Ça roule au CAPMO – décembre 2017

Ça roule au CAPMO – décembre 2017, année 17, numéro 04

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État de siège au Honduras

Samedi 2 décembre, une semaine après les élections présidentielles dans ce pays de 6 millions d’électeurs, les résultats officiels n’ont pas encore été révélés, si ce n’est que partiellement pour présenter le président sortant comme réélu. Juan Orlando Hernandez, membre de l’oligarchie est l’héritier du Coup d’État de juin 2009 qui avait renversé Manuel Zelaya plus près des secteurs populaires. Dimanche 27 novembre, dès la fermeture des bureaux de scrutin, le président sortant s’est déclaré réélu sans attendre les résultats officiels. Des manifestations ont lieu à la grandeur du pays en raison du retard inexplicable de la divulgation des résultats et de l’altération des résultats électoraux préliminaires.

L’État de siège a été déclaré vendredi 01 décembre. Il est interdit d’y circuler entre 6 heures du soir et 6 heures du matin. L’armée tire à balles réelles sur les manifestants. Plusieurs morts, 07 jusqu’à maintenant, sont déjà à déplorer. Ces événements sont peu couverts par les médias internationaux, sauf CNN en espagnol pro-régime. Radio-Canada n’en a parlé que le 2 décembre au matin. Nous craignons que le gouvernement du Canada reconnaisse les auteurs de cette fraude électorale visant le maintien au pouvoir d’un régime criminel comme ce fut le cas en 2009.

À noter que la dette du pays a quintuplé depuis le Coup d’État sans qu’il n’y ait d’investissement social. Bien au contraire, les biens communs ont été cédés à vils prix aux intérêts étrangers, permettant entre autre l’ouverture de zones franches résidentielles exemptées de taxes. Ainsi, l’endettement international devient une façon de détourner les fonds de l’États vers les secteurs privés en hypothéquant l’avenir du peuple hondurien qui, en plus de vivre dans la misère et la répression, privée de ses libertés fondamentales, a vu le narco-trafique et les crimes de lèse-humanité perpétrés par les forces de l’ordre et l’armée, placer le pays au premier rang des homicides dans le monde. Les chefs de l’armée et de la police nationale seraient eux-mêmes impliqués dans le trafic de drogue tandis que les défenseurs des droits humains, les syndicalistes, les journalistes, les leaders étudiants et les environnementalistes, etc., sont assassinés en toute impunité.

Les grands propriétaires et le patronat, principaux bénéficiaires du Coup d’État, déplorent les pillages qui ont lieu à travers le pays, mais ne font rien pour établir un minimum de justice sociale au Honduras, situant la sacralité de la propriété privée bien au-delà du respect de la vie humaine. Le candidat de l’opposition élu Salvador Nasralla n’a pas encore jeté les gans. Le peuple s’est soulevé.

L’organisation des États américains, les États-Unis et l’Union européenne, semblent donner leur appui à cette mascarade électorale et à l’assassinat d’une population qui a voté pacifiquement et réclame le respect de son vote. La fraude aurait eu lieu au Tribunal suprême électoral, après le décompte des votes en faveur de Nasralla dans les différents centres de scrutin. La stratégie consiste à augmenter la participation des trois départements les plus pauvres à 70% contrairement à 50% dans le reste du pays. Ils ont rempli les urnes.

La Compagnie de Jésus d’Amérique centrale publie la déclaration suivante : « Nous dénonçons le manque de professionnalisme et d’éthique du Tribunal suprême électoral qui a retardé systématiquement la divulgation des résultats, tant partielles que définitifs. Il ne s’agit plus d’une suspicion mais d’une certitude, la manipulation grossière de cette situation de la part des magistrats, influencés par les pouvoirs factices et obscures qui depuis l’État et d’autres instances tentent d’abuser la volonté populaire manifestée dans les urnes. Le Tribunal suprême électoral va d’excuses en excuses pour invalider une victoire inespérée de l’opposition sur le président actuel qui fit tout en son pouvoir, légalement et illégalement, pour demeurer en poste. »

 


 

Table des matières

Spiritalité et citoyenneté
La faim dans le monde
De la traite à la dette
Les Églises évangélistes
La traite des personnes
Calendrier

 


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Spiritualité et citoyenneté

QUE FAIRE À QUÉBEC AVEC LA MEUTE ET AUTRES MOUVEMENTS ?
Il faudrait d’abord bien connaître ces mouvements, et les différences ou nuances qui existent entre eux. Cela pourrait être fait par le REPAQ ou la Ligue des Droits et Libertés. Il ne suffit pas de se montrer sur la Colline parlementaire, quoiqu’il soit essentiel de le faire, mais d’affronter l’argumentation de ces groupes dans la population. Car, à Québec, les gens sont très influençables.

Ces groupes, en particulier La Meute, sont assez habiles pour gagner l’appui de l’opinion publique. Ils font passer la gauche pour antidémocratique et ils semblent bénéficier de certaines complicités. Dans les médias? Avec la police? La classe politique? Tout cela est à documenter, à comprendre.

Québec, depuis l’attentat à la Mosquée, est entré de plein pied dans la dynamique mondiale. Nous sommes dans l’action. La manifestation du 25 novembre aurait pu facilement dégénérer. La police s’est interposée avec une certaine efficacité, mais elle semblait avoir une certaine préférence pour un camp plutôt qu’un autre. L’antimanif a été en quelque sorte encerclée, par La Meute devant et le groupe Atalante derrière sur les Remparts et la police a semblé vouloir empêcher des gens de quitter la manifestation en bloquant certaines issues. Il y a eu des arrestations sur la rue St-Joachim, pourtant à l’écart de la manifestation. Y a-t-il eu tentative de souricière?

Il y a certaines choses à éclaircir. En attendant, il faut comprendre le réflexe identitaire. En France, l’Extrême-droite s’est vantée d’avoir imposé ce débat dans la société et cela a marché, car il y a des problèmes pressants auxquels une bonne partie de la population est confrontée. La droite est néolibérale et la gauche, caviar ou de bon ton ou simplement socialiste, est socio libérale, c’est-à-dire qu’elle se contente d’arrondir les coins du néolibéralisme et à le faire accepter. Tous ces mondialistes oublient le local. En plus, il y a production d’un Islam vu comme ennemi de l’Occident en remplacement du communisme. La production de l’ennemi est une excellente façon de conserver le contrôle sur sa propre population. Pour contrer la peur suscitée de l’autre, gauchiste ou islamiste, l’État offre la protection et acquiert le contrôle.
Nous n’aurons pas de lendemains faciles.

Robert Lapointe

 

 


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La faim dans le monde

Mensonges de l’ONU sur la faim dans le monde

Bruno Guigue, Le Grand soir

 Pour la doxa, le « tiers-monde » n’existe plus. D’ailleurs on ne parle plus de « pays sous-développés » mais de « pays en développement », et le « storytelling » à la mode nous assure que ces pays deviendront bientôt des « pays émergents ». L’idéologie postcommuniste pronostiquait la « fin de l’histoire ». Elle promettait des lendemains qui chantent au royaume du libre-échange. Elle annonçait les temps nouveaux de la « mondialisation heureuse ». L’ouverture et la dérégulation des marchés portaient la promesse d’un avenir radieux.

Propagée depuis trois décennies, cette fable libérale subit l’épreuve des faits. Dans son dernier rapport sur « l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition » http://www.fao.org/3/a-I7695f.pdf, l’ONU déclare que 815 millions de personnes ont souffert de malnutrition en 2016, soit 82 millions de plus qu’en 2015. En clair, 11% de la population mondiale crève de faim. Non seulement on a atteint un record absolu (jamais l’humanité n’a connu autant d’affamés), mais la situation se détériore, et pour 2017 les associations s’attendent au pire.

Les inégalités atteignent des sommets vertigineux. Transposé au Moyen Âge, le fossé qui sépare nos hyper-riches des masses paupérisées eût horrifié les plus égoïstes des aristocrates. Mais pour nos libéraux, l’accumulation et la concentration du capital à des niveaux astronomiques sont des signaux positifs. Selon l’association Oxfam, les 1% plus riches possèdent 48% de la richesse mondiale, et les 20% plus riches s’approprient le reste. Aux 80% restants, soit l’écrasante majorité de la population mondiale, il ne reste que des clopinettes.

Ce contraste entre 815 millions d’affamés et une poignée de milliardaires devrait provoquer l’indignation générale. Mais on s’en accommode avec fatalisme comme s’il s’agissait d’une catastrophe naturelle. Jetant un voile pudique sur les causes d’une telle injustice, la doxa occulte délibérément le poids des structures. Entre discours lénifiants et poncifs néolibéraux, les mécanismes qui fondent l’enrichissement des uns sur l’appauvrissement des autres sont sortis des écrans-radars. Par conformisme idéologique, la bureaucratie onusienne tord l’interprétation des faits.

Elle omet de dire, par exemple, que la dégradation de la situation alimentaire s’explique largement par le recul de l’agriculture paysanne au profit de l’agro-business. Sous l’impulsion des multinationales de l’agroalimentaire, on transforme des millions d’hectares de polyculture-élevage en zones franches défiscalisées où sont implantées des monocultures d’exportation. Cette politique met les petits cultivateurs à la merci des fluctuations des marchés internationaux. Prise en otage par la mondialisation, l’agriculture vivrière régresse et la production locale décline.

 

Pour l’ONU, le réchauffement climatique et les guerres en tout genre sont les principaux responsables de la malnutrition. Mais cette imputation de la misère humaine à des causes accidentelles a pour effet de minimiser les causes structurelles. Les mécanismes de l’exploitation capitaliste sont lavés de tout soupçon, et le message implicite est que les multinationales n’y sont pour rien. L’incrimination du réchauffement climatique, en revanche, étend la responsabilité de la misère au citoyen-lambda. Le salarié qui prend sa voiture pour aller au boulot n’est-il pas aussi coupable que Monsanto ?

Ce n’est pas à cause du réchauffement climatique que des milliers d’enfants sont contraints de travailler dans les plantations de cacao en Côte-d’Ivoire. L’asservissement de ce petit pays aux multinationales du chocolat en est directement responsable. Sa spécialisation dans cette monoculture d’exportation depuis l’époque coloniale en a fait un appendice précaire des économies développées. Soumise aux fluctuations du marché et aux opérations spéculatives, la Côte d’Ivoire s’appauvrit pour enrichir des actionnaires, sans compter l’effet désastreux des cures d’austérité imposées par les institutions internationales.

Pays d’une extrême pauvreté, le Mali est en proie à l’instabilité politique et fait face à une rébellion sur laquelle s’est greffé le terrorisme. Mais le pillage de ses richesses minières par la France n’est pas étranger à ce chaos sécuritaire. La rébellion touareg est repartie de plus belle lorsque Areva a signé avec le Niger un accord pour l’exploitation des gisements d’uranium faisant bon marché des populations nomades. Simple coïncidence ? Les pays du Sahel sont les plus pauvres du monde et les troupes françaises y sont plus présentes que jamais

Avec son hypocrisie coutumière, l’ONU oublie de dire que la famine règne dans les pays où l’Occident s’est évertué à semer le chaos. Au Sud-Soudan, il a favorisé une sécession catastrophique. En Somalie, il a déployé ses troupes et favorisé l’éclatement du pays. En Syrie, il a attisé les feux d’une guerre interminable. En Libye, il a détruit un État souverain et livré le pays aux milices. Au Yémen, il fournit les armes avec lesquelles Riyad massacre les populations civiles. L’ONU a raison de dire que les guerres ont détérioré la situation alimentaire. Il fallait seulement préciser que ces guerres sont des guerres impérialistes.

Bruno GUIGUE
18 novembre 2017

 


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De la dette à la traite

525ème anniversaire de la découverte des Amériques : De la traite à la dette

Occupation et génocide en guise de découverte

par Jérôme Durval, Comité pour l’abolition des dette illégitimes

 « On nous a dit et on continue à nous dire que les pèlerins du Mayflower sont venus peupler l’Amérique. Mais l’Amérique était-elle inhabitée ? » Eduardo Galeano.

« Ce qui a été réellement découvert – en 1492 – c’est ce qu’était réellement l’Espagne, la réalité de la culture occidentale et celle de l’Église à ce moment. Tous (…) se sont mis à découvert. Ils n’ont pas découvert l’autre monde, ils l’ont recouvert. Ce qui nous reste à faire aujourd’hui, c’est de découvrir ce qui a été recouvert et que surgisse un « nouveau monde » qui ne soit pas seulement la répétition de l’ancien, qui soit véritablement neuf. Est-ce possible ? Est-ce pure utopie ? » Père Ignacio Ellacuria, quelques mois avant d’être sauvagement assassiné par le Bataillon Atlácatl de l’armée salvadorienne le 16 novembre 1989.

Finalement, les pays dits « en voie de développement » (PED) d’aujourd’hui remplacent les colonies d’hier : les grandes entreprises multinationales occidentales se placent dans les anciennes colonies, y investissent et en extorquent les ressources pour accumuler de faramineux profits qui s’évadent dans des paradis fiscaux appropriés. Tout cela se déroule sous le regard bienveillant des élites locales corrompues, avec l’appui des gouvernements du Nord et des Institutions financières internationales (IFI) qui exigent le remboursement de dettes odieuses héritées de la colonisation. Par le levier de la dette et des politiques néocapitalistes imposées qui la conditionnent, les populations spoliées paient encore le crime colonial d’hier et les élites le perpétuent subrepticement aujourd’hui, c’est ce qu’il est convenu d’appeler le néocolonialisme. Pendant ce temps, hormis quelques tardives et bien trop rares reconnaissances des crimes commis, on se hâte d’organiser l’amnésie collective afin d’éviter tout débat sur de possibles réparations. Celles-ci, ouvrant la voie à des réclamations populaires, pourraient engager un devoir de mémoire émancipateur jusqu’à de possibles restitutions. Une perspective à étouffer avant qu’elle ne s’embrase ?
Catastrophe démographique du génocide

Le vendredi 3 août 1492, la Pinta, la Niña et la Santa María, les trois navires de Christophe Colomb quittent le port de Palos de la Frontera en Andalousie avec près de 90 membres d’équipage. Moins de trois mois plus tard, l’expédition accoste dans plusieurs contrées des Amériques dont Cuba le 28 octobre. 1492 marque ainsi la mal nommée «découverte de l’Amérique», mais c’est aussi l’année où l’Espagne, après près de huit siècles, vint à bout du dernier bastion de la religion musulmane avec la reconquête de Grenade le 2 janvier 1492. La guerre dite «sainte» de l’Église contre l’Islam, conduite par Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille qui avaient unifié leurs domaines rivaux par le mariage, était victorieuse. L’exaltation «nationaliste» s’accommode d’une poussée xénophobe imprégnée d’intolérance. Trois mois plus tard, environ 150 000 juifs qui refusaient de se convertir au catholicisme furent expulsés du territoire espagnol (le 31 mars 1492). La culture guerrière des croisades s’exporta vers les nouvelles colonies. La reine Isabelle qui avait patronné l’Inquisition fut d’ailleurs consacrée première Dame de ce «Nouveau Monde» par le pape espagnol Alexandre VI.

Le royaume de Dieu s’étendait et les conquistadors exhortaient les multiples peuples originaires mal nommés «les Indiens» à se convertir à la foi catholique par la force. Au moins 10 millions d’habitants originaires des Amériques furent exterminés entre 1500 et 1600 avec la bénédiction du Vatican. Dans toutes les annales de l’histoire humaine, il n’existe aucune catastrophe démographique comparable, écrit Charles C. Mann. Mais les chiffres pourraient être bien plus alarmants que cette estimation basse si l’on admet que les Amériques étaient bien plus peuplées qu’on ne l’avait cru jusqu’ici. En effet, de nombreux scientifiques estiment désormais que «la population des deux continents américains avant 1492 oscillait entre 90 et 110 millions d’habitants (dont 5 à 10 millions dans la forêt amazonienne). En d’autres termes, contrairement à ce que l’on continue d’apprendre dans les manuels d’histoire, davantage de gens vivaient en Amérique qu’en Europe à cette époque ! ». En tenant compte du «choc microbien» au contact des premiers conquistadors : des cargaisons d’épidémies inconnues dans ces territoires, à savoir la variole, la grippe, la rougeole, la peste, la pneumonie ou le typhus, se sont répandues comme une traînée de poudre au sein des populations autochtones, décimant 85 à 90 % de la population amérindienne dans le siècle qui a suivi l’arrivée de Christophe Colomb. Si l’on ajoute la malaria et la fièvre jaune importées par les Européens en Amérique, la conquête par les armes et le travail forcé, qui conduisait bien souvent à la mort, c’est 95 % des Amérindiens qui auraient disparu entre 1492 et 1600. « Le coût humain et social dépasse l’entendement. Un tel trauma déchire tous les liens qui existent au sein d’une culture. Dans toutes les annales de l’histoire humaine, il n’existe aucune catastrophe démographique comparable », écrit Charles C. Mann dans ses ouvrages de référence.Le massacre est gigantesque.

Les Amérindiens décimés devenus trop peu nombreux pour constituer une force de travail durable, les puissances coloniales font appel à la main d’œuvre extérieure africaine afin de poursuivre l’entreprise colossale du plus grand pillage de tous les temps. Alors que se déroulait le génocide des Amérindiens cité plus haut, l’historienne Aline Helg nous rappelle que, 8 à 10 millions d’Africains moururent «lors de leur capture sur leurs terres, dans les marches pour arriver aux ports africains et durant la longue attente dans les entrepôts côtiers» avant d’être embarqués et entassés dans l’entrepont des vaisseaux négriers en partance pour le nouveau monde. Finalement, au moins 12 millions d’Africains arrachés à leurs terre natale sont déportés vers les Amériques et les Caraïbes entre le 16e et le 19e siècle. Mais un grand nombre d’entre eux, presque 2 millions (environ 16 % du total), ne survivra pas au voyage et périra durant la traversée transatlantique avant d’arriver à destination dans les colonies européennes. Pour les survivants, leur sort est régi, en ce qui concerne la France, par le fameux Code noir, préparé par Colbert et édicté en 1685, qui déclare dans son article 44 « les esclaves être biens meubles » légiférant ainsi la traite et l’esclavage. Des milliers de captifs d’Afrique débarquaient ainsi chaque année, pour être mis en vente sur les marchés aux esclaves des Amériques. La décennie de 1784 à 1793 fut le point culminant de la traite avec des importations qui s’élevèrent en moyenne à presque 91 000 Africains par an. Mais le record historique absolu fut atteint en 1829, quand 106 000 captifs furent débarqués, presque tous au Brésil, à Cuba et dans les Antilles françaises.

Une fois achetés par leurs maîtres, les esclaves sont marqués au fer rouge (qui s’ajoute au marquage sur le bateau ou à l’embarquement), subissent des coups de toutes sortes pour encourager le travail et les femmes sont fréquemment violées. Les tentatives de rébellion, avérées ou non, sont durement réprimées par coups de fouets, suivies d’une condamnation à mort sous la torture. Les esclaves sont écartelés par le supplice de la roue, mutilés, castrés, pendus ou brûlés vifs sur le bûcher. Décapitées, les têtes sont exhibées, toujours sur la place publique ou devant les plantations, pour montrer l’exemple. En cas de fuite, il arrive que les oreilles soient coupées ou le jarret tranché. L’imagination pour la torture n’a pas de limite et la liste n’est pas exhaustive.

Les ordres religieux possédaient eux-mêmes des esclaves. Il est important de replacer ces deux événements majeurs survenus en l’an 1492 dans leur contexte et de souligner le fait qu’ils sont intrinsèquement liés. On ne peut comprendre la violence perpétrée en Amérique sans la replacer dans la suite des croisades. Les dissocier l’un de l’autre comme dans les manuels scolaires n’aide pas à la compréhension d’une des pages les plus sombres de notre histoire et sous-estime le rôle prédominant de l’Église sur le vieux continent comme dans le nouveau monde. Les ordres religieux possédaient eux-mêmes des esclaves et, dans les colonies ibériques et françaises, le catholicisme leur imposait l’évangélisation et le baptême, qu’ils fussent captifs africains ou nés en Amérique. Le castillan et le portugais deviennent les langues de la conquête, bénies par l’Église.

Héritage colonial et dette culturelle

Ce langage impérialiste tout comme les religions importées par les colons, l’islam et le catholicisme, ont joué un rôle majeur dans l’annihilation des cultures locales ancestrales et la transmission de leurs mémoires. On peut parler ici de dette culturelle dont l’aspect le plus visible est sans doute concrétisé par le pillage d’objets d’art de ces peuples, exposés dans les musées de l’Occident colonial. Fin 1996, Jacques Chirac recevait une statuette en terre cuite provenant du Mali pour son anniversaire. L’œuvre était issue d’un lot d’objets saisis par la police quelques années plus tôt sur un terrain de fouilles clandestines, volés pendant leur transfert au musée de Bamako. Après plus d’un an de tractations, M. Chirac dut restituer l’œuvre au musée malien. Hormis quelques restitutions comme celle-ci ou celle des trois terres cuites nok et sokoto provenant de fouilles illicites au Nigeria et exposées en avril 2000 lors de l’inauguration de la salle des arts premiers du Musée du Louvre à Paris (vitrine du futur Musée des arts premiers du quai Branly), et finalement rendues à l’État nigérian, d’innombrables œuvres demeurent encore hors de leurs pays d’origine et non encore restituées. Pourtant, de nombreuses résolutions adoptées depuis 1972 par l’Assemblée générale des Nations unies font «la promotion du retour des biens culturels à leurs pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale».

Connaître et reconnaître l’horreur génocidaire passée aide à comprendre, d’une part, comment l’Amérique du Nord a été propulsée nouvel empire capitaliste et, d’autre part, cela permet d’appréhender l’impasse du mal développement dans laquelle l’Occident impérialiste a fourvoyé les pays du Sud assujettis.

 


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Les Églises évangélistes

 

Les Églises évangéliques et le pouvoir conservateur en Amérique latine

Javier Calderón Castillo. Nodal

La participation publique de pasteurs et d’adeptes des Églises évangéliques ou néo-pentecôtistes aux élections va en s’accroissant et elle est en synergie avec l’offensive conservatrice vécue dans la région. Elles sont devenues une part active, à différents niveaux, des factions de la droite dans les pays respectifs. Elles participent aux élections — avec des candidatures qui leur sont propres ou affiliées —employant son pouvoir symbolique et rhétorique pour associer les croyances de la foi chrétienne aux choix de l’offre politique, canalisant le désespoir social de la population, de leurs fidèles, en majorité pauvres, et leur colère envers les partis politiques (qui ne les articulent pas, ni ne leur apportent des réponses). De la sorte, elles combinent leur pouvoir de conviction de la prédestination religieuse concernant le salut éternel au discours politique d’un avenir moralisateur et biblique comme rédemption terrestre. Selon des enquêtes journalistiques, il existerait plus de 19 000 Églises en Amérique latine, c’est-à-dire, plus de 100 millions de croyants, un cinquième de la population. Ces chiffres indiquent un déplacement de l’Église catholique, avec ses différentes congrégations, comme structure médiatrice du pouvoir symbolique de la foi des latino-américains. La structure de l’Église catholique semble avoir perdue le monopole de la foi et, peu à peu, elle cesse d’être le bastion de la légitimité des croyances et des offres politiques pour la majorité de la population.

Les néopentecôtistes cependant, ne sont pas les premiers groupes religieux à prendre part à la joute politique. Dès 1947, dans le seconde moitié du 20ème siècle, se sont organisés des partis politiques affiliés à la doctrine européenne de la Démocratie chrétienne ayant une grande diversité de postures politiques nationales, parvenant même à gagner la présidence en certains pays (Chili, République dominicaine, Colombie, Venezuela) et ayant des ministres, des sénateurs et des députés partout sur le continent. Même s’il s’agit d’un projet en décadence qui actuellement ne mobilise plus la force politique d’antan, ce précédent établit —avec certaines différences —un antécédent du « phénomène » évangélique ou néopentecôtiste. Les traits distinctifs de la participation politique des néo pentecôtistes, des pasteurs et de leurs Églises, peuvent être résumés en quatre points : Postures ultraconservatrices en rapport avec la famille et restriction des libertés sociales, grands défenseurs du néolibéralisme et de la société de consommation, grande capacité économique associée à l’apport et à la conviction de leurs fidèles, déploiement médiatique à partir de leurs propres stations émettrices, canaux de télévision et réseaux sociaux.

Les pasteurs néopentecôtistes se caractérisent par leur capacité oratoire et leur charisme sur les foules. Ils basent leurs enseignements sur les Églises pentecôtistes nord-américaines fondées au début du 20ème siècle, desquelles elles tirent leur doctrine religieuse centrée sur la diffusion et l’étude de l’Évangile, en quête d’une expérience extatique de rencontre avec l’Esprit Saint comme expérience vitale de Pentecôte. Cela signifie que les fidèles ont une identité et une forte adhésion à leur Église de base, davantage qu’à une structure éloignée comme le Vatican. Ils critiquent l’Église catholique d’avoir pour référence le pape qu’ils qualifient de faux prophète et ils ont recours à la polémique luthérienne sur la popularisation massive de la lecture et de l’étude de la Bible. L’on peut dire que son développement et son expansion ne sont pas anodines en raison de sa focalisation sur les groupes indigènes et les secteurs exclus de la population, ce qui peut être qualifié comme une action d’insertion de type néocolonial.

Au Brésil, où ces Églises réunissent près de 22 millions de militants pentecôtistes, elles se sont converties en un parti politique qui a une influence décisive sur les destinées de la nations. Avant le Coup parlementaire contre la présidente Dilma Roussef, Eduardo Cunha dirigea la députation évangéliste pour empêcher l’adoption de normes en faveur des droits reproductifs des femmes et il fut le leader de l’impeachment — jugement parlementaire —qui expulsa la présidente élue au suffrage universel.

Ils interprètent les Écritures bibliques comme des arguments politiques à l’encontre des processus politiques progressistes. En Colombie, ils ont joué un rôle central dans l’opposition à la ratification des accords de paix de la Havane lors du plébiscite de 2016. Ils se sont alliés avec l’ex-président Alvaro Uribe qui avait sur ses listes au Congrès des pasteurs de différentes dénominations et plus de 10 millions de membres des 266 Églises néopentecôtistes furent conviés à voter pour le non, contre les Accords de paix, parce que ces accords portaient prétendument atteinte au concept de famille. Une interprétation faite à leur convenance et contraire à l’enjeu de genre inclus dans les accords comme valeur transversale qui se réfère à l’inclusion des femmes dans la construction de la paix. Ce concept est assez éloigné de n’importe quelle considération d’ordre moral ou de structuration de l’organisation familiale (quelle qu’elle soit). L’agenda politique des groupes/partis évangéliques sur l’ensemble du continent est semblable à celle du mouvement « Tradition, famille, patrie », surgi au cours des années 1960 dans le Cône sud et associé aux actions en faveurs des dictatures. Même si ce mouvement était opposé au protestantisme, ils coïncident dans leur opposition conservatrice à n’importe quelle altération à l’ordre patriarcal du rôle des femmes et des hommes, à n’importe quel aspect sexuel non relié à la reproduction et ils nient toute conception libérale ou progressiste de la famille, ou les réformes pour élargir les droits et la démocratisation de la société.

En général, la politique à laquelle adhérent ou que promeuvent les pasteurs et les Églises pentecôtistes coïncident avec le néolibéralisme, comme l’expriment les Églises évangéliques colombiennes et centroaméricaines qui fomentent « l’éthique protestante » associée au libre marché, au travailleur qui réussit, économe, persévérant et désintéressé, où « le succès matériel apparaît comme une preuve de l’élection divine. Si un individu gagne mieux sa vie, il sera tenté d’associer ce progrès à son Église et à s’investir davantage ». D’autres pasteurs optent pour des postures pragmatiques de droite, comme le maire actuel de Rio de Janeiro, Marcelo Crivella, du Parti Républicain Brésilien et pasteur de l’Église Universelle du Règne de Dieu, qui accompagna le Parti des Travailleurs lorsque Lula était président et qu’il était sénateur — même s’il se retourna contre Dilma Roussef et qu’actuellement il appuie le gouvernement de Temer en soutenant des positions néolibérales dans la gestion de l’administration carioca. Il y a d’autres groupes évangélistes qui appuient des gouvernements progressistes comme au Nicaragua et dans une moindre mesure au Salvador, manœuvrant un discours pragmatique de fonctionnalité avec le gouvernement ou encore, comme cela s’est produit avec le processus de formation et de développement de la démocratie chrétienne, des secteurs de l’Église interprètent la fonction sociale de l’Église de façon distincte à la manière néolibérale.

En général, pour ses adhésions et ses appuis à des partis ultraconservateurs comme on l’observe, on peut affirmer que les évangélistes sont plus près du néolibéralisme que de la justice sociale.

En 2015, seulement au Brésil, les autorités fiscales rapportent que les Églises évangéliques ont investi 7 milliards de dollars, une somme astronomique qui a permis une croissance exponentielle des Églises qui possèdent des franchises et leurs propres temples dans n’importe quel village, ville ou pays du monde. Les Églises évangéliques ou néopentecôtistes se répandent du Brésil vers le reste du monde, particulièrement dans les pays d’Amérique latine et d’Afrique. En Colombie, on rapporte 5 milliards de dollars d’actifs. Dans les autres pays, on ne connait pas les montants qui transigent entre les mains des milliers de pasteurs et de leurs Églises, mais on présume qu’il s’agit « du grand commerce de la foi », une relation économique qui n’est pas régulée dans certains pays, où elles ne paient pas d’impôt, et dont les pasteurs ne sont pas contrôlés par des entités de l’État qui certifient les entrées et les sorties d’argent, le genre de dépense et la provenance des revenus. Également, les fidèles aident en tant que promoteurs de l’Église à développer les campagnes politiques, sans reddition de compte. En accord avec ce qui est rapporté au Brésil et en Colombie, les revenus des Églises évangéliques dans les autres pays d’Amérique latine sont élevés, et comme ils ne sont pas contrôlés ou recensés par l’État, ils peuvent être destinés à appuyer des partis politiques ou les candidatures des pasteurs eux-mêmes. Un avantage singulier pour la politique latino-américaine où les campagnes électorales sont toujours plus professionnelles et coûteuses. Nous pourrions être devant un scandale de la même amplitude que celui de Odebrecht.

Les Églises évangélistes possèdent également un énorme réseau de postes de radio et de canaux de télévision. Certains pasteurs justifient ces investissements comme étant la manière d’atteindre un nombre croissant de fidèles qu’ils ne peuvent pas tous rejoindre en personne. Ce déploiement augmente le pouvoir symbolique de ces organisations fondées sur la foi. En même temps, elles sont la forme d’exposition médiatique/politique qui génère un avantage sur les autres candidats. Au Brésil, ces Églises sont appuyées par le réseau médiatique Records, propriété du pasteur Eder Mecedo, un puissant et multimillionnaire évangéliste qui se vante d’avoir vendu plus de 10 millions de copies de ses 34 livres, écrits sur différentes thématiques, aidés par ses fidèles qui sont répartis dans 147 pays à travers le monde comme membres de l’Église Universelle du Règne de Dieu. C’est la même Église que le maire actuel de Rio de Janeiro, Marcelo Cravella.

Ce système est copié par toutes les Églises évangéliques du continent car il possède la capacité de créer des messages culturels très forts, construisant non seulement une éthique pentecôtiste économique et morale, mais une esthétique apparentée à la foi, la politique et la prédication de l’Évangile. Ces traits distinctifs des Églises évangéliques ne sont que la porte d’entrée pour connaitre un phénomène qui rassemble des multitudes à la recherche d’une rédemption morale et la ratification du mythe de la prédestination qui devient de plus en plus un transit vers une carrière politique, cherchant à intégrer dans les politiques d’État les préceptes et les vérités bibliques qu’on croyait dépasser par la conquête du principe de la laïcité de l’État. Ces acteurs politiques émergeants possèdent une forte cohésion avec leurs fidèles/électeurs, qui parviennent à déséquilibrer les élections. Ces acteurs sont courtisés par toutes les formations politiques qui coïncident avec leurs postulats religieux et conservateurs.

 


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La traite des personnes en Lybie

Comme beaucoup de personnes, je suis bien choquée par les images circulant au sujet de l’esclavage en Libye. En même temps, je suis tout de même perplexe ; pourquoi une diffusion de la chaîne CNN maintenant? Plusieurs articles ont plus le souci d’insister sur le caractère sensationnaliste de la nouvelle que de ne présenter qu’un brin d’analyse sociopolitique.

Il ne faut pas faire de recherches bien longtemps sur le contexte sociopolitique du pays pour savoir que c’est le chaos qui y règne depuis 2011, suite à l’assassinat de Kadhafi. Ce dirigeant n’était certes pas un enfant de chœur, mais au moins, pendant son règne, il y avait le plein emploi en Libye. Ses citoyens jouissaient d’ une grande prospérité économique, d’une stabilité et de nombreuses protections sociales. Certes, l’esclavage n’était pas inexistant, mais le phénomène était sans commune mesure avec ce qu’il est présentement.
Kadhafi ,semble t’il, devenait un peu trop influant et puissant en Afrique au goût de certains.

Je me dois de faire ici un rappel historique comme quoi les artisans de l’assassinat de Kadhafi sont nul autres qu’une alliance de pays occidentaux et en avant plan la France.

Les trafiquants font à présent la loi , dans ce pays devenu ingouvernable.

D’un côté, je suis contente que cette situation inhumaine soit dénoncée, mais de l’autre, je suis troublée par l’hypocrisie de certains pays, qui sont en partie responsables de cette déstabilisation. Les autorités et les médias encouragent les gens à s’indigner de la situation d’un côté, notamment en France, mais d’un autre côté, ils ne reconnaissent pas leur part de responsabilité dans ce qui se passe.

Emilie Frémont-Cloutier

 


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Calendriers de décembre 2017

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