’es une fille, tu vas t’acheter un morceau de linge. On a les compensations qu’on peut. C’est intéressant d’observer cela intérieurement parce que cela finit par devenir le moteur de notre vie.
– Pour moi, passer de l’insécurité à la sécurité puis à l’abondance, cela m’a conduit à la peur de me faire voler. En réalisant que j’avais plus que ce que j’avais besoin, je devenais une cible pour ceux qui pouvaient en manquer. En revenant vers la pauvreté, c’est l’insécurité et l’inquiétude qui se manifestaient parce que je me voyais aller vers la pauvreté.
– Peu importe à quelle étape, je me retrouvais aux prises avec des dilemmes moraux. Par exemple : lorsque je suis en déficit humain et que je ne couvre pas mes besoins de base. Il nous est arrivé de discuter avec mon conjoint si nous étions vraiment un couple pour ne pas être coupés à l’aide sociale. L’honnêteté est plus difficile à préserver lorsque tu es en situation de survie. Et quand tu arrives à la richesse, je me suis posé la question : est-ce que je partage ou est-ce que je consomme ? Peu importe où, j’éprouve des dilemmes à savoir comment je gère mon état.
– Deux choses que j’ai vécues dans le parcours. D’abord, je ne côtoyais pas les mêmes personnes et quand je suis revenu vers la pauvreté, je me disais : j’espère que je vais retrouver le monde que je côtoyais à l’époque, le monde qui m’aidait et qu’on s’entre-aidait. En m’élevant socialement, sans trop savoir pourquoi, je ne rencontrais plus les mêmes personnes. La deuxième chose, c’était surtout sur le chemin du retour, ce qui me frappait beaucoup c’est que si je pouvais en bonne partie assumer ça, c’était beaucoup moins facile de l’expliquer à mes enfants. C’est quelque chose qui m’a frappé à chacune des étapes du parcours. Comment leur expliquer que le temps de l’abondance est terminé et que je ne peux plus répondre à leurs moindre désirs.
– Pour moi, la richesse c’est très relatif et ce n’est pas mon but d’atteindre cet état là. Souvent cela correspond à des valeurs différentes. Je prends pour exemple mon ex qui passe six mois en Floride et six mois ici avec un condo aux deux places, moi je reste ici l’hiver, mais j’ai mes enfants et mes petits-enfants autour de moi. Pour moi, c’est ça être riche.
– Vous avez compris que les mots ont été choisis en fonction du revenu, mais que cela nous conduit à ces questions là.
Le paradis fiscal
– Quand nous sommes arrivées dans le paradis fiscal, nous avons rigolé beaucoup. Nous étions incrédules et sans souci. Ça me rappelle que lorsque nous avons renouvelé notre hypothèque sur la maison, elle avait pris de la valeur sans que nous ayons vraiment investi dessus. Elle valait 10 000 $ de plus. J’étais comme incrédule. Ah oui ! Juste parce que cinq ans étaient passés, j’avais accès à plus de crédit parce que ma maison avait pris de la valeur. Mais c’est basé sur de la croyance parce que finalement c’est la banque qui me dit que c’est vrai. Pour moi, c’est comme un construit fantasmé cette valeur qui a augmenté. J’ai plus d’argent en valeur de revente, mais aussi en capacité d’emprunter parce que la banque nous prête en fonction de nos avoirs. Je trouve ça bizarre.
– En immobilier on parle de capitalisation et la capitalisation fait en sorte que cela aide les villes pour la taxation parce que celle-ci est reliée à l’évaluation d’une maison. Sauf que je peux capitaliser sur l’emprunt que je vais à partir de la valeur de vente estimée de ma maison. Je donne un exemple : ma maison vaut 100 000$, je peux emprunter 75% de sa valeur et avec ce montant je peux acheter un trois logements qui va générer assez de revenus pour payer cette nouvelle hypothèque. Si j’emprunte sur ce marché là, je suis sur un marché de capitalisation. Et madame, ce qu’elle ne réalise pas, c’est que lorsqu’elle va vendre sa maison, elle va faire le double de profit que ce qu’elle va avoir payé en hypothèque. Il s’agit d’une plus-value qui ne provient pas du travail, mais de la capitalisation.
– Les disparités d’avoirs sont encore plus grandes que les disparités de revenus dans notre société. Je me permets de faire un lien avec l’image des escaliers roulants. C’est une image qui est apparue en 2003 au cours d’une réflexion sur la couverture des besoins de base avec un groupe des personnes qui vivaient des situations de pauvreté et l’idée c’était que la société est comme un palier avec à un bout un escalier roulant qui monte et à l’autre bout un escalier roulant qui descend. Quand tu es dans la pauvreté, c’est comme si tu te trouves en bas de l’escalier roulant qui descend, alors que lorsque tu es dans l’ascension sociale, c’est comme si l’escalier monte avec toi. C’est un peu comme si les nantis étaient dans un escalier roulant vers le haut et qu’ils disaient aux plus pauvres de monter alors que ceux-ci se retrouvaient sur un escalier roulant qui descend. Les gens en situation de pauvreté ont dit aux décideurs politiques : « Au lieu de vous acharner à nous faire monter des escaliers roulants qui descendent, occupez-vous des escaliers. »
– Quelque chose que j’ai senti fortement, pas tout de suite, mais en faisant le parcours, à partir du point tournant lorsqu’on retourne vers la pauvreté, j’ai réalisé à quel point je commençais à me sentir de plus en plus invisible, de ne pas avoir d’importance aux yeux des gens. Je ne peux pas expliquer rationnellement ce sentiment là.
– J’ai trouvé l’ascension enivrante, mais la descente déprimante.
– Cela me fait prendre conscience que quand j’étais en haut dans la richesse, je ne savais pas quoi écrire. J’ai marqué des choses simples que j’aurais besoin de combler et que je ne peux le faire maintenant. Dans le fond, quand j’étais dans la richesse, j’aurais pu inscrire plus d’extravagance que ce que j’ai écrit. J’aurais écrit des choses dont je n’ai pas besoin, alors que je vis au niveau de mes besoins et de ceux que j’aimerais combler.
– Moi, quand j’étais dans la richesse, je n’étais pas bien là-dedans. Je me disais : Qu’est-ce que je fais avec ça ? J’essayais d’aider les personnes qui en ont besoin. En revenant vers la pauvreté, je ne me sentais pas mal non plus. Je revenais à mon naturel.
– Je pense que je ne suis pas normal, je ne suis ni pauvre, ni riche. J’ai un appartement qui est payé, mais je n’ai pas de voiture et je ne vais pas en Floride l’hiver. Quand je suis arrivé à la richesse, je me suis demandé qu’est-ce que je faisais et j’ai trouvé ça plate. Moi, quand je voyage, je m’ennuie de chez-nous. Je n’ai pas de voiture par choix. Moi, je ne veux pas être riche, mais je ne veux pas être pauvre non plus. Je vais manger à la banque alimentaire parce que je vis seul et que j’aime rencontrer des gens. J’aime les personnes qui sont en situation de pauvreté, je ne suis pas dans le jugement. Je suis bien comme je suis maintenant et je ne désire ni l’un, ni l’autre. Je veux rester comme je suis et à chaque matin je remercie la puissance supérieure d’avoir ce que j’ai et je veux rester comme ça. Les riches, tant mieux pour vous si vous êtes bien là-dedans, mais je ne les envie pas. Et les pauvres, j’ai de la compassion pour vous autres. Le parcours est intéressant et je me suis senti mal à un moment donné. Je suis riche, je m’en vais six mois. Mais je vais où ? J’ai voyagé dans ma vie, cela ne m’intéresse plus. Je suis bien chez moi avec mon chat et ma peinture. C’est un beau parcours, cela m’a fait réfléchir et voir que je suis bien dans ce que je suis et ce que j’ai.
– Moi je pense que la vraie richesse, c’est dans le travail rémunéré. Mais la vraie richesse, ce sont les enfants et les petits enfants. Il faut apprendre à les connaître surtout. Et je me suis toujours demandé pourquoi on éprouve plus d’attachement envers les petits-enfants qu’avec nos enfants ? C’est parce qu’on est trop pris par le quotidien lorsqu’on devient parent. Par le travail pour gagner le pain quotidien comme on dit. Je pense que le travail joue un rôle important, un travail qu’on aime. Et rendu à la retraite, il faut redonner ce qu’on a reçu. On le donne dans le bénévolat et notre engagement auprès de nos petits-enfants. Ce sont des valeurs qui nous apportent cette richesse-là. Elle est davantage immatérielle que matérielle selon moi.
– L’idée était de partir de nous, parce qu’on aurait pas eu d’assise pour recevoir les chiffres. Et cela nous conduit à avoir des réflexions sur notre mode de vie dans le fond. Le chemin que nous venons de faire en théorie, nous sommes tous et toutes situés à quelque part sur ce chemin.
La Mesure du panier de consommation
Après la pause, Vivian distribue un outil aide-mémoire qui reprend la démarche qu’on vient de faire, laquelle est associée également à un power-point. Elle présente également quelques notions et repères essentiels autour de la MPC et des lignes de revenus à considérer sur la pauvreté et la richesse (voir les extraits qui apparaissent à la fin de ce compte-rendu). La discussion se poursuit. Voici quelques observations parmi les éléments apportés dans l’échange. Elles seront utiles pour continuer l’exploration autour de ces notions de seuils de revenus.
– Des seuils chiffrés sont utiles pour avoir des repères pour diverses décisions sur les protections sociales. Une tentation des gouvernements pourrait être de choisir des seuils pour faire baisser les taux. Il est important de bien les placer.
– La mesure du panier de consommation donne une indication pour suivre les situations de pauvreté du point de vue de la couverture des besoins de base. D’où son importance comme repère pour l’aide sociale. «C’est un minimum minimum.» Elle fournit un repère pour une ligne entre le «rouge» (ne pas couvrir ses besoins de base) («la pauvreté pure», dira quelqu’un) et le «jaune» (couvrir ses besoins de base tout en étant pauvre) (une zone où on se sent invisible) et non pour la sortie de la pauvreté, qui pourrait être un repère pour le salaire minimum. Pour le moment il n’y a pas un seuil satisfaisant pour la sortie de la pauvreté.
– Un exemple d’invisibilité dans le «jaune» : parfois, on n’est pas assez pauvre pour avoir la gratuité d’un service, mais on n’est aussi pas assez riche pour se le payer.
– Passer du «jaune» au «rouge», c’est comme passer d’être invisible à ne pas exister. Et ça conduit à des stratégies de déficit humain, une notion amenée par Centraide il y a un certain nombre d’années.
– Il n’y a pas que le panier des biens, il y a aussi le panier des sentiments.
– De même, il n’y a pas que les biens, il y a aussi les liens.
– Le travail précaire, c’est passer constamment d’une ligne à l’autre.
– La question de la forte rémunération des médecins et de sa forte hausse pose question dans ce contexte.
– Du côté de la richesse, il y a des situations d’extravagance et de grandes disproportions.
– Ça suppose de porter attention aux finances publiques.
– Ce qui nous coûte cher en santé, c’est de soigner les symptômes. On ne travaille pas les causes. Il faut apprendre à aborder la santé et d’autres domaines autrement que dans des culs de sac linéaires de causes à effets. Et considérer qu’on va frapper un mur, au niveau vital : le corps n’est plus capable. Et on n’est plus capables de soigner les gens. Tant du côté des plus vieux que des plus jeunes. On pourrait parler de situations de «double mur»,«où on nous met dans l’incapacité de continuer nous-mêmes et d’avoir les moyens de regarder autrement». Autrement dit, le mur est à la fois du côté des situations personnelles et des choix de société dans son ensemble.
– Il pourrait y avoir lieu de se demander «comment être riches ensemble, dans la simplicité volontaire», pas seulement dans le monde de l’argent, mais aussi du côté des savoirs-faires et de la débrouillardise, en dehors du «monde magique de l’argent» (cf. les «Miracle Mart» des années 1960). Ça ne remplace pas la nécessité d’une justice sociale, mais invite à une pensée circulaire : «regarder comment on regarde, pour regarder différemment».
– Une piste serait «plus de liens et moins de biens».
– Comment se fait-il qu’on se laisse faire dans toutes ces disparités ?
– L’exercice avec la marche d’un seuil à l’autre a fait réfléchir. Ça vaut la peine d’insister pour faire l’exercice debout.
– On n’est jamais à l’abri de la pauvreté, même dans le «vert».
– Il y a vraiment des situations de concentration de la richesse, comme quand on a l’impression que «les profits du Red Bull, ça ne va pas dans mes poches».
– Dans une session plus longue, on pourrait calculer son propre panier.
– Dans le temps de cette soirée, on a eu la possibilité de faire une expérience assez substantielle en peu de temps. Une animation d’une journée ne serait pas de trop pour aller plus en profondeur.
Des chiffres et des tableaux
Il y a 842 000 personnes au Québec, en 2012, dont on calcule qu’elles n’ont pas un revenu suffisant pour couvrir leurs besoins de base. Et dans ce nombre, il y en a qui sont en déficit sévère parce que lorsque tu es à l’aide sociale, tu ne couvres que la moitié de tes besoins de base. Chacun et chacune de nous est quelque part sur ce chemin et peut s’imaginer dans ces situations. Sur nos lignes de vie, quels repères, quels choix collectifs vers plus d’égalité ? On peut au moins s’assurer que chaque personne a ce qu’il faut pour couvrir ses besoins de base. Nous au Québec, on est rendu là dans notre histoire commune et c’est à notre portée, mais cela ne semble pas être la priorité de nos gouvernements.
La Mesure du panier de consommation, ou MPC, elle suppose en moyenne 18 454$ après impôt en 2013 pour une personne seule à Montréal. Le coût du panier est considéré sur la base d’une famille de 2 adultes et 2 enfants et il est calculé pour différents types de régions. Le montant de la MPC pour différents types de ménages est calculé selon l’échelle d’équivalence suivante, en fonction de la taille du ménage.
Une personne : 1,00
Deux personnes : 1,41
Trois personnes : 1,73
Quatre personnes : 2,00
Cinq personnes : 2,24
Six personnes : 2,45
Sept personnes : 2,65
Autrement dit, le coût du panier calculé pour une famille de deux adultes et deux enfants (quatre personnes) doit être divisé par 2 pour obtenir son coût équivalent pour une personne. Et ce coût pour une personne doit être multiplié par le coefficient indiqué pour obtenir les montants appropriés pour les autres types de ménage.
Ces chiffres proviennent du CEPE, Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion. (2014). La pauvreté, les inégalités et l’exclusion sociale au Québec : État de situation 2013. Québec: Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion, pp. 9 et 70.
Voir http://www.cepe.gouv.qc.ca/publications/pdf/CEPE_Etat_Situation_2013.pdf
Seuils de la MPC à jour pour le Québec
Tableau 1. D’après La pauvreté, les inégalités et l’exclusion sociale au Québec : État de situation 2013, CEPE, 2014.Complété en inférant les données manquantes pour l’estimation en $ de 2013 à partir des tableaux 1 et 2 de l’État de situation, et en multipliant par 7 % pour estimer le revenu moyen après impôt correspondant.
Montant calculé par section du panier pour une famille de deux adultes et deux enfants en 2011
Tableau 2. D’après CANSIM, Tableau 202-0809 : Seuils de la Mesure du panier de consommation (base de 2011) pour la famille de référence, selon la région de la Mesure du panier de consommation et la composante, dollars constants de 2011 annuel (dollars). Les proportions ainsi déterminées restent théoriques, les individus ayant d’autres comportements. Et elles auront d’autres logiques pour d’autres tailles de ménage.
Revenu disponible après impôt
Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (CEPE), La pauvreté, les inégalités et l’exclusion sociale au Québec : État de situation 2013. Québec, p. 33 (parmi les pages 21-45).
Voir http://www.cepe.gouv.qc.ca/publications/pdf/CEPE_Etat_Situation_2013.pdf .
Pour se donner un autre repère, on sait qu’en 2012, le revenu disponible des ménages par habitant au Québec était de 26 347 $. Autrement dit, c’est le revenu qu’obtiendrait chaque personne si tout le revenu disponible (213 G$) de cette année-là avait été distribué également entre toutes les personnes, jeunes ou vieilles, peu importe leur situation. Ce repère nous donne une idée à la fois des possibilités et des limites pour la redistribution des revenus.
Institut de la statistique du Québec. (2014). Le Québec chiffres en main. Édition 2014. Québec, p. 28, 45, 47 et suivantes. Voir http://www.stat.gouv.qc.ca/quebec-chiffre-main/pdf/qcm2014_fr.pdf
Des sources pour aller plus loin
Le tableau ci-dessus met cette donnée en perspective selon diverses situations en 2011 (données les plus récentes).
CANSIM. Tableau 202-0809 (http://www5.statcan.gc.ca/cansim ) et les ajuster pour les années subséquentes avec l’Indice des prix à la consommation (IPC) pour le Québec
(http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/economie/ipcgouva.htm).
CEPE. L’état de situation annuel du Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (CEPE) fournit des données à jour sur la MPC pour le Québec
(http://www.cepe.gouv.qc.ca/publications/pdf/CEPE_Etat_Situation_2013.pdf ).
Sur le 1% le plus riche
Remerciements
Posca, J. etTtremblay-Pépin, ss. (2013) Note socio-éconoique. Les inégalités : le 1% au Québec. Montréal : Institut de recherche et d’information socio-économiques (IRIS), figures en p. 3 et citations en pages 3, 4 et 5.
Voir http://www.iris-recherche.qc.ca/publications/1pourcent
Un remerciement spécial à Vivian Labrie et au Collectif pour un Québec sans pauvreté qui ont partagé avec nous quelques résultats de leur exploration en cours sur les indicateurs de pauvreté, de faible revenu et de richesse.
Yves Carrier