Ça roule au CAPMO – avril 2018

Ça roule au CAPMO, avril 2018, année , numéro 08

version pdf

Échapper à l’homogénité

Partir des savoirs populaires, du vécu et de l’expertise des gens, en accompagnant leurs questionnements, leurs réflexions, en laissant place à leur subjectivité, leurs émotions, leur indignation et leur espoir, c’est, comme disait Erich Fromm à Paulo Freire : « effectuer une espèce de psychanalyse historico-socioculturelle et politique ».

Cette pratique permet d’apprendre de la pluralité des points de vue et d’échapper à l’enfermement de la pensée, à l’homogénéité de genre, de classe, de culture, d’éducation ou d’idéologie. On y apprend que la recherche du consensus n’est pas l’unanimité des formes comme s’il n’y avait qu’une manière d’être en conformité avec la norme sociale. L’identité étant une construction en mutation permanente, il faut refuser les fixations identitaires.

La pensée occidentale ou l’American way of life, ne sont que des identités empruntées à l’idéologie dominante, un miroir déformant conditionnant nos aspirations et nos rêves. La loi même, si on n’y prend garde, devient rapidement l’échafaud de l’intolérance ou du plus pure cynisme. La diversité est un enrichissement qui nous propulse sur la voie du devenir commun en tension permanente vers ce qui advient pour l’imaginer, le créer, le construire ou le transformer. Celui qui se sent inclus, prend part à l’effort solidaire, il sourit à la vie et s’épanouit en toute confiance. Si nécessité fait loi, l’accueil sera notre raison d’être pour réapprendre cette humanité commune sur cette terre que nous empruntons à nos enfants.

Cette ère nouvelle de l’histoire de l’humanité voit émerger une race cosmique, polyglotte et plurinationale, unie dans la reconstruction des milieux naturels et l’apprentissage d’un nouvel art de vivre fondé sur des valeurs universelles et le respect de tous et de toutes. Cette humanité nouvelle se fera concurrence par l’originalité et la vitalité de ses projets de société inspirés, non dommageables à l’environnement et où l’appât du gain ne sera plus la mesure de toute chose. « L’espoir est une nécessité ontologique, dit Freire. Il s’enracine dans l’engagement, mais il doit aussi être éduqué sur les possibilités du réel et les inédits possibles. »

La diversité des points de vue nous permet de nous situer à la place de l’autre, de considérer ses intérêts et ses préoccupations, de nous désaliéner des peurs et des préjugés, de nous décoloniser de ce sentiment de supériorité et d’arrogance, de cette fausse identité qui n’est que désir de domination et insécurité intérieure, pour laisser advenir l’être humain authentique.

Comme l’explique Freire dans Pédagogie de l’espoir : « La formation de la classe ouvrière, dans une perspective progressiste postmoderne, démocratique, lui reconnait le droit de savoir comment fonctionne la société, de connaître ses droits, ses devoirs, l’histoire de la classe ouvrière, le rôle des mouvements populaires dans la démocratisation de la société, l’histoire de son pays, sa géographie, sa langue, ou mieux encore, la compréhension critique du langage dans ses relations dialectiques entre la pensée et le monde, langages, idéologies, classes sociales et éducation. » Ceci afin de permettre l’avènement d’un projet historique original pour chaque peuple, dans le respect de ses aspirations les plus profondes, sans amnésie, aliénation ou contrôle extérieur.

Yves Carrier

 


 

Table des matières :

Spiritualité et citoyenneté
Salaires des médecins
Justice sociale
Lettre de Noam Chomsky
Joute électorale en A.L.
Contre le racisme
Les martyrs d’aujourd’hui
Calendrier

 


 

  En haut

Spiritualité et citoyenneté

CRUCIFIÉS, CRUCIFIANTS, QUELLE ESPÉRANCE AVONS-NOUS ?

par Robert Lapointe

Il faut que nous vivions de cette espérance, sinon nous mourrons avant même notre mort physique.

Crucifiés, crucifiants, signifiés, signifiants, nous sommes renvoyés à des questions de sens, de directions, de significations, de sensations, de perceptions. La passion du crucifié nous interpelle, interpelle la civilisation occidentale et, maintenant, le monde entier.

Pour Karl Löwith, penseur juif allemand spécialiste de Hegel, l’Occident, historiquement, est pris dans un dilemme entre le Christ crucifié et l’humanisme, de Protagoras à Jean-Paul Sartre. George Gusdorf, qui a probablement lu Löwith, énumère les conflits entre foi et raison, muthos et logos, dans l’histoire. Nous vivons une de ces périodes. La précédente c’était la Renaissance et, avant, la petite Renaissance au Moyen Âge (époque de Thomas d’Aquin, du début des Croisades au petit âge glaciaire, de 1095 environ à 1350. Il y a eu aussi l’époque de Socrate et celle de Jésus.

Quel rôle jouons-nous dans cette histoire? Allons-nous dans le bon sens. Nous le croyons? C’est une question de foi…ou de raison? À quoi se fier? À notre conscience? Il y a différents niveaux de conscience. À notre quête de sens, de vérité? Mais les sources de la vérité sont infinies.

Ce que je crois c’est que Jésus et nombre d’autres sont venus pour faire un job, faire progresser l’humanité, et ce travail est à poursuivre.

BANALITÉS PARFAITEMENT INDIGESTES SUR LE FASCISME (suite)
6- Le fascisme est une des stratégies de mobilisation employées par l’État lorsqu’il prend en charge la reproduction sociale et devient le producteur principal de la force de travail.
7- Le fascisme est une des stratégies de mobilisation de l’être social lorsqu’il commence à perdre contact avec ce qui animait auparavant son existence.
8- Le fascisme est une des stratégies de mobilisation des individus possédés par le désir impétueux de se soumettre à la certitude des structures de commandement.
9- Le fascisme ne se distingue pas par son fétichisme de la race et du caractère national, parce que ces phénomènes n’existent pas; il se distingue par son fétichisme des représentations idéalisées de ces deux fictions.
10- Autrement dit, le fascisme n’est jamais authentique; il ne possède pas le langage de ce qui le motive – et donc ne le nomme jamais.
(extrait de L’Idiot utile, nov. 2017, Anne Archet)

 


 En haut

Salaires des médecins

Pourquoi les salaires des médecins ne passent plus

Dominique Boivert, Scotstown, 14 mars 2018

 

Il y a des tas de médecins dévoués, empathiques, compétents, bref, sympathiques. La série de capsules télévisuelles «Prendre soin de vous», préparée pour la Fédération des médecins omnipraticiens depuis 2016, en témoigne. La lettre touchante de la pédiatre-gastroentérologue de Sainte-Justine, Valérie Marchand (Le Devoir du 13 mars), aussi.

Le problème n’est pas dans les individus médecins; il est dans la profession médicale devenue une véritable caste. Si plusieurs médecins, généralistes ou spécialistes, éprouvent présentement un «désarroi» devant la déferlante de critiques négatives véhiculées dans les médias à la suite des spectaculaires augmentations salariales consenties par le gouvernement Couillard-Barette, ce ne sont pas eux qui sont visés personnellement, mais le corps médical dans son ensemble. Pourquoi?

Parce que les médecins dominent la société et le «système de santé» depuis des lustres. C’était vrai dans le Québec traditionnel, où médecins, avocats et notaires formaient, avec le curé, l’élite sociale de chaque village. C’était vrai quand ma compagne exerçait son métier d’infirmière (à partir des années 60) et recevait des remontrances quand elle n’était pas suffisamment au service des «docteurs». C’était vrai chaque fois que le Collège des médecins ou l’une de leurs Fédérations s’opposait à partager leurs «monopoles» de soins avec les sages-femmes, les super-infirmières ou les pharmaciens. Et c’est encore vrai alors qu’ils accaparent, en rémunération, plus du cinquième de l’ensemble du budget de la santé (qui lui-même compte pour près de 40% du budget total de l’État). Pas étonnant, alors, que les médecins forment à eux seuls près de la moitié du 1% les plus riches des Québécois!

Ce n’est d’ailleurs pas qu’une question de salaire. Alors que les quelques 21 000 médecins du Québec forment moins de 8% de l’ensemble du personnel du Réseau de la santé et des services sociaux, il suffit de mesurer l’influence respective des «docteurs» et du reste du personnel (infirmier, auxiliaires, cadres, autres professionnels, etc.) sur l’ensemble des politiques touchant notre «système de santé». Que ce soit dans les réformes de système (qui ne cessent de se succéder) ou la construction des Centres hospitaliers universitaires à Montréal ou à Québec. Il est évident, à l’œil nu, que l’influence médicale dépasse partout très largement leur importance numérique.

Pourquoi les salaires des médecins ne passent-ils plus dans notre société? Parce qu’au-delà des chiffres (à partir de quel montant une augmentation devient-elle déraisonnable, voire obscène en regard du reste de la société?), au-delà des considérations légales (les augmentations actuelles étaient des augmentations reportées), au-delà même de la qualité ou de la «valeur» des soins (les médecins travaillent fort, ont de grosses dettes d’études, sont les remparts de la vie et de la mort), les médecins ont historiquement exercé un monopole et une domination outrageuse dans la définition et la dispensation des soins de santé au Québec. En exerçant, au besoin, la menace de grève ou d’exode des ressources médicales à l’étranger pour imposer leurs vues… ou leurs revendications salariales.

Avec la conséquence, normale en raison de cette influence indue de la profession médicale, que notre système de santé n’est pas au service de la santé mais au service des soins, ce qui est bien différent, et infiniment plus coûteux pour la collectivité. Des soins excellents par ailleurs, et souvent à la fine pointe de la recherche ou de la technologie. Mais des soins qui ne sont guère de bons indicateurs de l’état de santé général d’une population donnée.

Nous vous aimons, hommes et femmes qui vous dévouez comme médecins généralistes ou spécialistes. Mais nous aimons moins la caste que vous formez, souvent à votre insu, absorbés que vous êtes dans vos nombreuses et longues tâches journalières. Caste que vous formez néanmoins, collectivement, et qui n’est pas une bonne chose pour le système de santé et de services sociaux dont nous avons besoin. Ni une bonne chose pour les finances publiques qui devraient servir d’abord à financer ce système nécessaire.

 

CHUM à Montréal

 


 En haut

Justice sociale

Des citoyennes et des citoyens réclament un budget axé sur la justice sociale

Québec, le 13 mars 2018 – Depuis 8h30 ce matin, des dizaines de citoyennes et de citoyens brandissent de grandes bannières au coin St-Jean/Honoré-Mercie pour exiger du gouvernement du Québec un budget axé sur la justice sociale. À l’appel de divers groupes sociaux de Québec, elles et ils exigent un réinvestissement dans les services publics et les programmes sociaux ainsi que dans les organismes communautaires autonomes. « Les dernières années d’austérité néolibérale ont gravement fragilisé le filet social du Québec. L’État social qui était autrefois le symbole fort d’une société redistribuant ses richesses au nom de l’équité et de la solidarité est plus que jamais menacé », affirme Raphaël Létourneau, co-porte-parole de l’action. « Le gouvernement libéral affirme avoir  »remis la maison en ordre » et être prêt à réinvestir. Pourtant, il se contente de saupoudrer un peu d’argent dans de grands exercices de relations publiques », dénonce Anne-Valérie Lemieux Breton, co-porte-parole de l’action. « Puis il annonce un milliard en baisse d’impôt, une perte de revenu considérable pour l’État, sans compter des hausses de salaire indécentes pour les médecins. »

Un véritable budget axé sur la justice sociale devrait impliquer de mesures structurantes pour lutter contre la pauvreté, comme le salaire minimum à 15$/h, la création de logements sociaux, une hausse du financement des organismes communautaires, un montant à l’aide sociale permettant de répondre aux besoins de base, ainsi que des systèmes d’éducation et de santé accessibles et de qualité.Un budget axé sur la justice sociale devrait être accompagné de mesures concrètes pour augmenter les revenus de l’État. « Il est plus que temps que le gouvernement lutte contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale sous toutes ses formes. Cela devrait s’ajouter à d’autres initiatives comme l’augmentation du nombre de paliers d’impositions, le rétablissement de la taxe sur le capital des banques, et des multinationales qui paient leur juste part d’impôts», ajoute Raphaël Létourneau.

« Les multiples coupures dans le filet social ont réellement affecté les conditions de vie des gens, causant pauvreté, isolement, préjugés, souffrance, stigmatisation et nombre d’inégalités qui vulnérabilisent des personnes qui ont droit à la dignité, peu importe les difficultés qu’ils et elles ont à traverser », conclue Anne-Valérie Lemieux-Breton.

 


 En haut

Lettre de Noam Chomsky

« Non aux sanctions contre le Venezuela » : la lettre de Noam Chomskyet de près de 150 intellectuels et militants états-uniens et canadiens

Publié par Venezuela infos dans Etats-Unis, Internationalisme/Solidarité, 11 mars 2018

Cette lettre sera envoyée aux membres du Congrès des États-Unis, au Parlement du Canada et aux médias. Elle sera publiée dans d’autres médias, et au moins 5 de ses signataires se rendront au Venezuela pour la commémoration d’Hugo Chavez en mars, où elle sera présentée.

Nous exhortons les gouvernements des États-Unis et du Canada à retirer immédiatement leurs sanctions illégales* contre le Venezuela et à soutenir les efforts de médiation entre le gouvernement du Venezuela et les segments non violents de l’opposition politique.

Nous, les organisations et individus aux États-Unis et au Canada soussignés, soutenons des relations hémisphériques fondées sur le respect de la souveraineté de tous les peuples des Amériques. Nous sommes profondément préoccupés par l’utilisation de sanctions illégales, dont l’effet se fait le plus sentir dans les secteurs les plus pauvres et les plus marginaux de la société, pour contraindre le changement politique et économique dans une démocratie sœur. Nous constatons depuis les années 1990 que les sanctions ne servent qu’à appauvrir les familles ordinaires et à déstabiliser l’ordre public. Nous sommes incapables de citer un seul cas où les sanctions ont eu un impact positif.

Les sondages au Venezuela montrent que la grande majorité des Vénézuéliens s’oppose aux sanctions, indépendamment de leur opinion sur le gouvernement Maduro. Les sanctions ne font que compliquer les efforts déployés par le Vatican, la République dominicaine et d’autres acteurs internationaux pour négocier une résolution de la polarisation profonde au Venezuela. De plus, les sanctions sapent les efforts du gouvernement démocratiquement élu et de l’Assemblée constituante pour résoudre les problèmes économiques critiques et déterminer leur propre destin politique.

Malgré la rhétorique de haut niveau des fonctionnaires de Washington et d’Ottawa, ce n’est pas un véritable souci de démocratie, de droits de l’homme et de justice sociale, qui pousse cette position interventionniste belliqueuse à l’égard de Caracas. Du décret du président Obama qui, de l’aveu général, est faux, sur le Venezuela représentant une menace pour la sécurité nationale des États-Unis, à la déclaration de l’ambassadeur Nikki Haley disant que le Venezuela est un « narco-état de plus en plus violent » qui menace le monde, l’utilisation de l’hyperbole dans les situations diplomatiques contribue rarement à des solutions pacifiques sur la scène internationale.

Ce n’est un secret pour personne que le Venezuela, contrairement au Mexique, au Honduras, à la Colombie, à l’Egypte ou à l’Arabie Saoudite, est la cible d’une mission de changement de régime par les États-Unis précisément à cause des qualités de leader du Venezuela dans la résistance à l’hégémonie américaine et à l’imposition du modèle néolibéral en Amérique latine. Et bien sûr, le Venezuela détient les plus grandes réserves de pétrole au monde, ce qui attire encore plus l’attention non désirée de Washington.

Les États-Unis et le Canada ont essayé puis échoué à utiliser l’Organisation des États Américains (OEA) pour construire un bloc qui évoque la Charte démocratique contre le Venezuela de façon hypocrite. Récemment, Luis Almagro, le secrétaire général véreux de l’OEA, est allé jusqu’à soutenir publiquement l’assermentation d’une Cour suprême parallèle, nommée de façon inconstitutionnelle par les législateurs de l’opposition et il leur a permis d’utiliser le siège de l’OEA à Washington, DC, pour leur cérémonie (sans l’approbation de quelconque état membre de l’OEA). Almagro a ainsi délégitimé l’OEA, enhardi les éléments les plus extrêmes et les plus violents de l’opposition vénézuélienne, et mis de côté les efforts de médiation.

Les sanctions canado-américaines sont une utilisation cynique du pouvoir économique coercitif pour attaquer une nation qui fait déjà face à l’hyperinflation et à la pénurie de produits de base. Bien que prétendument faites au nom de la promotion de la démocratie et de la liberté, ces sanctions violent le droit humain fondamental du peuple vénézuélien à la souveraineté, tel que cela est énoncé dans les Chartes des Nations Unies et de l’OEA.

Nous appelons les dirigeants politiques des États-Unis et du Canada à rejeter la rhétorique déchaînée et à contribuer à la recherche de solutions réelles aux problèmes politiques et économiques du Venezuela. Nous exhortons les gouvernements américain et canadien à annuler leurs sanctions et à soutenir les efforts de médiation déployés par le chancelier de la République dominicaine Miguel Vargas, le président de la République dominicaine Danilo Medina, l’ancien premier ministre espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero, le Vatican et soutenus par un nombre croissant de nations latino-américaines.

L’Article 19 du Chapitre 4 de la Charte de l’OEA stipule : Aucun état ou groupe d’états n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État. Le principe précédent interdit non seulement la force armée, mais aussi toute autre forme d’ingérence ou de tentative de menace contre la personnalité de l’État ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels.

 


 En haut

Joute électorale en Amérique latine

Fin de la joute électorale en Amérique latine ?

Alfredo Serrano Mancilla, La Jornada, Mexico, 17 mars 2018

En Amérique latine, la joute n’est plus uniquement électorale. La restauration conservatrice a d’autres mécanismes et ce ne sont pas nécessairement les urnes. Presque toujours, la voie choisie est autre. Chaque cas est différent: tout dépend du pays visé. On emploie l’une ou l’autre des méthodes en fonction du scénario choisi et de la disponibilité. Chaque contexte détermine la méthode d’intervention pour freiner ou éliminer le bloc progressiste. Si la droite détient encore le pouvoir judiciaire, on choisit cette voie pour obtenir des sentences contre les représentants de la gauche; si c’est le pouvoir législatif, on organise un coup parlementaire. Et toujours, peu importe où cela se produit, les pouvoirs économiques et médiatiques agissent de façon conjointe. Le premier emploie toutes ses armes pour mettre en échec l’équilibre économique et social obtenu tandis que le second effectue un travail de sape en s’attaquant à l’image de la gauche avec des fausses nouvelles qui finissent par appartenir au sens commun et qui visent la destitution. À cette liste de pouvoirs, jamais ne fait défaut les puissances internationales qui s’unissent pour appliquer tous les dispositifs de pression pour délégitimer lorsque cela leur convient ou légitimer des options anti-démocratiques en phase avec leurs intérêts.

Au Brésil, clairement, ils ne permettront pas que Lula se présente aux élections en montant une excuse judiciaire. Auparavant, au moyen d’un coup parlementaire, ils s’étaient débarrassés de la présidente Dilma Rouseff malgré le résultat électoral en sa faveur sous le prétexte ridicule de pédalage fiscal. Les pouvoirs judiciaires et législatifs coalisés avec les pouvoirs économiques et médiatiques, tout cela avec la complicité internationale, peuvent gagner sans avoir besoin de passer par les urnes. Temer gouverne comme un démocrate malgré le fait qu’il ne se soit pas présenté aux élections pour devenir président.

En Équateur, un autre scénario et d’autres méthodes. On a utilisé le successeur pour éviter que la Révolution citoyenne poursuive son processus. Grâce à un pacte avec l’actuel président Lénin Moreno et toute la vieille droite, il y a eu une consultation, sans prendre en considération les objections de la Cour constitutionnelle, avec comme unique objectif d’empêcher Rafael Correa de se présenter à nouveau aux élections présidentielles. Un nouveau modèle: restaurer de l’intérieur. L’opposition s’est présentée aux élections et elle a perdu. Mais cela ne fut pas un obstacle pour gagner la bataille politique grâce à l’utilisation de la rancœur de Lénin Moreno et d’autres dirigeants contre Correa. La banque et tous les moyens se sont unis au nouveau consensus restaurateur avec l’intention de mettre fin au cycle progressiste incarné dans la personne de Correa.

En Argentine, malgré le fait qu’il y ait eu une véritable attaque médiatique et économique, la voie électorale a suffi pour mettre fin avec le kichnerisme. Il y avait un avantage: Cristina Fernandez ne se présentait pas, mais son successeur Daniel Scioli. Les candidats de droite gagnèrent avec un écart minimum de votes, puis rapidement, vinrent les détentions judiciaires, les procès ouverts, les couvertures de presse. Il est encore tôt pour savoir comment seront les élections présidentielles de 2019, mais pour les puissants il est nécessaire d’exclure de la carte électorale Cristina Fernandez ou n’importe quel candidat potentiellement gagnant depuis une proposition progressiste. N’ayons aucun doute, cela sera tenté par la voie judiciaire ou parlementaire.

Lenin Moreno

Au Venezuela, tout s’amplifie. La dernière tentative a été la plus évidente : l’opposition a décidé de ne pas participer aux élections. Elle démontre ainsi que pour obtenir le pouvoir politique, la voie électorale ne l’intéresse pas. De fait, dans ce pays, un coup d’État orthodoxe a été tenté en 2002; puis un continuel effort de déstabilisation a été maintenu avec une guerre économique soutenue de haute intensité (via les prix et les pénuries); il y a eu des violences dans les rues qui ont provoqué de nombreux morts; on a concocté une explosion sociale pour renverser le président; il y a eu des décrets des États-Unis accompagnés de menaces et d’un blocus, il y a eu pratiquement de tout (OEA, Parlement européen, Groupe de Lima, Mercosur, pays à risque, banques internationales). Et maintenant, l’opposition refuse de participer aux élections. Ce sont d’étranges démocrates qui ne croient pas dan les règles démocratiques lorsqu’ils pensent qu’ils vont perdre. Ce qui est intéressant dans le cas actuel c’est qu’en ce pays, le gouvernement a une conscience absolue que le champ de bataille est autant électoral qu’ailleurs. Cela lui permet d’être un survivant dans cette nouvelle phase historique.

En Bolivie aussi il s’est produit quelque chose de semblable. Le référendum révocatoire a été accompagné d’un reality show qui a causé du tord à la popularité de Evo Morales. L’artillerie lourde viendra lors des prochaines présidentielles en 2019. Néanmoins, le président a compris depuis longtemps, depuis les tentatives d’interruption démocratique lors de l’étape de l’Assemblée constituante, que cette joute est multifactorielle. Cela ne signifie pas que cela sera facile, mais jusqu’à maintenant Evo Morales vise à être l’autre survivant de cette offensive restauratrice. Il a su surmonter le dernier grand écueil: trouver le mécanisme légal qui lui permettrait de se présenter à la réélection. Il est conscient que des critiques lui seront faites, mais il préfère cela à mettre en péril la continuité du projet. Sage décision pour continuer de l’avant avec l’aval du peuple bolivien.

Définitivement, nous somme dans une autre phase de l’histoire du 21ème siècle en Amérique latine en joute. L’électoral compte, mais ce n’est plus l’unique chemin choisi par les élites pour mettre fin au cycle progressiste. Certains le savaient depuis longtemps, d’autres l’ont appris à leurs dépends. Le champ de bataille politique est toujours plus complexe: les votes sont nécessaires, mais il faut aussi compter sur les pouvoirs économique, médiatique, législatif, judiciaire et international. Et les militaires, même s’ils semblent appartenir au passé, nous ne devons jamais cesser de leur porter attention parce qu’ils sont toujours plus présents que nous ne l’imaginons.

Directeur du Celag

11 septembre 1973 à Santiago du Chili, Coup d’État du général Pinochet

Texte traduit âr Yves Carrier


  En haut

Contre le racisme

Manifestation familiale contre le racisme, l’intolérance et la haine

Québec, le 25 mars 2018 – Pour la deuxième année consécutive, des manifestants et manifestantes se sont réuni-e-s à Place d’Youville pour dénoncer la montée du racisme. La manifestation a commencé vers 13h, puis s’est dirigée vers le parvis de l’église Saint-Roch. Quelques personnes ont pris la parole pour se prononcer sur divers thèmes, allant des femmes autochtones assassinées et disparues à la situation des personnes migrantes et de l’esclavage dans le monde.

Racisme systémique
La consultation sur la discrimination systémique et le racisme, qui avait été annoncée à l’automne 2017, a changé de nom et de mandat en octobre de la même année. Ne parlant plus de racisme systémique, mais abordant seulement les questions d’immigration, d’emploi et de francisation, la nouvelle démarche fut largement décriée par les organisations sociales et les groupes communautaires. Le porte-parole du Festival contre le racisme de Québec, Nicolas Villamarin Bonilla, s’exprime dans ces termes : « Le changement de cap orchestré par le ministre David Heurtel nous a démontré que ce qui importe pour le gouvernement en place n’est pas d’entendre les revendications des victimes du racisme, mais plutôt d’instrumentaliser les personnes qu’on racise au profit des entrepreneurs et du système capitaliste. Pour nous, c’est là une confirmation que le racisme s’articule au politique et à l’économique et qu’il est donc, par défaut, systémique. »

Montée de la droite
Les organisations ayant lancé l’appel à la mobilisation rappellent aussi l’importance d’être proactifs et proactives contre la montée du racisme. « Nous sommes plusieurs groupes à avoir signé l’appel à la mobilisation. Nous constatons la préoccupante présence de groupes d’extrême droite dans les rues de Québec. La peur de l’autre, l’intolérance et la haine n’ont pas leur place dans notre société et c’est à nous d’y mettre collectivement un terme », a conclu Anne-Valérie Lemieux Breton, porte-parole pour le RÉPAC 03-12.

Une deuxième collaboration entre le RÉPAC et le Festival contre le racisme

L’année dernière, le Regroupement d’éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et Chaudière-Appalaches (RÉPAC 03-12) et le Festival contre le racisme de Québec s’étaient associés pour organiser une manifestation familiale marquant la fin du Festival. L’attentat du 29 janvier à la grande mosquée de Québec avait été l’événement déclencheur des mobilisations et la manifestation avait commencé par un hommage aux victimes. Un an plus tard, le Comité populaire St-Jean-Baptiste se joint à l’organisation. Les organisateurs et organisatrices de la manifestation jugent qu’il importe toujours de se mobiliser face à la montée des discours racistes.

RÉPAC 03-12
301, rue Carillon
Québec, Qc, G1K 5B3
418-523-4158
repac@repac.org / www.repac.org / @repac0312

 

 



Les martyrs d’aujourd’hui

En haut

Les martyrs d’aujourd’hui et la croix de Jésus

22 mars 2018, Marcelo Barros, Recife, Brésil

Au Brésil, ces jours-ci, nous célébrons le martyre de la conseillère Marielle Franco et de son chauffeur Anderson Pedro Gomes, assassinés au centre de Rio de Janeiro. Trois jours avant, dans l’État du Para, fut assassiné le militant social Pedro Sergio Almeida Nascimento, repréentant de l’Association des Quilombos d’Amazonie. Il exigeait de la préfecture de Barcarena, Para, les documents de permis environnemental de l’entreprise Hydro qui rejette des polluants dans les rivières du Para. Nous vivons des temps de martyrs. Les personnes qui défendent le projet de justice et de vie pour tous, courent des risques et peuvent mourir. Pour les chrétiens, il est impossible de ne pas associer ces morts violentes au martyre de Jésus que les Églises célèbrent ces jours-ci.

Marielle Franco

Cela demeure étrange : les Églises célèbrent la semaine sainte et commémorent la passion de Jésus. Néanmoins, ceux et celles qui suivent réellement les pas de Jésus dans son témoignage de donner la vie pour les autres ne sont pas les plus religieux ou des personnes qui disent faire cela à cause de leur foi. Il est claire que, au cours des dernières décennies, dans toute l’Amérique latine et aussi parmi nous au Brésil, plusieurs hommes et femmes ont donné leur vie pour le peuple et pour la justice, en raison de leur foi.

Le 24 mars, nous célébrons le martyre de l’archevêque Oscar Romero assassiné au Salvador au moment où il célébrait l’eucharistie. Ainsi, nous pouvons parler de nombreux frères et soeurs qui ont donné leur vie pour réaliser en ce monde le projet divin de justice, de paix et de libération pour tous. Cependant, dans la majorité des cas, ces personnes n’avaient pas l’appui et la compréhension des pasteurs de l’Église. Même Romero n’était pas compris par les autres évêques et le Vatican. Pourquoi l’Église qui célèbre la passion de Jésus a-t-elle tant de difficultés à reconnaître et plus encore à vivre le martyre comme Jésus l’a vécu ?

Oscar Romero

Les communautés chrétiennes du premier siècle de notre ère avaient besoin d’expliquer la croix de Jésus comme un sacrifice. Jésus est le serviteur souffrant de Dieu qui, comme disait le prophète Isaïe, a pris sur lui nos fautes et il est mort pour nos péchés. C’est le nouvel Agneau de Dieu, agneau de la Nouvelle Pâques, qui par sa mort nous libère… Jésus est mort sur la croix victime d’un sacrifice offert à Dieu le Père pour qu’Il se réconcilie avec l’humanité et sauve les pécheurs. Jusqu’à aujourd’hui, dans la majorité des Églises, les prêtres et les pasteurs continuent de reproduire automatiquement le même message et, chaque année, ils répètent le même discours.

Pourtant, cette manière d’interpréter la foi est inadéquate. En plus de représenter Dieu comme une divinité cruelle qui pour se réconcilier avec le monde a besoin de la mort de son propre Fils, cette théologie sépare la mort de Jésus de toutes les autres morts violentes arrivées pour la défense de la justice et de la libération.

Malgré le fait que les évangiles emploient ces paroles qui peuvent être interprétées en ce sens, il semble que Jésus lui-même, inséré dans sa culture hébraïque ne pouvait pas penser ainsi. La croix était le supplice que les Romains réservaient aux esclaves rebelles et à ceux qui subvertissaient l’ordre impérial. Avec cette accusation, proférée par les autorités religieuses, liée au pouvoir politique qui dominait cette religion, Jésus fut condamné à mourir sur la croix.

La mort de Marielle, Anderson et Pedro, tout comme celle d’Oscar Romero et de tant d’autres, nous défie à comprendre et à célébrer la mémoire de la mort de Jésus comme martyre et non comme sacrifice expiatoire. Et là oui, la résurrection de Jésus nous permet de voir au-delà de la mort. Le chemin de l’Église de base et son insertion dans les luttes de libération nous enseignent que le martyre n’est pas seulement une façon de mourir, mais, principalement, une façon de vivre. Nous sommes témoins qu’il existe des remèdes aux problèmes de ce monde et malgré toutes les forces du mal, nous poursuivons ce chemin. Lors de la 6ème Rencontre inter-ecclésiale des communautés ecclésiales de base du Brésil, à Trindade (1986), les communautés affirmaient : « Nous voulons voir nos martyrs vivants et non morts ». Nous croyons dans la résurrection. C’est pourquoi aujourd’hui nous disons en poursuivant la lutte : Vive Marielle, Anderson, Pedro et tous les témoins du projet pascal de Jésus.
www.amerindiaenlared.org/

Marcello Barro est un prêtre bénédictin de Recife au Brésil. Ancien secrétaire aux affaires interreligieuses de Dom Helder Camara, il accompagne les communautés de base afro-descendante depuis une quarantaine d’années. Il appartient au courant de la Théologie de la libération et il a publié de nombreux ouvrages.

Traduit du portugais par Yves Carrier



 

En haut

Calendrier des activités du mois d’avril 2018

Contenu

Partager sur