Ça roule au CAPMO – Novembre 2015

 

Feuille de chou du CAPMO,

Novembre 2015, année 16, numéro 03

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La grande débâcle néolibérale

 Au printemps, au bord des cours d’eau, même si tout donne l’apparence de la solidité et de l’unité, la débâcle survient subitement. Il suffit qu’un ou deux éléments se fissurent pour que l’ensemble soit emporté. Pourquoi en serait-il autrement d’une idéologie à bout de souffle, devenue inutile, qui contribue davantage à nier la réalité qu’à la transformer ? Lorsque les évidences de la condition humaine l’emportent sur l’absence de compassion, lorsque l’égoïsme économique rime avec ruine sociale et perte de sens, lorsque le bouc émissaire finit par révéler sa vérité profonde d’opprimé, c’est notre humanité qui est en jeu.

La réalité objective, non pas celle des banquiers, possède un poids aussi irrésistible que celui des glaciers sur le sommet des montagnes. L’arrogance humaine n’y peut rien, la réalité triomphera toujours du népotisme autoritaire et ce qui hier apparaissait indestructible, a aujourd’hui disparu. Malgré toutes les manigances du patriarcat-raciste-capitaliste, la vérité a la puissance des torrents libérés de leur manteau de glace. Elle peut faire craquer les cœurs les plus endurcis et briser ceux qui se pensent tout-puissants, ceux qui abusent des autres parce qu’ils se croient au-dessus de tout éthique. L’autorité, qu’on le veuille ou non, provient du sens moral qui préside à la rédaction de toutes lois et de ceux qui sont nommés pour en préserver jalousement l’observance. Une loi inique n’a pas à être observée et une autorité cruelle perd toute légitimité. Le néolibéralisme détruit le sens moral de ceux qui y adhèrent et le professent, le capitalisme n’a pas d’éthique, de morale ou de compassion. C’est la froideur du métal qui tranche dans nos chairs, libérant les démons avides de posséder le monde, rompant nos liens les plus intimes. Si le nouveau premier ministre du Canada souhaite faire sa marque dans l’histoire, je l’invite à redresser les conditions de vie des peuples autochtones auxquels je souhaite des leaders authentiques.

« Libérons nos corps, notre terre et nos territoires » était le thème de la Marche mondiale des femmes cette année. Qui eut cru que la sagesse de nos ancêtres amérindiens deviendrait si vite prophétie de profondes transformations sociales et culturelles. Si nous faisons l’effort d’y entrer, le monde de demain est à notre portée. Une société juste et égalitaire, libérée de la gangue des préjugés et de l’esprit de supériorité. Si plusieurs avant nous ont montré le chemin, combien de temps encore continuerons-nous à défendre l’inacceptable ?

Écoutez les cris de la Terre et des peuples qu’on ignore, regardez la réalité telle qu’elle est, sortez de votre indifférence égocentrique. Si l’humanité veut survivre, elle doit changer : Finies les politiques guerrières et l’accaparement, l’accumulation des richesses jusqu’à la démesure, la quête frénétique du bonheur dans l’oubli de l’autre, terminés la haine et le mépris, oubliés l’envi et la jalousie, perdue l’expression d’une fausse conscience qui impose le fardeau de ses fautes aux plus faibles que soi.

Imaginez comme pourrait être beau ce monde si l’amour et le respect de l’autre inspiraient nos décisions. Si seulement nous prenions le temps d’entendre ce qui ne va pas, si nos gouvernements renonçaient aux dépenses d’apparat, jeux olympiques et autres jouets pour riches, aux dépenses militaires et aux paradis fiscaux, si les médias enseignaient au peuple la vérité et cessaient de cracher sur les pauvres, si la justice défendait les opprimés et non les riches, si les écoles étaient financées correctement et qu’on enseignait l’esprit de coopération au lieu de l’esprit de compétition, si nous dépassions l’idéal mesquin du capitalisme pour assumer les plus hautes aspirations humanistes, si nous prenions le temps de vivre et d’apprendre à être heureux sans avoir à combler ce vide intérieur, source de toutes nos insatisfactions et de notre mal-être. Voyez, ce n’est pas si difficile qu’il n’y parait. Debout !

Yves Carrier

 


 

Table des matières

Spiritualité et citoyenneté
De l’émotion à l’action
La militance et ses défi
Charte de l’écologie
Calendrier

 


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Spiritualité et militance

A L’ORIGINE DU CHANGEMENT SOCIAL.

Il faut aller dans la Bible, œuvre certainement plus révolutionnaire que le Capital de Marx, bien que ce dernier jouisse d’une filiation évidente avec le premier, preuve que l’Esprit Saint poursuit son bon travail depuis deux milles ans et peut-être davantage, depuis Esdras sans doute et Akhenaton. Il faut aller dans la Bible dès le début dans les premières pages de la Genèse et dans la suite en passant par David, Job et Jésus. Qu’y a-t-il au début? Une création du monde, sans violence, contrairement aux autres récits de fondation du monde. Puis, un Paradis terrestre où tout va bien. Avec une interdiction, qui fait désirer le premier couple. Et la première campagne de publicité réussi orchestrée par un certain Satan. Qui fait désirer quoi? D’être Dieu ou comme Dieu. Rien de moins. Mimétisme navrant parce qu’impossible. René Girard parle dans ses œuvres (l’Esprit-Saint l’a éclairé) de rivalité mimétique asymétrique. Et cela serait possible (d’être comme Dieu), selon le diable, si le premier couple consomme le fruit défendu. Principe de publicité basique: si tu as accès au même produit que Dieu, tu seras comme Lui. Cela annonce la confusion voulue entre besoins et désirs, d’autant plus que tu n’as pas besoin de manger ce fruit pour survivre, mais tu en as besoin pour assouvir un désir. Vous connaissez la suite de ce récit. Je me suis aussi servi de ce récit pour illustrer une stratégie développée par le mouvement syndical Solidarité en Pologne, stratégie essentielle dans la théorie de la société civile: le principe d’autolimitation, qui joint ensemble les valeurs de liberté et de responsabilité. Le principe d’autolimitation signifie qu’il faut savoir jusqu’où il ne faut pas aller trop loin, pour éviter la violence d’une part, mais aussi pour rester soi-même. Le mouvement, à ses débuts, ne visait pas de prendre le contrôle du pouvoir. La société civile n’a pas à être l’État à la place de l’État pas plus que l’homme n’a à être Dieu à Sa place. L’humilité est une vertu essentielle dans ce contexte.

L’autre récit, mettant en scène Caïn et Abel avec la participation pas très exceptionnelle à l’époque de Dieu, illustre une rivalité mimétique symétrique qui bouleverse les relations interpersonnelles, l’un tue l’autre, en même temps qu’elle inaugure la lutte des classes; en réalité à l’origine lutte des genres de vie, nomade et sédentaire, laquelle se poursuit encore aujourd’hui sous le masque des luttes de classe, du choc des civilisations et des luttes de pouvoir. Pour l’un, il s’agit de bien paraître aux yeux de Dieu. On voit poindre le problème de la reconnaissance abordée avec brio par le sociologue Axel Honneth, qui renvoie à des questions de dignité, de justice et d’utilité de l’individu en société, car aujourd’hui le Capital, l’État ou la religion (certains leaders religieux, faudrait-il dire) ont pris la place de Dieu. Ces institutions sont dans la rivalité mimétique asymétrique, mais se croient justifiés de l’être. Les relations personnelles sont au cœur de tout changement social et la rivalité mimétique est le principal et le premier obstacle à tout progrès social et spiritualité, car seule une spiritualité mise en pratique au quotidien peut résoudre ce problème, mais cela demande une profonde introspection, une conscience approfondie de nos attitudes à l’égard d’autrui, sinon la violence s’installe. Jésus en fut victime.

Robert Lapointe

 


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De l’émotion à l’action

Une seule photo fut suffisante pour que les gens disent c’est assez. Et ce n’est pas pour rien, depuis des semaines les médias nous montrent des images qui martèlent notre conscience : la brutalité policière à Calais, les 71 migrants trouvés morts dans un camion abandonné sur une route en Autriche, les naufrages de plusieurs bateaux remplis de migrants dans la Méditerranée et finalement, la photo d’un petit syrien inerte sur une plage en Turquie.

Face à cette réalité les gens se sont demandés quoi faire. En Allemagne, une plateforme est créée afin que les citoyens puissent héberger des réfugiés pour un prix solidaire ; à Barcelone et à Madrid, la Mairie est en train de faire une recension afin de savoir quelles familles seraient susceptibles de recevoir des réfugiés ; en Islande, l’initiative lancée par Facebook demande au gouvernement d’ouvrir les portes aux réfugiés. Et en France ?

Le Service Jésuite des Réfugiés (mieux connu sous son acronyme en anglais JRS) a comme mission d’accompagner, de servir et de défendre les demandeurs d’asile et les réfugiés. Nous sommes une petite ONG avec des actions modestes et ciblées. Parmi nos actions, nous avons des cours de français, de l’accompagnement juridique, de l’action collective, du plaidoyer, des rencontres interculturelles et de l’hospitalité. Welcome en France est un projet qui propose à des familles et à des communautés religieuses d’accueillir un demandeur d’asile pour une durée déterminée (4 à 6 semaines). Ce projet ce n’est pas une solution d’hébergement mais une expérience d’hospitalité réciproque.

L’hospitalité proposée
Comment fonctionne Welcome en France ? D’abord, une de nos associations partenaires nous présente un demandeur d’asile qu’elle connaît, soit parce qu’il participe à ses cours de français, soit parce qu’il reçoit un accompagnement administratif, juridique ou social. Ensuite, nous le mettons en lien avec une famille que nous connaissons, cela peut être un couple retraité, une famille avec enfants, une personne célibataire, ou bien, une communauté religieuse (Jésuites, sœurs Auxiliatrice, sœurs Xavières, entre autres). Ensuite un tuteur bénévole sera le tiers médiateur, il verra le demandeur d’asile une fois par semaine pour avoir de ses nouvelles, aller prendre un petit café ou faire une balade ou proposer une activité culturelle. Les permanents de l’Association, dont la coordinatrice, assure la mis en place du cadre, le présente et le font respecter pour le bien de chacun.

Lors d’une première rencontre, nous prenons le temps d’expliquer les règles de vie de chaque lieu et la démarche de Welcome. Si un demandeur d’asile en est d’accord, il rentre dans le réseau. Aux familles et aux communautés nous demandons d’offrir le petit déjeuner, de partager –au moins- un dîner par semaine afin de se donner des nouvelles et de tisser des liens (vous pouvez bien comprendre que la grande majorité va au-delà d’un dîner par semaine) et de ne pas poser de questions indiscrètes (quelles sont les raisons pour lesquelles la personne demande l’asile par exemple). Si le demandeur d’asile se sent en confiance et le souhaite, il pourra partager son histoire. Notre cadre est le même que celui que nous proposerions pour accueillir quelqu’un de notre famille. Welcome en France fonctionne sur une base bénévole, gratuite et selon les disponibilités de chaque famille. C’est pour cela qu’à la fin du séjour dans une famille, le demandeur d’asile doit changer de lieu et son tuteur l’accompagnera afin de l’introduire dans une nouvelle famille. Notre expérience nous confirme que le fait que le demandeur d’asile change de lieu l’aide à ne pas perdre le « ressort » de la vie : bouger, se débrouiller et s’ouvrir à la rencontre de l’autre. Cela aide aussi à connaître différents portraits de familles françaises et à élargir son propre réseau.

L’hospitalité vécue
Depuis 5 ans Welcome en France est une expérience remplie de rires, de quiproquos de personnes qui parlent deux langues différentes, de malentendus légers qui se règlent avec un langage de signes improvisés. Nous accueillions des hommes et des femmes isolés mais pas de familles ni de mineurs isolés, notre projet nous ne le permet pas. Le temps d’accueil dans les familles peut durer de 3 à 9 mois, cela dépend de la situation de chaque demandeur d’asile, mais l’accompagnement de JRS se poursuit jusqu’à l’obtention du statut de réfugié et plus si la personne le souhaite. Les personnes qui sont accueillies à Welcome en France viennent de l’Afghanistan, de la Syrie, de l’Irak, de l’Iran, du RDC, de Mali, de la Guinée Conakry, du Bangladesh, de Sri Lanka, de l’Ukraine, du Tibet, du Kurdistan, de l’Ethiopie, de l’Erythrée… Ils sont musulmans, chrétiens, bouddhistes, agnostiques, athées… JRS France est un réseau qui accueille demandeurs d’asile et réfugiés sans distinguer leur religion, appartenance ethnique ou option politique.

À chaque fois que nous demandons à nos familles et aux demandeurs d’asile de résumer l’expérience, ils nous disent : « c’est une rencontre extraordinaire, ce sont des liens qui perdurent, c’est se (re) découvrir, se sentir comme chez soi pour la première fois, c’est voyager au pays de l’autre, c’est comprendre le pays qui a décidé de nous accueillir, c’est respecter le silence de l’autre, c’est grandir dans l’espérance et dans la foi ».

Derrière Welcome en France il y a de la logistique, de l’organisation, des allers et retours pour rencontrer les familles et les communautés, des réunions et des concertations avec les associations, des questions, des incertitudes, des accolades, de la rigolade, des anecdotes, de l’apprentissage au quotidien. Nous travaillons.

Jusqu’à récemment nous étions un réseau d’une cinquantaine des familles et communautés chrétiennes à Paris et IDF. Depuis l’éruption médiatique, notre téléphone ne s’arrête pas de sonner et les e-mails de rentrer : « je voudrais devenir famille d’accueil », « nous n’avons pas beaucoup d’espace mais nous pouvons nous serrer », « je suis âgée mais j’ai la force d’accueillir un réfugié », « j’habite en province et j’ai une grande maison ». Tant de démonstrations de solidarité concrète qui nous rappellent que les gens savent s’organiser si un cadre réaliste est proposé.
Welcome en France est une aventure qui nous permet de découvrir notre humanité commune, notre responsabilité qui va au-delà des frontières, notre obligation comme hommes et femmes croyant que nous pouvons bâtir une société plus juste, plus solidaire, plus fraternelle.

Les prolongements de l’hospitalité
Aujourd’hui nous en sommes au temps de la prise de conscience et de la prise de position collective. Cette convergence s’est cristallisée autour d’une image symbole. Nous ne pouvons pas à la fois condamner des capitaines qui fuient leur navire avant les passagers, les affréteurs de bateaux clandestins, et laisser les responsables politiques débattre indéfiniment sans mettre en œuvre des actions concrètes et durables.

Maintenant nous devons canaliser l’émotion et nous organiser afin de la transformer en action dans la durée. Nous gagnerons à définir des stratégies communes pour interpeller nos décideurs politiques. Ainsi la communauté européenne mûrit et forge son identité. Un des enjeux majeurs, nous semble-t-il, du moment actuel est la mise en relation entre les français et les réfugiés. C’est notre savoir faire, comme association. Nous portons attention à ce que les mises en relations soient réalisées le plus humainement possible, en prenant le temps de connaître les uns et les autres. Ce temps, cette attention est complémentaire à la gestion des chiffres, des listes et des profils par les administrations, les logiciels et les politiques. Cette organisation demande du temps pour être mise en place. Le délai va aussi permettre de mûrir la proposition.

Ensuite vient le moment de penser au temps qui suit l’hospitalité : l’intégration. Nous préparons cela comme tant d’autres avec l’apprentissage du français, ou l’accès à une formation professionnelle pour reconnaitre les savoirs des personnes ou encore autour de rencontres culturelles ou festives. Ici encore l’engagement de l’État, des citoyens et des associations peut se rencontrer pour trouver des réponses adaptées au besoin de notre pays et des personnes. Réjouissons-nous d’avoir des personnes avec des idées neuves qui pourront
contribuer à enrichir notre République et notre économie.

Ce moment historique représente une possibilité de refaire notre humanité, de se découvrir dans le visage de l’autre, de rompre l’individualisme contemporain et de le transformer en solidarité collective.
Gracias-Merci-Thanks-Choukran-Tashakor

Marcela Villalobos Cid
Coordinatrice Welcome en France
Paris, 7 septembre 2015

Dedié avec respect et affection à toutes nos familles et communautés d’accueil, à mes collègues Paul, Pierre, Irinda, Lucile, Laure et Michel, et surtout, à nos moteurs, à ceux et celles qui sont les membres et les esprit de JRS France : Sadegh, Husnia, Omid, Abdullah, Abdellah, Sanjida, Tsion, Ali, Manan, Valeriia, Mohammad, Abraham, Jaafar, Ghiath, Yazan… et la liste continue…

 


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La militance et ses défis aujourd’hui

Julio Gerardi, Collectif québécois de conscientisation

Que veut dire être militant ou militante

Être sujet de sa vie
Être militantE, c’est être sujet de sa vie, devenir une personne, devenir protagoniste. C’est comme une nouvelle naissance, surmonter l’attitude de passivité, de conformisme, la condition de dépendance dans laquelle on vivait ; par exemple en raison de sa condition féminine.

Être sujet d’un combat

Être militantE, c’est être sujet d’un combat. On devient militantE contre et pour quelque chose. On devient militantE « contre », pour réagir, pour protester, par un mouvement d’indignation contre quelque chose. Donc, le besoin de lutter surgit, exigeant de s’opposer à quelque chose, à une forme d’injustice, d’oppression, de discrimination : l’oppression des pauvres, des personnes assistées sociales, des femmes autochtones, la défense des droits violés. Être militantE donc, c’est, dans cette optique, s’identifier aux oppriméEs, aux discriminéEs, aux marginaux, en partageant leur combat.

Marcher à contre courant
D’une façon plus générale, être militantE, c’est marcher à contre-courant, pour se battre pour ses idées et des idéaux qui ne sont pas à la mode. Être miitantE, c’est partager la solitude des marginales et des marginaux; accepter d’être marginalisés par solidarité avec eux et elles.

Se réaliser soi-même avec les autres

Mais encore, être militantE, c’est se réaliser soi-même en tant qu’agentE pour la réalisation des autres. C’est découvrir sa véritable identité avec les autres; surtout avec les marginaux du Québec et du monde entier. C’est un mouvement de générosité, de don de soi; mais qui devient aussitôt un enrichissement, un élargissement de la personne aux dimensions de la communauté, de la classe, du pays, du monde.

Être militantE, c’est découvrir que notre réussite dans la vie ne peut se réaliser qu’avec les autres, dans la même poussée, dans la même combat; parce que je suis les autres, je suis les personnes assistées sociales, je suis les Mohawks, je suis les NicaraguayenNEs. Et pour les chrétienNEs, cette identification passe par Jésus de Nazareth qui est présent dans chacune de nos sœurs et dans chacun de nos frères, surtout les plus souffrants.

S’identifier avec les marginaux en tant que sujets
Mais plus exactement, être militantE, c’est s’identifier avec des marginaux, en tant que sujets; parce qu’aimer, c’est vouloir partager avec les autres; surtout cette expérience de nouvelle naissance, de résurrection qu’est la militance. C’est faire confiance aux marginaux et leur communiquer cette confiance en soi qui a marqué les débuts de notre militance. Ce n’est donc pas se placer dans une attitude de protection, de tutelle, d’assistance, mais de libération et de participation. Ce n’est pas tellement de vouloir faire du bien aux autres, mais créer des conditions pour qu’eux-mêmes puissent choisir leur chemin, puissent prendre en main leur destin.

Un nouveau point de vue

Mais pour tous, être militantEs, prendre parti pour les marginaux en tant que sujets, c’est découvrir un nouveau point de vue sur la vie, la société, l’histoire ; un nouveau système de valeurs, un nouveau projet de vie et de société. Plusieurs font allusion à cette expérience de la prise de conscience, de la prise de partie comme étant une manière de commencer à voir les choses autrement, comme étant la naissance d’une manière plus juste et plus craie d’aborder le réalités. C’est justement le point de vue des pauvres. C’est s’engager, à partir de ces expériences, dans la construction d’une nouvelle culture, d’une culture alternative, d’une culture populaire, nais populaire pas dans le sens où le peuple est objet et soumis, – parce qui il a aussi cette culture populaire qui est une culture dépendante, qui est une culture subalterne-, mais une culture populaire au sens où le peuple devient sujet, engagé dans les luttes et dans la réalisation d’un nouveau projet de société.

Adopter dans ce sens, le point de vue des marginaux en tant que sujets, ça change tout; non seulement sur le plan pratique, mais aussi sur le plan des idées, de la culture. C’est une révolution culturelle, une conversion intellectuelle. C’est remettre en question beaucoup d’idées reçues; des idées dominantes, des valeurs dominantes. C’est remettre en question l’histoire de notre propre pays telle qu’on nous l’a apprise, parce qu’on y découvre beaucoup de mensonges. L’histoire est toujours écrite du point de vue des vaincu, cela change tout. Et surtout cela devient beaucoup plus vrai.

Le point de vue des oppriméEs est plus vrai que celui des oppresseurs, parce que ceux-ci ont intérêt à cacher la réalité, à cacher la violence qu’ils pratiquent, alors que les oppriméEs ont intérêt à ce que la lumière soit faite. Le point de vue des marginaux en tant que sujet est particulièrement important et décisif sur le plan géopolitique, c’est-à-dire par rapport au conflit central de l’humanité; celui qui oppose le nord et le sud, les empires et les peuples, le capitalisme central et le capitalisme périphérique.

Du côté des peuples opprimés
Adopter le point de vue des marginaux en tant que sujets, c’est donc tout d’abord prendre partie dans ce conflit, du côté des peuples opprimés, contre les empires; y compris contre notre propre pays, dans la mesure où il est complice de l’entreprise de domination et d’exploitation des peuples du Tiers-Monde. C’est considérer cette prise de partie non pas comme une solidarité parmi d’autres, avec un combat juste mais lointain; mais comme notre propre combat, comme le plus important de notre militance. C’est considérer la prise de partie aux côtés des peuples opprimés comme une dimension essentielle et fondamentale de notre identité militante.

Et c’est particulièrement vrai sur ce plan géopolitique que la prise de partie pour les marginaux en tant que sujets devient bouleversante pour notre culture, entraîne une remise en question de notre ethnocentrisme, de notre euro-américano-centrisme; d’une culture élaborée du point de vue du capitalisme central, des pays riches, des vainqueurs de l’histoire. Cette culture nous pénètre, même et surtout si nous ne le savons pas. Nous l’avons respirée avec l’air de notre pays. Nous l’avons assimilée sans le savoir avec le lait maternel. Cette culture nous cache des parties très importantes de la réalité. Elle nous cache surtout la violence, les meurtres, les génocides dans notre civilisation occidentales, dont notre pays est coupable et dont nous sommes tous complices, ne serait-ce que par notre silence.

La lutte des Mohawks à laquelle plusieurs font allusion est certainement pour les QuébécoisEs un lieu concret pour exprimer cette prise de partie géopolitique. Elle est en train de devenir un lieu majeur de conscientisation et de révolution culturelle.

L’espérance d’une société alternative
Être militantE c’est enfin être animé par une foi exigeante et par une grande espérance; une foi, une espérance qui vont aussi à contre-courant, qui sont un défi au fatalisme dominant, mais aussi au bon sens; qui sont une alternative au désespoir menaçant. L’espérance est celle d’une société alternative et fraternelle. C’est le projet de société qui est le désir secret de chacun des combats particuliers, des combats partiels que nous menons; la promesse timide et audacieuse de chacune de nos petites réalisations. C’est l’aboutissement naturel de notre prise de partie pour les marginaux en tant que sujets, la construction de cette société, de ce monde où les marginaux d’aujourd’hui seront des sujets d’initiative, de renouveau, de créativité; où les peuples marginaux d’aujourd’hui pourront exprimer leur identité dans un univers libéré, polyphonique et polycentrique.

Julio Girardi
Cahiers de la conscientisation, numéro 10, Collectif québécois de conscientisation, Québec, 1994, pp. 2 à 8.

 


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La grande charte de l’écologie intégrale : clameur de la Terre, clameur des pauvres

Par Leonardo Boff, 15 octobre 2015, DIAL 3344

L’encyclique Laudato si’ a été rendue publique le 24 mai 2015, le jour de la fête de la Pentecôte. Dans un texte du 19 juin 2015, le Brésilien Leonardo Boff, l’un des théologiens de la libération ayant le plus évoqué la question de l’écologie dans ses travaux, commente le texte.

Avant de proposer des commentaires, il est bon de souligner quelques particularités de l’encyclique Laudato si’ du Pape François.

C’est la première fois qu’un Pape aborde le thème d’une écologie intégrale (qui va par conséquent au-delà d’une écologie environnementale) d’une façon aussi complète. Grande surprise : il inscrit le thème dans le cadre du nouveau paradigme écologique, chose qu’aucun document officiel de l’ONU n’a faite à ce jour. Il fonde son discours sur les données les plus sûres des sciences de la vie et de la terre. Il a de ces données une lecture affective (d’une intelligence sensible ou bienveillante), car il entrevoit que ces données dissimulent des drames humains et une grande souffrance, de la part de la Terre mère aussi. La situation actuelle est grave, mais le Pape François trouve toujours des raisons d’espérer et de faire confiance à la capacité de l’être humain à trouver des solutions viables. Il établit un lien avec les Papes qui l’ont précédé, Jean-Paul II et Benoît XVI qu’il cite fréquemment. Et chose absolument nouvelle : son texte s’inscrit dans le cadre d’une collégialité, car il accrédite les contributions de dizaines de conférences épiscopales du monde entier, de celle des États-Unis à celle de l’Allemagne, de celle du Brésil, de la Patagonie-Comahue, du Paraguay. Il prend en compte les contributions d’autres penseurs, comme les catholiques Pierre Teilhard de Chardin, Romano Guardini, Dante Alighieri, son maître argentin Juan Carlos Scannone, le protestant Paul Ricœur et le musulman soufi Ali Al-Khawwas. Nous, tous les êtres humains, sommes ses destinataires car nous sommes tous habitants de la même maison commune (mot très utilisé par le Pape) et nous subissons les mêmes menaces.

Le Pape François n’écrit pas en tant que Maître et Docteur de la foi mais en tant que Pasteur zélé qui prend soin de la maison commune et de tous les êtres, et pas seulement les humains, qui y habitent.

Un élément mérite d’être mis en valeur car il est révélateur de la forma mentis (la manière d’organiser sa pensée) du Pape François. Il est redevable de l’expérience pastorale et théologique des églises latino-américaines qui à la lumière des documents de l’épiscopat latino-américain (CELAM) de Medellín (1968), Puebla (1979) et Aparecida (2007) ont choisi l’option pour les pauvres contre la pauvreté et pour l’émancipation.

Le texte et le ton de l’encyclique sont typiques du Pape François et de la culture écologique qu’il a accumulée, mais je me rends compte également que de nombreuses expressions et façons de s’exprimer renvoient à ce qui se pense et s’écrit en Amérique Latine plus particulièrement.

Les thèmes de « la maison commune », de la « Terre mère », de la « clameur de la Terre et clameur des pauvres », de l’« attention », de l’ « interdépendance entre les êtres », des « pauvres et fragilisés », du « changement de paradigme », de « l’être humain en tant que Terre » qui ressent, pense, aime et vénère, de « l’écologie intégrale », entre autres, sont récurrents parmi nous.

La structure de l’encyclique obéit au rituel méthodologique utilisé par nos églises et par la réflexion théologique en lien avec la pratique de la libération, maintenant assumée et consacrée par le Pape : regarder, analyser, agir et célébrer.

Il commence en révélant sa principale source d’inspiration : Saint François d’Assise, qu’il nomme « exemple par excellence de la protection de ce qui est faible et d’une écologie intégrale », et qui « a manifesté une attention particulière […] envers les pauvres et les abandonnés » (n°10 et 66).

Il commence alors par le regard : « Ce qu’il arrive à notre maison » (17-61). Le Pape affirme : « Il suffit de porter un regard lucide sur la réalité pour voir que notre maison commune est grandement détériorée » (61). Il intègre à cette partie les données les plus solides relatives aux changements climatiques (20-22), à la question de l’eau (27-31), à l’érosion de la biodiversité (32-42), à la détérioration de la qualité de la vie humaine et à la dégradation de la vie sociale (43-47), il dénonce le taux élevé d’injustice planétaire, qui touche tous les espaces de vie (48-52), les pauvres en étant les principales victimes.

Dans cette partie une phrase nous renvoie à la réflexion conduite en Amérique Latine : « Mais aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous empêcher de reconnaître qu’une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres. » (49). Il ajoute ensuite : « les gémissements de sœur terre […] se joignent au gémissement des abandonnés du monde » (53). Ceci est absolument cohérent car au début il a dit que « nous sommes Terre » (2 ; cf. Gn 2,7), tout à fait dans la lignée du grand chanteur et poète autochtone argentin Atahualpa Yupanqui : « l’être humain est Terre qui chemine, qui ressent, qui pense et qui aime ».

Il condamne la proposition d’internationalisation de l’Amazonie qui « servirait uniquement les intérêts économiques des multinationales » (38). Il dénonce avec une grande force éthique les « graves injustices, quand certains prétendent obtenir d’importants bénéfices en faisant payer au reste de l’humanité, présente et future, les coûts très élevés de la dégradation de l’environnement. » (36)

Il constate avec tristesse : « jamais nous n’avions maltraité et dégradé notre maison commune comme pendant les deux derniers siècles » (53). Face à cette offensive humaine contre la Terre mère que nombre de scientifiques ont dénoncée comme étant l’inauguration d’une nouvelle ère géologique – l’anthropocène – il déplore la faiblesse des puissants de ce monde qui, trompés, « pensent que tout peut continuer en l’état » ce qui est un alibi pour « conserver leurs habitudes autodestructrices » (59) dans le cadre d’ « un comportement qui ressemble à un suicide » (55).

Prudent, il reconnaît la diversité des opinions (nn. 60-61) et qu’« il n’y a pas une voie unique vers la solution » (60). Quoi qu’il en soit, « il est certain que l’actuel système mondial est insoutenable de divers points de vue, parce que nous avons cessé de penser aux fins de l’action humaine » (61) et nous nous enfonçons dans la construction de moyens destinés à la thésaurisation sans limites au prix de l’iniquité écologique (dégradation des écosystèmes) et de l’injustice sociale (appauvrissement des populations). L’humanité a tout simplement « trahi les attentes divines » (61).

L’urgent défi consiste donc à « protéger notre maison commune » (13) ; et pour cela nous avons besoin, selon une citation du Pape Jean-Paul II : « d’une conversion écologique globale » (5) ; « culture de protection qui imprègne toute la société » (231).

Après avoir pratiqué la dimension du regard c’est maintenant la dimension de l’analyse qui s’impose. L’analyse se présente selon deux versants, l’un scientifique et l’autre théologique.

Considérons le versant scientifique. L’encyclique consacre la totalité du troisième chapitre à l’analyse « des racines humaines de la crise écologique » (101-136). Le Pape s’y propose d’analyser la techno-science sans préjugés, ouvert à ce qu’elle a apporté de « choses réellement valables pour améliorer la qualité de vie de l’être humain » (103). Le problème n’est pas là, mais dans le fait qu’elle a pris son indépendance, a inféodé l’économie, la politique et la nature dans la perspective de l’accumulation de biens matériels (cf. 109).

 La techno-science découle d’une hypothèse erronée qui est « la disponibilité sans fin des biens de la planète » (106), alors que nous savons que nous avons déjà atteint les limites physiques de la Terre et qu’une grande partie des biens et services, n’est pas renouvelable. La techno-science s’est transformée en technocratie, véritable dictature à la logique de fer de domination de tout et de tous (108).

La grande illusion, aujourd’hui dominante, consiste à croire que par la techno-science on peut résoudre tous les problèmes écologiques. C’est une idée trompeuse car « elle implique d’isoler des choses qui sont toujours reliées entre elles » (111). En réalité « tout est lié » (117, 120), affirmation qui parcourt l’ensemble du texte de l’encyclique comme une ritournelle, car c’est un concept-clé du nouveau paradigme contemporain. La grande limite de la technocratie consiste à « fragmenter les savoirs et perdre le sens de la totalité » (110). La pire des choses est de « ne pas reconnaître la valeur propre de chaque être et même de nier la valeur particulière de l’être humain » (n. 118).

La valeur intrinsèque de chaque être, si minuscule soit il, est mise en avant de façon permanente dans l’encyclique (69), comme le fait la Charte de la Terre. En niant cette valeur intrinsèque nous empêchons que « chaque être communique son message et rende grâce à Dieu » (33).

La déviation la plus importante provoquée par la technocratie est l’anthropocentrisme. Ce dernier fait l’hypothèse illusoire que les choses n’ont de valeur que dans la mesure où elles rentrent dans le cadre d’une utilisation humaine, oubliant que leur existence a, en elle-même, une valeur (33). S’il est vrai que tout est lié, alors « comme êtres humains, nous sommes tous unis comme des frères et des sœurs dans un merveilleux pèlerinage, entrelacés par l’amour que Dieu porte à chacune de ses créatures et qui nous unit aussi, avec une tendre affection, à frère soleil, à sœur lune, à sœur rivière et à mère terre. »

(92) Comment pouvons-nous prétendre les dominer et les considérer dans une optique étroite de domination ?
Toutes les « vertus écologiques » (88) se perdent à cause de la volonté de pouvoir comme domination des autres et de la nature. Nous vivons une angoissante « perte du sens de la vie et du désir de vivre ensemble » (110). Il cite parfois le théologien italo-allemand Romano Guardini (1885-1968), l’un des plus lus au milieu du siècle passé, qui a écrit un livre critique des prétentions de la modernité (105 note 83 : Das Ende der Neuzeit, 1950, traduction française : La Fin des temps modernes, 1950).

L’autre versant de l’analyse est de nature théologique. Une partie importante de l’encyclique est consacrée à « L’Évangile de la Création » (62-100). Il commence en justifiant l’apport des religions et du christianisme, car la crise étant globale, chaque instance doit, avec son capital religieux, contribuer au soin de la Terre (62). Il n’insiste pas sur les doctrines mais sur la sagesse présente dans les divers chemins spirituels. Le christianisme préfère parler de création au lieu de nature, car la « création a à voir avec un projet d’amour de Dieu » (76). Plus d’une fois il cite un beau texte du livre de la Sagesse (11,24) où il apparaît clairement que la « création appartient à l’ordre de l’amour » (77) et que Dieu est « le Seigneur aimant de la vie » (Sag 11,26).

Le texte s’ouvre à une vision évolutionniste de l’univers sans utiliser ce mot, il construit une périphrase lorsqu’il fait référence à l’univers « composé de systèmes ouverts qui entrent en communion les uns avec les autres » (79). Il utilise les principaux textes qui unissent le Christ incarné et ressuscité au monde et à tout l’univers, rendant la matière sacrée et avec elle toute la Terre (83). Et dans ce contexte il cite Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955 ; 83, note 53) en tant que précurseur de cette vision cosmique.

Le fait que Dieu-Trinité soit une relation de personnes divines a pour conséquence que toutes les choses en relation soient des échos de la Trinité divine (240).Il cite le Patriarche œcuménique de l’Église orthodoxe Bartholomée pour qui « un crime contre la nature est un crime contre nous-mêmes et un péché contre Dieu » (8). D’où l’urgence d’une conversion écologique collective qui restaure l’harmonie perdue.

L’encyclique conclut avec pertinence cette partie : « cette observation de la réalité nous montre déjà en soi la nécessité d’un changement de direction […], essayons à présent de […] sortir de la spirale d’autodestruction dans laquelle nous nous enfonçons. » (163) Il ne s’agit pas d’une réforme, mais, en référence à la Charte de la Terre, de chercher « un nouveau commencement » (207). L’interdépendance de tous avec tous nous porte à « penser à un monde unique, à un projet commun » (164).

Puisque la réalité présente des aspects multiples, tous intimement liés, le Pape François propose une écologie intégrale qui va bien au-delà de l’écologie environnementale à laquelle nous sommes habitués (137).
Elle couvre tous les champs, l’environnemental, l’économique, le social, le culturel ainsi que la vie quotidienne (147-148).

Il n’oublie jamais les pauvres qui témoignent aussi d’une forme d’écologie humaine et sociale en faisant vivre entre eux des liens d’appartenance et de solidarité réciproques (149).

Le troisième niveau méthodologique est l’action. Dans cette partie, l’encyclique se réfère aux grands thèmes de la politique internationale, nationale et locale (164-181). Il souligne l’interdépendance du domaine social et de l’éducation avec le domaine écologique et déplore les difficultés qu’entraîne la prééminence de la technocratie, ce qui rend difficiles les changements susceptibles de refréner l’avidité de thésaurisation et de consommation, et qui pourraient fonder un monde nouveau (141). Il reprend le thème de l’économie et de la politique qui doivent servir au bien commun et à créer les conditions de l’avènement d’une plénitude humaine (189-198). Il insiste de nouveau sur le dialogue entre la science et la religion, comme le suggère le grand biologiste Edward O. Wilson (cf. le livre The Creation : An Appeal to Save Life on Earth [La création : un appel à sauver la vie sur la Terre, non traduit], 2006). Toutes les religions « doivent chercher à prendre soin de la nature et prendre la défense des pauvres » (201).

Dans la perspective de l’action il lance à l’éducation le défi de créer une « citoyenneté écologique » (211) et un nouveau style de vie qui s’appuie sur l’attention, la compassion, la sobriété partagée, l’alliance entre l’humanité et l’environnement – car tous deux sont reliés par un cordon ombilical –, la coresponsabilité à l’égard de tout ce qui existe et vit et au nom de notre destin commun (203-208).

Enfin, le moment de la célébration. La célébration a lieu dans un contexte de « conversion écologique » (216) qui implique une « spiritualité écologique »(216). Celle-ci découle non tant des doctrines théologiques que des motivations que la foi suscite pour prendre soin de la maison commune et « nourrir une passion pour le soin du monde » (216). Semblable vécu est avant tout une mystique qui incite les personnes à vivre l’équilibre écologique, « au niveau interne avec soi-même, au niveau solidaire avec les autres, au niveau naturel avec tous les êtres vivants, au niveau spirituel avec Dieu » (210). Il apparaît ici qu’il est vrai que « moins c’est plus » et que nous pouvons être heureux avec peu.

Dans le cadre de la célébration « [l]e monde est plus qu’un problème à résoudre, il est un mystère joyeux que nous contemplons dans la joie et dans la louange. » (12)
L’esprit tendre et fraternel de Saint François d’Assise traverse tout le texte de l’encyclique Laudato si’. La situation actuelle n’est pas le signe d’une tragédie annoncée mais un défi destiné à nous faire prendre soin de la maison commune ainsi que les uns des autres. Il y a dans ce texte légèreté, poésie et joie dans l’Esprit et un espoir indestructible en ce que si la menace est grande, plus grande encore est l’opportunité de trouver une solution à nos problèmes écologiques.

Il conclut poétiquement « Au-delà du soleil », par ces mots : « Marchons en chantant ! Que nos luttes et notre préoccupation pour cette planète ne nous enlèvent pas la joie de l’espérance. »(244) J’aimerais terminer par les paroles finales de la Charte de la Terre que le Pape lui-même cite (207) : « Faisons en sorte que notre époque soit reconnue dans l’histoire comme celle de l’éveil d’une nouvelle forme d’hommage à la vie, d’une ferme résolution d’atteindre la durabilité, de l’accélération de la lutte pour la justice et la paix et de l’heureuse célébration de la vie ».

Leonardo Boff, 15 octobre 2015, DIAL

 


 

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