Ça roule au CAPMO, juin 2018, année 19, numéro 10
Retour vers soi
Dans la nature, la croissance des arbres, des ruisseaux, des montagnes, des animaux et des plantes, contribue à la réalisation de la plus parfaite harmonie. Dans cette grande symphonie, chaque être s’épanouit dans la ligne de l’authenticité.
La pensée autochtone englobe les expériences vécues dans une multitude de relations interprétatives qui illuminent chaque récit afin de lui donner sens. Dans cette quête incessante de ce que la vie cherche à leur enseigner, les rêves occupent une place primordiale puisqu’ils permettent de communiquer avec le monde des esprits pour initier un parcours de vie en cohérence avec le Créateur.
Le processus de guérison amorcé par les Premières Nations éclaire la part d’ombre que nous portons comme représentants d’une civilisation construite sur la négation de l’altérité. L’histoire coloniale dont nous sommes les héritiers doit être réparée. Le passé demeure présent dans chacun de nos actes et de nos attitudes. Or l’avenir ne saurait être différent si nous ne nous réconcilions pas avec les premiers habitants de ce pays, témoins de nos turpitudes et de nos égarements. C’est pourquoi nous devons reconnaître que le racisme est une tare héritée du passé coloniale dont nous devons nous débarrasser au plus vite en faisant acte d’humilité. Ce n’est qu’à ce prix, celui du respect dû aux premiers habitants, que nous pourrons grandir en harmonie, nous libérant d’une faute qui nous maintient dans l’insignifiance et la médiocrité. Ce faux sentiment de supériorité cache de moins en moins le vide qui nous habite.
La hiérarchisation des rapports sociaux contribue à la négation des besoins fondamentaux et du respect dû à plus humbles que soi. Les premiers ont du mal à saisir ce qu’ils doivent à l’ensemble de la société et les devoirs qui leur incombent comme décideurs du devenir collectif. Les derniers, au sens économique et sociologique, ont été niés jusque dans leur intégrité physique. Le mépris et l’oubli, sont des formes de violence raffinées qui conduisent à la négation de l’autre. Mais l’être refuse de disparaitre, alors il souffre tant qu’il n’a pas retrouvé sa place en ce monde. Les Premières Nations, même si elles ont été tassées par l’Homme blanc, peuvent se refonder dans le secret des forêts, source de vie, de sagesse et d’expérience, grande guérisseuse de l’âme et du corps.
Tandis que nous assistons à la déliquescence de la civilisation occidentale et le naufrage des sept nains (G7), les Premières Nations, en redécouvrant leurs origines, ont beaucoup à nous apprendre sur la manière d’habiter le monde. Cessons les divisions et le dénigrement pour nous concentrer sur la puissance de l’amour comme horizon bienveillant de nos engagements et de nos décisions. Non pas en nous consacrant uniquement à ceux ou celles que nous aimons, mais en apprenant à agir les uns envers les autres avec le plus profond respect qui interdit les actes de domination et les outrages à la dignité humaine.
La vision autochtone de la santé inclut les quatre dimensions de l’être : physique, psychologique, spirituelle et communautaire. Leur spiritualité est fondée sur sept valeurs primordiales : l’humilité, l’honnêteté, le respect, le courage, la sagesse, la vérité et l’amour. Ce sont les sept piliers de l’être authentique appelé à se développer en cohérence avec ces valeurs fondamentales.
Yves Carrier
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La liberté et la grâce
La grâce est partout disponible, en tout temps. Il faut juste être prêt à la recevoir, à la saisir. La grâce c’est cet absolu qui tend vers le meilleur, la meilleure solution, la meilleure chose à faire. C’est le principe de l’être animé par le dur désir de durer, disait jadis Jean Cocteau, de s’améliorer, de progresser. L’instinct de conservation et le besoin d’intégration sont les deux composantes de l’être.
Quant à la liberté, elle n’existe que dans l’instant présent et semble être très limitée par un très grand nombre de déterminations et de déterminismes. Dans cet espace de temps, elle peut être absolue et radicale dans le choix exercé. Les déterminismes sont à la fois des obstacles et des conditions de cette liberté. Ce sont entre autres des automatismes physiologiques comme le fait de respirer ou des référents socioculturels, historiques ou géographiques, comme être citoyens d’un certain pays, élevé dans telle religion ou idéologie, à une certaine époque, dans une classe donnée ou selon telle orientation sexuelle. Dans l’instant présent, avec la liberté, il est possible de choisir la grâce. Et pour ce faire, il faut connaître et comprendre nos déterminismes et nos limitations, discerner ce qu’il est possible de faire et ce qu’on ne peut changer. Et ne jamais oublier que la liberté ce n’est pas faire n’importe quoi. La liberté, en fait, vit en couple avec la responsabilité.
Trois types de vérités
La vérité de fait s’acquiert par les sens. Ainsi le soleil qui se lève à l’est ou la terre est plate semblent des faits d’expérience perçus par les sens. Tout fait peut être interprété et critiqué. C’est là qu’intervient le second type de vérité. C’est la vérité de raison qui fait intervenir la connaissance, l’expérimentation, le raisonnement, la logique. Nous apprenons alors que nos sens peuvent nous tromper. La terre tourne sur elle-même et n’est pas plate. Dans ce dernier cas, installez un rayon laser sur la berge d’un lac assez large et éloignez-vous en bateau et vous constaterez que l’écart entre la ligne droite tracée par le laser et le niveau du lac s’accroît, ce qui révèle la courbure de la terre.
La plus faible des vérités est celle d’opinion ou de croyance; cette dernière est à distinguer de la foi, qui est confiance. L’opinion c’est l’idée qu’on se fait ou que l’on est amené à se faire sur un sujet donné, une situation. Tout est discutable quoi qu’il faille admettre qu’il existe une vérité de l’être plus ou moins consistante, selon la grandeur de l’être. Comme le soulignait Heidegger, il y a moins d’être dans une pierre que chez un homme. Mais il y quand même une vérité liée étroitement à tout être. Il ne s’agit pas de relativisme, mais de relativité attachée aux différentes sources de la vérité.
À titre de rappel, les sources de la vérité sont les suivantes :
L’être, qui exerce un pouvoir à la mesure de sa grandeur.
Le pouvoir ou, plutôt, disons le politique.
Le mythe, non pas à y acquiescer à la lettre, mais pour en tirer des leçons, pour comprendre comme l’ont compris les anciens.
La tradition, les habitus, les mœurs, dont il faut remonter aux origines pour en saisir le sens.
La Révélation, amenée par les livres sacrés.
La prophétie, rappel de la Révélation, des mythes fondateurs, pour revenir dans le droit chemin ou renouveler la tradition dans un monde en transformation.
Les sciences, vérités de raison, pour comprendre le monde et le transformer si nécessaire.
Enfin, les arts, tentatives de création, quête de l’être au-delà des apparences.
LES GRANDS ANNIVERSAIRES (à part le mien bien sûr)
1918- Les femmes obtiennent le droit de vote au fédéral.
La grippe espagnole
La grève de Winnipeg
1818- La frontière entre le Canada et les États-Unis est établie entre le Lac des Bois et Vancouver au 49ième parallèle.
1818- Naissance de Karl Marx.
1848- Manifeste communiste et Printemps des peuples.
1968- Mai 68.
1948- Naissance d’Israël et Déclaration universelle des Droits de l’homme.
1958- Création de la NASA.
1988- Fondation d’Al Qaida.
1978- Accords du Camp David et mort de Jacques Brel.
MAI 68
C’est un ras-le-bol général de la jeunesse, mais aussi des travailleurs et de la gauche –quoique l’on puisse parler de tentatives de récupération à ce niveau – à l’égard de tous les pouvoirs établis. Selon plusieurs, le travail des militants et artistes de la contre-culture, comme ceux de l’Internationale situationniste de Guy Debord, a préparé cet événement. Personnellement, cela rendait possible la construction d’une théorie de la société civile. Un autre monde devenait possible, au-delà du capitalisme et du stalinisme.
MARX
Né à Trèves en Allemagne, Karl deviendra l’un de ces personnages du XIXème siècle qui ont changé notre monde (notamment avec Darwin et Freud). Malgré tous les efforts des riches et des puissants pour nous faire oublier la lutte des classes, celle-ci est toujours d’actualité et se déroule autant à l’échelle mondiale que dans l’entreprise. C’est pour cela qu’il faut nous méfier des réflexes identitaires, faire gaffe au racisme, sexisme, etc.; presque tout relève du conflit – entre déshérité-e-s et privilégiés. Plus tard, nous aurons un article plus élaboré sur la pertinence du marxisme au 3ième millénaire.
Robert Lapointe
Une TERRE, UnTOIT, un TRAVAIL, pour une VIE DIGNE
et pour toute LA CLASSE TRAVAILLEUSE
Déclaration du 1er mai, Jour de la classe travailleuse du Mouvement mondial des travailleurs et des travailleuses chrétiennes
Ce qui est mis en avant dans le monde c’est « un projet de mort » que porte le système capitaliste. Sous le commandement du capital rentier et spéculatif, il cause, année après année, une concentration brutale de la richesse entre quelques mains : soit 1% de la population possède actuellement 82% du total du PIB. Cependant, pas satisfaite d’une telle concentration de richesse, l’élite bourgeoise de la planète attaque la classe travailleuse par retirer les droits acquis au fil du temps et à travers de nombreuses luttes, souffrances et effusions de sang. Cette attaque se produit non seulement avec des changements dans la législation, mais aussi avec la précarité du travail et les licenciements de masse ce qui augmente l’armée des chômeurs à travers le monde.
Une autre pratique de mort, promue par ce système diabolique, c’est de réduire le pouvoir du gouvernement, de diminuer les investissements dans la Protection Sociale, la Santé et l’Éducation, d’éliminer des politiques publiques d’insertion et de répartition des revenus, de démanteler des programmes sociaux ce qui entraine à la marginalité et à l’extrême pauvreté des millions d’êtres humains sur les cinq continents. Ainsi, l’État, en tant qu’institution qui, dans une démocratie moderne, appartient à tous, et qui doit être pour toutes et tous, devient un instrument garant des privilèges d’une minorité possédante, qui n’en a jamais suffisamment et qui toujours s’approprie, à travers les âges, des ressources naturelles, – (les sources d’énergie :la terre, la nourriture et l’eau – l’héritage de Dieu pour toute l’humanité) de sorte que tout se transforme en marchandises, en biens, en richesse privatisée pour satisfaire la faim de l’élite financière mondiale et empêcher les êtres humains et les autres êtres vivants de survivre.
Nous voyons aussi comme pratique de mort, -accordée par l’élite bourgeoise de la planète,- l’attaque aux gouvernements de caractère populaire, démocratiquement élus, en particulier dans les pays en développement, qui ont accumulé, jusqu’à la fin du XXe siècle, un profond retard économique, social et politique. Dans ces pays, les luttes populaires organisées, (dans lesquelles le rôle des églises était très important pour les mouvements sociaux, syndicats et les diverses associations de travailleurs), ont entraîné la défaite des régimes dictatoriaux, comme au Chili, le Brésil, l’Uruguay, l’Argentine, etc., et la mise en avant des gouvernements démocratiques. Contre ces gouvernements légitimes dans l’hémisphère Sud à ce moment de l’histoire, il est maintenant imposé un nouvel ordre du jour, hypocrite, moralisant et fasciste, et qui est articulé par l’élite économique mondiale. Et ainsi couplé avec les élites nationales rétrogrades, ce nouveau pouvoir contrôle par la corruption les grands médias et, lié aux pouvoirs législatifs et judiciaires, il donne des coups aux gouvernements démocratiquement élus, persécute les dirigeants politiques et provoque de véritables retour en arrière.
Enfin, des millions de familles travailleuses à travers les continents sont constamment menacées par des conflits religieux et politiques, forcées d’abandonner leur pays d’origine et, dispersées, obligées de migrer vers des destinations incertaines, à la recherche de la survie, sur des terres pas toujours accueillantes.
Face à une telle calamité, face à une telle violence, le Mouvement Mondial des Travailleurs Chrétiens (MMTC) rejoint d’autres mouvements et organisations sociales à travers le monde, appelle toutes les Églises, toutes les religions et même ceux qui n’ont pas de croyance, hommes et femmes de bonne volonté, pour affirmer ensemble:
NON À UNE ÉCONOMIE D’EXCLUSION !, NON À LA NOUVELLE IDOLATRIE DE L’ARGENT ! NON À UN ARGENT QUI GOUVERNE AU LIEU DE SERVIR ! NON À L’INÉGALITÉ SOCIALE QUI GENERE LA VIOLENCE !
ET CRIER HAUT ET FORT : « PAS DE TRAVAILLEUR OU TRAVAILLEUSE SANS TOIT, SANS TERRE, SANS TRAVAIL. » – « EXIGEONS UNE VIE DIGNE POUR TOUTE LA CLASSE TRAVAILLEUSE. ! »
Hausse de tarifs : un prix rendu insoutenable pour les personnes à faible
Communiqué de presse- pour diffusion immédiate
Depuis novembre 2016, le Collectif pour un transport abordable et accessible à Québec (TRAAQ) rassemble des organismes et des associations citoyennes de la banlieue comme du centre-ville qui partagent une préoccupation commune pour l’accès au transport en commun des personnes à faible revenu.
Une hausse tarifaire a été annoncée aujourd’hui au conseil d’administration du RTC. Ainsi, le laissez-passer général passera de 87,50$ à 88,50$ en juillet 2018. Pour les personnes à faible revenu de notre ville, cela fait de nombreuses années que le tarif est beaucoup trop onéreux. À chaque augmentation, il devient toujours plus difficile de se procurer une passe mensuelle pour de nombreuses personnes à faible revenu.
À Québec, c’est 10,4% de citoyens et citoyennes vivant sous le seuil de faible revenu. De plus en plus doivent limiter leurs déplacements au minimum et l’achat de billets à l’unité devient la seule option possible pour eux. À chaque hausse, l’accès à plusieurs emplois potentiels se restreint pour eux. À chaque hausse, leur isolement se trouve renforcé.
Bien que la plupart des élus municipaux de Québec aient compris l’importance d’un réseau structurant et défend son implantation avec une audace que nous nous réjouissons de constater, il n’en reste pas moins que notre ville accuse un retard pour ce qui est du volet social inhérent à tout développement durable en matière de transport collectif.
La ville de Gatineau a déjà instauré un programme de tarification sociale alors que Montréal et Rimouski envisagent son implantation. Une ville jumelée à Québec, Calgary, est une véritable pionnière en cette matière. Toutes ces villes démontrent qu’être une ville dans l’air du temps en matière de transport collectif, ça passe aussi par l’adoption de mesures tarifaires pour les gens à faible revenu. Il incombe à notre ville de suivre ces exemples.
Emilie Frémont-Cloutier
Animatrice du Collectif pour un transport abordable et accessible à Québec (TRAAQ)
Tel : 418-525-6187 poste 222
transports@capmo.org
fb.me/TRAAQCollectif
La crise brésilienne et sa part d’ombre
Leonardo Boff, 25 mai 2018
La crise brésilienne qui affecte tous les secteurs de la société, peut être interprétée à partir de différentes grilles de lecture. Jusqu’à maintenant ont prévalu les interprétations sociologiques, politiques et historiques.
Si nous utilisons un dérivé des catégories interprétatives de Carl Gustav Jung, sa psychologie analytique s’avère éclairante.
J’avance déjà l’hypothèse que le scénario actuel ne représente pas une tragédie aussi perverses qu’en soient les conséquences pour la majorité pauvre et pour le futur du pays avec l’instauration d’un plafond de dépenses publiques. Ce geste représente davantage que le gel des dépenses, il signifie l’impossibilité de créer un État social et la mise aux ordures du bien commun inclusif de tous les citoyens et citoyennes. La tragédie, comme le montrent les tragédies grecques, se termine toujours mal. Je crois que ce n’est pas le cas au Brésil. J’estime que nous sommes au centre d’une incommensurable crise des fondements de notre société. La crise nous met à l’épreuve, elle nous purifie et nous permet d’effectuer un saut qualitatif vers un niveau plus élevé de notre devenir historique. Nous sortirons meilleurs de cette crise avec une identité mieux intégrée.
Les personnes et les peuples également, révèlent deux choses dans leur histoire : leur ombre et leur lumière. D’autres parlent de demens (démence) et de sapiens (sagesse) ou de la force positive et de la force négative, de l’ordre du jour ou des ténèbres ou de thanatos (la mort) et de l’éros (la vie); ou encore du refoulé et du conscientisé. Toutes ses dimensions viennent toujours ensembles et elles coexistent en chacun de nous. La crise actuelle fait apparaître les ombres et ce qui est refoulé depuis des siècles dans notre société.
Comme l’observe Jung, la reconnaissance de l’ombre est indispensable à n’importe quel type d’auto-réalisation et, à cause de cela, en général, elle fait face, chez les individus et les peuples, à une résistance considérable.
L’ombre est un archétype (une image qui oriente l’inconscient collectif) de nos souillures, de nos plaies, des faits répugnants que nous cherchons à cacher parce qu’ils provoquent de la honte et éveillent même de la culpabilité. C’est le côté sombre de la force vitale qui atteint les personnes et des nations entières, observe le psychologue de Zurich. Ainsi, il existe des tâches et des plaies qui constituent notre refoulement et notre ombre comme le génocide amérindien qui traverse toute notre histoire; la colonisation qui a fait du Brésil non pas une nation, mais une entreprise d’exportation et qui, en vérité, se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Jamais nous n’avons pu créer un projet et être autonomes parce que nous avons toujours accepté d’être dépendants et que nous avons été réfrénés dans nos aspirations. Lorsque, avec les derniers gouvernements progressistes, a commencé à se former un projet d’autonomie nationale, il a été attaqué, diffamé, calomnié et frappé, par les classes fortunées, héritières de la société esclavagiste, qui ont organisé les coups d’État de 1964 et de 2016.
« Il est difficile de penser, c’est pourquoi la majorité des gens préfère juger. » C. J. Jung
L’esclavage constitue notre plus grande ombre. Pendant des siècles nous avons traité des millions d’êtres humains, emportés de force d’Afrique, comme des « objets », achetés et vendus. Une fois libérés, ils n’ont jamais reçu une quelconque compensation, ni terre, ni instrument de travail, ni maison; ils habitent les favelas de nos villes. Noirs et métisses constituent la majorité de la population. Comme l’a démontré Jessé Souza, le mépris et la haine qu’il y avait contre les esclaves ont été transférés à leurs descendants jusqu’à aujourd’hui.
Pourtant, les gens du peuple, selon Darcy Ribeiro et José Honorio Rodrigo, sont ceux qui apportèrent le plus à notre culture, à sa langue et aux arts. Comme Capistrano de Abreu l’a fort bien souligné ces populations «castrées et re-castrées, saignées re-saignées», considérées comme ignorantes et pour cela mises à la marge là d’où elles ne devraient jamais sortir.
Paulo Prado dans son ouvrage : « Portrait du Brésil : essai sur la tristesse brésilienne » paru en 1928, écrit de manière exagérée mais en partie vraie, en prenant note de cette condition obscure de notre histoire : « Nous vivons tristement sur une terre radieuse ». Cela me rappelle Celso Furtado qui éleva cette préoccupation à son comble : « Pourquoi y a-t-il tant de pauvres dans un pays si riche ? » Aujourd’hui, nous connaissons la réponse : «parce que nous avons toujours été dominés par des élites qui n’ont jamais eu un projet de Brésil inclusif pour tous et pour toutes, mais seulement pour eux et leur argent.» Comment est-ce possible que 6 milliardaires possèdent plus de richesse que 100 millions de Brésiliens ?
La crise actuelle fait émerger notre ombre. Nous découvrons que nous sommes racistes, que nous avons des préjugés, nous prenons conscience d’une injustice sociale qui clame vers le ciel et que nous n’avons pas pu encore refonder un autre Brésil sur de nouvelles bases, principes et valeurs. C’est la raison de la propagation de la rage et de la violence. Elles ne proviennent pas des majorités pauvres, elles sont diffusées par les élites, appuyées par les moyens de communication qui déterminent l’imaginaire des Brésiliens avec leurs téléromans et la désinformation. Pour Jung « la totalité que nous voulons n’est pas une perfection, mais un être complet » (Aberration, analyse des rêves et transfert & 452) qui intègre son ombre dans la lumière plutôt que de la refouler. C’est ce que nous souhaitons comme sortie de la crise actuelle : non pas refouler l’ombre mais l’inclure, conscientisée, dans notre devenir en surmontant les antagonismes et les exclusions, pour que nous vivions ensemble dans un même Brésil que Darcy Ribeiro avait coutume d’appeler : « la plus belle et la plus souriante province de la Terre. »
Leonardo Boff
Calendrier des activités du mois de juin 2018