Ça roule au CAPMO – mai 2017
L’impérialisme occidental
Dans un monde où la post-vérité, l’impression ou le message, que les autorités souhaitent nous transmettre, prédomine sur l’analyse objective des faits, il y a lieu de s’inquiéter. Non seulement les fausses nouvelles foisonnent sur internet, mais elles s’ajoutent à la complaisance des médias devant la pensée unique promue par le Nouvel ordre mondial. Sous peine d’accusation d’hérésie, honnis ceux ou celles qui osent penser en-dehors du consensus des grands conglomérats de presse. En ce domaine, les chiens aboient souvent plus fort que leurs maîtres lorsqu’il est question de s’emparer des richesses d’une nation.
Les agences de cotation sont présentement les véritables maîtres du monde, la démocratie n’étant plus qu’un simulacre pour demander aux populations à quelle sauce ils souhaitent être dévorées. Avec l’épuisement des ressources, le combat pour la conquête du monde sera de plus en plus féroce. Devant le colosse de Washington et la dictature des milliardaires, les peuples de la Terre tremblent, ignorant qui sera au menu du prochain repas de l’ogre. D’ailleurs, les traités de libre-échange ne sont que des passerelles pour les multinationales, pas pour les travailleurs et les travailleuses.
En fait, peu de peuples ont le courage de résister aux diktats des maîtres du monde, car le poulailler est rempli d’agents de la soumission. Le Venezuela est la cible des agents de l’impérialisme occidental depuis de nombreuses années. Pourtant, on n’y retrouve pas d’escadrons de la mort tels qu’au Honduras, au Mexique, en Colombie ou au Guatemala. Mais parmi nos médias, qui se donne la peine d’aller sur place rencontrer la population des classes les plus pauvres, – pas les blancs des beaux quartiers auxquels il nous est facile de nous identifier -, pour leur demander ce qu’ils pensent de leur gouvernement et s’ils souhaitent une intervention étrangère qui viendra mettre leur pays à feu et à sang pour le bénéfice des milliardaires ?
Le Nouvel ordre mondial présuppose qu’aucun peuple ne puisse sortir du rang, qu’ils obéissent aux diktats des banquiers. Marchant docilement à l’hécatombe, les plus forts se partageront les os des plus faibles. Mais ne vous y trompez pas, le Canada n’étant pas une grande puissance, il figure au menu des ogres milliardaires qui salivent d’engloutir cette colonie. Observez un instant son gouvernement et vous comprendrez que nous sommes bien un dominion, un territoire qui s’administre lui-même sous la tutelle d’une puissance impériale. Mais le plus beau avec le système capitaliste, c’est que nous sommes heureux de cela tant que nous pouvons consommer et satisfaire nos désirs personnels. Vous remarquerez cependant que cela se fait au prix de l’effacement de l’histoire et de l’absence d’un projet de société inclusif. Bien sûr les volontés individuels et les différentes associations s’efforcent de combler les trous béants laissés par l’État, mais cela ne sera pas suffisant pour prendre le tournant d’un changement de civilisation post énergie fossile.
Si nous ne nous affranchissons pas à temps de la dictature du capital, l’espèce humaine disparaîtra comme les dinosaures ont été incapables de s’adapter aux changements. Plus j’observe mon espèce, plus j’ai le sentiment de fourmilières géantes qui s’affrontent jusqu’à l’épuisement total des ressources. C’est pourquoi la guerre semble faire partie de notre ADN, l’abruti dominant l’altruiste sous couvert de rationalité guerrière prête à nous mentir pour parvenir à ses fins.
Yves Carrier
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LA SOCIÉTÉ CIVILE : CE QU’ELLE EST, CE QU’ELLE CONTIENT
Nous avons établi précédemment que la société est le principal sujet historique à l’origine du changement social. Sa mission est de faire l’histoire dans sa recherche du bien commun et son exigence de l’État de droit. Si la trame de la société est constituée par les familles, les ménages, les individus, les classes sociales, la société civile représente sa forme organisationnelle, un peu comme la laine tricotée et assemblée devient un gilet.
La société civile représente la sphère des relations entre les citoyens dans tous les domaines d’intervention, de la spiritualité à l’économie en passant par le sport, la culture, les loisirs, la religion, etc. Elle s’organise, dans la mesure du possible, sans l’ingérence de l’État, de la grande économie ou des hautes sphères religieuses.
La société civile renouvelée se doit d’être démocratique, autonome, responsable, inclusive, non violente, respectueuse de la personne et de son environnement. Elle se doit d’exercer un certain contrôle sur le territoire qu’elle occupe et sur ses activités. Il s’agit pour elle de s’emparer de tous les pouvoirs qui lui reviennent et qu’elle est en mesure d’assumer. Évidemment, il revient à l’État de conserver ses fonctions régaliennes : l’armée, la police, la justice, battre la monnaie, etc. sous la surveillance de la société civile, en respectant la division des pouvoirs telle que définie dans l’œuvre de Montesquieu entre le législatif l’exécutif et le justicière.
Font partie de la société civile les syndicats, les petites et moyennes entreprises, les coopératives, les groupes communautaires et culturels, les clubs sociaux et sportifs, de loisirs, les chambres de commerce les classes sociales, les partis, les mouvements sociaux et diverses associations, etc. Mais il n’y a société civile effective que dans la mesure où il existe une articulation, une solidarité, entre ses diverses composantes pouvant entraîner une mobilisation. L’exemple tunisien est très inspirant dans ce sens alors que quatre organisations de la société civile se sont alliées pour assurer l’avenir démocratique de ce pays : Union générale tunisienne du travail, Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, Conseil de l’Ordre national des avocats et Ligue tunisienne des droits de l’homme. L’Union tunisienne patronale (de l’industrie, etc.,) est présidée par une femme. C’est l’occasion de préciser que la Tunisie est certainement le pays le plus avancé du monde arabe et musulman en matière d’émancipation des femmes, lesquelles sont par ailleurs au cœur de la société civile.
En bref, la société civile représente l’avenir de l’humanité, la seule chance de s’en sortir. Organiser le peuple, les 99%, tous et toutes les indigné-e-s, c’est la tâche de tous et toutes les militants et militantes de la planète, pour sauver notre planète.
Robert Lapointe
L’appui du Canada aux frappes américaines en SYRIE : une position insoutenable
Martine Éloy et Suzanne Loiselle, le 7 avril 2017
Le 4 avril dernier, à Khan Cheikhoune dans le sud de la province d’Idlib en Syrie, des attaques au gaz toxique auraient tué une centaine de personnes dont plusieurs femmes et enfants et en auraient intoxiqué 400 autres. Ces attaques dont l’origine est encore à prouver ont suscité, à raison, un vaste courant d’indignation dans le monde.
La réplique étatsunienne n’a pas tardé. Dans la soirée du 6 avril, le président Donald Trump ordonnait le lancement de 59 missiles contre la base aérienne de Sheyrat près de Homs, base qui serait associée, selon la Maison-Blanche, au programme syrien d’armes chimiques. Cette frappe surprise constitue une volte-face pour Trump qui avait mené sa campagne électorale en s’opposant à toute implication américaine dans la guerre en Syrie.
Cette attaque unilatérale, à l’encontre du droit international est une véritable attaque d’agression. Qui plus est, elle est appuyée honteusement par le Canada selon la déclaration du premier ministre Trudeau dès le lendemain des frappes américaines à Khan Cheikhoune.
L’engagement de Trudeau de « faire de la politique autrement » est bien mort et sa promesse de « continuer les efforts diplomatiques en vue de résoudre la crise en Syrie » bien creuse. Place plutôt à la logique du recours à la force !
Loin de sauver des vies, une telle attaque contre la Syrie ne peut qu’aggraver la situation déjà désastreuse dans ce pays détruit par six années de guerre, alimentée par des interventions étrangères aux intérêts divers. Nous appelons le gouvernement du Canada à refuser l’escalade militaire.
Martine Éloy et Suzanne Loiselle
Pour le Collectif Échec à la guerre
FEMMES DE DIVERSES ORIGINES s’opposent à l’attaque contre la Syrie
Montréal, le 9 avril 2017
Nous dénonçons les attaques américaines contre la Syrie perpétrées le 6 avril. Femmes de diverses origines est une organisation de femmes engagées pour la paix fondée sur la justice et opposées à l’impérialisme, au colonialisme et au militarisme sous toutes ses formes. Nous voyons l’attaque américaine comme un acte d’agression impérialiste. Que cette attaque ait été lancée par le Président Trump sans l’approbation des Nations Unies ou même sans l’aval du Congrès des États-Unis, constitue une violation du droit international et une violation du droit interne des ÉU. Ceci rentre en droite ligne dans la tradition des interventions antérieures pour imposer des changements de régime comme cela s’est produit en Irak et en Libye. Nous voyons les conséquences désastreuses de ces ingérences qui continuent dans la région, entre autres pour les peuples d’Irak et de Libye. Les mensonges brandis sur la possession par Saddam Hussein d’armes de destruction massive et leur présence en territoire Irakien à l’époque ont généré une sympathie pour l’invasion de ce pays tout en lui octroyant une légitimité. Les voix de ceux et celles qui disaient que les preuves étaient montées de toute pièce furent noyées.
Nous voyons la même chose se dérouler en Syrie aujourd’hui. Nous pensons qu’il est urgent que les gens du monde entier protestent, qu’ils fassent pression sur leurs gouvernements pour qu’ils ne tolèrent pas cette action impérialiste américaine. Aucune enquête n’a été faite pour corroborer l’accusation que l’État syrien est responsable de la tragédie due aux armes chimiques. Cela a simplement été affirmé et répété en continu et en boucle dans les médias de masse. Du coup, c’est devenu la vérité! Malgré qu’il n’y ait pas eu de preuves factuelles, la soi-disant communauté internationale (dirigée par des impérialistes et des colonialistes qui ne voient que leurs meilleurs intérêts stratégiques et économiques) ont tous appuyé l’agression. Et les principaux médias ont été prompts à suivre et à réitérer le prétexte donné –une ¨attaque chimique contre des civils syriens innocents¨.
En tant que Femmes de diverses origines, nous ne soutenons pas les régimes autoritaires, mais nous croyons que seules les populations concernées peuvent elles-mêmes décider de l’avenir de leur pays. Le fait que l’Arabie saoudite soit impliquée dans le mouvement syrien contre Assad doit être noté. Le fait que l’Arabie saoudite participe aux bombardements, à la mort et à la destruction au Yémen, où comme conséquence se déroule l’une des plus importantes crises humanitaires au monde et la plus grande urgence de sécurité alimentaire au monde (telle qu’identifiée par l’ONU) doit être signalé. Mais, que l’Arabie Saoudite ait le soutien et la complicité du monde en dépit de tout est très révélateur. Pourquoi ces deux poids, deux mesures? Les populations civiles et les crises humanitaires devraient avoir la même attention partout où elles se déroulent. L’hypocrisie des gouvernements occidentaux est sans borne. Par exemple, le Canada d’un côté soutient l’attaque des États-Unis contre la Syrie, mais n’a pas arrêté la vente de véhicules militaires armés à l’Arabie Saoudite. Il y va de même pour d’autres pays comme la Grande-Bretagne qui continue à vendre des armes à l’État saoudien.
Aujourd’hui, le gouvernement du Canada commémorait officiellement le centenaire de la bataille de la Première Guerre mondiale de la crête de Vimy et le Premier ministre Justin Trudeau a pris la parole à la cérémonie pour parler de «l’engagement durable du Canada envers la paix». Parlant au nom des Canadiens il disait « Jamais plus » ; ces mots sonnent particulièrement creux, car le monde est plus proche que jamais d’une troisième Guerre mondiale. Nous ne pouvons pas garder le silence. Il est urgent de faire entendre notre voix. Nous devons faire arrêter la menace à la paix mondiale.
Info:
wdofdo@gmail.com<mailto:wdofdo@gmail.com
Brésil : L’Église catholique s’engage auprès des plus pauvres
Le Conseil permanent de la Conférence Nationale des évêques du Brésil (CNBB) avait déjà critiqué, en octobre 2016, la « Proposition d’Amendement de la Constitution » (PEC241), décrétée par le nouveau gouvernement fédéral, qui limite les dépenses publiques pendant 20 ans. Cette PEC 241/16 limite les dépenses primaires de l’État notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Pour la CNBB, la PEC 241 est une mesure injuste et sélective qui atteint surtout les couches les plus pauvres de la population. Les pauvres sont ceux qui ont le plus besoin de l’État pour que leurs droits constitutionnels soient garantis.
En 2017, les mouvements sociaux et les syndicats ont été bien heureux de recevoir l’appui de l’institution religieuse la plus importante du pays. Le gouvernement fédéral veut approuver à la hâte une loi qui change les règles de la retraite. Ils augmentent l’âge pour l’arrêt du travail (65 ans), alors qu’en ce moment c’est 55 pour les femmes et 60 pour les hommes après 30 ans de service. Avec la nouvelle loi, il faut travailler 49 ans.
Droits complètement bafoués
Les évêques s’associent à l’ensemble de la population qui considère que leurs droits sont complètement bafoués. C’est un moment d’attaque à la démocratie, disent-ils, qui aura comme conséquence une perte de qualité de vie. Les maladies vont augmenter, chez une population qui est déjà pénalisée par le manque de services publics, et par des salaires très bas qui ne lui permettent pas de terminer un mois avec tout ce dont ils ont besoin.
Le gouvernement fédéral actuel, qui a évincé une présidente honnête, veut appliquer les leçons du néo-libéralisme qui s’occupe plus d’assurer les profits des institutions financières que les services fondamentaux des populations démunies.
Poids significatif de l’Église catholique
Le leader indien Paulo Vinicius a déclaré l’importance de l’engagement de l’Église catholique dans les luttes actuelles. Celle-ci a encore un poids significatif (malgré l’ascension des églises évangéliques) pour essayer de freiner la destruction délibérée des conquêtes politico-sociales, dès que la dictature militaire a lâché le pouvoir, en 1985.
Prévenir deux terribles conséquences
Évêques et leaders des mouvements sociaux comprennent que si on ne se bat pas maintenant contre les barbaries qu’on essaie de commettre contre les exclus de la « grande fête financière », il y aura deux terribles conséquences. La première est relative à l’augmentation de la criminalité, et la seconde concerne un processus de déstabilisation politico-sociale qui se produira dans toute Amérique Latine.
La CNBB appuie la grève générale de tous les travailleurs prévue pour le 28 avril 2017.
Auvidec Média/Licia Soares de Souza
10 avril 2017
Source : Actualité + Un regard sur le monde
Édition 168, 13 avril 2017
Ils deviennent fous, Antonio Zugasti, 18 avril 2017
Les auteurs classiques disaient que les dieux rendaient fous ceux ou celles qu’ils souhaitaient perdre. Dans le monde actuel, il apparaît clairement qu’il y a aussi des dieux qui rendent fous de nombreuses personnes. Je nommerais Donald Trump comme un exemple claire d’une personne que les dieux ont rendu folle car toute la vie de ce personnage met en évidence que son dieu est l’argent, un dieu cruel et inhumain. Ce dieu a fini par le rendre fou. Pour Trump, la vie humaine, des millions de vies humaines, ne comptent pas. Pour lui ne vaut que la richesse de son pays (qui et la meilleure façon d’assurer la sienne). Et à l’intérieur de son pays, la santé et la vie des plus pauvres ne lui importent pas non plus. Ce qui a de l’importance ce sont les bénéfices des sociétés médicales et des laboratoires. Ni même ne vaut l’environnement, la vie de notre planète; ce qui a de la valeur à ses yeux ce sont les bénéfices des entreprises minières et pétrolières.
Mais il n’y a pas que Donald Trump qui est devenu fou, l’argent est une idole qui rend fou tous ses adorateurs. Et, malheureusement, aujourd’hui, c’est le dieu qui domine le monde. Ses grands prêtres sont les institutions financières, les agences de notation, les multinationales, les banques et, dans l’ombre, le bras menaçant des dieux : le Marché !
Il est évident que les millionnaires sont devenus fous. Ils offrent à leur dieu des victimes humaines par millions. Ils continuent de lutter pour avoir plus et plus, alors qu’ils auraient besoin de vingt vies pour dépenser ce qu’ils ont. Qu’il y ait des gens ainsi, nous le concevons, la poursuite de la richesse a toujours existée. Déjà Jésus-Christ signalait que la richesse était le principal adversaire du Règne de Dieu qu’il annonçait. Le mal, c’est que cette quête nous rend fous et nous perdons la tête pour quatre euros. Or, même quatre millions d’euros ne valent pas la peine de perdre la tête.
Il est certain qu’un certain montant d’argent est nécessaire pour subvenir à ses besoins matériels de base. Mais il existe de nombreuses autres nécessités dont ce serait une erreur de vouloir les acheter avec de l’argent.
La pyramide de Maslow est fort connue. Ce psychologue classait les besoins humains selon cinq niveaux qui formaient ensemble une pyramide. Au niveau inférieur se retrouvent les nécessités physiologiques de base comme la nourriture et le vêtement qui s’achètent avec de l’argent. Ensuite, viennent les besoins de sécurité, de sécurité physique, de santé, d’emploi, de ressources… qui peuvent aussi être comblés avec de l’argent, mais cela apparait bien plus profitable s’ils sont assurés par une société où les besoins de base sont couverts par un État de bien-être efficient.
Ce qui est grave, c’est de tenter de satisfaire les besoins supérieurs au moyen de l’argent. Des besoins d’avoir des relations humaines satisfaisantes, de reconnaissance et d’auto-réalisation. Ces nécessités pointent dans la direction du développement de la personne, de ses qualités les plus élevées où l’esprit joue un plus grand rôle. C’est pure folie de croire que la richesse peut nous faire grandir humainement.
Il apparaît difficile de changer ce monde dans lequel on rend un culte à l’argent, mais cesser de l’adorer est quelque chose qui est à notre portée. Il n’est pas nécessaire de gagner des élections ni d’obtenir aucun pouvoir institutionnel. Il suffit de s’apercevoir de la grande tromperie que suppose mettre notre volonté à la poursuite de l’argent au lieu de nous efforcer d’atteindre un développement humain équilibré en accroissant toutes nos possibilités dans tous les domaines.
Plusieurs personnes, peut-être davantage que nous ne le croyions, des personnes dont nous parlent les médias de communication, ont surmonté la folie d’adorer l’argent et mène une vie bien plus satisfaisante que ceux et celles qui sont les esclaves de leurs ambitions. Si nous adoptions cette positions, nous poserions les bases d’un monde plus juste, plus humain et plus agréable.
Traduit de l’espagnol par Yves Carrier
La France nie la réalité, Luis Casado, Politika, Chile
Le premier tour des élections présidentielles françaises met en évidence la peur du changement, la fuite devant les décisions radicales ou non (qui vont à la racine du mal). L’illusion qu’engendre un candidat sorti de nulle part, ou le discours raciste et xénophobe du néofascisme, ne constitue pas une réponse aux questions que, tôt ou tard, la France devra résoudre. Luis Casado offre sa vision de l’actualité française.
La négation de la réalité est un mécanisme psychotique. Un mécanisme de défense devant les problèmes de la personnalité. Un mécanisme de fuite. En ce cas, il s’agit de rapporter un problème à plus tard, aux prochaines élections présidentielles dans cinq ans. Aujourd’hui nous ne souhaitons pas couper le nœud gordien. Cette expression désigne une question qui nécessite absolument des solutions créatives et innovatrices. Une rupture.
Pour comprendre le résultat du premier tour des élections présidentielles, il suffit de lire les titres de la presse parisienne : « La Bourse de Paris fait un bond de 4 points ! » Ou bien la presse internationale qui célèbre : « Les bourses européennes reçoivent avec euphorie les résultats du premier tour. »
Euphorie : ce mot se réfère à un état pathologique. C’est une sensation extériorisée d’optimisme et de bien-être, produite par l’administration d’une drogue ou de médicaments, ou par une satisfaction matérielle ou spirituelle.
Euphorie (en médecine) : État d’animation propice à l’optimisme qui, comme phénomène pathologique, s’observe dans certains cas d’intoxication et de maladie du système nerveux.
Mais qu’est-ce qui a changé après le premier tour ? Rien. Attendons le second tour. Puis le troisième, les élections parlementaires qui donnerons ou non une majorité de gouvernement au président élu. Les analystes de la télévision disent— maintenant — que le programme d’Emmanuel Macron est très proche de celui de François Fillion, une sorte d’envolée exponentielle vers le néolibéralisme le plus débridé. Privatisation de la Sécurité sociale et de la Santé, déréglementation des lois du travail, réduction des budgets de l’État, diminution du nombre de fonctionnaires (infirmières, professeurs, gardes forestiers, etc.), baisse drastique des ressources des pouvoirs locaux (municipaux, provinciaux et régionaux), mise au régime de l’Éducation, privatisation des retraites. La maladie comme remède à la maladie.
C’est pourquoi les marchés financiers exultent comme s’ils avaient pris de la drogue. Ou, simplement — comme cela se produit depuis des années — ils souffrent de la pathologie de l’optimisme convulsif parce que là où on leur donne le pouvoir, s’il se produit une autre catastrophe comme la crise des crédits subprimes, il ne se passe rien, c’est l’État qui paie.
L’autre finaliste, Marine Le Pen, la néofasciste, est le résultat des politiques mises de l’avant au cours des dix dernières années par Sarkozy et Hollande. L’élimination de François Fillion (première fois dans l’histoire de la Ve République que les « gaullistes » n’iront pas au second tour) et le naufrage de Benoit Hamon et la quasi disparition du parti socialiste français, constituent un tremblement de terre politique. Le bipartisme est terminé. Ceux qui ont désigné leur candidat à la présidence lors de primaires.
La xénophobie de Le Pen, la discrimination dont est l’objet une population désignée comme la cause de tous les maux — les immigrants — rappellent les pires moment de l’Histoire du Vieux continent.
Jean-Luc Mélenchon dit qu’il s’agit d’un « suicide collectif ». Il explique : « L’histoire montre que la progression de l’extrême-droite s’alimente toujours de la décomposition des règles de la société démocratique. Si sont dissous les fondements des règles de la société démocratique, qu’est-ce qui demeure ? La loi du clan, de la tribu, de l’ethnie. L’extrême-droite est ce qui reste dans le fond de la casserole lorsque s’évapore la Vertu républicaine ».
Ce sont les raisons pour lesquels les marchés reçoivent ce résultat avec euphorie. Néanmoins, ni Macron, ni Le Pen, n’apportent rien pour affronter les questions de fond qui maintiennent la France prostrée dans une négation de la réalité : une profonde crise institutionnelle, une mutation industrielle que personne, jusqu’à maintenant, ne se décide à aborder parce que c’est le marché qui décide, le déclin de l’agriculture (qui durant des décennies fut le premier secteur exportateur du continent), le danger que représente l’énergie nucléaire (58 réacteurs nucléaires majoritairement obsolètes), l’appauvrissement de la population dans un pays qui n’a jamais été aussi riche, la dégradation de la Santé publique (qu’il y a peu était la meilleure au monde), la crise écologique qui exige une nouvelle matrice de production et différents modes de consommation, le danger belliciste qui est à chaque jour plus aigüe, les guerres actives où la France est impliquée, et celle où elle pourrait être entrainée, exigent de changer radicalement la politique extérieure, de retirer le pays de l’OTAN qui est régentée par les États-Unis, de définir et d’appliquer un programme pour la paix.
Vents de guerre ?
C’est une autre raison pour laquelle les marchés exultent, de là provient l’euphorie. L’opportunisme des uns et des autres, battus, annihilés par le vote démocratique, – droite traditionnelle, socialistes en perdition—, les fait courir pour appuyer Emmanuel Macron, en espérant, dans une fusion improbable de nullités politiques, conserver quelque chose du pouvoir qu’ils ont perdu. Depuis Santiago, la présidente Bachelet s’ajoute de manière pathétique au chœur des perdants.
La France n’a pas choisi. La France nie la réalité, espérant que la négation des questions qui l’assaillent les feront disparaître. Sarkozy et Hollande, et leurs partis politiques, portent une grave responsabilité dans ce qui se produit maintenant. Ils ont gouverné comme Francisco Franco dont on disait qu’il avait deux boites dans son bureau : l’une pour les problèmes que le temps devait résoudre et l’autre pour ceux que le temps avait résolus.
Le combat pour le triomphe de la rationalité contre l’injustice, la corruption, l’accumulation insensée de la richesse dans les mains d’une poignée de privilégiés, n’est pas terminé. Qui, dans la France insoumise et dans d’autres structures politiques émergentes, rêvent d’une France digne de son Histoire ? Nous avons une lourde tâche devant nous. Nous serons là avec les sept millions d’électeurs qui ont défié la campagne de terreur contre Jean-Luc Mélenchon.
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Traduit de l’espagnol par Yves Carrier
L’héritage de Bauman pour l’ère Trump,
Citlali Rovirosa-Madrazo, Confidencial, 20 anos
Zygmunt Bauman (1925-2017), l’un des plus grands penseurs de notre temps, nous a mis en garde sur la convergence entre le nazisme et le populisme.
Janvier 2017, lorsque Zygmunt Bauman est décédé à Leeds en Angleterre, il était parfaitement conscient que Donald Trump allait s’asseoir sur le fauteuil présidentiel, mais il a eu la chance de ne pas attendre la cérémonie d’assermentation pour voir s’accomplir le cauchemar. L’éminent sociologue polonais, l’un des plus grands penseurs de notre temps, avait suffisamment bu de l’eau putride du totalitarisme occidental.
L’une des choses les plus tristes à propos de son décès, c’est qu’il est parti en sachant que le monde n’avait rien appris de l’holocauste, en sachant que le monde avait commencé une vertigineuse marche arrière. Il est parti conscient que l’utopie de Tomas More était plus loin que jamais — si bien que dans son dernier ouvrage, « Rétrotopie », il murmurait que dans la romance d’une civilisation obsédée par la résurrection du passé, nous pourrions trouver une route sur une carte qui nous conduirait vers un monde meilleur. Toutefois, la « Rétrotopie » est inatteignable, expliquait l’auteur prolifique — non pas parce qu’elle n’avait jamais existé, mais parce qu’elle avait cessé à jamais d’exister.
Il est certain qu’un des arguments centraux de l’œuvre de ce penseur exubérant, survivant du nazisme, c’est que l’Holocauste et la Modernité sont inséparables. Mais, paradoxalement, la Modernité européenne serait le meilleur antidote pour survivre aux « temps liquides » – terme que créa Bauman pour décrire l’état lamentable des sociétés contemporaines caractérisées par l’effondrement des institutions qui nous avaient procuré des fondements solides pendant une longue période historique. Dans les « sociétés liquides » prévaut l’incertitude, l’individualisme et l’indifférence; en elles prolifèrent des multitudes d’humains « jetables », une préoccupation permanente dans l’œuvre du lauréat du Prix Prince D’Asturia : « Regardez le monde avec les yeux des plus faibles, et affirmer avec honnêteté que nos sociétés sont bonnes, civilisées et libres », affirmait-il.
Évidemment, s’exprimer en termes « d’état liquide » de la société était problématique. Aurait-il été plus juste de parler d’évaporation ?, lui demandai-je lors d’une entrevue que nous ne sommes pas parvenus à conclure. Malheureusement, il n’y eut pas une autre occasion de réfléchir et d’approfondir sur ses allégories parce que la mort est venue pour ce grand homme qui s’évanouit douloureusement de nos vies peu de jours avant qu’un lunatique mégalomane aux cheveux de lion s’installe dangereusement à la présidence des États-Unis.
Effectivement, un des esprits les plus brillants de notre époque est parti quelques jours avant qu’un homme dérangé prenne possession du bureau ovale pour gouverner par décret, l’évaporation des institutions déjà affaiblies depuis l’avènement du néolibéralisme; des institutions qui, malgré leurs sévères lacunes, les conflits et les confrontations des dernières décennies, avaient permis une paix et une harmonie relatives, ainsi que la stabilité mondiale.
Lors de l’une de ces dernières présentations publiques, Bauman alerta à propos de la convergence actuelle du nazisme et du populisme, tous deux caractérisés par l’habilité de réduire au rang d’ennemi, sans le moindre scrupule, toute altérité, en désignant l’autre, « l’étranger », comme le « barbare », uniquement digne de haine et de mépris. Ce furent les manifestations récentes de haine démesurée qui préoccupèrent l’esprit de Bauman suite à la réaction xénophobique devant les récentes vagues migratoires, incluant celles qui convertirent la mer Méditerranée en cimetière, comme disait Bauman en faisant référence aux paroles du pape François sur le destin tragique des réfugiés.
Il semble symbolique que la mort du professeur émérite de l’Université de Leeds s’est produite quelques jours avant que Trump, belliqueux et despote, – l’homme qui mène la nouvelle révolution de la haine —ne vienne brasser les cendres du fascisme, ressuscitant les fantômes du passé, même si funestement, de l’autre côté de l’Atlantique, depuis juin 2016, le Brexit avait déjà commencé à allumer ce sinistre.
Je peux presque deviner la réponse du professeur à cette question : Serions-nous en train d’assister à l’installation de la plus grande machine productrice de haine, la seconde grande industrie mondiale de l’aversion ? Non, certainement pas, répondrait-il. Il serait plus juste de parler de sa plus efficace administration. Il y a certainement une raison pour parler en termes de « administration », au lieu de « production » massive (de la haine).
Donald Trump n’est pas simplement un déséquilibré. En réalité, il est un géo-stratège, un grand calculateur—. Ce n’est pas pour rien qu’il a formé un cabinet militarisé (réunissant tactiquement des figures clés du pouvoir corporatif et des forces armées) pour consommer ce que certains analystes considèrent comme « un coup d’État maquillé de démocratie » (cf. Jalife-Rahme). Il n’est pas difficile de deviner que cela avait comme double objectif de paver le chemin, tant pour la nouvelle élite de la dynastie Trump, qu’à la construction d’un nouvel ordre mondial (ce n’est pas en vain que Trump a demandé l’approbation du Congrès pour une augmentation historique des dépenses militaires de son pays). Mais étant d’abord et avant tout un commerçant, Trump s’emploie à appliquer son habileté en gestion et en marketing pour « administrer » la xénophobie et la rancœur populaire. Ainsi, le nouveau président déploierait de façon magistrale l’idéologie de la suprématie blanche.
Revenant à Bauman, son œuvre inépuisable est aujourd’hui plus pertinente que jamais. Par hasard, est-ce que le paradigme occidental de la démocratie était destiné à échouer ? Est-ce que la démocratie a toujours été une illusion, un mythe occidental, une autre institution liquide, vacillante, et gélatineuse ?, lui demandai-je timidement en 2008, espérant des réponses concluantes (comme il est facile d’oublier que le sociologue de Poznań ne donnerait jamais des réponses simples ou commodes).
C’est que Bauman raisonnait comme les musiciens (nous partagions une même admiration pour différents compositeurs: l’écho de Chopin, son compatriote, ou la douce mélancolie de Henryk Gorecki ne manquaient pas dans nos conversations).
Mais lire Bauman, c’était comme écouter Schubert parce qu’il évoquait la tristesse en même temps qu’une profonde et incontestable sérénité, une particulière sagesse d’une magistrale sobriété — avec la différence que Bauman avait atteint un son singulier, une note dans l’échelle musicale que personne, aucun musicien ou penseur ne semblait être parvenu à atteindre.
En raison de tout cela, il est émouvant de savoir que Zygmunt est parti conscient que les grandes idées du passé s’évanouissaient (même si elles ne sont pas encore mortes, murmurait-il dans son dernier livre). Il est parti conscient que l’humanité affrontait la pire tournant de son histoire. Il s’en est allé en craignant pour le futur de l’Europe parce qu’il savait que, malgré ses grandes déficiences, l’Union Européenne était un bastion pour la sauvegarde des droits humains et un refuge contre la guerre. Comment nous pardonner que ceux qui survécurent à l’enfer de l’Holocauste, meurent maintenant en sachant que les virus d’une des pires calamités de l’humanité ont ressurgi et que nous n’avons pas pu l’éviter.
Lorsque nous étions dans la phase de planification d’une publication autour du concept de « la fin du monde » équivoquement attribué aux anciens Mayas, nous cherchions une correspondance entre les grands événements sociaux et les grands effondrements paradigmatiques de la première décennie du 21ème siècle, explorant la pertinence même du concept de « fin ». Qui nous aurait dit que, quatre années plus tard, « la fin du monde » arriverait par un décret présidentiel des États-Unis ? À cette occasion, Zygmunt avait intitulé son brouillon de la phrase : « La fin de quoi? » Je me suis alors demandé : « Qui est-ce qui s’est trompé en 2012? » – les anciens Mayas, ou les archéologues et spécialistes des écritures composées à partir de narrativités mystiques et futuristes. N’est-ce pas les Mayas contemporains de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) qui annoncèrent la mort du traité de libre-échange nord-américain le 01 janvier 1994 ? (Évidemment, ce que prédirent les Mayas zapatistes n’a rien à voir avec le dédain trumpiste pour le libre commerce et la coopération internationale — la prédiction des zapatistes était un présage sur les menaces du capitalisme prédateur, tandis que celui du perturbé de Washington n’est qu’un hurlement xénophobique et protectionniste).
De toute façon, Bauman savait que, en dernière instance, les cycles historiques, comme ceux contenus dans le calendrier maya, sont comme les états de la matière : changeants, même si, peut-être, perpétuellement liquides — comme l’eau — qui oscille entre la mer, les nuages et les glaciers.
À l’ère de Donald Trump — la société a été analysée dans l’optique de la liquidité du « paradigme de Bauman » (je soupçonne qu’il ne pardonnerait pas de parler de son « paradigme ») ou encore selon l’optique de la narrativité apocalyptique — la solidarité, l’imagination, la compassion et l’amour comme celui dont débordait Zygmunt Bauman, sont les calices que nous devons boire si nous voulons survivre au 21ème siècle. « Souviens-toi chère Citlali, m’écrit-il lors de l’une de nos dernière rencontres en citant Cicéron : « dum spiro, spero », « tant que je respire, il y a de l’espoir ».
Traduit de l’espagnol par Yves Carrier
Calendrier des activités du mois de mai 2017