Ça roule au CAPMO, mars 2018, année 19, numéro 7
Vocation à être humain
Le 28 février dernier le Cercle Gabriel-Garcia-Marqués accueillait la Wendat Andrée Levesque-Siouï, professeure de musique et de langue wendat. Pour elle, la vocation de chaque individu consiste à devenir humain et la connexion avec ses racines culturelles, source d’identité, de fierté et de dignité y contribue fortement. Ainsi, la redécouverte d’une langue endormie depuis 150 ans, ouvre des voies insoupçonnées d’entendement de la réalité et d’une vision du monde nécessaire à la sauvegarde de la planète. Car chaque langue est une interprétation du monde qui permet de le décoder et de le définir. De même, la dimension sacrée qui nous relie aux différents règnes, à nos ancêtres et aux générations futures, permet d’ancrer nos résolutions sur la terre ferme afin de résister aux errances de la société de consommation. La terre, l’air, l’eau, la vie, la paix et la justice, sont des richesses non négociables. Puis, la re-sacralisation de la Terre-Mère permet d’ériger un rempart devant la cupidité des multinationales.
L’être unidimensionnel se soucie peu de l’histoire ou du sens de la vie, c’est un déraciné. Pourtant, l’histoire est la voie royale pour apprendre à se connaitre. Avoir des racines plus anciennes constitue un chemin de sagesse menant à d’éventuelles floraisons culturelles susceptibles d’initier de nouvelles façons de vivre avec les êtres qui peuplent la Terre. Ce qui résonne dans cette culture enfouie, c’est le battement de la vie et la connexion millénaire avec ce climat et cette terre.
Dans les cercles de parole, quand quelqu’un s’exprime, il le fait au nom de ses ancêtres et de ceux et celles qui ont contribué à former la personne qu’elle est devenue, nous dit Andrée. C’est très différent de l’individu qui se lève en assemblée pour faire valoir ses seuls intérêts. L’avant-garde pèche souvent par excès de confiance tandis que l’arrière-garde, nous dit Boaventura de Santo, prend le temps d’écouter et d’apprendre, s’efforçant d’encourager le bien, sans rompre le fil qui nous unit. Trop souvent, l’éloquence est confondue avec la vérité. Or si l’on oublie d’entendre la réalité qui murmure à nos oreilles pour la transformer non pas selon ses propres vues, mais en accompagnant les aspirations secrètes de la sagesse populaire, l’erreur nous guette.
Pour faire planer le cerf-volant de nos rêves collectifs, il faut avoir les deux pieds sur terre et assez d’audace pour faire confiance au vent qui nous porte. Loin d’épuiser tout le potentiel de l’utopie dans l’échafaudage d’un monde meilleur, il faut se garder une réserve, comme on garde le feu de nos rêves allumé. C’est toute la profondeur nécessaire à la vie qu’il faut cultiver en soi et transmettre aux autres. Car vouloir enfermer la réalité dans de vulgaires calculs stratégiques, c’est manquer de respect à l’inédit qui surgit à chacun de nos pas. Le monde n’a jamais cessé d’être enchanté, c’est nous qui avons cessé de percevoir la transcendance qui l’habite. Mille fois encore il faudra réinterpréter l’histoire, en retourner chaque pierre et y découvrir tout le potentiel dont nous sommes héritiers. Sans doute la culture américaine a colonisé notre imaginaire, brouillant nos propres perspectives et notre capacité de découvrir ensemble qui nous sommes et ce que nous voulons. Cette fois, le messianisme politique ne nous sauvera pas et, pour ne pas devenir cyniques, nous devrons plonger nos racines bien plus loin encore, ruser devant les puissants et leurs lois iniques, pour ouvrir les sentiers inédits du devenir humain. Il appartient à chaque tribu de la faire en s’inspirant de sa culture et de celle des autres, mais pas celle de la classe dominante qui s’est approprié nos rêves. Soyons vrais, apprenons à écouter en permettant aux autres d’émerger comme sujets. Refusons d’être des conquérants, car ce monde ne nous appartient pas, nous l’avons emprunté à nos enfants. Exprimons notre plein potentiel en aidant les autres à se réaliser.
Yves Carrier
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Spiritualité et citoyenneté par Robert Lapointe
UBUNTU, PHILOSOPHIE AFRICAINE DE NELSON MANDELA
Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous.
Nous ne sommes humains que grâce à l’humanité d’autrui.
Ce n’est pas moi tout seul qui peux (sic) me découvrir moi-même mais c’est bien nous ensemble qui pouvons apprendre à connaître et à apprécier respectueusement les autres et nous-mêmes.
Ces paroles de Nelson Mandela sont inspirées par la philosophie africaine de l’Ubuntu, que l’on retrouve dans la constitution du Rwanda et qui l’inspira ainsi que Desmond Tutu pour monter la Commission Vérité et Réconciliation. La foi guide le politique. Elle est personnelle quoiqu’elle puisse se vivre à l’intérieur d’une religion ou d’une idéologie. Madiba s’est rendu compte que, parmi ceux qui traitaient la religion d’opium, plusieurs étaient animés d’un véritable amour du peuple. Religion et idéologie peuvent inspirer, mais c’est la foi, l’espoir et l’amour qui doivent guider l’action politique, laquelle n’est pas toujours facile et nous confronte souvent à des conflits de valeur. Notre conscience éclairée et inspirée seule peut nous aider.
Banalités de base sur le fascisme découpées en bouchées faciles à mastiquer mais malgré tout parfaitement indigestes extraites du journal d’une certaine gauche, L’idiot utile, par Anne Archet.
J’appelle fascisme toutes les variantes de la peste brune. Qu’aucun fasciste ne se réclame du fascisme n’invalide en rien mon propos; le fascisme ne se présente jamais lui-même comme il est réellement.
Le fascisme n’est pas l’incarnation du mal absolu, si on considère que le mal est une monstruosité qui dépasse toute compréhension et ne peut s’expliquer autrement que par lui-même, à l’image d’une déité infernale.
Le fascisme n’est pas non plus une scorie, une perversion ou une déviation de la démocratie. Le fascisme n’est pas l’antithèse de la démocratie; il est une des formes de la démocratie – sa forme panique.
Le fascisme est une des stratégies de mobilisation employées alors que la bourgeoisie est en décomposition.
Le fascisme est une des stratégies de mobilisation employées alors que les relations de production sont séparées de l’étalon-or. (Or, commentaire personnel, elles le sont depuis au moins l’époque de Nixon d’où la non-concordance entre le secteur financier et l’économie réelle).
(Suite au prochain numéro)
La ligue de hockey aux cartes poursuit ses activités tous les vendredis 16hres et dimanches 14hres au CAPMO, 2ième étage.
Les 5 à 7 du café spirituel et politique se tiennent toujours au CAPMO tous les samedis.
Nous sommes les barbares par Juan José Tamayo
Amerindia, 7 février 2018
« La peur des barbares est ce qui menace de nous transformer en barbares » et le mal que nous ferons sera plus grand que celui que nous avions au départ. L’histoire nous l’enseigne: le remède peut être pire que le mal… La peur se convertit en danger pour ceux qui la ressentent et, à cause de cela, il ne faut pas permettre que cette passion gouverne nos choix stratégiques. C’est même la principale justification des comportements qualifiés « d’inhumains », affirme le politologue Tzvetan Todorov1.
Je dirais plus : Ce n’est pas que la peur menace de nous convertir en barbares, sinon qu’elle le fait réellement. On inverse ainsi le binôme barbarie-civilisation, qui considère « barbares », ceux du dehors et « civilisés » ceux du dedans. Aujourd’hui les barbares ce sont nous ! L’Europe n’a pas la volonté d’éviter les morts en Méditerranée ou à tout le moins, elle ne prend pas les moyens pour que cela cesse de se produire. Maintenant le cri : « Les barbares arrivent! » peut être prononcé par les migrants, les réfugiés et les déplacés, en se référant à nous. Et avec raison, à la vue de nos comportements si peu humanitaires.
C’est uniquement en reconnaissant que nous sommes les barbares que notre mentalité euro-centrique insensible à la souffrance éco-humaine des autres et de la nature pourra se transformer en une mentalité solidaire, compassionnelle et écologique, et que notre conscience tranquille et accommodée de personnes satisfaites se convertira en une conscience critique, autocritique et ouverte aux autres et à la nature. C’est seulement en changeant les eaux de la Méditerranée en eaux de la vie pour les personnes et les peuples de la côte sud, qu’on pourra parler de vie pour tous et pour toutes. Dans le cas contraire, les morts en Méditerranée seront aussi la mort de l’Europe, notre propre mort et nous en serons les responsables directs.
Me vient en mémoire la maxime solidaire de la sagesse africaine Ubuntu qui en terme positif se dit : « Je suis seulement si tu es » et sous la forme négative : « Je ne suis pas si tu n’es pas non plus. »
Desmond Tutu appliqua cette devise dans la lutte contre le régime de l’Apartheid et pendant sa présidence de la Commission de la Vérité. Nelson Mandela, mit également en pratique cette philosophie tout au long de ses 29 années de détention infernale dans les prisons racistes et pendant sa présidence de la République sud-africaine de 1994 à 1998. C’est là l’un de ses meilleurs legs.
Si nous sommes les barbares!, pour nous libérer de notre propre barbarie, nous devons commencer à travailler pour l’utopie d’une société interculturelle, interreligieuse et interethnique, où il y a de place pour tous et chacun, qui reconnaisse, respecte et accueille, la pluralité des identités culturelles, religieuses, ethniques, sexuelles, sans discrimination ni hiérarchies, et qui promeut le dialogue entre elles.
Les données sont effrayantes. En 2014, 219 000 personnes ont traversé la Méditerranée. Parmi elles, 3 500 demeurèrent immergées au fond des eaux sans atteindre leur objectif d’arriver en Europe à la recherche de meilleures conditions de vie. En 2015, plus d’un million de personnes migrantes et réfugiées passèrent par Mare Nostrum. Près de 4 000—dont environ 30% étaient des enfants, furent abandonnées à leur sort et ne parvinrent pas sur l’autre rive parce qu’elles sombrèrent dans les eaux. En 2016, selon l’Organisation mondiale des migrants, après le naufrage de deux navires ayant à leur bord 239 naufragés face aux côtes libyennes le 3 novembre, ce sont 5 000 personnes qui sont mortes dans les eaux de la Méditerranée. En 2017, environ 3 200 migrants et réfugiés moururent, dont 222 dans les eaux espagnoles.
Dans les premières semaines de 2018, nous en sommes déjà à 200 morts. Pendant que j’écris cet article en entendant la nouvelle du naufrage d’une embarcation à quatre milles de Melilla avec 21 cadavres flottant sur les eaux de la Méditerranée et 26 personnes disparues, provenant de pays subsahariens: Guinée Conakry, Côte d’Ivoire et Mali.
Les Forces de sécurité du Maroc ont repêché les cadavres des migrants avec la collaboration du Sauvetage maritime et de la Garde civile espagnole. « L’Afrique met les morts et les entreprises européennes rentabilisent le contrôle migratoire », a déclaré l’activiste Helena Maleno, présidente de l’Association Caminando Fronteras.
Ces morts ne seraient malheureusement pas les derniers, tant qu’on ne créera pas des corridors humanitaires pour une immigration, un refuge et un déplacement sûrs, comme l’affirma la mairesse de Lampedusa, Giusi Nicolini, après un naufrage. L’une des tragédies maritimes les plus dramatiques qui a eu lieu le 18 avril 2013 au sud de l’ile italienne de Lampedusa, a offert à la mer 800 vies. Aujourd’hui, ce genre de tragédie dépasse en importance les anciennes tragédies grecques dans les eaux de la Méditerranée. Celles-ci étaient des représentations théâtrales, des fictions, celles d’aujourd’hui sont bien réelles. Hammid Alizadeh les qualifie, avec raison, de « crimes du capitalisme ».
Les personnes les plus vulnérables sont les enfants, filles et garçons, les femmes, les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles, transsexuelles et intersexuelles, soumises à toutes sortes de vexations: harcèlement sexuels, agressions physiques, traite de personnes, trafique d’organes, travaux forcés, prostitution, violence de genre, etc.
Pourrait-on avoir éviter ces morts, pourrait-on les éviter dans l’avenir? Je crois que oui. Comment ?
– En obligeant les gouvernement à respecter les protocoles internationaux en matière d’accueil des personnes réfugiées.
– En ouvrant des routes sécuritaires de migration qui empêchent les réfugiés de tomber dans les filets d’extorsion des mafias.
– En appuyant — et non en condamnant ou en démonisant — les organisations humanitaires qui travaillent sur le terrain.
Avec des politiques d’appui au développement dans les pays d’origine des migrants.
– En éliminant les frontières.
– En encourageant le dialogue interculturel, interreligieux et interethnique.
– En luttant contre le terrorisme et non pas en l’appuyant. – En cessant de construire des armes mortifères et, au moins, en ne participant pas à la vente d’armes à des pays qui les utilisent pour appuyer le terrorisme et les gouvernements dictatoriaux.
– En combattant la xénophobie, le racisme institutionnel, la violence de genre, l’homophobie.
– En niant la légitimité des gouvernements corrompus, autocrates, etc.
Ces stratégies, qui pourraient et devraient être évitées avec une politique d’hospitalité et d’accueil, nient notre prétendue supériorité civilisationnelle et nous convertissent en barbares!
1 Tzvetan Todorov, « La peur des barbares, au-delà du choc des civilisations », Robert Laffont, Paris, 2008, 320 p. Todorov est né en 1939 à Sofia, en Bulgarie. Depuis 1963, il réside à Paris. En 2008, il a reçu le Prix Prince de Asturies en sciences sociales parce que, selon le jury, « il représente en ce moment l’esprit d’unité de l’Europe, de l’Est et de l’Ouest, et l’engagement envers les idéaux de liberté, d’égalité, d’intégration et de justice ». Il est décédé le 7 février 2017.
Traduit de l’espagnol par Yves Carrier
Venezuela bolivarien, le point maximum de la confrontation anti-impérialiste
par Carlos Aznárez, Resumen Latinoamericano, 13 février 2018
Il ne s’agit pas de dramatiser, d’exagérer ou d’imaginer des conspirations apocalyptiques, mais chacune des pièces que l’Empire déplace sur l’échiquier latino-américain indique un scénario d’intervention militaire contre le Venezuela bolivarien. Celui-ci pourrait être exécuté par un tiers, l’OTAN ou l’OEA ou encore de façon indirecte avec des fausses excuses « d’humanitarisme », mais la situation acquiert chaque jour plus de gravité si l’on tient compte que tout cet échafaudage belliciste pourrait être orienté pour empêcher qu’au mois d’avril, le peuple chaviste serve à nouveau une écrasante défaite électorale au pouvoir oligarchique.
Depuis la prise de possession du nouveau gouvernement états-uniens, de nombreux éléments laissent croire à une intervention imminente pour précipiter la chute du gouvernement ultra légitime de Nicolas Maduro.
Premièrement, il y a quelques mois le porte-parole a été le vice-président Mike Pence qui a parcouru le continent en rendant visite à des gouvernements « alliés » des États-Unis pour leur ordonner de resserrer la vis du blocus économique. Ce ne fut pas aussi efficace qu’ils l’espéraient, mais cela planta une graine qu’il y a peu le secrétaire d’État Rex Tillerson tenta à nouveau de semer. Cette fois la proposition d’augmenter la belligérance contre le « dictateur » Maduro fut amplement acheter par deux marqueurs plus agressifs de l’équipe néolibérale. Macri (il suffit d’observer son regard amoureux lorsqu’il regarde Tillerson), et Santos sont monter sur le porte-avion américain et ils ont promis d’être les premiers à suivre l’attaque que Washington prépare.
Après cela, il y a une accumulation de gestes indicateurs du danger qui cerne le Venezuela. D’abord, les déclarations du sous-secrétaire d’État pour l’Amérique et les Caraïbes, Francisco Palmieri, offrant de l’aide à la Colombie et au Brésil en raison de la gigantesque et continuelle migration vénézuélienne vers ces deux pays. Palmieri utilise le biais interventionniste « humanitaire », le même sur lequel insiste, Luis Armagro, président de l’OEA, ou le président péruvien Kuzinsky, un des promoteurs du « Groupe de Lima ». Sur ce même ton, Macri a autorisé les étudiants vénézuéliens qui viennent étudier en Argentine pour « échapper au chaos dictatorial et se mettre à l’abris ». En raison de cela, au contraire des étudiants qui proviennent d’autres pays, leur situation légale sera régularisée sur le champ. La manœuvre consiste à démontrer que «la dictature vénézuélienne» n’est plus supportable. Quelque chose de très similaire à ce que les États-Unis ont tenté de faire avec Cuba et il y a peu avec la «dictature syrienne», qui se résume par la phrase : «Je te rends la vie impossible, j’oblige tes gens à émigrer, je les reçois à bras ouverts et ensuite, je t’envahis de façon humanitaire.» Pour compléter, du côté militaire, il y a également des indices inquiétants: la présence du Commandant du Commando Sud en Colombie, le mouvement de troupes sur la frontière amazonienne avec le Brésil et la Colombie, encore une fois sous prétexte de l’émigration vénézuélienne. Le point central de convergence de ces préparatifs, c’est la base mobile brésilienne de Tabatinga, inaugurée en novembre dernier par des exercices militaires conjoints États-Unis, Brésil, Colombie, Pérou, qui pratiquèrent des simulacres d’invasion « d’un pays sous emprise communiste ». Comme au bon vieux temps.
Dans la succession d’ingérence, ce fut ensuite le tour de l’ambassadeur états-uniens à Bogota, Kevin Whitaker, qui a affirmé que le Venezuela a besoin «d’une sortie démocratique, institutionnelle et rapide». Ensuite, le président Santos et l’ex-président Uribe de Colombie, chacun de leur côté, applaudirent l’offre et tandis que le mandataire colombien certifiait qu’il ne reconnaitrait pas les élections d’avril au Venezuela, le paramilitaire Uribe jetait davantage de gaz sur le feu en cherchant à accélérer une intervention militaire «avec la participation de l’armée colombienne». Tout cela dans le contexte de la réoccupation territoriale des groupes paramilitaires colombiens à Cucuta, Catacumbo et autres points stratégiques près de la frontière vénézuélienne. Sans parler de la présence récente de soldats américains dans la région de Tumaco (la même où l’an dernier furent assassinés par le ESMAD plusieurs paysans) et l’intense activité d’entrée et de sortie d’hommes et d’équipements des neuf bases américaines en Colombie.
En toute précision, l’ex-militaire et maintenant analyste géostratégique William Izarra parle de « l’Opération Tenailles » qui continue de se refermer et il mentionne comment les territoires pourraient être utilisés pour une intervention à grande échelle, en plus de la Colombie, de la Guyane et des iles hollandaise de Aruba, Bonaire et Curaçao, tous des sites où les militaires nord-américains se sentent chez-eux.
Ainsi vont les choses, et avec Trump qui aboie, le plus logique c’est qu’au plan interne on serre les rangs. Face au retrait attendu de l’opposition de la table de négociation en République dominicaine, obéissant en cela aux ordres de leurs maitres impériaux, à l’augmentation du blocus et de la guerre économique imposée par Washington, ses acolytes latino-américains et l’Union Européenne, il s’impose que le peuple vénézuélien se prépare à répéter la prouesse victorieuse du 31 juillet 2017.
Sans l’ombre d’un doute, tous et toutes sont convaincus qu’en avril vient la seconde manche de la mère de toute les batailles, et que, à la différence de celle envisagée par les États-Unis pour massacrer le peuple iraquien en 1991, celle-ci sera pour ratifier une fois de plus que la Révolution est nécessaire non seulement pour garantir la paix au Venezuela sinon pour attiser le feu de la rébellion continental et mondial. Non, celle-ci ne sera pas une élection de plus que toutes celles que le chavisme a gagnées, sinon qu’en appuyant unitairement Maduro, on peut offrir un souverain coup de pied au cul de ceux qui travaillent pour que nos peuples retournent au Moyen-âge.
Maintenant, si à cause de l’impunité dont se glorifie Trump, Rajoy, Macri et Santos, Washington s’anime à devancer ses plans et décide de lancer directement ou indirectement une escalade militaire, avant ou après les élections, sur le plan local vénézuélien il n’y a aucun doute comme le signale Diosdado Cabello, que ce sera une invasion déguisée en «aide humanitaire» : « Il et probable qu’ils vont entrer au Venezuela, mais reste à voir comment ils en sortiront ? »
Texte traduit de l’espagnol par Yves Carrier
Un système voué à l’échec
Dominique Boivert, 3 février 2018
Émilie Ricard est devenue un symbole : celui d’un système de soins (plutôt que de santé) voué à l’échec. Merci d’avoir tiré la sonnette d’alarme.
Une fois entrés dans le «système» (hôpitaux, urgences, médecins de famille, etc.), nous sommes généralement fort bien soignés. Bravo et vive le système de gratuité universelle!
Mais ce système s’en va tout droit dans un mur : le nombre de patients ne cesse d’augmenter avec le vieillissement de la population, et les traitements sont de plus en plus coûteux (technologie de pointe, médicaments, salaire des médecins et spécialistes, coût des super-hôpitaux spécialisés, etc.). Avec un budget de la «santé» qui atteint déjà près de 40% du budget provincial total, la situation ne pourra qu’empirer avec les années, quelles que soient les promesses de nos médecins-politiciens! Et ce ne sera pas faute de dévouement de la part des infirmières et du personnel soignant!
Alors, on fait quoi? On change la façon de voir la santé et les soins. Tant que le ministère de la santé sera en fait un ministère des soins, axé sur le curatif et les médecins (spécialistes), il n’y aura aucune chance d’inverser la tendance et d’éviter le mur. Ni au Québec, ni ailleurs. Il suffit de comparer les budgets (minuscules) consacrés à la prévention (et donc à la santé), sous toutes ses formes, avec les budgets (colossaux) consacrés aux soins des maladies.
Quand les médecins seront payés en fonction des citoyens en santé qui n’ont pas besoin de les consulter plutôt qu’en fonction du nombre d’actes médicaux qu’ils offrent à leurs malades, les priorités médicales (et celles du ministère) changeront radicalement. Et tant qu’on continuera de privilégier une médecine curative (les soins plutôt que la santé), il n’y aura jamais assez d’argent, de spécialistes, d’infirmières ou de CHSLD pour réduire efficacement le temps d’attente dans les urgences ou prendre soin adéquatement de nos personnes âgées.
La santé, n’en déplaise à nos médecins-politiciens, n’est pas une affaire de réforme des structures (une spécialité de la plupart des ministres de la santé) : c’est une affaire de vision, de priorité à la prévention et de courage politique. Comme en matière de gestion des déchets, la manière la plus efficace de réduire les coûts passe par la réduction à la source : toutes les mesures qui diminuent le nombre des malades et la gravité de leurs problèmes. Une manière radicalement différente de répondre au cri du cœur d’Émilie Ricard.
Pedro Casaldaliga : 90 ans de marche
Juan José Tamayo, site Amerindia, 22 février 2018
Une Église en conflit avec la latifundia
La Catalogne est la patrie de Pedro Casaldaliga y Balsereny (Barcelone), la ville où il naquit il y a 90 ans au sein d’une famille paysanne. En 1968, sa vie prend un tournant copernicien: Il part comme missionnaire clarétien au Brésil et jamais il ne revit sa terre natale, ni même pour assister aux funérailles de sa mère. C’est ce qu’il s’était promis lorsqu’il partit pour l’Amérique latine et il fut fidèle à sa promesse. Mais il portait la Catalogne dans son cœur et dans sa tête. C’est là-bas qu’il a ses racines, sa famille et ses amis, des organisations solidaires avec ses projets de promotion humaine et de libération.
Sa patrie, c’est aussi le Brésil où il débarque en 1968. Trois ans plus tard, il est élu évêque de Sao Félix de Araguaia au Mato Grosso. Tout dans cette ordination épiscopale fut différent, nouveau, original, hétérodoxe, révolutionnaire, mais en parfaite syntonie avec le paysage et la culture du milieu, avec les personnes qui accompagnaient Pedro et qui participaient à la célébration.
Ses insignes épiscopales furent un sombrero de paille que lui offrit un leader paysan, un bâton fait de bois du Brésil par un indien tapirapé, offert par le chef de la tribu en guise de crosse, mais ayant une signification distincte, une anneau donné par des amis espagnol qu’il envoya à sa mère. « Je n’ai aucun capital et je ne pense pas porter aucun signe distinctif », avoua-t-il. Et c’est ce qu’il fit.
Le jour même de sa consécration épiscopale, il publia une lettre pastorale subversive intitulée : « Une Église d’Amazonie en conflit avec le latifundio et la marginalisation » qui mettait en garde les détenteurs du pouvoir : la dictature militaire, les propriétaires terriens, les politiciens. Sa diffusion fut interdite par le directeur de la Police fédérale.
Depuis lors, il n’a jamais cessé d’être la cible de persécution de la part des pouvoirs qui se sont alliés pour attenter à la vie du « prophète des pauvres ». Le Mato Grosso était un État ayant un indice très élevé d’analphabétisme et d’exclusion sociale où régnait le latifundisme le plus sauvage. « Dans cette région—écrivit-il — on tue et on meurt davantage qu’on ne vit. Tuer ou mourir est plus facile ici, plus à la portée de tous, que vivre ».
Le projet de Casaldaliga était de construire une Église engagée avec les aspirations et les revendications des communautés autochtones, afro-descendantes, des petits propriétaires et des sans-terres, sans honneur et sans pouvoir, en lutte contre le latifundisme et toutes formes d’esclavages. Une Église, à cause de cela, persécutée par les propriétaires de l’argent, de la terre et de la politique. Il voulait une Église sans requins, ni exploiteurs du peuple, formée par de petites communautés de base disséminées par les rues et les cantons, avec une structure participative, coresponsable et démocratique.
L’Église populaire et la Théologie de la libération
Ce modèle d’Église n’est pas demeuré sur le papier de sa Lettre pastorale, sinon qu’elle devint rapidement une réalité à Sao Félix, comme cela se produisait alors dans d’autres Églises d’Amérique latine, donnant lieu à la naissance de « l’Église des pauvres » qui durant les pontificats de Jean-Paul II et de Benoit XVI ont été démantelées peu à peu par le Vatican. C’est cette Église populaire qui se trouve à la base de la Théologie de la libération — guide idéologique de Casaldaliga -, qu’il cultive de manière créative à travers ses livres d’une grande profondeur spirituelle, d’un sens mystique, d’une inspiration poétique, d’une dénonciation prophétique, d’un caractère social, d’une attitude révolutionnaire et, surtout, de son exemple de vie.
Une théologie qui, malgré les suspicion et les condamnations permanentes de Rome, continue d’être vivante et active sur la nouvelle et désolante scène latino-américaine. Une théologie qui se reformule au cœur des nouveaux processus historiques par l’incorporation de nouveaux protagonistes: les communautés indigènes, paysannes, afro-descendantes, les mouvements féministes, écologistes, interreligieux, LGBT, et de nouvelles catégories: interculturalité, dialogue interreligieux, féminisme, écologie, territoire, eau, vie, martyr, etc.
Ce fut au Mato Grosso qu’il s’éveilla à la conscience globale et internationaliste, au point de devenir l’évêque le plus « catholique » au sens étymologique du terme : « universel ». Une conscience globale qu’il a développée en prenant la défense des perdants de l’histoire et de son appui aux mouvements de libération du monde entier.
En ce sens, Pedro est un exemple de mondialisation à partir d’en bas, depuis les victimes, en d’autres mots, de l’altermondialisation de l’espérance face au pessimisme qui règne dans la société. Ou mieux dit, l’exemple du mouvement glocalisateur qui accompagne les causes et les luttes d’émancipation des peuples locaux à une échelle globale.
À cause de tout cela, les persécutions des différents pouvoirs coalisés : militaires, propriétaires terriens et politiciens protecteurs du latifundisme, y compris le Vatican, n’ont pas tardé à s’abattre sur lui. Après la mort de Paul VI— qui l’a toujours défendu—. Il disait : « Celui qui touche à Pierre (Pedro) touche à Paul (le pape) ». Dès lors, les menaces de mort et les attentats contre sa vie se succédèrent, dont l’une d’elle où fut assassiné sous ses yeux le prêtre Joao Bosco.
Le 16 février, une date pour fêter et regarder vers l’avenir
Le 16 février dernier, Pedro a eu 90 ans. Une date importante à célébrer, commémorer, festoyer, pour faire mémoire subversive d’une vie également subversive, comme lui-même le reconnait : « On me dit, on m’appellera subversif. Et je leur dirai : Je le suis. Avec mon peuple en lutte, je vis. Avec mon peuple en marche, je vais. J’ai la foi du guérillero et l’amour de la révolution. Et entre l’Évangile et la chanson, je souffre et je dis ce que je veux ».
Une vie engagée avec les causes de libération des peuples opprimés qui, selon son humble désir, « sont plus importantes que ma vie ».
Mais c’est aussi une date importante pour regarder vers l’avenir avec espoir au milieu de l’obscurité présente et des nuages noirs qui nous cernent de toutes parts. Au Brésil, plus particulièrement, où une quadruple alliance entre l’oligarchie — principale cible de ses critiques — le néolibéralisme — qu’il nomme le grand blasphème du 21 siècle —, une partie de la magistrature et « les parlementaires issus des Églises évangéliques », ont renversé Dilma Roussef, présidente élue démocratiquement et ont placé à la tête de la République un président au service de l’oligarchie. Ce dernier veut empêcher Lula d’être candidat aux élections présidentielles de 2018.
Pendant plusieurs décennies, j’ai maintenu une communication épistolaire avec Pedro. J’ai lu ses textes. J’ai suivi son itinéraire vital et intellectuel. J’ai écouté des témoignages d’amis communs. En 2012, je lui ai dédicacé mon livre : Invitation à l’utopie avec ces mots : « À Pedro Casaldaliga, prophète de l’utopie en action avec le regard posé sur un « Autre monde possible ».
Traduit de l’espagnol par Yves Carrier
Le Pétro pourrait engendrer une révolution économique au Venezuela
Dollar Today, 27 février 2018
L’économiste réputé et conseiller pour les crypto-monnaies, Ricardo Torres, participant à la North American Bitcoin Conference qui avait lieu à Miami, a été contacté par notre rédaction pour connaitre son opinion concernant l’annonce faite hier par le président Nicolas Maduro sur le lancement officiel du Petro, la nouvelle crypto-devise émise par le gouvernement du Venezuela.
DT : – Quel est votre opinion à propos de l’annonce faite hier du lancement officiel du Petro par le président Nicolas Maduro ?
RT : – De prime abord, je dois spécifier que n’importe quelle analyse sur ce thème doit être séparée du thème politique pour être abordée strictement d’un point de vue technique et professionnel. C’est pourquoi, mon opinion doit être prise essentiellement comme un sujet économique et financier et non comme une opinion politique.
Il faut célébrer cette initiative du président Maduro, parce qu’indépendamment des raisons qui l’amenèrent à le faire, c’est une grande opportunité pour tous les Vénézuéliens. C’est un grand pas, un saut technologique sans précédent.
Qui plus est, je considère que cette annonce ouvre un monde de possibilités aux jeunes entrepreneurs du Venezuela pour qu’ils se convertissent en pionniers de cette nouvelle révolution économique et technologique qui est en train de changer le monde.
DT: – Du point de vue technique, vous considérez viable l’implantation de cette crypto-monnaies ?
RT: – Tout à fait, techniquement c’est totalement viable, maintenant sa faisabilité économique dépendra des politiques associées et du professionnalisme avec lequel cette crypto-monnaie sera gérée, puisqu’il s’agit d’une technologie totalement vérifiable et transparente, une mauvaise gestion pourrait immédiatement enlever toute valeur de traçabilité à ce crypto-actif.
DT : – Que pensez-vous de l’annonce du président de convertir les Infocentres en crypto-mines, d’en faire des coopératives de mines de crypto-monnaies avec les jeunes des différentes régions et de les orienter vers le développement de mines de la crypto-économie dans tout le pays ?
RT: – Je pense qu’en rendant cela réel, nous pourrions être à la veille du plus grand boom économique du pays depuis la découverte des premiers puis de pétrole il y a un siècle. Évidemment, pour que cela se produise, cela doit être accompagné d’une série de mesures économiques qui créent l’environnement propice à un tel développement.
Le Venezuela est l’un des pays qui possède les plus grandes ressources en infrastructures hydroélectriques en service dans le monde. De plus, nous possédons un potentiel humain inestimable et technique qui, avec l’environnement propice, pourrait créer la première puissance crypto-économique à l’échelle mondiale.
J’ajouterais que cela pourrait permettre, avec les mesures correctes, que plusieurs des entreprises technologiques de calibre mondial qui développent les plus grandes mines de crypto-monnaies, soient désireuses d’investir au Venezuela. Ce serait aussi un endroit où tous les cyber-jeunes de la planète voudraient émigrer. Rappelons-nous que ceci est une révolution qui débute à peine et que le monde institutionnel n’est pas préparé à cela. Être pionnier, certainement, pourrait nous conduire à occuper une position d’avant-garde technologique comme celle qui s’est produite dans Silicon Valley au cours des années 1990 avec l’apparition d’Internet.
DT: – Et quelles seraient les mesures que vous croyez nécessaires ?
RT: – Elles sont nombreuses, mais à prime abord, elles reposent sur l’usage du sens commun, tant économique que politique. Je crois que c’est une grande opportunité pour le pays. Fondamentalement, il est vital d’assurer la sécurité des investisseurs parce que les mines de crypto-monnaies ont besoin de grands et constants investissements en technologie, qui sont toujours plus onéreux et requiert beaucoup de sécurité.
Comme le temps passe et que cela avance de manière exponentielle, je recommanderais au président, s’il souhaite réaliser ce projet présentement, qu’il réactive son projet des zones économiques spéciales, et dans ces zones, qu’il libère complètement les transactions de paiements en crypto-monnaies, qu’il exonère de tarif douanier l’importation de technologie, qu’il renforce la sécurité publique et qu’il crée une tarification électrique payable en crypto-monnaies qui servirait à la fois d’impôt sur les transactions et à générer des devises. Finalement, c’est ce qui serait le plus révolutionnaire, qu’il crée une nouvelle identité nationale pour les Vénézuéliens et les étrangers qui puisse être traitée à travers la blockchain au moyen de l’application de certaines exigences, cela apparait évident. Une cyber-identité.
DT: – Cela semble un peu utopique, une sorte de Blade Runner tropical. Est-ce que cela est réellement viable ?
RT: – C’est non seulement viable, c’est déjà un fait. Il y a des pays qui traitent la citoyenneté à travers la blockchain, comme c’est le cas en Estonie. La Suisse est en train de proposer à son parlement de se convertir en une crypto-nation. Profitant de ses sources géothermiques, l’Islande l’est déjà. Elle s’est convertie en la plus grande mine de crypto-monnaie au monde. Si le Venezuela prend les mesures nécessaires, il pourrait se situer immédiatement dans l’axe gravitationnel du crypto-monde qui repose actuellement sur la Russie, la Chine et les pays du Sud-est asiatique. Je commente que cela avance très rapidement. Le gouvernement a fait un premier pas, mais s’il ne le complète pas par des politiques intégrales, nous pourrions rapidement demeurer à la traine.
DT: – Quelle serait votre dernière conclusion à propos du Petro ?
RT: – Aux investisseurs, je dirais ma bonne impression, même si évidemment, comme avec tout investissement à risque, je recommanderais de prendre ses précautions. Au gouvernement, maintenant qu’il a fait le premier pas et qu’il semble disposé à poursuivre dans cette direction, je recommanderais qu’il crée l’environnement approprié pour que cela ait du succès. Il y a quelque chose de spécial qu’il pourrait faire pour favoriser la bonne perception dans l’opinion publique et il pourrait le faire immédiatement. Je pense que cela est essentiel qu’il le fasse dans le plus court laps de temps possible.
DT: – Merci beaucoup pour nous avoir accordé votre temps et avoir partager vos observations.
Ricardo Torres est un conseiller financier et technologique qui possède une expérience en développement de technologies associées à la crypto-économie. Il a déjà participé à différents événements et forum sur le thème. Nous l’avons rejoint par téléphone après avoir fait sa connaissance lorsqu’il donnait une présentation au Salon du Bitcoin de Miami.
Traduit de l’espagnol par Yves Carrier
Calendrier des activités du mois de mars 2018