Ça roule au CAPMO, juin 2023

L’intelligence artificielle

À mon sens, l’intelligence comprend beaucoup plus qu’un simple logiciel de raisonnement binaire permettant de discriminer, de calculer et de mesurer, n’en déplaise à René Descartes, auteur du Discours de la méthode.

À moins de vouloir faire disparaître l’espèce humaine pour satisfaire la rentabilité des algorithmes de la finance qui pourraient bien un jour finir par se suffire à eux-mêmes, nous devons tenir compte de la réalité sensible et de toutes les formes d’intelligences qui sont loin d’être des artifices, mais des instruments que l’humanité a acquis depuis la nuit des temps pour surmonter les difficultés, voire les impossibilités de sa survie.

Si nous sommes victimes de notre maitrise de la technologie et des sciences à un point tel que nous en auront bientôt fini des ressources disponibles, le temps long de l’histoire nous apprend que la tragédie fut le lot de notre espèce. Ainsi, bien des interdits provenaient d’expériences dramatiques qui avaient forcées l’imposition de limites à notre hybris débridé. Autrement dit, pour surmonter la barbarie, nous avons dû renoncer à la satisfaction permanente de l’ensemble de nos désirs et choisir une voie plus élevée vers le bonheur et la plénitude.

Aveuglés par notre puissance et nos exploits technologiques, nous croyons au progrès incessant de notre civilisation. Or, non seulement les reculs sont possibles, mais ils deviennent probables. Sans parler de notre régression morale, hypnotisés par des egos démesurés auxquels il devient impossible de refuser quoi que ce soit, il s’avère évident que nous avons perdu pied avec la réalité.

Dans une démocratie téléguidée par le système financier, sous influence de l’incessante publicité, nous refusons toute forme de sobriété. Hélas, tous ces progrès technologiques exigent davantage d’énergie, dont nous allons malheureusement manquer, et ils nous rendent insensibles aux misères du Sud global, victime de nos excès de consommation et de nos ventes d’armes.

Dans la narrativité postmoderne, la sagesse et les vertus ont été banalisées, réduites à des options décoratives, sans apparente conséquences avec la vie réelle. L’amour n’est plus qu’un morceau de chocolat que des tourtereaux épris de l’image de l’autre, s’échangent à la Saint-Valentin. Exit l’altruisme.

Dans cette rationalité aux odeurs de légalisme où chacun cherche à faire valoir son droit, incapable de s’élever à la contemplation du bien commun, l’intelligence artificielle finira bien par comprendre que nous sommes devenus inutiles sinon nuisibles à la survie de cette planète, car elle seule saura appréhender le monde au-delà de ce rapport narcissique que nous entretenons avec le monde. Si nous voulons défendre la dignité humaine, il faudrait d’abord la cultiver en soi et la chérir comme le plus précieux des biens.

Yves Carrier


 

Prise de position du village maya de Bacalar sur le projet du Train maya

Assemblée des défenseurs du territoire maya Múuch’Xíimbal

samedi 27 mai 2023, mis en ligne par Dial  , numéro 3658

Bacalar est né comme village maya il y a plus de 1500 ans, nos ancêtres mayas les plus anciens ont pris soin de ce territoire et l’ont protégé, ils n’ont jamais cessé de résister que ce soit à la colonisation espagnole ou au système colonial qui continue jusqu’à nos jours. En 1901 encore, au tout début du siècle passé, Bacalar a compté parmi les derniers villages mayas à se maintenir en résistance, lors de ce que l’on a appelé la guerre des castes. Nous les Mayas ne sommes jamais partis, nous avons toujours été présents ici.

La pauvreté et l’oubli dont on dit qu’ils règnent ici sur le territoire maya de la péninsule du Yucatán, sont surtout un appauvrissement programmé et légalisé par le gouvernement qui voit dans les populations indiennes, non seulement de la péninsule mais de tout le pays, une sorte d’obstacle qui ne lui permet pas de faire et défaire selon son bon plaisir, c’est-à-dire qu’ils nous considèrent comme un obstacle à leurs projets.

C’est la raison pour laquelle nous ont été déniés depuis toujours des besoins de base comme une situation sanitaire digne, une éducation orientée dans le sens de notre culture, une réelle justice pour les populations indiennes, dans le cadre de laquelle nous soyons considérés comme sujets de plein droit au regard de la constitution et pas seulement d’intérêt public comme c’est le cas jusqu’à aujourd’hui.

Rien de ce qui vient d’être évoqué ne s’est amélioré ni aujourd’hui à plus de 4 ans de la quatrième transformation d’opérette, ni dans le passé, avec d’autres gouvernements. Lorsqu’ils sont arrivés à la péninsule pour faire la propagande du projet de Train maya, ils ont promis d’apporter des solutions à ces besoins de base, mais seulement si ce projet était accepté, et de nouveau ça n’a été rien d’autre qu’une tromperie de plus à l’égard des peuples et communautés mayas.

Nous formons un collectif que nous avons nommé Assemblée des défenseurs du territoire maya Múuch’Xíimbal (Nous avançons ensemble), nous sommes des femmes et des hommes de diverses communautés mayas de la péninsule du Yucatán. Le collectif est né le 13 janvier 2018. Nous ne sommes affiliés à aucun parti politique, aucune religion et nous ne recevons d’argent d’aucune fondation.

Nous nous sommes réunis avec l’objectif unique de défendre notre territoire, car se profilent des projets de mort qui font violence à nos communautés, comme les monocultures transgéniques, les fermes d’élevage industriel de porcs et de poulets, les parcs éoliens et photovoltaïques, le tourisme de masse, les grands projets immobiliers, et comme si cela ne suffisait pas, les mégaprojets comme le train mal nommé Train maya.

Une partie des actions que nous avons réalisées l’ont été dans le cadre légal, par le biais de recours de protection qui, dans le passé, même lorsque c’était compliqué, ont fait que, en tant que peuples indiens, nos droits ont été respectés, mais à partir de 2018, les choses ont changé. En 2021 par exemple, alors même que divers recours de protection avaient été accueillis positivement par la justice et que légalement l’avancée du train pour les tronçons 1, 2 et 3 devait être stoppée, aucune décision judiciaire n’a été respectée par l’exécutif, la loi a toujours été bafouée et nos recours légaux ont été rejetés. Il n’y a pas eu d’arrêt des travaux, ils continuent jusqu’à aujourd’hui, ils passent par-dessus nos droits en tant que peuples mayas et piétinent les droits de la nature.

Ici, à Bacalar, le gouvernement fédéral a décidé de faire passer le tronçon 6 du projet Train maya, ses émissaires venaient simplement pour annoncer qu’ils allaient venir, qu’il n’y avait rien à discuter, ils ont dit avec arrogance que c’est un projet fédéral, alors ils sont venus comme des patrons d’haciendas en donnant des ordres ici chez nous.

Le projet Train Maya n’a PAS n’est pas né d’un dialogue avec les peuples mayas, ni avec la population qui va être affectée, ce projet a été imposé depuis le palais présidentiel, ils le justifient en disant que c’est un projet de développement, mais c’est un développement capitaliste et néolibéral quand bien même le président se dit très à gauche, car il ne bénéficie qu’au grand capital, aux consortiums hôteliers, aux constructeurs immobiliers, aux fermes d’élevage industriel de porcs et de poulets, aux monocultures, aux parcs éoliens et photovoltaïques, et à la classe supérieure de toujours qui sont ceux qui ont du blé pour investir, à l’étranger et dans des pays comme les États-Unis et qui, dans l’économie mondiale, sont à la recherche de nouvelles terres à coloniser.

Quelle est notre place à nous dans ce projet qu’ils ont nommé Train maya ? Il faut le dire car ils n’ont pas eux la dignité de parler vrai, ils ont toujours d’autres données à avancer, de quelque parti qu’ils soient, en fin de compte, ils mangent tous à la même assiette et ne nous laissent que les restes.

La place qu’ils nous laissent dans ce projet, c’est celle qu’ils nous ont imposée il y a plus de 500 ans, celle d’esclaves, celle des domestiques, de celui qui va aller nettoyer les toilettes souillées par des milliers de touristes, de ceux des rangs desquels sont issus les morts et les disparus, de celui qui construit des hôtels et des bâtiments, mais qui n’a même pas un toit à lui ; la place des nouveaux pauvres ou des nouveaux migrants, c’est ça qu’ils nous laissent à nous et à nos filles et fils, sans terre ni territoire où nous créons et recréons la vie et notre culture.

Ils sont venus ici à notre territoire pour nous dépouiller de nos terres, ces terres dont nous avons pris soin et que nous avons gardé  vivantes pendant plusieurs milliers d’années, cette terre qui nous a instruits, protégés, alimentés – plus de la moitié des terres de la péninsule du Yucatán appartiennent aux peuples mayas.

C’est pour cela qu’ils ont porté leurs regards vers ce lieu, ils ont peut-être du blé mais ils n’ont pas de terres, ils viennent chez nous comme de nouveaux colonisateurs, ils exproprient des terres à coup de décrets et se croient les maîtres de tout, sans comprendre qu’ils sont en train d’en finir avec la vie de la forêt, de la terre, de l’eau et aussi avec nos vies.

La péninsule du Yucatán est connectée par sa forêt et aussi, sous terre, par un réseau de grottes, cénotes, puits naturels, les artères et les veines de l’eau, on peut dire que c’est un organisme vivant unique, c’est pourquoi lorsqu’on impacte l’une de ses parties on blesse un tout.

Le tracé du train coupe le cœur de la forêt, et ce n’est pas seulement des milliers d’arbres qu’il tue mais aussi la vie qu’ils portent en eux et la vie qu’ils produisent, ils sont l’abri et la nourriture de nombreux animaux, abeilles, insectes, plantes et oiseaux, ils sont générateurs d’air. Ils blessent la terre en la tailladant pour la niveler et aussi pour combler les puits naturels, ces puits par lesquels en période de fortes pluies l’eau s’infiltre dans le sous-sol, alimente ainsi la terre et aide à ce que l’eau n’aille pas directement à la lagune évitant ainsi qu’elle ne dépasse son niveau naturel d’eau, cela maintient son équilibre. Ils détruisent chaque jour davantage la vie dans la forêt et, se faisant, compromettent aussi la vie de la lagune.

La lagune manifeste déjà des symptômes de la négligence et des abus auxquels elle est soumise, il suffit de rappeler son changement de coloration survenu au milieu de 2020 : le poison s’est infiltré par la terre, a tué des milliers de coquillages et laissé des séquelles, éteignant ses couleurs bleues.

Les problèmes continuent : les infiltrations et les eaux usées déversées dans la lagune, la présence de plus en plus importante de touristes qui altèrent l’équilibre biologique de la lagune, les dommages causés aux mangroves, aux stromatolites, les incendies de palétuviers qui bouleversent les zones humides, le saccage de la flore et de la faune, et ce n’est qu’une partie des problèmes auxquels non seulement on n’a pas cherché à apporter une solution mais que, au contraire, on intensifie avec ces mégaprojets qui impactent de façon irréversible nos écosystèmes et finiront par nuire à la santé de la lagune et à notre santé à tous.

Le ruissellement à venir des richesses, comme ils disent, n’est pas pour nous. Ce qu’ils appellent la Riviera maya, Cancún, Playa del Carmen et Tulum sont quelques exemples du type de développement capitaliste qu’ils viennent nous imposer.

Où sont les Mayas ? La réalité est que nous avons les pires emplois, les plus mal payés, nous sommes discriminés, trompés, violentés.

Nous nous trouvons dans une situation où nous n’avons pas le droit d’exiger ne serait-ce que le minimum, nous ne pouvons pas même parler notre langue parce que les patrons pensent que nous ne parlons maya que pour les voler, nous n’avons pas même accès aux plages, à nos lagunes, nous n’avons pas droit à la santé, l’éducation, moins encore à la sécurité, il semble que seuls ceux qui ont de l’argent ont des droits.

Ah ça oui, ils volent notre culture pour nous exhiber dans des spectacles hauts en couleurs, folkloriques et ridicules dans leurs hôtels, restaurants, parcs, zones archéologiques et où ça leur vient à l’idée, ils utilisent notre langue pour baptiser leurs entreprises et même pour donner un nom à leurs trains qui n’ont rien de maya.

Nous dénonçons le mégaprojet de train maya comme étant un projet néolibéral, capitaliste et colonisateur, il ne répond qu’à la volonté de nous dépouiller de nos terres, de nous dépouiller de notre identité, il n’apporte que mort, il traîne dans ses wagons l’écocide de notre forêt et l’ethnocide de notre culture en tant que communautés mayas.

Remerciement à Dial pour avoir publié et traduit cette déclaration exceptionnelle qui nous aide à comprendre la situation et les enjeux culturels et écologiques du projet de Train maya au Yucatan du point de vue des communautés affectées. YC


 

Victor Codina, une Église en marche et une théologie à partir d’en bas

par Juan José Tamayo, Madrid

Religion digital, 26 mai 2023

Le 22 mai dernier, est décédé à Barcelone, à l’âge de 91 ans, le jésuite Victor Codina, l’un des principaux et plus lucide créateurs de la Théologie de la libération qu’il mit au centre de son projet existentiel et intellectuel. Pendant 20 ans, il est professeur de théologie en Catalogne où il accompagne les luttes ouvrières et populaires sous la dictature franquiste. De 1982 à 2018, il réside en Bolivie, s’incarnant dans l’histoire, la culture et la vie du peuple bolivien et se solidarisant avec les causes du monde indigène.

Là, il partage son temps entre l’enseignement de la théologie à l’Université catholique de Cochabamba et la formation de chrétiens et de chrétiennes laïcs, la collaboration avec des paroisses populaires et l’accompagnement des communautés de base dans différentes régions de la Bolivie : Oruro, Santa Cruz et Cochabamba. Il donne des cours dans différentes universités au Brésil et à l’Université José Siméon Canas, la UCA de San Salvador, où furent assassinés ses compagnons jésuites en novembre 1989. Il réalise des activités d’animation théologique dans la majorité des pays d’Amérique latine et donne de nombreux séminaires au centre Christianisme et Justice à Barcelone.

Victor Codina situe sa vie et son engagement social dans les quartiers ouvriers de Barcelone et auprès des majorités populaires d’Amérique latine; son lieu ecclésial, l’Église des pauvres; sa praxis, l’engagement au sein des mouvements sociaux; son attitude éthique, l’option pour les personnes les plus vulnérables, les secteurs appauvris et les peuples opprimés; le guide de sa vie, l’Évangile; sa médiation rationnelle, les sciences sociales; son herméneutique, les méthodes historico-critiques; son principe théologique, la libération; son inspiration, la spiritualité de la suite de Jésus de Nazareth; son horizon idéologique, dé-occidentaliser et décoloniser le christianisme; sa façon d’appréhender la foi chrétienne, la théologie nazaréenne qui nait de la praxis et conduit à elle, qui part de la réalité de la pauvreté et de l’injustice structurelles, de l’exclusion sociale et du plurivers (plusieurs univers) culturel et religieux du continent latino-américain.

« Le christianisme, – affirme Codina, citant le théologien russe Alexandre Men, assassiné par le KGB en 1990 – ne fait que commencer » et il propose l’impératif besoin d’un nouveau paradigme ecclésial. Il confirme cette affirmation en énumérant les problèmes du christianisme actuel :

– la marginalisation des laïcs et leur réduction au rôle de sujet passif dans une Église clérical;

– la discrimination des femmes dans une Église machiste et patriarcale

– la séquestration de l’Esprit Saint et avoir réduit le christianisme latin à des lois, des doctrines et des rites;

– le refus du magistère ecclésial de prendre au sérieux les pauvres comme lieu de la révélation et de la théologie par excellence;

– la timide et tardive ouverture à l’écologie;

– la lecture fondamentaliste de la Bible, incompatible avec la pensée scientifique, l’humanisme moderne et la jeunesse;

– la lente réforme de la Curie romaine;

– le rejet des personnes LGBTQ+

– le refus de l’évêque de Rome de renoncer à être un chef État;

– le manque de démocratie dans l’Église.

En réponse à ces problèmes, Codina suggère, à partir de l’idée de changement de paradigme dans la science proposée par le philosophe de la science Thomas S. Kuhn, et comme réponses aux problèmes énoncés, un changement de paradigme ecclésial qui débuta avec le Concile Vatican II, fut freiné pendant les pontificats de Jean-Paul II et Benoit XVI et a été réactivé par le pape François.

Ce paradigme possède les caractéristiques suivantes : ouverture à l’écologie (Laudato Si, encyclique sur la Maison commune); fraternité-sororité universelle, amitié sociale et charité politique (Fratelli tutti); amour conjugal (Amoris leatitia); critique du modèle néolibéral qui tue et de la globalisation de l’indifférence (La joie de l’Évangile); Église en sortie aux périphéries et hôpital de campagne, Église dans la rue et non pas douanière, critique du cléricalisme que François définit comme la « lèpre de l’Église ».

Au niveau interne, le changement de paradigme doit se traduire par la sinodalité comme forme d’organisation ecclésiale qui inverse la réalité pyramidale et patriarcale de l’Église actuelle, sans élites en haut et le peuple en bas, inclusive des hommes et des femmes, dont les ministères (services) ne cherchent pas le pouvoir ni ne s’en servent pour en abuser.

S’émouvoir de la douleur du peuple de l’Amazonie

Lors des dernières et plus brillantes contributions qui ont eu lieu au cours du Synode de l’Amazonie, auquel il participa à titre d’expert invité par le pape François, il collabora à l’élaboration du document de travail. Ce dernier divisé en deux parties : 1) écouter la voix de l’Amazonie; 2) écouter la voix de la Terre et des pauvres. À la question : Qu’entendons-nous du peuple amazonien ? Il répond :

«  C’est un peuple menacé de mort, exploité par les entreprises forestières, les mégaprojets hydroélectriques, les pétrolières, les sociétés minières et les monocultures, par les autoroutes et les chemins de fer qui traversent ses territoires,

par la contamination des rivières, par la chasse et la pêche prédatrice, le narcotrafic, l’expulsion de leur territoire, la perte des cultures autochtones, la criminalisation et l’assassinat des leaders et des défenseurs du peuple. Jamais le peuple d’Amazonie n’a été autant menacé qu’aujourd’hui. »

Il recueille le témoignage des indigènes colombiens de Guaviare : « La terre se vide de son sang, les multinationales ont coupé les veines à notre Terre-Mère. Nous voulons que notre clameur indigène soit entendue par tour le monde ».

Codina partage la plainte des peuples indigènes de qui : « l’Église demeure encore distante, coloniale, cléricale, dominante dans son attitude, étrangère à leurs langues, leurs cultures et spiritualité, en visite davantage qu’en présence solidaire ». C’est ce qu’il écrivait dans son blogue d’Amreindiaenlared.org intitulé « Amazonia, ver y escuchar », le 4 juillet 2019.

La situation provoquée par les multinationales, appuyées par plusieurs gouvernements nationaux, est si dramatique et avec une Église si éloignée des souffrances des peuples autochtones, que cela l’amena à « se laisser émouvoir par la clameur du peuple d’Amazonie, par l’histoire de sa passion ».

Au bord de la mort par COVID : des questions qui interpellent

En septembre 2022, récemment sorti de l’hôpital où il fut près de mourir, il donna la conférence inaugural du 41 Congrès de théologie Juan XXIII, dont le thème était: « Nous venons d’une pandémie, lève toi et marche ».

À cette occasion, avec sa lucidité habituelle, il constate que nous avons vécu des expériences humaines nouvelles, comme la vulnérabilité d’être humain et le besoin émergent du citoyen, de nous sentir en communauté, puisque nous sommes tous et toutes dans la même barque, et d’avoir produit une pensée humaniste qui perçoit l’interrelation entre tout ce qui s’est produit. »

Il souligne comment la pandémie n’est pas un phénomène usuel, mais la conséquence d’un paradigme technocratique qui a détruit la nature, fruit d’un système capitaliste néolibéral qui discrimine socialement et tue, qui est le résultat d’une mentalité nord-occidentale, coloniale, machiste et patriarcale, qui rejette les personnes âgées, les femmes, les autochtones et les populations du Sud global, et construit une société basée sur la course à l’armement.

En ouvrant ce congrès, derrière l’expression de la pandémie vécue dans sa propre chaire, il pose une série de questions théologiques nouvelles qui interpellent :

« Ne serions-nous pas devant un signe des temps, devant un lieu théologique et apocalyptique nouveau, dans son sens révélateur, qui nous annonce que le projet de Dieu est différent du système social, écologique, culturel et religieux d’aujourd’hui ? Ne serait-ce pas que l’Esprit du Seigneur nous manifeste, à travers la clameur des victimes et des douleurs d’accouchement d’une Terre mise en esclavage, que nous devons changer et nous convertir? Ne serait-ce pas que ce chaos global que nous endurons ne renferme pas un kairos biblique où l’Esprit de la Genèse, l’esprit féminin, allaite et engendre à partir d’en bas une vie nouvelle, parce que l’Esprit agit toujours à partir d’en bas pour engendrer une vie nouvelle? »

 

Traduit de l’espagnol

par Yves Carrier


 

Le manque d’eau potable peut déclencher des guerres et menacer la vie

Par Leonardo Boff, 22 mai 2023, Amerindia

La question de l’eau potable est indiscutablement aussi importante que le changement climatique. D’elle dépend la survie de toute la chaine de la vie et, par conséquent, de notre propre futur.

L’eau peut être un motif de guerre tout comme de solidarité sociale et de coopération entre les peuples. Plus encore, comme des groupes humanistes importants le souhaitent, il serait possible de construire autour de l’eau, et cela deviendra assurément nécessaire, un  nouveau pacte social mondial qui génèrera un consensus minimum entre les peuples et les gouvernements en vue de notre destinée commune, la nôtre et celle du système vie. La rareté croissante de l’eau potable pourrait mettre en danger la vie sur la planète.

Lors de la récente conférence de New York ayant pour thème le Jour de l’Eau (22 mars), l’alarme a été sonnée : « Il existe un risque d’une imminente crise mondiale de l’eau qui affectera 2 milliards de personnes qui n’ont pas accès à une source d’eau potable ». À cette occasion, l’ONU lança un Agenda d’action pour l’eau. Dans les mots du secrétaire général Antonio Guterrez, « un ambitieux programme d’action sur l’eau qui peut offrir à cet élément vital de notre monde l’engagement qu’il mérite».

Indépendamment des discussions autour de ce thème, nous pouvons affirmer de manière certaine et indiscutable que l’eau est quelque chose de très naturelle, de vitale, d’irremplaçable et de commun. Aucun être vivant, humain ou non, ne peut vivre sans eau. Parce qu’elle est vitale et irremplaçable, l’eau ne peut être traitée comme une vulgaire marchandise qu’on commercialise sur le marché. De la façon que nous traiterons l’eau, soit comme une marchandise ou bien comme un bien vital irremplaçable, dépendra en partie le futur de la vie sur la planète.

Mais auparavant, considérons rapidement les données de base sur l’eau. Il y a autour de 1,360 milliards de mètres cubes d’eau sur Terre. Si nous prenons l’eau qui est dans les océans, les lacs, les rivières, les sources et les calottes polaires et que nous la distribuons équitablement sur la surface de la Terre, elle serait submergée sous trois kilomètres d’eau.

97,5% de l’eau est salée et 2,5% est de l’eau douce. Plus des deux tiers de cette eau douce se trouve emprisonnée dans les calottes polaires et les glaciers, au sommet des montagnes (68,9%) et tout le reste (29,9%) est de l’eau souterraine. 0,9% se trouvent dans les marais et 0,3% dans les rivières, les fleuves et les lacs, d’où provient la majeure partie de l’eau douce pour l’usage humain et animal, l’irrigation agricole et l’usage industriel. De ce 0,3%, 22% sont destinée à l’industrie et 70% à l’agriculture. Ce qui reste, 8% est pour l’usage humain et la communauté des vivants. Sur une population mondiale de 8 milliards d’êtres humains, 1,2 milliards manquent d’eau potable et 1,8 milliards ont un accès précaire à des installations sanitaires de base. Par conséquent, dix millions de personnes meurent chaque année du mauvais traitement des eaux.

L’accès à l’eau potable est toujours plus précaire en raison de la croissante contamination des lacs et des rivières, même de l’atmosphère qui provoque des pluies acides. Des eaux non traitées, l’usage de détergents non biodégradables, l’emploi abusif des pesticides qui contaminent les nappes phréatiques, des déversements industriels empoisonnés et la mort de fleuves et de rivières, compromettent la fragile et complexe chaine de reproduction de la vie.

Il y a beaucoup d’eau, mais elle est répartie de manière inégale; 60% se trouve dans seulement 9 pays, tandis que 80 pays affrontent des problèmes de rareté. Moins d’un milliard de personnes consomment 86% de l’eau disponible, alors que 2 milliards n’en ont pas suffisamment et pour un autre 2 milliards, elle n’est pas correctement traitée, ce qui engendre 85% des maladies. On prévoit qu’en 2032, près de 5 milliards de personne seront affectées par la rareté de l’eau.

Le problème n’est pas tant sa disponibilité que sa mauvaise gestion pour satisfaire les demandes humaines et des autres êtres vivants. Le Brésil est une puissance naturelle avec 13% de toute l’eau douce de la planète, ce qui équivaut à 5,4 milliards de mètres cubes. Mais elle est injustement distribuée : 70% dans la région de l’Amazonie, 15% dans le centre ouest, 6% dans le sud et le sud-est et seulement 3% dans le nord-est. Malgré cette abondance, nous ne savons pas comment utiliser l’eau et 46% est gaspillée, ce qui suffirait à satisfaire toute la France, la Belgique, la Suisse et le Nord de l’Italie. C’est pourquoi nous avons un urgent besoin d’un nouveau modèle culturel. Nous n’avons pas développé une culture de l’eau.

Il y a une course mondiale pour privatiser l’eau. De grandes entreprises multinationales comme les françaises Vivendi et Suez-Lyonnais, l’allemande RWE, l’anglaise Thames Water et l’américaine Bechtel. Un marché de plus de 100 milliards de dollars a été créé. Là, Nestlé et Coca-Cola ont une forte présence dans la commercialisation de l’eau minérale, cherchant à acheter des sources d’eau partout dans le monde.

L’eau est devenue un facteur d’instabilité sur la planète. L’exacerbation de la privatisation de l’eau fait en sorte qu’elle est traitée sans aucun sens du partage et sans considérer son importance pour la vie, le futur de la nature et l’existence humaine sur Terre.

Devant ces abus, la communauté internationale représentée par les Nations Unies réalisa des rencontres à Mar del Plata (1997), Dublin (1992), Paris (1998), Rio de Janeiro (1992), consacrant : « le droit de tous à avoir accès à l’eau potable en quantité et en qualité suffisante pour les nécessités essentielles. »

Le grand débat d’aujourd’hui se pose en ces termes déjà mentionnés antérieurement : Est-ce que l’eau est source de vie ou de profit? Est-ce que l’eau est un bien naturel, vital, commun et irremplaçable ou un bien économique devant être traité comme une ressource hydrique et une marchandise? Les deux dimensions ne sont pas exclusives l’une de l’autre, mais elles doivent être correctement mises en relation.

Fondamentalement, l’eau est le droit à la vie, comme insiste le grand expert de l’eau Ricardo Petrella (Le Manifeste de l’eau, 2002). En tous cas, l’eau potable, pour l’alimentation et l’hygiène personnelle, doivent être gratuite. Selon l’article premier de la loi brésilienne numéro 9 433 : « L’eau est un bien qui appartient au domaine public, elle est une ressource naturelle limitée, de valeur économique. En situation de rareté, son usage prioritaire sera réservé à la consommation humaine et animale. »

Cependant, étant donné la raréfaction de l’eau qui exige une structure complexe de captation, de conservation, de traitement et de distribution, cela implique une indéniable dimension économique. Cette dernière toutefois, ne doit pas prévaloir sur l’autre, au contraire, elle doit la rendre accessible à tous et les profits doivent respecter la nature commune, vitale et irremplaçable de l’eau. Même si cela implique d’énormes coûts économiques, ils doivent être couverts par le pouvoir public.

L’eau n’est pas un bien économique comme les autres. Elle est si liée à la vie qu’elle doit être comprise comme la vie. Et la vie, de par sa nature vitale et essentielle, ne peut jamais être transformée en marchandise. L’eau est liée à d’autres dimensions culturelles, symboliques et spirituelles de l’être humain qui la rendre précieuse, elle est chargée de valeurs inestimables. Saint François d’Assise dans son Cantique des créatures se réfère à l’eau comme étant « précieuse et pure ».

Pour comprendre la richesse de l’eau qui transcende sa dimension économique, il est nécessaire de rompre avec la contrainte que la pensée rationnelle-analytique et utilitariste de la modernité impose à toutes les sociétés. Il voit l’eau comme une ressource hydrique à des fins lucratives.

L’être humain possède d’autres usages de sa raison. Il existe une raison sensible, une raison émotionnelle et une raison spirituelle. Ce sont des motivations liés au sens de la vie et à l’univers symbolique. Elles ne nous offrent pas des raisons pour faire de l’argent, mais pour vivre et apporter un caractère sublime à la vie. L’eau est le nid d’où la vie a surgi il y a des millions d’année.

En réaction à la domination de la globalisation de l’eau, nous recherchons la renationalisation de l’eau. Je m’explique : l’eau est un bien commun public mondial. Elle est le patrimoine de la biosphère et elle est essentielle à toutes formes de vie.

En fonction de l’importance décisive de l’eau, à Florence, Italie, en mars 2003, a été créé FAMA, le Forum mondial alternatif de l’eau. Associé à celui-ci a été planifié la création de l’Autorité mondiale de l’eau comme instance de gouvernement public, coopératif et solitaire au niveau des grands bassins fluviaux internationaux et pour une distribution plus équitable de l’eau selon les demandes régionales. Une fonction importante est de faire pression sur les gouvernements, les entreprises, les associations et les villes en général pour qu’ils respectent la nature unique et irremplaçable de l’eau.

Étant donné que 75% de notre corps est composé d’eau, nous devrions tous avoir droit à deux litres d’eau gratuite et potable à chaque jour. Les tarifs des services doivent considérer les différents niveaux d’usage, qu’il soit domestique, industriel, agricole ou récréatif. Pour les usages industriels et l’agriculture, l’eau doit être assujettie à un prix.

Il faut favoriser la coopération avec toutes les entités publiques et privées pour éviter qu’autant de personnes meurent par manque d’eau ou en conséquence de sa mauvaise qualité. Chaque jour, 6 000 enfants meurent de soif. Les nouvelles n’en parlent pas, mais ce nombre équivaut à 10 gros porteurs qui tomberaient du ciel à chaque jour. Aussi, une meilleure distribution permettrait d’évier que 18 millions d’enfants manquent l’école à chaque jour pour aller puiser de l’eau à 5 ou 10 km de leur domicile.

Parallèlement à cela, un Contrat mondial de l’eau est en construction. Ce serait un contrat social mondial parce que nous avons tous et toutes besoin d’eau et qu’effectivement, cela nous unit. La vie des personnes et des autres êtres vivants est inséparables de l’eau.

La faim zéro dans le monde, comme il est prévu dans les Objectifs du millénaire, doit inclure la soif zéro parce qu’aucun aliment ne peut exister et être consommé sans eau. À partir de l’eau surgit une autre image de la mondialisation, aujourd’hui multipolaire, humaine, solidaire, coopérative et orientée à garantir à tous et à toutes les moyens suffisants pour le maintien et la reproduction de la vie.

Leonardo Boff a reçu le titre de doctor honoris causa du Département des Eaux de l’Université de Rosario en Argentine et il participa au groupe de l’ONU qui étudia la question de l’eau à l’échelle mondiale.

Traduit de l’espagnol par Yves Carrier


 

Des nouvelles du CAPMO

 

Collectif TRAAQ

Toujours sur le Comité aviseur de la Ville de Québec pour la mise en place d’ÉquiMobilité, le TRAAQ et ses alliés, entendent mettre à jour leur feuille de route pour continuer d’influencer de manière positive la diffusion et la promotion de ce nouveau programme.

 

Femmes immigrantes et solidaires

Le CAPMO a reçu un financement du Fonds de relance des organismes communautaires du gouvernement fédéral pour démarrer un nouveau comité visant l’organisation d’un groupe de femmes immigrantes qui se rencontreront sur une base hebdomadaire pour pratiquer une activité sportive et discuter des enjeux qui leur tiennent à cœur afin de développer leur solidarité. Ce projet qui s’échelonnera du 01 juillet 2023 au 30 juin 2024 sera animé par Valentina Marin et Caroline Tapia.

 

Stratégie d’intégration et de lutte contre le racisme

Grâce au financement accordé à ce projet par la Caisse d’Économie solidaire de Québec, une visite de la Basse-Ville est organisée le samedi 10 juin de 13 h à 16 h. Elle a pour but de faire découvrir l’histoire populaire et ouvrière aux nouveaux arrivants. Départ 435 rue du roi. Guide interprète Simon Carreau

Nous souhaitons organiser d’autres visites guidées avec des personnes immigrantes au cours de l’été.

 

Brunch du CAPMO

18 juin 2023 au Centre Mgr Marcoux à Québec de 9 h à midi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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