Ça roule au CAPMO, mars 2024

Les lendemains nouveaux

Devant la novlangue de nos médias de communication, il est difficile de reconnaître la vrai du faux, l’oubli de l’histoire ou l’analyse intéressée. À droite comme à gauche, on tire sur toute pensée qui vient contredire la sienne, peu enclin que nous sommes à apercevoir une part de vérité à la base de chaque discours. Du moins, ils peuvent être révélateurs des peurs qui nous habitent collectivement. Hélas, la réalité semble encore plus terrible que les interprétations univoques et sans nuance, du sens que nous devons admettre sans broncher au risque de recevoir l’anathème.

Paisiblement, nous assistons aux massacres d’un monde qui a déjà fait naufrage où plus aucune institution internationale n’a le crédit suffisant pour imposer le respect de la dignité humaine. Comme un cauchemar incurable, les bandes armées à Port-au-Prince ont attaqué la prison et libéré les criminels qui s’y trouvaient, et il ne s’agit pas de la prise de la Bastille. Malgré les velléités des gangs a usurpé le pouvoir, en reversant un gouvernement illégitime, ce ne sera pas pour déclencher des élections ou établir un État de droit.

Voilà où 40 ans de  néolibéralisme et plusieurs siècles d’impérialisme nous ont conduits. Un monde en ruine aux bénéfices de quelques ploutocrates qui s’amusent  à jouer à la roulette avec nos vies en regardant l’humanité se faire la guerre, sans aucune perspective d’avenir.

L’avenir, c’est le changement climatique, mais ne nous berçons pas d’illusions, aucun accord climatique ne tient lorsque nous considérons l’autre moitié de l’humanité comme des ennemis auxquels nous devons faire la guerre. Puis, sur la pointe des pieds, joyeusement est revenue nous hanter la crainte de l’hiver nucléaire auquel nul ne souhaite survivre tandis que les puissants de ce monde brandissent l’arme atomique comme objet fétiche des adorateurs de la mort.

Comment cela se fait-il qu’il n’y ait plus d’hommes ou de femmes politiques honnêtes qui ne répondent pas qu’aux injonctions du capital ? Pourquoi le mensonge et l’oubli sont devenus les pestes psychiques de notre siècle ? Que penseront les archéologues des siècles à venir en enquêtant sur les ruines de notre civilisation ? Était-ce là le destin inéluctable de l’évolution humaine? Croître en puissance à en perdre la raison ? (Des deux côtés il va s’en dire.)

Comme vous voyez, de nombreuses questions m’assaillent. C’est qu’à la chute du mur de Berlin, nous avions vraiment cru que s’en était fini des guerres et que l’humanité avait atteint l’âge de la raison. Mais l’avidité comme le ver dans la pomme, est venue corrompre nos plus beaux espoirs. Quand chanteront enfin les lendemains nouveaux ?

Yves Carrier


 

Appels à la charité du gouvernement :

une campagne mal à propos pour apaiser l’insécurité alimentaire

Collectif pour un Québec sans pauvreté, 29 février 2024

Le gouvernement du Québec vient de lancer la campagne « La solidarité, le cœur de nos communautés », qui consiste essentiellement à inviter la population et les entreprises à « s’impliquer pour aider les gens à se nourrir », à « organiser des levées de fonds ou des collectes d’aliments non périssables », à « donner des denrées aux banques alimentaires ou cuisiner des plats pour les déposer dans les frigos communautaires ». Dans le contexte actuel, le Collectif pour un Québec sans pauvreté trouve cette campagne publicitaire particulièrement mal à propos.

« La pauvreté est le dénominateur commun de plusieurs crises qui secouent le Québec depuis plusieurs mois : logement, itinérance, insécurité alimentaire, rappelle la porte-parole du Collectif, Virginie Larivière. L’insuffisance de revenus force des ménages à vivre dans des logements trop chers, à passer à la banque alimentaire et parfois même – de plus en plus – à vivre dans la rue ou dans leur voiture. Pas une journée ne passe sans que les conséquences dramatiques et très concrètes de la pauvreté ne soient relayées dans les médias.

« Le manque de volonté du gouvernement à s’attaquer au problème de l’insécurité alimentaire est aussi affligeant que gênant! Sa « campagne » se déroule alors même que le ministre des Finances peaufine le prochain budget du Québec, déjà annoncé pour en être un de « rigueur »! En invitant la population à acheter des boîtes de conserve ou à cuisiner pour aider les personnes qui ont faim, ce que nous dit le gouvernement, c’est qu’il ne se sent pas concerné par cet enjeu, qu’il s’en lave littéralement les mains! »

Toujours selon Virginie Larivière, « faire appel à la générosité individuelle pour apaiser un des symptômes les plus visibles de la pauvreté est non seulement insuffisant, mais cela représente aussi un moyen pour le gouvernement de se soustraire aux obligations qui lui incombent en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne. Faut-il rappeler que celle-ci stipule que « toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d’assistance financière et à des mesures sociales […] susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent »?

« Oui, il y a urgence de soutenir les gens qui en ont besoin et le travail des banques alimentaires demeure nécessaire. Mais c’est par des mesures structurantes qu’on peut espérer éliminer la pauvreté. Dans son mémoire pré-budgétaire, le Collectif suggérait différentes pistes d’action au ministre des Finances. De toute urgence, le gouvernement doit notamment rehausser les protections publiques de façon à assurer à tous les ménages un revenu au moins égal à la Mesure du panier de consommation, soit environ 24 200 $ en 2023. Il s’agit d’un minimum à atteindre rapidement, un premier pas vers la sortie de la pauvreté. »

 


 

Budget du Québec 2024-2025

Le gouvernement doit se donner les moyens d’éliminer la pauvreté!

Collectif pour un Québec sans pauvreté, 20 février 2024

Le gouvernement du Québec s’emploie à réduire les attentes en vue du prochain budget parce qu’un déficit plus élevé qu’anticipé lui imposerait une plus grande parcimonie. Pourtant, avec les différentes crises qui frappent le Québec, des mesures structurantes de lutte contre la pauvreté sont plus nécessaires que jamais, selon le Collectif pour un Québec sans pauvreté. Le gouvernement ne peut plus laisser la situation se dégrader : il doit agir et, pour commencer, s’en donner les moyens.

Des crises qui s’aggravent

« Le gouvernement doit cesser de faire l’autruche : par son refus d’agir en amont, il est en bonne partie responsable de l’augmentation du nombre de personnes en situation d’itinérance, qui dépassent présentement le cap des 10 000 au Québec, souligne la co-porte-parole du Collectif, Virginie Larivière. Même chose pour l’augmentation du nombre de personnes qui sont dorénavant obligées de recourir aux services des banques alimentaires : elles étaient près de 900 000 en 2023. Cela représente une augmentation de 73 % par rapport à 2019, et la tendance ne semble pas près de s’inverser.

« Et c’est sans compter qu’avec une hausse de 28 % du loyer mensuel moyen entre 2019 et 2023, un nombre croissant de personnes voient le loyer engloutir la majeure partie de leurs revenus. Déjà, en 2021, 173 000 ménages locataires avaient des besoins impérieux de logement au Québec.

« Bien que le gouvernement commence enfin à reconnaître l’existence de ces crises – souvent du bout des lèvres –, il ne semble pas prêt à s’y attaquer, se contentant de mesures palliatives ou, comme dans le cas du logement social, nettement insuffisantes. »

Un meilleur soutien au revenu

« Personne au Québec ne devrait être forcé de vivre dans la rue, d’avoir recours à une banque alimentaire, d’habiter dans un logement inabordable, etc., poursuit Virginie Larivière. La Charte des droits et libertés de la personne stipule que « toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d’assistance financière et à des mesures sociales […] susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent » (art. 45).

« Pourtant, environ une personne sur dix n’arrive pas à couvrir ses besoins de base tels que définis par la Mesure du panier de consommation (MPC), un indicateur calculé par Statistique Canada qui correspondrait à « un niveau de vie modeste ». Au Québec, le seuil de la MPC est actuellement estimé à 24 200 $ pour une personne seule. »

La principale recommandation du Collectif en vue du prochain budget du Québec va donc comme suit : que le gouvernement rehausse les protections publiques de façon à assurer à tous les ménages un revenu au moins égal à la MPC.

Différents moyens sont à la portée du gouvernement pour augmenter les revenus des gens qui en ont besoin. Par exemple, le Collectif s’est allié à quelque 200 universitaires et 350 organisations l’an dernier pour revendiquer l’élargissement du programme de Revenu de base à l’ensemble des personnes assistées sociales. (Voir d’autres moyens dans le mémoire pré-budgétaire du Collectif.)

Une meilleure redistribution de la richesse

« Le gouvernement a la responsabilité d’assurer la redistribution de la richesse au sein de la société et de s’assurer que les plus riches paient leur juste part afin de financer, notamment, les services publics et les programmes sociaux, rappelle le co-porte-parole du Collectif, Serge Petitclerc. Ainsi, il devrait contribuer à réduire les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres. Malheureusement, depuis le début de son mandat, le gouvernement actuel a pris certaines décisions qui ont eu l’effet inverse. La baisse d’impôt qui est entrée en vigueur en 2023 est particulièrement révélatrice à cet égard.

« En plus de favoriser les personnes les mieux nanties de la société québécoise, cette mesure prive le Québec de milliards de dollars alors même que le ministre des Finances laisse planer l’ombre de compressions budgétaires et que l’accès à des services publics de qualité se trouve de plus en plus compromis. »

Une autre recommandation du Collectif en vue du prochain budget du Québec est que le gouvernement annule sa baisse d’impôt et réinvestisse les sommes ainsi récupérées dans le filet social. Par ailleurs, il devrait réformer la fiscalité pour la rendre véritablement progressive et ainsi accroître la contribution des personnes mieux nanties.

Un 4e plan de lutte contre la pauvreté ambitieux

« La ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire doit déposer le 4e plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ce printemps, poursuit Serge Petitclerc. Si tel est le cas, les sommes allouées à sa mise en œuvre devraient se retrouver dans le budget 2024-2025. Ce budget revêt ainsi une importance considérable pour le Collectif, vu qu’il devrait nous donner une idée des principales mesures que le gouvernement entend mettre en œuvre pour lutter contre la pauvreté au cours des prochaines années.

« D’une part, la dégradation marquée des conditions de vie d’un grand nombre de personnes en situation de pauvreté dans les dernières années devrait inciter le gouvernement à déposer un prochain plan de lutte contre la pauvreté particulièrement ambitieux, doté de moyens conséquents. D’autre part, il devrait garder en mémoire que la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale lui enjoint d’agir pour « combattre la pauvreté […] et tendre vers un Québec sans pauvreté ». »

Pour consulter le mémoire pré-budgétaire 2024-2025 du Collectif : « Donnons-nous les moyens d’éliminer la pauvreté! »

 


 

QU’EST-CE QUE CELA SIGNIFIE DE DIRE « JÉSUS EST PALESTINIEN » ?

Par WALID S. MOSARSAa

Quaker palestinien

Sojourner, 23 février 2024

« En tant que chrétien palestinien, je suis fier d’être un descendant de la plus ancienne communauté chrétienne du monde. Ma fierté transcende le simple fait d’y appartenir ; il est enraciné dans l’héritage culturel et l’impact mondial que notre communauté a conférés au monde en nourrissant et en façonnant le christianisme depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui. Mais cette fierté s’accompagne d’une responsabilité solennelle : je dois m’engager à préserver l’intégrité et les valeurs de ce patrimoine culturel et religieux, indigène de ma patrie, afin qu’il ne soit pas détourné pour justifier l’oppression, qu’elle soit la mienne ou celle de quelqu’un d’autre.

C’est pourquoi je porte un t-shirt portant l’inscription « Jésus est palestinien » lors des manifestations auxquelles je participe dans le monde entier. La raison pour laquelle je porte ce t-shirt va au-delà de sa déclaration provocatrice ; c’est un acte délibéré de revendiquer Jésus comme mon ancêtre pour revendiquer son identité en tant que sujet juif sous occupation romaine dans la Palestine du premier siècle. En tant que Palestinien aux États-Unis, je sais que cette affirmation est un défi à l’hégémonie chrétienne, servant de rappel puissant que Jésus était un sujet impérial privé de ses droits. Pour les Palestiniens comme moi, Jésus n’est pas seulement un personnage historique ou religieux ; Il est un témoignage de notre héritage durable – un ancêtre symbolisant à la fois nos racines profondes et notre lutte continue pour la justice et la libération.

Mais certains chrétiens se hérissent à l’affirmation que Jésus est Palestinien. Pourquoi?

Peter Wehner, rédacteur à The Atlantic et chercheur principal au Trinity Forum, a critiqué cette désignation, l’interprétant comme une tentative de dissocier Jésus de ses origines juives. Pour Wehner, se référer à Jésus en tant que « Palestinien » est enraciné dans un nationalisme palestinien anti-juif qui cherche à nier l’autochtonie juive en Terre Sainte et à séparer Jésus de son identité.

Mais cet argument présente l’histoire de la Terre Sainte et de Jésus à travers un point de vue myope qui ne tient pas compte de l’histoire de la Palestine, des circonstances sociales auxquelles Jésus a été confronté et de la façon dont les Palestiniens modernes se rapportent aux circonstances sociales de Jésus. Dire que Jésus est palestinien, c’est lutter contre les récits révisionnistes sur l’histoire de la Palestine et l’idée que l’identité juive de Jésus doit être opposée à son identité en tant que Palestinien.

L’histoire révisionniste de la Palestine

Le mot « Palestine » est nettement antérieur à l’impérialisme romain, sa première utilisation remontant à la fin de l’âge du bronze.

Des variantes du terme ont été constamment utilisées par les anciens Égyptiens, Assyriens et Romains, y compris dans les Histoires, un ouvrage historique influent datant d’environ 425 avant notre ère écrit par Hérodote, souvent salué comme le « père de l’histoire ». Pourtant, l’histoire de la Palestine, telle qu’elle est présentée dans les récits occidentaux, a souvent été façonnée par les historiens orientalistes et les biblistes. Cette approche a visé à valider divers récits fictifs trouvés dans la Bible que certains utilisent pour justifier le sionisme et l’apartheid actuel. Même avec le consensus parmi les érudits sur le fait que la Bible n’est pas un livre d’histoire, il reste étrange – en particulier de mon point de vue palestinien – d’observer combien de fois les chrétiens occidentaux se réfèrent encore à la Bible pour des « récits historiques » de la Palestine.

Ici, il est important de noter ce que le regretté érudit littéraire et chrétien palestinien Edward Said, a exprimé de manière si poignante dans Permission to Narrate : « Les faits ne parlent pas du tout d’eux-mêmes, mais nécessitent un récit socialement acceptable pour les absorber, les soutenir et les faire circuler. » Si les faits ont besoin d’un contexte et d’une acceptation sociale pour être largement acceptés, l’histoire révisionniste s’appuie principalement sur des récits de domination.

L’un de ces récits est que les Juifs israéliens modernes sont la lignée ininterrompue des Juifs palestiniens du premier siècle, les propriétaires légitimes de la terre. Dans ce récit, les Palestiniens modernes sont présentés comme les descendants des «envahisseurs» arabes ultérieurs et se voient attribuer une revendication conditionnelle ou aucune revendication du tout sur la terre. Et en tant que chrétien palestinien, je suis confronté à un profond sentiment d’effacement dans ce discours, un sentiment partagé par de nombreux membres de ma communauté.

Cette manipulation du récit historique sert d’outil pour justifier la violence systémique et perpétue l’occupation sous le couvert d’une restitution historique basée sur un conflit judéo-musulman insoluble vieux de plusieurs siècles. Cela déplace effectivement la perspective du colonialisme de peuplement vers un conflit séculaire irréconciliable « qui est venu en premier ». Mais, même si l’on devait approuver sans critique le récit biblique, cela n’absoudrait pas l’État moderne d’Israël du colonialisme de peuplement, et cela ne rendrait pas moins réelle l’affiliation de Jésus avec les Palestiniens modernes.

Pourquoi Jésus est-il un Palestinien ?

Comme le théologien du XXe siècle Howard Thurman nous le rappelle de manière poignante dans son ouvrage fondateur de 1949, Jésus et les déshérités, «Jésus était un pauvre Juif », et à cause de cela, il a été soumis à la cruauté romaine. Thurman souligne que l’absence de statut de citoyen romain de Jésus signifiait que « si un soldat romain poussait Jésus dans un fossé, il ne pouvait pas faire appel à César ». Jésus était membre d’un groupe privé de ses droits au sein d’un groupe plus important et dominant qui cherchait à établir son contrôle. À travers ce prisme, nous établissons des parallèles entre la vie en Palestine à l’époque de Jésus et ce que nous subissons aujourd’hui.

Dire que Jésus est palestinien, c’est articuler un récit qui honore à la fois son identité juive et souligne son rôle profond de libérateur dans le contexte spécifique de la Palestine. Cette double reconnaissance n’enlève rien à sa signification universelle en tant que figure de la libération, mais l’enrichit, en soulignant la résonance particulière de sa vie et de ses enseignements pour nous. Jésus n’est pas seulement un symbole de libération dans l’abstrait ; c’est un ancêtre direct, un phare de la résistance dont la vie sous l’occupation reflète la détresse actuelle du peuple palestinien.

Ceci est encore amplifié par le théologien palestinien de la libération Naim Stifan Ateek dans A Palestinian Theology of Liberation. Ateek raconte comment l’essence de la libération palestinienne est intrinsèquement liée au parcours humain du Christ en tant qu’individu opprimé qui a soif de justice. Pour Ateek, l’humanité du Christ fournit une clé herméneutique cruciale pour interpréter les textes bibliques d’une manière qui résonne avec les réalités vécues et les aspirations des Palestiniens d’aujourd’hui : « La clé herméneutique la plus utile est Jésus-Christ lui-même. » Grâce à cette herméneutique, il est possible de déterminer le sens et la pertinence du texte biblique de notre vie aujourd’hui.

Ce cadre ne cherche pas seulement à contextualiser les Écritures, mais les engage activement en tant que source d’inspiration et de conseils dans la poursuite de la libération et de la justice. Il renforce le lien entre les luttes de libération passées et présentes, reflétant un héritage palestinien de résilience contre l’oppression. Il ne s’agit pas d’un effacement de l’histoire ou de l’identité de Jésus, mais d’une réaffirmation d’un récit qui honore les identités multiformes de la Palestine et de son peuple.

Jésus et la Palestine aujourd’hui

Ateek nous montre comment les histoires de la Bible, comme la naissance de Jésus, résonnent avec la réalité vécue par les Palestiniens aujourd’hui, en particulier dans le contexte du génocide en cours à Gaza et de l’occupation israélienne continue de la Cisjordanie.

Selon Luc, Jésus est né à Bethléem et non dans sa ville natale de Nazareth, en raison du recensement de Quirinius, un mandat romain exigeant l’enregistrement dans les villes ancestrales (Luc 2 :2). Cet événement, malgré ses ambiguïtés historiques, fait écho à la situation des Palestiniens contemporains.

Après 1967, à la suite de l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, un recensement a conduit à la délivrance de trois types distincts de pièces d’identité aux Palestiniens sur la base de l’enregistrement : pour la Cisjordanie, Jérusalem et la bande de Gaza. Ces identités dictent les déplacements et perturbent profondément la vie de famille, y compris la mienne.

Je suis né dans une famille où ma mère a une carte d’identité de Jérusalem et mon père une carte d’identité de Cisjordanie. En conséquence, notre famille est confrontée à des défis importants dans le cadre du système israélien d’identification à code couleur.

Mon père, mes sœurs et moi avons reçu des cartes d’identité vertes de Cisjordanie, et nous n’avons donc pas le droit d’entrer et de résider librement à Jérusalem.

D’un autre côté, ma mère, qui a une carte d’identité bleue de Jérusalem, a une bien plus grande liberté de mouvement et la possibilité de vivre à Jérusalem. Mais vivre à Jérusalem en tant que Palestinien s’accompagne du fardeau financier de prouver que vous maintenez activement un «centre de vie » à Jérusalem et que vous ne passez pas beaucoup de temps en dehors de la ville. Les contrôles de résidence sont également une régularité où les autorités inspectent les ordures et interrogent les voisins. Pendant mon enfance, elle a risqué de perdre sa carte d’identité de Jérusalem pour vivre avec nous en Cisjordanie.

Tout comme la jeunesse de Jésus a été marquée par le déplacement et le péril, il en va de même pour la vie d’innombrables Palestiniens qui sont pris dans les affres d’une guerre incessante. Ce parallèle s’inscrit dans un contexte où les Palestiniens sont déshumanisés, décrits comme des « animaux humains » par les responsables israéliens, et subissent la couverture médiatique occidentale qui manque souvent de nuance et d’empathie. Cette rhétorique contribue à l’augmentation du nombre de morts à Gaza – qui a dépassé les 27 000 personnes – le taux de mortalité le plus élevé de tous les autres conflits du XXIe siècle.

Au milieu de ces réalités, dire que Jésus est un Palestinien affirme une vérité historique et résiste aux récits qui cherchent à effacer notre présence et notre légitimité sur notre terre. C’est une déclaration que le Jésus qui a prêché la libération et la justice face à la tyrannie impériale est un ancêtre direct du peuple palestinien.

L’affirmation de l’identité palestinienne de Jésus est importante pour moi en tant que chrétien palestinien parce que notre perspective sur l’histoire et le développement de la foi chrétienne a été marginalisée. Il est profondément troublant de voir une religion qui a émergé sous l’occupation être utilisée pour justifier l’occupation moderne que nous vivons actuellement. »

Walid Mosarsaa est un quaker palestinien de Greensboro, en Caroline du Nord. Il est secrétaire du conseil d’administration et coordonnateur principal du programme Every Campus A Refuge. Dans ses temps libres, Walid aime courir, faire du CrossFit, voyager et passer du temps avec ses amis.
What Does It Mean To Say ‘Jesus Is Palestinian’? | Sojourners

Texte non tiré d’un numéro de Sojourners mais cité dans un lien journalier d’info des abonnés.es.

 


 

Propositions trompeuses et véritables pour la crise planétaire

Par Leonardo Boff,

25 février 2024, Amerindia

C’est déjà une évidence de reconnaitre que nous sommes entrés dans une dangereuse crise planétaire. Jusqu’au négationnistes les plus obstinés sentent dans leur peau les effets de la crise actuelle (ouragan, inondations, chutes de neige incroyable où ce n’est pas la norme, des sécheresses sévères, des guerres et des génocides à ciel ouvert et d’autres phénomènes encore).  Le changement climatique n’épargne personne, atteignant les pays nordique avec des froids sous les moins 40 degrés Celsius et des chaleurs infernales comme à Rio de Janeiro avec 50 degrés et un ressenti de 70 degrés Celsius. De tels événements n’admettent pas de tergiversations. Plusieurs perçoivent qu’ils sont embarqués dans un navire qui est en train de couler à pique et cherchent des solutions de tout genre, parfois perverses.

La première proposition provient des ultrariches (le 0.01% de l’humanité) qui se réunit à Davos à chaque année. Ils ont projeté le Great Reset (redémarrage), c’est-à-dire, le grand recommencement du capitalisme conduit à l’extrême. Au moyen de l’Intelligence artificielle, ils proposent une sorte de despotisme cybernétique, à travers lequel ils contrôleraient chaque personne, toute la nation, à partir des cellulaires et des ordinateurs, jusqu’à la pâte à dent que j’utilise. Ils imposeraient leur modèle de production, de distribution et de consommation à toute l’humanité. Ce projet est si pervers qu’il n’a aucune possibilité d’être mené à terme. À cette toute puissance s’opposerait le contre pouvoir de toute l’humanité qui rendrait inviable cette tentative.

La seconde proposition est le capitalisme vert. Il propose de reboiser toutes les zones forestières qui ont été abattues et de préserver toutes les zones vertes, ce qui semble très attractif. Mais le capitalisme demeure toujours le capitalisme. Ce projet ne change pas le système producteur de marchandises qui recherche le profit. Le vert ne questionne pas la perverse inégalité sociale. Au lieu de cela, elle marchandise toute la nature. Par exemple : Il ne tire pas seulement profit de la vente du miel d’abeille, mais aussi de leur capacité de pollinisation. Comme le dit bien Michael Löwy, directeur de recherche en sociologie au CNRS à Paris dans un article sur la décroissance : « Il n’existe pas de solution pour la crise écologique dans le cadre du capitalisme, un système entièrement dédié au productivisme, au consumérisme et à la lutte féroce pour « des parts de marché ». Sa logique intrinsèque perverse conduit inévitablement à la rupture de l’équilibre écologique et à la destruction des écosystèmes. »

Mais il existe des propositions prometteuses, en supposant que nous ayons le temps pour cela. Nous n’en survolerons que quelques-unes. Celle qui est la plus prometteuse pour l’avenir c’est l’économie qui travaille le territoire (le bio-régionalisme).

Ce dernier ne définit pas le territoire selon les divisions conventionnelles en municipalité, sinon à travers la configuration que la même nature offre : selon le type de faune et de flore, les bassins versants, les lacs, les montagnes et les vallées, et le type de population. Dans l’environnement du terrain, on peut construire une économie qui soit réellement soutenable par l’utilisation rationnelle des biens et des services naturels, avec des réseaux de coopératives de production solidaire, l’intégration de toute la population, permettant une démocratie représentative de fait, valorisant les biens culturels tels que les traditions, les fêtes locales, et célébrant les grands personnages qui ont contribué au mieux être de la collectivité. Comme tout est produit au niveau local, on évite les longs trajets pour le transport des marchandises. Nous pourrions imaginer la planète Terre comme une courtepointe formée de millions de territoires locaux ayant une économie intégrée et soutenable, avec plus d’équité et une diminution réelle de la pauvreté.

Un autre modèle est connu sous le nom d’économie solidaire et agroécologique. Comme son nom l’indique, il s’agit de coopératives qui travaillent solidairement en se basant sur l’agroécologie, en harmonie avec les rythmes de la nature, diversifiant la production pour permettre la régénération des sols. Elles se développent sous la forme d’ONG, de Villes sans faim, de jardins urbains et scolaires. Ils utilisent dans les villes des espaces non utilisés ou les cours, les toits ou les terrasses des maisons pour réaliser une production destinée à la consommation locale, avec la participation de tous. Ils ne se présentent pas comme un projet total, sinon comme une manière de garantir des aliments sains pour les populations locales. Le Mouvement des Sans Terre du Brésil a démontré les effets bénéfiques et intégrateurs de ce type d’économie solidaire.

L’économie circulaire est une autre proposition. Elle se base sur la réduction, la réutilisation, la récupération et le recyclage. Ils recyclent particulièrement les emballages, les verres, les plastiques, les métaux et le papier. Ils économisent des ressources naturelles en utilisant ce qui existe déjà. De cette manière on rompt le modèle linéaire actuel d’extraction, de production et d’élimination. Ce modèle est du point de vue écologique intéressant, mais il ne se pose pas les questions de l’écologie sociale qui a pour objectif de surmonter les inégalités sociales. Ainsi, l’économie circulaire a une portée limitée.

Un modèle vécu depuis des siècles par les peuples des Andes est le buen-vivir/convivir. C’est une économie profondément écologique qui part de la Pacha Mama (Terre-Mère) qui produit tout. L’être humain l’aide par son travail lorsqu’il n’y a pas d’abondance. Pour eux, le concept matrice est l’harmonie qui commence dans la famille et s’étend à la nature, de laquelle chaque être est porteur de droits, qui dans les constitutions de Bolivie et d’Équateur sont reconnus. La centralité n’est pas mise sur l’économie mais sur la convivialité pacifique et dans une relation amicale avec la nature, les eaux, les forêts, les jungles et les montagnes. Qui sait, si un jour ne s’éveillera pas dans l’humanité un profond sentiment d’appartenance à la Terre et à la nature, le buen vivir et convivir sera un idéal à être vécu par tous et toutes.

Il y a aussi le mouvement de l’économie de François et Claire d’Assise, proposée par le Pape François. Après avoir fait une critique sévère du système capitaliste et de sa culture consumériste, il propose une fraternité universelle. Celle-ci s’étend à tous les êtres vivants et à tous les humains, tous frères et sœurs (lire son encyclique Fratelli tutti). La centralité est occupée par la vie sous toutes ses formes, spécialement la vie humaine, avec une attention particulière pour celle des plus vulnérables. L’économie et la politique seraient d’abord et avant tout au service de la vie, et seulement après au marché. C’est un idéal généreux, encore en gestation.

Assurément, le projet de l’éco-socialisme est celui qui a une plus grande possibilité de réalisation historique. Il n’a rien à voir avec le socialisme de style soviétique, mais il veut réaliser l’idéal de donner à chacun selon ses besoins et que chacun offre ses capacités. Ce projet est le plus avancé et le plus solide. Il suppose un contrat social mondial avec un centre pluraliste de gouvernance pour les problèmes globaux de l’humanité, comme ce fut le cas avec le Coronavirus et maintenant avec le changement climatique. Les biens et les services naturels appartiennent à l’ensemble de l’humanité et on propose une consommation décente et sobre qui inclurait aussi la communauté de la vie qui a aussi besoin des nutriments nécessaires pour se maintenir. Ce projet gagnerait une plus grande envergure s’il parvenait à dépasser son sociocentrisme écologique et à incorporer les données les plus fiables de la nouvelle cosmologie et biologie, qui considèrent la Terre et la vie humaine comme un moment du grand processus cosmo-génique, biogénique et anthropogénique. L’éco-socialisme écologique serait l’émergence de ce processus global.

Finalement, n’importe quel modèle qui prétend résoudre la crise planétaire devra récupérer ce que nous avions et que nous avons perdu, mais conservé par les Premiers peuples : notre profonde appartenance et communion avec la Terre-Mère et avec toutes ses créatures. Cette vision ancestrale des Premiers peuples, sera selon le penseur Ailton Krenak (Futur Ancestral, 2022), notre futur, celui qui nous garantira de continuer à vivre sur cette planète. Espérons que les temps de la Terre nous soient généreux pour vivre ce rêve.

Traduit de l’espagnol par Yves Carrier

 


 

Nayib Bukel, otage du fondamentalisme évangélique

Par Juan José Tamayo

Amerindia, 18 février 2024

Nayib Bukele vient d’obtenir la présidence de la République de El Salvador pour la seconde fois. Il l’a fait sous l’État d’exception qu’il a lui-même proclamé le 27 mars 2022, date à laquelle j’étais au Salvador pour donner un cours dans différentes institutions universitaires et à l’École de formation politique qui m’avait invité. Selon Amnistie Internationale, au cours de la dernière année, le Salvador «présente l’indice d’incarcération le plus élevé au monde avec 1997 personnes par 100 000 habitants. »

Le triomphe de Bukele s’est produit lors d’élections frauduleuses puisque la constitution salvadorienne interdit la réélection au poste de président de la république. L’article 154 établit que : « Le mandat présidentiel sera de cinq ans et qu’il débutera le premier jour du mois de juin, sans que la personne exerçant la présidence puisse continuer dans ses fonctions un seul jour de plus. »

L’article 248 est frappant. Il affirme que : « Ne peuvent être amandés les articles de la Constitution qui se réfèrent à la forme du système du gouvernement, au territoire de la république et à l’alternance dans l’exercice de la présidence. » S’il y avait un doute sur la non continuité de la présidence, selon l’article 75 : « perd les droits de citoyens ceux ou celles qui souscrivent à des actes, proclamations ou adhésions, pour promouvoir ou appuyer la réélection ou la continuation du mandat du président de la république, ou emploient des moyens directes pour parvenir à cette fin. »

Selon cet article, en faisant la promotion de sa réélection et en se présentant à celle-ci, c’est Bukele lui-même qui perd ses droits de citoyenneté et se convertit en un président inconstitutionnel.

Dans cet article, je vais me centrer sur l’alliance de Bukele avec les secteurs évangéliques fondamentalistes, desquels il est l’otage. En effet, ce sont eux qui légitiment religieusement sa politique répressive, autoritaire et, finalement, antidémocratique depuis qu’il assuma la présidence pour la première fois en 2019.

En décembre 2018, à la veille de la clôture de la campagne électorale pour la présidence de la république salvadorienne, el candidat Bukele s’est engagé devant un groupe de pasteurs évangéliques à créer un Secrétariat des valeurs en syntonie avec l’éducation morale qu’ils dispensent dans leurs églises. Lors de sa prise de possession comme président de la république, le 1er juin 2019, il invita à adresser une prière au pasteur évangélique argentin Dante Gebel, ministre des Assemblées de Dieu, pasteur de River Church à Anaheim en Californie et chanteur dans des stades ouverts où il est parvenu à réunir 100 000 personnes.

Au cours des années précédentes, Bukele a reçu la visite de Franklin Cerrato, pasteur évangélique pour la diaspora salvadorienne aux États-Unis, avec qui il maintient depuis une étroite relation. Le 23 juillet 2019, Cerrato organisa un rencontre des leaders évangéliques de la diaspora, du Mouvement des pasteurs pour le Salvador et de la Coalition latino-américaine pour Israël, avec Bukele, déjà élu président, à l’hôtel Crowne Plaza de San Salvador, où il présenta une proposition d’Église pour la nation et un plan de travail conjoint pour « récupérer les valeurs et les principes pour la famille ». Lors de cette rencontre, Bukele donna un témoignage sur l’appui qu’il avait reçu de Dieu pour accéder à la présidence du pays. Il raconta comment, avant l’élection, l’Esprit Saint annonça à certains pasteurs évangéliques qu’il deviendrait président du Salvador.

Prier dans le palais législatif du Salvador pour légitimer l’auto coup d’État

Depuis son élection comme président de la République du Salvador, en juin 2019, Nayib Bukele donne de nombreux signes d’autoritarisme et d’autocratie, qui parvinrent à son zénith avec l’auto coup d’État en février 2020. Le 9 février de cette année, il convoqua une session d’urgence de l’Assemblée législative pour approuver un crédit de 109 millions de dollars pour son plan de sécurité publique, dénommé Contrôle territoriale, qui avait été contesté antérieurement en raison d’erreurs de type constitutionnel. Cette situation amena les parties d’opposition à rejeter la convocation. Devant ce refus, Bukele fit appel à l’insurrection populaire, demandant au peuple de se réunir à l’extérieur de l’Assemblée pour faire pression pour l’approbation du crédit extraordinaire. L’armée lui prêta publiquement loyauté et lui montra sa disposition à accomplir ses ordres. Les Forces armées occupèrent les rues adjacentes à l’Assemblée et finalement toute l’enceinte législative. Il s’agit d’une violation de l’État laïc et d’un recul démocratique.

Ce même jour, avec la seule présence de 28 des 84 députés, Bukele prit l’Assemblée encerclée de militaires et de policiers, violant le dispositif de sécurité législative. Il s’assit dans le siège du président du pouvoir législatif, fit sonner le gong pour ouvrir une session, demeura en silence, se couvrit le visage avec les mains, se mit à prier et, faisant appel à une légitimité divine, dit que Dieu lui avait parlé et lui avait dit « d’être patient ».

Ce que fit Bukele en réalité fut une tentative de putsch contre l’Assemblée législative en entrant là entouré de soldats et de policiers et, en fin de compte, contre la démocratie, réalisant ainsi une usurpation de la fonction de président de l’assemblée législative. La prise militaire de l’Assemblée fut un attentat contre la règle démocratique de séparation des pouvoirs, qu’il prétendait légitimer religieusement à travers la prière qu’il exécuta assis dans le siège du président du pouvoir législatif. Les seuls appuis avec lesquels il contait furent les membres de son parti politique, l’armée et la police. Avec la prise militaire du Parlement, il démontra son refus du dialogue et son incapacité pour parvenir à des accords avec les différentes forces politiques représentées à l’Assemblée législative.

De nombreux collectifs sociaux condamnèrent la militarisation, la prise violente et la profanation de l’espace législatif national. L’opposition réclama l’intervention de l’Organisation des États Américains (OEA) pour freiner ce qu’elle qualifia « d’auto coup d’État ». L’OEA ne se prononça pas de manière concluante, mais quelques jours plus tard, elle donna son appui à Bukele.

Gestion autoritaire de la Covid-19 au Salvador

Bukele démontra  à nouveau son profil autoritaire, antidémocratique et religieusement fondamentaliste, pendant la pandémie de Covid-19. Il déclara « L’État d’exception » sans qu’il n’y ait eu un seul cas de contagion. Quand les cas commencèrent à augmenter, il annonça sur la chaine nationale de radio et de télévision que la présidence, en raison de la situation difficile, décrétait le dimanche 24 mai 2020 comme un Jour national de prière : « Pour que Dieu soigne notre terre et nous permette de vaincre la pandémie qui frappe le monde. »

À nouveau, le 9 août de cette même année, quand la pandémie était à son plus fort au Salvador,  il décréta un autre jour de prière national pour : « demander à Dieu de nous protéger de cette maladie et de nous délivrer de la souffrance. » Quand les cas commencèrent à diminuer, il attribua cela aux journées nationales de prière qu’il avait décrétées.

Récupérer la figure prophétique de monseigneur Romero

Dans le climat d’intégrisme politico-religieux qui règne aujourd’hui au Salvador, je crois nécessaire de récupérer la figure prophétique et de grande stature morale de Monseigneur Oscar Arnulfo Romero, archevêque du Salvador, assassiné par ordre du Major Roberto D’Aubuisson, et canonisé par le pape François le 14 octobre 2018. Quarante-quatre ans après son assassinat, Oscar Romero continue d’être un phare qui illumine l’obscurité du présent. Il est aujourd’hui un symbole du christianisme libérateur qui assuma l’option éthique et évangélique pour les personnes et les collectivités appauvries de son pays. Il exerça une citoyenneté critique et active et défendit le fait qu’il appartenait aux Salvadoriens eux-mêmes d’être : «  les bâtisseurs de leur histoire » et de ne pas permettre que des puissances extérieurs leur imposent leur destinée.

Romero fut un excellent pédagogue qui, à travers la méthode jociste du voir-juger-agir et de la pédagogie des opprimées de Paulo Freire, contribua à ce que le peuple passe de la conscience ingénue et intransitive à la conscience transitive et critique, de la conscience mythique à la conscience historique et de celle-ci à la pratique transformatrice. Constituant un référent dans la lutte pour la justice pour les croyants des différentes religions et pour les non croyants de différentes idéologies, ainsi que pour les politiciens par sa manière de comprendre et de pratiquer la relation critique et dialectique entre pouvoir et citoyenneté, et pour les dirigeants religieux par son articulation correcte entre foi et politique, sans jamais tomber dans le fondamentalisme.

Monseigneur Romero est la pierre angulaire dans la construction de la culture de la paix au Salvador, en Amérique latine et dans le monde entier; culture de la paix qui n’est pas absence de conflits ni ne se limite à l’absence de guerre, sinon qu’elle doit être accompagnée du travail pour l’égalité dans tous les domaines, sans jamais tomber dans l’uniformité, et du respect des différences de tout type, sans jamais déboucher sur l’inégalité.

Romero ne s’installa pas commodément dans le désordre établi, ni ne consentit au péché structurel, ni ne se réconcilia avec le gouvernement, comme le demandait Jean-Paul II. Il incarna l’utopie dans sa vie, son message et sa pratique libératrice, non comme un idéal irréalisable et fantasmagorique, sinon conformément aux deux moments qui le caractérisèrent : la dénonciation des pouvoirs qui oppriment les majorités populaires et la proposition d’alternatives.

La meilleure expression de l’engagement de monseigneur Romero avec l’utopie fut la réponse qu’il donna à la question d’un journaliste à savoir s’il avait peur d’être assassiné : «  Si on me tue, je ressusciterai dans le peuple salvadorien. » Il ne parlait pas de la résurrection des morts, ni de la vie éternelle. Il se référait à la nouvelle vie du peuple salvadorien, libéré de la violence structurelle, de la guerre, de l’injustice et de la pauvreté.

Une autre leçon que nous enseigne monseigneur Romero et qui nous invite à pratiquer en ces temps de suprématisme comme ceux que nous vivons, c’est son attitude anti-impérialisme. Il s’affronta à l’Impérialisme états-unien dans la lettre qu’il écrivit au président Jimmy Carter, dans laquelle il s’opposait à l’aide économique et militaire des États-Unis au gouvernement du Salvador, puisqu’à son jugement, cela constituait une ingérence inacceptable dans les destinées de son pays et renforçait l’injustice et la répression envers le peuple.

La spiritualité est une dimension constitutive de l’être humain, comme l’est la sociabilité.  Monseigneur Romero est aujourd’hui un exemple de spiritualité libératrice. Il fut une personne spirituelle, sans tomber dans le spiritualisme; un mystique sans tomber dans le mysticisme évasif de la réalité; une personne profondément religieuse, mais non pas avec une piété étrangère aux conflits sociaux, mais immergée en eux.

Traduit de l’espagnol par Yves Carrier

 


 

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