Ça roule au CAPMO – Avril 2019, année 20, numéro 08

Migration forcée

Les bouleversements climatiques, les crises économiques, les guerres, les persécutions et les famines, ne cessent de lancer sur les routes des millions de gens en quête d’un monde meilleur, d’une Terre sans mal comme disaient les Guaranis. Pendant ce temps, les pays occidentaux polluent, imposent leur domination économique, déstabilisent des régimes en incitant à la haine, exploitent sans fin les ressources naturelles au sud et vendent les armes qui alimentent les conflits. Les pays développés s’enferment derrière des législations et des murailles de plus en plus hautes, illustrant ainsi leur mépris pour les populations ruinées victimes de toutes leurs spéculations. Aujourd’hui, il y a 68 millions de réfugiés, la majorité sont accueillis dans des pays du sud.

Le philosophe Averroès a dit : «L’ignorance de l’autre conduit à la peur, celle-ci mène à la haine qui finit par engendrer la violence.» Avec le néolibéralisme qui fut une entreprise de recolonisation du monde, les principes que nos gouvernements n’avaient jamais honorés, ont complètement disparus derrière l’impératif du profit à court terme. Peu importe le coût en vie humaine ou environnemental, il fallait s’approprier le monde jusqu’à la moelle. Les ravages ne se sont pas faits attendre, spéculations contre les monnaies des économies émergentes qui ont ruiné les épargnes de toute une vie, programmes d’ajustements structurels afin de privatiser tous les instruments de l’État pouvant servir la cause du profit pour les plus riches, déréglementation des barrières douanières protégeant les marchés internes, remboursement de la dette extérieure au FMI qui dicte les règles de la gouvernance au-dessus des États et des populations, perte de souveraineté et paupérisation généralisée, expropriation des habitats traditionnels au bénéfice des multinationales. Ensuite sont arrivés les cavaliers de l’apocalypse : guerres, famines, épidémies et le crime organisé associé aux élites, aux banques et aux gouvernements vassaux de l’empire.

Bien sûr, il y a les organisations terroristes dont la plupart sont financés par nos alliés et organisés par les services secrets américains qui jouent aux pyromanes pendant que les médias nous montrent qu’un seul coté de la médaille, toujours le même, celui où l’Occident oublie de se remettre en question. C’est sans doute ici que se situe la brèche caractéristique de cette fin d’époque, une civilisation autiste qui refuse de se remettre en cause et qui a perdu tout sens critique.

La hausse du niveau des mers et la désertification produiront 250 millions de réfugiés climatiques au cours des 30 prochaines années. Il faudra bien les accueillir quelque part et cela s’adonne que le Canada est le pays le moins peuplé de la planète. Alors autant s’habitué à faire de la place aux nouveaux voisins si l’on souhaite que tout se passe de manière civilisée. Ne pas être accueillant quand toute l’humanité est en péril, c’est cesser d’être humain. Pendant qu’ici rien ne semble nous atteindre, une rivière souterraine sape les fondements de ce que nous croyons être une civilisation. Notre paix et notre prospérité sont construites sur un champ de ruines. Seule la compassion a le pouvoir de nous sauver.

Yves Carrier


Spiritualité et citoyenneté,

par Robert Lapointe

LAICITÉ, QUAND TU NOUS TIENS
En premier lieu, évitons de la qualifier, car nous en diminuons le sens, la déqualifions. Une laïcité ouverte? Y en aurait-il une qui soit fermée? Ou tolérante, intolérante? Molle? Dure? Inclusive?…

Tentons plutôt de la définir. D’abord ce qu’elle n’est pas. Ni athéisme, ni anticléricalisme. Évitons l’amalgame et l’insulte. D’ailleurs, beaucoup de religieux sont en sa faveur. Elle est essentiellement séparation de l’Église et de l’État élevée comme principe citoyen, principe de droit politique, qui implique que l’État est indépendant de toute ingérence religieuse, et qu’il en est de même pour l’Église eu égard à l’ingérence politique.

Trois principes fondamentaux permettent de donner à la laïcité sa force intégratrice de la société civile. Soulignons en passant que le mot laïc provient du grec laos qui désigne l’unité indivisible du peuple.

Premier principe : liberté de conscience, dont la liberté religieuse découle, mais aussi d’être athée. Et la liberté de conscience induit la liberté d’expression, de prosélytisme, de critique.

Second principe : stricte égalité des droits entre tous les citoyens et citoyennes peu importe leurs options spirituelles ou leur absence d’options, ce qui est éminemment personnel.

Dernier principe : l’intérêt général qui amène l’État à viser le bien commun. Déjà, au Moyen-Âge, saint Thomas d’Aquin, qui inspira la doctrine officielle de l’Église, considérait que la société civile avait une finalité différente de celle de l’Église, à savoir le bien commun versus le salut des âmes.

Si la séparation de l’Église et de l’État est promue dans ces principes de laïcité, celle-ci peut envisager d’évite l’emprise de toute idéologie séculière ou communautariste. L’État ne peut être marxiste-léniniste, néolibéral, corporatiste, féministe, écologiste. L’État de droit se doit de rechercher le bien commun conformément à la volonté de la société civile. Le politique peut s’inspirer de ce qu’ont apporté les différentes doctrines ou religions, mais ne peut laisser le pouvoir à aucune d’entre elles. La fonction du politique est de rechercher des solutions aux problèmes et aux conflits qui se produisent en société.
Robert Lapointe, largement inspiré du Dictionnaire amoureux de la laïcité, Henri Pena-Ruiz, Plon, 2014.

Banalités indigestes sur le fascisme (Anne Archet dans L’Idiot utile, suite)
11- Le fascisme ne peut pas être accepté comme il se présente, selon ses apparences; il est toujours l’expression de quelque chose d’autre.

12- Le fascisme est un symptôme d’une fatalité, mais n’est pas sa propre source; son pouvoir dérive d’un autre endroit, d’autres traumatismes, d’autres ruptures.

13- Le fascisme est apparu dans l’histoire au moment où ses références idéologiques disparaissaient; il est le catalyseur de changements qu’il ne nomme jamais.

 


Venezuela et Haïti

La politique canadienne à l’égard du Venezuela et d’Haïti révèle une hypocrisie ignorée par les médias.

19-02-2019: Traduction d’un texte de Yves Engler, Échec à la guerre

Si les médias traditionnels voulaient sérieusement obliger le gouvernement canadien à rendre des comptes concernant ses décisions en matière de politique étrangère, ils pourraient facilement s’appuyer sur de nombreuses histoires soulignant l’hypocrisie de la réaction d’Ottawa face aux récents développements politiques en Haïti et au Venezuela.

Au lieu de cela, le silence. Ou pire, les encouragements. Le Venezuela est une société profondément divisée. Près d’un quart des Vénézuélien-ne-s réclament la destitution du président par (presque) tous les moyens. La même proportion soutient Nicolas Maduro. La plus grande partie de la population oscille entre ces deux pôles, bien qu’elle privilégie généralement le président aux forces d’opposition qui approuvent les sanctions économiques et une éventuelle invasion.

On peut adresser de nombreuses critiques légitimes à l’égard de Maduro, y compris sur sa « bonne foi » électorale après le sabordage d’un référendum révocatoire présidentiel et l’usurpation, par l’Assemblée constituante, du pouvoir de l’Assemblée nationale dominée par l’opposition. Ajoutons cependant que la légitimité démocratique de nombreux acteurs de l’opposition est encore plus douteuse. Mais l’élection présidentielle de mai dernier démontre que Maduro et son parti, le PSUV, continuent de bénéficier d’un soutien considérable. Malgré le boycottage de l’opposition, le taux de participation a dépassé 40 %. De fait, Maduro a obtenu une plus forte proportion du vote global que celle recueillie par les dirigeants des États-Unis, du Canada et d’ailleurs.

De plus, le Venezuela dispose d’un système électoral efficace et transparent — « le meilleur au monde » a déclaré Jimmy Carter en 2012 — et c’est le gouvernement qui a sollicité davantage d’observateurs électoraux internationaux. Contrairement au Venezuela, Haïti n’est pas divisé. En gros, tout le monde veut que l’actuel « président » parte. Alors que les bidonvilles le crient haut et fort depuis des mois, des pans importants de l’establishment (Reginald Boulos, Youri Latortue, la Chambre de commerce, etc.) tournent maintenant le dos à Jovenel Moïse. Même si les sondages fiables sont limités, il est permis de penser que 9 Haïtien-ne-s sur 10 souhaitent le départ immédiat du président Moïse. Plusieurs sont fermement déterminés à cet égard, ce qui explique que les zones urbaines du pays sont en grande partie paralysées depuis le 7 février.

Afin d’étouffer les protestations, les forces gouvernementales et leurs alliés ont tué des dizaines de personnes au cours des derniers mois. Si l’on y ajoute le terrible massacre perpétré du 11 au 13 novembre dans le quartier La Saline de Port-au-Prince rapporté, ce nombre dépasse largement la centaine.

Quelle a donc été la réaction d’Ottawa aux manifestations populaires en Haïti? Y a-t-il eu une déclaration d’Affaires mondiales Canada appuyant la volonté du peuple?

Le Canada a-t-il mis sur pied une coalition régionale pour écarter le président? Le premier ministre du Canada a-t-il téléphoné à d’autres dirigeants internationaux pour leur demander de se joindre à lui en vue d’écarter le président d’Haïti? Ces pays ont-ils fait une annonce d’aide majeure visant à provoquer un changement de régime? Ont-ils demandé à la Cour pénale internationale d’enquêter sur le gouvernement haïtien? Justin Trudeau a-t-il qualifié le président haïtien de « dictateur brutal » ?

En fait, c’est exactement le contraire de ce qui se passe au Venezuela. Si le président haïtien est encore en poste, c’est seulement en raison du soutien du soi-disant « Core Group » des « Amis d’Haïti ». Ce noyau dur est composé des ambassadeurs du Canada, de France, du Brésil, d’Allemagne et des É-U, ainsi que de représentants de l’Espagne, de l’UE et de l’OEA. Le « Core Group » a publié la semaine dernière une déclaration « saluant le professionnalisme dont a fait preuve la Police Nationale d’Haïti dans son ensemble ».

La déclaration teintée de condescendance réitère « le constat que dans une démocratie, le changement doit se faire par les urnes, et non par la violence ». Précédemment, la réaction du « Core Group » aux manifestations populaires fut d’appuyer encore plus vigoureusement ce gouvernement impopulaire.

Même avant les récentes protestations, la prétention du président à la légitimité était mince comme du papier de soie. Jovenel Moïse a accédé à ce poste en empêchant des gens de voter et en commettant des fraudes électorales. Le taux de participation n’a atteint que 18 %. Son prédécesseur et parrain, Michel Martelly, n’avait tenu des élections qu’après d’importantes manifestations. À l’époque, Martelly avait pris le pouvoir avec quelque 16 % des voix, l’élection ayant été largement boycottée. Après le premier tour, les représentants étatsuniens et canadiens avaient fait pression sur le Conseil électoral pour qu’au second tour, le candidat qui occupait la deuxième place, Jude Célestin, soit remplacé par Martelly.

Bien que les médias traditionnels en parlent très peu, les récentes manifestations en Haïti sont liées au Venezuela. Les manifestant-e-s revendiquent principalement une reddition de comptes concernant les milliards de dollars détournés de Petrocaribe, un programme pétrolier à prix réduit mis en place par le Venezuela, en 2006. Au cours de l’été, des manifestations ont forcé le premier ministre de l’équipe Moïse à démissionner alors qu’il essayait d’éliminer les subventions sur le carburant; et depuis, les appels au départ du président n’ont cessé de grandir. Pour ajouter à l’écœurement populaire à l’égard de Moïse, son gouvernement a cédé aux pressions du Canada et des États-Unis en votant contre le Venezuela à l’OEA, le mois dernier.

Comme je l’ai expliqué en détail, il y a 10 semaines, dans un article intitulé « Le Canada appuie le gouvernement haïtien, même lorsque la police tue des manifestants », Ottawa a fourni d’innombrables manifestations de soutien au gouvernement impopulaire de Moïse. Depuis, Justin Trudeau a eu une « rencontre très productive » avec le Premier ministre haïtien Jean Henry Céant. De son côté, la ministre du Développement international, Marie-Claude Bibeau, a déclaré vouloir « venir en aide » au gouvernement haïtien, et Affaires mondiales Canada a publié un communiqué déclarant que « les actes de violence de nature politique n’ont pas leur place dans le processus démocratique ». Le gouvernement Trudeau a fourni diverses formes de soutien à la police répressive qui maintient Moïse en place.

Depuis que les libéraux de Paul Martin ont joué un rôle important dans l’éviction violente du gouvernement de Jean-Bertrand Aristide en 2004, le Canada a financé, formé et supervisé la Police nationale haïtienne. Tout comme cela s’était passé la nuit où Aristide a été expulsé du pays par les Marines étatsuniens, des troupes canadiennes ont récemment été photographiées en train de patrouiller l’aéroport de Port-au-Prince.

À l’instar d’Ottawa, les médias traditionnels ont minimisé l’ampleur des récentes manifestations et de la répression en Haïti. Il y a eu peu de reportages (ou pas du tout?) concernant des manifestants risquant leur vie au nom de la liberté et du bien commun. Les médias ont plutôt mis l’accent sur les difficultés rencontrées par un petit nombre de touristes, de missionnaires et de travailleurs humanitaires canadiens. Alors que ce pays de 12 millions d’habitants, depuis longtemps appauvri, vit une situation politique critique, les médias racistes/nationalistes du Canada couvrent fébrilement la situation « désespérée » de Canucks coincés dans un complexe touristique tout compris!

L’incroyable hypocrisie de la réaction d’Ottawa aux récents développements politiques en Haïti et au Venezuela est une honte. Comment se fait-il qu’aucun grand média n’ose faire la lumière sur cette politique de deux poids, deux mesures?

Traduction : Claire Lapointe; révision : Échec à la guerre


Les rencontres Gabrielle-Lachance, Québec, 16 mars 2019

Il y a quelques années, Stéphane Hessel, à un âge très avancé, publiait un petit livre intitulé : « Indignez-vous! » où il appelait les jeunes générations à sortir de leur torpeur et à refuser de vivre dans le cynisme et le fatalisme, à s’engager à la transformation du monde au risque de briser certaines conventions stériles. Il nous demandait de prendre le risque de nous engager, de donner un sens à nos vies en refusant l’injustice des systèmes et une légalité souvent illégitime. Devant la menace des changements climatiques et la domination des sphères de pouvoir ( ) incapables d’aborder le monde autrement que dans le sens de leurs intérêts, Hessel nous convoquait à un sursaut du cœur et de l’âme pour échapper à une logique mortifère et affairiste.

Gabrielle Lachance a été directrice générale de Développement et Paix de 1988 à 1996. Tout au long de sa carrière, puis de son implication à Québec lorsqu’elle fut retraitée, elle a su marquer les gens qui ont croisée sa route par sa détermination et sa persévérance au service des plus humbles de ce monde. Même si le combat contre la pauvreté à l’échelle internationale semble une lutte sans fin dont les résultats peuvent paraître décevants, une tâche sans fin toujours à recommencer, Gabrielle n’était pas de celles qui abandonnent et qui ne s’engagent qu’avec la certitude de gagner. Sa soif de justice sociale et son amour des humbles alimentaient son combat pour un monde solidaire où les peuples nantis n’abandonnent pas à leur sort leurs frères et sœurs en humanité. Capable de s’émouvoir, Gabrielle s’identifiait à cette humanité souffrante qu’elle souhaitait accompagner bien au-delà des gestes de charité qui donnent bonne conscience. Son engagement était conscient, sérieux, méticuleux, il était porté par un souffle intérieur.

Gabrielle Lachance était croyante, elle situait son engagement en continuité avec ce mystère qui l’habitait et la reliait aux autres. C’est ce qu’elle appelait sa spiritualité de l’engagement : « Une lumière qui éclaire la voie à suivre, une force qui soutient dans l’adversité et une sagesse qui indique le chemin de la paix ».

Yves Carrier

Gabrielle Lachance avec l’ex-premier ministre Joe Clark et le président Nelson Mandela d’Afrique du Sud lors d’une visite au Canada


 

Bernadette Dubuc, hommage du 16 mars 2019, lors des Rencontres Gabrielle-Lachance.

Paul-Yvon Blanchette, 16 mars 2019

Bernadette Dubuc est née en 1938, dans la région de Drummondville; elle est donc jeune de 4 fois 20 ans. Elle est tombée dans le Voir, Juger et Agir de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne à l’âge de 16 ans et a adopté instantanément la devise de la JOC : « La vie d’un jeune travailleur, d’une jeune travailleuse vaut plus que tout l’or du monde, car il/elle est fils/fille de Dieu »; nous ajoutons «… à cause de sa destinée terrestre et éternelle. »Les rumeurs disent que le père spirituel de Bernadette se nomme Mgr Joseph Cardijn, fondateur de la JOC en Belgique en l’an 1925.
Bernadette fut membre d’une équipe, responsable régionale, nationale et ensuite s’est portée volontaire pour répandre la JOC en Algérie pendant 8 ans. C’est là qu’elle a rencontré son mari Yvon, agronome, qui agissait comme directeur régional de SUCO dans 4 pays africains. Leur mariage fut célébré au Québec en 1972. Leurs 3 enfants sont nés en Afrique (Algérie et Rwanda). Bernadette et Yvon sont devenus grands-parents 5 fois.
De retour au pays, elle demeure membre d’équipes de base au MTC. Elle fut permanente régionale et nationale du MTC-Québec et secrétaire générale du Mouvement Mondial des Travailleurs Chrétiens (MMTC) au début du nouveau millénaire à Bruxelles en Belgique.

Depuis son retour au pays, elle est retraitée, mais très occupée au Carrefour Cardijn, 435, rue du Roi, au Centre Ville de Québec. Dans un environnement ouvert qui lui va bien : gérance de la maison avec le Conseil d’administration et le CAPMO, location des locaux, accompagnement de la JOC et de la JEC, activités régulières et participation à de nombreuses coalitions d’organismes populaires, communautaires et syndicales…

La maladie ne semble pas affecter notre Bernadette. Son feu ne tarit pas. Voici quelques exemples :

Volontariat pour faire connaître l’Action Catholique.
Formation sur la révision de vie : le voir, le juger et l’agir : surtout l’agir; participer à une réunion n’est pas une action, mais convaincre le groupe de poser une action, voilà une action aux yeux de Bernadette. Mettre les gens en mouvement a constitué son leitmotiv.
Vouloir traduire la solidarité de l’Église et de la société en participant à un lot de manifestations, beau temps, mauvais temps.

Nous vivons dans un monde de désespérance, mais pas Bernadette. Comme une personne dont on ne se méfie pas, elle peut solutionner toutes sortes de situations que nous pensons sans issue. Elle a vécu l’Afrique; alors, tout peut se solutionner à bas prix.

Elle fraie dans une quantité de groupes qui ne partagent pas le Credo Chrétien : syndicats, LGBT, politiques… mais ils apprécient Bernadette. Parce que les gens apprécient la sœur, la mère, la grand-mère et j’ai même pensé la belle-mère. Comme elle doit porter des prothèses auditives, je souhaite qu’elle n’ait pas entendu le dernier qualificatif.

Le but visé est de toujours traduire sur la place publique les convictions que nous partageons avec d’autres et d’obtenir de la part des élus des gestes en faveur du bien commun. Par la force de la présence et d’action des chrétiens dans la cité, nous voulons traduire ensemble la préoccupation ecclésiale pour le peuple de la rue qui constitue en même temps le peuple que Dieu aime tendrement, parce qu’il l’a créé à son image. C’est ainsi qu’elle a occupé un volet dans le Congrès Eucharistique de Québec en 2008, soit traduire la présence du monde ouvrier et communautaire dans l’Église.

Bernadette est une adepte de l’enseignement social de l’Église. À croire que l’Encyclique Mater et Magistra a été écrite par elle : à la fois mère et enseignante. « Le christianisme, en effet, rejoint la terre au ciel, en tant qu’il prend l’être humain dans sa réalité concrète, esprit et matière, intelligence et volonté, et l’invite à élever sa pensée des conditions changeantes de la vie terrestre vers les cimes de la vie éternelle, dans un accomplissement sans fin de bonheur et de paix. » Jean XXIII, mai 1961.

Il faut féliciter Bernadette Dubuc d’être aussi allumée et de carburer aussi fort. Beaucoup de membres de Mouvements et d’organismes lui doivent attention, conseils, encouragement et coups de main opportuns. Nous dirons plus fort encore: beaucoup de gens lui doivent d’avoir trouvé un sens à leur existence et se sont engagés.

Également, il faut remercier son mari Yvon d’être aussi allumé et aussi coopérant volontaire dans les activités de son épouse; nous pouvons lire Yvon dans l’Opinion du lecteur du Soleil périodiquement. À la fin, sincèrement, il faut bien dire merci à tous les deux. Et un grand merci aux groupes organisateurs de la journée!

Postcriptum :


 Un membre du CA du CAPMO reçoit le prix Gabrielle-Lachance

Québec, 16 mars 2019

 

Éric Lapointe

J’aimerais vous présenter mon ami Éric Lapointe qui est le trésorier du CAPMO depuis deux ans maintenant. Éric est atteint d’une déficience motrice cérébrale depuis sa naissance. En raison de sa condition physique, il a le statut de contrainte sévère à l’emploi ce qui l’oblige à vire avec pour seul revenu les prestations d’emploi et de solidarité sociale.

Éric est impliqué dans sa communauté depuis plusieurs années. Il vit dans un logement social depuis 10 ans où il s’implique sur le comité des locataires. Il participe aux discussions sur la pauvreté au sein de plusieurs organismes de la région. Il siège sur le conseil d’administration de la CDEC de Québec, corporation de développement économique communautaire.

Pendant quatre ans il a été sur le conseil d’administration du CAPVISH, comité d’action des personnes vivant des situations de handicap. Éric est un membre actif du CAPVISH depuis 17 ans.
Il est également membre du Carrefour familial des personnes handicapées.

Il participe au groupe de mobilisation « Ensemble pour agir sur les préjugés », piloté par Centraide Québec, au Comité sur la sécurité alimentaire à Limoilou et il est également membre du conseil d’administration de l’ADDSQM, association pour la défense des droits sociaux du Québec métropolitain.
Il a aussi participé au conseil d’administration de :
Comité des bénévoles de l’IRDPQ, pendant 9 ans
Comité des usagers de l’IRDPQ, pendant 4 ans
Épilepsie Québec, pendant 2 ans
Il a participé aux travaux du Comité consultatif du gouvernement fédéral sur la réduction de la pauvreté en 2017-2018.

Depuis septembre 2018, il siège au conseil d’administration « D’un toit en réserve » et il est représentant du CLAP 03 du Collectif pour un Québec sans pauvreté.

Son engagement est beaucoup en lien avec la défense des droits des personnes et les inégalités sociales.
C’est pour l’ensemble de son implication bénévole et militant au cours des 20 dernières années que le conseil d’administration du CAPMO a choisi de remercier Éric Lapointe.

En observant l’implication d’Éric au cours des dernières années, j’ai constaté son évolution constante et son désir de s’impliquer partout où il est capable de le faire. C’est pourquoi Éric est un exemple d’engagement au service des autres pour tous ceux et celles qui le côtoient.

Bravo Éric.

Yves Carrier


L’inévitable déclin stratégique des États-Unis

Sergio Rodríguez Gelfenstein, Politika, 24 mars 2019

Les empires ne tombent pas sans provoquer une succession de désastres. Perse, Rome et le IIIe Reich sont des exemples. Maintenant on entend un sifflement, un grondement lointain : c’est le commencement de la chute de l’Empire du Nord qui ne s’en ira pas sans avoir versé des torrents de sang…

Il y a quelques jours, quelqu’un me demandait si l’agressivité extrême des États-Unis qui maintient à vif le système international, était une expression de force ou de faiblesse de la puissance impériale. À ce propos, il affirmait que la réponse à une telle question jetterait de la lumière sur les scénarios futurs auxquels nous pourrions nous attendre.

L’histoire enseigne que le processus de décadence et de chute des grands empires qui ont existé à travers l’histoire conservent certaines similitudes indépendamment de l’époque où elles se sont produites, la phase de développement de l’humanité où elles eurent lieu et le degré d’avancement technologique existant au moment où s’est amorcé leur déclin définitif après avoir traversé de longues périodes d’apogées qui laissaient supposer leur éternelle hégémonie.

Dans la modernité, un tel développement est magnifié par l’action des puissants moyens de transmission des nouvelles qui sont capables de fabriquer des circonstances, des contextes et des situations, qui entraînent des réalités émanant de la fiction, à tel point que l’Académie espagnole de la langue a accepté comme valide un nouveau mot pour le décrier: « post vérité » qui est définie comme une distorsion préconçue de la réalité, ayant pour objectif d’implanter et de modeler l’opinion publique afin d’exercer une influence sur les décisions que la citoyenneté prend en matière politique et sociale, dans des conditions telles que les faits objectifs perdent leur prédominance chaque fois que les émotions et les croyances personnelles peuvent être configurées à travers les médias de masse.

Ceux-ci prétendraient étendre aux sciences sociales un principe de la physique quantique qui établit qu’il est possible que deux personnes peuvent obtenir des résultats antagoniques en observant la même réalité, d’où on conclut qu’il est possible que coexiste plus d’une réalité en observant un même phénomène. Ce fondement permet aux moyens d’informations de construire leurs propres réalités et aussi de transformer des mensonges en vérité à travers la manipulation de la psyché des individus. Peu importe que soit démontré après coup la fausseté de l’information diffusée, le cerveau humain aura déjà gravé la première information erronée, sachant que des études ont démontré que les démentis — s’ils sont faits — apparaissent insignifiants devant la force avec laquelle a été diffusé un événement qui n’a pas nécessairement eu lieu. Le dommage est fait.
Comme l’affirme le sociologue espagnol Miodrag Borges, expert en neuro-marketing, neuro-politique et communication … « à partir de 2012, le neuro-marketing est devenu la base des études politiques en ce qui a trait aux stratégies de campagne ». Borges cite le docteur Matthew Sauvage de l’Université de Georges Washington de la capitale américaine qui a rédigé une thèse de doctorat sur le neuro-marketing politique dans laquelle il mentionne que les campagnes politiques dépendent de données et d’informations précises sur les électeurs, incluant leurs goûts et intérêts. Il est connu que de cette manière, il est possible de mieux saisir le public et d’organiser des stratégies gagnantes.

Dans ces conditions, le neuro-marketing se convertit en un instrument de valeur superlatif parce qu’il « permet d’ajouter une couche supplémentaire d’information pour analyser des aspects tels que la préparation des publicités ou des discours. Au lieu de demander à quelqu’un ce qu’il pense d’un candidat ou d’un publicité en utilisant un groupe témoin, on mesure comment réagit son cerveau de sorte qu’il est possible d’accéder directement à ses idées, à propos de ses réactions émotionnelles devant un candidat ».

Actuellement, des notions comme le succès du capitalisme, l’invincibilité des États-Unis, sa supériorité scientifique et technologique, les conditions de vie optimum de sa société, l’impérieuse nécessité d’adopter ses usages, ses coutumes, ses habitudes et ses goûts, son hégémonie militaire, la prédominance de sa culture, de ses valeurs et principes et la prééminence de son système politique laissent supposer à une bonne partie de l’humanité que le triomphe de la puissance américaine est irréversible et éternel et qu’il n’existe pas d’alternative valide pour construire un monde meilleur.

Ces idées ont été semées pendant des années dans l’esprit des citoyens, sans qu’il n’y ait la moindre perception de cela, c’est pourquoi il est difficile de réagir parce qu’ils croient simplement que « cela est ainsi » et qu’ils n’ont pas la possibilité de modifier cette perception du monde qu’ils ont acquise.

Le problème pour les États-Unis, c’est que cela a commencé à changer alors que pointe à l’horizon une certaine supériorité économique, scientifique, technologique et militaire de la Chine et de la Russie, ce qui configure l’axe principal du conflit global actuel. La transe générée par les États-Unis contre l’entreprise Huawei est l’expression la plus récente et révélatrice de cette situation.

Au-delà de la sensation de victoire que l’on prétend démontrer, le capitalisme ne peut s’attribuer des succès qui avalisent une telle situation. Dans le monde d’aujourd’hui, 821 millions de citoyens sont affamés, c’est-à-dire 12,9% de la population mondiale, 1 100 millions vivent dans des conditions de pauvreté extrême et 2 800 millions en situation de pauvreté, 14,5% et 36,8% de la population mondiale respectivement. La nutrition déficiente est la cause de la mort de 45% des enfants de moins de 5 ans, 3,1 millions d’enfants meurent annuellement à cause de cela, 8 500 par jour, dans les pays sous-développés et 66 millions d’enfants vont à l’école le ventre vide. Selon l’UNICEF, 3 milliards 200 millions de dollars par année seraient nécessaires pour résoudre ce problème, un peu moins que ce que coûte un destructeur, des 64 que possèdent l’armée américaine afin de répandre la mort dans le monde.

De même, 2,1 milliards de personnes n’ont pas accès à de l’eau potable et 4 milliards (plus de la moitié de la population mondiale) manque d’installation sanitaires selon l’OMS et l’UNICEF. 264 millions d’enfants n’assistent pas à l’école. Toutes ces chiffres ne tiennent pas compte que selon l’Unesco, dans le monde, environ 350 millions de personnes ne sont pas enregistrées et n’existent pas légalement. C’est-à-dire qu’ils ne font pas parti des statistiques. Peut-on alors considérer que le système économique qui régit la planète est juste ? Qu’il est un succès qui doit être soutenu et étendu lorsqu’on sait qu’existent sur la planète toutes les ressources nécessaires afin que tous les habitants du globe voient leurs besoins de base satisfaits et leur avenir inscrit dans les idéaux que l’humanité a tracés pour tous, non seulement pour une minorité.

Toutefois, lorsqu’on observe les dépenses militaires des États-Unis, il est facile de conclure que la solution des problèmes de l’humanité n’est pas dans leur intérêt. Il y a à peine quelques jours, le président Trump a envoyé à la Chambre des représentants le budget pour l’année 2020. Dans cette proposition, la Maison Blanche demande d’abaisser de 5% le niveau général des dépenses publiques non reliées à la défense, au-dessous des dépenses fédérales actuelles, une réduction de 30 milliards de dollars. En même temps, il demande que le budget des dépenses militaires soit augmenté de 4,7% à 750 milliards de dollars, en comparaison avec les 716 milliards de dollars actuels. Il est évident que les États-Unis prétendent sortir de la crise au moyen de la guerre, de l’agression et du conflit, on peut en déduire que sa voracité impériale augmentera encore plus au cours des prochaines années. À chaque fois les coupes dans ce budget inclut les dépenses du Département d’État. Des généraux retraités tels que David Petraeus, Anthony Zinni et l’amiral James Stavridis, considèrent que mettre l’emphase sur le Département de la Défense et sous-estimer le travail du Département d’État (la diplomatie), « porte atteinte à la sécurité et au leadership des États-Unis dans le monde ». Ils ajoutent que les militaires ne peuvent garantir la sécurité du pays, c’est pourquoi ils ont fait appel au Congrès pour protéger le financement du Département d’État.

Évidemment, ils n’ont fait aucune allusion aux coupures dans les domaines de la santé et de l’éducation ni dans la coopération internationale, sujets qui ne sont pas dans leurs intérêts.

Néanmoins, en termes économiques l’idée que les États-Unis peuvent surmonter leur crise économique n’est rien d’autre qu’une chimère, avec toutes les répercussions que cela a pour la stabilité du système international: estimer que l’économie des États-Unis puisse se rétablir à moyen terme semble assez incertain.

Dans l’immédiat, il faut rappeler que durant sa campagne électorale, Trump a promis qu’il éliminerait la dette interne avant de compléter son mandat à la tête de l’administration de la nation, mais la proposition de budget qu’il vient de déposer devant le Congrès suppose que la dette nationale augmentera de 31 billions en 10 ans et qu’elle accroîtra le déficit fiscal à 1 100 milliards de dollars au cours de la prochaine année. Le temps que cela prendrait pour équilibrer les comptes renvoie à l’année 2034 si nous supposons que l’économie peut croître plus rapidement que ce que la majorité des économistes anticipent.

En ce sens, il vaut la peine de dire que comme nous le rappelle Armando Negrete, académicien de l’Institut de recherches économiques de la UNAM à Mexico, l’économie étatsunienne manifeste une tendance à la baisse dans le rythme de sa croissance depuis les années 1970. Le chercheur mexicain explique qu’en 1984, l’économie américaine augmenta au rythme de 6%, mais ce fut la dernière fois qu’elle le fit, sans pouvoir soutenir ce rythme une seule année de plus. Au contraire, depuis 1980, quand les marchés furent libéralisés, son PIB par capita augmenta de 1,61% annuellement et à peine de 0,6% depuis la crise de 2007. Cela veut dire que pendant cette même période de 40 ans, la Chine augmenta son économie à un rythme annuel moyen de 9,6%.

Depuis 1980, le solde commercial des États-Unis a été déficitaire de façon croissante, surtout parce que devant le processus de dérégulation des marchés, d’ouverture commerciale et d’accroissement des finances internationales, les grandes entreprises transnationales américaines ont choisi de développer un grand cycle de connexion productive dans lequel les États-Unis jouaient simplement le rôle de consommateur final. Ainsi, Ils engendrèrent une dynamique de surconsommation de biens qu’ils ne produisent pas, parce que leurs importations sont bien plus nombreuses que leurs exportations, érigeant un marché interne où la demande est bien moindre que l’offre. Tout cela a conduit à un grand déficit de leur balance commerciale à laquelle Trump a trouvé de fausses explications en prétendant résoudre le problème avec des sanctions et des augmentations de frais de douane. Cependant, à la fermeture de 2018, après une année de guerre commerciale avec la Chine, le déficit commercial des États-Unis a augmenté alors que les consommateurs durent payer 4,4 milliards de dollars en raison de l’augmentation des tarifs douaniers exigés à la Chine, Ceci rend évident le fait qu’ils ne sont pas en train de gagner cette guerre.

À ce propos, Negrete affirme que la dynamique entreprise par les États-Unis:
“… de délocaliser la production américaine vers des pays ayant de meilleurs taux de productivité et de moindres coûts, engendra un appareil interne industriel/productif moins compétitif et provoqua une chute soutenue dans la productivité du travail manufacturier.

À l’opposé, la Chine, au moyen de sa politique d’ouverture commerciale planifiée et l’établissement de zones franches industrielles depuis 1980, attira ces chaînes productives manufacturières vers ses côtes et elle fit la promotion de leur intégration au marché mondial depuis la sphère de la production industrielle avec des capitaux essentiellement américains, mais aussi européens”.

Ce diagnostique peut jeter certaines lumières sur la crise actuelle et la situation objective des États-Unis pour tenter d’aller de l’avant, ce qui — avec le passage du temps — devient de plus en plus improbable alors que son rôle comme puissance hégémonique est entré en déclin. Chose certaine, la crise de son économie est structurelle et une faible croissance, à laquelle s’ajoute une profonde crise politique et morale, oblige le système à chercher quelqu’un qui vient de l’extérieur de la classe politique pour les sauver après l’épuisement des solutions en provenance des marges de l’establishment. Le recours de Trump à des secteurs si arriérés et rétrogrades, cherchant dans le fascisme des solutions à leurs problèmes, démontre une voie qui illustre probablement la réalité qui émane des twitters présidentiels comme s’il s’agissait d’une vérité absolue. Dans les faits, cela demeure éloignée d’une authenticité qui permettrait de sortir de la crise même si les médias disent le contraire.

Ainsi, comme Hitler puisa dans l’esprit revanchard des Allemands pour sortir l’Allemagne du marasme de la crise économique de la troisième décade du 20ème siècle et de l’humiliation de la défaite de la Première guerre mondiale, aujourd’hui la structure du pouvoir réel aux États-Unis a trouvé Trump pour les sauver de l’inertie de l’échec du pouvoir unipolaire de la post Guerre froide et de l’échec de sa politique économique des 40 dernières années. Tout cela conduit à la fin de l’hégémonie qu’ils ont soutenu au cours des 120 dernières années.

Traduit de l’espagnol par Yves Carrier


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