Ça roule au CAPMO – décembre 2018

Ça roule au CAPMO – décembre 2018

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Malaise dans la civilisation

Suite à une première visite aux États-Unis où il observe la naissance de la société de consommation, Freud écrit ses observations sur l’évolution de la modernité occidentale. Fondée sur les différentes pulsions que nous éprouvons, la consommation peut facilement conduire à un état narcissique compulsif, toujours avide de satisfaire le moindre de ses désirs auxquels l’individu ne saurait opposer la moindre résistance. Cet état d’âme, dépourvu de toute contenance, ouvre la porte aux frustrations les plus diverses puisque la personnalité résultante de cet exercice s’avère fondée sur l’insatisfaction permanente. Celle-ci rend irritable et impatient, avide et cupide, pour finalement posséder ceux et celles qui s’y projettent sans aucune retenu.

Comme Bouddha l’enseigne, il faut apprendre à se méfier des désirs qui nous conduisent à éprouver la souffrance de la séparation. L’être mature sait faire preuve de discernement, il se construit par le détachement des convoitises et des caprices. Il s’incorpore par la connaissance de soi et l’intériorisation favorable à l’émergence d’un regard critique et distancié sur lui-même. Jamais cynique, il cultive un fort sentiment d’appartenance au cosmos en communion avec les autres êtres qui l’entourent.

L’adulte ne saurait croître qu’en se constituant autre à l’intérieur de lui-même afin d’observer la vie avec une certaine hauteur. Cet être délivré de son image et de son apparence, des pensées induites par la société et l’influence de ses contemporains, acquiert dès lors la certitude que sa vie n’est pas menacée aussitôt que le moindre de ses désirs n’est pas comblés. C’est ce qui lui permet de dégager l’espace nécessaire pour entrer en relation, en dialogue et en partage, et à vivre sa vie dans un état de constant émerveillement.

Le contraire de cela, c’est l’homme de la caverne décrit par Socrate comme vivant dans l’illusion des images projetées sur une parois qu’il confond avec la réalité. Ignorant la lumière du jour, il est facile à épouvanter puisque il n’est pas maître de lui-même. L’homme de désir vit dans un état d’insatisfaction susceptible de l’entraîner à mépriser ce qui se met en travers de sa route. Impuissant à affronter l’abîme qui le hante, il cherche à se rassembler en projetant les angoisses de ses contemporains sur un objet susceptible d’absorber la rage qui le tenaille.

Jésus, quant à lui, nous parle de l’eau qui rassasie toutes les soifs et qui comble tous les désirs en nous immergeant dans l’amour bienveillant qui nous englobe dans l’incommensurabilité de l’être. Son discours fraternel est clairement antifasciste et il est ridicule que l’extrême-droite chrétienne se drape dans une compréhension erronée des évangiles pour annoncer un dieu intolérant et revanchard, avide de sacrifices.

Le matérialisme consumérisme irrite notre être profond en confondant les besoins avec les désirs. S’attaquant au sens des relations humaines et à la réalité, il érode les bases de la construction de soi, nous projetant dans un monde absurde où dissociés de nous-mêmes, nous devenons les esclaves des mirages publicitaires. Refusant de naître à soi-même, l’ego narcissique rampe doucement vers la dissolution de l’être. Refusant d’admettre qu’il y a un véritable malaise dans ce que nous croyons être une « civilisation », il ne s’accomplit qu’en détruisant ce qui constitue la véritable beauté du monde.

Yves Carrier


 Table des matières

Spiritualité et citoyenneté

Avez-vous signé le pacte ?

Dialogue interreligieux

Grand front de valeurs éthiques

Reprendre le travail d’organisation à la base

Calendrier des activités


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Spiritualité et citoyenneté

ENCORE LE MAL  (suite et fin)

Le mal vertueux existe-il? En fait, Il est plutôt fréquent. On torture et on tue beaucoup au nom de Dieu ou pour d’autres objectifs moraux, politiques, etc. Cela s’appelle le djihad, l’Inquisition, la pureté de la race, la révolution, l’éradication de la dissidence ou de la différence. Ces bonnes intentions tuent davantage que tous les méchants de la terre. Bien sûr, elles sont discutables, mais pas pour ceux qui manient la machette ou la kalachnikov. Méfions-nous de certaines idéologies, religions ou personnalités charismatiques qui nous amènent à des comportements franchement immoraux, comme d’aller trucider les voisins parce qu’ils sont différents ou pensent différemment de nous.

Le mal pervers est la neuvième catégorie du mal décrite par Julian Baggini  dans l’article du Hors-Série No 37 de Philosophie Magazine (printemps 2018) intitulé Les figures du mal. La perversion relève souvent d’un problème de comportement (ou simplement de pure cruauté). Souvent les pervers ont autant besoin de soins que de punitions, bien que l’horreur de certaines perversions semble impardonnable.

Le mal sadique tient à la volonté de commettre le mal et au plaisir que l’on en retire. Et, en prime, on jouit d’un pouvoir absolu sur autrui. C’est la forme de mal la plus rare, celle de l’individu qui fait le choix conscient du mal dans sa vie. Les autres formes du mal sont liées à de bonnes intentions, à l’ignorance ou à des perversions. Néanmoins, il ne faut pas se dédouaner complètement de la présence du mal en nous. Si on nous en donne la permission ou si l’occasion se présente, et s’il y a un déficit de conscience morale, l’horreur peut s’incarner en nous avec l’instinct de vengeance et la jouissance du pouvoir. Le mal va triompher grâce à l’indifférence ou à l’absence de conscience des bonnes gens.

Robert Lapointe, d’après Julian Baggini.

Il suffit d’écouter le vent pour savoir si l’on est heureux. (Adorno, cité dans un article de Philosophie Magazine, octobre 2018, sur le philosophe allemand Hartmut Rosa, Je parle au monde et il me répond. Ce philosophe développe une réflexion sur la « modernité tardive » caractérisée par une crise des relations de toutes sortes avec l’univers, Dieu, nous-mêmes ou autrui, lesquelles peuvent se résoudre dans la résonance, en sus du raisonnement. Article à venir).

BANALITÉS SUR LE FASCISME PARFAITEMENT INDIGESTES (suite).

14- Le détachement du capital de l’étalon-or (et donc de la nation) a assuré la défaite historique de la bourgeoisie par l’État moderne comme appareil du sujet automate capitaliste.

15- Le fascisme est donc venu précipiter l’établissement d’un capitalisme transnational au nom de la nation dont paradoxalement il enfonçait le dernier clou du cercueil.

16- Le fascisme (a) comme (…) ambition d’à la fois réaliser et de supprimer la bourgeoisie comme sujet historique.

(Anne Archet, L’idiot utile, nov. 2017)(À suivre)


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Avez-vous signé la pacte ?

Avez-vous signé la pacte ? 

Les changements climatiques commencent à nous rejoindre : sécheresses, inondations, feux de forêts, érosion des berges du St-Laurent, etc. Les canicules mortelles de cet été nous l’ont aussi rappelé. Il est urgent d’agir si nous voulons éviter le pire : le secrétaire général des Nations Unies disait, en septembre dernier, qu’il ne nous reste que deux ans pour changer de cap! Allons-nous rester là, sans rien faire, sous prétexte d’impuissance, à attendre la catastrophe?

Nous avons maintenant un moyen concret d’agir : le Pacte pour la transition (www.lepacte.ca). Initiative de la société civile lancée par le metteur en scène Dominic Champagne et quelques centaines de personnalités et scientifiques québécois, ce Pacte est davantage qu’une pétition; il est un engagement personnel et collectif, pris par les signataires, de faire chacun les gestes que nous pouvons faire, dans notre quotidien, pour réduire notre impact sur la planète (transport, alimentation, chauffage, consommation, déchets, plastique, etc.). Et parce que la somme de tous nos gestes individuels ne suffira pas pour gagner ce combat contre les changements climatiques, le Pacte exige aussi de nos gouvernements qu’ils prennent les mesures politiques et collectives urgentes qui sont indispensables pour éviter le pire.

Les avantages du Pacte sont évidents : il mobilise les citoyens autour d’une grande corvée commune (il est toujours plus facile d’agir quand on sait qu’on n’est pas tout seuls dans son coin) ET il fait pression sur les décideurs (politiques et économiques) pour qu’ils agissent aussi à leur niveau. On sort de l’attentisme, où chacun se dit «Je ferai ma part quand les autres auront commencé», pour se mettre chacun tout de suite au travail et affirmer, publiquement par le Pacte, «Je m’engage à faire dès maintenant ma part et, par ce geste-là, je pousse nos gouvernements à agir à leur tour». Comme le dit le Pacte, il est temps de passer «de la parole aux actes».

En moins de trois jours, 150 000 personnes ont signé le Pacte. Les auteurs de l’initiative espèrent un million de signatures. Nous sommes 8,6 millions de Québécois. Allez-vous signer le Pacte?

Dominique Boisvert
Scotstown, le 11 novembre 2018

 


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Raisons pour  le dialogue interreligieux et interculturel

Juan José Tamayo

La tolérance, le dialogue et la non-violence n’ont pas été précisément des valeurs qui ont caractérisées les religions ou tout au moins leurs dirigeants, ni le comportement des personnes croyantes, ni leur attitude devant la société. La plupart des religions ont imposé une pensée unique et ont persécuté, puni et expulsé de leur sein les croyants dissidents et hétérodoxes. Elles ont envahi les espaces civils qui n’étaient pas de leur compétence et elles ont imposé leurs croyances, souvent par la force, en ayant recours à la violence. Par le fait même, le dialogue a brillé par son absence. On a imposé bien plus l’anathème, la condamnation, l’exclusion. On pourrait dire la même chose de la violence et des consignes de paix présentes dans les messages originaux de la majorité des religions, mais qui, la plupart du temps, demeurent absents de leurs pratiques qui peuvent être violentes.

Ce que disait, avec une grande lucidité, des chrétiens Baruch Spinoza qui avait souffert dans sa chair l’exclusion de la communauté juive, est applicable à de nombreux croyants d’autres religions: “ J’ai été étonné de voir ceux qui professent la religion chrétienne, une religion de paix, d’amour, de continence, de bonne foi, se combattre les uns les autres avec une telle violence et se persécuter avec une haine si horrible, qu’il semblait que leur religion se distinguait davantage par ce caractère que par ce que j’indiquais auparavant. Cherchant la cause de ce mal, j’ai trouvé qu’il provient, surtout, qu’on situe les fonctions du sacerdoce, les dignités et les devoirs de l’Église dans la catégorie des avantages matérielles, et dans le fait que le peuple s’imagine que la religion se résume aux honneurs qu’on attribue à ses ministres.” (Spinoza, 1986: 66). 

Est-ce que cela signifie que l’intolérance et la violence constituent la loi des religions ? Non. Je crois que :

Le choc des civilisations n’est pas la loi de l’histoire; 

Les guerres de religions ne sont pas une constante dans la vie des peuples;
Les fondamentalismes n’appartiennent pas à l’essence des des religions;

Les affrontements entre les différentes ethnies ne sont pas dans la nature de celles-ci;
Les différences culturelles ne doivent pas déboucher sur des conflits entre elles;

Les différentes disciplines ne doivent pas s’affronter pour défendre jalousement leur champ d’étude;
Les peuples ne doivent pas résoudre leurs problèmes et leurs conflits par la violence;

Les identités ne se construisent pas en s’imposant et en se détruisant les unes les autres;
La soumission des femmes à l’empire du patriarcat ne constitue pas le principe d’organisation de la société, ni le modèle des relations humaines.

Bien au contraire, le choc des civilisations, les fondamentalismes, les affrontements ethniques, les conflits identitaires et le patriarcat sont des constructions idéologiques des puissances politiques, économiques, militaires, religieuses et culturelles hégémoniques qui établissent des alliances entre elles pour maintenir leur pouvoir sur le monde et sur les consciences de la citoyenneté. Ce sont des constructions humaines qui manipulent les cultures qu’elles mettent au service de projets impérialistes oppresseurs, Dieu, qu’elles invoquent comme leur allié et les religions qu’elles considèrent comme une caution morale tacite de leurs comportements, inclusivement violents.

Les religions et les cultures ne peuvent pas tomber dans le piège des puissances hégémoniques. Elles ne peuvent pas continuer d’être des sources de conflits entre elles ni de légitimer les chocs d’intérêts fallacieux des grandes puissances. Elles ne peuvent pas être soumises au siège du marché ni au service des puissants. L’alternative au choc des civilisations, au conflit entre les cultures, aux guerres de religions et aux affrontements éthiques, c’est le dialogue, dont j’expose ici les 13 raisons :

1. Le dialogue fait parti de la structure de l’être humain comme de l’être social qui implique de créer des espaces de communication et des lieux de rencontre.

2. Le dialogue fait parti de la structure de la connaissance et de la rationalité. La raison est dialogique, non autiste; intersubjective, non purement subjective. Personne ne peut dire qu’il possède la vérité de manière exclusive et totale.

3. Le dialogue requiert une argumentation, il exige de donner des raisons et de les exposer avec rigueur, mais aussi d’écouter les raisons de l’autre et de changer d’opinion si celles-ci sont mieux fondées que les miennes.

4. Le dialogue est une des clés fondamentales de l’herméneutique, puisque il nous permet de comprendre les événements et les textes des autres traditions culturelles et religieuses, ainsi que les textes du passé de notre propre tradition.

5. Le dialogue constitue une alternative au fondamentalisme, à l’intégrisme, au fanatisme, au dogmatisme et il est un antidote contre l’affrontement entre les cultures et les religions et face à toute menace totalitaire.

6. En faveur du dialogue plaide l’histoire des religions qui illustre la grande richesse symbolique de l’humanité, la pluralité des manifestations du sacré, du divin, du mystère, et les réponses multiples aux questions sur le sens de la vie et le non-sens de la mort.

7. La vérité ne s’impose pas par la force de la puissance, mais elle est le fruit d’un accord entre les interlocuteurs après une recherche longue et ardue où se combinent l’accord et le désaccord.

8. Le plurivers (de plusieurs univers) des cultures plaide en faveur du dialogue interculturel. Aucune culture ne peut se considérer être la seule détentrice de la vérité comme s’il agissait d’une propriété privée reçue en héritage ou à travers d’une opération marchande.

9. Le dialogue interculturel et inter-religieux constitue un impératif éthique pour la survie de l’humanité, la paix dans le monde, la lutte pour la justice, la défense de la nature et l’atteinte de l’égalité dans la diversité.

10. L’interdépendance des êtres humains, la pluralité des cosmovisions, les différences d’opinions et les conflits d’intérêts appellent une culture du dialogue.

11. Sans dialogue, affirme Raimon Panikkar, l’être humain asphyxie et les religions s’ankylosent. Pour cela même, sans dialogue la diversité est inatteignable et sans respect envers la diversité, le dialogue est inutile, confirme le philosophe iranien Ramin Jahanbegloo.

12. Le dialogue ne peut tourner autour de questions superficielles, il doit être radical, c’est-à-dire qu’il doit s’adresser aux problèmes les plus urgents que vivent l’humanité et la nature et aller à la racine de ceux-ci.

13. Les interlocuteurs du dialogue ne peuvent pas êtres des apologistes des religions et des cultures, mais des personnes critiques envers leurs propres traditions culturelles et religieuses. Cela les délivre du confort complaisant dans des certitudes absolues et des vérités éternelles, en même temps que cela les amène à reconnaître la complexité de la réalité et à être ouverts au changement.

Traduit de l’espagnol par Yves Carrier


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Grand front de valeurs étiques-sociales

Leonardo Boff, 4 novembre 2018

 

Nous sommes en train de vivre des temps politiquement et socialement dramatiques. Jamais, dans notre histoire, nous n’avions vu autant de haine et de rage si largement répandues, principalement à travers les médias sociaux. A été élu comme président du Brésil une figure effrayante qui incarne la part la plus sombre de notre histoire. Il a contaminé une bonne partie de ses électeurs.

Cette figure est parvenue à faire émerger le dia-bolique (ce qui sépare et divise) qui accompagne toujours le sym-bolique (ce qui unit et rassemble) d’une façon si écrasante que le dia-bolique a inondé la conscience de plusieurs et qu’il a affaibli le sym-bolique au point de diviser les familles, de briser des amitiés, et de libérer la violence verbale et physique. Cette dernière est dirigée spécialement contre les minorités politiques, qui en réalité sont des majorités numériques, comme la population noire, en plus des indigènes, des quilombos et celle de condition sexuelle différente.

Nous avons besoin d’un leader ou d’une union de leader, avec le charisme capable de pacifier, d’apporter la paix et l’harmonie : une personne rassembleuse. Le président élu ne sera pas cette personne puisqu’il lui manque toutes ces caractéristiques. Au contraire, il renforce la dimension sombre qui est présente chez nous tous, mais que nous contrôlons grâce à la civilité, l’éthique, la morale et la religion, avec la dimension de lumière. Les anthropologues nous enseignent que nous sommes tous simultanément sapiens et demens, ou dans le langage de Freud, que nous sommes traversés par le principe de vie (eros) et le principe de mort (thanatos).

Le défi de chaque personne et de n’importe quelle société consiste à voir comment ces deux forces s’équilibrent puisqu’elles ne peuvent être niées, en confiant l’hégémonie au sapiens (sagesses) et au principe de vie. Dans le cas contraire, nous nous dévorerions les uns les autres. Dans les temps actuels dans notre pays, nous avons perdu ce point d’équilibre. Si nous voulons vivre ensemble et construire une société minimalement humaine, nous devons renforcer le pôle positif en faisant contrepoids au pôle négatif. Il est urgent de révéler la lumière, la tolérance, la solidarité, le soin et l’amour à la vérité qui sont enracinés dans notre essence humaine. Comment faire cela ?

Les sages de l’humanité, sans oublier la sagesse des peuples autochtones, témoignent qu’il n’y a qu’un seul chemin et pas un autre. Cela fut bien formulé par François d’Assise lorsqu’il chante : « Là où il y a la haine que j’apporte l’amour, là où il y a la discorde, que j’apporte l’union, là où il y a les ténèbres, que j’apporte la lumière, et là où il y a l’erreur, que j’apporte la vérité. »

La vérité a été séquestrée par Bolsonaro dans un discours de menaces et de haine, contraire à l’esprit de Jésus, transformant la vérité en une fausseté horrible et en injure. Il suffit de citer ici les versets du grand poète espagnol Antonio Machado : « Ta vérité ? Non, la vérité. Et viens avec moi la chercher. La tienne, tu peux la garder. » La vérité authentique doit nous unir et non pas nous séparer puisque nul ne la possède exclusivement. Tous, nous y participons d’une manière ou d’une autre sans esprit de possession.

Réunis ensemble dans un front large en défense de la démocratie et des droits sociaux, nous avons besoin de rassembler un autre front, celui de toutes les tendances politiques, idéologiques et spirituelles, autour de valeurs capables de nous sortir de la présente crise.

Voici ce qui importe : nous devons employer les outils qu’ils ne pourront jamais utiliser comme l’amour, la solidarité, la fraternité, le droit de chacun de posséder un petit morceau de terre de la Maison commune que Dieu a destinée à tous et à toutes, un logement décent, cultiver la compassion envers ceux et celles qui souffrent, le respect, la compréhension, le renoncement à tout esprit de vengeance, le droit d’être heureux et la transparence. Valent ici les trois « T » du Pape François : Terre, toit et travail, comme des droits fondamentaux.

Nous devons attirer les fidèles des Églises pentecôtistes à travers ces valeurs qui sont aussi des valeurs évangéliques, contrairement à certains de leurs pasteurs qui sont de véritables loups. En s’apercevant que ces valeurs les humanisent et les rapprochent du Dieu véritable, qu’elles sont au-dessus et à l’intérieur de chacun, dont le nom véritable est l’amour et la miséricorde et non les menaces de l’enfer, les fidèles se libéreront de la servitude d’un discours qui recherche davantage leur argent que le bien de leur âme.

La haine ne peut être vaincue avec plus de haine, ni la violence avec plus de violence encore. Seul les mains qui se joignent à d’autres mains, les épaules qui s’offrent aux affligés et l’amour inconditionnel nous permettront de faire naître, selon les mots de l’injustement détesté Paulo Freire, une société moins méchante où l’amour ne soit pas si difficile.

C’est ici que ce trouve le secret qui fera du Brésil une grande nation des tropiques et qui, dans l’irréversible processus de mondialisation, pourrait aider à acquérir un visage humain, jovial, allègre, hospitalier, tolérant, tendre et fraternel.

Traduit de l’espagnol par Yves Carrier


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João Pedro Stedile: « Nous devons reprendre le travail d’organisation à la base »

João Pedro Stedile, de la coordination nationale du Mouvement des travailleurs sans terre (MST) parle des prochains pas pour la gauche après la victoire de Jair Bolsonaro.

En entrevue à Radio Brasil de fato, aussitôt après la victoire de Jair Bolsonaro, Stedile remarqua que malgré la défaite électorale, la victoire politique fut celle du camp progressiste qui est parvenu à former une forte unité au cours des dernières semaines. Selon lui, le gouvernement de Bolsonaro, qui sera en fonction à partir du 01 janvier 2019, devrait ressembler à celui de Pinochet au Chili, en raison de sa nature fasciste.

« C’est un gouvernement qui va utiliser tout le temps la répression, les menaces, la terreur. Il va libérer les forces réactionnaires présentes dans la société. D’un autre côté, il va tenter de donner la liberté totale au capital à l’intérieur d’un programme néolibéral. Mais cette formule est invivable, elle n’apporte pas la cohésion sociale et ne résout pas les problèmes fondamentaux de la population », dit Stedile.

Que dire des 46 millions de personnes qui ont voté pour le candidat Fernando Haddad, appuyé par le MST ?

Nous sommes encore dans la chaleur des résultats et nous avons besoin de beaucoup de sérénité afin de comprendre le contexte de la lutte des classes pour ne pas nous considérés défaits par les résultats. Même si les urnes donne de la légitimité à Bolsonaro, cela se signifie pas qu’il ait la majorité d’appui de la population. Il y a eu un fort taux d’abstention, 31 millions de votes. Haddad a récolté 45 millions de votes. Seulement ici vous avez 76 millions de Brésiliens et de Brésiliennes qui n’ont pas voté pour Bolsonaro.

Néanmoins, la société brésilienne est divisée. Même dans le résultat électoral, pour ce que j’ai pu apercevoir dans les sondages précédents, il est apparu évident que ceux qui appuient le projet de Haddad sont ceux qui gagnent le moins, entre deux et cinq salaires minimum. Ceux qui n’ont qu’une éducation primaire, et clairement les plus riches et les mieux nantis, ont voté pour Bolsonaro.

Mais également, il y a eu une division électorale claire sur le plan géographique. Lorsque nous regardons la carte du Brésil avec les gouverneurs élus, nous avons 12 candidats progressistes du camp populaire qui vont du Para jusqu’au gouverneur de l’État de Espirito Santo. Le Nordeste et cette partie de l’Amazonie sont un pôle de résistance géographique qui démontrent clairement que cette populations ne veut pas suivre les voies du projet fasciste de Bolsonaro.

En dernier, comme un bref bilan, comme tout le monde le dit, au-delà des résultats électoraux, la dernière semaine consacra une victoire politique de la gauche et des mouvements populaires. Nous avons eu d’innombrables manifestations de toutes les forces organisées : syndicats, intellectuels, étudiants, universités. Jamais auparavant dans l’histoire du Brésil nous n’avions eu 500 000 femmes dans tout le pays, dans 360 villes, qui sont allées dans la rue pour dire : « Pas lui », « Halte au fascisme ».

C’est pourquoi je me dis que nous n’avons pas subi une défaite politique, nous avons souffert une défaite électorale, mais nous sortons de ce processus rassemblés, avec une capacité et une force organisée pour résister à la prétendue offensive fasciste.

Malgré les bravades de Bolsonaro, nous savons que dans le camp institutionnel, il existe des limites. Il dit déjà qu’il a l’intention de catégoriser le MST et le MTST (Mouvement des travailleurs sans toit) en tant qu’organisations criminelles. Envisagez-vous la possibilité réelle et institutionnelle que cela arrive réellement ?

Le Brésil vit une grave crise économique qui est à la racine de tout ce processus, depuis 2012 le pays n’enregistre aucune croissance. Alors, parce que l’économie ne s’accroît pas, qu’elle ne produit pas de nouvelles richesses, les problèmes sociaux, économiques et environnementaux, ne font qu’augmenter.

Bolsonaro, avec son programme ultralibéral qui ne défend que les intérêts du capital pourrait même venir en aide aux banques, faire en sorte qu’elles continuent d’engranger des profits, il pourrait aider les entreprises multinationales pour qu’elles prennent d’assaut le reste de ce qui nous appartient, mais en ne résolvant pas les problèmes concrets de la population: du chômage, du revenu et des droits du travail, des retraites, de la réforme agraire, du logement, etc., cela fera en sorte qu’augmenteront les contradictions.

Cela va engendrer un chaos social qui permettra aux mouvements sociaux populaires de reprendre l’offensive, les mobilisations de masse. Au fond, au-delà de ce qui est inscrit dans la constitution qu’il ne va pas respecter, ce qui va nous protéger ce n’est pas de nous cacher sous une tente.

Ce qui va nous protéger, c’est notre capacité d’assembler le peuple, de continuer de mener des luttes de défense des droits, pour l’amélioration des conditions de vie et ces mobilisations populaires seront la protection des militants et des dirigeants. Ne soyons pas étonnés.

Les contradictions qu’ils vont affronter seront bien plus grandes que leurs possibilités de nous réprimer impunément.

Il y a une autre lutte en relation avec les élections qui est demeuré au second plan depuis les débuts de la campagne électorale : c’est la prison illégale de Lula. Quelle est la perspective des mouvements populaires pour cet autre front de bataille ?

Comme tout le monde, nous accompagnons tout au long de cette période, le président Lula qui a été séquestré par le capital au moyen d’un pouvoir judiciaire complètement servile à ses intérêts. Lula est emprisonné illégalement. Il y en a beaucoup d’autres, non seulement des politiciens mais des citoyens qui assistent à leur procès en toute liberté, jusqu’à ce que la règle constitutionnelle qui ne permet l’incarcération qu’après avoir épuisé tous ses recours juridiques, s’accomplisse.

Dans le cas de Lula, il doit encore être jugé par la Cour suprême de justice. En plus de l’avoir incarcéré, ils l’ont empêché d’être candidat aux élections présidentielles. Pourtant, quelques 1400 candidats, également sous enquête ou devant les tribunaux, ont eu le droit de participer aux élections. Finalement, le tribunal interdit a Lula de parler, de donner des entrevues ou de communiquer par téléphone pendant la campagne électorale alors que tout détenu au Brésil peut donner des entrevues de sa cellule. Il fut interdit à Lula de communiquer avec le peuple. En vérité, les élites traditionnelles savent très bien que Lula est le principal leader populaire qui rassemble autour de lui de vastes secteurs du peuple brésilien et qu’il amènerait dans le débat public la question du projet national. Il est évident qu’une partie des électeurs de Lula, qui croyaient en lui, se sont laissé tromper par une campagne de mensonges qui les a conduits à voter pour Bolsonaro.

Pour la gauche et les mouvements populaires, nous avons un défi énorme devant nous qui est d’organiser des comités populaires dans tout le Brésil, d’organiser une véritable mouvement de masse ainsi qu’une campagne internationale pour sa libération et pour la désignation du Prix Nobel de la Paix dans l’année qui vient. Je fais référence à la campagne en faveur de la candidature de Lula au prix Nobel menée par Adolfo Pérez Esquivel, récipient d’air de ce prix.

Nous allons avoir la tâche énorme d’organiser ces comités et de transformer la lutte pour la campagne électorale en bannière populaire. Évidemment, il y aura d’autres défis que nous, de la gauche et des mouvements populaires, devrons relever au cours des prochaines années pour nous assembler. Il est déjà proposé que nous devons nous transformer pour prendre le nom de Front Brésil populaire, le Front du peuple sans peur, qui sait si on se met tous ensemble dans un Front pour la démocratie et contre le fascisme.

Cela pourrait être aussi un instrument plus large encore que le propre Front Brésil populaire. Nous avons de nombreuses luttes devant nous. La lutte des classes est ainsi. C’est très semblable à une partie de soccer dans un long tournoi. Il y a des dimanches où l’on perd la partie, il y en a d’autres où l’on gagne. Mais le plus fondamental, c’est d’additionner nos forces en organisant notre peuple. C’est cela qui change la corrélation de forces.

Comment la gauche sort de cette bataille ? Les partis, mouvements, le propre Fernando Haddad ?

Je me suis engagé personnellement, notre mouvement et le Front Brésil populaire et cela était clairement notable au cours des deux dernières semaines de la campagne électorale. Il y avait un nouveau souffle, une nouvelle interprétation de ce qui se produisait au Brésil. Beaucoup de gens se sont mobilisés indépendamment du parti ou des mouvements auxquels ils appartenaient. C’est-à-dire qu’il y a des énergies dans la société et que nous sommes parvenus à résister au fascisme.

Maintenant, nous pouvons tomber dans le réductionnisme de la vie partisane et demeurer dans des spéculations de ce qui arrivera avec un tel ou une telle. Les personnes importent peu dans ce processus. La lutte des classes est de classes, alors c’est la dynamique de la lutte des classes qui altère la corrélation et qui va résoudre les problèmes du peuple. Au milieu de cette lutte de classes, émergent de nouveaux leaders et des références nouvelles, mais nous ne pouvons pas nous limiter à ces interprétations.

Déjà Haddad se qualifie comme candidat à la présidence pour 2022, Ciro Gomes également. Celui-ci a fait très bonne figure au premier tour, mais au second tour il ne s’est pas forcé pour appuyer Haddad. Il a ruiné sa crédibilité en s’abstenant de participer à la dispute politique au second tour. La vie utile de Gomes a duré trois semaines. C’est ainsi que fonctionne la logique de la lutte des classes.

Je crois que la gauche et les mouvements populaires qui ont des causes spécifiques à défendre, la cause des femmes, de la terre et le mouvement syndical, doivent se concentrer avec sérénité, faire des évaluations critiques et autocritiques, et reprendre l’agenda historique de la classe ouvrière, pour affronter les défis de la vie et de l’histoire.

Il est apparu clairement devant cette campagne que nous devons reprendre le travail de base, que même le rappeur Mano Brown nous l’a rappelés en nous mettant en garde contre l’enthousiasme des grandes foules réunis contre Bolsonaro. Si nous avions eu la patience, tout au long des six derniers mois, d’aller de porte en porte, dans les quartiers périphériques, où vit le peuple pauvre, je crois que nous aurions eu un autre résultat électoral. Le peuple comprend, mais personne ne va lui parler.

Nous devons avoir clairement à l’esprit que ce qui altère la corrélation de force, ce n’est pas le discours, ce n’est pas le message sur Whatsapp. Ce qui altère la corrélation de force et résout les problèmes concret de la population, c’est si nous organisons la classe ouvrière et la population pour mener les luttes de masses et résoudre leurs problèmes.

S’il manque de travail, nous devons mener la lutte contre le chômage. Si le gaz est trop cher, nous devons mener la lutte pour baisser le prix du gaz. C’est ce qu’exige la lutte des masses.

De la même manière, la gauche a abandonné la formation politique. Les personnes ont été séduites par les mensonges de la campagne de Bolsonaro et de Whatsapp, pourquoi ? Parce qu’elles n’ont pas de discernement politique pour savoir ce qu’est un mensonge et ce qui fait partie du jeu. Cela se résout avec de la formation politique et idéologique, quand une personne a du discernement, de la connaissance, elle peut jouer par elle-même sans attendre l’orientation de personne.

Ainsi comme nous devons promouvoir davantage ce beau travail que vous faites à Brasil de fato, avec la radio, le journal, le tabloïde, l’internet, qui est de rendre performant nos moyens de communication populaire. De fait la télévision a cessé de peser dans la formation de l’opinion des gens. Alors, comment construire nos moyens de communication. Maintenant, c’est le temps idéal. 

Finalement, nous devons réaliser un nouveau débat dans le pays, sur un nouveau projet souverain pour une société égalitaire et juste. Comme cette campagne électorale fut basée sur le mensonge et la lutte contre le mensonge, nous n’avons pas discuté d’un programme électoral, ni d’un projet structurant pour le pays. Maintenant, nous devons récupérer ce débat et dans les prochains mois et années, nous devons reconstruire l’unité populaire autour d’un projet. Un programme de solutions pour le peuple, parce de l’autre côté, du gouvernement, cela ne viendra pas.

Traduit du portugais par Yves Carrier


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Calendrier des activités du mois de décembre 2018

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