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Aotlcp-Awak, 5 800 ans
Aotlcp-Awak, le plus vieil arbre du monde, a été abattu à la frontière du Brésil et du Pérou à l’intérieur d’une réserve naturelle située en plein territoire indigène. Il s’agit d’un acte intentionnel visant à démoraliser la résistance du peuple Matsé à l’invasion de l’industrie pétrolière. Aucune amende ou peine d’emprisonnement n’a été adressée envers les auteurs de cette infamie. Pourtant, il s’agit d’un acte de terrorisme environnemental, perpétré par une multinationale, visant à anéantir une culture, au même titre que si on s’en prenait à un monument religieux ailleurs dans le monde.
Les Matsés considèrent que cet arbre était l’Esprit-Mère de la forêt amazonienne et que sa mort aura des répercutions négatives pour l’ensemble de la planète. En coupant cet arbre, c’est l’âme de la forêt qui a été atteint. Pour ceux qui l’ignorent, les biologistes ont récemment découvert que par leur système racinaire, les arbres communiquent entre eux. Cette histoire est un conte qui circule sur internet afin de nous ouvrir les yeux sur l’absurdité du développement à outrance que nous poursuivons.
La pensée occidentale, ou devrais-je dire l’avidité qui la caractérise, récuse les liens qui nous unissent à la nature, au corps, à l’âme, et ultimement aux êtres humains et aux autres espèces. Pour celle-ci, la plupart du temps, rationaliser signifie : isoler, diviser, séparer, couper, mesurer, peser et dominer, mais pour se faire, il faut d’abord détruire la vie en niant la qualité de sujet à l’animal, à l’organisme ou à l’écosystème qu’on prétend étudier. Ce chemin conduit directement à la négation de l’être rabaissé au rang d’objet.
« Mère-nature est en grand danger, aidez-nous à la protéger ! » C’est pour l’essentiel ce que sont venues nous dire Shannon Chief messagère traditionnelle des aînés du clan du peuple anishnabe de la Nation du Bassin versant de la rivière des Outaouais (Nabro) et la Kokoum (grand-mère) Lisa Thomas. L’air pur, l’eau, la terre, les arbres, les plantes, les oiseaux et les animaux qui y habitent ont une valeur inestimable, mais une législation coloniale au service des intérêts corporatistes, criminalisent les communautés autochtones et les environnementalistes qui résistent au dernier saccage de la Terre-Mère. L’ordre de nos sociétés industrialisées et postmodernes ne constitue qu’un immense chaos au cœur de l’harmonie qui gouverne l’univers. En ce domaine, le réveil des peuples autochtones correspond à une réappropriation de leur mémoire ancestrale, de leur coutumes, de leur manière d’être vibrant à l’unisson avec la nature dans une spiritualité qui les unit au cosmos, à leur être et aux autres.
Shannon Chief a illustré avec brio le système des clans : du loup, de la tortue, des cervidés, des oiseux de proie, des ours, des oiseaux marins et du castor, comme une autre manière de se gouverner où chaque responsabilité visant la survie et l’harmonie du groupe, fondée sur le respect des valeurs ancestrales, est assumée par chacun des membres des différents clans. Selon elles, cette vision du monde diffère de celle des conseils de bandes issus d’une structure imposée par le gouvernement fédéral.
Lisa Thomas nous a rappelé l’urgence d’agir pour sauver la Terre-Mère avant que nous ayons atteint le point de non retour. En fait, pour les autochtones cherchant à vivre de manière traditionnelle sur leurs territoires ancestraux, la destruction environnementale effectuée par les compagnies forestières et l’industrie minière, représente la désertification du nord et la destruction irréversible de ce que la nature a mis des millénaires à construire dans l’harmonie.
N’est-il pas prophétique que les invisibles de notre société viennent nous rappeler à nos devoirs et aux traités aussi anciens que 1670 où la France reconnaissait aux premiers habitants l’absolue liberté de continuer à vivre selon leurs coutumes et promettait de ne pas prélever au territoire au-delà de ce qui était nécessaire à la subsistance ? En s’éveillant de cette longue nuit que nous leur avons fait subir, les Premières nations nous sauvent de nous-mêmes, du sommeil létale où nous avons sombré depuis trop longtemps.
Migwetch.
Yves Carrier
Spiritualité de la citoyenneté
NOEL, EST-CE IMPORTANT pour une théorie de la société civile?
La spiritualité transcende tous les domaines de la vie, de la religion à l’économie. Et la venue de Jésus annonçait un bouleversement d’ordre planétaire. Sa vie se termine avec la Passion, événement historique et politique majeur. Le job de Jésus était de briser cette complicité entre le politique et le religieux qui tient les peuples dans la sujétion: (Rendez à César ce qui est à César…). La Passion démasque aussi le processus du bouc émissaire. Une crise hégémonique était ouverte: le message de Jésus versus celui des Pharisiens et de l’État romain. Le Juste dérangeait l’ordre de ce temps, fondé sur un modus vivendi entre le religieux et le politique. Ce dernier a besoin du premier pour justifier sa domination. C’est la société civile qui enfonce le coin entre ces deux ordres, établissant comme éminemment personnelles les questions de foi, de conscience et de spiritualité. Pour certains, la religion est mauvaise pour peu qu’elle s’immisce dans la conscience des gens pour l’assujettir. La religion demeure toutefois un véhicule de la spiritualité, mais attention au pouvoir de ce véhicule. Une Cadillac ou une Ferrari sont-elles préférables à une trottinette ou à simplement marcher sur la voie spirituelle?
Il y a une démarche dans la Bible qui conduit à la libération et à l’épanouissement. Il y a des leçons spirituelles et politiques à saisir de la rivalité mimétique asymétrique au jardin d’Éden (Adam qui voulait se prendre pour Dieu), Caïn qui voulait être reconnu pour ses offrandes, Job en proie à la jalousie de ses pairs, David qui désirait la femme de son fidèle officier, l’Exode. Esdras réussit à faire reconnaître que les Juifs pouvaient préserver leur religion et leur mode de vie dans la terre d’exil. Il les libérait de ce lieu commun antique, mais qui est revenu au moment des guerres de religion, à savoir l’unité entre le Dieu, la religion, le monarque et le territoire.
THÉORIE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE.
La société traditionnelle est fondée sur un rapport étroit entre la religion et le pouvoir qui domine le social qui possède ses propres intérêts et ses besoins. Avec la réflexion des penseurs du Moyen-âge à Karl Marx, le concept de société civile s’est développé et cela a abouti à la séparation entre le politique et le religieux. Le travail commencé dans la Bible et les théologiens acceptèrent ce concept qui est devenu récurrent dans la doctrine sociale de l’Église. La société civile s’est épanouie dans les villes et les bourgs. Chez les Allemands, société civile et société bourgeoise sont des synonymes; les bourgeois étant ceux qui habitent les bourgs. Elle est, pour Hegel, le lieu des intérêts et des besoins du peuple et de la défense de ses intérêts. Il justifie l’État comme maître d’œuvre de la société et nie à la société civile une certaine sagesse que lui reconnaît le créateur du concept, Marsile de Padoue. Dans les Temps Modernes, le capitalisme entama un travail de sape de la société civile qu’acheva le socialisme d’État. Voici les grandes étapes de l’évolution de la société civile: la société primitive, avant Marsile, de Marsile à Marx, de Marx à mai 68, après mai 68. Une théorie de la société civile devenait possible avec mai 68.
ACTIVITÉS SOCIALES
La ligue de cartes poursuit ses activités. Ginette vient de remporter le grand tournoi des ligues mineures avec les Éperviers de Sorel-Tracy. Notre club social se réunit les vendredis et dimanches au 435 du Roi, 2ème étage de 16 heures à 24 heures environ. Plaisir garanti contre la solitude et l’isolement. Nous mangeons et parfois nous organisons des sorties et d’autres activités. Bienvenue à toutes et à tous.
Le roi et la petite fleur Bien Aise
Il y avait un roi amoureux des fleurs, des plantes et des arbres qu’il avait plantés dans un magnifique jardin. Il prenait lui-même grand soin de son jardin. Il aimait, le soir, se promener dans les allées et se laisser ravir par la beauté des couleurs et la variété des parfums.
Un jour, il dut partir pour un long voyage. À son retour, quelle ne fut pas sa surprise de constater que beaucoup de ses plantes et de ses arbres étaient en train de mourir ! Le pin avait perdu presque toutes ses aiguilles. Le roi lui demanda ce qui lui était arrivé. Le pin répondit : « J’ai regardé la vigne plantée tout près de moi et j’ai remarqué les magnifiques raisins qu’elle produisait pour faire le vin. Je suis revenu bien triste de ne pas pouvoir en faire autant. Alors je me suis mis à dépérir en me disant : « Je suis tellement inutile qu’il vaut mieux cesser de vivre ».
Le roi se tourna vers la vigne et vit qu’elle était aussi en train de mourir. Il l’interrogea sur son malaise. « Pendant des jours, lui dit-elle, j’ai admiré le rosier et respiré le parfum subtil de ses fleurs. Je me suis désolée à la pensée que jamais je ne pourrais produire une fleur aussi magnifique et un parfum aussi raffiné. Désespérée, j’ai commencé à ne plus me nourrir ».
Le roi continua l’exploration de son jardin. Il trouva, à sa grande surprise, une petite fleur bleue, toute rayonnante et pleine de vie, qui se nommait Bien-Aise. Quel ne fut pas son bonheur de trouver enfin une plante en plein épanouissement dans son jardin. Il lui dit alors : « Comment se fait-il que tu sois si belle, alors qu’autour de toi les autres plantes dépérissent ? » Et elle de lui répondre : « Pendant un certain temps, je me suis désolée de constater que jamais je ne serais aussi grande que le pin avec ses magnifiques aiguilles, que jamais je ne produirais des raisins comme la vigne, que jamais je ne répandrais le parfum de la rose.
À me comparer ainsi aux autres, je suis devenue déprimée au point de vouloir me laisser mourir. Mais je me suis rappelé que c’est toi, ô roi magnifique, qui avait choisi de me planter ici. Alors, je me suis fait la réflexion suivante : « Je suis donc si importante à ses yeux qu’il m’ait choisie parmi tant d’autres ». C’est alors que j’ai pris la décision de vivre et de devenir aussi belle que possible. »
La morale de cette histoire, c’est qu’il faut s’aimer pour ce que l’on est et non pour ce qu’on produit.
Transcanada : éducation ou propagande ?
Le 7 novembre dernier, nous apprenions que la pétrolière TransCanada avait approché l’Institut des sciences de la mer de Rimouski dans le but de financer une chaire de recherche sur le Saint-Laurent axée sur l’étude du béluga. Ce financement s’étendrait sur une durée de 5 ans, soit le temps approximatif nécessaire pour compléter la construction du projet Énergie Est qui comprend les 700 kilomètres de pipeline en territoire québécois et le port pétrolier de Cacouna.
Le 18 novembre dernier, nous étions informés que cette initiative faisait partie intégrante d’un « plan stratégique » élaboré par la multinationale des relations publiques Elderman, à la demande de TransCanada, pour convaincre les Québécois d’appuyer son mégaprojet de transport du pétrole des sables bitumineux.
Prétendant, sans que l’on sache pour quelles raisons, que les Québécois « ne soient pas familiarisés avec le pétrole comme source d’énergie », le rapport en appelle à « l’éducation sur le sujet ». Ayant toujours été convaincu que l’éducation constituait le socle d’une pensée et d’une prise de parole citoyenne éclairée, et soupçonnant que la frontière entre l’éducation et la propagande pouvait être bien mince, j’ai recouru à mon Larousse pour en connaître les définitions.
Éducation : Ensemble des moyens utilisés pour former l’esprit de quelqu’un, développer ses aptitudes intellectuelles et physiques, son sens moral. Propagande : Action systématique exercée sur l’opinion pour faire accepter certaines idées… notamment dans le domaine politique ou social.
« L’éducation sur le sujet » qui nous concerne ici, soit le transport du pétrole des sables bitumineux, implique que l’on cherche à dévoiler et à comprendre l’ensemble des faits et des enjeux que celui-ci implique et que l’on fasse le débat dans un souci de vérité et de recherche du bien commun. On se trouve en présence d’une éthique des moyens utilisés. Alors que, pour la propagande, tout moyen qui favorise l’adhésion au projet peut être justifié.
Or, lorsque le plan stratégique de Trans-Canada en appelle à recourir à d’importants investissements financiers dans la restauration des quais et des infrastructures riveraines du fleuve Saint-Laurent pour rallier l’adhésion, fait-elle vraiment de l’éducation sur son projet ou ne cherche-t-elle pas plutôt à acheter l’opinion publique?
Quand, au lieu d’identifier les choses par leur nom, Trans-Canada recommande de ne pas parler « des sables bitumineux », mais plutôt des « ressources naturelles », en quoi contribue-t-elle à « former les esprits » sur le sujet tel que le veut un travail d’éducation?
Lorsque Trans-Canada, qui a amplement les moyens d’entreprendre ses propres études sur les bélugas, cherche à instrumentaliser la crédibilité et l’image d’autres institutions, en l’occurrence ici l’Institut des sciences de la mer à Rimouski, rattaché à l’Université du Québec, pour compenser son propre déficit de crédibilité et d’image, fait-elle vraiment œuvre d’éducation?
Lorsque la stratégie de Trans-Canada veut se rallier des personnes influentes pour défendre son projet, allant même jusqu’à en identifier quelques-unes, compte-t-elle sur la valeur intrinsèque de son projet ou sur l’influence de ces personnes pour obtenir l’accord de la population québécoise? M. Denis Coderre, qui avait été pressenti parmi ces personnes influentes, a bien vu la manœuvre, lorsque, questionné à ce sujet, il a répondu sur les ondes : « Je ne suis pas achetable ».
Lorsque la stratégie de Trans-Canada se donne comme objectif d’ajouter des obstacles aux opposants par des informations remises à des tierces parties dans le but de « les distraire de leur mission », en quoi contribue-t-elle à favoriser un débat public sur son propre projet qui irait dans le sens du bien commun?
Enfin, selon le « plan stratégique », l’argument économique est à mettre en haut de la liste des arguments à mettre de l’avant. Mais de quelle économie parle-t-on quand le « plan stratégique »garde le silence total sur les rapports de multiples agences internationales, telles que l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le Groupe international d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), la Banque Mondiale (BM), l’Agence internationale de météorologie et des sciences de l’atmosphère, la NASA, et d’autres qui en appellent à l’urgence de nous libérer de notre dépendance aux énergies fossiles responsables du réchauffement climatique et qui rappellent les coûts vertigineux qu’entraînera notre retard à entreprendre un virage prononcé vers les énergies renouvelables ?
Il est clair que « le plan stratégique » de Trans-Canada relève de la propagande et non d’un programme d’éducation. Le sens éthique et moral des moyens utilisés pour promouvoir un projet de société nous parle du sens éthique et moral même de ce projet.
Or quand la valeur de ce dernier ne peut se défendre par elle-même, et que, pour ce faire, on doive recourir à la déformation de langage, aux jeux d’influence, à l’achat de l’opinion publique par le paiement d’infrastructures, à l’instrumentalisation d’institutions, à la perturbation du travail d’organisations citoyennes, au silence sur des informations névralgiques, il y a de fortes chances que ce projet ne soit pas au service du bien commun.
Il ne nous reste qu’à espérer que nous ne succombions pas aux chants des sirènes des propagandistes d’une économie à court terme qui altérerait les promesses d’une économie florissante à plus long terme.
Pierre Prud’homme, membre du CPRF, est un militant de longue date, impliqué dans plusieurs réseaux de solidarité internationale, de justice sociale, et de groupes faisant le lien entre justice, écologie et environnement.
Sous le clapotis de l’eau
Tous. Ou presque.
Informés, conscients de ce qui se passe dans le monde.
Une injustice célébrée au quotidien. Valorisée.
Hollywood et le cinéma américain. Son hégémonie se charge de passer le message de ce qui est beau, bon, désirable.
Même sans regarder on sait. C’est partout autour, palpable dans l’air.
Être grand, mince, sportif, s’épanouir professionnellement, travailler beaucoup, avoir une belle maison, une belle voiture, une belle femme, de beaux enfants dont on s’occupe bien. Ou presque.
Que redire à cela? Pourquoi remettre en question ce sain modèle de vie, ce sacrosaint capitalisme, cet accès au pouvoir d’achat qui nous offre tant de plaisirs? Ou presque.
Le pouvoir d’achat pour remplacer l’absence de pouvoir sur le reste de nos vies. Manipulés partout, par tous. Au nom du Dieu argent. La mascarade démocratique dont on est si fier et qu’on proclame et qu’on exporte, qu’en retire t’on? Deux partis qui se mènent une gentille lutte main dans la main, et nous comme des moutons à fermer les yeux sur les inepties médiatiques, à manger du sensationnalisme.
Il faut que ça croustille sous la dent, que le sang coule, que la violence afflue, pour nous rassurer dans nos pantoufles, qu’on se croie chanceux encore, qu’on se pense libre surtout. Et que le cycle se poursuive.
Ou pas?
Ou pas?
C’est un choix que nous avons tous à faire. Ou presque.
Certains n’ont pas ce choix. Ceux qui vivent de l’autre côté de l’écran plat de notre télévision, ceux qui crient dans les hauts parleurs de notre cinéma maison, en dolby surround en trois dimensions, ceux qui fabriquent les jouets de Noël, qui empilés sous nos sapins font la joie de nos enfants ignorants de ce qu’il en coute.
Nous, nous l’avons. Ou presque.
Il faut.
D’abord.
Retirer un à un.
À la pince à épiler.
Les désirs préfabriqués.
Il faut.
Faire un pas.
Vers le voisin.
Il faut.
Oublier.
Ce qu’on nous martèle, ce qui nous angoisse.
Il faut.
Imaginer. En dehors de nos boîtes mentales. Ce que représente la réalité de certaines personnes, proches ou plus lointaines. Ressentir. La terreur, la faim, la jalousie, la haine, l’apathie.
Imaginer. Une seule minute. Mais une minute entière. Ce que cela peut faire de voir le monde s’empiffrer pendant que notre enfant agonise.
Je vous dérange? Je vous ennuie?
Vous vous sentez jugés… vous culpabilisez, ça vous énerve.
Moi aussi, je me fais cet effet-là. Et dites vous que je vis avec moi-même, chaque seconde de chaque jour.
Je ne vous juge pas pourtant. Je nous sais victimes aussi, je nous sais malheureux de tant de désirs insipides, de tant de solitude en creux de gorge, de tant de pression à ressembler, de tant de volonté d’être aimé, accepté. Et de si peu de retours. Boomerang dysfonctionnel que cet acharnement à faire semblant de ne rien savoir, de ne rien comprendre.
Le boomerang en travers de la trachée, j’étouffe.
Pas vous?
Qu’est-ce qui nous empêche, qu’est-ce qui nous retiens? La peur de se tromper, la peur de manquer, la peur de l’avenir?
Mais nous avons si peu à perdre et tant à gagner à se réunir, à s’entraider, à se révolter, à refuser…
Je lance un appel.
Un.
Parmi tant d’autres.
À une révolution pacifiste.
Une question : est-ce que j’en ai vraiment besoin?
Un pas : je réunis des gens autour de moi.
On vide, on débarrasse, on échange, on donne. On se satisfait. On s’organise. On répare. On bricole. On rafistole. On se regroupe. On rit. On s’accepte. On cuisine. On s’aide. On se soutien. On se contente de ce que nous sommes. Imparfaits. Ni assez grand, ni assez mince, stressé par notre travail, une femme, un mari, des amis, des enfants, tous imparfaits. Ni échangeables, ni remboursables. Mais indispensables, ça oui.
L’indispensable amour.
Le superflu consommable.
Je lance un appel.
Un.
Parmi tant d’autres.
À une révolution pacifiste.
Je sais, je tombe mal. Je ne suis pas une pro du marketing. Mais je comprends bien que je tombe mal. À 12 jours de Noël. Je gâche un peu vos fêtes…
Je vous présente mes excuses. Je pensais juste à tous ceux qui ne fêteront pas Noël, ou d’une bien tragique façon.
Allez, on se laisse jusqu’au 1er janvier. Juste pour dire, juste pour ressentir une dernière fois le goût amer de nos plaisirs travestis. Le dégoût de nous-mêmes. Comme on donne un coup de talon au fond du gouffre pour remonter à la surface.
Et reprendre une grande gorgée d’air frais.
Je lance cet appel.
J’espère que vous y répondrez. Que vous le partagerez.
Marion Clarens
Le Brésil que nous voulons…
Lettre d’intellectuels engagés à la présidente réélue, Dilma Rousseff
Chère présidente Dilma Rousseff,
Nous, participants du Groupe Émaüs, tenons à vous féliciter pour l’effort et le travail déployés pendant la dernière campagne électorale, ainsi que pour les réalisations de votre premier mandat. Nous sommes un groupe de théologiens issus de différentes Églises, de sociologues, d’éducateurs et de militants qui se réunissent régulièrement depuis une quarantaine d’années. Nous sommes tous et toutes engagées dans la construction d’un Brésil socialement et économiquement plus juste, solidaire et soutenable d’un point de vue environnemental.
La plupart d’entre nous avons milité, dès les débuts, pour le Parti des Travailleurs, PT, et son projet de société. Au cours des dernières élections présidentielles, nous avons publiquement manifesté notre appui à votre candidature. Nous avons discuté et débattu avec vous parce que nous percevions le risque que le projet populaire du PT, représenté par votre candidature, ne puisse être réafirmé et consolidé. Pour nous, chrétiens, particulièrement dans les milliers de communautés ecclésiales de base, nous avions et nous avons toujours la conviction que la participation politique de tendance démocratique, populaire et libératrice, représente un moyen pour réaliser les biens du Règne de Dieu.
Ces valeurs sont : la centralité des pauvres, la conquête de la justice sociale, l’entraide, le poursuite incessante de la dignité et des droits des opprimés, la valorisation du travailleur et de la travailleuse, une juste répartition de la richesse et le respect de la Terre-Mère. C’est pourquoi, dans la ligne du dialogue que vous avez proposé à la société, nous voulons vous faire quelques suggestions pour que votre gouvernement continue d’implanter le projet qui a tant bénificié à la société brésilienne, particulièrement aux plus vulnérables.
Le Brésil que nous voulons
Voici 15 grandes orientations qui, selon nous, doivent être présentes dans la construction du Brésil que nous voulons :
1) Promouvoir une réforme du système politique
Une réforme qui met fin au financement des campagnes électorales et des partis politiques par des entreprises privées et établit le financement public. Une réforme qui rend possible la participation des citoyens et des citoyennes au processus décisionnel : sur la politique économique; sur tous les projets ayant un fort impact social et/ou environnemental; sur la privatisation des entreprises d’État et les services publics.
Une réforme qui aborde également la démocratisation du pouvoir judiciaire qui est, de nos jours, le moins contrôlé des trois pouvoirs. Seulement ainsi nous pourrons dire que nous avançons vers une démocracie politique, économique, sociale et culturelle, à l’intrieur d’un dialogue effectif entre les membres de la société politique et de la société civile, ce qui signifie le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
2) Développer un modèle économique social et populaire
Réévaluer rigoureusement la pertinence de la privatisation des services publics et de nos ressources naturelles, dont le pétrole. Construire un modèle économique davantage centré sur les personnes, dans la réalisation de leurs droits à l’intérieur d’une relation harmonieuse avec la nature, dans l’esprit du « buen vivir » comme condition pour affronter la grave crise écologique dans laquelle nous sommes immergés. Il doit demeurer clair aux yeux de tous et de toutes que Dilma gouverne pour tous, mais en privilégiant les pauvres et tous ceux et celles qui sont incapables de survivre par eux-mêmes.
3) Réaliser un audit sur la dette publique, externe et interne, conformément aux exigences de notre constitution.
Nous avons besoin de savoir à qui nous devons de l’argent et combien doit réellement le Brésil. Le seul audit effectué dans notre histoire remonte à 1931, et il fit le constat que 60% de la dette était irrégulière et donc, légalement, inexistante. En l’an 2000, nous avons réalisé un plébicite populaire sur la dette extérieure du pays, auquel 6 millions de Brésiliens ont participé, dont 95% des votes exigeaient la réalisation d’un audit sur la dette. L’Équateur a réalisé un audit sur sa dette publique en 2009 pour découvrir que 70% de celle-ci était irrégulière. À partir d’alors, le gouvernement d’Équateur a décidé de ne rembourser que 30% de sa dette. Le reste a été investi dans la santé et l’éducation.
4) Réévaluer les mégaprojets à la lumière des critères sociaux et environnementaux pour qu’ils ne constituent plus une menace à l’environnement et à l’habitat des peuples indigènes, des quilombos et des populations riveraines. Investir dans les énergies renouvelables, spécialement dans l’énergie solaire puisque notre pays est l’un des plus ensoleillés au monde. Établir une stratégie pour mettre graduellement fin à l’utilisation de sources d’énergie préjudiciables à l’environnement et dommageables à la vie telles que l’énergie nucléaire et les centrales thermiques.
5) Protéger l’environnement
Depuis plusieurs années, des scientifiques, des mouvements sociaux, des groupes écologiques et des ONG, nous avertissent des sérieux problèmes climatiques que le Brésil connaîtra s’il maintient le type de développement prédateur effectué jusqu’à maintenant. Ce qui n’était qu’une prévision se rééalise aujourd’hui sous nos yeux : la crise la plus sérieuse de manque d’eau dont nous ayons entendue parler, avec les risques évidents pour la poppulation, et l’occurence de plus en plus fréquente, de pluies torrentielles, véritables tempêtes, en différents endroits du pays provoquant mort et destruction.
Le manque de considération envers la forêt amazonnienne et d’autres forêts vierges, avec la déforestration continuelle, même si le rythme a diminué, constitue le principal facteur des pluies diluviennes au Nord et de la sécheresse au Sud-Est. Le Brésil doit atteindre l’objectif de la « déforestration zéro ». Le manque d’eau est la résultante de plusieurs facteurs, parmi lesquels se trouve le manque d’attention au maintien des conditions de vitalité de nos cours d’eau, la réalisation de mégaprojets, la destructions des forêts, la pollution des eaux et l’absence d’infrastructures sanitaires et de traitement des eaux usés.
Le Brésil connait une situation privilégiée dans le monde : 13,8% de l’eau douce s’y trouve. Le plus grand aquifère, l’Alter do Chao, est situé dans notre pays. Cependant, plusieurs de nos cours d’eau s’assèchent et nous commençons à manquer d’eau en plusieurs endroits. La deuxième plus grande réserve d’eau souterraine d’eau douce du monde, l’Aquifère Guarani, est contaminé par l’infiltration d’agents chimiques employés dans l’agriculture. Nous considérons urgent d’avoir une politique qui prévilégie un changement de modèle énergétique dans le sens de développer des énergies plus propres (solaires et éoliennes), ayant de moins grands impacts environnementaux (grandes centrales hydroélectriques) ou qui agravent la contamination environnementale et le réchauffement global (thermique au charbon, pétrole et gas).
6) Défendre les droits des peuples indigènes et des communautés noires dites quilombos
Les premiers habitants de cette terre furent les peuples indigènes. Lorsque les Portugais sont arrivés, on estime qu’il y avait près de 5 millions d’habitants, répartis en plus de 600 peuples, avec leurs différentes langues et cultures. La colonisation provoca un génocide, des peuples entiers disparurent et il ne reste aujourd’hui que moins d’un million de personnes. Plusieurs d’entre elles n’ont plus de terre où vivre, elles qui étaient les propriétaires millénaires de cette terre, sont aujourd’hui décimés comme c’est le cas des Guarani-Kaiowas. D’autres, sont en train de perdre leurs terres, et surtout, leurs cours d’eau, au profit des mégaprojets hydroélectriques, de l’agro-industrie ou des mines. La même chose se produit pour les quilombos.
Si nous voulons continuer de nous dire civilisés, il est urgent de garantir les droits constitutionnels de ces peuples, de rétablir leurs conditions de vie, en faisant fleurir toute la richesse d’être un pays pluriethnique, pluriculturel et plurilingue. Une société qui ne fait pas respecter les droits humains n’a pas droit au titre de civilisation.
7) Réaliser la réforme agraire
C’est une revendication des travailleurs ruraux qui date de la première moitié du 20ème siècle et qui fut l’un des motifs du Coup miitaire de 1964. La dictature empêcha la réforme agraire, mais les gouvernements postérieurs ne la réalisèrent pas non plus. Pour en finir avec la concentration de la propriété terrienne où 1% des propriétaires détiennent presque la moitié de la terre cultivable, une réforme structurelle s’avère nécessaire. Pour démocratiser son aquisition, il faut faire en sorte que la terre soit destinée à ceux et celles qui veulent y travailler pour produire des aliments pour la population, tout en garantissant des conditions favorables pour que les personnes puissent demeurer à la campagne.
8) Promouvoir une réforme urbaine pour démocratiser le droit de cité
Il faut faire en sorte que les villes soient faites pour les personnes et non pour les automobiles. Il faut investir dans des transports publics de qualité, en priorisant l’emploi de rails (métro et trains), pour réduire le temps de déplacement entre la maison et le travail. En ce qui a trait au logement, il faut contenir la spéculation immobilière et garantir à tous et à toutes des conditions de logement dignes, avec plein accès aux services publics.
9) Restreindre l’emploi des transgéniques et des agrochimiques.
Jusqu’à il y a peu, il existait des doutes à propos de l’inocuité des produits transgéniques. Cette année, 815 scientifiques du monde entier ont alerté les gouvernements que les transgéniques représentent un danger et quils devraient instaurer un moratoire de cinq ans sans transgéniques, jusqu’à ce que des recherches indépendantes démontrent qu’ils sont bénéfiques aux êtres humains. Il est urgent d’établir une politique pour réduire, contrôler et éradiquer, ce type de plantation qui porte préjudice à la génération actuelle et davantage aux générations futures. Par dessus le marché, cela permet une prise de contrôle de notre agriculture par des grandes entreprises multinationales dont l’unique intrêt est d’obtenir des bénéfices toujours plus grands, mettant en péril notre souveraineté alimentaire.
On pourrait dire la même chose de l’utilisation des agrochimiques : nous sommes les plus grands consommateurs d’agrochimiques à l’échelle mondiale. Dans les pays développés, plusieurs produits chimiques que nous utilisons encore ont été interdits il y a plus de 20 ans. Il est absolument fondamental d’établir une politique de stricte contrôle des substances qui entrent dans nos aliments, et de réduire systématiquement leur usage.
10) La réforme fiscale
Réformer notre fiscalité pour qu’elle soit progressive, cela veut dire que celui qui gagne plus paie davantage que celui qui gagne moins. Cela implique un impôt sur le revenu qui soit plus important que les taxes à la consommation. Introduire l’impôt sur les grandes fortunes de façon à réduire les énormes inégalités sociales qui caractérisent notre pays. Augmenter l’impôt sur la propriété rurale pour en finir avec les privilèges des latifundios. Introduire une taxe sur le capital financier banques et investissements : « La taxe sur les transactions financières » (la fameuse taxe Tobin). Cette réforme est fondamentale pour renverser le régime fiscale actuel, générateur d’innégalités.
11) Démocratiser les moyens de communication
S’avère nécessaire, une législation rendant réelle la liberté d’information et d’expression pour tous les Brésiliens (pas seulement pour l’élite qui contrôle les grands médias), et qui ouvre le spectre de la communication, rompant l’oligopole actuel qui favorise uniquement un petit groupe de grands propriétaires, au détriment des droits de la majorité.
12) Rendre universel les droits humains, politiques, civils, économiques, sociaux, culturels et environnementaux, dans le respect de la diversité. Garantir un système de santé publique de qualité, ainsi que d’éducation, de transport, de traitement des eaux. Que soit combattue, avec rigueur, la violence policière, l’emploi de la torture contre les prisonniers de droits communs et la situation dégradante des prisons surpeuplées.
13) Valoriser le travailleur et la travailleuse
Garantir un travail pour tous et toutes. Un travail digne et non précaire. Réduction de la journée de travail à 40 heures par semaine, sans réduction des salaires, comme répartition des gains abusifs de productivité du capital. Modernisation des outils d’enquête du Ministère du travail, combat à la sous-traitance.
14) Le contrôle social de la gestion publique, pour garantir un service public dédié aux intérêts des citoyens. Il apparait fondamental que ces derniers puissent exercer le contrôle de l’activité parlementaire, ainsi que le contrôle des gouvernements (municipaux, régionaux et fédéral). Présenter à nouveau le projet de Participation sociale. Créer des Observatoires de contrôle social (OCS) dans toutes les villes brésiliennes, formés par des représentants de la société civile.
15) L’éthique dans la politique et de la politique
Le comportement éthique est essentiel à la vie du citoyen et, spécialement, pour ceux et celles qui prétendent se consacrer au service de la société, du bien commun, au service public. Aucune politique basée sur la corruption conduira une société juste, démocratique, solidaire et équitable. Une autre politique est possible, avec des punitions exemplaires et une réforme de nos institutions, de façon à abolir l’impunité.
Nous en profitons pour affirmer que nous nous emploierons à collaborer, à travers les moyens dont nous disposons, pour que ces suggestions deviennent possibles et fassent avancer le projet de société que nous appelons tous. Nous vous souhaitons le meilleur succès dans cette nouvelle gestion et nous invoquons sur vous la lucidité et le courage de l’Esprit créateur et, sur votre gouvernement, toutes les bénédictions divines de la lumière, de la paix et de l’amour solidaire
Vos frères et soeurs
Afonso Murad; Alessandro Molon; Andréa Rodrigues Marques Guimaraes; Antonio Cecchin; Benedito Ferraro; Carlos Mesters; Claudio de Oliveira Ribeiro; Edson Fernando de Almeida; Edward Neves Monteiro de Barros Guimaraes; Ekke Bingemer; Francisco de Aquino Paulino Junior; Frei Betto; Frei Sinivaldo Silva Tavares, Jether Ramalho; Luiz Alberto Gomez de Souza; Luiz Carlos Suzin; Luiz Eduardo W. Wanderley; Magali Cunha; Manfredo Araujo de Oliveira, Marcelo Barros; Marcia Maria Belfiore; Marcia Maria Monteiro de Miranda; Mariangela Belfiore Wanderley; Maria Clara Luchetti Bingemer; Maria Helena Arrochellas; Maria Tereza Bustamante Teixeira; Maria Tereza Sartorio; Olinto Pegoraro; Rosemary Fernandes da Costa, Rosileny Schwantes; Tereza Maria Pompeia Cavalcanti
Traduit du portugais par Yves Carrier