Ça roule au CAPMO, mars 2021

Une vision d’éternité

Par Yves Carrier

Les périodes de crise produisent des instants de vérité où la perfidie et la cupidité sont révélées comme autant d’actes de lâcheté, un peu comme si la morale, tout à coup, retrouvait ses lettres de noblesse. Les grandes catastrophes ont aussi ce même effet. En un sens, c’est rassurant, l’humanité n’est pas fondée uniquement sur les prévisions de Wall Street.

En ce moment, nous sommes empêtrés dans un dilemme gordien, si nous ne vaccinons pas assez vite la population mondiale, le virus va muter et le vaccin deviendra inefficace, mais voilà les sociétés pharmaceutiques refusent de renoncer à leurs brevets qui engendrent de prodigieux profits.

Si on oublie la tragédie qui se dessine derrière une telle myopie issue de la cupidité d’hommes déjà super riches, les générations futures qui auront survécu au grand bouleversement, pourront dire en analysant le cours des événements historiques, que l’argent ne se mange pas.

D’un point de vue individuel, la mort et le deuil sont aussi des circonstances qui nous obligent à décanter le sens de cette longue traversée qu’est la vie sur Terre. Au bout de nos jours, qu’aurons-nous fait de valable qui vaille la peine qu’on se souvienne de nous ? Est-ce que notre engagement aura eu un sens ? Serons-nous parvenus à un certain degré de sagesse et de sérénité? Aurons-nous transmis quelque chose de tangible? Est-ce que les gloires éphémères traduiront l’extase d’une vanité accrue? À chacunE de répondre.

Mais de ce côté de la réalité, dans l’en deçà où un grand nombre perd sa vie à la gagner dans une quête futile du bonheur matériel, combien auront su apprécier la valeur pérenne des actes gratuits posés en faveur d’autrui? À ce chapitre, de nombreux saintEs s’ignorent et pour le commun des mortels qui croisent leur route, ils et elles passent totalement inaperçus. Enfouis derrière un sourire aimant ou un regard bienveillant, en silence ils exécutent leurs tâches quotidiennes loin des feux de la rampe. Discrets, on ne les reconnait qu’au tout dernier moment, simple comme une forêt dont on ne saurait dire quel arbre est le plus important. Auréolés d’une présence sensible, ils et elles prodiguent l’amour autour d’eux. Souvent cachés derrière des peaux ridées, les anges passent en silence sans qu’on y porte trop attention. Doucement, sur la pointe des pieds, ils nous précèdent, nous laissant entrevoir des lueurs d’éternité. Ineffables, leurs vibrations douces comme la caresse des rayons du soleil au printemps, nous pénètrent et nous enveloppent.

Serait-ce là quelques prémices d’un bonheur profond enfoui au-dedans de nous? De l’au-delà, ils nous observent, curieux de savoir si nos cœurs haletants trouveront le chemin du retour, enfin délivrés du fardeau d’une réalité opaque.


Des petits mots aux gros maux

Par Robert Lapointe

Les mots, même les plus courants, revêtent en général plusieurs sens, à commencer par le littéral (sens propre) et le figuré. Leurs significations varient aussi selon les disciplines et les secteurs d’activité. Prenons le mot « arbre ». Dans le domaine de la botanique, il désigne un végétal, alors qu’utilisé dans le contexte de l’informatique, il désigne une structure de données.

Les mots ont également diverses connotations (ou significations secondes) : péjorative, améliorative, poétique, ironique… Ainsi « voiture » a une valeur neutre, contrairement à ses synonymes « bagnole », « bazou », « bolide », « caisse », « carrosse », « minoune ».

Des mots tombent en désuétude, d’autres saturent l’espace public au gré des événements. Les « pandémie », « coronavirus », « confinement », « présentiel », « distanciation », « télétravail », « autonomie alimentaire », « crise sanitaire », « complotiste », « suprémaciste », « variant » nous envahissent depuis 2020.

Les mots nous conditionnent et façonnent la réalité, et le font de façon insidieuse, lorsque utilisés là où des enjeux économiques et sociaux sont cruciaux. En voici quelques exemples.

Autonomie

L’autonomie est définie communément comme la capacité, pour un individu ou un groupe, de se gouverner soi-même, d’établir ses propres règles, et la capacité de quelqu’un à ne pas être dépendant d’autrui.

Le terme sert dans plusieurs domaines, dont les relations industrielles. Ainsi en contexte de prestation de travail, l’autonomie signifie la capacité de l’employé à bien identifier et exécuter les directives. Cette « qualité » déjà prisée des employeurs est appelée à l’être encore davantage, maintenant que pour cause de pandémie, le télétravail est bien installé.

Au printemps dernier, le télétravail angoissait les gestionnaires, qui cherchaient des moyens de vérifier la productivité d’employés lâchés lousses à la maison. L’angoisse des gestionnaires a disparu assez vite, grâce à l’autodiscipline, que l’on pourrait traduire par l’autonomie, des télétravailleurs trop heureux de conserver un salaire. Dans un tel contexte, l’autonomie signifie la capacité des employés à gérer leur assujettissement.

 Ressources humaines

Avec l’essor qu’a pris le domaine des relations industrielles à compter des années 1980, la gestion du personnel s’est « scientifisée ». Dès lors exit le personnel, et place aux ressources humaines, qui seraient désormais gérées suivant des critères objectifs (scientifiques) d’efficacité et d’efficience. Ce faisant, le travailleur et la travailleuse ont été ramenés au rang des matières premières, des immeubles et des outils de travail. Ils sont devenus un capital variable que l’on peut presser, congédier ou délocaliser à volonté. En même temps que la disparition du substantif « personne »contenu dans l’identité « personnel » apparaît une ressource qui n’a plus d’humain que l’adjectif.

Racisé

Le terme désigne des personnes discriminées en raison de leur appartenance à un groupe dont l’existence n’est pas reconnue, c’est-à-dire une race qui serait différente d’une autre race, laquelle, précisons-le, n’existe pas davantage. Cela m’apparaît paradoxalement comme une justification du racisme, car ce qu’il faut, c’est éliminer l’idée même de la race.

Islamophobie

Il est compréhensible que l’on puisse avoir peur d’une religion. Au nom d’un dieu ou d’un autre, tellement de gens ont été tués, et sont tués encore aujourd’hui. La religion, n’importe laquelle, produit des saints et des assassins, et souvent ce sont les mêmes. Or le mot « islamophobie » permet aux intégristes, ou djihadistes, ou salafistes, de se présenter comme les défenseurs de l’Islam et les protecteurs des musulmans, contre les méchants Occidentaux qui haïraient leur religion. Mais les premières victimes sont souvent des musulmans. Un autre effet de l’islamophobie est qu’elle conduit à accorder à certaines catégories de population des avantages ou des privilèges indus.

Et cetera

D’autres termes pourraient faire partie de ma nomenclature : intersectionnalité, développement durable, gouvernance, islamisme politique. Au final, il importe que tous, nous apprenions à déceler les multiples significations que recèlent les mots, car les mots sont les instruments des idéologies. Cela vaut d’autant pour les groupes communautaires, qui sont des constituants clés de la société civile, et pour notre organisme même, le CAPMO.

Décoder les mots, ne pas être à la remorque des groupes et des individus qui utilisent les mots galvaudés, refuser le prêt-à-penser commode qui vient avec ces mêmes mots : là est la clé de l’autonomie sociopolitique.


Brèves

Une junte stupide?

« Je pense que cela serait vraiment stupide de leur part de faire un coup d’État, mais nous sommes en Birmanie, alors, qui sait? »

Ainsi s’exprimait la journaliste(rattachée au média en ligne The News Lens) Aye Min Thant le 31 janvier dernier avant d’aller au lit.

Quelques heures plus tard, c’est l’affolement dans tout le pays. Aung San Suu Kyi, cofondatrice de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) en 1988, prix Nobel de la paix en 1991 et chef du gouvernement de facto depuis 2016, a été arrêtée par l’armée, avec d’autres leaders.

Pourquoi ce coup d’État est-il stupide, selon Aye MinThant? Parce que la junte militaire a pris soin de conserver l’essentiel du pouvoir entre ses mains, et ce faisant a même pu aller jusqu’à obliger la prix Nobel à répondre en personne, devant la Cour internationale de justice, eu égard à la répression exercée par les militaires à l’encontre des Rohingyas, la minorité musulmane.

Mais ce coup d’État est-il vraiment stupide? Il faut peut-être évoquer Machiavel pour comprendre. Ce qui passe actuellement en Birmanie comporte un aspect psychologique, voire spirituel. La libération d’Aung San Suu Kyi, qui fut assignée à résidence de 1990 à 2010 pratiquement sans discontinuer, et son accession au pouvoir ont ébranlé la junte, qui a senti qu’elle perdait tranquillement le contrôle de la situation. Mais les choses changent, la jeunesse birmane est courageuse et déterminée, et ce pays ne retournera pas en arrière.

(Source : Courrier international, no 1579 du 4 au 10 février 2021)

Rapportées par Robert Lapointe

 


La peur

Par Francine Bordeleau

Lorsque l’Organisation des Nations unies (ONU) a consacré1975 Année internationale de la Femme, Clémence Desrochers, grande pionnière de l’humour au féminin, ne pouvait qu’en tirer profit. De fait, il en est résulté le monologue intitulé : « L’Année de la femme » (« L’A. de la F. »), à la fin duquel le personnage conférencière féministe mis en scène par Clémence se désole : « C’est rien qu’un an. Je ne sais pas qu’est-ce que je vais faire l’année prochaine. »

Même si, au cours du presque demi-siècle qui s’est écoulé depuis, les femmes ont fait leur place au soleil, l’ouvrage n’a franchement pas manqué.

Car de l’ayatollah Khomeiny, héros de la révolution islamique iranienne de 1979, à l’ex-président américain Donald Trump, de Marc Lépine, auteur de la tuerie de l’École polytechnique de 1989, au producteur hollywoodien Harvey Weinstein, de Silvio Berlusconi, chef du gouvernement italien (par intermittence) de 1994 à 2011, au président russe Vladimir Poutine, dont le gouvernement a décriminalisé la violence conjugale en 2017, il s’est toujours trouvé quelqu’un pour se targuer de remettre les femmes à leur « vraie » place.

La pandémie de COVID-19, grand révélateur des inégalités et des fractures sociales (à l’instar de toutes les crises sanitaires), n’a rien arrangé. Les foyers où règne un homme violent étaient déjà des prisons, et le confinement et le couvre-feu en ont opacifié les murs et les barreaux. Il se passe là des tragédies inaudibles, jusqu’à ce que surviennent un viol ou un meurtre.

L’empire de la menace

Le 1er mars, Myriam Dallaire, 28 ans, et sa mère, Sylvie Bisson, ont été tuées à coups de hache dans leur maison de Sainte-Sophie. Avec ce double assassinat, le Québec enregistrait cinq féminicides en moins d’un mois.

Cela a fait dire au premier ministre François Legault, en ouverture de son point de presse du 3 mars : « Il n’y a rien de masculin, il n’y a rien de viril à être violent avec une femme. »

Cette violence extrême que constitue le féminicide n’est, d’une certaine façon, que la pointe de l’iceberg sexiste. La masse immergée, c’est la multitude de violences quotidiennes, et banalisées, qui parsèment l’existence des femmes et qui peuvent être résumées par un vocable : intimidation.

L’intimidation, elle vient de cet inconnu qui, dans la rue, vous regarde monter l’escalier de votre appartement; du voisin qui, vous sachant seule, fait un ramdam de tous les diables au beau milieu de la nuit; du gros gars qui prend la peine de baisser la vitre de son gros char pour vous crier des bêtises pendant que vous attendez le bus; du quidam qui vous dévisage ou vous interpelle…

C’est ainsi que sur l’existence des femmes pèse une menace insidieuse. C’est ainsi que pour la moitié de la population du Québec, mieux vaut être riche et avoir un char qu’être pauvre et à pied.

 

Le droit de faire pipi

Il faut toutefois le dire : les Québécoises sont dans une bien meilleure posture que la majorité des femmes de la planète.

À l’heure actuelle, le fondamentalisme religieux est assurément le pire fléau en ce qui concerne les droits des femmes. Il sévit dans les pays de confession musulmane, mais n’épargne pas l’Occident, à commencer par les États-Unis, où les fondamentalistes chrétiens mènent une guerre de tous les instants contre l’avortement.

La religion est la façon la plus commode de justifier la misogynie. Ainsi en Russie, l’influence de la puissante Église orthodoxe aurait été pour beaucoup dans la décriminalisation de la violence conjugale en 2017.Or selon Rosstat, l’agence officielle de statistiques nationale en Russie, 16 millions de femmes sont agressées physiquement par leur partenaire chaque année (source : Tamara Alteresco, ici. Radio-canada.ca, 2 mars 2021). Qu’un gouvernement tolère une telle situation est scandaleux.

À la religion s’ajoutent les us et coutumes. En Inde, le manque d’accès à de simples toilettes a longtemps été un problème criant, qui commence seulement à être résorbé, au point d’être le thème du film Toilet: A Love Story, une comédie bollywoodienne typique de Shree Nadayan Singh sortie en 2017.

Faute de toilettes dans leur propre maison ou dans les lieux publics, les femmes cherchent des endroits discrets et isolés, qui deviennent autant de lieux où sévissent les prédateurs sexuels. Du coup, des femmes s’abstiennent le plus possible de boire et de manger, ce qui conduit à de nombreux problèmes de santé. De là est né, dans les années 2010, le mouvement Right To Pee (Le droit de faire pipi).

 

8 mars

Depuis quelque temps, d’aucuns en Occident, et peut-être plus particulièrement en Amérique du Nord, s’interrogent sur la pertinence du 8 mars, Journée internationale des femmes.

À ceux-là, on rappellera cette phrase de l’écrivaine torontoise Margaret Atwood : « Les hommes ont peur que les femmes se moquent d’eux. Les femmes ont peur que les hommes les tuent. »

Le risque d’être tuée uniquement parce qu’on est une femme est bien présent ici même en Amérique du Nord et au Québec, comme partout ailleurs. Ne serait-ce que parce que les hommes sont physiquement plus gros que les femmes.

 

 

 

 

 

 


Sur les chapeaux de roues… nouvelles du TRAAQ

Par Catherine Rainville

Bien le bonjour à vous toutes et tous! Je suis Catherine Rainville : l’heureuse élue qui a comme mandat de remplacer Émilie Frémont-Cloutier à l’animation du TRAAQ pour l’année 2021.

 

Mais qui suis-je?

Je suis native de la ville de Québec et jeune maman de deux enfants. J’ai effectué un parcours universitaire en science politique. Le dernier emploi que j’ai occupé était dans un organisme communautaire écologiste et visait à promouvoir l’écocitoyenneté dans nos communautés (et à les outiller pour ce faire).

J’ai la fibre progressiste, féministe et écologiste! Comme toutes les personnes qui convergent vers le CAPMO, je suis préoccupée par les enjeux de justice sociale, de justice environnementale et de justice entre les peuples.

C’est donc un réel plaisir pour moi d’œuvrer aux côtés des membres du comité du suivi du TRAAQ à la défense de l’accessibilité au transport en commun et à rendre notre ville plus inclusive pour toutes les personnes à faible revenu.

 

Le TRAAQ : mais quelle belle initiative citoyenne!

Au moment où j’écris ces lignes, je viens de compléter un premier mois de présence au TRAAQ. Je constate toutes les réalisations qui ont été effectuées depuis la création en 2013 du comité Transport… Et je suis admirative devant tout le travail qui a été fait et tout le coeur qui y a été mis jusqu’à présent. Wow!

Toutes les personnes qui se sont investies, à un moment ou un autre, au comité Transport ou au TRAAQ peuvent être sincèrement fières du chemin parcouru.

Une militante de la première heure – Monique Toutant – nous a rappelé au début janvier à quel point le TRAAQ était un projet parti de zéro. Des discussions citoyennes sur la situation du transport à Québec se sont transformées en un travail collectif pour faire naître et grandir ce qui est devenu le TRAAQ. Elle notait aussi que ce projet était sans doute prêt maintenant à grandir encore.

Pour l’année 2021, mon objectif comme animatrice sociale sera de soutenir le TRAAQ dans cette direction qu’il souhaite prendre. Concrètement, j’espère pouvoir apporter une contribution significative au niveau de la réflexion stratégique et au niveau du renforcement des capacités internes du TRAAQ (d’organisation, de communication et de mobilisation).

 

N’hésitez pas à communiquer avec le TRAAQ !

Vous avez des préoccupations, des questions ou des idées à nous faire part? Il nous fera réellement plaisir d’en prendre connaissance! Écrivez-nous à transportscapmo@gmail.com

Parce que la mobilité est un droit!

Site internet: traaq.org

transportscapmo@gmail.com

Facebook : traaq

 

 

 

 

 


Un mot de la nouvelle présidente du conseil d’administration

Bonjour à tous et à toutes!

Je m’appelle Claudia Fuentes, et j’habite au Québec depuis 30 ans. Lorsque je suis arrivée à  Québec, en 1996, j’avais laissé ma famille à Montréal et je ne connaissais personne dans la Capitale Nationale. J’ai donc cherché un lieu d’ancrage et d’engagement dans lequel joindre mes mains, ma tête et mon cœur. Et sans tarder, j’ai trouvé le CAPMO, qui correspondait tellement à mes valeurs et à mon besoin d’engagement.

J’y ai trouvé des bras ouverts, aux participantEs et au monde entier, des gens attentifs et intéressés au vécu concret des plus vulnérables d’ici et d’ailleurs. Cette conscience que, indépendamment de nos croyances, ce qui fait de nous une très grande famille ce sont les valeurs que nous partageons et où nous voulons aller, quel monde nous voulons construire ensemble. Ce qui caractérise le CAPMO pour moi est aussi ce souci de garder les pieds bien enracinés sur le sol de notre réalité locale et mondiale, le “ici et maintenant” de mon bloc appartement et aussi de partout dans le monde où se trouvent des frères et sœurs partageant ce souci de justice sociale et de bienveillance mutuelle. Être conscient de mon voisin juste à côté pour qu’on arrange tous ensemble notre maison commune. Pour “rêver logique”, comme disait Yvette Muise, ancienne membre. Mais aussi cette conscience que notre “famille” est bien plus large que le ici et maintenant, plus large dans le temps et l’espace, que ce projet d’un monde vraiment juste, digne, humain, est un projet dans lequel nous nous insérons mais aussi qui nous dépasse, qui nous englobe.

Je voudrais vous dire à quel point c’est un honneur pour moi d’occuper ce poste de présidente du C.A. du CAPMO, et à quel point c’est pour moi un poste de service. J’aimerais être à votre disposition pour veiller à ce que nous restions toujours bien éveillés à nos valeurs de fraternité, sororité, accueil, transformation sociale dans le but d’un monde plus juste, inclusif, humain. C’est notre responsabilité, à nous qui avons le privilège d’être vivants sur cette Terre, de l’arranger pour qu’elle soit aussi belle qu’elle peut l’être, aussi belle que le meilleur qui est en nous, et je suis tellement contente de pouvoir vivre cela avec vous! Pour paraphraser Paulo Freire: « Personne ne se sauve seul et personne ne sauve personne. On grandit ensemble. »

Bonne route à chacun, et sachez que je serai toujours à votre disposition pour m’assurer que le CAPMO reste ce foyer d’accueil, de partage et d’action.

Au plaisir,

 

Claudia Fuentes

 


Nous rendons la Terre malade et elle nous rend malade à son tour

Par Leonardo Boff, philosophe et écologiste brésilien

En 2019, l’irruption du Coronavirus a révélé la connexion intime qui existe entre la Terre et l’humanité. Selon la nouvelle cosmologie (vision scientifique de l’univers), les êtres humains forment une seule et même entité avec la Terre. Nous participons de sa santé et aussi de son mal-être.

Isaac Asimov, scientifique russe, fameux pour ses livres de science fiction, à la demande de la revue New York Times ( du 9 octobre 1982) pour commémorer le 25ème anniversaire du lancement de la fusée Spoutnik qui inaugura l’ère spatiale, écrivit un article sur l’héritage de ce quart de siècle de conquête spatiale.

Le premier legs, disait-il, était la perception que depuis la perspective des vaisseaux spatiaux, la Terre et l’humanité ne formaient qu’une seule entité, c’est-à-dire, un être unique, complexe et divers, contradictoire et doté de grand dynamisme.

Le second legs était l’irruption de la conscience planétaire: construire la Terre et non simplement les nations était le grand projet.

La Terre et l’humanité ont une destinée commune. Ce qui se passe chez l’une, se produit aussi chez l’autre. Si la Terre tombe malade, elle rend aussitôt malade l’être humain et réciproquement, si l’être humain tombe malade, la Terre aussi le devient. Nous sommes unis pour le bien et pour le mal.

À l’heure actuelle, toute la Terre et chaque personne, sont attaquées par la Covid-19, particulièrement au Brésil, victime d’un chef d’État malsain qui ne se préoccupe pas de la vie de son peuple. Tous, d’une manière ou d’une autre, nous nous sentons malades physiquement, mentalement et spirituellement.

Pourquoi sommes-nous arrivés à cela? La raison réside dans la Covid-19. Il est erroné de la voir détaché de son contexte. Ce dernier se trouve dans la façon que nous avons organisé notre société depuis trois siècles. Nous avons procédé au pillage illimité des biens et des services de la Terre pour l’enrichissement de l’être humain. Cette visée nous a conduit à occuper 83% de l’espace terrestre en déboisant, en contaminant l’air, l’eau et les sols.

Selon les mots de l’intellectuel français Michel Serres, nous avons mené une guerre totale contre Gaïa, l’attaquant sur tous les fronts sans avoir aucune possibilité de la vaincre. La conséquence a été la destruction des habitats de milliers d’espèces de virus. Pour survivre, ils ont sauté sur d’autres animaux et de ceux-ci jusqu’à nous.

La Covid-19 représente une contre-attaque de la Terre contre l’agression systématique montée contre elle. Nous avons rendu la Terre malade et elle nous a passé sa maladie à travers une gamme de virus comme le Zika, la Chicungunya, l’Ébola, la grippe aviaire et d’autres. Comme nous formons avec la Terre une unité complexe, nous tombons malades avec elle. Et si nous devenons malades, nous finissons par la rendre malade. Le coronavirus représente cette symbiose sinistre et létale.

De façon générale, nous devons comprendre que la réaction de la Terre à notre violence se révèle par la fièvre (le réchauffement global), qui n’est pas une maladie, mais qui indique la présence d’une maladie: le haut degré de pollution par les gaz à effet de serre qu’elle ne parvient plus à digérer et son incapacité de continuer à nous offrir ses biens et services naturels.

Le 22 septembre 2019, nous avions atteint le point de surcharge de la Terre, c’est-à-dire, le moment où nous commençons à entamer ses réserves vitales, excédant la quantité de biens et services que le système de reproduction de la vie est capable de nous procurer en une année. Nous sommes dans le rouge et nous avons entre les mains un chèque sans fonds.

Pour avoir le nécessaire et, pire, pour maintenir le niveau de consommation somptueux et le gaspillage des pays riches, nous devons lui arracher par la force ses « ressources » pour satisfaire à la demande des consommateurs. Jusqu’à quand la Terre supportera-t-elle cela ?

Nous savons qu’il existe neuf limites planétaires que nous ne pouvons pas dépasser sans menacer la vie et notre projet de civilisation. Quatre de celles-ci ont déjà été transgressées. La conséquence c’est que nous avons moins d’eau, moins de nutriment, moins de récoltes, davantage de désertification, plus d’érosion de la biodiversité et des autres éléments indispensables à la vie.

Ainsi, notre type de relation mortifère est la cause principale de la maladie de la Terre qui, à son tour, nous rend malades. Pour cette raison, presque tout le monde, spécialement à cause de l’isolement social et des mesures hygiéniques, se sent prostré, dévitalisé, irritable, en un mot, piégé dans un cauchemar dont nous ignorons la fin. La mort de milliers d’êtres chers, sans que nous ayons pu les accompagner et leur faire nos derniers adieux avec un deuil inévitable,  nous consterne et met en échec le sens de la vie et du futur de notre vivre-ensemble sur cette planète.

D’un autre côté, par cet arrêt forcé, nous apprenons que ce qui nous sauve ce ne sont pas les mantras du capitalisme et du néolibéralisme : le profit, la compétition, l’individualisme, l’exploitation illimitée de la nature, l’exigence d’avoir un État famélique et la centralité du marché. Si nous avions suivi ces « pseudo valeurs », nous serions tous victimes. Ce qui est en train de nous sauver, c’est la valeur centrale de la vie, de la solidarité, de l’interdépendance de tous avec tous, la protection de la nature, un État bien équipé pour répondre aux demandes sociales, particulièrement celles des appauvris, la cohésion de la société devant celle du marché.

Nous nous apercevons qu’en prenant davantage soin de tout, nous récupérons la vitalité des écosystèmes, qu’en améliorant nos aliments, en les produisant d’une manière plus organique, qu’en décontaminant l’air, en protégeant les eaux, les forêts et les jungles, nous nous sentons plus en santé et qu’en faisant cela nous rendons aussi la Terre plus saine et qu’elle retrouve sa vitalité.

Ce que la Covid-19 nous a montré de manière brutale, c’est que l’équilibre Terre et humanité a été brisé. Nous sommes devenus trop voraces, arrachant à la Terre ce qu’elle ne peut plus nous donner. Nous ne respectons pas les limites d’une petite planète, avec des biens et des services limités.

Auparavant, notre culture a créé un projet irrationnel de croissance illimitée comme si les biens et services de la Terre étaient eux aussi illimités.

Cette illusion perdure dans presque tous les esprits des entrepreneurs et des chefs d’État.

Même si cela demeure ambigüe par nature, la Covid-19 nous a permis de récupérer notre véritable humanité. Celle-ci est faite d’amour, de solidarité, d’empathie, de collaboration et de la dimension humaine-spirituelle qui sait mettre à leur place véritable les biens matériels sans en faire des absolus. Cette dimension accorde bien plus de valeur aux biens intangibles comme ceux que nous avons mentionnés. Les biens matériels doivent demeurer derrière, parce que les valeurs véritables, nous les emportons avec nous pour l’éternité et qu’elles constituent notre identité définitive.

Combien plus amicaux seront nos relations avec la nature et plus coopératives celles entre nous, plus la Terre sera revitalisée et cette dernière, nous rendra la santé. Nous nous soignons ensemble et ensemble nous célébrons notre vivre-ensemble terrestre.

Traduit de l’espagnol par Yves Carrier


Qu’est-ce que l’Écoféminisme ?

Par Ivone Gebara, théologienne brésilienne

 Il semble que nous soyons de continuels inventeurs de nouveaux mots simples ou composés. L’invention correspond au besoin de rendre compte de ce que nous vivons, ainsi nous condensons en un mot de nouvelles postures et découvertes. L’Écoféminisme est un mot composé d’écologie et de féminisme. Il démontre la relation intime qui existe entre la lutte pour la sauvegarde de la planète et ses biomes et le féminisme comme lutte quotidienne et plurale pour le droit des femmes dans une société aussi inégale que la nôtre (Brésil).

À partir des années 1970, l’Écoféminisme nait de la prise de conscience des femmes en différents endroits du monde. Ce courant de pensée dénonce la relation intime qui existe entre les injustices sociales envers les femmes et la destruction de l’environnement. Autant les femmes que la planète dans sa diversité furent généralement considérées comme des « objets » d’usage et d’abus pour la logique du capitalisme de la propriété privée, de la marchandisation et de l’exploitation, tant de la main-d’œuvre de plusieurs que des ressources naturelles.

Des femmes réduites à être le « deuxième sexe », des êtres obéissants, procréatrices, « objet de lit et de table », perçurent la connexion réelle et symbolique de leur corps avec l’exploitation de la planète au bénéfice d’une minorité privilégiée. La planète Terre a cessé d’être un habitat pour tous les êtres, leur milieu de vie, d’alimentation, d’accueil et de protection. Elle est divisée, saccagée, ses populations indigènes exterminées, les forêts et les rivières dévastées et utilisées pour fournir des bénéfices et des richesses à des groupes toujours plus réduits, issus principalement des pays les plus riches.

Depuis ses premiers essais pour systématiser sa pensée, l’Écoféminisme s’efforce de dénoncer ces maux et d’organiser des groupes d’études, des congrès internationaux, ayant pour objectif de dénoncer ces formes conjointes d’exploitation et de proposer des solutions à cette triste situation. Il est devenu une nouvelle vision anthropologique qui reflète la vie humaine dans son interdépendance et sa complexité. Dans cette perspective, il dénonce les initiatives d’une vision qui réduit la planète à la réalisation de projets technologiques d’exploitation du sol, des eaux et de l’air, en créant un environnement toujours plus nocif à la vie, particulièrement celle des plus vulnérables. Le développement capitaliste ne fait pas qu’agresser la nature et de nombreux groupes humains, mais il affecte particulièrement la vie des femmes. À partir de la division sociale du travail et d’une sensibilité fine au soin des autres, les femmes ont souffert dans la lutte pour la préservation de la vie: Devant se procurer de l’eau et des aliments sains dans des conditions de pénurie pour plusieurs familles, surtout dans les périphéries des grandes villes où le manque d’eau potable, d’énergie électrique, de transports et de systèmes sanitaires, est une réalité toujours présente pour la majorité des femmes.

Dans sa dimension politique, l’Écoféminisme a contribué à la création de groupes nationaux et internationaux qui ont exigé des gouvernements une réglementation rigoureuse de l’exploitation minière, de la construction des barrages, du détournement des rivières, de l’emploi des herbicides et insecticides.

Dans une perspective écoféministe, des femmes se concertent et agissent avec différents groupes pour venir en aide à d’autres femmes victimes d’exploitation sexuelle et d’utilisation de leur force de travail comme main d’œuvre esclave dans différentes activités domestiques.

Par ailleurs, on constate que les femmes et leur progéniture, en raison de leur plus grande stabilité domestique, sont plus vulnérables aux catastrophes naturelles qui se produisent en raison des agissements désastreux des entreprises capitalistes. C’est pourquoi plusieurs groupes s’organisent dans différents endroits du monde pour dire NON à ces initiatives qui promettent le progrès et le bien-être, mais sont en réalité des menaces à la vie et au bien commun.

Au moyen de l’Écoféminisme, des groupes de femmes s’organisent pour effectuer des pressions sociales et politiques pour que les plans néfastes des gouvernements et des entreprises ne soient pas réalisés.

Dans une tentative de comprendre leurs objectifs à court et longs termes, cela a exigé de nombreux groupes de femmes un apprentissage du fonctionnement des exploitations minières ou de la construction des barrages. Dans cette ligne, la vie à la ville et à la campagne a demandé aux groupes de femmes un élargissement de leurs horizons afin de comprendre et d’agir sur le monde réel souvent admis par les hommes parce qu’il leur fournit du travail même si cela se fait au détriment de la vie et particulièrement de la vie des femmes.

Nous sommes en train de nous éduquer à faire face et à embrasser, pour nous et nos enfants, des causes bien plus grandes que nos possibilités. Nous exigeons des explications dans « notre langue et avec notre langue », des projets qu’on nous présente comme poursuivant le bien commun.

Dans un premier temps, nous ne comprenions rien ou presque rien à ce qu’ils nous expliquaient, mais maintenant nous avons appris à interroger, à poser des questions et à demander des exemples, pour entendre quelque chose. Après, nous nous réunissions et avec l’aide de certains professionnels de bonne volonté s’étant proposés pour nous aider. nous essayons de comprendre les impacts qu’auront ces projets sur nous et de notre environnement. Ainsi, notre oui et notre non, peuvent être plus clairs et engagés envers nos idées et les besoins de la vie. C’est une partie de la pédagogie écoféministe que plusieurs femmes en différents endroits du monde utilisent pour essayer de changer les relations entre les humains et la planète. La vie nous démontre que nous sommes en train d’y parvenir.

Traduit du portugais par

Yves Carrier

 


La pandémie, un an après

Par Boaventura de Sousa Santos, économiste, Université de Coimbra au Portugal.

Même si la mort n’a pas encore frappé à la porte, la pandémie du nouveau coronavirus a mis dans chaque foyer un souffle insidieux d’insécurité, d’effondrement de nos routines les plus familières, d’un futur ayant de nombreux tunnels et peu de lumières. Le paradoxe, c’est que la pandémie a révélé dramatiquement la fragilité de la vie humaine à la veille où l’humanité exhibe son immense potentiel technologique pour transformer la vie, la fameuse quatrième révolution industrielle, la révolution de l’intelligence artificielle.

La pandémie est un drame planétaire, mais la fragilité effective qu’elle provoque s’avère très sélective. Elle a affecté principalement les populations déjà vulnérabilisées par les pandémies antérieures, celles dont elles ont été victimes depuis des décennies sinon des siècles: les pandémies de la pauvreté, de la faim, du chômage, du manque d’accès aux soins de santé et à l’habitat, de la discrimination raciale et sexuelle, de la brutalité policière.

Le plus grave, c’est qu’avant la pandémie le mal-être de la grande majorité de la population mondiale était déjà grand et il dominait dans les conversations, des bulletins d’information aux discours politiques. Deux propositions anti-systémiques en émergeaient : les manifestations dans les rues et la croissance de l’extrême-droite. La pandémie a ajouté une autre couche de dramatisme aux incertitudes sur notre futur. L’idéologie dominante depuis les années 1980 qui disait: « il n’y a pas d’alternative », semble être devenue une idée suicidaire.

La Covid-19 demeurera avec nous pendant plusieurs années. Nous allons entrer dans une période de pandémie intermittente dont les caractéristiques précises demeurent à déterminer. Le jeu entre notre système immunologique et les mutations du virus n’ont pas de règles très claires et, pour cela, nous devrons vivre dans l’insécurité, aussi émouvantes que soient les avancées de la médecine moderne et des vaccins. Nous avons peu de certitudes. Nous savons que la récurrence des pandémies est associée au modèle de développement et de consommation dominants, au changement climatique, à la contamination des rivières et à la destruction des forêts. Nous savons que la phase aigüe de cette pandémie (possibilité de contamination grave) ne se terminera pas avant que 60 à 70% de la population mondiale soit immunisée.

Nous savons que l’augmentation exponentielle des inégalités sociales à l’intérieur de chaque pays et entre les pays, et le fait que la grande industrie pharmaceutique (la Big Pharma) ne veule pas céder les brevets de production (les vaccins peuvent être le nouvel or liquide), rendra plus difficile encore cette tâche. Nous savons que les politique d’État et le comportement des citoyens sont décisifs. Le moindre ou le meilleur succès dépendra de la combinaison spécifique de la vigilance épidémiologique, de la réduction de la contagion à travers des quarantaines, de l’efficacité de l’arrière-garde hospitalière et de l’attention aux vulnérabilités spéciales. Les erreurs et les négligences ont produit un géronticide et d’autres formes de darwinisme social contre des populations appauvries ou discriminées pour des motifs ethniques, raciales ou religieux. Finalement, au cours de cette pandémie, nous savons que le monde européen et nord-américain a démontré la même arrogance que celle avec laquelle il a traité le monde non-européen au cours des cinq derniers siècles.

Et comme supposément toute la connaissance technique proviendrait du monde occidental, il n’a pas été possible d’apprendre des Chinois lorsqu’ils ont démontré qu’ils savaient comment réagir à ce virus. Bien avant que les gouvernements européens se rendent compte de l’importance du port du masque, la Chine avait déjà obligé sa population à l’utiliser. Actuellement, la géostratégie des vaccins de la Big Pharma prétend démontrer la supériorité de la « science occidentale » sur les vaccins en provenances d’autres régions, comme la Russie, la Chine ou Cuba, avec des conséquences encore imprévisibles.

Face à cela se profilent trois scénarios : la fuite,  le maquillage et la transition civilisationnelle. La fuite est l’alternative proposée par les super riches. Comme le monde devient un endroit trop dangereux en raison des pandémies, de la pollution, du changement climatique, de la menace d’une guerre nucléaire, des manifestations et de la criminalité, ils proposent de changer de planète, de construire des colonies spatiales ou de préparer des bunkers souterrains somptueux. Mais cette proposition anarco-capitaliste du futur s’avère hors d’atteinte des citoyens moyens (99,9% de l’humanité). Nous ne devons pas perdre notre temps avec cette proposition.

Le maquillage consiste à effectuer des changements superficiels dans nos économies pour qu’en fin de compte rien ne change. Les éditoriaux du Financial Times ont été un bel exemple de maquillage de la réalité. Au cours des premiers mois de la pandémies, ils avertissaient : « Le virus révèle la fragilité du contrat social: des réformes radicales sont nécessaires pour construire un monde qui fonctionne pour tous.» (4 avril 2020). Ils proposent un rôle plus actif de l’État dans la régulation de l’économie et un plus grand poids des politiques sociales (santé, éducation, pensions de  vieillesse, infrastructures) qui caractérisèrent les sociales démocraties européennes. Les proposition sont importantes, elles représentent la fin du néolibéralisme et elles méritent d’être accueillies, mais je ne crois qu’elles puissent à elles seules contribuer à prévenir la récurrence des pandémies à venir. Elles ne proposent aucun changement dans la matrice de production, dans les habitudes de consommation, dans les rythmes et les formes de sociabilité.

La troisième alternative est fondée sur l’idée que le modèle de civilisation en vigueur depuis le XVIème siècle est arrivé à sa fin. Ses traits les plus distinctifs – la nature conçue comme un réservoir de ressources inconditionnellement disponibles, la glorification de la propriété privée, le progrès compris sous une forme linéaire de développement et comme légitimation du colonialisme, la marchandisation de toutes choses (le travail, la terre, la connaissance), l’accumulation infinie de richesse — sont devenus dysfonctionnels et mettent en péril la survie du genre humain. Après tout, la vie humaine ne représente que 0,01% de la vie totale sur cette planète, mais l’on s’arroge le droit d’éliminer les autres espèces. Le nouveau coronavirus et ceux qui viendront après doivent être interprétés comme des avertissements et des messages de la nature blessée et impatiente. La seule réponse humaine sensée est d’écouter et de commencer à changer. Le processus de changement prendra plusieurs décennies, mais il doit débuter maintenant.

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces principales dimensions sont les suivantes: La nature ne nous appartient pas, nous lui appartenons. Il n’y a pas de droits humains sans responsabilités humaines. La science est une connaissance valide, mais il existe d’autres formes de connaissances tout aussi valides. Pour respecter la diversité humaine ( raciale, sexuelle, religieuse, de capacités) il est nécessaire de célébrer la différence et de rejeter la hiérarchie entre les différents.

Il y a des progrès, mais le Progrès n’existe pas. La croissance économique infini, la marchandisation des biens essentiels (l’eau, par exemple), le capital financier non régulé et l’obsolescence programmé des biens de consommation sont tous susceptibles d’être considéré un jour comme des crime de lèse-humanité et de lèse-nature. La propriété individuelle doit être respectée dans la mesure où les biens communs sont respectés, au niveau local, national et international, et les biens publics comme la santé, l’éducation et le revenu de base universel. Les économies non capitalistes (populaires, coopératives, solidaires) doivent être protégées de l’économie capitaliste. L’économie fossile basée sur le pétrole et le gaz naturel a ses jours comptés. Nous avons besoin d’un nouvel équilibre entre le monde rural et le monde urbain. Après tout, depuis des siècles, nous nous sommes réfugiés à la campagne pour échapper aux pandémies. Il n’y aura pas de futur partagé sans le droit des vaincus du passé à la mémoire et à l’histoire et sans la réparation pour les atrocités et les saccages commis par les vainqueurs de l’histoire.

La démocratie libérale est à l’idéal de démocratie ce que le PIB est au bonheur des peuples. Il est important, mais pas suffisant et il peut nous induire en erreur. Désormais, démocratiser nos sociétés signifie: dé-marchandiser, décoloniser et dé-patriarcaliser. Les paroles sont laides seulement parce que la réalité à laquelle nous voulons mettre fin est laide.

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Boaventura de Sousa Santos, académicien portugais, docteur en sociologie, doyen de la faculté d’économie et recteur du Centre d’études sociales de l’université de Coimbra (Portugal). Professeur distingué de l’université du Wisconsin-Madison (États-Unis) et de divers autres établissements académiques dans le monde. L’un des scientifiques sociaux et chercheur le plus important dans le domaine de la sociologie juridique et l’un des principaux protagoniste du Forum social mondial.

 

Traduit de l’espagnol

par Yves Carrier

Paru dans Revista del Sur, Bogota, 1er mars 2021


Des nouvelles du CAPMO

 

Collectif TRAAQ

Une première rencontre nationale incluant des intervenant.e.s de Montréal, de la Montérégie, de la Capitale-Nationale, du Bas-du-fleuve et de Lanaudière, a eu lieu le 3 mars dernier dans le but de préparer une stratégie commune de revendication pour les prochaines élections municipales. Un comité de suivi a été formé à cette fin.

 

Conseil d’administration du CAPMO

Claudia Fuentes a été désignée comme présidente du conseil d’administration du CAPMO jusqu’à la prochaine assemblée générale annuelle.

Raza Shah a été désigné par le conseil d’administration comme nouvelle administrateur en remplacement de Joanne Laperrière.

Félicitations à Claudia et Raza

 

Ateliers de formation sur l’éducation populaire

en lien avec le centenaire de la naissance de Paulo Freire

En collaboration avec le Carrefour d’éducation à la solidarité internationale de Québec, le CAPMO prépare une série d’ateliers sur l’éducation populaire qui débutera le 17 juin pour se poursuivre pendant l’été sur une place éphémère de la ville de Québec.

 

Voix et images des communautés culturelles

Mario Gil est en plein recrutement d’une équipe de jeunes dynamiques pour mettre en prendre le projet de balados diffusion et d’émissions de radio communautaire aussitôt que possible.

418-525-6187 poste 223

 

Collectif TRAAQ

Le Collectif TRAAQ a reçu un don de 1 000 $ du Syndicat des professeurs et des professeures de l’Université LAVAL, SPUL, afin de poursuivre ses activités de revendication sociale.

 

 

 

 

 

 

 

Carrefour CARDIJN

Il y a toujours des bureaux à louer au 435 rue du roi, Québec.

Renseignement : Yves Carrier, 418-525-6187 poste 221

 

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