La 3ème Guerre mondiale
En cette époque de relativisme planétaire où les vies au Sud ne comptent pas tandis que les victimes au Nord sont offertes en pâtures sur nos écrans, il est difficile de résister aux dictats de la propagande sans se voir aussitôt ostracisé. Les appels à la guerre se généralisent comme s’il s’agissait d’une fête à célébrer alors que les appels à la paix sont à peine audibles.
La guerre est une source de distraction qui empêche l’humanité de se concentrer sur sa destinée commune. Elle divise les nations et donne à la haine l’occasion de devenir l’air que nous respirons. Pendant une guerre, tous les criminels peuvent devenir des généraux et ces derniers des criminels. Sous couvert de rationalité, la propagande interdit de penser et de chercher des voies vers la paix. Les guerres sont toujours des questions d’intérêts, de territoires à conquérir, mais surtout de richesses naturelles pour maintenir son niveau de vie. Hitler parlait du territoire allemand qui n’était pas assez grand pour satisfaire aux besoins de sa nation. Aujourd’hui, ce sont les multinationales qui engloutissent les territoires et les peuples qui y vivent.
La semaine dernière, à Berlin, il y a eu une manifestation de plusieurs milliers de personnes en faveur de négociation de paix avec la Russie. En regardant les photos, j’ai été étonné de constater que la majorité avait plus de 60 ans. Quel paradoxe ! Les mêmes qui manifestaient contre les missiles nucléaires à moyenne portée en Europe dans les années 1980.
Les plus de 55 ans ont grandi avec la menace nucléaire. À l’époque, le slogan des jeunes punks et de toute une génération était : « No future !» et la pensée dominante le nihilisme ou l’espoir au point zéro. On y croyait vraiment, les bombes atomiques nous pendaient au-dessus de la tête et la guerre froide était l’antichambre de l’apocalypse. Pour nous, la chute du mur de Berlin a été une immense respiration d’espoir. Une ère de paix allait enfin commencer.
Je ne pense pas être victime de la propagande ennemi, puisque les Russes sont nos ennemis désormais. J’écoute d’anciens conseillers du gouvernement américain, un ancien ambassadeur en poste à Moscou pendant 30 ans, des professeurs d’universités, des généraux à la retraite ou Henry Kissinger avec qui je n’ai jamais été d’accord sur rien. Tous s’entendent pour dire que l’OTAN a mis les doigts dans l’engrenage et que l’issu risque d’être fatal.
Philosophiquement, je me mets à réfléchir sur l’espèce humaine qui au moment où elle prend conscience de l’éminence de sa perte inéluctable si elle ne change pas son mode de vie pour devenir plus frugale, s’engage dans une troisième guerre mondiale pour en finir au plus vite avec ses questions angoissantes qui pèsent sur sa conscience. « Plus rien à foutre! » « Tant qu’à y être, faisons tout péter! » « Après nous le déluge, ou plutôt l’hiver nucléaire. »
Laissons une chance à la paix!
Yves Carrier
L’ignorance comme richesse des peuples
Par Raymond Labrecque
En lisant ce texte du philosophe allemand Günther, je me suis souvenu des propos à peu près similaires qu’avait tenus Antoine Rivard, Solliciteur général de la province de Québec sous le régime de Maurice Duplessis. En voici le texte qui avait été cité par Le Devoir et La Presse :
« Lors d’un discours devant les membres du club Kiwanis-Saint-Laurent, durant les années 1950, Antoine Rivard tient à faire l’éloge du bas niveau scolaire des Québécois de l’époque : « Nous, Canadiens français, nous sommes issus d’une longue tradition d’ignorance et de pauvreté, tradition que nous devons conserver. Nos ancêtres avaient la vocation de l’ignorance et ce serait une trahison que de trop instruire les nôtres. »
Sans doute qu’il y a encore des personnes pour penser ainsi, hélas!
C’est en 1956 que le philosophe Allemand Günther Anders écrivit cette réflexion prémonitoire :🏾
« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut surtout pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes archaïques comme celles d’Hitler sont nettement dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif en réduisant de manière drastique le niveau & la qualité de l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle.
« Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations matérielles, médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste… que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements abrutissant, flattant toujours l’émotionnel, l’instinctif. »
« On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon avec un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de s’interroger, penser, réfléchir. »
« On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme anesthésiant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité, de la consommation deviennent le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté »
Günther Anders
«L’obsolescence de l’homme» 1956.
Le monde occidental et son hypocrisie
Par Mario Gil Guzman
Le monde occidental organise des rencontres internationales sur le développement, mais il encourage un pays à s’autodétruire au nom de l’Occident.
Il parle de démocratie, mais aussitôt qu’un groupe de personnes veut s’autodéterminer, revendiquer leur propre mode de vie, leur existence collective, ils se font bombarder, leur économie est sanctionnée, ils sont déplacés et stigmatisés.
Le monde occidental dépense beaucoup d’argent et de ressources pour organiser des rencontres : La COP28, la COP15, puis le Forum de Davos, où plus de mille jets privés sont venus en polluant davantage que 350 000 voitures qui feraient un parcours de 750 km chacune.
Après il s’engage à protéger le 30% de la biodiversité d’ici 2030, c’est dans 7 ans, mais ils avancent à pas de tortue.
Le gouvernement canadien donne 200 véhicules blindés aux Ukrainiens, ainsi que les Espagnoles, les Allemands, etc. Une guerre qui va nous précipiter dans le gouffre d’une guerre mondiale, contre les humains, contre la vie, contre l’environnement.
Ils disent vouloir protéger 30% de la biodiversité et donner des milliards de dollars pour la conservation de l’environnement, mais après avoir détruit la Russie, après avoir pollué et balayé les territoires hostiles à l’Occident.
Mais pas question de pardonner les dettes aux pays du sud, pas question d’un dialogue de paix en Europe, pas question de passer à une ère de paix. Pas question non plus de condamner le coup d’État au Pérou, ou bien la génocide en Palestine, ou bien la barbarie au Yémen.
Les peuples sont toujours ceux qui payent pour préserver les intérêts des puissants, des riches qui cherchent à avoir le contrôle des ressources, à détruire la concurrence, à conserver le pouvoir et les ressources. Les peuples payent de leur vie leurs idées du développement et de la démocratie.
Pablo Picasso, Guernic
Témoignage d’un homme courageux
Anonyme
Je partage généralement à quel point ma vie semble être belle au lieu d’être authentique. J’ai fait semblant d’être heureux, me cachant derrière un masque social pendant si longtemps que je ne me souvenais même plus de qui j’étais ni de mon but, de mes objectifs et de ce mes passions.
La plupart d’entre nous le font… Malheureusement.
Ce comportement toxique devient une stratégie d’adaptation quand la vie n’est pas comme nous l’avions prévu.
Ce masque représente 6 ans en faisant semblant de réussir, j’aime la vie mais en vérité ; la seule chose pour laquelle j’étais bon c’était d’être un grand acteur. Je suis devenu très autodestructeur, je pensais que je méritais de ressentir ça.
Je ne fais plus semblant ni ne porte de masque social et j’espère que mon humble expérience aidera les autres à faire de même.
Quant à vous qui vous sentez bien et heureux, vraiment heureux. Donnez l’exemple et montrez de l’empathie envers les gens qui ont besoin d’aide. Personne n’a imaginé sa vie dans 5 ans et n’a prévu de dormir sur un banc pendant l’hiver.
Tout le monde est confronté à des défis à un moment donné et quand cela arrive, nous sommes sans voix de tout l’amour, le soutien et la compréhension de nos proches.
Mais nous avons la mauvaise habitude (moi inclus) que dès que nous allons mieux, nous oublions rapidement et commençons à juger ce que nous ne comprenons pas au lieu de montrer de l’empathie ou simplement d’écouter les gens que nous aurions pu être sans l’aide de notre famille et de nos amis .
Je sentais que je devais quelque chose aux médias sociaux. La vérité…. La vérité, c’est normal de ne pas être bien. Il m’a fallu 36 ans pour enfin lâcher prise, réaliser que mon ego était mon pire ennemi et comprendre que peu importe ce que les gens pensent. On s’en fout de toute façon, sérieusement.
Ma vie est un gâchis depuis 6 ans, je ne pouvais pas accepter de partager ce que je ressentais, combien de regret j’avais, j’ai enterré tous mes sentiments au lieu de les vivre et de me pardonner.
Le dernier livre que j’ai lu d’un psychiatre appelé Scott Peck a commencé comme ça : La vie est difficile.
Si vous comprenez ce simple fait, alors chaque jour vous semblera beaucoup plus facile. J’aurais dû lire ça il y a longtemps. La vie vous jettera parfois des balles courbes mais c’est normal de ne pas se sentir bien, ça s’appelle une émotion. Vous n’avez pas besoin de pilules ou autre. Fixez-le, sentez-le, vivez-le et comprenez-le.
On dit que devenir parent est la plus belle chose au monde. Alors j’ai fait semblant que c’était le cas. J’ai toujours voulu des enfants, mais comme je pensais que j’avais tout compris et que j’avais le plein contrôle de ma vie, je me suis convaincu que c’était ok. C’était ok de me sentir déprimé, de me sentir avoir perdu le contrôle de ma vie, perdu mon instinct et oublié ce qui était important dans ma vie en plus d’être un bon père.
J’ai subi une grosse dépression pendant 6 ans. Ce n’est toujours pas facile, mais j’ai les outils et les raisons de garder mon esprit et mon cœur motivés et en paix. Je gère et gère ce qui peut être changé aujourd’hui. Ne réfléchissez pas trop aux choses que vous ne pouvez pas contrôler.
Laissez à l’univers le soin de décider et de se concentrer sur vous-même. C’est le meilleur cadeau que vous puissiez vous offrir et aux personnes que vous aimez.
Quand j’ai réalisé que j’avais tous les signes de dépression, je ne pouvais pas regarder l’idée de montrer ce que je ressentais à qui que ce soit, alors j’ai commencé à me soigner automatiquement.
Pendant des années, j’ai pris de la drogue pour passer la journée. J’ai réussi à construire des maisons et à développer mon agence, mais personnellement, c’était une question de temps avant de toucher le fond.
J’ai arrêté de consommer et j’ai recommencé quelques fois pendant 3 ans. Je pensais que tout reviendrait à la normale quand je n’en prenais pas, mais vivre une émotion sans médicaments ni drogues n’est pas chose facile à réapprendre. Quand vous le faites, c’est sans aucun doute la meilleure récompense pour réaliser que ce n’est pas si difficile après tout. Vous pouvez tous le faire ! La méditation est un médicament !
Le mois dernier, j’ai décidé d’aller commencer une thérapie pendant 28 jours. C’était la meilleure décision de ma vie. Ils disent que tout le monde, à un niveau différent, traverse la dépression pendant la trentaine. Il représente la fin de l’idéologie de qui vous pensiez devenir et la renaissance de qui vous êtes et choisissez d’être. Qui j’étais était loin de ce que j’avais prévu.
Chaque jour maintenant, j’aime la personne que je deviens. Je me concentre sur ce que j’ai et je suis simplement heureux.
Bon lundi.
Absence d’indexation pour la défense des droits
Communiqué de presse
Les groupes, toujours sans engagement de la ministre Rouleau, s’invitent au Ministère de la solidarité sociale et de l’action communautaire.
Québec, 1er mars 2022 – Les groupes de défense de droits de la région ont rendu visite à la ministre Rouleau afin de lancer un cri d’alarme, ils sont mis sous pression et n’auront bientôt pas d’autres choix que de faire des mises à pied, de sabrer dans les conditions de travail ou de réduire leur offre de services. Les groupes veulent obtenir des engagements de la ministre Rouleau, à qui ils demandent au minimum d’indexer leur subvention en fonction de l’augmentation des frais de fonctionnement.
Rappelons qu’à l’instar du reste du réseau d’action communautaire, le secteur de la défense collective des droits souffre d’un sous-financement historique. Or, d’ici quelques mois, l’ensemble des avancées en matière de financement des cinq dernières années vont être balayées sous le tapis par la pression qu’exerce l’inflation sur les groupes.
« On a beau revirer la situation de tous les côtés, rien n’y fait, avec une inflation à 6% et des subventions qui stagnent, on n’aura pas d’autre choix que de couper dans la masse salariale. Avec la pénurie de main-d’œuvre c’est déjà extrêmement difficile d’être concurrentiel et d’attirer les candidat-e-s, là on va carrément perdre du monde », illustre Nicole Dionne du Bureau d’animation et d’information logement.
Les groupes de défense de droits font face à une pression accrue alors que la précarité grandissante d’une grande partie de la population pousse de plus en plus de personnes vers les organismes. « Par exemple, au BAIL, on fait actuellement face à un nombre d’appels jamais vu. On aurait besoin de deux ou trois travailleur-se-s supplémentaires pour répondre à la demande dans un délai raisonnable », explique la porte-parole.
Il y a actuellement beaucoup de colère et d’incompréhension parmi les groupes de défense de droits « On se sent abandonné par le gouvernement Legault, qui nous a fait de belles promesses, mais qui aujourd’hui nous laisse carrément tomber », explique Vania Wright-Larin du Regroupement d’éducation populaire des régions de Québec et Chaudière-Appalaches. C’est vraiment révoltant de se retrouver dans cette situation alors que le gouvernement déposait un nouveau plan d’action gouvernemental en matière d’action communautaire, il y a moins d’un an. On sent qu’il y a un avant et un après la réélection de la CAQ », poursuit le porte-parole.
Les groupes demandent à la ministre Rouleau de s’engager dès maintenant à inclure le maintien du niveau de financement des groupes de défense de droits. « La nouvelle ministre Chantal Rouleau doit se mouiller et s’engager dès le budget de mars à maintenir le niveau de financement des groupes de DCD et appliquant la même indexation que le gouvernement a accordée aux programmes soit 6.44%, c’est une question de survie pour nos groupes. Le temps presse et on a besoin de réponse », a fustigé Anne-Valérie Lemieux Breton du Regroupement des groupes de femmes de la Capitale-Nationale.
Philosophie et théologie ubuntu
Par Juan José Tamayo,
4 février 2023
Amerindia
L’archevêque Desmond Tutu (1931-2021) a développé l’Ubuntu comme conception africaine du monde et pratique communautaire pour lutter contre l’apartheid et décoloniser la théologie africaine colonisée pendant des siècles par la culture et le christianisme occidental. Ce fut la philosophie qu’il appliqua dans la Commission pour la vérité et la réconciliation qu’il présida en Afrique du Sud.
La philosophie ubuntu
Ubuntu est à la fois un concept philosophique et un principe d’organisation politique et social central aux peuples de langues bantoues qui exprime les liens de solidarité entre ces peuples. « Les populations qui parlent bantou doivent être ouvertes à coopérer avec tous les êtres humains, décidés à remplacer les dogmes mortifères du fondamentalisme économique par la logique féconde de l’être, préférant la préservation de la vie humaine à travers la collaboration à la poursuite égoïste du profit ». Ramose préfère parler de l’human-ité africaine que de l’humaniste africain.
Le concept éthique ubuntu souligne les liens et les relations entre les personnes à la recherche de « l’harmonie cosmique », expression qui imprègne la politique, le droit, la religion et la vie quotidienne. Il s’agit d’une éthique de la réciprocité, de l’interdépendance et de la fraternité dont la base est l’idée qu’une personne se réalise seulement à travers les autres. La philosophie ubuntu se situe aux antipodes du dogme de la compétitivité de la globalisation capitaliste qui soumet la dignité et le droit humain à la production de bénéfices illimités et l’éthique aux assauts du marché. Elle se situe également aux antipodes des différents types de fondamentalismes qui sont tous dogmatiques.
Dans la majorité des langues africaines d’origine, il y a deux maximes qui résument la philosophie ubuntu : Motho ke moto ka bathou et Feta kgomo o tsware motho. Selon la première, l’être de la personne consiste à affirmer sa propre humanité à travers la reconnaissance de l’humanité des autres et en établissant des relations humaines fondées sur le respect mutuel.
Il y a deux principes philosophiques qui les soutiennent. Le premier, que l’être humain individuel est un sujet porteur de valeur intrinsèque, c’est-à-dire, qu’il mérite la dignité et le respect. Le mépris d’un autre être humain se convertit en mépris envers soi-même. La considération que chacun a de soi-même doit être égale à celle qu’il a pour l’autre. Le second principe c’est que le sujet est humain seulement dans le contexte des relations avec les autres êtres humains.
Feta kgomo o tshware motho signifie que la personne doit faire un choix déterminant entre l’accumulation de biens (la richesse) et la défense de la vie des autres êtres humains, et qu’il doit prendre parti pour la préservation de la vie. L’être humain n’est pas seulement un pourvoyeur de valeurs, mais la valeur des valeurs, affirme Ramose, qui, depuis cette philosophie, critique le fondamentalisme économique où la souveraineté de l’argent a remplacé l’être humain comme valeur fondamentale. En conséquence, la philosophie ubuntu des droits humains n’est pas une tradition obsolète, mais un défi légitime à la logique létale de l’appât du gain au détriment de la préservation de la vie.
Selon le philosophe mozambicain Severino Elias Ngoenha, la philosophie ubuntu constitue un apport théorique et pratique important au débat de la philosophie politique autour de l’idée de justice. « La véritable question globale d’aujourd’hui – dans le sens qui interpelle les relations entre les groupes à l’intérieur de toutes les sociétés, mais aussi la relation entre les différentes parties du monde – c’est la justice » (Ngoenha, Ubuntu : nouveau modèle de justice glocale, inédit). La philosophie africaine réclame d’abord la justice comme reconnaissance de la dignité humaine et après comme droit à la souveraineté politique. L’intérêt pour les questions de justice conduit à poser des questions qui transcendant le continent africain.
Le philosophe de la République démocratique du Congo, Jean-Bosco Kakozi, spécialiste en études africaines et afro latino-américaines, élargit l’horizon sémantique d’Ubuntu en le définissant comme la « justice restauratrice » qui fut appliquée dans le processus de réconciliation en Afrique du Sud et intéressa philosophiquement des penseurs européens comme Jacques Derrida et Paul Ricœur. La justice qui propose le concept opérationnel ubuntu se concrétise dans le rétablissement des relations détruites par le tord qui a affecté un autre être humain et la mise en cause du coupable qui a rompu l’harmonie universelle de la force vitale.
Ubuntu dans la praxis et la théologie de Desmond Tutu
La philosophie ubuntu constitue le référent théorique, l’horizon religieux et l’orientation politique dans la praxis et la théologie de l’archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu, issu du peuple Xhosa, qui se fit connaître dans sa lutte contre l’apartheid et reçu le Prix Nobel de la Paix en 1984. Ce fut lors du discours de réception du prix qu’il résuma la philosophie ubuntu en ces termes : « Je ne suis seulement que si tu es ». L’archevêque présida la Commission de la Vérité et de la réconciliation après l’arrivée au pouvoir de Nelson Mandela en 1994 et il appliqua la philosophie ubuntu dans le processus de réconciliation.
Desmond Tutu fut une figure fondamentale en Afrique du Sud au cours des quarante dernières années et il a été un pivot dans la lutte antiraciste et la réconciliation de l’Afrique postapartheid. Son travail politique, religieux et théologique fut déterminant dans l’élaboration d’une pensée où convergent la tradition et la culture africaines et la tradition chrétienne.
La clé de cette rencontre féconde est la cosmovision ubuntu.
Tutu considère l’ubuntu comme l’essence de l’être humain qui exprime comment mon humanité est unie inséparablement à la tienne. Face au cartésianisme : « Je pense, donc je suis », la philosophie ubuntu défend le principe : « Je suis parce j’appartiens à ». Pour être une personne, j’ai besoin des autres êtres humains. L’être auto-suffisant est sous-humain. « Je ne suis que si tu es totalement toi. Je suis parce que nous sommes. Nous sommes créés par un réseau subtile de relations, d’interdépendance avec les autres êtres humains, avec le reste de la création ». Ubuntu exprime des attributs spirituels comme la générosité, l’hospitalité, la compassion et le partage, que Tutu traduit politiquement, éthiquement et théologiquement.
Ce qui caractérise une personne avec ubuntu, selon Desmond Tutu, c’est l’ouverture et la disponibilité envers les autres, c’est de ne pas se sentir menacé quand les autres sont bons dans quelque chose, parce que cette personne qui vit selon l’ubuntu est sûre d’elle-même en sachant qu’elle appartient à une grande totalité qui est affectée lorsque d’autres personnes sont humiliés ou dépréciées, torturées ou opprimées.
À l’heure de définir le concept ubuntu, l’archevêque anglican mit l’emphase sur l’expérience chrétienne de la relation comme opposée à d’autres formes sociales de communautarisme. Influencé par la spiritualité anglicane, il surmonte certaines tendances de la philosophie africaine qui tend à dévaloriser l’individuel.
L’être humain comme être de relations, n’implique pas de dévaloriser l’individualité, mais plutôt de construire une communauté interdépendante. L’interdépendance est une idée centrale dans la philosophie ubuntu que Tutu fait sienne et incorpore à sa réflexion théologique et à son activité politique. L’interdépendance est primordiale entre les êtres humains qui deviennent des personnes quand ils vivent dans un environnement d’interaction entre différentes cultures. Hors de cet environnement, l’être humain ne peut survivre.
Traduit de l’espagnol par Yves Carrier
La crise du Brésil et du Monde : tragédie ou drame ?
Leonardo Boff, Amerindia, 11 février 2023
Au Brésil, nous sortons finalement d’une profonde crise qui a presque détruit les fondements non seulement de notre démocratie, mais aussi de notre civilisation. Nous avons été dominés par une barbarie dont les acteurs, dans leur majorité, étaient de véritables criminels. Nous respirons politiquement un air de décence, de volonté ferme de garantir la démocratie et l’État de droit démocratique. Que jamais plus ne survienne la tragique et insolite déprédation des trois palais sacrés qui font fonctionner notre gouvernement.
Guère mieux et avec des traits de tragédie est la situation générale du monde avec la croissante dégradation de la planète, l’augmentation déjà incontrôlable du réchauffement global qui inaugure un nouveau régime climatique, pour le pire, à tel point que lors de la tenue de la COP sur le climat en Égypte en novembre 2023, le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutterez a averti : « Soit nous concluons un pacte de sécurité climatique ou un pacte de suicide collectif ». Ce sont des paroles sérieuses prononcées par un homme sérieux.
La crise planétaire est non seulement conjoncturelle, mais structurelle, elle détruit notre sens de vivre ensemble. Cela peut être une tragédie aux résultats dévastateurs, comme dans le théâtre grec, ou un drame dont la fin sera heureuse comme dans la liturgie chrétienne. Cela dépend de nous et de notre capacité à décider si ce sera une chose ou bien l’autre. Mais la conscience s’accroit que nous approchons du moment où nous devons décider. Dans le cas contraire, la crise cessera d’être un drame pour devenir une tragédie collective, comme nous en a prévenus sagement le Secrétaire général des Nations unies.
Depuis l’arrivée de l’existentialisme, particulièrement avec Sören Kierkegaard, la vie est comprise comme un processus permanent de crises et de résolution de crises. Ortega et Gasset démontra dans un fameux essai écrit en 1942, que l’histoire, en raison de ses ruptures et de ses recommencements, possède la même structure que la crise. Elle obéit à la logique suivante :
1) L’ordre dominant n’a plus de sens évident;
2) Commence la critique et la perception que se lève un mur devant nous, pour cela règnent le doute et le scepticisme;
3) Il est urgent de prendre une décision qui créée de nouvelles certitudes dans un autre sens; comment décider si on ne voit pas clair? Mais sans décision il n’y aura pas de sortie à la crise;
4) La décision prise, même avec certains risques, s’ouvre un nouveau chemin et un autre espace pour la liberté. La crise a été surmontée. Commence un ordre nouveau.
La crise représente la purification et l’opportunité de croissance. Il n’est pas nécessaire d’avoir recours aux caractères chinois de crise pour savoir la signification de cela. Il suffit de rappeler son origine plus ancestrale en sanscrit, matrice des langues européennes. En sanscrit, crise vient de kir ou kri qui signifie purifier et laver. Alors, le crise représente un processus critique d’épuration de l’essentiel: seul le véritable et le substantiel demeurent, l’accidentel et l’ajouté disparaissent. À partir de l’essentiel se construit un ordre nouveau.
Mais tout ce processus de purification ne se fait pas sans coupures ni ruptures. De là la nécessité d’une décision. La « dé-cision » opère une scission avec la situation antérieure et inaugure le nouveau. Ici, peut nous aider à comprendre le sens grec du mot crise. En grec, krisis signifie la décision prise par un juge ou un médecin (un verdict). Le juge pèse et sous-pèse les pours et les contres tandis que le médecin conjugue les différents symptômes; alors ils prennent une décision sur le type de sentence ou de traitement pour la maladie. Ce processus décisionnelle se nomme « krisis ». Une fois la décision prise, la crise disparaît. L’évangile de Saint-Jean utilise 30 fois le mot « crise » dans le sens de décision. Jésus comparait comme « la crise du monde », puisque, lors de son procès, il oblige les personnes à décider en sa faveur ou à son encontre.
Au Brésil, nous remettons toujours à plus tard la résolution des crises en effectuant un saut qualitatif devant les profondes injustices sociales envers les pauvres, la population noire, les quilombolas, les autochtones, desquels, il y a quelques jours, nous apprenions tristement le véritable génocide du peuple yanomami.
On concilie toujours sous prétexte de la gouvernabilité et ainsi on préserve les privilèges des élites. La crise du capitalisme est connue. C’est un système pervers qui est parvenu à prendre le contrôle de toute la planète avec son industrialisme et son rêve illusoire d’une croissance illimitée. Il est, non seulement l’humanité, le facteur principal de la crise du système-vie et du système-Terre. Ses grandes corporations avec leurs dirigeants et leurs techniciens sont davantage préoccupés de sauvegarder leurs profits que de prendre des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et libérer la planète d’une tragédie annoncée.
C’est un système si bien huilé qu’il fonctionne de lui-même comme un robot, mettant en danger l’équilibre de la planète qui doit garantir la subsistance de nos vies. Soit nous surmontons ce système d’un industrialisme vorace, soit il rendra la planète inhabitable pour eux et pour tous.
Platon dit bien qu’au milieu des crises de la culture grecque: « Les grandes choses n’arrivent qu’en tourbillon ». Avec la dé-cision, le tourbillon et la crise disparaissent et nait un nouvel espoir. Pouvons-nous espérer cela pour notre génération soumises à tant de menaces ?
Le « espérancer » de Paulo Freire peut nous inspirer: il faut non seulement attendre que les choses adviennent pour le bien, mais créer les conditions objectives pour que l’espoir se transforme en un ordre nouveau dans lequel, selon les mot du Maître: « la société ne soit pas si mauvaise et où l’amour ne soit pas si difficile ».
*Leonardo Boff est philosophe et éco-théologien. Il a écrit : À la recherche de la juste mesure: le pécheur ambitieux et le poisson enchanté, Vozes 2022.
Des nouvelles du CAPMO
Collectif TRAAQ
Le comité conseil des organismes communautaires continuent ses rencontres avec la Ville de Québec. Une conférence de presse sera donnée en mars pour informer la population des détails de la mise en place de la tarification sociale et de son fonctionnement. La prochaine assemblée générale du Collectif TRAAQ aura lieu au Centre Durocher le jeudi 23 mars de 13 h 30 à 16 h.
Événement Romero 2023
En collaboration avec Développement et Paix et le Carrefour d’éducation à la solidarité internationale de Québec, le CAPMO organise le vendredi 24 mars une conférence de solidarité avec l’Amérique latine. À cette occasion, nous recevrons Maria Raquel Soto, militante écologique d’Antioquia en Colombie. La soirée qui aura lieu à la salle 2 de la Maison de la coopération et de l’économie solidaire, 155 boul. Charest Est à Québec, débutera à 18 h par un repas salvadorien avec contribution volontaire.
Journée de réflexion et de ressourcement
Autour du thème des mythes fondateurs de la Nouvelle-France
Kondiaronk, Marie-de-l’Incarnation et Samuel de Champlain
Vendredi le 7 avril au 2ème étage du 435 rue du Roi à Québec
Soirée mensuelle du 20 avril 2023
Les échelles de revenus avec Vivian Labrie de l’IRIS
2ème étage du 435 rue du Roi à Québec
Soirée mensuelle du 18 mai 2023
« NOUS, Portraits de l’assistance sociale »
Animée par le Collectif pour un Québec sans pauvreté
Brunch du CAPMO
18 juin 2023 au Centre Mgr Marcoux à Québec de 9 h à midi.