Le Canada terre d’accueil ?
L’automne est déjà bien entamé et les brumes matinales démontrent que le gel s’installe peu à peu sur notre beau pays du Québec. Toutefois une ambiance assez chaotique règne dans le flot des nouvelles. L’indignation devient difficile à porter pour qui souhaite demeurer serein et ne pas sombrer dans le désespoir. En fait, il faut être bien habile pour demeurer zen sans devenir indifférent ou désillusionné.
Un vieil adage ne dit-il pas que la forêt pousse sans faire de bruit alors qu’un arbre qui tombe fait tout un vacarme? C’est pourquoi, nous devons nous armer de patience et regarder ce qui pousse autour de nous et qui ne passe pas à la télé.
Je pense que pour préserver une part de sérénité, il est primordial d’être bien entouré. Cela contribue au mieux-être de tous et de toutes. Ensuite, nous devons avoir des projets qui nous motivent à avancer ensemble, et une vision et des valeurs communes qui nous permettent de nous déployer avec cohérence. La mémoire du chemin parcouru est aussi quelque chose d’important à préserver si on ne veut pas se renier à chaque instant.
Selon Serge Bouchard, notre périple en Amérique est une histoire de rencontres et de métissages d’où émerge une ligne directrice: l’accueil de l’étranger et du réfugier. En arrivant à Stadacone, Champlain entend képac : « Débarque, sois le bienvenue. » Ensuite, la plupart de ceux et celles qui sont venus d’Europe étaient des paysans et des artisans qui cherchaient un avenir meilleur. Les Premières Nations puis les religieuses, avaient ce souci de l’accueil.
Défaits par les Haudenosaunees, les Wendats descendent des Grands Lacs pour trouver refuge à Québec en 1 630. Longtemps les religieuses leur ont confié des orphelins, car ils aimaient les enfants. Nicole Obomsawin raconte qu’en l’an 1 700, les Abénakis, chassés de la Nouvelle-Angleterre par les Puritains, viennent demander refuge à Québec. Ils sont 1 500 et ils passent l’hiver à Charny avant qu’on ne leur demande de s’établir à Odanak, en 1701. Ensuite, ils ont pris part à toutes nos batailles, même celle du soulèvement de 1837. Pourquoi ne pas commémorer leur arrivée au parc des Chutes-de-la Chaudière?
Les Acadiens, sauvés de la déportation de 1 755 par leurs alliés Mi’kmaqs, arrivent dans la vallée du Saint-Laurent, suivis par les Loyalistes américains en 1 779. Puis, ce furent les Irlandais et bien d’autres encore. Quand est-il aujourd’hui de cette tradition honorable qui a fait la grandeur de ce pays ?
Le CAPMO est un groupe d’éducation populaire, bien ancré dans la réalité, déterminé à faire valoir les droits des personnes en situation de pauvreté et de celles issus de la diversité culturelle. Fidèle à ses origines d’ouverture solidaire sur le monde, ici et ailleurs, nous maintenons nos engagements afin qu’advienne un monde meilleur.
Yves Carrier
Pandémie en Afrique : Le Togo à l’avant-garde
Par Robert Lapointe
Lomé, la capitale du Togo, a décidé d’aider ses citoyens les plus démunis dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Une grande partie de la population dépend d’un travail informel, non déclaré. C’est ce groupe de population, qui tombe subitement sans revenus, que l’État veut secourir.
Le 8 avril 2020 commence le programme Novissi, terme qui signifie « solidarité » en ewe, langue parlée au pays. Le soir même, le ministre de l’Énergie se rend dans les studios de Kanal FM, une radio nationale, pour annoncer que « le système a planté ». Quatre millions de personnes ont tenté de se connecter en même temps à un site prévu pour supporter 200 000 connexions. Le bogue a été vite résolu, mais un double problème s’est rapidement posé : comment rejoindre les bénéficiaires éventuels du programme et leur distribuer l’argent promis?
Le gouvernement sollicite alors le concours de la Franco-Américaine Esther Duflo, lauréate en 2019, avec son mari Abhijit Banerjee et Michael Kremer, du prix Nobel d’économie. Les deux époux ont publié en 2020 Économie utile pour des temps difficiles, dans lequel ils recommandent pour les pays pauvres la mise en place d’un RUUB, c’est-à-dire un « revenu universel ultrabasique » qui permettrait aux gens de satisfaire leurs besoins essentiels. Évidemment, ils s’attendent à une aide massive des pays riches.
Esther Duflo, professeure au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), conseille aux dirigeants togolais de s’adresser à Joshua Blumenstock, de l’université de Berkeley. Au moyen des données fournies par le gouvernement et d’images à haute résolution du territoire obtenues par satellite, Blumenstock peut repérer les secteurs les plus appauvris du pays. Mais cela demeure insuffisant pour identifier les personnes les plus démunies. Et Blumenstock a eu une autre idée : utiliser les données emmagasinées dans les téléphones portables puisque l’usage du cellulaire est assez répandu parmi la population.
Durant l’année, 600 000 Togolais ont reçu 5 millions de dollars au total grâce à Novissi.
(D’après le Courrier international, numéro 1588, du 8 au 14 avril 2021, p. 30. Ce numéro est consacré au revenu minimal garanti.)
Groenland, de plus en plus vert
Par Robert Lapointe
Vers l’an 1000, Erik le Rouge, banni d’Islande, s’installe sur une terre qu’il nomme Groenland (littéralement « terre verte »), dans l’espoir, dit-on, que ce nom agréable attire des colons.
Les Vikings s’établirent au sud-ouest de l’île et y demeurèrent pendant environ 450 ans, après quoi les Inuits, arrivés par le nord, les en auraient chassés. Des historiens notent toutefois que la disparition de leurs établissements coïncide avec ce qu’on appelle le « petit âge glaciaire », qui a duré du 14 au 19e siècle (1350-1850).
Au 18e siècle, les Danois et les Norvégiens, alors réunis dans un même royaume, tentèrent de renouer avec les établissements vikings du Groenland. Ils n’y trouvèrent que des Inuits et décidèrent de les évangéliser. Le pays devint une colonie du Danemark jusqu’en 1953.
Le Groenland, deuxième plus grande île du monde, dégèle, et sa population (composée de 56 000 âmes, dont quelque 50 000 Inuits), aussi. La fonte des glaces rend possible l’exploitation des richesses inouïes du sous-sol : uranium, terres rares, plomb, zinc, or, diamant, molybdène, charbon, pétrole, gaz.
Un projet minier contesté a obligé le gouvernement du parti Sium ut, au pouvoir depuis des lustres, à tenir des élections anticipées en avril dernier. Le projet, mené par la Greenland Minerals (une minière australienne appartenant majoritairement à des intérêts chinois), consistait en l’exploitation du site géologique de Kuannersuit, qui abrite le deuxième plus gros gisement de terres rares au monde et le sixième réservoir mondial d’uranium.
Les élections du 6 avril 2021 avaient donc comme enjeu les visées de la Greenland Minerals sur Kuannersuit, situé tout près de Narsaq, patrie du chef du parti écosocialiste et indépendantiste Inuit Ataqatigiit (Communauté du peuple) et région où l’on recommence timidement à s’adonner à des activités agricoles. Le gouvernement sortant se proposait de simplement brader le pays, et a sans surprise perdu les élections.
Il faut s’attendre à ce que dans quelques années, le Groenland devienne, sous le nom de Kalaalliit Nunaat, un pays indépendant. Et ce nouveau pays sera notre voisin.
Sources : J.-Y. Camus, « Éco-warriors », Charlie Hebdo, no 1499, 14 avril 2021, p. 6; Fabrice Nicolino, « Le Groenland envoie au diable l’uranium et les terres rares », Charlie Hebdo, no 1500, 21 avril 2021, p. 7.
Sur les chapeaux de roues… nouvelles du TRAAQ
Par Catherine Rainville
La campagne de sensibilisation est lancée!
Du 4 au 17 octobre, le TRAAQ déploie sa campagne de sensibilisation auprès de la population!
Ses deux objectifs sont : 1) faire connaître la tarification sociale et 2) sensibiliser le grand public aux difficultés vécues par les personnes en situation de pauvreté, en raison des tarifs élevés du transport.
Le 4 octobre, des affiches-témoignages ont été posées près des arrêts d’autobus les plus achalandés. Un merci du fond du cœur aux employé.e.s et mlilitant.e.s du CAPMO, de la Ruche Vanier et du projet Femmes et mobilité pour ce géant coup de main!
20 octobre: Soirée Table-ronde
L’exclusion sociale reliée aux transports en commun et les effets des mesures d’accessibilité
Dans le cadre de la Semaine d’actions ZéN de la région de Québec, nous organisons une table-ronde pour échanger de façon plus large sur l’exclusion sociale reliée aux transports en commun (inégalités de genre dans l’organisation des services, exclusion des personnes ayant des incapacités, etc.).
De beaux échanges sont en perspective!
L’activité est offerte simultanément en ligne ET en présentiel (nombre de places limité).
Quand: mercredi 20 octobre, 19h-21h
Où: Youtube ET au Centre-Jacques-Cartier à St-Roch (20 boul. Charest Est)
Consultez l’événement Facebook pour tous les détails sur les présentations et les intervenant.e.s invité.e.s!
Déclaration commune en faveur d’une tarification sociale du transport en commun dans les municipalités et les régions du Québec
Se déplacer est un besoin essentiel pour tous et toutes : c’est par le déplacement que chaque personne peut avoir accès aux lieux qu’elle désire fréquenter, à son réseau social, à ses activités et aux différents services publics, privés et communautaires. Par conséquent, la capacité de se déplacer est ce qui permet la mise en œuvre de plusieurs droits humains fondamentaux : droits au travail, à une alimentation saine, à un logement adéquat, à l’éducation, à des soins de santé, à la justice, etc.
Les tarifs actuels des différentes sociétés de transport en commun au Québec sont trop élevés pour les personnes à faible revenu et à très faible revenu. Ces personnes, en raison de leur précarité économique, n’ont pas accès à une voiture et dépendent du transport en commun pour pouvoir se déplacer.
Les tarifs trop élevés des transports en commun sont réellement problématiques. Ils font en sorte que les personnes avec peu de moyens doivent souvent s’empêcher de se déplacer pour respecter leur budget restreint. Cela réduit concrètement leur capacité d’aller à l’épicerie, de se trouver un emploi, de visiter famille et amitiés, de se rendre à des rendez-vous médicaux, de fréquenter les services communautaires, etc. Lorsque leurs déplacements sont nécessaires, elles doivent couper dans leurs besoins essentiels ou encore s’endetter pour arriver à payer le coût du transport en commun.
Nous revendiquons que l’ensemble des candidats et des candidates aux élections municipales des différentes municipalités du Québec s’engagent:
(1) à mettre en place une tarification sociale basée sur le revenu offrant, aux ménages à faible revenu, une réduction substantielle (d’au moins 50%) sur les tarifs de transport en commun, et
(2) à trouver les moyens nécessaires permettant la mise en place et la pérennisation de cette mesure d’accessibilité financière.
GROUPES SIGNATAIRES INITIATEURS:
Action populaire Rimouski-Neigette
Coalition montérégienne pour la tarification sociale en transport (CMTST)
Collectif pour un transport abordable et accessible à Québec (TRAAQ)
le Mouvement d’éducation populaire autonome de Lanaudière (MÉPAL)
le Mouvement pour un transport public abordable (MTPA)
le Regroupement des organismes d’éducation populaire autonome de la Mauricie (ROÉPAM)
Trajectoire Québec
Pablo Richard, théologie pour changer le monde
Par Juan José Tamayo
Traduit par Yves Carrier
Pablo Richard, l’un des théologiens et bibliste latino-américains de la libération les plus connus en Amérique latine et à l’échelle planétaire, est décédé lundi le 20 septembre à San José au Costa Rica à l’âge de 81 ans. Il jouissait d’une excellente formation interdisciplinaire ayant étudié le philosophie en Autriche, la théologie au Chili, les Écritures Saintes à l’institut biblique de Rome et à l’École biblique de Jérusalem. En 1978, il obtient un doctorat en sociologie à la Sorbonne avec une thèse sur la mort des chrétientés et la naissance de l’Église qui marquera ses recherches futures, ses options politiques libératrices et ses pratiques ecclésiales comme membre et animateur des communautés ecclésiales de base.
Pablo Richard était un grand connaisseur du marxisme sur son versant utopique, humaniste et critique, dont il utilisa les analyses sociales, politiques et économiques, comme médiation socio-analytiques pour analyser la réalité latino-américaine avec les correspondants correctifs du point de vue du christianisme originel.
Il a vécu l’élection de Salvador Allende et le processus démocratique et pacifique de transition vers le socialisme au Chili, son pays d’origine. C’est là qu’est né le mouvement du Christianisme pour le socialisme qui s’étendit ensuite à d’autres pays dont l’Espagne en 1973. Il fut l’un de ses fondateurs, dirigeant et principal théoricien. Il écrivit plusieurs œuvres sur le sujet. Ce mouvement cherchait à établir un dialogue entre le christianisme et le socialisme dans une perspective éthique libératrice, émancipant les deux de leur dogmatisme respectif et de leurs incompatibilités.
La dictature de Pinochet l’obligea à quitter le Chili pour la France où, selon ses propres termes, il prit ses distances avec l’Église et le sacerdoce. « Ce fut un exil dans tous les sens possibles, mais aussi un temps difficile de réflexion et de reconstruction intérieure. »
Sa rencontre avec Oscar Arnulfo Romero, évêque martyr de San Salvador fut déterminante pour lui. Elle le marqua dans sa vie et sa théologie. Cette rencontre signifia pour lui la fin de son exil ecclésial.
Les trois piliers
En 1978, Pablo Richard s’établit au Costa Rica pour travailler au Département Œcuménique d’investigations, le DEI, centre de dialogue entre le Bible, la théologie et l’économie, ainsi qu’un lieu de formation des animateurs des communautés ecclésiales de base, des leaders de mouvements sociaux et de jeunes chercheurs, où Pablo et moi avons partagé des rencontres interdisciplinaires sous la direction de l’économiste et théologien Frantz Himkelammert, dans l’optique de la Théologie de la libération. C’est là qu’il travailla sans relâche pendant 40 ans. Ce furent ses années les plus créatives et fécondes tant au point de vue de l’enseignement que de la production théologique et biblique.
Trois piliers supportent la théologie de Pablo Richard : la pratique de la libération, l’Église des pauvres et la lecture populaire de la Bible. Sa théologie ne se limite pas à penser et à interpréter le monde, mais à le transformer, appliquant aux théologiens la thèse numéro IX de Marx sur Feuerbach: « Les philosophes se contentent d’interpréter le monde de différentes manières, mais ce dont il s’agit, c’est de le transformer. »
Pablo Richard accompagne les processus révolutionnaires latino-américains, spécialement la révolution sandiniste au Nicaragua en participant à la formation de dirigeants du mouvement chrétien de base et à l’émergence d’un autre modèle d’Église. Dans sa vie et sa pensée, la théorie et la pratique de la libération furent inséparables.
Il joua un rôle fondamental dans le passage d’une Église de chrétienté, située dans les classes dominantes et les structures de pouvoir, à une « Église des pauvres », située avec les secteurs populaires de la société et orientée vers la transformation des relations ecclésiales hiérarchiques-patriarcales et autoritaires à des structures communautaires et des relations fraternelles sororales.
Pablo fonda le mouvement de lecture populaire et communautaire de la Bible destiné à la formation des agents de pastoral de toute l’Amérique latine à travers une herméneutique libératrice de la Bible comme source de vie et d’espérance, orientée vers la transformation globale de la société depuis l’option radicale pour les personnes et les collectifs appauvris comme sujet collectif privilégié de la Parole de Dieu.
Sa mémoire demeurera vivante chez son épouse Gabriela et ses fils, chez les communautés ecclésiales de base, dans le monde des sans-domiciles-fixes qu’il accompagna et dans ses livres qui continueront d’illuminer notre marche vers l’utopie d’un autre monde possible.
Juan José Tamayo est un théologien espagnol de la libération. Il est l’auteur de Teologías del Sur. El giro descolonizador (Trotta).
Publié dans El Pais : https://elpais.com/sociedad/2021-09-22/teologia-para-transformar-el-mundo.html
Décès de Jacques Giroux
Déclaration commune – Élections municipales 2021
Cette déclaration des organismes communautaire du Québec a été signée par le CAPMO.
Il faut prioriser la justice sociale et la lutte à la crise climatique
Le milieu communautaire est un maillon essentiel de notre filet social. Si nos élu-e-s conviennent des services rendus à la population, peu prennent en considération la critique sociale et reconnaissent les propositions innovantes qui s’y développent. On nie l’importance de la vie démocratique et on minimise le travail acharné pour donner une voix aux personnes les plus vulnérables ou celles qui vivent les plus grandes injustices. Inutile de rappeler que les personnes fragilisées à cause de la pauvreté, des difficultés d’accès aux services, des préjugés et des multiples barrières sociales sont aussi celles qui votent le moins et dont la voix est souvent absente des instances municipales.
À l’aube des élections municipales, il nous apparaît essentiel, en tant que travailleurs-ses, participant-e-s et bénévoles des groupes communautaires des grandes régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches, de rappeler sans partisannerie ce qui, dans nos milieux, ressort comme les plus grandes priorités.
Si nous répétons sans cesse l’importance de parler de justice sociale, c’est parce que nous voyons au quotidien dans nos villes et dans nos villages une portion grandissante de la population qui peine à joindre les deux bouts et qui doit jongler avec des problèmes de logement, d’alimentation, de santé, de transports… la liste est longue.
Pourtant, c’est plutôt le trafic sur nos routes qui tient le haut du pavé. Pendant que les banques alimentaires et les refuges craquent sous la demande, le sujet est à peine abordé sous prétexte que le pouvoir d’agir se trouve au palier provincial ou fédéral. Quand verrons-nous un maire ou une mairesse remuer ciel et terre pour améliorer l’existence des personnes les plus vulnérables avec la même vigueur qu’on défend un amphithéâtre, un stade, une autoroute ou un tunnel?
La responsabilité de nos élu-e-s envers les droits humains et sociaux
Les droits humains et sociaux ne doivent pas être négociables ni sujets à une partie de ping-pong entre les différents paliers gouvernementaux. Les municipalités sont les premières concernées par les injustices qui perdurent sur leur territoire. Elles doivent, par conséquent, agir de concert avec les groupes communautaires. En vue des élections qui approchent, nous talonnerons les candidat-e-s pour qu’ils et elles s’engagent à tout mettre en œuvre pour s’attaquer aux injustices.
La responsabilité de nos élu-e-s face à la crise climatique
La pandémie de Covid 19 aura mis en lumière la planification à court terme de nos gouvernements et la fragilité de nos services publics pour faire face aux crises. Les actions pour enrayer les émissions de GES et pour protéger la population des conditions climatiques extrêmes ne sont pas au rendez-vous. On nous présente des plans, on multiplie les engagements, mais il est plus que temps que les bottines se mettent à suivre les babines. Les futur-e-s élu-e-s municipaux auront la responsabilité de rattraper le retard colossal pris par leurs prédécesseur-e-s.
Josué de Castro et la découverte de la faim
Par Anna Maria de Castro
Traduit du portugais par Yves Carrier
Comme peu de fois dans notre histoire, la faim affecte des millions de personnes dans notre pays (Brésil). Josué de Castro fut un maître qui enquêta au plan national et international le thème tabou de la faim. Sa fille Anna Maria Castro résume sa trajectoire et ses idées sur la faim. Cette dernière n’est ni un phénomène naturel, ni une punition divine, mais le fruit de politiques d’exclusion à laquelle un État, occupé par une classe dominante, soumet une grande partie de la population. Son œuvre la plus connue : « Géographie de la faim », révéla son caractère humain et social. Il ne s’agit pas d’une géographie physique, mais d’une géographie humaine et politique, comme le démontra de manière exemplaire Milton Santos. Aujourd’hui, la faim au Brésil est une faute impardonnable, injuste et cruelle. Ce pays est l’un des premiers producteurs d’aliments et de protéines dans le monde, mais cette production n’est pas destinée à éliminer la faim. La majeure partie est exportée, et dans le cas du soja par exemple, ces denrées servent à engraisser les bovins en Chine. Dans ce contexte de faim généralisée, il vaut la peine de se souvenir des réflexions critiques et inspirantes de Josué de Castro. Elles révèlent les origines politiques de la faim, de la volonté humaine qui exclue, accumule des richesses. Sa pensée est une dénonciation des mêmes mécanismes qui demeurent toujours en place. Le Mouvement des sans terre, le plus grand producteur de riz biologique du Brésil et d’Amérique latine et l’un des plus grands donateurs d’aliments biologiques pour les populations des périphéries appauvries de nos villes, a diffusé cet article. L Boff
Dans le contexte où la faim et la misère persistent comme résultat d’une cruelle concentration de la richesse, du pouvoir et de la propriété privée, les propositions de Josué de Castro doivent continuer d’être lues et étudiées. Il fut l’une des figures marquantes des scientifiques qui eurent une profonde influence dans la vie de notre pays et une projection internationale entre 1930 et 1973, date de son décès à Paris. Il consacra la majeure partie de son temps et de son talent à attirer l’attention publique sur le problème de la faim et de la misère qui sévissaient et sévissent toujours dans le monde.
Né à Recife, ville du Nordeste brésilien, dès les premières années de sa vie, il est confronté au futur objet de ses travaux comme scientifique et écrivain, le problème de la faim. Ses livres les plus importants ont toujours conservé la rigueur scientifique et la verve du romancier, désir enfoui dans son cœur. Josué de Castro a toujours admiré les écrivains capables de raconter la vie et les choses des hommes dans un langage universel, meilleur que les scientifiques.
Dans ses écrits, il décrit la faim comme un phénomène social: « Le thème du livre Hommes et crabes, est l’histoire de la découverte de la faim au cours de son enfance, dans les quartiers de misère de Recife. Dans cet ouvrage de fiction, il chercha à montrer que ce ne fut pas à la Sorbonne ni dans aucune autre université qu’il s’est éveillé au problème de la faim.
Celle-ci se révéla spontanément à lui dans les mangroves de Capibaribe, dans les quartiers misérables de Recife, pullulant de crabes et peuplés d’êtres humains fait de chair de crabes, pensant et sentant comme des crabes. »
Ces images d’enfance et l’exercice de la médecine furent fondamentaux dans la trajectoire scientifique de Josué de Castro. Vers 1935, coordonnant une enquête sur les conditions de vie de la population de Recife, il était déjà évident que les théories désuètes et insoutenables, les fausses interprétations, les préjugés raciaux et climatiques déplorables, tout comme le Malthusianisme pratiqué au détriment des populations sous-développées, devaient être remplacées. La faim ne pouvait continuer d’être traitée comme un tabou, une matière interdite de laquelle personne ne se risquait à parler sans employer des périphrases qui défiguraient la réalité.
En écrivant « Géographie de la faim », il affirmait que la faim n’est pas un problème naturel, c’est-à-dire qu’elle ne dépendait ni n’était le résultat de facteurs naturels. Au contraire, elle était le fruit des actions des hommes, de leurs options, de la conduite de l’économie qu’ils donnaient à leur pays. Incomprise à cette époque, cette affirmation gagna en force au cours des années et elle fut l’objet d’importantes approches par des Brésiliens et des penseurs étrangers. Frei Beto, un des concepteurs du programme de lutte contre la faim du gouvernement de Lula, affirma en entrevue : « Les ouvrages de Josué de Castro eurent le mérite de briser les tabous entourant le thème de la faim. Il démontra qu’il ne s’agissait pas d’une conséquence du climat du Nordeste et il démystifia l’idée que la faim était une punition divine. Il fut le premier à montrer que la faim était une question politique. »
Joao Pedro Stédile, leader national du Mouvement des sans terre, commenta à propos de l’œuvre de Josué de Castro que : « La faim est à la fois complice et conséquence de la pauvreté et d’une mauvaise distribution des revenus. Ce n’est pas un problème de production alimentaire, ce thème n’est pas tabou, c’est un problème de volonté politique et de domination de classe. De Castro fut l’un des plus grands penseurs brésiliens du 20ème siècle. Par sa vaste formation scientifique, de médecin, de biologiste et de géographe, il parvint à nous offrir une lecture correcte des causes et des racines des problèmes brésiliens associés à la pauvreté et à la faim.»
Le médecin du Pernambouc, Jamesson Ferreira Lima, ami et contemporain de Josué de Castro affirme : « L’origine de son travail comporte des changements de perspectives. Initialement, il pensait que la faim était un problème naturel, irrémédiable, lié à la sélection et à la compétition vitale, un des caractères de la condition humaine. Ce fut la ville de Recife où il naquit, située dans le Nordeste brésilien, avec un tiers de sa population vivant misérablement, en situation de sous-emploi ou de chômage, atteinte par l’économie, la monoculture de la canne à sucre — un phénomène artificiel — et de sécheresses périodiques qui lui procura la conscience de la faim et du sous-développement ».
Devant cette enquête pionnière dont la conclusion indiquait que la grand mal des ouvriers des usines qui servait de modèle au monde du travail n’était pas la maladie, mais la faim. La réalité de la faim était si forte et le mal qu’elle causait d’une telle magnitude qu’il ne pouvait faire autrement que de s’y attaquer en combattant les préjugés qui recouvraient une telle calamité. À partir de là, il chercha, avec les moyens dont ils disposait, à étudier ce phénomène universel.
La publication de cet important ouvrage indique une plus grande maturité dans ses réflexions sur la faim. Affrontant le problème sans subterfuge, il ne craint pas d’affirmer : « qu’une des caractéristiques des pays sous-développés, c’est que la majorité des gens y souffrent de la faim » et il parvint à démontrer que le problème est le fruit de distorsions économiques. Autrement dit, la faim est un phénomène artificiel créé par l’homme, ou plus précisément, par un certain type d’homme.
Il manifestait encore toute son indignation en déclarant que : « La chose la plus absurde, c’est que nous laissons mourir de faim des centaines de million d’individus dans un monde qui possède des capacités quasi illimitées d’augmenter sa production et qui dispose des ressources techniques adéquates à la réalisation de cet augmentation. »
Il soulignait dramatiquement dans son œuvre, rappelant les écrivains qu’ils appréciait que : « Ce n’est pas seulement en agissant sur le corps des flagellés, en leur rongeant les entrailles et ouvrant des plaies et des trous dans leur peau que la faim extermine la vie du paysan du Sertao brésilien, mais également en agissant sur sa structure mentale et sa conduite sociale. Aucune calamité n’est capable de désagréger si profondément et en un sens aussi nocif la personnalité humaine que la faim lorsqu’elle atteint les limites de l’inanition. Frappés par la faim, par l’impérieuse nécessité de s’alimenter, les instincts primaires s’exaltent et l’homme, comme tout animal affamé, présente une conduite qui peut apparaître comme la plus déconcertante. »
Josué de Castro fut un scientifique aux savoirs multiples, médecin au début de sa formation, il comprit assez vite qu’il devait élargir le champ de ses compétences à d’autres branches scientifiques telles que la géographie, la sociologie, l’étude de l’environnement, qui gagnèrent de plus en plus d’espace dans sa bibliothèque et son esprit. En raison de ses études, lorsqu’il écrivit : « Géographie de la faim », il comprit que la meilleure méthode pour analyser ce phénomène présent dans notre société libérale capitaliste était contenue dans la géographie humaine.
« Nous avons résolu d’aborder le problème dans une perspective nouvelle, sur un plan plus distant, avec une vision d’ensemble, soulignant de manière plus compréhensive les liens, les influences et les connexions des facteurs multiples. L’emploi de la méthode géographique, seule méthode à notre connaissance qui nous permet d’étudier le problème de la réalité totale, non pas la méthode descriptive de l’ancienne géographie, mais la méthode interprétative qui pris naissance dans les pensées fécondes de Ritter, Humboldt, Jean Brunhes, Vidal de La Blanche, Criffith Taylor et tant d’autres. »
Plus loin il affirme : « Dans cet essai de nature écologique, nous tenterons d’analyser les habitudes alimentaires des différents groupes humains en lien avec leur espace géographique respectif, cherchant, d’un côté, à découvrir les causes naturelles et les causes sociales qui déterminent leur type d’alimentation, avec leurs manques et leurs défauts caractéristiques et, de l’autre côté, nous chercherons à vérifier à quel point ces défauts influencent la structure économique et social. »
La décision de choisir la méthode géographique pour la structure de son œuvre fut sans doute l’une des raison pour laquelle elle connut un si grand succès au cours des années. Au-delà de l’originalité, cela influença de nouvelles recherches et l’aida à former d’autres importants scientifiques brésiliens.
Selon Milton Santos : « Josué de Castro eut l’audace de rêver d’un monde où la faim n’existait pas, où la vérité n’était pas cachée et où tous les problèmes pouvaient être discutés. » Toutefois, il paya un lourd tribu pour une telle audace.
« En 1964, à l’âge de 56 ans, Josué de Castro était ambassadeur du Brésil aux Nations Unies à Genève. Cette carrière fut interrompue par le Coup d’État militaire qui lui retira cette fonction. »
Lamentablement, la faim continue d’être un problème mondial et aussi au Brésil. Parmi nous, la faim et la misère persistent comme le résultat d’une cruelle concentration des revenus, du pouvoir et de la propriété, qui provoque un immense abime entre les riches et les pauvres.
Il est certain qu’au cours des années comprises entre 2003 et 2015, sous la gouverne des président du Parti des Travailleurs, Lula et Dilma, le Brésil a su construire de solides politiques d’inclusion sociale responsables de notre sortie de la carte mondiale de la faim. Depuis, l’arrêt de ces mesures et l’abandon de plusieurs nous ont fait retomber dans l’infâme situation des pays dont une partie importante de sa population souffre de la faim. C’est pourquoi je n’hésite pas à affirmer : Josué de Castro doit continuer à être lu et ses propositions étudiées.
Anna Maria de Castro est professeure titulaire (retraitée) à l’UFRJ (Université fédérale de Rio de Janeiro) et chargée de cours en sociologie appliquée. Elle a publié : « Introduction à la pensée sociologique », « Nutrition et développement — analyse d’une politique » et « La Faim, un thème interdit. » Elle est chercheuse invitée de la Chaire Josué de Castro à l’Université de Sao Paulo (Chaire Josué de Castro des Systèmes alimentaires, sains et durables).
L’éducation comme pratique du dialogue
Par Marcelos Barros
Traduit du portugais
par Yves Carrier
Le 19 septembre 2021, nous célébrons le centième anniversaire de naissance de Paulo Freire. Les Nations Unies ont instauré le 8 septembre comme Journée internationale de l’alphabétisation. C’est pourquoi, ces jours-ci, dans le monde entier, la société civile internationale se tourne vers les nouveaux défis d’une éducation pour tous et pour toutes et la recherche de nouveaux moyens pour éradiquer l’analphabétisme.
Selon les chiffres des Nations Unies, dans le monde entier, l’analphabétisme absolu a diminué, mais il existe toujours un grand nombre d’analphabètes fonctionnels. Dans la ville de Sao Paulo, 17% des jeunes entre 15 et 24 ans ne parviennent pas à lire les informations dans une gare ferroviaire et ils ne savent pas remplir les données pour une demande d’emploi.
Avec sa méthode révolutionnaire d’alphabétisation des adultes, Paulo Freire nous enseigna que l’éducation est un processus qui nous humanise. Alphabétiser ce n’est pas simplement enseigner à lire, mais cela permet la participation citoyenne critique dans la société pour tous ceux et celles qui le souhaitent.
Il est vrai que nous naissons centrés sur nous-mêmes. Nous grandissons sous l’influence de tendances nocives qui tendent à nous immobiliser lorsqu’il s’agit de courir des risques et de renoncer au prestige, au pouvoir et à l’argent. De là la nécessité d’une éducation profonde de la conscience et de la sensibilité des personnes et des collectivités. Les pratiques éducatives doivent promouvoir des valeurs altruistes, des gestes de solidarité et des idéaux sociaux. Seulement ainsi, la vie acquiert un sens et les relations humaines deviennent une véritable communion.
Pour Freire, l’éducation n’accomplit sa fonction que lorsqu’elle forme des êtres humains plus heureux, dotés de conscience critique, capables d’établir des systèmes sociaux et politiques inspirés d’un amour solidaire, de l’égalité sociale et de la justice.
Toutefois, emprunter cette voie implique de surmonter certains obstacles de la conjoncture actuelle. Le premier consiste à dépasser le dévastateur processus néolibéral d’effacement de l’histoire. Sans perspective historique, il n’y a pas de conscience ni de projets politiques. Le philosophe allemand Theodor Adorno affirmait que le défi le plus urgent de l’éducation est de dé-barbariser la société. Il entendait par barbarie une société qui, d’un côté avait acquis un haut niveau de développement technologique et de l’autre, empêchait les personnes de vivre et d’exprimer leur dignité humaine.
Paulo Freire affirmait que l’éducation seule ne peut pas changer la société, mais, en même temps, aucune société ne changera sans que l’éducation ne joue un rôle primordial. Et dans cette éducation humaniste et libératrice, le dialogue s’avère un élément fondamental.
Le dialogue n’est pas n’importe qu’elle façon de communiquer. Il n’est pas à peine un échange d’opinions ou un débat. C’est une relation entre des personnes qui se situent dans une attitude d’écoute mutuelle pour chercher ensemble la vérité. Il inclut la dimension intérieure du dialogue avec soi-même. Il se réalise plus profondément dans la rencontre amoureuse avec les autres personnes et en communion avec la nature.
Le grand éducateur Ruben Alves disait : « Éduquer est plus difficile qu’enseigner. Pour enseigner, il suffit de savoir. Pour éduquer, il est nécessaire d’être ».
https://portaldascebs.org.br/educacao-como-pratica-do-dialogo/
Des nouvelles du CAPMO
Assemblée générale annuelle du CAPMO
L’AG s’est déroulée le samedi 25 septembre de 9 h 30 à 15 h. Elle était présidée par Gérald Doré et 17 membres étaient présents. Ghislain Hudon, Robert Lapointe et Valentina Marin ont été élus au conseil d’administration. Leur mandat est de deux ans. Valentina a été désignée par le CA suivant comme vice-présidente aux côtés de la présidente Claudia Fuentes.
Voix et images des communautés culturelles
Toute l’été, le comité de Solidarité interculturelle du CAPMO a animé différentes activités dont un cinéma jeunesse à thèmes politiques où des jeunes de 18 à 30 ans se sont réunis toutes les deux semaines. Depuis le début septembre, Mario Gil anime une émission de radio intitulée Magazine jeunesse, tous les lundis à 18 h sur les ondes de CKIA-FM, 88,3. Cette tribune permet d’interviewer des jeunes issus de la diversité culturelle engagés dans leur milieu.
Collectif TRAAQ
Le Collectif TRAAQ tiendra sa prochaine assemblée générale le jeudi 18 novembre à 13 h 30.
Aucun endroit n’a été déterminé pour le moment.
Les membres du comité de suivi du TRAAQ ont rencontré quatre des cinq formations qui se font la lutte pour la mairie de Québec afin de sensibiliser les candidats à l’importance et l’utilité d’une tarification sociale du transport en commun.
Un webinaire, animé par Catherine Rainville, portant sur la tarification sociale basée sur le revenu et réunissant une trentaine de personnes a eu lieu le 15 septembre. Il est disponible sur le site web du TRAAQ.
Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté
Cette année encore le CAPMO mobilise ses troupes pour la manifestation du 17 octobre qu’il organise en collaboration avec le REPAC 03-12, l’ADDS-QM et le Collectif pour un Québec sans pauvreté. Le rendez-vous est au Parc Durocher sur la rue Saint-Vallier ouest à 10 h du matin. La marche se terminera par un goûter sur le parvis de l’église St-Roch vers 11 h. Les marcheuses seront ensuite invitées à se joindre à une manifestation devant l’Assemblée nationale à 13 h pour clôturer les activités de la Marche mondiale des femmes en solidarité avec les femmes des Premières Nations.