#312 – Impacts socio-environnementaux des investissements canadiens en Colombie

Impacts socio-environnementaux des investissements canadiens en Colombie

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Dans le cadre des Journées de solidarité internationale nous recevons à Québec :

La sociologue Isabel Zuleta, militante colombienne du Mouvement Rios Vivos, qui défend les habitants et les territoires du fleuve Cauca. Mme Zuleta est actuellement en tournée au Canada et elle nous fait l'honneur de sa présence.

Aujourd’hui en Colombie, depuis la signature des accords de paix, 800 leaders sociaux ont été assassinés. C’est pourquoi nous comprenons bien en tant que personnes issues de l’Amérique latine, mais aussi tous les citoyens du monde, que c’est notre responsabilité. Quelles sont les responsabilités de l’État canadien et du Québec vis-à-vis la situation des droits humains en Colombie ? La Caisse de Dépôt du Québec investit dans des mégaprojets sans se préoccuper de ce qui se passe sur le terrain. Aussi, le soutien au développement des affaires du gouvernement du Canada a prêté de l’argent pour permettre ces investissements dans le barrage hydro-électrique Ituango sur le fleuve Cauca. Isabel Zuleta va nous donner davantage d’information à ce propos. L’ex-président colombien, Alvaro Uribe a plus de 200 chefs d’accusation contre lui pour son implication dans un massacre de civils. De plus, il est responsable d’une politique criminelle qui a tué des personnes. (L’ancien président Uribe possède des sociétés minières inscrites à la bourse de Toronto comme des entreprises canadiennes.) Nous avons l’espoir de pouvoir changer les choses. C’est pour cela que nous sommes ici ce soir. En terminant cette introduction, je tiens à remercier le CDAL, le Comité des droits humains en Amérique latine. Comme être humain, nous sommes capables de faire de belles choses et de changer cette situation. La responsabilité des Québécois et Québécoises, c’est de connaître, de savoir et de s’engager pour que cela change. Merci Jessica Ramos.     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je vous présente Isabel Zuleta. Avant de venir nous rencontrer, elle est passée par Vancouver, Kelowna, Saskatoon, Winnipeg et Montréal. Hier, nous avons eu une rencontre avec deux députés de Québec solidaire, Catherine Dorion et Vincent Marissal, et nous avons réussi à avoir un article qui a été publié sur le site de Radio-Canada. Mario Gil

Je vous remercie pour l’invitation dans ce lieu accueillant. C’est un sujet difficile à entendre et cet endroit est propice à l’écoute et aux échanges. Je voudrais vous parler à partir de mon senti, de mes émotions, de la douleur également que nous avons subie dans ma région d’origine. Le froid me rend moins cérébrale, c’est pourquoi je vais vous parler à partir de mon cœur. Je vais aussi raconter la passion que j’ai d’être une militante et la joie d’utiliser le terme militante, ce que je ne peux pas faire en Colombie. Dans mon pays, nous ne pouvons pas exprimer ce que nous ressentons et ce en quoi nous croyons parce que c’est risqué. C’est un risque de s’exprimer et aussi de s’organiser pour défendre nos convictions.

Nous avons commencé un processus d’opposition au mégaprojet d’Hydro Ituango parce que nous avons compris que si nous ne nous opposions pas à cette destruction et à la douleur que cela provoquait, il n’y aurait pas de solution. Ils nous ont toujours nié le droit que nous avions de nous opposer au projet. Ils savent très bien que sans opposition, il n’y a pas de conflit et sans conflit, il n’y a pas de solution envisageable. Depuis le début des premières mobilisations, la première chose que nous a dit EPM, l’Entreprise publique de Medellin, les maîtres d’œuvre et actionnaires du projet, c’est que si nous voulions recevoir des terres en compensation, nous de devions pas nous opposer. Cela nous a démontré l’importance de nous opposer et cela résume l’histoire de la Colombie où l’État interdit toutes formes d’opposition.

Le mouvement Rios vivos rassemble différentes organisations de pêcheurs, de paysans, des associations de femmes, des groupes de jeunes, et aussi une association d’orpailleurs traditionnels. Ces derniers extraient l’or des alluvions que l’érosion apporte à chaque année de la montagne au lit de la rivière. Je vais vous parler des impacts économiques, sociaux, environnementaux, culturels, du projet Hydro Ituango sur les modes de vie traditionnelle des populations locales. Je voudrais également vous parler de la violence sociopolitique qui accompagne la réalisation de ce projet. Le Rio Cauca est constitué par un canyon profond qui serpente dans une région montagneuse. C’est le second fleuve en importance de Colombie, mais il n’est pas navigable dans cette région. Avant les travaux, lorsque le fleuve s’écoulait librement, on pouvait très bien apercevoir le cycle de l’eau. La vitesse du fleuve lorsqu’il pénètre dans le canyon détermine le régime des vents. C’est l’une des luttes que nous avons perdues. En construisant le barrage, ils ont enlevé le vent puisque dans les études d’impact environnementaux, il n’était pas pris en compte. Même chose pour les millions d’espèces microscopiques. Les oiseaux non plus ne sont pas pris en compte, seulement les espèces les plus communes. Ils n’ont donc pas tenu compte de la biodiversité du territoire, ni de sa diversité culturelle. Pour les promoteurs, les communautés humaines n’existent pas sur ce territoire. Les études de 2006 vantent le projet en raison de sa capacité de production d’une électricité non polluante, abondante et peu dispendieuse. Ils prétendaient que le coût par kilowatt serait le plus faible du continent parce que le territoire était inhabité. Ils ont choisi de construire la barrage dans le canyon à l’endroit où le fleuve est le plus étroit, parce que cela leur permettait d’économiser sur les coûts. Mais, dans ce canyon se trouvent huit failles géologiques et elles sont toutes actives.

De même, les nuages sont devenus plus présents après qu’ils aient inondé une partie de la vallée. Cela a affecté le microclimat du territoire, son taux d’humidité, et les espèces qui vivaient près du lit du fleuve ont migré vers le haut de la vallée en raison de la disparition du couvert forestier et l’inondation des terres basses. Aujourd’hui, les animaux sauvages mangent les cultures des paysans et les autorités accusent ces derniers de détruire l’environnement. Elles prétendent que ces mammifères étaient disparus, car elles ignoraient complètement leur présence sur les berges du fleuve. C’est la destruction que le projet Hydro Ituango a provoquée.    

Dans cette région, le Cauca possède des pentes très abruptes, jusqu’à 90 degrés d’inclinaison. C’est pourquoi ils ont dit que ces terres ne valaient rien car il était impossible d’après eux de vivre dans un tel environnement. Mais les gens du canyon savent comment vivre sur ce territoire. Ils vivaient dans une forêt tropicale, un écosystème en péril sur la planète. Les forêt tropicales ne représentent plus que 8% de la surface de la Terre et en Colombie seulement 1%. Cette forêt résiste bien à la sécheresse, elle peut demeurer un mois sans recevoir de pluie. Les rares paysans qui possédaient des titres de propriété ont été dédommagés au quart de la valeur de ces terres. Les autorités ont prétendu que ces terres étaient peu cultivables et que pour cela elles ne valaient rien. Nous avons commencé à nous organiser et à faire des manifestations et des assemblées populaires. Le mouvement a réellement démarré lorsque nous avons commencé à nous parler sur les places publiques des différentes communautés. Le mouvement est aussi né de nos célébrations et de nos fêtes en prenant un verre ensemble. Notre mouvement est né de l’indignation que nous avons ressentie lors des déplacements forcés. Les policiers sont venus expulser les gens de force, ils ont brûlé leurs maisons et ils ont lancé leurs outils de travail dans le fleuve.

J’ai étudié à l’Université de Medellin en sociologie. Quand j’ai dit que je devais informer ma famille et ma communauté du projet en préparation, un professeur m’a répondu que les gens de la ville sont ceux qui savent penser et que les gens de la campagne étaient des ignorants. Il m’a invité à participer à un forum sur cette question parce qu’il savait que je venais da la commune d’Ituango, pour discuter du projet. À partir de ce moment, j’ai su qu’ils étaient en train de décider l’avenir de mon territoire sans consulter ou informer les gens sur le projet. Les gens de la ville sont encore en train de décider à notre place. Qui plus est, cette attitude de supériorité des universitaires et des gens de la ville se perpétue dans tous les processus d’aménagement du territoire à travers le pays. Ils me dirent que le projet ne pouvait pas être débattu, le seul objet de la discussion portait sur le choix de l’entreprise qui allait exécuter les travaux. C’est alors que j’ai pris la décision d’abandonner l’université pour aller rejoindre les gens de mon territoire pour me joindre à la lutte. La première mobilisation qu’un paysan et moi avons organisée, consistait à bloquer une route empruntée par la machine lourde pour entreprendre le projet. Après cette première mobilisation, les orpailleurs commencèrent à se joindre à nous. Ces derniers ne sont pas des sédentaires et ils semblent invisibles aux yeux des autorités. Les chercheurs d’or racontent qu’il s’agit d’une récolte et que le fleuve leur indique le moment propice. Lorsqu’ils ont raconté l’argent qu’ils faisaient en pratiquant l’art traditionnel de l’orpaillage, l’entreprise les a traités de menteurs.            

L’entreprise leur a dit que s’ils faisaient autant d’argent, ils devraient posséder une maison et une voiture, leurs possessions devraient démontrer leurs revenus. Mais ces gens n’accumulent pas d’argent, leur ambition est autre, ce n’est pas d’avoir un compte en banque. La plupart ne savent ni lire ni écrire. Ils aiment beaucoup faire la fête et la majorité de l’argent va dans l’achat d’alcool qu’ils distribuent généreusement. Alors l’entreprise a dit que j’étais soutenus par des alcooliques, mais moi je les aime et je ne les juge pas. Maintenant, les autorités font pression sur eux pour qu’ils ouvrent des comptes en banque et qu’ils démontrent leurs gains. Nous avons commencé une lutte très importante pour que leur technique d’extraction aurifère soit reconnue comme patrimoine culturel immatériel de la nation, mais aussi en raison de leur connaissance de la forêt et du fleuve qu’exige la pratique de cette activité, ainsi que les découvertes archéologiques de cette activité dans la région depuis 2400 ans. De fait, cette pratique est bien plus ancienne que la conquête espagnole. C’est une technique, qui selon le Ministère de la culture, pourrait remettre en cause la grande extraction minière parce qu’elle n’emploie aucun produit chimique tout en parvenant à séparer l’or des sédiments. Cela se fait avec une méthode naturelle. Pour les ancêtres, l’or servait à rendre hommage aux dieux, il ne servait pas comme instrument d’accumulation de la richesse. Seulement une personne par famille, un homme, reçoit l’enseignement pour pratiquer cet art.  

Les femmes souffrent beaucoup de la précarité instaurée par les autorités pour expulser les habitants du fleuve. L’une d’elle a été délogée à six reprises, en plus ils ont assassiné ses deux frères et son mari est porté disparu. Cette femme mène la lutte pour la recherche des disparus afin de pouvoir au moins leur offrir une sépulture décente où les familles puissent leur rendre hommage. Cette recherche préserve aussi l’espoir de retrouver des personnes détenues de manière non officielle et qui seraient toujours vivantes. Avant, quand la police arrivait, les gens allaient s’établir ailleurs. Mais maintenant, en raison de l’inondation des terres par le barrage, il n’y a plus d’endroit où aller pour vivre et gagner leur vie parce qu’on ne peut pas vivre sous l’eau. La majorité des personnes qui appartiennent au mouvement et la population en général, sont également victimes du conflit armée. Alors, nous sommes doublement victimes maintenant de la violence provoquée par les évictions en raison de la construction du barrage. Lorsque la police déloge les gens, ils les abandonnent au bord du chemin sans aucun recours pour refaire leur vie.

Nelson Gerardo est le premier leaders du mouvement Rios vivos qui a été assassiné. (En raison des déplacement, le mouvement est devenue une communauté.) Il venait du même village que moi. Nous nous étions déplacés ailleurs parce que l’armée nous menaçait à cause des manifestations que nous organisions. Pendant huit mois, nous avons occupé l’Université d’Antioquia à Medellin pour faire pression sur l’administration départementale, l’actionnaire majoritaire dans le projet. Avant de rentrer chez-nous le gouverneur de la région à cette époque, Sergio Fajardo qui se présente comme un homme cultivé, a donné l’ordre de ma capture. Quand ils sont venus pour me prendre, ils étaient 25 hommes de l’escouade anti-émeute. Nous les appelons la police de la mort. J’étais au milieu d’une marche de protestation et ils m’ont encerclée, sauf que toute la manifestation est venue à ma défense. Ils m’ont jeté dans un camions et tout le monde a grimpé dans le camion en criant : « Ils vont la tuer!» 

Alors ils ont du arrêter 80 personnes et cela m’a probablement sauvé la vie. C’est à ce moment que j’ai compris l’importance de la mémoire collective. Les crimes de ceux qui nous accusent, c’est d’entraver la vie en l’opposant au développement. Ils prétendent que nous empêchons les forces de l’ordre d’exercer leur autorité. En Colombie, les fleuves sont des fleuves de sang où ils font disparaître les cadavres. Le pont Pescadero sur le fleuve Cauca était un lieu de mémoire parce que c’est à cet endroit qu’ils jettent les corps de leurs victimes. Les forces de l’ordre, les militaires, les paramilitaires et les escadrons de la mort, ont utilisé cette technique qui consiste à faire disparaître les corps pour que les morts ne parlent pas. Comme cela, il n’y a pas d’enquête criminelle.     

La communauté possède une conception éthique ancestrale selon laquelle les morts doivent être enterrés et qu’ils ne peuvent pas être sous l’eau. Alors ils récupèrent les corps qui ont été jetés dans le fleuve pour les enterrer sur les rives en espérant que leur famille les retrouvent un jour. C’est comme cela que le mouvement commença, en plus de mener une lutte pour leurs droits culturels et environnementaux, une lutte pour les morts. Les fossoyeurs comme nous les appelons, qui sont des pêcheurs dans la vie quotidienne, étaient très angoissés à l’idée qu’on inonde les berges du fleuve pour remplir le réservoir. Ils s’inquiétaient que ces morts se retrouvent à nouveau sous l’eau. Quand les machines sont venues pour détruire le pont et la forêt qui s’y trouvait, les femmes sont allées manifester parce que lorsque ces morts furent enterrés, les arbres servaient de point de repère. Toutefois, malgré toutes les luttes que nous avons menées, ils ont construit un campement au-dessus d’une fosse commune qui contenait dix corps. Ceux-ci n’avaient pas été réclamés par leur famille puisqu’ils provenaient des groupes paramilitaires et qu’elles avaient peur de subir des représailles. Cet endroit a toujours été considéré par la population locale comme un lieu de mémoire pour aller prier les morts. C’est pour cela que la perte de ce lieu a fait souffrir la communauté. Nous avons souvent demandé à l’Église catholique d’y célébrer une messe ou des moment de prière, mais ils ont toujours refusé de le faire en prétendant qu’ils étaient en faveur du développement.

L’an dernier, ils ont fermé deux tunnels de dérivation et ont commencé à inonder le réservoir sans avoir complété l’ouvrage, ni avoir évacué les habitants en amont. Ils ont commencé à inonder les communautés, mais la puissance de l’eau a détruit l’unique tunnel de dérivation qui restait. L’eau a alors commencé à monter rapidement jusqu’au haut du mur de rétention de l’ouvrage qu’ils n’avaient même pas terminé de construire avec le risque de déclencher une avalanche pouvant noyer 300 000 personnes en aval. Ils décidèrent alors d’élever un mur d’urgence qui n’avait pas la qualité du mur qui était prévu à cette fin. L’eau a inondé la chambre des machine et a détruit les turbines. L’obstruction du tunnel de dérivation a déclenché un effondrement à l’intérieur de la montagne de 70 mètres par 40. Les gens de la communauté disent que le fleuve est très fâché. Pendant quelques heures, le tunnel s’est débouché et il a tout emporté en aval. Le pont, les maisons, l’école et la clinique, n’ont pas résistés à cette furie. Les autorités ont évacué 7 000 personnes qui ont tout perdu et jusqu’à ce jour, ils n’ont pas été dédommagés pour les tords subis. La zone a été déclarée à haut risque et c’est toujours le cas deux ans plus tard. À cause de cela, ils ont décidé de fermer la chambre des turbines afin de ne pas générer d’autres fuites dans le barrage. Mais privé de son courant habituel, le fleuve se meurt.   

Ils ont tué des milliers d’espèces et c’est pour cela qu’il n’y a plus de poissons. Le bas du barrage est asséché et la vie s’en est allée. Ils nous disaient que nous exagérions lorsque nous disions qu’ils allaient tuer le fleuve avec ce barrage et maintenant c’est ce qui se produit. Mais le fleuve ce n’est pas seulement de l’eau, se sont aussi tous les sédiments qui sont retenus derrière le barrage. C’est aussi la température, la vitesse, les méandres et tous les nutriments produits par les végétaux qui sont morts à cause du réchauffement de l’eau. Quand ont baisse le niveau de l’eau d’un grand affluent, il se produit un phénomène physique de succion qui fait descendre le niveau de l’eau dans les autres affluents en aval. Comme si le fleuve aspire les affluents en appelant l’eau. Également, la nappe phréatique et les lacs se vident. C’est un écosystème qu’ils n’ont pas étudié dans son ensemble, mais seulement partiellement. C’est pour cela qu’ils n’ont pas su prédire ce qui allait se produire. De plus les arbres qui ont été abattus dans la forêt du canyon dégagent la leishmaniose, une maladie redoutable qui attaque la peau des êtres humains. La décomposition des végétaux est associée à cette maladie infectieuse. Dans les zones tropicales, cette maladie se propage suite à la construction de barrages. Dans la commune de Savana Larga, il y a plus de 250 personnes infectées dont 5 en sont décédés. Tous les phénomènes qui se sont produits depuis l’érection du barrage ne sont pas reconnus par les autorités qui nous demandent des preuves de ce que nous affirmons, mais nous n’avons pas les moyens financiers ou scientifiques pour le démontrer. (En cas de pollution environnementale, c’est toujours aux victimes qu’on demande d’établir la preuve.)

Nous avons fait appel en justice et un juge a ordonné que des études sur la stabilité du barrage soient menées, mais toutes les universités de Colombie se sont déclarées en conflit d’intérêt parce qu’elles avaient reçu des contrats de l’entreprise en question. L’État colombien nous a répondu qu’il n’avait pas la capacité d’évaluer la solidité de l’ouvrage. Le vérificateur général de la république a évalué que l’argent investit dans le projet ne serait récupéré que dans 114 ans. Ils ont laissé la forêt et la matière végétale sous l’eau, ce qui produit du méthane, un gaz qui contribue 20 fois plus que le CO2 à l’effet de serre et ils continuent de prétendre que c’est un projet vert. En effet, le fleuve est vert maintenant grâce à las présence d’une algue qui étouffe la vie. Au commencement, ils disaient qu’uniquement douze municipalités seraient affectées par ce projet, l’urgence révéla qu’elles étaient vingt-sept.

Ce barrage a été érigé au prix du sang de nombreuses victimes. Les massacres se poursuivent en Colombie même si leur fréquence a diminué. Pour la seule région affectée par le barrage Hydro Ituango, on recense 64 massacres (novembre 2019). Selon le Centre national de la mémoire historique, le chiffre officiel des personnes assassinées dans cette région pour s’être opposé à ce projet est de 2 765. Le taux d’impunité des disparitions forcées dans la région est de 99,4%. Ce phénomène encourage les assassins. Mais notre territoire n’est pas seulement à risque en raison d’Hydro Ituango, il l’est également à cause d’un projet minier de la Continental GOLD, une entreprise minière canadienne. En Colombie, il y a beaucoup de gisements d’or entre la Cordillère centrale et la Cordillère occidentale qui avivent la convoitise des sociétés minières pour s’accaparer les concessions dites stratégiques. Dans les basses terres, on trouve également du pétrole que les sociétés étrangères veulent exploiter. En asséchant le fleuve, ces gisements pétroliers sont plus accessibles désormais.              

Avec toutes ces menaces que la population reçoit, on s’aperçoit que ces différents secteurs: hydro-électrique, minier et pétrolier, conjuguent leurs efforts pour que les gens abandonnent leurs terres. De plus, cette région située près de Panama est un endroit stratégique en raison de la courte distance entre la mer Caraïbe et l’océan Pacifique. À travers l’histoire, le contrôle de ce territoire a été l’objet de disputes entre des groupes armée, légaux et illégaux, pour le trafic d’armes et la cocaïne. Il y a toujours des groupes hors-la-loi et aujourd’hui, c’est pire que jamais.   

Le Bloque Mineros est le groupe paramilitaire qui a été le plus actif sur ce territoire. Il basait sa renommée sur le démembrements des corps humains. Dans les analyses de leurs déclarations devant la justice, ils ont  confessé qu’ils utilisaient la pratique d’immersion des corps de leurs victimes pour les faire disparaître. Ils ont construit leur propre cimetière à proximité du fleuve. C’est pourquoi nous devons protéger non seulement les corps récupérés par la population, mais également les endroits où ces criminels ont enterrés leurs victimes. De plus, le Bloque Mineros commença à exercer une forte pression sur la population et quand ils pénétraient dans la zone, ils disaient qu’ils avaient pour mission de vider le territoire pour permettre le développement. Merci beaucoup. Isabel Zuleta            

 

Échanges avec le public

1) Comment les investissements étrangers affectent la population et l’environnement en Colombie ?

2) Après les Accords de paix, est-ce que vous avez constaté des changements, avez-vous de l’espoir ?

3) Qu’avez-vous à dire de la situation en ce qui concerne l’assassinat des leaders sociaux en Colombie? Comment se protègent-ils? Mario Gil

Ce fut très difficile de savoir qui étaient les investisseurs derrière le projet d’Hydro-Ituango. Ils ont toujours prétendu qu’il s’agissait d’un projet public, mais ce qui finance ce projet, c’est la dette publique. Cela génère un grand endettement pour l’ensemble des Colombiens et des Colombiennes. Le business de la dette publique est difficile à comprendre parce que les informations ne sont pas disponibles en espagnol. Nous avons déposé une plainte à la Banque interaméricaine de développement, la BID, lorsque nous avons appris que cette banque finançait plus de 50% du projet. Nous avons aussi appris qui étaient les autres banques qui avaient investi des fonds, surtout des banques européennes, la Banque Santander d’Espagne, la BVP Paribas de France et de Belgique, la KFAW d’Allemagne, la Banque national du Brésil, la Caisse de dépôt et placements du Québec et le Fonds pour les exportations du Canada. Il est très difficile de connaître l’origine des investissements qui endommagent l’environnement et affectent les gens. Par contre, ce que nous savons c’est que ces investissements financent le conflit armé. Hydro-Ituango a construit quatre bases militaires avec l’argent des investisseurs pour protéger le projet. Tous les barrages électriques en Colombie ont des bases militaires pour les protéger. On appelle ces troupes : « bataillons miniers énergétiques » parce que les sociétés minières possèdent leurs propres bataillons.                 

Ce que nous voulons savoir, c’est si cela constitue véritablement un investissement en infrastructure ou dans la guerre. Nous ne savons pas encore à quoi sert l’argent de la Caisse de dépôt. Ils détruisent l’environnement, mais ils oublient que les êtres humains font aussi partie de celui-ci. Ils voient la nature sans êtres humains. Nous considérons que nous faisons partie de l’environnement puisque nous sommes parvenus à habiter ce territoire et à y tirer notre subsistance sans lui porter atteinte. N’importe quel projet qui affecte et viole les droits humains, engendre des impacts environnementaux. Notre relation avec le milieu qui nous environne affecte tous les êtres humains. Ce ne sont pas tous les êtres humains qui détruisent l’environnement, ce sont ceux qui recherchent le profit à tous prix.        

Sur la deuxième question, la signature des Accords de paix a été le jour le plus heureux de ma vie et la fête que nous avons faite était une célébration de l’espoir. Mais l’an dernier, les bombardements ont recommencé. Nous avons l’impression que toujours ils viennent nous enlever l’espoir, mais nous savons que malgré le fait que ce monstre veut nous l’arracher, la seule façon de demeurer vivant c’est de continuer d’espérer et d’avoir la joie dans notre cœur. C’est pourquoi nous avons appuyé les négociations de paix et nous avons fait un grand effort pour aller aux manifestations d’appui. Aujourd’hui, nous sommes allés devant le Commission de justice et de réparation pour la vérité et la paix en Colombie qui est un espoir pour protéger les sites où nos morts sont enterrés. Cette commission a donné des résultats concrets dans notre cas. Ils ont demandé l’aide des légistes de l’Université d’Antioquia qui ont exhumé 350 cadavres pour les déplacer dans un nouveau site officiel. Isabel

C’est une commission de la vérité sur ce qui s’est produit pendant le conflit armé, son second volet est de retrouver les personnes disparues et assassinées. Ils n’ont pas de pouvoir judiciaire cependant. Les victimes peuvent venir témoigner, mais ce ne sont pas des dépôts d’accusations formelles. Le troisième volet concerne la justice spéciale pour la paix, on recueille les témoignage des acteurs de la guerre qui en échange de la vérité vont avoir la liberté. Les gens du mouvement Rios vivos témoignent dans ce processus afin d’avoir une mémoire de leurs victimes. Mario Gil  

L’entreprise Hydro-Ituango a toujours prétendu que la Commission de la vérité n’avait pas la compétence pour traiter du projet hydro-électrique qui n’était pas une conséquence du conflit armé. Nous avons répondu que oui parce que nous avons vécu tout cela conjointement. Nous n’avons pas à prouver la relation directe qui existe entre conflit armé et le projet de développement hydro-électrique parce que ce sont dans les mêmes corps que se sont produits tous ces phénomènes. Alors certains points des Accords de paix nous donnent espoir tandis que d’autres nous apportent beaucoup de désillusions avec l’impression que rien ne changera jamais. Il est maintenant possible d’apercevoir les conflits socio-environnementaux parce que la guerre civile masquait tout. Les puissants de mon pays ne veulent pas que le conflit agraire devienne visible, ni celui sur les inégalités sociales et la faim. C’est pourquoi ils poursuivent la guerre. Isabel                    

Les leaders sociaux ont toujours été assassinés en Colombie et cela continue. Dans l’étude d’impact environnemental d’Hydro-Ituango, il est écrit clairement qu’il n’y a pas de possibilité que la population s’oppose au projet parce que la majorité des leaders sociaux de cette région avaient été assassinés. L’étude a une posture idéologique, ils y font mention de l’AOC, l’armée d’auto-défense de Colombie, un groupe paramilitaire, comme étant ceux qui protègent la population (sic.). Alors comprendre pourquoi ils assassinent les leaders sociaux, c’est comprendre le problème de l’impossibilité de nous opposer que nous avons en Colombie et la nécessité que les choses changent. Les puissants refusent tout changement, c’est pourquoi ils font disparaître les possibilités de changement que représentent les leaders sociaux. Le processus de paix a permis de rendre visible ces assassinats. Aujourd’hui, le décompte se fait, auparavant, pendant le conflit armée, ils ne nous comptaient pas.

Nous avons demandé des mesures de protection auprès de la Commission interaméricaine des droits humains. Aujourd’hui, la communauté de Rios vivos bénéficie de mesures de protection collectives. Nous avons du accepter celles de l’État parce qu’il n’y en avait pas d’autre. J’ai quatre gardes du corps qui me protègent en permanence, mais personne n’escorte les autres membres de la communauté qui sont 1 200 personnes. Nous avons demandé à l’État de mettre en place des mesures qui découragent la stigmatisation des militants. Ces signalements et dénonciation de nos actions de résistance sont le fait des fonctionnaires publics. (Pendant la guerre toutes actions de mobilisations étaient catégorisées comme acte subversif et être sympathique avec l’ennemi était passible de mort.) Ce sont ces fonctionnaires qui mettent nos vies en danger en nous signalant comme opposants aux grands projets de nature industrielle. Comme le projet est arrêté depuis l’an dernier, ils disent que c’est de notre faute ou de la nature. Ils ne sont pas capables d’assumer leur responsabilité dans le désastre que le projet a provoqué. Nous sommes convaincus que la protection que nous recevons de la part de l’État est due à la solidarité internationale. C’est pour cela qu’ils ne nous ont pas tous éliminés encore. Quand nous avons reçu une menace collective qui disait qu’ils allaient tous nous tuer, nous avons lancer un appel à la solidarité internationale pour exiger de l’État colombien une meilleure protection pour la communauté.

Nous réalisons également nos propres mesures collectives d’autodéfense. Nous avons créé un refuge humanitaire où habitent deux des familles les plus menacées. Nous avons besoin de la solidarité internationale pour acheter la terre où nous sommes installés après les multiples déplacements que les gens ont subis. Nous souhaitons y vivre selon nos modes de vie ancestraux pour ce qui est de la construction des habitations et de l’agriculture. Les maisons en terre battue que nous construisons sont à l’épreuve des balles. Nous vous demandons de continuer à faire pression sur l’ambassade de Colombie à Ottawa. Il faut continuer à faire pression sur l’État colombien depuis l’étranger. Cela démontre que nous existons et que notre disparition éventuelle ne passera pas inaperçue à l’échelle internationale. Leur première attitude c’est que la communauté de Rios vivos ne devait pas exister. Cesser d’exister c’est cesser d’être nommé. Chaque fois que vous mentionnez le nom de notre communauté dans vos communications avec l’État canadien ou colombien, vous nous donnez vie. C’est pourquoi il est si important qu’on nomme le nom de cette communauté installée là-bas, en lutte pour son territoire. Isabel

C’est pourquoi nous vous demandons d’interpeler l’ambassade de Colombie au Canada, de leur parler de nous et d’exiger de l’État colombien la sauvegarde de notre vie. Est aussi fort important les appels que nous faisons auprès des autres États qui ont des relations avec la Colombie et des instances internationales comme les Nations-Unies ou la Cour interaméricaine des droits humains. Les gouvernements étrangers doivent se sentir concernés par notre sort et s’impliquer dans les problèmes que nous vivons. Si le gouvernement canadien a des investissement dans mon territoire, cela signifie également qu’il a des responsabilités envers nos vies. Nous considérons que là où sont investis les intérêts économiques d’un pays, ce gouvernement acquiert aussitôt des obligations à l’endroit des populations affectées par ces méga projets de développement ainsi qu’envers les leaders et les opposants à leurs investissements (Développement d’un nouveau droit international). Ainsi, nous ne sommes pas que des opposants du gouvernement colombien pour ces méga projets, mais également aux investissements que le Canada et les sociétés canadiennes font en Colombie. C’est pourquoi, le Canada est aussi responsable de notre protection. Isabel

Yves Carrier du CAPMO va nous donner son point de vue sur ce qui a été présenté par Isabel Zuleta. MG

Bonsoir, tout d’abord je ne suis pas un spécialiste de la Colombie, mais ce que j’en sais c’est qu’à travers toute la désinformation que nous recevons dans nos médias à propos de l’Amérique latine, la pire situation des droits humains, depuis une soixantaine d’années, c’est en Colombie. En comparaison, même le Guatemala et le Salvador passent pour des jardins de paix. Ensuite, étrangement, le Canada est associé à la Colombie dans le Groupe de Lima qui critique la situation démocratique au Venezuela. De plus, la Colombie est désormais membre de l’OTAN. C’est le premier pays d’Amérique latine à y être admis. Il faut savoir que cela inclut un devoir de mutuelle assistance en cas de conflit armé avec un autre pays. Si jamais la Colombie se prétend attaquée par le Venezuela, le Canada peut être contraint d’y déployer ses forces militaires. On peut se poser de nombreuses questions à ce propos. Aussi, nous avons signé un accord de libre-échange avec la Colombie. Habituellement, notre gouvernement traite les dirigeants colombiens, des gens associés au crime organisé, comme des personnes très fréquentables et normales. Sauf que si nous prenons la peine d’observer ce qui se passe là-bas, c’est loin d’être le cas. Si nous devons frapper sur un seul clou pour l’enfoncer, c’est sur la situation des droits  humains en Colombie pour éveiller nos gouvernements à leur complicité passive avec ce qui s’y passe. Faire affaire avec un tel gouvernement, c’est salir la réputation internationale du Canada et de tous ses citoyens et citoyennes. La Colombie n’est pas un État de droit. Le conflit armée y a fait plusieurs centaines de milliers de morts et cela n’est pas encore terminé. J’ai accompagné les ex-combattants au Salvador et une communauté autochtone au Guatemala après les signatures des accords de paix. Ce qu’on oublie souvent, c’est qu’en signant des accords de paix, les ex-combattants ont droit à des compensations pour les aider à réintégrer la vie civile. Alors ils doivent donner leur nom, leur photo et leur adresse pour recevoir ces aides. À partir du moment où ils sortent de la clandestinité, il est très facile de les éliminer un par un, eux et leur famille.L’histoire récente de la Colombie avec le génocide des membres d’une autre guérilla, l’Union patriotique, démontre comment les forces armées de ce pays agissent. Dans les années 1990, l’Union patriotique a négocié un accord de paix avec le gouvernement colombien et ils avaient demandé à devenir un parti politique reconnu comme les autres ayant le droit de présenter des candidats aux élections nationales. Tous les candidats et les candidats, 5 000 personnes à l’époque, ont été assassinés avant les élections. Présentement, il vient d’y avoir des élections en Colombie et des candidates à la mairie de petites villes se font assassiner. Si personne ne les arrête, c’est vers ce genre de violence politique que le néolibéralisme nous amène. À mes yeux, la Colombie représente le paroxysme du néolibéralisme où il n’y a pas d’État de droit, où seul le capital importe et où ceux ou celles qui s’opposent sont éliminés. Je tiens à remercier Isabel Zuleta pour son témoignage qui m’a beaucoup ému. Yves Carrier

Je suis militante du Parti communiste de Colombie et de l’Union patriotique. Nous ne sommes pas des guérilleros. J’aimerais parler des accords de paix entre le gouvernement de Juan Manuel Santos, l’ancien président, et les Forces armées révolutionnaire de Colombie, FARC. Quelle est l’importance de ces accords de paix? Nous ne parlons pas que d’un conflit armé vieux de soixante ans, mais d’une guerre des élites contre le peuple colombien qui durent depuis des siècles. Avant le début de ce conflit en 1960, nous venions de terminer une guerre civile entre libéraux et conservateurs en raison de l’assassinat du candidat à la présidence Jorge Gaitan le 9 avril 1948. Avec les accords de paix, on parlait d’une réforme agraire, c’est le premier point. Pour la première fois dans notre histoire, l’État s’est engagé à redistribuer des terres aux  paysans. C’était l’une des premières causes du conflit armée en Colombie. Le second point des accords de paix, c’est la participation populaire. Nous avons une histoire politique très conservatrice avec de nombreux liens avec la religion catholique. Donner la parole aux gens a signifié pour eux la possibilité de dire ce qu’ils voulaient sans peur d’être réprimés. Cela a beaucoup aidé. C’était la première fois dans notre histoire que nous pouvions parler. Nous sommes des militants et des démocrates même si nous croyons aux valeurs du Parti communiste. Est-ce que le fait d’être communiste, libéral ou homosexuel, est une raison pour mourir ? Le troisième point, c’est la fin du conflit armé. Nous Colombiens, nous ne connaissons pas ce que c’est que de vivre dans un pays en paix. Le quatrième point traite de la culture de la coca. Comment se libérer du narco-trafique? C’est une problématique, mais ce n’est pas le principal problème dans mon pays. Selon les médias d’information, c’est le seul et unique problème que nous avons. Avant, ils disaient que c’était la guérilla, tout ce qui ne fonctionnait pas c’était à cause d’elle. Quel est le véritable problème? Il n’y a pas de travail pour tous, il n’y a pas de terres disponibles, il n’y a pas de nourriture. Le cinquième point traite des victimes du conflit armé et des huit millions de personnes déplacées de force (une personne sur six en Colombie). Dans le monde, c’est le pire cas de personnes déplacées internes à cause d’un conflit armé. Le sixième point concerne l’implantation et la supervision de la mise en œuvre des accords de paix. À mes yeux, le président actuel ne l’est pas véritablement. Depuis la signature presque rien n’a été fait. Plus de 800 leaders sociaux ont été assassinés et plusieurs centaines d’anciens combattants des FARC ont subi le même sort. Nous sommes en Amérique, nous habitons sur le même continent que vous. Avec les autochtones, nous partageons la même terre. Le problème c’est qu’il faut changer tout le système qui est patriarcal, capitaliste et néocolonialiste. C’est notre devoir de faire quelque chose. Jessica Ramos      

* Je tiens à féliciter Isabel pour son courage. C’est un miracle que vous soyez toujours en vie. La Colombie est un pays hyper violent. Cela m’a fait beaucoup de peine d’entendre que des personnes aussi courageuses se font assassiner. L’un de mes frères est disparu, des amis aussi. Nous sommes 48 millions d’être différents, pourquoi nous ne respectons pas davantage la vie des autres. Nous sommes un peuple hypocrite, nous n’avons pas été capables d’intégrer les différences. Nous sommes intolérants, qu’il s’agisse de gens de droite ou de gauche, religieux ou athées, hétéro ou homosexuel. Nous voyons un danger dans les personnes différentes de nous. Si je suis de gauche, je me sens menacé par celui qui est de droite. Si je suis conservateur dans mes convictions, je peux quand même être une bonne personne, même chose pour un communiste ou un homosexuel. Ils nous ont éduqués comme cela, pour refuser la différence. En Colombie, c’est l’argent qui est au pouvoir, peu importe l’origine de la richesse. C’est à cause de cela que nous avons perdu toutes nos valeurs.  

* Je suis complètement bouleversée et indignée par ce que je viens d’entendre. En ce qui concerne les investissements de la Caisse de dépôt et de placement en Colombie, je pense qu’il y a une opportunité à saisir parce que le directeur général vient de donner sa démission. Le sujet est présent dans les médias et j’y vois une opportunité pour les questions que vous soulevez. Cela me semble un bon moment pour confronter moralement et éthiquement celui ou celle qui va prendre la direction.   

J’en profite pour dire que nous avons une campagne qui s’appelle : « Lavons les mains sales de la Caisse de dépôt et placement. » C’est sur le site du Projet accompagnement solidarité avec la Colombie, PASC ou sur le CDHAL, le Comité pour les droits humains en Amérique latine. Aujourd’hui, la Caisse nous a appelé pour nous rencontrer à Montréal, ce qu’ils avaient refusé de faire auparavant. Je vous invite à vous impliquer dans cette campagne. Pour conclure, je vais laisser Isabel prononcer les derniers mots. Mario Gil 

La stigmatisation des personnes me peine beaucoup parce qu’on m’a toujours dit que parce que je suis née sur ce territoire, j’étais une guérilléra. Les camarades que j’ai connus dans la lutte, parce qu’ils venaient d’autres régions, devaient être des paramilitaires. Mais nous ne sommes ni l’un ni l’autre et nous luttons pacifiquement. Nous sommes les gens du fleuve et de la montagne. À cause des sociétés minières canadiennes et des investissements dans le projet Hydro-Ituango, nous commençons à voir les Canadiens comme des destructeurs de l’environnement. Aussi, je me suis aperçue que cela se produisait ailleurs en Amérique latine. Dans l’esprit des gens, s’est généralisée l’idée que tous les Canadiens sont comme cela, ils représentent la destruction et la contamination de la nature. Sur mon territoire, ils sont aussi associés au para-militarisme jusqu’aux plus hauts échelons des entreprises. Je suis venue dans votre pays en me disant qu’il était impossible que tous les Canadiens soient de mauvaises personnes. Mon travail consiste à cesser la stigmatisation des peuples. Nous devons démontrer qui nous sommes et l’unique manière de le faire, de surmonter la crise planétaire, c’est la dignité. Il n’y a pas d’autre issu. La possibilité que l’humanité disparaisse sous la forme que nous lui connaissons est réelle et nous l’avons aperçue de plusieurs manières. Nous devons prioriser les luttes. Elles sont toutes importantes, mais nous faisons face à une urgence planétaire. La nature nous convoque à agir, à prendre des décisions urgentes. Nous devons faire ce qui doit être fait. Nous n’avons pas le choix parce que ne rien faire, c’est se faire complice de la destruction. Je vous remercie. Isabel Zuleta

Propos rapportés par Yves Carrier   

 

 

 

 

 

 

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