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Feuille de chou du CAPMO,
décembre 2015, année 16, numéro 04
COP21, L’opinion de Naomi Klein
La Jornada, Mexico, 28/11/15
La journaliste et activiste canadienne Naomi Klein est l’une des critiques du capitalisme l’est plus connue à travers le monde. Dans son plus récent ouvrage intitulé : « Cela change tout », elle certifie qu’il existe un lien évident entre le capitalisme et les changements climatiques. « Ce modèle économique basé sur la croissance, produit une relation extractive avec la Terre et traite les ressources de la planète comme si elles étaient infinies. Il y a un conflit entre la préservation des ressources et l’objectif de la croissance. »
Il y a dix ans, lorsque l’ouragan Katrina frappa la Nouvelle-Orléans, elle visita la ville dévastée. « Ce fut comme si je voyais le futur. Si nous ne changeons pas de chemin, il y aura une collision entre le néolibéralisme, un effondrement de la sphère publique, et les changements climatiques. » À cette époque, elle ne saisissait pas très bien les liens unissant ces deux facteurs, mais elle comprenait que ces deux crises croissaient de façon accélérée.
Selon elle, le néolibéralisme a accéléré le problème pour les raisons suivantes : la phase de globalisation introduite par les accords de libre-échange, la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la libéralisation du capital pour obtenir une main-d’œuvre à faible coût et éviter les régulations préjudiciables à leurs profits. Le résultat c’est que nous produisons beaucoup plus, mais en ayant recours à un énorme gaspillage. « En 2000, la Chine a fait son entrée à l’OMC et les émissions globales ont explosées. Auparavant, la moyenne des émissions augmentait d’environ 1% par année, mais après cela elles ont augmenté de 3,5% annuellement.
Mais la mondialisation n’est pas la seule responsable des changements climatiques. Le sont également les politiques caractéristiques de l’ère néolibérale : déréglementation, réductions des charges fiscales pour les entreprises, privatisation de la sphère publique, austérité dans les dépenses sociales. C’est l’antithèse des politiques pouvant réduire les émissions de carbone. S’ils prennent au sérieux les changements climatiques, nos gouvernements doivent investir dans les transports publics, réinventer les villes et investir dans l’espace public. Ils doivent réglementer les entreprises et augmenter leurs impôts, de même pour les plus riches.
Nombre de ces politiques (comme la déréglementation) sont scellées juridiquement grâce aux traités comme l’Accord Transpacifique (ATP) signé récemment par 12 gouvernements et qui doit encore être ratifié. L’une des choses ayant le plus impressionné Klein pendant qu’elle effectuait sa recherche, c’est à quel point les accords commerciaux font obstacle aux politiques climatiques dont nous avons besoin. Elle mentionne le cas de l’Allemagne, poursuivi par Vattenfall, une entreprise suédoise, pour 4.5 milliards d’Euros, en raison de la transition énergétique que ce pays a choisi de mettre en place. Vattenfall prétend qu’elle a droit à ses profits. La poursuite est basée sur une règle de droits industriels du type de celles qui sont incluses dans l’ATP. Dans son livre, Klein présente plusieurs exemples d’entreprises qui utilisent les accords commerciaux pour tenter de renverser les victoires des groupes environnementalistes, comme l’interdiction de la fracturation hydraulique pour l’extraction des gaz de schiste au Québec. Ces accords commerciaux sont un cauchemar du point de vue climatique.
Elle présente les luttes menées dans plusieurs endroits du monde contre les changements climatiques. «Des nations entières ont interdit la fracturation hydraulique, mais cela n’est pas un substitut aux politiques nationales. Ce n’est qu’un faible remède. Ce dont nous avons besoin, ce sont des gouvernement qui établissent des politiques saines. Nous ne pouvons pas lutter contre le changement climatique un oléoduc à la fois, tout comme on ne lutte pas contre les conditions d’exploitation une usine à la fois. Nous devons traduire les victoires locales en politiques nationales, mais nous n’en sommes pas là. » Klein écrit également sur les mouvements qui s’opposent aux politiques néolibérales, sans être identifiés à la lutte aux changements climatiques. C’est le cas en Grèce avec son opposition aux politiques d’austérité, au Brésil avec le mouvement pour un transport public gratuit ou en Europe avec la lutte contre la privatisation du réseau ferroviaire. « Les gens luttent sur différents enjeux – inégalité, commerce, environnement —et ils restent là ». Ce qui importe maintenant c’est de connecter les différents mouvements existants. Selon elle, notre unique espoir est que les nombreuses forces qui rêvent de changer le système s’unissent et parviennent à une vision unifiée en fondant une économie qui respecte les limites de la planète et s’engage envers la justice économique pour en finir avec les inégalités sur tous les fronts.
Tania Molina Ramirez
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LA RELIGION: UNE ARME DE DESTRUCTION MASSIVE ?
Depuis presque toujours c’est le cas. « Tuons les tous; Dieu reconnaîtra les siens », disait un général avant la prise de Béziers lors de la Croisade contre les Albigeois. Et puis les Croisades elles-mêmes. Dans le événements de Paris, plusieurs commentateurs musulmans et d’autres ont désigné l’idéologie salafiste qui s’est glissée dans l’Islam, prenant en otage la religion et ses adeptes.
Les sources et les promoteurs de cette idéologie est arabique. Donc des traîtres à leur propre religion. C’est peut-être trop facile. De la même manière qu’une idéologie porte en elle-même la possibilité de ces dérives, cela se produit avec la religion où souvent la raison est soumise à la foi et plus encore au charisme de certains individus jouissant d’une autorité morale du genre qu’on leur donnerait le bon Dieu sans confession.
La religion est à la fois une institution de pouvoir et un véhicule de spiritualité. Comme institution de pouvoir, Constantin l’a bien compris, une population est plus facile à gouverner si elle adhère à la même foi que ses dirigeants. Quant au véhicule, il vaut mieux vérifier qui est au volant, quels sont ses intérêts et valeurs, ces dernières servant à camoufler les premiers.
L’enfer est pavé de bonnes intentions et c’est là que nous envoie les religions quand elles sont manipulées par le pouvoir et non transcendée par une spiritualité authentique et autonome. Pour ce qui est du véhicule, l’important est le chemin, se tenir dessus, et se fier à soi-même tout en étant critique. Autrement dit, il vaut mieux marcher.
Actuellement, le focus se situe entre les promoteurs de la société de consommation qui créent un vide spirituel et des gourous qui profitent de cette situation, de la quête de sens de la jeunesse, pour promouvoir leur propre pouvoir par la manipulation de la religion. Il faut bien sûr se rebeller contre les uns et les autres; on est alors sur la bonne voie d’une spiritualité autonome, authentique et critique, tout en sachant que notre royaume n’est pas de ce monde et qu’il est important de privilégier des valeurs fondamentales en étant conscient de nos propres intérêts.
Il faut être libre de toute attache pour progresser spirituellement et choisir une attache qui nous convienne spirituellement et culturellement. D’ailleurs, on pourrait dire que la religion est la manière culturelle et historique de vivre une dimension universelle. À cet égard, nous sommes tous égaux même si nous sommes un peu partout dans notre cheminement. De l’attrait de l’avoir à l’attrait de l’être, de la fidélité à un gourou, un sauveur, un guide, à une puissance supérieure logée à l’intérieur de nous-mêmes, il y a toute une démarche. Ne nous laissons pas manipuler.
Robert Lapointe
Parole nationale de la JOC de France après les attentats du 13 novembre
En cette période de tristesse, de colère, de non-compréhension qui envahit le territoire français, la Jeunesse Ouvrière Chrétienne présente ses condoléances à toutes les familles ayant perdu des proches lors de ces dramatiques massacres de vendredi soir à Paris. Nous avons également une grande pensée pour les autres victimes, les personnes qui ont été touchées de près ou de loin. Nous souhaitons témoigner notre compassion, notre soutien et notre solidarité à tous nos concitoyens.
Vendredi pour la première fois, nous, jeunes, avons vu la guerre à nos fenêtres. Une guerre qui touche des hommes et des femmes depuis des années dans d’autres pays ; une guerre qui nous touche directement et qui nous fait prendre conscience de l’horreur qu’elle fait vivre. Nous formons un seul et même peuple endeuillé partout dans le monde, peu importe nos origines ou notre religion.
Riche de la diversité des jeunes qu’elle rejoint, la JOC condamne ces actes de barbarie. Nous crions à nouveau que la solidarité et la fraternité sont à construire. Elles sont l’affaire de tous et s’opposent au rejet de l’étranger, rejet qui alimente les haines, entretient les divisions et suscite les violences mortifères.
Nous nous réjouissons de voir que de nombreuses personnes ont su tendre la main à leurs frères, en ouvrant spontanément leur porte. Nous constatons que les jeunes se mobilisent sur les réseaux sociaux, expriment leur envie de choisir l’amour contre la haine, la solidarité contre la division.
Nous sommes marqués par le danger potentiel d’une montée du nationalisme. Ne tombons pas dans ce travers : stigmatiser l’autre par son origine. Nous croyons qu’il est primordial de ne pas faire d’amalgame, de ne pas confondre musulmans et islamistes. Le terrorisme n’est pas une religion. Jamais il ne trouvera de justifications dans les textes religieux. Comme le dit Gilles, jociste : « Le terrorisme c’est l’exploitation de l’Homme et de Dieu lui-même ». Nous sommes tous frères et sœurs, peu importe notre nationalité, notre religion : nous sommes tous des hommes et des femmes qui subissons cette violence. Nous sommes appelés en tant que croyants à construire un monde plus juste et plus fraternel, alors ne cédons pas à la pression des événements, ne rejetons pas l’autre mais regardons-le toujours comme un frère !
Nous voulons redire que la devise de la France incarne des valeurs que nous portons au quotidien. Nous souhaitons à tous la liberté de vivre dignement quel que soit son lieu d’habitation, son statut social, sa place dans la société. Nous voulons l’égalité entre tous, femmes et hommes, pour que chacun puisse apporter à l’humanité sa pierre pour un monde plus juste. Nous prônons la fraternité, source de notre engagement pour que personne ne soit laissé pour compte.
Nous, jeunes chrétiens du milieu ouvrier, sommes intimement convaincus que la montée et l’action des groupes identitaires, la division, le rapprochement à des partis d’extrême droite n’est pas une réponse à la situation actuelle. Nous ne devons pas tomber à notre tour dans des extrêmes et nous devons faciliter le dialogue, l’amour et l’unité.
Nous souhaitons rappeler l’urgence de la fraternité et de la paix pour permettre au monde d’avancer et à tous de construire son avenir. Nous appelons à continuer les actes de solidarité au service d’une construction commune, en cette année où la JOC, à travers sa dynamique « Quartiers Libres », mène dans toute la France des initiatives de vivre ensemble. Les liens tissés au sein de la cité, indispensables à la vie de notre pays et du monde, rappellent à chacun sa responsabilité.
JOC 246 bd St Denis – BP 36 – 92403 Courbevoie Cedex – www.joc.asso.fr
HONDURAS – « Nos terres sont essentielles à nos vies » :
les Garífunas défendent leur souveraineté territoriale et alimentaire
Stephen Bartlett et Beverly Bell
DIAL 3345
Vendredi 20 novembre 2015, mis en ligne par Dial
DIAL avait consacré un article en 2009 au peuple garífuna. L’US Food Sovereignty Alliance a décerné en octobre 2015 son Prix de la souveraineté alimentaire à l’Organisation fraternelle noire hondurienne (OFRANEH en espagnol). Cet événement est une bonne occasion pour évoquer à nouveau dans nos colonnes les luttes des Garífunas. Ce premier texte présente un aperçu général des luttes en cours pour la défense de leurs terres contre la triple menace de l’extractivisme, du narcotrafic et du développement de complexes touristiques. Le second présente le témoignage d’une des leaders de l’OFRANEH, Miriam Miranda.
Stephen Bartlett est directeur des programmes nord-américains et latino-américains au sein de l’organisation Agricultural Missions. Beverly Bell est la coordinatrice de l’organisation Other Worlds. Article publié le 8 octobre 2015 sur le site Other Worlds.
« Notre libération commence par la possibilité de planter ce que nous consommons. C’est ce qu’on appelle la souveraineté alimentaire. » Tels sont les propos tenus lors d’un entretien par Miriam Miranda, coordonnatrice de l’Organisation fraternelle noire hondurienne, plus connue sous son sigle espagnol OFRANEH.
L’OFRANEH a remporté en 2015 le Prix de la souveraineté alimentaire, décerné par l’US Food Sovereignty Alliance. « Il y a un gros travail à faire au Honduras et partout ailleurs parce qu’il faut que les gens comprennent qu’ils doivent produire pour assurer l’autonomie et la souveraineté de nos peuples », a expliqué Miranda. « Si nous continuons à [seulement] consommer, il ne servira à rien de crier et protester. Il s’agit de retrouver et réaffirmer nos liens avec le sol, nos communautés, notre terre. Nous devons devenir des producteurs. »
Mais, pour pouvoir produire, il faut avoir une terre. Sur la côte atlantique du Honduras, l’OFRANEH a mobilisé le peuple afro-indien garífuna en un mouvement de protection du territoire garífuna – qui abrite des terres, des cours d’eau, des forêts et des côtes d’une grande richesse écologique – face au vol de multinationales, du gouvernement central et de l’oligarchie. Sur terre comme sur l’eau, les membres de l’OFRANEH s’emploient aussi activement à accroître leurs compétences dans les domaines de l’agriculture écologique et de la pêche artisanale durable.
L’OFRANEH s’emploie en outre à défendre tout ce qui grandit sur leurs territoires. Cela comprend notamment la communauté, l’autonomie, la culture traditionnelle, la langue garinagu, les stations de radio locales, la spiritualité ancestrale et la vie cérémonielle.
L’OFRANEH défend son identité et son territoire de manière frontale, en préparant les communautés à l’action directe, en engageant des poursuites au niveau national et international, et en travaillant au renforcement du mouvement. Dans son action, l’organisation accorde une priorité particulière au développement du leadership des femmes et des jeunes.
Les Garífunas sont expropriés de leurs terres, avec l’approbation de l’État hondurien et, souvent, du gouvernement de États-Unis, pour le tourisme, la construction d’une base navale et d’un port en eaux profondes, et l’extraction de gaz et de pétrole. Tout cela au mépris de la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail, de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et de la constitution même du Honduras, qui exige le consentement libre, préalable et éclairé des communautés autochtones pour tout projet touchant à leurs territoires. Des terres ont également été accaparées par les narcotrafiquants.
Le 10 septembre 2015, les Garífunas ont été expulsés de force de la ville de Puerto Castillo –revendiquée dans le passé par l’United Fruit Company – par un grand propriétaire terrien. Le vol de terres ancestrales et l’entassement des populations déplacées en un lieu restreint ont déjà eu lieu dans la ville, pour la construction d’un grand port.
La communauté de Triunfo de la Cruz a saisi la Cour interaméricaine des droits humains au motif qu’elle avait été dépossédée de ses terres. C’est seulement la quatrième fois qu’une action est intentée pour protéger des territoires autochtones. (Les trois autres fois, il s’agissait de Sarayaku en Équateur, de Saramaca au Surinam et d’Awas Tingni au Nicaragua.) Un jugement est attendu prochainement.
Les narcotrafiquants, que la position stratégique du territoire intéresse pour le trafic de drogue clandestin – espace pour aménager une piste d’atterrissage, crique secrète ouverte sur la mer, lieu isolé – ont envahi les terres dont les titres de propriété légaux reviennent aux Garífunas. En 2012, la communauté a réoccupé ses terres au terme d’une cérémonie donnée au son du tambour, malgré les menaces et les tirs d’armes automatiques des narcos et des paramilitaires. Depuis, cependant, une partie des terres a de nouveau été envahie par des paysans, avec l’appui des narcos. La communauté se trouve face à la menace de la vente des terres par des individus liés au narcotrafic, avec la complicité de politiques. La stratégie employée par l’OFRANEH pour reconquérir et conserver Vallecito consiste à exercer, avec ses alliés du Honduras et du monde entier, une pression suffisamment forte pour que l’Institut national de l’agriculture (INA), organisme d’État, soit contraint de chasser les usurpateurs.
L’avenir de Vallecito est compliqué par l’intention du gouvernement hondurien de créer des « villes modèles », c’est-à-dire des enclaves étrangères échappant à la souveraineté du Honduras, dotées de leur propre sécurité et de leurs propres lois, et financées par des investisseurs internationaux. Vallecito se trouve au cœur d’une vaste bande de terre garífuna sur laquelle le gouvernement songe à mettre la main pour ce projet. Si ce dernier se concrétisait, des dizaines de communautés garífunas pourraient être déplacées.
Cependant, l’OFRANEH a l’intention de récupérer et de conserver Vallecito, et de le transformer en un centre pour le renouveau garífuna. Toutes les personnes chassées de leur terre, pour quelque raison que ce soit, pourront s’y installer. Dans un premier temps, l’OFRANEH songe à construire un bâtiment cérémoniel et culturel. Le développement du leadership des jeunes fait également partie de ses plans, afin que les jeunes et les jeunes adultes des villes puissent acquérir les mêmes compétences et connaissances que les Garífunas vivant dans l’arrière-pays rural.
Comme d’autres Honduriens, autochtones ou non, qui défendent leurs droits, les Garífunas font continuellement l’objet de violences, menaces et atteintes aux droits humains. Les saisies de terres et la violence qui les accompagne s’inscrivent dans le climat politique engendré par le coup d’État contre le Président Manuel Zelaya le 28 juin 2009. Avec l’aide du gouvernement états-unien, une clique de grands oligarques du pays a été portée au pouvoir. Le gouvernement des États-Unis a joué un rôle déterminant auprès des différents régimes qui se sont succédé après le coup d’État, en fournissant une couverture politique ainsi qu’une aide militaire et policière, et en fermant les yeux sur la multiplication des violations des droits humains et des cas d’impunité. Des centaines d’assassinats d’opposants et de membres de leur famille ont marqué l’histoire récente du Honduras, rappelant les escadrons de la mort qui sévissaient dans les années 1980.
En plus de l’impunité et de la corruption du gouvernement, le Congrès, imposé de manière illégale, a octroyé en concession des terres et des mines à des investisseurs étrangers. Outre ce qui se passe dans les communautés autochtones, des paysans se voient privés de leurs terres au profit de l’industrie agroalimentaire, et notamment des plantations de palmiers d’Afrique destinées à satisfaire l’engouement pour les biocarburants dans le Nord.
http://www.alterinfos.org/spip.php?article7100
États-Unis : 25 ans de manifestation contre l’École des Assassins SICSAL
Du 20 au 22 novembre 2015, auront lieu des manifestations à Fort Benning en Géorgie, É.U., pour exiger encore une fois la fermeture immédiate de l’École des Amériques, base militaire où, à chaque année, plus de 1500 soldats et policiers latino-américains reçoivent un entraînement militaire.
Les manifestations ont lieu depuis 25 ans. Elles ont débutés en 1990 pour rappeler que le 16 novembre 1989, au El Salvador, des membres du bataillon Atlacatl ont fait intrusion à l’Université Centro Américaine José Simeon Canas, la UCA, et ont assassiné la cuisinière Elba Ramos, sa fille Celina Ramos, ainsi que les prêtres jésuites Ignacio Ellacuria, Ignacio Martin-Baro, Segundo Montes, Amando Lopez, Juan Ramon Moreno et Joaquin Lopez y Lopez.
Des 25 soldats qui ont participé au massacre de la UCA, 19 ont été entraînés et diplômés à l’École des Amériques de l’Armée des États-Unis. Les manifestations se tiennent aussi en solidarité avec les centaines de milliers de latino-américains ayant été torturés, violés, assassinés, massacrés ou forcés de trouver refuge à l’intérieur ou à l’extérieur de leur pays par des soldats et des officiers entraînés aux États-Unis.
Il est connu du domaine publique que les États-Unis continue de légitimer l’usage de la torture et l’assassinat sélectif en s’écartant du droit international et du droit de toute personne à avoir un procès juste et équitable. Guantanamo continue d’être une honte pour la conscience de l’humanité.
Le fondateur de ce mouvement de protestation de la SOA Watch est l’ex-prêtre Roy Bourgeois —récemment expulsé de son ordre par le Vatican pour avoir appuyé l’ordination de femmes à la prêtrise—. Il habite une maison située juste en face de l’académie militaire de Fort Benning.
Bourgeois a répété à maintes reprises que les peuples d’Amérique latine n’ont pas besoin d’entrainement militaire de la part des États-Unis, entraînements ayant causées tant de douleur, de souffrance et de morts.
Actuellement, la Colombie est le numéro 01 dans l’envoi de troupes à l’École des Amériques. Selon le Rapport 2015 du Haut commissariat des Nation Unies pour les droits humains, en 2014, en Colombie, on continuait d’enregistrer des atteintes aux droits humains contre les défenseurs de ces mêmes droits. Jusqu’au mois d’octobre de cette année, on déplore 45 assassinats de défenseurs de droits humains. Entre janvier et décembre 2014, on rapporte des tentatives d’assassinats à l’encontre de 18 défenseurs des droits humains.
Par ailleurs, de janvier à octobre 2014, on signale un total de 297 menaces de mort individuelles ou collectives. C’est sans compter que se poursuit en Colombie la pratique des assassinats de « faux positifs » qui dépassent déjà les mille morts au cours des dernières années, toujours attribuables aux Forces armées colombiennes. (Cette pratique consiste à l’assassinat de jeunes gens qu’on recouvre ensuite d’un uniforme de la guérilla. Les faux positifs permettent aux officiers colombiens de se vanter de gagner la guerre contre la guérilla en exposant les dépouilles de faux guérilleros.)
Selon la Fondation pour la liberté de presse, du 01 janvier au 10 octobre 2014, deux journalistes ont été assassinés en Colombie, 64 ont reçu des menaces de mort, 45 ont vécu des interférences dans la réalisation de leur travail, 6 ont été détenu illégalement et un autre rapporte un attentat contre sa vie.
Le Mexique est un autre des pays qui continue d’envoyer des troupes à l’École des Amériques et où la situation des droits humains est très grave. De 2006 à 2013, la Commission nationale des droits humains (CNDH) a reçu 8 150 dénonciations d’abus commis par des membres de l’Armée envers la population. Officiellement, on parle de l’existence de 22 610 personnes disparues (selon toute vraisemblance assassinées). Parmi elles, le cas des étudiants de Ayotzinapa qui furent détenus et sont considérés comme des disparus depuis le 26 septembre 2014. Par delà ces chiffres officiels, on estime qu’au Mexique, pas moins de 150 000 personnes ont été assassinées ou sont portées disparues.
Quels pays continuent d’envoyer des troupes à l’école des Amériques ?
La Colombie, le Chili, le Pérou, le Brésil, l’Uruguay, le Panama, le Mexique, le Honduras, le El Salvador, le Guatemala, le Paraguay, le Costa Rica, la République Dominicaine, entre autres.
Quels pays a cessé d’envoyer des troupes ?
Le Venezuela, l’Argentine, le Nicaragua, la Bolivie et l’Équateur.
Ces noms vous disent quelque chose ?
Ils ont étudié à l’École des Amériques :
Rafael Videla (Argentine),
Hugo Banzer (Bolivie),
Manuel Contreras (Chili),
Efrain Rios Montt (Guatemala),
Romero Vasquez (Honduras),
Jaime Lasprilla (Colombia),
Manuel Noriega (Panama),
Roberto D’Aubuisson (El Salvador).
SICSAL : Secrétariat international chrétien de solidarité avec l’Amérique latine
Traduction : Yves Carrier
Vingt ans après la guerre, l’espoir d’unité en Bosnie s’amenuise
Journal La Croix, 20/11/2015 Marie Verdier
La Bosnie-Herzégovine ne célébrera pas le 21 novembre les vingt ans des accords de paix de Dayton qui mirent un terme à trois années d’une guerre atroce. Les divisions ethniques toujours vives œuvrent à la désintégration du pays. « Les vingt ans de Dayton, c’est un anniversaire qui marque la fin de la guerre, ce n’est pas rien », souligne Srdjan Dizdarevic, directeur de la maison des droits de l’homme à Sarajevo. Cet ardent militant d’une Bosnie-Herzégovine unie ne fêtera pourtant pas ces accords qui mirent un terme à trois années d’une guerre atroce qui se solda par plus de 110 000 morts et 2,2 millions de déplacés. Ni les autorités, ni les habitants n’ont l’once d’une envie festive pour ce week-end. « Dayton c’est la paix, mais c’est aussi le début de l’agonie du pays. La constitution a créé des obstacles insurmontables », explique Srdjan Dizdarevic.
Un absurde millefeuille institutionnel
C’est que la constitution adossée aux accords de paix est un système « ahurissant » selon les termes de Jacques Rupnik (1), politologue au centre de recherches internationales de Sciences-Po Paris. « Il s’agit du millefeuille institutionnel le plus complexe et le plus absurde que la science politique ait élaboré », estime-t-il. La Bosnie en effet est un pays créé autour de trois « peuples constitutifs », les Bosniaques (musulmans), les Serbes (orthodoxes) et les Croates (catholiques). Les autres minorités et tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans cette partition ethnique, notamment les couples mixtes, sont regroupés dans la catégorie des « Autres ». « Chacune des trois communautés a la volonté de changer la Constitution, mais chacune pour de mauvaises raisons, décrypte Srdjan Dizdarevic. Les Bosniaques militent pour un État plus unitaire parce qu’ils sont majoritaires; les Serbes veulent renforcer la Republika Spreska (l’entité serbe de Bosnie) et affaiblir l’État central; quant aux élites nationalistes croates, elles réclament la création d’une entité croate dissociée de la Fédération croato-musulmane» à laquelle ils appartiennent. Chacune des communautés tire la couverture à elle et renforce les partitions ethniques. « La rhétorique ethnique quotidienne monte en puissance », s’inquiète le député Predraj Kojovic à la tête de Nasa Stranka (« Notre parti »), petite formation qui se revendique sociale libérale et multiethnique. « Cette constitution de Dayton, qui ne devait pas durer, produit de la désintégration ».
DIDIER BIZET/HANSLUCAS (photo)
Le tram traverse la ville de Sarajevo en prenant la Sniper Alley. En 2015, la Bosnie affronte toujours ses divisions.
Un pays totalement paralysé
Chaque communauté peut exercer son droit de veto dès lors qu’elle estime que son intérêt vital est menacé. « Cet intérêt vital est invoqué en moyenne deux cents fois par an, le pays est totalement paralysé », relève Jacques Rupnik.
Le 10 novembre, le haut représentant des Nations unies en Bosnie-Herzégovine, Valentin Inzko, s’est inquiété devant le conseil de sécurité de l’ONU des « agissements de certains politiciens déterminés à déstabiliser la situation du pays », alors que des progrès notables avaient été enregistrés, selon lui, au cours des dix premières années après la guerre. Mais au cours de la décennie passée, « une mauvaise direction » a été prise. Les embryons de société civile que l’on avait vu poindre ont été laminés. Le pays a aujourd’hui « désespérément besoin de faire preuve d’unité », a fait valoir Valentin Inzko. En ligne de mire, le président nationaliste de la Republika Spreska, Milorad Dodik, « le tenant le plus actif et le plus virulent de la dissolution de l’État », selon Valentin Inzko. Sous sa houlette, l’assemblée bosno-serbe a adopté la tenue d’un référendum en juillet 2016 pour réclamer la création d’une institution judiciaire autonome.
Un climat délétère
Milorad Dodik menace d’organiser un deuxième référendum en 2018 qui porterait sur l’indépendance de l’entité serbe. Même si ce référendum n’aura probablement pas lieu – la Serbie sur la voie de l’intégration européenne ne le soutiendra pas – ce climat délétère porte ombrage aux rapprochements de la Bosnie avec l’Union européenne. Alors même – rare fait positif – qu’un accord d’association et de stabilisation est entré en vigueur en juin dernier.
« Il est totalement injuste que la Croatie soit déjà membre de l’UE, que la Serbie soit sur le chemin et que la Bosnie soit en rade, dénonce Predraj Kojovic. L’UE a fait une erreur grave de ne pas intégrer collectivement les pays au sortir de la guerre ».
Une population qui diminue
Les tiraillements sont tels entre les trois ethnies que les chiffres du recensement péniblement organisé en 2013 (le dernier datait de 1991) n’ont jamais été publiés dans le détail, faute d’accord sur la manière de compter chaque communauté. Une seule chose est sûre, le pays se dépeuple: près de 600 000 habitants de moins qu’avant guerre pour un pays qui en comptait alors 4,3 millions. « En réalité, au moins 200 000 de plus sont partis. Chaque communauté a fait recenser des affirme membres de la diaspora », Srdjan Dizdarevic. « Il y a une immense fatigue dans la population, tout le monde veut partir ».
Les Accords de Dayton
Le 21 septembre 1995, les trois protagonistes politiques de la guerre, les présidents de Bosnie Alija Izetbegovic, de Serbie Slobodan Milosevic et de Croatie Franjo Tudjman, paraphent à Dayton (Ohio, États-Unis) un accord de paix qui sera formellement signé le 14 décembre suivant à Paris.
La constitution bosniaque est une annexe du traité de paix. Elle définit trois peuples constitutifs – les Bosniaques (musulmans), les Croates (catholiques), les Serbes (orthodoxes) – et la catégorie des « Autres ».
Le pays est divisé en deux entités très autonomes: la Fédération de Bosnie-Herzégovine, dite aussi Fédération croato-musulmane, qui totalise 51 % du territoire; et la République serbe de Bosnie (Republika Srpska, 49 % du territoire).
La Bosnie est présidée par un collège tournant de trois présidents: un Bosniaque, un Serbe et un Croate. Elle est dotée d’un gouvernement et d’un parlement bicaméral. Et chacune des deux entités a ses propres institutions: présidence, gouvernement, parlement, avec un partage des fonctions par ethnies.
Texte suggéré par Emilie Frémont-Cloutier
Souvenons-nous, il y a 20 ans aujourd’hui, le 21 novembre 1995 la signature d’accord de Paix marquait la fin de la guerre de Bosnie. J’invite tous les pays en conflit dans le monde et particulièrement l’Occident, à faire preuve de prudence avant de partir encore plus en guerre qu’il ne l’est déjà. Prenons le temps de faire mémoire de ces atrocités qui ont été le lieu des massacres les plus importants en Occident depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Révérence et solidarité pour une spiritualité écologique Claude Lacaille
InterBible, 25 novembre 2015 (www.interbible.org)
Nous ne sommes pas les maîtres de la création.
Lors d’un atelier biblique que j’animais pour des paysans autochtones dans les Andes équatoriennes, nous avions comparé les récits de la création dans la tradition judéo-chrétienne avec les traditions des Premières nations. Le groupe était constitué de paysannes et de paysans qui cultivaient des terres sur les hauts plateaux de la cordillère et qui animaient les communautés chrétiennes des hameaux.
Ces gens avaient été profondément choqués à la lecture des récits de la création dans la bible. Ils trouvaient aberrante cette vision de l’homme qui trône au-dessus des autres vivants, ce rôle dominant de conquérant, de maître, de roi qui met tout à ses pieds. Cela contredisait totalement leurs spiritualité : ils affirmaient avec conviction que la terre est leur mère qu’ils traitent avec affection car c’est elle qui les alimente et les soigne. Ils se considèrent comme faisant partie de la grande famille des êtres vivants. Pour eux, les plantes, les animaux et même les montagnes et les pierres sont des frères et des sœurs qu’on doit traiter avec révérence et solidarité. La biosphère est un organisme vivant duquel nous formons partie avec tous les êtres qui s’y trouvent. Les êtres humains, nous faisons partie de la nature, nous n’en sommes pas les maîtres.
« Il faut cesser d’exalter l’image de la barbarie, mutilante, imbécile, de l’homme autarcique surnaturel, centre du monde, but de l’évolution, maître de la Nature » nous rappelle Edgar Morin (Les deux humanismes, le Monde diplomatique, oct. 2015). Cette conception de l’homme et de la création dominait le Moyen-Orient durant l’antiquité et les écrivains de la bible en ont été imprégnés. Dans ces sociétés tributaires, la presqu’entièreté de la population était esclave du roi, corvéable à merci, sans accès à la propriété privée; on s’est donc imaginé la déité sur l’unique modèle connu : un seigneur souverain qui trône sur l’univers, coupé de ce dernier dans un monde invisible entouré de serviteurs faisant la navette entre la cour du roi et le peuple d’en bas.
La bible est le texte fondateur des religions juive, chrétienne et en partie aussi, musulmane. Nombreuses sont les personnes qui croient que les traditions bibliques sont en quelque sorte responsables du désastre écologique provoqué par l’activité humaine, par le fait d’avoir placé l’être humain comme centre et couronnement de la création, créé exclusivement à l’image et à la ressemblance de la déité : « Tu l’as fait presque dieu; tu as tout mis sous ses pieds » ou encore « faisons un être de terre à notre image et ressemblance pour commander, pour conquérir et pour remplir la terre. »
Edgar Morin décrit ainsi ce type d’humanisme : « c’est celui de la quasi divinisation de l’humain, voué à la maîtrise de la nature. C’est en fait une religion de l’homme se substituant au dieu déchu… L’homme, dans ce sens, est mesure de toute chose, source de toute valeur, but de l’évolution. Il se pose comme sujet du monde et, comme celui-ci est pour lui un monde-objet constitué d’objets, il se veut souverain de l’univers, doté d’un droit illimité sur toute chose, dont le droit illimité à la manipulation. » Le capitalisme, qui s’est développé en Europe et en Amérique chrétiennes, s’est vu ainsi renforcé dans son arrogance de vouloir soumettre la nature et dominer le monde.
Il est évident qu’une autocritique, qu’un changement de vision s’impose aux religions, et en particulier à celles du Livre. Les écrits qu’on y trouve sont marqués profondément par une culture anthropocentrique, patriarcale, misogyne et raciste. La bible ne doit pas être prise au pied de la lettre comme un texte tombé du ciel. Il s’agit d’un texte humain et historique situé dans un contexte d’autres époques et d’autres cultures. Ce texte est témoin de la présence du Souffle divin dans les peuples, Souffle qui les a poussés vers la terre de la liberté, vers un autre monde possible désigné comme règne de Dieu.
Une écologie profonde : le souffle de Dieu voletait sur les eaux
Le pape François publiait en mai 2015 son encyclique Laudato si sur la sauvegarde de la maison commune, une intervention remarquée au moment où se prépare la conférence de Paris sur le climat dans l’urgence pour en stopper le réchauffement. Ce message accueilli avec enthousiasme par des gens de tous horizons, est aussi une invitation à relire la bible en nous laissant inspirer par l’esprit plus que par la lettre qu’il faut dépasser. Nous devon y rechercher les échos d’inspiration écologique et spirituelle beaucoup plus présents dans le Livre que ce qu’on a coutume d’y déceler.
« Nous savons, en effet, que maintenant encore la création entière gémit et souffre comme une femme qui accouche. Mais pas seulement la création : nous qui avons déjà le Souffle sacré comme première part des dons de Dieu, nous gémissons aussi intérieurement en attendant que Dieu fasse de nous ses enfants et nous accorde une délivrance totale. » (Épitre aux Romains, 8,22-25)
Dieu est un souffle de vie animant la création de l’intérieur vers son accomplissement. « Le Souffle qui gémit dans tous les êtres, le Souffle qui volète sur les eaux, c’est l’impulsion intérieure qui anime le boson, le quark, l’atome, la molécule, la cellule, l’eau, l’air, la plante, les forêts, les animaux, la Terre, les galaxies, l’univers ouvert et infini. L’éco-spiritualité libératrice consiste à unir, au-delà de tous les crédos et les formes, son propre souffle avec le souffle créateur et libérateur qui meut le monde depuis le plus infime jusqu’au plus grand. » (The Spirit who moans in all beings: notes for a liberating eco-spirituality par José ARREGI dans Voices, mars 2014, Deep Ecology, Spirituality and Liberation, p. 70). La création est constamment en action et nous en sommes au début à chaque instant. « Tout est en relation avec tout et tout est en constante transformation. Le monde continue de se créer. » (Ibidem, p. 69.)
Moïse, le législateur écologiste
La Genèse dit que « le septième jour, Dieu se reposa » (Gn 2,2). Pourquoi les chrétiens ont-ils mis de côté cette loi du repos que Moïse considérait fondamentale ? N’est-il pas venu le temps de reconduire l’obligation du shabbat pour toute la planète, d’établir un jour de repos obligatoire chaque semaine et ce pour les patrons, les travailleurs et travailleuses, la bourse, le commerce, les femmes, les domestiques, les enfants et les animaux ? « Le septième jour, repos pour YHWH ton Dieu, tu ne feras aucun ouvrage, toi, ton fils, ta fille, ton serviteur, ta servante, ta bête de somme, l’étranger qui vit chez toi. » (Exode 20,10) Et Moïse n’en est pas resté là. Il impose un repos complet pour la terre; « la septième année me sera consacrée, ce sera une année de repos complet pour le sol: vous ne devez pas ensemencer vos champs ou tailler vos vignes. » (Lévitique 25,4) Sagesse paysanne, il ne faut pas épuiser la Mère Terre. Et enfin, Moïse prescrit une année de grâce, un jubilé tous les cinquante ans : les gens seront alors libérés de leurs dettes, de leur servage, la réforme agraire redonnera leurs terres aux familles qui les avaient perdues. Chacun retourne chez soi, libre et sans dettes. On éradique la pauvreté et la vie peut reprendre son cours.
Voilà des législations qui n’auront pas l’heur de plaire au pouvoir financier mondial. Aujourd’hui les pays appauvris sont pris à la gorge pour des dettes qui ont bénéficié à leurs seuls dirigeants. Les banques étranglent des peuples entiers, comme on l’a vu récemment avec la Grèce. Les terres d’Afrique sont achetées par la Chine ou l’Arabie alors que les populations ont peine à s’alimenter. Le FMI et la Banque mondiale imposent aux gouvernements des ajustements structurels qui pénalisent l’éducation et les soins de santé au profit des banques prédatrices qui accumulent dans leurs coffres. Or une écologie profonde concerne non seulement les espèces menacées, le réchauffement climatique, la fonte des glaciers; elle nous impose aussi de mettre fin à la dictature de la finance et à favoriser le plein épanouissement des sociétés humaines en harmonie avec les territoires qu’elles occupent.
Nous pouvons avoir confiance dans l’avenir qui attend l’aventure humaine
Y a-t-il de l’espoir ? Je termine avec ce texte magnifique de Thomas Berry, pionnier de l’éco-théologie. « Si, depuis les débuts, la dynamique de l’univers a façonné le cours des cieux, allumé le soleil et formé la Terre, si cette même dynamique a produit les continents et les mers et l’atmosphère, si elle a réveillé la vie dans la cellule primordiale et alors a amené à la vie la variété innombrable des êtres vivants, et finalement nous a amenés à la vie et nous a guidé en toute sécurité à travers les siècles turbulents, il existe une raison de croire que ce même processus directeur est précisément ce qui a réveillé en nous notre compréhension actuelle de nous-mêmes et de notre relation à ce merveilleux processus. Sensibilisés à une telle gouverne de par la structure même et le fonctionnement de l’univers, nous pouvons avoir confiance dans l’avenir qui attend l’aventure humaine. » (The Dream of the Earth, Thomas Berry, p. 137, (Traduction de Daniel Laguitton), tirée d’un essai de Richard Renshaw, intitulé Thomas Berry —Terre sacrée, p. 50, Voices.) Et le philosophe Edgar Morin ranime notre espérance quand il écrit : « Un peu partout dans le monde apparaissent des myriades de germinations, ruissèlent des myriades de petits courants qui, s’ils se rejoignent, formeront des ruisseaux qui pourraient confluer en rivières, lesquelles pourraient se réunir en un grand fleuve. Là est l’espoir, fragile mais espoir, et nous devons comprendre que le pari et l’espoir doivent prendre la place des certitudes. » (Edgar Morin, « Les deux humanismes »)
Mois de décembre 2015