Ça roule au CAPMO – Janvier 2019, année 20, numéro 5

Le scarabée d’or

Gaston Soublette est un ethnologue réputé de l’Université catholique de Santiago au Chili. Dans une entrevue, il raconte que Carl Gustav Jung explique le phénomène de la synchronicité qu’il situe au-delà du raisonnement scientifique, en rapportant l’expérience du scarabée d’or qui illustre la capacité qu’a l’esprit humain d’attirer à la réalité des événements souhaités. (Le Livre Rouge, inédit de Jung publié en français en 2011).

Soublette explique la différence entre la science et la foi de la manière suivante: La science découvre les lois générales de l’univers, tandis que la foi crée des phénomènes inédits par la capacité qu’a l’esprit d’engendrer des réalités nouvelles. La foi est différente de la raison, pour y avoir accès, il faut cesser de penser et accueillir ce qui vient.

Autrefois, la société traditionnelle, les paysans avaient une sagesse et des vertus, un sens de la vie et un art de vivre ensemble solidaire. Une créativité qui exprimait sa vitalité et sa capacité de se rénover en permanence. Pour Soublette, la sagesse consiste à savoir que la vie implique des règles qu’on ne transgresse pas sans en subir les conséquences.

L’intelligence du cœur est beaucoup plus profonde que l’intelligence de l’œil (l’intellect), nous dit-il, parce qu’elle voit, elle sent et elle pressent. L’intellect ne sert qu’à ordonner les choses, c’est une pensée mécanique. Néanmoins la culture dans laquelle nous vivons privilégie cette façon d’appréhender le monde qui atrophie l’intelligence du cœur qui ne ment pas parce que celui-ci est le noyau de la conscience. « Si tu ne cultives pas la lumière de ton cœur, elle s’éteindra peu à peu. » Soublette associe cette perte qualitative à la destruction de l’environnement puisque comme l’observe Jung : « L’être incapable de se rencontrer lui-même cherche à l’extérieur ce qui lui manque par une activité fébrile. »

« L’être humain ne peut se séparer entièrement de la nature et des rythmes naturels. Il en a besoin pour avancer », ajoute-t-il. Dans le même registre, Enrique Dussel précise que ce que nous vivons maintenant n’est pas une simple crise du capitalisme, mais une crise de la subjectivité moderne fondée sur l’individualisme et la séparation de la communauté des vivants qui apporte identité et appartenance, chaleur et solidarité; compassion et empathie diront certains. Dans la modernité, l’individu quitte sa communauté pour aller vendre sa force de travail. S’il ne parvient pas à recréer une communauté enracinée dans le territoire qu’il habite, il se dissocie de la nature et de lui-même.

Juan José Batista, philosophe bolivien, constate que la subjectivité moderne est dans un cul-de-sac d’où elle ne peut sortir puisqu’elle a éliminé toutes possibilités lui permettant d’envisager la vie autrement. Ayant disqualifié les modes de vie traditionnels fondés sur des rapports de gratuité et de réciprocité, l’individu se retrouve isolé. Pour avancer, il doit renouer avec l’esprit communautaire en lien avec la Terre-Mère compris et vécu sous le mode de la production, de la contemplation et de la gratitude. Reconnaître le don de la vie qui nous est fait, voilà le plus beau des présents pour Noël.

Yves Carrier


Spiritualité et citoyenneté

PAUVRETÉ À NOEL TU ME FAIS C…! MAIS PEUT-ON LA VOIR DIFFÉREMMENT?

Majid Rahnema (1924-2015), diplomate et ancien ministre iranien, et Jean Robert (1937), architecte et historien des techniques, ont publié en 2008, chez Actes Sud, un livre remarquable : La Puissance des pauvres. Ils y différenciaient trois catégories de pauvreté : conviviale, volontaire et modernisée. Et, surtout, ils distinguaient soigneusement la pauvreté et la misère, la première étant plutôt qualitative et la seconde quantitative, propre à nos sociétés modernes privilégiant la consommation souvent ostentatoire et, finalement, consumatoire de l’être si vous me pardonnez ce néologisme.

Quand le pauvre s’émeut de l’écart avec le riche, dans une situation où l’insatisfaction des besoins physiologiques et matériels est aggravée par une société de consommation spectaculaire, il n’est plus qu’un miséreux, en proie en plus à la pauvreté spirituelle. Nous sommes dans une société qui nous fait désirer n’importe quoi qui est rentable dans le cadre du capitalisme. L’idéal qui est promu est certes celui de la possession et de la consommation des biens, mais, dans la logique du capitalisme, tout devient marchandise, tout peut être consommé. La valeur de la nature, de la terre et de l’être humain, devenue monnayable, transformée en richesse, se dissout inexorablement.

Seule la spiritualité peut faire échec au capitalisme, en nous rendant conscients des valeurs, dévoyées, qui ont donné naissance à ce système destructeur et à son opposant. Selon plusieurs auteurs, capitalisme et communisme trouvent leurs origines dans l’Ancien Testament, dans l’individualisme pour l’un quand est établi un rapport personnel avec la divinité, et, pour l’autre, dans la conception linéaire du temps produisant à la fois une histoire du salut et l’utopie.

La pauvreté modernisée ou misérable est aussi liée au péché originel dans ce désir pervers d’être autre que soi-même, d’être riche à la place, calife à la place du calife, Dieu à la place de Dieu. Elle manifeste un refus d’accepter sa condition, ce qui ne signifie pas que l’on ne doive pas s’engager pour améliorer son sort, tout en respectant ses limites personnelles et des limites sociales raisonnables. La pauvreté conviviale est vécue dans le partage et la pauvreté volontaire émane de la richesse spirituelle. Elle est un engagement personnel comme l’autre, conviviale, se vit comme un engagement social. Ensemble, nous pouvons améliorer le sort de chacun et la justice social

Quand les pauvres secourent les riches est un sous-titre d’un article du magazine Nexus (no 119, novembre-décembre 2018, p.28-35) rédigé par Thierry Brugvin intitulé Décroissance solidaire, de quoi parle-t-on? L’idée est que les partisans de la sobriété ou de la simplicité volontaires peuvent en apprendre beaucoup des pauvres, de leurs cultures populaires et de leurs pratiques, pas toujours volontaires, elles, souvent forcées. Il y a des préjugés à vaincre de part et d’autre. Les pauvres regardent-ils ces volontaires comme des petits bourgeois un peu méprisants à l’égard des classes populaires? Il y a de l’entraide entre classes sociales à promouvoir. Une rencontre entre militants de l’ADDS et ceux de la Simplicité volontaire serait intéressante.

Oui, les pauvres peuvent secourir les riches. Il y a quelques années, le gouvernement d’un des pays les plus riches de la planète, la Norvège, a imposé un moratoire sur la pêche à la morue dans la mer de Norvège, gagne-pain des pêcheurs des Iles Lofoten. Leurs épouses, ayant entendu parler de l’expérience de microcrédit (Grameen Bank) de Mohamed Yunus au Bangladesh, pays parmi les plus pauvres de la planète, lui ont demandé de l’aide. Des femmes bengalis, se sont rendues en Norvège pour assister les femmes norvégiennes. Il faut apprendre les uns des autres.

Robert Lapointe


La guignolée à l’année

« La guignolée, ça peut-tu être toute l’année? »,

Le Soleil, 10 décembre 2018

En allant sur le site de la guignolée des médias, les premières observations que l’ont peut faire sont les nombreuses statistiques, notamment que : « chaque année, la moitié des comptoirs d’aide alimentaire manquent de denrées », ou encore que : « 10% des familles vivent sous le seuil de la pauvreté ».

En tant que groupe de défense collective des droits qui travaille avec des personnes en situation de pauvreté, nous sommes heureux de voir que la guignolée des médias fait le même constat que nous. C’est un pas dans la bonne direction.

Par contre, la pauvreté est présente toute l’année et les personnes à faibles revenus ont besoin de manger tous les jours. Donc, sensibiliser la population à cette problématique pendant le temps des fêtes c’est une chose, mais ce n’est pas suffisant. C’est un sujet qui n’apparaît pas assez souvent dans les médias et quand on en parle, c’est seulement en décembre. Selon le Collectif pour un Québec sans Pauvreté, seulement 1.36 % de l’espace médiatique en 2012 a été utilisé pour discuter de cette problématique.

Pourtant, les porte-parole qui soutiennent la Guignolée des médias paraissent à la radio, à la télé, sur internet, et ce, toute l’année. Les grandes stations d’information diffusent des nouvelles plusieurs fois par jour, et le thème de la pauvreté n’y apparaît pas. Un exemple concret, le 17 octobre dernier à Québec, une coalition de groupes communautaires se sont mobilisés et ont manifesté pour souligner la Journée internationale de l’élimination de la pauvreté. Aucun grand média n’était présent. Où étaient-ils ? Les médias seront présents le 6 décembre pour couvrir la collecte de denrées, et c’est correct. Mais où sont-ils les 364 autres jours ?

Pourtant, du contenu sur la pauvreté il en existe ! Pour preuve, les statistiques qui apparaissent sur le site web de la guignolée proviennent du bilan FAIM. Dans celui-ci, on dénote une augmentation de 33% de la fréquentation dans les banques alimentaires depuis 10 ans (dont 4.9% depuis 2016). On constate aussi que 57.7 % des personnes qui fréquentent les banques alimentaires sont des personnes assistées sociales, 11.2 % sont des personnes salariées et 8.2% reçoivent une pension de vieillesse. Mais surtout, la moitié des banques alimentaires manquent de denrées pendant l’année : elles ne fournissent pas. Pour y arriver, elles utilisent des stratégies priorisant les familles au détriment des personnes seules ou carrément en refusant des personnes à l’entrée. Mais pourquoi les médias n’en parlent-ils pas durant l’année ?

Mentionnons que les banques alimentaires ne sont toutefois pas une solution à la pauvreté, ce ne sont que des aides de derniers recours qui ne sont pas censées être vidées de tout leur stock. Le fait est que, tant que les médias ne parleront pas sérieusement de la pauvreté tout au long de l’année, la population ne pourra pas prendre conscience de cet enjeu. Tant que les médias n’expliqueront pas à la population que ce sont les gouvernements qui peuvent agir en adoptant des mesures plus adéquates et sensibles, la pauvreté persistera. Les personnes à faible revenu ont droit à un revenu qui leur permet de subvenir à leurs besoins, sans devoir quémander. Affirmons-le « une fois pour toutes », avec les médias.

Monique Toutant, Julie Gros-Jean, Claude Garneau, Simon Pouliot
Association pour la Défense des Droits Sociaux Québec Métropolitain (ADDSQM)

 


Pour un transport public

LE COLLECTIF POUR UN TRANSPORT ABORDABLE ET ACCESSIBLE À QUÉBEC (TRAAQ)

Bulletin du MTPA, Mouvement pour un transport public abordable

15ème édition, Décembre 2018

Le collectif pour un Transport abordable et accessible à Québec (TRAAQ) milite pour une tarification sociale dans le transport en commun de la ville de Québec.

Au printemps 2012, une vingtaine de personnes se réunissait pour réfléchir à la question du transport en commun dans une optique de défense des droits des personnes en situation de pauvreté. C’est suite à cette réflexion en avril 2012, qu’a été mis sur pied le Comité du CAPMO pour l’accessibilité sociale au transport en commun. Depuis, ce comité a publié différentes lettres dans les courriers des lecteurs des quotidiens de Québec, obtenu une entrevue à la télévision de Radio-Canada à Québec et écrit à plusieurs reprises aux différentes instances concernées, notamment dans une campagne au printemps 2013 signée par une quinzaine d’organismes communautaires de la région. En automne 2013, une enquête sur l’accessibilité sociale du transport en commun a été lancée.

Le Collectif pour un transport abordable et accessible à Québec (TRAAQ) a reçu le prix Guy Chartrand de la mobilisation citoyenne de l’organisme Trajectoire.

Le MTPA tient à féliciter et à remercier TRAAQ pour sa contribution à la lutte pour l’obtention de tarification sociale dans le transport en commun.
MTPA-TRAAQ : la tarification sociale a définitivement le vent dans les voiles !


 

APRÈS SEATTLE, WINNIPEG ET NEW YORK SE JOIGNENT AU MOUVEMENT

Le comité des travaux publics de la Ville de Winnipeg a voté en novembre dernier en faveur de la mise en place d’un laissez-passer d’autobus pour adultes à faibles revenus, lors des délibérations du budget 2019. Le laissez-passer sera réduit d’un minimum de 50 %, soit une économie de 50,05 $ par mois. De l’autre côté de la frontière, les dirigeants de la ville de New York ont décidé en juin dernier d’inclure dans leur budget, le financement d’un tarif réduit pour les usagers à faible revenu des métros et des autobus. En effet, les personnes dont le revenu est sous le seuil de pauvreté fédéral pourront avoir accès à du transport pour la moitié du coût régulier. La nouvelle tarification devrait s’appliquer dès janvier pour les passes mensuelles et celles de 7 jours. Ce sont 800 000 New-Yorkais qui pourraient bénéficier de ce tarif réduit. Il faut dire que depuis 2015 le comté de King, qui inclut la ville de Seattle, offre une tarification réduite de moitié aux personnes défavorisées et ce, autant sur les tarifs mensuels qu’à l’unité. Espérons que l’ARTM s’inspira des exemples de ces villes pour instaurer elle aussi une tarification sociale.

Bulletin du MTPA, Mouvement pour un transport public abordable, 15ème édition, Décembre 2018


Travailleuses domestiques

Qu’attendent le Canada et le Québec pour agir? Les travailleuses domestiques ont elles aussi des droits

Nathalie Brière, Journal de l’uttam, décembre-janvier 2018, p. 6 et 7

Depuis de nombreuses années, l’uttam revendique une véritable reconnaissance des droits des travailleuses domestiques, notamment en mettant fin à la discrimination dont elles sont victimes concernant l’indemnisation suite à un accident ou une maladie du travail (voir l’autre article sur ce sujet). Malgré les efforts déployés par de nombreuses organisations, nos gouvernements font la sourde oreille. Qu’attendent le Canada et le Québec pour agir?

Le travail domestique au Québec
Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), il existe entre 67 et 100 millions de travailleuses domestiques dans le monde. Elles sont souvent victimes de racisme, de discrimination, d’esclavage, de violence sexuelle et physique. Leur droit fondamental de se déplacer librement est souvent bafoué.

On estime qu’il y a environ 25 000 travailleuses domestiques au Québec. La majorité d’entre elles sont des personnes issues de l’immigration, qui effectuent de multiples tâches, mais dont le travail est peu valorisé socialement et qui ne bénéficient habituellement pas de la reconnaissance qui leur est due.

Au Québec, il existe différentes catégories de travailleuses domestiques : celles qui sont à l’emploi des services publics de santé et de services sociaux, celles embauchées dans le cadre du programme « chèque emploi-service », les travailleuses à l’emploi des entreprises d’économie sociale d’aide domestique et les travailleuses à l’emploi d’agences privées de services à domicile. Il y a également les travailleuses domestiques embauchées de gré à gré par des particuliers, souvent au noir, et les travailleuses immigrantes temporaires embauchées dans le cadre d’un programme fédéral d’aide familiale.

C’est au sein de ces deux dernières catégories que l’on retrouve le plus de problèmes d’abus. Même si la Loi sur les normes du travail encadre en principe le travail domestique, il n’y a pas de mécanisme de contrôle et de réglementation. Ces travailleuses sont souvent payées en dessous du salaire minimum, elles peuvent travailler plus de 50 heures par semaine et ont de la difficulté à se faire payer les heures supplémentaires, et certains employeurs leur imposent de payer des frais illégaux de logement, d’alimentation, etc.

L’exemple des travailleuses immigrantes temporaires
En 1992, le gouvernement fédéral met en place le Programme des aides familiaux résidents (PAFR) qui sera remplacé en 2014 par le Programme des aides familiaux (PAF). Ce programme permet aux familles ayant besoin d’aide à la maison pour le soin des enfants, des aînés ou des personnes handicapées d’embaucher des travailleuses immigrantes temporaires. Dans le cadre de ce programme, le permis de travail accordé est nominatif, c’est-à-dire qu’il n’est valide qu’auprès d’un seul employeur. Cette situation rend les travailleuses très dépendantes de leur employeur. Même si l’obligation de vivre au domicile de l’employeur a été levée en 2014, étant donné leur bas salaire, plusieurs aides familiales demeurent chez leur employeur pour limiter les frais. De plus, elles doivent avoir occupé un emploi pendant au moins 24 mois avant de pouvoir être admissible et soumettre une demande de résidence permanente.

Pour toutes ces raisons, il est difficile, et même risqué, pour ces travailleuses de revendiquer de meilleures conditions de travail ou de s’organiser collectivement pour défendre leurs droits.

En fait, ce programme comporte plusieurs failles qui font en sorte que les travailleuses domestiques étrangères sont vulnérables aux abus et ne sont pas dans une situation pour connaître et défendre leurs droits. Puisqu’elles n’ont pas la résidence permanente à leur entrée au Canada, elles sont dépendantes de leur employeur face à leur statut migratoire et peuvent craindre la déportation. Par leur isolement, elles sont à risque de violences physiques, sexuelles ainsi que d’accidents et de maladies du travail.

La Convention n° 189 de l’OIT
Depuis quelques mois, une campagne soutenue par une cinquantaine d’organismes à travers le pays fait écho à un mouvement mondial afin de demander aux États qu’ils ratifient la Convention n° 189 de l’OIT pour faire reconnaître les droits des travailleuses et travailleurs domestiques.

Cette convention internationale sur les travailleuses et les travailleurs domestiques définit ce qu’est le travail domestique, spécifie les normes minimales pour rendre le travail domestique plus décent et plus juste et identifie les mesures que les États doivent prendre pour protéger les droits des travailleuses domestiques. Actuellement, 25 États dans le monde ont ratifié cette convention; le Canada ne l’a pas fait.

La campagne vise donc à demander au gouvernement canadien de ratifier cette convention et aux gouvernements des provinces et territoires d’harmoniser leur législation pour la rendre conforme à la Recommandation n° 201 de l’OIT qui accompagne la convention et qui détaille les mesures à mettre en place.

En ratifiant la Convention n° 189, les pays signataires s’engagent à prendre des mesures pour respecter les droits fondamentaux des travailleuses domestiques. Ces pays doivent donc mettre en place des mesures qui couvrent les normes minimales du travail, les modalités et les conditions de l’emploi, la protection sociale, les heures de travail, la rémunération et la santé et la sécurité du travail. Cela implique donc la liberté d’association, le droit à l’élimination de toute forme de travail forcé, la rémunération des heures supplémentaires, le paiement du salaire minimum et le droit à un environnement de travail sain et sécuritaire.

Les États signataires s’engagent également instaurer des mesures pour respecter les normes concernant les enfants travailleurs domestiques, dont l’obligation de fixer un âge minimum et le droit à la scolarité obligatoire. Des mesures doivent aussi être mises en place concernant les travailleuses vivant chez l’employeur, dont le droit de conserver leurs documents d’identité et de voyage.

Des normes concernant les travailleuses migrantes doivent également être adoptées pour notamment assurer une protection contre les pratiques abusives des agences de recrutement privées. Les États signataires doivent donc réguler les activités des agences de placement privées et s’assurer de l’existence de mécanismes pour le dépôt de plaintes. Finalement, les travailleuses domestiques doivent avoir un accès effectif aux tribunaux et aux autres mécanismes de règlement des différents et des plaintes.

Les États doivent aussi mettre en œuvre des mesures d’inspection du travail et de sécurité sociale qui ne sont pas moins favorables que celles applicables à l’ensemble des travailleuses et des travailleurs. L’appellation de sécurité sociale fait référence à un ensemble de dispositifs de protection, concernant par exemple la santé, l’éducation, mais aussi la protection en cas d’accidents du travail. Cela implique donc la reconnaissance des mêmes droits pour les travailleuses domestiques en matière d’indemnisation en cas de lésions professionnelles que les autres travailleuses et travailleurs.

Nécessité d’agir
La ratification, par le Canada, de la Convention n° 189 de l’OIT permettrait aux travailleuses domestiques d’ici de bénéficier de leviers supplémentaires pour faire valoir leurs droits fondamentaux et pour la reconnaissance de conditions de travail équitables et non discriminatoires, particulièrement pour faire reconnaître leur droit d’association et leur droit à la protection sociale.

De plus, les gouvernements des provinces et des territoires seraient invités à harmoniser leur législation afin de mettre en œuvre des mesures qui respectent ces droits. Au Québec, par exemple, cela impliquerait que l’État offre les mêmes conditions de couverture en matière d’indemnisation pour les travailleuses domestiques que pour les autres travailleuses et travailleurs lors d’une lésion professionnelle. Autrement dit, par l’application de la Convention n° 189, les travailleuses domestiques auraient droit à la protection automatique en cas d’accidents et de maladies de travail, droit qui leur est encore actuellement nié.

L’application de la Convention n° 189 deviendrait, si elle est ratifiée par le gouvernement canadien, un argument de plus afin d’inciter le gouvernement du Québec à mettre fin à l’exclusion discriminatoire des travailleuses domestiques de la définition de « travailleur » de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il est donc à souhaiter que le gouvernement canadien entende la demande des plus de 5 100 signataires de la pétition de la campagne pour la reconnaissance des droits des travailleuses domestiques et ratifie sans attendre la Convention n° 189 de l’OIT.

UTTAM, Union des travailleurs et des travailleuses accidentés ou malades


Une nouvelle hégémonie

Une nouvelle hégémonie : L’avancée évangéliste sur la scène politique latino-américaine

Daniel Gatti, Rebellion, 19 novembre 2018

En guerre frontale contre les mouvements émancipateurs, l’évangélisme conservateur se renforce sur la scène politique régionale. Ayant des incidences sur l’agenda législatif et le débat public sur l’ensemble du continent, il va bien au-delà de “l’agenda des droits” et défie une gauche qui ne parvient pas à interpeller sa base sociale.

“Il y a une imbrication entre le religieux et le politique que la gauche dans le monde et particulièrement en Amérique latine, ne sait pas capter. Le phénomène du succès du néopentecôtisme conservateur est un exemple évident de cette nouvelle imbrication qui a pris une force très importante surtout dans les secteurs populaires.” Pour l’anthropologue uruguayen Nicolas Guigou, la montée de ces groupes religieux qui sont devenus en peu de temps des acteurs centraux de la vie politique de plusieurs pays de cette région est “un phénomène qui devrait questionner en profondeur les groupes, les organisations, les mouvements sociaux, qui prétendent rejoindre les secteurs populaires, les secteurs vulnérables, pour changer les choses.” Cela devrait également questionner les universitaires : “les politologues, par exemple.” La politique a perdu son sens pour d’énormes secteurs de la population, dit Guigou. “Il y a un énorme déficit du politique que des gens comme les pasteurs néo pentecôtistes remplissent avec leur discours.”

La présence des Églises évangélistes en Amérique latine n’est pas précisément nouvelle, mais leur croissance exponentielle l’est, fondamentalement dans leur version pentecôtiste conservatrice, indique le sociologue bolivien Julio Cordova Villazon, spécialiste de cette branche du protestantisme. Dans un article paru en novembre 2014 dans la revue Nueva Sociedad, Cordova écrit que, à la différence des débuts du siècle dernier, quand leur “agenda” était essentiellement libéral et centré sur la lutte pour la séparation de l’Église catholique et de l’État, aujourd’hui, en phase de croissance et avec un catholicisme en crise et en retraite, les évangélistes souhaitent acquérir sans cesse plus de poids sur la scène politique à travers des partis qui les représentent ou des pactes avec d’autres partis, un immense réseau de moyens de communication, la multiplication des mouvements de défense des “valeurs morales chrétiennes”. Tout cela facilité par de généreuses contributions qui sont loin d’être saintes.

Cordova distingue quatre étapes dans l’expansion évangéliste en Amérique latine: “La lutte pour la liberté de conscience à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle; la polarisation idéologique pendant les années 1960 et 1970; l’apparition des partis évangélistes pendant le retour à la démocratie au cours des années 1980 et 1990; et l’apparition de mouvements pro-famille et pro-vie au commencement des années 2000.”

Dans la seconde de ces étapes, une partie très minoritaires des évangélistes se joignirent aux catholiques progressistes qui développaient la Théologie de la libération, et une poignée firent partie des guérillas de gauche. Mais la majorité, dit le sociologue, “assumèrent une posture qui, en apparence passive, légitimait les dictatures militaires, les acceptant comme étant la meilleure option”.

 

Cette orientation s’accentua à partir des années 1980, avec la prédominance du néopentecôtisme qui était devenu puissant aux États-Unis. Là, une “nouvelle droite chrétienne” articulée par des “télé-évangélistes, des universités évangélistes, des associations civiles et d’autres institutions”, émergea comme “réaction à la vague progressiste qu’avait vécu le pays” au cours des décennies antérieures, “caractérisées, entre autres aspects, par la demande d’une plus grande autonomie pour les femmes et l’égalité des droits pour les personnes de la diversité sexuelle.”

Des États-Unis cette nouvelle droite chrétienne chercha à se répandre en Amérique latine avec une pléiade de pasteurs et tout un appareil médiatique. Mais ce fut récemment, au cours des années 1990, que ce discours promulguant une guerre frontale au “prédicateurs du mal” basée sur la défense de la famille traditionnelle (papa-maman-enfants) et le rejet des mouvements émancipateurs (des femmes, des minorités sexuelles, des Noirs), prit au sud de la frontière mexicaine dans le but de “restaurer la stabilité familiale”. Jusqu’alors, écrit Cordova, les élites évangélistes latino-américaines “n’avaient pas un discours politique explicite”. “Les nouveaux convertis se sentirent menacés par les changements culturels et normatifs en rapport avec les droits sexuels et reproductifs et ils en appelèrent à une orientation politique correspondante à la droite chrétienne des États-Unis.” La croissance exponentielle de ces religions eut lieu dans un contexte où de “vastes secteurs sociaux” eurent besoin de “nouveaux marqueurs interprétatifs pour donner sens à leurs conditions de vie incertaines.” Les Églises évangélistes, confirme Willian Beltran, spécialiste des religion à l’Université Nationale de Colombie (AFP, 6-10-18), “ sont parvenues à mieux répondre que l’Église catholique aux besoins des nouvelles générations de latino-américains exclus par les processus d’urbanisation et de globalisation”.

“Dieu nous multiplia sur tout le continent”, dit Fabricio Alvarado, prédicateur marié avec une prédicatrice chanteuse de musique chrétienne. L’ex-député Alvarado a été le deuxième candidat le plus voté lors des élections présidentielles de cette année au Costa Rica, l’un des pays de la région où le pentecôtisme a connu sa plus forte croissance au cours des dernières années. Selon les enquêtes citées par le sociologue colombien Javier Calderon Castillo, du Centre stratégique latino américain (CELAG), il y aurait actuellement sur le continent “plus de 19 000 Églises néopentecôtistes qui regroupent 100 millions de fidèles, un cinquième des habitants de la région.” Une étude réalisée en 2017, sur les religions dans les sociétés d’Amérique latine par la firme Latinobarometro rend compte que le protestantisme a coupé l’herbe sous les pieds au catholicisme depuis plus de deux décennies.

Sur ce continent qui continue d’être le plus catholique du monde, les fidèles de cette religion ont été réduits à 60% de la population alors qu’ils étaient 90% il y a un demi-siècle encore. Pendant ce temps, les évangélistes sont passés à 20% alors qu’ils n’étaient que 5% il y a quelques décennies. Avec des pourcentages très élevés dans certains pays comme 41% au Guatemala, 39% au Honduras, 32% au Nicaragua, 25% au Costa Rica, 24% à Panama, 21% en République dominicaine. Et 27% (contre 15% en l’an 2000) au Brésil, la prunelle des yeux de l’Église catholique à l’échelle mondiale.

“La croissance des pentecôtistes au Brésil a été si forte qu’ils comptent aujourd’hui la plus grande population pentecôtiste dans le monde, davantage qu’aux États-Unis”, déclare à l’AFP Andrew Chesnut, directeur des Études catholiques de l’Université Virginia Commonwealth aux États-Unis.

Pendant toutes ces années, les avancées de l’évangélisme politique en Amérique latine ont été évidentes et au Brésil, plus qu’en aucun autre endroit. Au-delà du fait que Jair Bolsonaro ait été élu avec l’appui affirmé des Églises pentecôtistes, le Parti Républicain (PRB) – surgit de la principale congrégation évangélique latino-américaine, l’Église Universelle du Règne de Dieu— a obtenu 30 députés fédéraux et environ 40 députés dans les différents États du Brésil, plus d’une centaine de maires, dont celui de Rio de Janeiro, Mauricio Crivella, et plus de 1600 conseillers municipaux. Nombreux sont également les néopentecôtistes élus comme législateurs fédéraux pour le parti de Bolsonaro, le Pari social libéral. En tout, la “banquette de la Bible”, qui unit les évangélistes à d’autre représentants “les plus réactionnaires” d’autres confessions religieuses, compte autour de 200 membres au parlement brésilien.

Au Guatemala, un néopentecôtiste, le pasteur et acteur comique Jimmy Morales, est président depuis 2016. Au Costa Rica, le pasteur Alvarado a disputé la présidence au second tour il y a à peine quelques mois, et s’il est loin d’avoir gagné, il symbolise la croissance d’une confession qui, il y a quelque années encore, était marginale. Il y a des pentecôtistes aux parlements du Chili et du Mexique, de la Colombie, du Venezuela et du Nicaragua, du Paraguay, du Pérou et de l’Équateur, et même dans l’État très laïc de l’Uruguay. Mais le pouvoir des pentecôtistes va bien plus loin que son poids politique.

“Ils sont en train d’écrire l’agenda législatif dans plusieurs pays de la région, faisant contrepoids aux organisations et aux mouvements de défense des droits des minorités sexuelles. Leurs thèmes sont toujours plus présents dans le débat public”, dit Gaspard Estrada, de l’Institut d’études politiques de Paris (AFP, 6-10-18). Ils ont élevé un mur de contention pour s’opposer à “l’idéologie du genre et à l’agenda gay”, écrit Julio Cordova. En Argentine, une recherche du quotidien Pagina 12 (14-10-18) indique que le président Mauricio Macri et la gouverneure de la province de Buenos Aires, Maria Eugenia Vidal, “ont laissé entre les mains des évangélistes la tâche de contenir les revendications de changement social et éviter l’éclatement de la colère populaire” en échange de “l’arrêt de la légalisation de l’avortement et de l’éducation sexuelle dans les écoles”.

Au Mexique, après la dépénalisation de l’avortement dans le district fédéral de Mexico en 2007, la participation des pentecôtistes a été fondamentale pour bloquer des initiatives semblables dans les 17 États du pays. Au Nicaragua, ils eurent la force suffisante pour que la législation relative à l’avortement soit l’une des plus restrictives et obscurantistes d’Amérique latine et pour qu’une journée de l’Enfant à naître soit inscrite au calendrier. En République dominicaine, ils ont fait en sorte que soit inscrit dans la constitution un article qui protège “la vie humaine à partir de la conception”. Au Brésil, avant d’appuyer ouvertement Bolsonaro, l’Église universelle du Règne de Dieu, dirigée par le pasteur multimillionnaire Edir Macedo, endossa Lula d’abord puis Dilma Roussef, à condition qu’ils freinent toute tentative de légalisation de l’avortement ou de la consommation de marijuana, du mariage homosexuel ou de n’importe quel projet de loi en faveur des transgenres. Et ils l’ont obtenu.

Les néopentecôtistes n’influencent pas seulement l’agenda des droits humains. En Colombie, ils se sont impliqués dans la campagne victorieuse du “Non” au référendum sur les accords de paix avec les FARC en 2016. Au Guatemala, Jimmy Morales a décidé au mois de mai dernier de déplacer l’ambassade du Guatemala en Israël à Jérusalem. Jair Bolsonaro fera de même en janvier 2019 lorsqu’il sera assermenté. “Israël représente pour les évangélistes une espèce d’horloge du temps historique. Comme c’est aussi le cas des millénaristes, ils croient que ce qui se passe avec Israël détermine la distance qui nous sépare de l’Apocalypse”, explique Nicolas Guigou. “Ils croient qu’une alliance avec Israël les bénit.”

Les évangélistes conservateurs partagent une matrice, peu importe d’où ils proviennent. Ils communiquent de manière directe avec les gens, s’efforçant de les atteindre par les sentiments en employant une culture essentiellement orale. “Ils parlent tout le temps de “libération” de laisser flotter le corps et l’esprit. Ce sont des religions très corporelles, sensorielles. La glossolalie, “parler en langues” qui les caractérise, est comme une façon de laisser sortir la souffrance, de mettre en scène l’indicible, de se délivrer du démon, des mauvaises influences”. Le message est si simple qu’il fait peur. “Ils te disent que si tu vas bien, c’est parce que Dieu est avec toi, et si Dieu est avec toi, c’est parce que tu te connectes à Lui à travers eux. Et si cela va mal, c’est parce que tu as fait quelque chose de mal ou que tu n’as pas payé le dixième de ton salaire à l’Église ou que tu t’es laissé tenter par Satan ou que tes prières sont mal faites. Tu devras alors t’efforcer davantage.” Ce qui est particulièrement séduisant dans leur offre c’est qu’il te promette tout : la santé, l’argent, la prospérité, et ici et maintenant, dans cette vie terrestre.”

À la différence des protestants du début du 20ème siècle qui dans leur demande de liberté de conscience appelaient un État laïc et défendaient même un agenda “progressif”, les néopentecôtistes du 21ème siècle s’insèrent comme dans un moule dans la prédication néolibérale, observe Julio Cordova, ou avec une “époque d’autonomie extrême comme l’actuelle”, dans les termes de Guigou. Leur “théologie de la prospérité” est orientée par la recherche du succès individuel, par l’appropriation, et même si elle s’adresse aux pauvres, elle exalte les valeurs des riches. “Les pasteurs sont comme les gestionnaires de la mobilité du sort social de ces couches pauvres, ils se déplacent avec une théologie de l’économie dans laquelle ressort l’obéissance et la discipline, le respect de l’ordre social, et l’absence de confrontation avec les autorités, signale Guigou.

Il pense que le néopentecôtisme sud-américain est clairement d’ascendance brésilienne. Les Églises évangéliques brésiliennes furent pionnières dans la participation à la politique et elles ont été bien plus proches que les américaines des caractéristiques des peuples où elles se sont implantées. “Elles se déplacent avec un pragmatisme surprenant qui leur permet, quand cela leur convient, de s’allier au PT au Brésil, pour ensuite le qualifier de satanique, d’appuyer la destitution de Dilma Roussef et l’élection de Bolsonaro avec qui elles connectent bien plus. Ce qui leur importe, c’est le pouvoir et pour l’obtenir, elles mesurent, font du chantage, posent des conditions, cherchent des avantages.” Leur manière d’affronter le catholicisme ou les religions afro-brésiliennes, spirites ou de source indigène, avec lesquelles elles sont en concurrence pour l’influence des secteurs populaires, est caractéristique.

“Comme elles ont une vision intégriste, elles parasitent l’ennemi et elles sont en guerre permanente contre les différents “satans” qui s’incarnent au Brésil aujourd’hui, principalement les militants du PT et les prêtres catholiques”. Elles ont monté un énorme réseau de sociabilité et construit leur pouvoir sur la base d’un puissant empire médiatique qui comprend la seconde chaîne de télévision du pays, la Rede Record, un poste religieux, un portail internet, des entreprises de cablo-diffusion, des radios qui couvrent presque tout le territoire national, des journaux et des maisons de production de musique. Elles se déplacent sur les médias sociaux comme des poissons dans l’eau et elles labourent des nouveaux espaces comme pas un. Leurs lieux de culte sont aussi des agences de services publics, suppléant d’un État absent. “Elles ont conquis les têtes des personnes vulnérables et gagné les batailles pour le contrôle spirituel des quartiers défavorisés des périphéries urbaines et des prisons. Et c’est sur ce modèle brésilien, qu’ils ont monté des Églises pentecôtistes dans le reste de l’Amérique du sud, et leurs pasteurs se sont répandus en Afrique et en Asie, là où il y a peu, ils étaient inconnus.”

Il y a quelques années, les prêtres progressistes latino-américains héritiers de la Théologie de la libération ironisaient que pendant qu’eux avaient fait l’option pour les pauvres, ceux-ci avaient l’option pour les pentecôtistes”. C’est là un bon résumé de la réalité déclare Guigou. La gauche en général, le PT brésilien en particulier, assure l’anthropologue uruguayen, n’a pas su parler aux masses qui sont devenus évangélistes. “La gauche emploie les codes langagiers des classes moyennes. L’agenda des droits apparaît étrangère aux classes les plus marginales qui dans la famille traditionnelle, hétérosexuelle et stable, trouve la sécurité sans laquelle le peu qu’elles possèdent s’écroule.”

La journaliste Lamia Oualalou situe sur un autre plan cette déconnexion entre la gauche latino-américain et et les pauvres les plus pauvres qui joignirent les rangs du néopentecôtisme. Pour cette franco-marocaine qui a vécu plusieurs années au Brésil et qui est l’auteur du livre “Jésus t’aime, la déferlante évangélique”(Éditions du Cerf, 2018), “la gauche interpréta la “théologie de la prospérité de façon très élémentaire. Elle l’a simplement vue comme une adaptation du néolibéralisme. Il est certain qu’on y retrouve une grande part de consumérisme et d’argent, mais aussi les Églises fonctionnent avec une logique de solidarité”, dit-elle en entrevue. De plus, il y a un contresens dans l’attitude d’un parti comme le PT : eux-mêmes n’échappèrent pas à la “logique de consommation capitaliste” lorsqu’ils arrivèrent au pouvoir pendant la dénommée “vague progressiste”. C’est ce qu’ils offrirent aux pauvres : l’intégration au marché de consommation. Oualalou rappelle une phrase de Guido Mantega, ministre de l’économie de Lula : “Maintenant tous les Brésiliens peuvent être citoyens parce qu’ils ont accès à une carte de crédit”.

Lorsqu’éclata la crise, la faiblesse de cette “intégration” fut patente. L’État (et les progressistes) abandonnèrent littéralement les pauvres entre les mains de Dieu, et Dieu dit à ces “ vulnérables”, à travers ces pasteurs évangélistes que le diable pétiste les avait conduits à la ruine, remarque la journaliste. Elle ajoute : “Ce n’est pas en parlant de la Bible, cédant à leurs chantages ou se faisant photographier auprès de leurs pasteurs, comme l’a fait le PT, qu’on pourra tirer ces secteurs des tentacules du néopentecôtisme.” “Ce qu’il faut faire, c’est de recommencer à parler de ce qui compte dans la vie des Brésiliens : une éducation minimum, un accès à des soins de santé, avoir des pharmacies populaires qui donnent des médicaments gratuits, un salaire minimum juste, etc.” Et “déconstruire l’image des pasteurs en démontrant que la majorité d’entre eux sont des filous et qu’ils possèdent les plus grandes fortunes du pays.” Il faut les confronter, pas les imiter. Il faut leur disputer l’hégémonie, suggère Oualalou.

Sources:
http://rebelion.org/noticia.php?id=249171
https://brecha.com.uy/
Traduit de l’espagnol par Yves Carrier

Calendrier des activités du mois de janvier

Contenu

Partager sur