Ça roule au CAPMO, mai 2023

Bernadette Dubuc

« Nous sommes des nains assis sur les épaules de géants », disait Diderot parce que ceux et celles qui nous ont précédés ont fait preuve d’un courage et d’une détermination que nous ne pouvons même pas imaginer. Là où avant eux il n’y avait rien, ils ont tout bâti, organisé, et préparé l’accueil des générations suivantes.  Si certains ont entaché cet héritage sacré des pires bassesses, la grande majorité portait avec fierté l’étendard de l’intégrité, de la solidarité et de l’espoir d’un monde meilleur à bâtir.

Face à la mort, imperturbable, Bernadette, à 48 heures de l’échéance ultime, a convoqué ses principaux collaborateurs et collaboratrices pour leur remettre ses mandats, recommandations et responsabilités. Elle fermait ses dossiers comme quelqu’un qui va partir à la retraite. Comme toujours, une force émanait de sa présence enracinée dans la vie des humbles. Déterminée à aller de l’avant, elle remettait la vie qu’elle avait reçue et qu’elle avait donnée à son légitime propriétaire. Sereine, elle ne m’a exprimé aucun regret, ni aucune peine, concernant son propre sort. Comme à son habitude, elle s’en faisait pour les autres et pour la suite du monde.

Je me fais souvent la réflexion que la conscience de notre finitude nous permet doucement de nous y préparer, d’apporter une gravité à la vie qui en détermine bien souvent sa qualité. Le temps qui nous est confié n’est pas éternel et il en est bien ainsi. Le désespoir devant la mort naturelle après une vie bien remplie n’est pas la réponse adéquate. Le bonheur ne doit pas être superficiel et construit sur des biens matériels ou des amitiés de convenance, il se fonde sur cette recherche d’intégrité, d’abord envers soi-même, en fidélité avec des valeurs qui transcendent notre petite personne pour se tourner vers le vaste monde intérieur des relations avec le tout autre. En ce sens, l’altérité serait le contraire de l’enfermement sur soi dans un monde perfide et égoïste, autocentré et préoccupé de ce que les autres pensent de nous. Comme un coin enfoncé au cœur de l’univers, notre engagement doit demeurer imperturbable, patient et déterminé, pour faire apparaître la lumière présente.

Dans l’antichambre de l’au-delà, sa valise était prête pour un autre voyage. C’est qu’elle en fait du chemin notre Bernadette, Alger, Dakar, Kigali, Montréal, Bruxelles, Québec, Drummondville. D’un pas décidé, elle a parcouru le monde, elle a eu trois enfants avec son compagnon de vie Yvon, et elle s’est engagée jusqu’à la toute fin comme ceux et celles qui se donnent entièrement. Ce sont les irremplaçables, nous dit Bertolt Brecht, que nous devons tout de même remplacer, mais à plusieurs.  Ainsi, le vide qu’elle laisse nous oblige à serrer les rangs pour se partager la tâche et poursuivre cet engagement au service des individus et de la communauté.

Yves Carrier


HYMNE À L’AMOUR (paraphrase de Paul aux Corinthiens)

Par Claude Lacaille

Ayez de l’ambition,

de l’ambition extrême.
Ambitionnez ce qu’il y a de meilleur,

de plus important au monde.

On peut parler bien des langues,
Être spécialistes en communication,
Posséder des réseaux sociaux internationaux
Avoir accès aux bureaux des puissants
Avoir des contacts aux quatre coins du monde…
Si on n’a pas l’amour,
On ne fait que du bruit,

beaucoup de bruit
Assourdissant comme du « heavy metal ».

On peut avoir de l’intelligence,
Un sens des affaires très développé,

Voir venir les opportunités et savoir les saisir
On peut être savant et capable de déplacer des montagnes,

De harnacher des rivières,
De bâtir de grands projets,
Sans amour, tout cela n’est que du vent.

On peut donner de gros chèques au téléthon,
Soutenir des causes nobles contre le cancer,
le travail des enfants, l’exploitation des femmes.
On peut militer pour changer le monde,
Manifester contre les injustices,
sans amour cela ne vaut rien.

L’amour est patience.
L’amour est bienveillance.
L’amour n’est pas jalousie.
Il ne se vante pas,

ne se gonfle pas d’importance,
Ne blesse pas,

ne cherche pas son intérêt,
Ne tient aucun compte du mal
Sa joie n’est pas l’injustice,

sa joie, c’est la vérité.
Il couvre tout,

il fait toute confiance,

il espère tout,

il supporte tout.

L’amour ne tombe jamais.

Aujourd’hui il y a la confiance, l’espoir et l’amour.
Mais de ces trois, le plus grand c’est l’amour. »

Ambitionnez dans l’amour, ambitionnez ce qu’il y a de meilleur.
Aimez-vous à l’extrême.


Hommes et masculinités

Mario Gil nous relate l’expérience d’un projet du CAPMO : « Masculinité positive », dans le volet Solidarité interculturelle.

La thématique de la masculinité est un enjeu peu abordé dans les organismes communautaires, et moins encore s’il s’agit de la masculinité immigrante, les ateliers « Masculinités positives » ont commencé en septembre de 2022, avec le soutien de la fondation Saison nouvelle.

La question initiale était comment on peut comprendre la configuration de la masculinité dans un contexte de migration, en tenant compte des barrières qui s’établissent en raison des différences, des stéréotypes et des imaginaires distincts, tous ces éléments interagissant les  uns sur les autres.

De pistes d’apprentissage ont fait partie de la mise en place de ce processus. D’abord inspirés des luttes féministes, nous devions travailler à identifier les peurs et les distances qui ne permettent pas aux identités masculines d’accorder de la valeur au mouvement féministe. Ainsi il est important de souligner l’importance des luttes féministes et antiraciste pour comprendre la dynamique du marché qui, sans cesse, a besoin d’une main-d’œuvre à bas coûts pour continuer d’engranger des bénéfices sur le dos du travail des femmes, des migrants, et des communautés racisées.

Comment se fait-il ? Entre autres par les biais de la construction imaginaire du genre, par sa logique de domination et de concurrence comme moyen d’auto affirmation. Dans une structure hiérarchique, la société tente d’instaurer des moyens d’accès au pouvoir, au pouvoir d’agir, au pouvoir de penser et de se faire entendre, au pouvoir de se déplacer ou de rester. Toute cette relation est traversée par les conditions du genre, de classe et d’origine, (pour ne pas parler de race, qui n’existe pas), mais bien des origines.

La masculinité comme mouvement d’action a plusieurs formes d’expression. Il y a la masculinité anti-hégémonique, la masculinité anti-patriarcale, la masculinité positive, tous sont des positions idéologiques pour se situer dans le débat.

C’est une analyse qui part des luttes féministes. De cela ressort des éléments comme le corps, le poids du sociale dans l’acceptation de soi, les hiérarchies entre différentes formes de masculinité, et évidemment, la question de la violence.

Nous avons commencé par proposer des réflexions sur l’affirmation de notre masculinité, comment? En quel moment? Et quel était l’effet? Souvent les participants parlaient de la violence dans leur histoire de vie, soit parce qu’elle avait été présente dans leur famille et qu’elle s’y était naturalisée comme moyen de contrôle à l’intérieur de celles-ci, ou encore parce qu’à l’école ils avaient dû se battre pour gagner du respect, ce dernier déterminant le degré de masculinité d’in individu. Cette affirmation est toute aussi présente de nos jours qu’autrefois avec la logique de la popularité. Il ne s’agit pas seulement d’une personne, capable de battre tout le monde, mais aussi d’un pouvoir d’influence sur les autres, une sorte d’affirmation de l’imaginaire dominant qui garantit le maintien de relations de domination.

Ensuite, nous avons réfléchi aux injonctions de la société patriarcale. Dans cette logique, il existe un certain nombre de mandats normalement octroyés à ceux et celles qui s’identifient à la masculinité dominante. Ce sont des normes sur lesquelles sont fondées les structures d’organisation sociale centrées sur une certaines définition de la masculinité. En l’occurrence, les hommes pourvoyeurs, protecteurs, procréateurs, autosuffisants et hétérosexuels. Ces impératifs sont présents dans l’image de la masculinité comme filtre d’autodétermination et ils possèdent une forte incidence sur les relations sociales et de genre.

Toutes ses injonctions ont une double fonction, ils servent à la domination et à l’autocontrôle dans la logique de la négociation culturelle et du genre. L’homme qui joue le rôle de pourvoyeur doit aussi être considéré comme le chef de famille, son soutien économique. Cette fonction pousse de nombreux hommes à se réfugier dans le travail, afin de gagner le revenu qui leur permet d’être considérés comme de bons pourvoyeurs. Mais, faisant cela, ils négligent des domaines importants de leur vie comme le dialogue avec leur partenaire et le côté émotionnel de la vie. Pour de nombreux hommes, le rôle de pourvoyeur doit s’exprimer par une forme d’autosuffisance économique qui les amène à acquérir le dernier modèle de voiture, une maison moderne, un téléphone portable et toutes sortes d’objets. Ce mandat apparait fonctionnel à la surconsommation liée à l’affirmation d’une certaine image de soi. Lorsque nous leur avons posé la question, les participants se sont sentis interpellés par le confort qu’apporte la société occidentale, comme si cela était lié à l’acceptation du mandat. C’est ici qu’il apparaît important d’identifier la relation avec le contexte. Dans la société québécoise, l’indépendance des femmes est réputée et le partage de dépenses pour entretenir le ménage est habituel. Ainsi le contrôle économique et le rôle de pourvoyeur n’est plus monopolisé par un seul individu, dès lors, le revenu ne peut plus être considéré comme l’unique source du respect. Toutefois, cela n’empêche pas certains hommes de vouloir démontrer leur aisance financière comme un atout dans la relation de couple.

La réputation du genre dans la société de marché est déterminée par la capacité à consommer et à pouvoir le démontrer de manière ostentatoire par la fétichisation d’objet voire de sa compagne qu’on exhibe comme un trophée. Le nœud problématique apparait lorsque le contrôle sur sa ou son partenaire se manifeste. Même si nous serions portés à penser qu’il s’agit d’un phénomène du passé, il gagne en actualité avec l’aisance économique et les logiques imaginaires véhiculées par la publicité et les films. D’ailleurs, plusieurs hommes immigrants admettaient se sentir inconfortables avec le fait d’avoir des relations amoureuses avec des femmes québécoises qui étaient en meilleure condition économique qu’eux et qui utilisaient ce pouvoir comment moyen de contrôle et d’invalidation culturelle de l’autre.

 

Le rôle traditionnel de protecteur

Ce rôle se réfère à la fonction de protecteur, notamment des femmes. Souvent, les hommes l’utilisent comme moyen de contrôle sur leurs conjointes en voulant les rendre dépendantes. De cette façon, la protection est comprise par les hommes comme une fonction de pouvoir. Cet imaginaire amène les hommes à démontrer en permanence leur capacité à protéger, pour laquelle ils doivent affronter des dangers, faire preuve de bravoure et s’assurer que tout est sous leur contrôle, même si cela les conduits à pratiquer des comportements abusifs envers les autres. De façon contradictoire, ils sont souvent incapables de se protéger ou de prendre soin d’eux, car ils sont incapables d’identifier les risques. Lors de nos ateliers, est apparu le fait que la relation du genre est aussi établie dans la culture, que celles qui s’identifient avec la féminité ont souvent le reflexe d’aimer la protection comme un trait masculin. L’homme protecteur n’est pas seulement fort, c’est aussi celui qui produit, qui pense, qui n’as pas de doutes, qui ne se plaint pas et qui affronte les difficultés.

Le problème se pose quand la protection apporte une sorte de dépendance, mais aussi quand celle-ci se conçoit individuellement et qu’elle est incapable de transcender dans la collectivité. Nous avons donc posé la question sur la collectivité, comment serait une société où tout le monde est impliqué dans la protection d’autrui, sans nécessairement intervenir dans leurs vies? Il apparait ici que les autres formes de protection qui ne sont pas réputées dans la société occidentale, comme la protection par le soin (la bienveillance comme attitude fondamentale), dans la construction d’économies alternatives liés aux soins réciproques et communautaires.

Nous avons aussi parlé de l’identité masculine fondée sur la virilité, la sexualité étant à la base de la relation sociale. Ce fait  concerne de manière particulière les immigrants puisque les stéréotypes du genre liés aux hommes latinos ou africains passent par leur capacité sexuelle en laissant de côté les formes culturelles de compréhension de la vie. Cela est ressorti dans les dialogues comme une forme de discrimination, une fois l’étape érotique dépassée, la discrimination culturelle s’installe.

Par ailleurs, nous avons aussi parlé d’hétérosexualité, de la non acceptation des genres non normés de façon hétérosexuelle; de la sexualité phallocentrique, tout ce qu’on est se résume à ses capacités sexuelles; de l’hypersexualité: tout le temps je dois être disposé à avoir une relation sexuelle, ainsi qu’à séduire et à charmer.

Au cours des ateliers, nous avons proposé des activités où certains contacts physiques étaient encouragés pour diminuer la distance affective entre les hommes et comme moyen de travailler à la confiance et à l’entraide.

Le fait d’avoir un lieu de rencontre exclusif entre hommes, combiné au sport, a généré deux types d’émotions, celle de nos relations sociales comme moyen de construire notre équilibre émotionnel et celle du contact physique et du mouvement comme moyen d’accepter nos corps et nos vulnérabilités, accueillis par tous dans une logique de construction collective.


 

Éducation politique

Par Hervi Lara

Santiago du Chili, 13 avril 2023

elcuidadano.com

L’éducation et la politique sont imbriquées. L’éducation n’est pas neutre puisqu’il s’agit d’un acte de connaissance et d’un acte politique en même temps,  elle tend à la transformation de la personne et du monde en tant que classe sociale et que monde personnel.

1.Chili,

a dilution du sens du soulèvement sociale de 2019 et l’échec de l’approbation d’une nouvelle constitution démocratique élaborée par la Convention constitutionnelle, ont été l’expression que le néolibéralisme a accru l’individualisme. Cela mène une bonne partie de la population à adopter des schémas culturels qui conduisent à se cacher à soi-même l’aliénation dont on souffre. Le fatalisme et la conformité leur ont fait perdre leur propre identité. Ainsi, on manipule facilement les consciences des personnes pour les endormir et leur faire oublier leur appartenance à une classe sociale et ce qu’ils sont réellement. Dans ce contexte, il semble que le dépassement de cet état de « conscience ingénue » requiert une indispensable éducation politique.

En toute rigueur, toute éducation qui prétend être quelque chose de plus que la formation purement spécialisée pour l’exercice d’une profession, doit nécessairement être politique parce que le lien le plus fort de l’existence humaine est avec la communauté où l’on est situé. Et la politique est l’existence libre et active au service de la société. C’est l’aspiration d’obtenir la richesse spirituelle et d’atteindre le savoir et la culture afin d’éliminer les injustices. Les déviations signalées naissent de l’ignorance. C’est l’éducation dans sa dimension politique qui enseigne à supporter dignement les maux qui se présentent comme inévitables.

La faculté qui élève la personne au-dessus de l’animal et des choses est la raison. Ce n’est ni la force, ni la richesse, ni le confort ou autres biens qui établissent la distinction entre ceux qui ont été formé librement depuis leur jeunesse et ceux qui apparaissent culturellement comme informes ou difformes; entre ceux et celles qui sont dotés de savoir et ces maladroits et inconscients. Oui, c’est la culture de l’esprit qui se révèle dans le langage, les attitudes et l’agir. Pour cela, en essence, le sens de la politique c’est l’éducation et le sens de celle-ci est politique. Platon, déjà, le ratifiait en affirmant que le point de départ de l’éducation est la formation de la conscience de la justice qui constitue la vertu politique par excellence. Cette dernière résume toutes les autres vertus et elle est au-dessus de toutes normes humaines parce que ce n’est pas une question de pouvoir et que son origine se situe dans l’âme. Il s’agit d’un bien supérieur à l’utilité immédiate et à l’accord de la majorité.

Aristote également a signalé que la vertu supérieure est la justice parce qu’elle permet la juste répartition des avantages et des inconvénients. « Par nature, l’homme est un animal politique ».

En lui se trouve initié la tendance à vivre en société avec ses semblables, tant pour sa propre conservation que pour son perfectionnement. Donc, une entité capable de diriger la société est une nécessité naturelle, de sorte que le sens de l’existence de l’État n’est pas seulement de défendre les citoyens et les citoyennes de leurs ennemis, mais aussi l’éducation du peuple dans une vertu fondamentale telle que la justice. Et comme la justice est une valeur éthique, la politique est impliquée par l’éthique et c’est la finalité que l’éducation doit poursuivre. Comme le but de toutes activités est le bien, toute société est formée dans l’objectif d’atteindre un certain bien, et le moyen d’y parvenir, c’est l’éducation.

Par conséquent, se dégage de la pensée d’Aristote que l’éducation est la prérogative du tout social ou de l’État et non des particuliers parce que sa fin est la formation d’esprits libres qui recherchent le bien, le beau et le juste. Ainsi, lorsque l’éducation est abandonnée à son sort, la société en souffre les dommages et elle se désintègre.

 

2.La modernité a obscurci la dimension sociale et la dimension transcendante de la personne pour faire place à l’individualisme actuel comme valeur absolue.

On stimule et on exploite la faiblesse du Je. L’industrie culturelle harcelle les masses et impose sans cesse ses schémas de comportement. Son objectif est la décadence et la servitude pour susciter la conformité avec l’idée que le monde se trouve dans l’ordre établi.

La modernisation, au moyen de la raison instrumentale, exclut un secteur de la société par le chômage et le manque de services. Dans ce contexte, le patronat national et international exerce son pouvoir sans restriction de l’État en ce qui concerne la régularisation de l’activité économique, sans contrepoids des organisations sociales, des syndicats, des coopératives et des partis politiques. Pour cela, on impose de graves et systématiques violations des droits humains et on socialise ainsi la population dans l’individualisme, la consommation, l’atomisation sociale et l’impuissance politique. De la sorte, on perpétue les « modernisations » qui ne sont autres choses que la privatisation des services publics, les lois qui font obstacles ou interdisent les droits du travail et syndicaux, la marchandisation de l’éducation, de la santé et des pensions de vieillesse, les restrictions à l’intervention de l’État dans l’économie, etc. La domination technique progressive se transforme en tromperie des masses, au milieu de l’oppression des consciences qui empêche l’émancipation. L’industrie culturelle produit  des films qui doivent être à la hauteur du niveau intellectuel d’un enfant de 11 ans. (ADORNO, T. W., “La industria cultural” – (Editorial Galerno, Argentina, 1967).

Dans le système capitaliste néolibéral, l’éducation manque du sens de service à la société et à l’humanité, elle est subordonnée aux intérêts du pouvoir économique. L’éducation se conçoit comme un moyen d’exercer une domination sur les autres, avec l’abandon subséquent de la justice et du bien commun. Elle est centrée sur la connaissance instrumentale et non sur la formation de la conscience éthique.

Dans la réalité, on entend l’éducation comme un entrainement pour reproduire le capital sur la base d’un meilleur rendement de la force de travail. C’est la qualification et la sélection pour les positions sociales qui, selon l’origine sociale et la classe, « correspond à chacun ». En d’autres termes, on comprend l’éducation comme la « préparation des ressources humaines pour la croissance économique ». Cela, à travers l’homogénéisation des consciences autour d’un modèle éducatif universel, dans une structure inégale qui a pour condition la reproduction de cette même inégalité. Il s’agit de former « le capital humain », puisque les personnes y sont aussi considérées comme des objets du marché. Ce capital humain doit correspondre aux éléments directement utilisables dans les différents postes de production: une instruction pour les ouvriers, une autres pour les techniciens, pour les ingénieurs, pour les cadres supérieurs, etc. De plus, on apprend les « règles » qui doivent être observées selon la fonction que chacun est destinée à occuper: les normes morales, de conscience civique et professionnelle. C’est cela, il s’agit de règles de l’ordre établi par la domination de classe. En d’autres termes, c’est la reproduction de la soumission à l’idéologie dominante et la reproduction des exploiteurs et des répresseurs afin d’assurer la domination de classe « par la parole » (ALTHUSSER, Louis, “Ideología y aparatos ideológicos del Estado” – (En “La influencia social masiva” N° 11. Ediciones Universitarias de Valparaíso, 1971).

Ainsi se forment les mentalités dépendantes qui acceptent les différenciations selon les classes sociales, avec un caractère acritique afin d’éviter les débordements sociaux. Les critiques du système doivent être « neutralisés ». De cette manière, on implante l’universalisation de l’idéologie dominante, assoyant une hégémonie capitaliste monopolistique au niveau mondial. Si la culture (les valeurs, les normes, les connaissances, etc.) est « la culture de la classe dominante, ce sont les contenus de celle-ci que transmet le système éducatif » (VASCONI, Tomás, “Educación y cambio social” – (CESO, Universidad de Chile, 1967).

La connaissance, la communication et l’information, dans une économie globalisée, sont des objets de pouvoir et, pour cela, de compétition pour les posséder avec l’objectif de réduire l’horizon de la société à l’empirique, provoquant un vide théorique-culturel approfondit par « l’éducation technétronique », où « le réseau de communication électronique créera inévitablement une superstructure mondiale, clairement dirigée par les élites des pays les plus développés qui imposeront le modèle d’évolution nord-américaine comme unique alternative à la survie de l’humanité. (PUIGGROS, Adriana, “Imperialismo y educación en América Latina” – (Editorial Nueva Imagen, México, Cuarta edición, 1985, pág. 211).

On déshumanise la structure sociale. Ainsi, on détruit la culture parce que le savoir est le processus « par lequel notre noyau personnel tente d’acquérir une participation dans l’être et le fondement suprême des choses ».

Parce qu’est culte « celui qui possède une structure personnelle, un ensemble de schémas mobiles idéaux qui, s’appuyant les uns sur les autres, construisent l’unité d’un style et servent à l’intuition, à la pensée, à la conception, à la valorisation et à la compréhension du monde » (SCHELER, Max, “El saber y la cultura” – (Editorial Cultura, Santiago de Chile, 1937). On perd ainsi la prise de posture personnelle et engagée devant la réalité.

 

  1. Éduquer c’est libérer

Toutefois, les systèmes d’éducation, l’industrie culturelle et les réseaux sociaux, ont comme objectif d’être des semeurs « d’esclaves mentaux » parce qu’ils sont dominés par l’idéologie et les intérêts des classes dominantes. De la sorte, on marginalise et exclue de vastes secteurs qui sont convertis en « servitudes humaines ». C’est ce que signifie la dépolitisation: séparer l’éducation de la politique.

De manière distincte de la « domestication », l’éducation politique consiste en ce que les personnes et les peuples soient conscients pour travailler et transformer le monde. Il s’agit de dépasser ce que Julio Cortázar a appelé « la stratégie de l’ignorance »: On ferme les écoles et les universités pour que personne ne sache qui il est, on brûle les livres et les symboles populaires pour que personne ne sache d’où il vient, on clôture et on mine les frontières et les chemins, pour que tous vivent enfermés et que personne ne se demande où il va.

La personne est un être dans et avec le monde qu’il doit transformer consciemment. Par conséquent, l’éducation est politisation dans le sens de rechercher la plénitude de la condition humaine. C’est cela la liberté qui consiste à devenir des protagonistes de l’histoire. C’est l’effort des peuples pour prendre leur destinée historique en main. L’éducation politique « n’est pas l’extension des restes du système d’enseignement imposé à une multitude d’ignorants et de misérables qui n’ont pas eu le « courage » suffisant pour s’y incorporer» (FIORI, Ernani, “Concientización y educación” – (Texto inédito. Universidad Católica de Chile, 1970).

Il s’agit de donner vie aux idées, de les rendre conscientes pour faire l’histoire. Nul n’existe hors des autres. C’est cela la démocratie: l’égalité et la participation. Le principe central où s’exprime la conception démocratique de la vie trouve sa formule la plus haute dans l’exigence du principe de Kant : « Traite la personne humaine, en toi comme chez les autres, toujours comme une fin et jamais comme un moyen ». (…) « Si nous devrions le traduire en des règles plus particulières et concrètes, nous ajouterions en disant: « examine la réalité de ton pays et agit toujours de manière à ce que ta conduite contribue à éliminer les conditions économiques, politiques, familiales, etc., qui font qu’autour de toi les individus ne peuvent parvenir au plein développement de leur essence humaine » (MUNIZAGA, Roberto, “Educación y política” – (Editorial Universitaria, Santiago de Chile, Segunda edición, 1943, pág. 83).

L’éducation et la politique sont imbriquées. L’éducation n’est pas neutre puisque qu’elle est un acte de connaissance et un acte politique en même temps qui tend à la transformation de la personne et du monde en tant que classe sociale et en tant que monde personnel. C’est l’insertion critique des personnes dans l’action transformatrice du monde, ce qui signifie être présent au monde et non seulement se le représenter, ce qui exige une rencontre avec tous et toutes sans exclusion.

Cette rencontre correspond à la découverte de l’oppression parce qu’il est indéniable que tant que la société sera basée sur les privilèges d’une minorité, sur les bénéfices et les gains obtenus au dépends de l’exploitation d’autres êtres humains, tant qu’il y aura des nations riches et des pays pauvres, exploités par ceux-là, honnêtement, on ne pourra pas parler de démocratie, ni soutenir que l’éducation est son instrument. (…) Il n’y a pas de démocratie ni de liberté possible dans un régime de misère » (GODOY URRUTIA, César, “Educación y política” – (Editorial Tierra y Escuela, Santiago de Chile, 1959, pág. 23).

De là provient la nécessité d’avoir une éducation politique pour que les personnes vivent dans un monde véritablement libre et humain, ce qui signifie, responsable de ce que chacun, chacune est et, en même temps, de toute l’humanité.

Traduit de l’espagnol

par Yves Carrier


 

Des nouvelles du CAPMO

 

APPEL À LA MOBILISATION

Nous exigeons un nouveau plan de lutte à la pauvreté

23 mai 2023, à midi, coin Jacques-Parizeau, rue de l’Amérique française, devant le Grand Théâtre à Québec.

 

Collectif de lutte et d’action contre la pauvreté de la région de Québec

Le CLAP-03, tel un phœnix, avec l’aide de deux animateurs du Collectif pour un Québec sans pauvreté, est en train de renaître de ses cendres et accueille tout plein de nouveaux membres.

 

Femmes immigrantes et solidaires

Des nouvelles inspirantes concernant ce nouveau projet vous seront communiquées sous peu.

 

Projet Solidarité intergénérationnelle

Des activités culturelles visant à faire découvrir l’histoire et le territoire de la région de Québec seront bientôt offertes avec le retour de la belle saison.

 

Rapport de la mission d’observation des droits humains en Colombie

Le document est disponible sur le site web du CAPMO à la section Carrefour de savoirs.

 

Brunch du CAPMO

18 juin 2023 au Centre Mgr Marcoux à Québec de 9 h à midi.

 

 

 

 

 

 

 

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